Médiathèque baha'ie

La grandeur qui pourrait être la leur
Les femmes: égalité, développement et paix

Contribution baha'ie au programme d'action de la Quatrième
conférence mondiale sur les Femmes (Pékin, Beijing - 1995)

Bureau de la Communauté Internationale Baha'ie
pour la condition féminine


Table des matières

1. INTRODUCTION
La religion, facteur de promotion de la condition féminine à tous les niveaux.

2. L'ÉDUCATION
L'éducation des filles : un investissement pour l'avenir.

3. LA SANTÉ
Les soins de santé de base et l'autonomisation des femmes.

4. LA VIOLENCE
Mettre fin à la violence à l'égard des femmes.

5. LES STRUCTURES ÉCONOMIQUES
Les femmes dans le secteur informel en Malaisie.

6. LE PARTAGE DU POUVOIR
Créer des structures juridiques et institutionnelles pour l'égalité des sexes : une loi et un principe baha'i.

7. LES MÉCANISMES DE PROMOTION DES FEMMES
Le projet UNIFEM / BAHA'I élève la conscience communautaire.

8. LES DROITS DE LA PERSONNE HUMAINE
Protéger les droits des femmes.

9. LES MÉDIAS
Les femmes et les médias audiovisuels : stratégies juridiques pour rehausser l'image des femmes.

10. LA PETITE FILLE
La petite fille : une préoccupation majeure.

11. APPENDICE
La condition de la femme dans la communauté baha'ie.

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Une réflexion sur l'ordre du jour et le programme d'action de la Quatrième conférence mondiale des Nations Unies sur
LES FEMMES : ÉGALITÉ, DÉVELOPPEMENT ET PAIX.

Publié en langue française par la Maison d'éditions baha'ies pour le Bureau de la Communauté internationale baha'ie pour la condition de la femme - Beijing, Chine - Août-septembre 1995

"AUSSI LONGTEMPS QUE LES FEMMES SERONT EMPECHÉES DE DÉVELOPPER AU MAXIMUM LEURS FACULTÉS, LES HOMMES NE POURRONT ATTEINDRE LA GRANDEUR QUI POURRAIT ETRE LA LEUR"
('Abdu'l-Baha , Causeries de 'Abdu'l-Baha à Paris, Maison d'Éditions Baha'ies, Bruxelles, 1987, p. 117)


1. INTRODUCTION

" L'ESPRIT DU TEMPS VEUT QUE LES FEMMES PROGRESSENT ET REMPLISSENT LEUR MISSION DANS TOUS LES DOMAINES DE LA VIE, DEVENANT AINSI ÉGALES AUX HOMMES. ELLES DOIVENT ETRE MISES SUR UN MÊME PIED D'ÉGALITÉ ET JOUIR DES MÊME DROITS. CECI EST MA TRES SINCERE PRIÈRE ET L'UN DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE BAHA'U'LLAH."
(J.E. Esslemont, Baha'u'llah et l'Ère nouvelle, Maison d'Éditions Baha'ies, Bruxelles, 1990, p. 160)

LA RELIGION, FACTEUR DE PROMOTION DE LA CONDITION DE LA FEMME À TOUS LES NIVEAUX
Janet A. Khan

Le programme d'action de la Quatrième conférence mondiale sur les femmes à Pékin souligne l'importance de la sauvegarde des droits de la femme, et met l'accent sur le partage des responsabilités et le partenariat entre hommes et femmes, comme principe fondamental de l'égalité, du développement et de la paix. Il établit un calendrier de l'égalité appelant à l'action immédiate en vue de créer un monde pacifique, développé et juste, fondé sur le principe de l'égalité et construit sur la force de la connaissance, de l'énergie, de la créativité et des talents de la femme, pour les personnes de tous âges et de tous milieux. Le programme d'action aborde ainsi les questions liées à la promotion de la femme d'un point de vue moral, et non purement pragmatique. Pour atteindre réellement ces objectifs, il faudra nécessairement que s'opèrent des changements de valeurs, de comportements et de procédures, et une modification des mécanismes internes du pouvoir et des structures organisationnelles de la société.

Traditionnellement, les grandes religions mondiales ont été des sources majeures de valeurs et de projets d'avenir, ainsi que des facteurs essentiels de socialisation. Les valeurs et principes spirituels qu'elles inculquent constituent non seulement la base d'une perspective unificatrice du monde, mais elles motivent également les individus et les institutions sociales à agir selon ces principes et à s'en servir comme étalon de mesure de leur action pratique.

Les valeurs religieuses ont un potentiel double - soit favoriser la solidarité humaine, soit intensifier les processus de division et de fragmentation sociale.

Historiquement, en effet, les religions ont joué un rôle très inégal en matière de promotion de la condition féminine. Si, au cours des premières années de leur existence, elles ont généralement eu tendance à encourager l'émancipation et la participation des femmes, elles les ont aussi, par ailleurs, radicalement tenues à l'écart et opprimées, en particulier lorsque les forces extrémistes prédominaient.

Nombreux sont les observateurs qui, tout en reconnaissant la pertinence et la pérennité des valeurs spirituelles universelles prônées par les religions, estiment néanmoins que leur application nécessite d'être réexaminées à la lumière de la mondialisation en cours, de même que le paysage social changeant et son impact sur les femmes. Pour illustrer ce discours, voyons comment la religion baha'ie envisage la question, elle dont le système de valeurs affirme catégoriquement l'égalité de l'homme et de la femme dans tous les domaines de l'entreprise humaine, et dont la communauté mondiale oeuvre activement à l'émancipation de la femme, en particulier dans les parties du monde où ses droits sont traditionnellement et constamment bafoués. Nous mettrons en lumière les principes moraux et spirituels dont le respect faciliterait, de notre point de vue, le nécessaire changement de valeurs requis pour la mise en Oeuvre effective du calendrier de l'égalité.

Reconnaître l'unité fondamentale de l'humanité est une condition préalable essentielle à l'évolution sociale et au bien-être futur de la terre et de ses peuples. Or, l'égalité des sexes fait partie intégrante de ce concept. Baha'u'llah, le fondateur de la foi baha'ie, a clairement prôné les droits de la femme, affirmant sans ambages que ... les femmes et les hommes ont été et seront toujours égaux aux yeux de Dieu. L'âme rationnelle n'a pas de genre, et les inégalités sociales qui ont pu être dictées par d'anciens impératifs de survie ne peuvent plus se justifier à une époque où les membres de la race humaine deviennent chaque jour plus interdépendants.

Le principe de l'égalité a de profondes incidences sur la définition du rôle des femmes et des hommes. Il pèse sur tous les aspects des relations humaines et fait partie intégrante de la vie familiale, économique et communautaire. L'application de ce principe doit forcément entraîner un changement dans de nombreuses coutumes et pratiques traditionnelles. Il rejette les définitions rigides des rôles, les modèles de domination et les décisions arbitraires, et accueille les femmes dans un partenariat complet dans tous les domaines de l'entreprise humaine. Il permet de faire évoluer le rôle de l'homme et de la femme.
Ce principe d'égalité influe également sur la façon de promouvoir la condition de la femme. Selon les écrits baha'is, l'humanité est semblable à un oiseau dont une aile représenterait la femme et l'autre, l'homme. À moins que ses deux ailes ne soient aussi fortes et aussi développées l'une que l'autre, l'oiseau ne pourra prendre son envol. Le développement de la femme est considéré comme vital au plein épanouissement de l'homme et comme condition préalable à la paix. Ainsi, les membres de la communauté baha'ie, hommes et femmes confondus, et ses conseils administratifs démocratiquement élus partagent-ils l'engagement ferme de mettre en oeuvre le principe d'égalité, tant dans leur vie personnelle et au sein de leur famille, que dans tous les aspects de la vie sociale et civique. Individus et organismes sociaux collaborent pour encourager le développement et l'émancipation des femmes ainsi que l'élaboration et la mise en place de programmes propres à favoriser leur développement spirituel, social et économique.

La religion baha'ie accorde une place primordiale à l'éducation comme moyen de promouvoir la condition féminine. Non contente de soutenir le principe de l'éducation universelle, elle donne la priorité à l'éducation des filles et des femmes là où les ressources sont limitées. En effet, seules des mères éduquées peuvent le mieux et le plus rapidement diffuser les bienfaits de la connaissance dans la société. Les baha'is préconisent l'adoption d'un même cursus scolaire pour filles et garçons, et encouragent les femmes à étudier les arts, les travaux manuels, les sciences et les métiers, et à accéder à tous les secteurs du monde du travail, y compris ceux qui sont traditionnellement réservés aux hommes.

L'éducation est considérée comme un moyen important pour rendre les femmes autonomes. Hormis l'acquisition du savoir et des valeurs morales, facteurs d'évolution sociale, l'éducation leur permet de se former l'esprit, d'acquérir un raisonnement logique et analytique, ainsi que des compétences en matière d'organisation, d'administration et de gestion, de se revaloriser et d'améliorer leur condition au sein de la communauté.

Le type d'éducation envisagé et activement encouragé par la communauté baha'ie renforce le rôle des mères et favorise l'esprit de coopération chez l'individu. Il prépare les femmes à participer à toutes sortes d'entreprises et leur fournit les compétences pratiques nécessaires au partage du pouvoir et de la prise de décisions. Les femmes sont présentes à tous les échelons du système administratif baha'i, avec une place éminente à l'échelon international, et elles siègent au sein des conseils baha'is nationaux et locaux de par le monde.

Le système de valeurs prôné par la foi baha'ie a donné lieu à l'émergence d'une communauté mondiale pleine de vitalité, soucieuse de [promouvoir] l'émancipation des femmes et d'améliorer leur condition. L'approche adoptée est réaliste et évolutionniste. À long terme, cette religion s'engage à mettre en Oeuvre des plans inspirés et soutenus par le principe de l'égalité des sexes, développés en concertation et avec l'entière participation des femmes, mis en oeuvre dans un esprit de coopération et bénéficiant de l'appui total de ses institutions administratives. Ce genre d'approche vise à reconstruire la société de fond en comble et milite fortement en faveur des objectifs du calendrier pour l'égalité tel que défini dans le Programme d'action.

* Janet A. Khan :
Après avoir obtenu son doctorat (Ph.D) à l'Université du Michigan en 1970, Janet Khan a travaillé en qualité de conseillère et spécialiste des programmes au Centre de formation continue des femmes de la même université jusqu'en 1976, date à laquelle elle est retournée en Australie pour prendre ses fonctions à la Faculté de psychologie de l'université du Queensland.
Depuis 1983, Dr. Khan sert au sein du département de la Recherche du Centre international de la foi baha'ie à Haïfa, en Israël. Auparavant, elle avait été présidente de l'Assemblée spirituelle nationale des baha'is d'Australie.



2. L'ÉDUCATION

"C'EST, SANS L'OMBRE D'UN DOUTE, PAR L'ÉDUCATION QU'ELLE AFFIRMERA SON ÉGALITÉ AVEC L'HOMME. "

('Abdu'l-Baha, The Promulgation of Universal Peace, Baha'i Publishing Trust, Wilmette, 1982, p. 137)

L'ÉDUCATION DES FILLES : Un investissement pour l'avenir
Communauté Internationale Baha'ie

(Déclaration de la Communauté internationale baha'ie présentée sous forme de document officiel, à la 39e session de la Commission des Nations unies sur la condition féminine, au point 2 de l'ordre du jour provisionnel, Thèmes prioritaires : Développement : promotion de l'alphabétisation, de l'éducation et de la formation, y compris dans le domaine technologique; New York, USA, 15 mars au 4 avril 1995. Numéro de document des Nations unies en suspens.)

Pendant 25 ans, soit la durée d'une génération, des données ont permis d'établir la corrélation entre un certain nombre d'indicateurs cruciaux, en matière de développement, et l'éducation des filles. De la diminution de la mortalité infantile, de la fertilité et de l'incidence du SIDA, aux améliorations apportées à l'environnement, il a été amplement démontré que c'est l'éducation des mères qui fait la différence (1), et que chaque année supplémentaire passée à l'école par une fille augmente les effets positifs dans ces domaines. Quand on en considère tous les avantages, on s'aperçoit que l'éducation des filles procure, en retour, un meilleur rendement que tout autre investissement possible dans le monde en développement (2). Ainsi, la décision de la 39e session de la Commission d'inscrire en point de mire, sous le thème prioritaire du développement, l'éducation des filles et des femmes, a été particulièrement bien accueillie par les baha'is, dont les enseignements appellent à un partenariat total et égal entre femmes et hommes.

Dans les écrits baha'is, il est question de trois types d'éducation : l'éducation matérielle, l'éducation humaine et l'éducation spirituelle. L'éducation matérielle concerne l'épanouissement et le développement du corps, autrement dit, enseigner aux gens comment améliorer leur bien-être physique, y compris une meilleure façon de se nourrir, une meilleure hygiène et une meilleure santé familiale, une plus grande capacité à gagner sa vie et à se procurer de la nourriture, un logement et des vêtements. L'éducation humaine touche à la civilisation et au progrès de ces activités essentielles qui distinguent l'humanité du monde animal, à savoir la connaissance du commerce, les arts et les sciences, l'administration et la politique. L'éducation spirituelle ou morale porte sur les valeurs et sert à former le caractère; c'est en grande partie de cette dernière que dépend l'usage qu'un individu fera de son savoir, quel qu'il soit.

En 1990, dans la déclaration de Jomtien publiée à l'issue de la Conférence mondiale sur l'ÉDUCATION Pour Tous (EPT), la communauté internationale a fixé des buts ambitieux à l'éducation matérielle ou fondamentale. Parmi ceux-ci, l'accès universel à une éducation primaire de bon niveau, qui munirait chaque enfant d'outils d'apprentissage de base comme l'alphabétisation, le calcul, et les compétences nécessaires à la résolution des problèmes. Un récent rapport de l'UNESCO sur les progrès enregistrés au travers de l'EPT dans 121 pays, montre que si 90% d'entre eux ont mené à terme les plans de l'EPT, 10% seulement ont planifié les ressources nécessaires pour remplir les objectifs de ces plans(3). C'est aux dirigeants du monde de s'engager à assurer l'éducation matérielle à ce niveau le plus élémentaire.

L'éducation scientifique, technique et civique que les baha'is englobent sous l'intitulé éducation humaine, est de plus en plus accessible dans les pays industrialisés au travers de l'enseignement secondaire et universitaire. Dans certains pays et dans certaines branches, après avoir suivi des études universitaires, les femmes sont plus cultivées que les hommes. Mais la modernisation a laissé de côté la majorité d'entre elles, et le XXe siècle risque de se clore sans que beaucoup d'entre elles y aient vraiment participé.

Quant à l'éducation spirituelle et morale, il n'en est guère question que dans les écoles paroissiales ou les institutions religieuses. La considérant comme dépourvue d'intérêt voire sans rapport avec l'éducation moderne, la plupart des pays développés évitent de s'en préoccuper et les donateurs internationaux ne la subventionnent que rarement. Elle est cependant le type même de l'éducation qui permet d'affirmer la dignité de l'esprit humain dans toute sa diversité et de régler la relation de l'homme au divin. Des valeurs universelles telles que la loyauté, l'honnêteté, la courtoisie, la générosité, le respect et l'amabilité disparaissent rapidement d'un monde de plus en plus belliqueux et fracturé. C'est l'éducation morale, ou la formation des caractères, contenue dans des programmes religieux ou laïcs, ou dispensée de manière informelle par des familles sages et aimantes ou des membres de la communauté, qui permet de transmettre aux générations suivantes, les valeurs d'une société et ce qui donne un sens à la vie.

Les baha'is valorisent ces trois types d'éducation. Les écrits baha'is encouragent les femmes à étudier toutes les branches du savoir humain et à participer, en partenaires et en égales des hommes, à tous les aspects de l'entreprise humaine. Il est ... clair, affirment les Écrits baha'is, ... que l'éducation des filles a des effets beaucoup plus importants que celle des garçons. Cette question est primordiale et doit être abordée avec l'énergie et la consécration la plus grande (4).

Donner aux filles une éducation de base a, entre autres, pour effet d'améliorer les conditions matérielles. Les études sur la question ont montré que, quel que soit le contenu du curriculum, l'école leur sert à résoudre des problèmes, à élargir leurs horizons et à profiter des connaissances de base généralement dispensées aux garçons et aux hommes. Bien qu'encore timide, la contribution des femmes aux sciences et aux arts prouve que, si on leur en donne l'occasion, elles ont la capacité intellectuelle d'améliorer considérablement la condition humaine. Il n'y a pourtant, en matière d'éducation spirituelle, ni graphique ni rapport d'activité ni d'étude quantitative qui puissent prouver au monde combien il est important de munir les générations futures de vertus propres à instaurer l'unité et la coopération, comme fondements d'une communauté mondiale interdépendante. À ce sujet, les écrits baha'is soulignent les avantages uniques que présentent les filles instruites dans leur rôle de mères et de premières éducatrices des générations à venir, non seulement parce qu'elles diffusent efficacement le savoir dans la société, mais aussi parce qu'elles savent transmettre l'essentiel des valeurs culturelles et sociales (5). Il est temps qu'elles, au moins, revendiquent, outre la réforme de l'éducation, l'éducation des esprits.

L'échec enregistré dans l'éducation de l'esprit humain et la négligence avec laquelle on considère le développement du caractère ont contribué à l'émergence d'un certain nombre de problèmes sociaux apparemment insolubles. Compte tenu des bienfaits évidents de l'éducation tant des filles que des garçons ainsi que des avantages réels que présentent les femmes instruites pour leurs familles, leur communauté et les nations, persister à ne pas assurer l'éducation des filles dénote un manque de volonté manifeste. En effet, l'engagement tiède que suscite l'éducation en général et celle des filles et des femmes en particulier, peut s'expliquer à la fois par une absence de perspective d'avenir et un manque d'inspiration pour l'atteindre.

Le rapport du secrétaire Général fait ressortir un nombre considérable d'obstacles à l'éducation des filles, et propose des mesures pour les surmonter. Relevons, cependant, l'absence de la moindre référence à des principes ou valeurs humaines susceptibles de pousser à la transformation des attitudes et des comportements individuels et collectifs. Dans les principes de l'unité de l'humanité et de l'égalité de l'homme et de la femme, les baha'is trouvent la capacité d'abandonner leurs idées préconçues, parmi lesquelles les préjugés de sexe, de nationalité, de credo, de supériorité matérielle d'une civilisation, de classe et de couleur. Le principe de l'unité de l'humanité, qui porte à reconnaître la valeur implicite de chacun des membres de la famille humaine, devrait être enseigné dans toutes les écoles, proclamé universellement et ... prôné par toutes les nations, si l'on veut susciter dans la société le changement organique et structurel que ce principe implique (6).

En réalité, il n'y aura de véritables changements qu'au fur et à mesure que les femmes prendront la place qui leur revient dans tous les organes de décisions dans tous les domaines de par le monde. Cette mutation organique ne doit pas être source de conflit. Du point de vue baha'i, le progrès spirituel et matériel de la société dépend de la pleine participation des femmes à tous les domaines de l'entreprise humaine. Aussi l'approche baha'ie préconise-t-elle un partenariat total et dynamique avec les hommes pour l'avancement de la civilisation dans son ensemble. En réalité, une part importante de tout vaste programme d'éducation pour les filles devrait porter aussi sur la resocialisation de la gent masculine dans la perspective du partenariat. Il faudrait donner l'occasion aux garçons et aux hommes de comprendre quels sont, d'une part, les effets nuisibles d'attitudes et de valeurs qui portent à excuser, voire à encourager, la violence, l'oppression et la guerre, et d'autre part, les avantages que présentent les filles instruites pour la société, les familles et les filles elles-mêmes.

Au fur et à mesure que nous approchons de la fin du millénaire, une année de réflexion semble être nécessaire pour permettre aux peuples du monde de trouver la meilleure façon de répondre aux changements rapides et spectaculaires qui affectent la vie sur la planète. Les femmes pourraient inaugurer l'année en organisant une conférence internationale sur la paix et la prospérité. Une telle conférence pourrait ouvrir la voie à l'accélération de la démilitarisation, à la diminution des préjugés, et à offrir la perspective d'un bien-être global défini, non plus uniquement en termes économiques, mais en termes de qualité de la vie.
Une année de réflexion pourrait servir de catalyseur dans le processus de création d'une vision partagée de l'avenir et pourrait fournir aux communautés locales, nationales et régionales, l'occasion de se pencher sur leurs valeurs traditionnelles afin d'identifier celles qui pourraient aider l'humanité à faire de la prospérité globale une réalité. De ce type de conférence pourraient émerger des valeurs et des principes susceptibles d'être embrassés universellement et d'être traduits en actions pratiques.
Forte de sa propre expérience, la Communauté internationale baha'ie peut affirmer qu'il est possible d'examiner et de remodeler les croyances et les valeurs traditionnelles pour les adapter à une vision nouvelle, et cela dans une atmosphère pacifique, harmonieuse et avec une large participation. Nous invitons donc instamment la communauté mondiale à établir un calendrier de réflexion, et nous nous engageons à soutenir une initiative aussi noble que celle-ci.

NOTES DU CHAPITRE

1. Making the Case for the Gender Variable : Women and the Wealth and Well-being of Nations, Technical Reports in Gender and Development, Office of Women in Development, US Agency for International Development, 1989.
2. Summers, Lawrence H., Vice-président et directeur économique de la Banque mondiale, investing in All the People, 1992
3. Nat Coletta, Education for All : What Next ? un article publié pour la Banque mondiale, 1994.
4. 'Abdu'l-Baha, Education #635, The Compilation of Compilations, p. 286, traduction libre.
5. 'Abdu'l-Baha, Sélections des écrits de 'Abdu'l-Baha, Maison d'Éditions Baha'ies, Bruxelles, 1983, À 95, pp. 123-124.
6. Maison Universelle de Justice, Promesse de la Paix mondiale, chapitre III, paragraphe 3, Maison d'Éditions Baha'ies Bruxelles, 1986, p. 17.


3. LA SANTÉ

" L'HUMANITÉ ACCÈDERA AU BONHEUR LORSQUE LA FEMME ET L'HOMME COORDONNERONT LEURS EFFORTS ET PROGRESSERONT SUR UN PIED D'ÉGALITÉ, CAR CHACUN EST LE COMPLÉMENT ET LE COMPAGNON DE L'AUTRE. "

('Abdu'l-Baha, The Promulgation of Universal Peace, Baha'i Publishing Trust, Wilmette, 1982, p. 182)

LES SOINS DE SANTÉ DE BASE et l'autonomisation des femmes
Ethel G. Martens

Tenter de sauver la vie de millions de femmes et de petites filles, qui meurent chaque année dans le monde de maladies faciles à prévenir, est une tâche bien effrayante. Cependant, la vision atroce de tant de morts inutiles peut désormais être teintée d'espoir, car tant les communautés et le personnel de santé, que les chercheurs et les décideurs réclament de meilleurs soins de santé et une meilleure qualité de vie pour les femmes.

Dans toutes les sociétés, des politiques économiques, comme celles qui asservissent les femmes dans des professions sous-payées aux conditions dangereuses, et des stratégies de développement, comme celles qui consacrent la terre destinée à la subsistance agricole, aux cultures commerciales, affectent profondément l'état de santé des femmes et de leurs familles. Les mères, dont beaucoup dirigent seules la famille, croulent sous le poids des problèmes économiques mais aussi des conséquences des conflits civils et de la dégradation de l'environnement. Les services sociaux et de santé, dominés par les hommes, les ignorent souvent, et un accès égal à leurs services leur est refusé.

Même au sein de la famille, il existe des disparités dues aux préjugés sociaux et culturels. Par exemple, la préférence donnée au fils explique parfois que la fille soit moins bien nourrie. On attend aussi des petites filles qu'elles travaillent plus que les garçons, tout en ayant moins facilement accès qu'eux à l'éducation et aux soins médicaux. Elles sont, en conséquence, très mal préparées au mariage et à la maternité, dont elles font l'expérience avant même d'être physiquement, psychologiquement et financièrement aptes à en assumer la responsabilité. Souvent, les mariages précoces déclenchent un cercle vicieux de malnutrition qui expose les bébés de poids insuffisant nés de mères au poids très faible, à des privations alimentaires et éducatives. Les problèmes auxquels les femmes et les petites filles sont confrontées doivent donc être résolus à tous les niveaux : dans la famille, dans la communauté et dans la société en général.

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)

L'organisme des Nations Unies chargé de la santé dans le monde est l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) fondée en 1948, qui comprend aujourd'hui plus de 170 États membres. La constitution de l'OMS définit la santé comme un état de bien-être physique, mental et social, et non uniquement l'absence de maladies ou d'infirmités. De nombreuses organisations ajoutent aujourd'hui à cette définition une quatrième dimension de santé - le bien-être spirituel. Le prochain défi à relever par l'OMS est de convenir que naître de sexe féminin est un obstacle majeur à la jouissance du droit à la santé. Dans sa constitution, l'OMS déclare que jouir du meilleur état de santé possible est un des droits fondamentaux de tout être humain sans distinction de race, de religion, de croyance politique ou de condition économique et sociale. Énumération à laquelle il faudrait ajouter : et de sexe.

Améliorer la santé partout dans le monde est une tâche gigantesque qui requiert une coopération mondiale. Pour faciliter cette coopération, l'OMS organise chaque année une session de deux semaines à Genève. Au cours de cette assemblée pour la santé mondiale les représentants des États membres se rencontrent pour échanger des informations, partager des expériences, se concerter sur des problèmes liés à la santé et élaborer des stratégies mondiales en la matière. C'est en partie grâce à ces concertations annuelles que l'OMS acquiert un compréhension de plus en plus précise de la meilleure façon de promouvoir la santé dans le monde.
Au cours des trois premières décennies de son existence, l'OMS a peu progressé pour atteindre son objectif, celui d'un monde en meilleure santé. En 1977, le directeur général de l'OMS demande le lancement d'une nouvelle stratégie, alléguant que, malgré l'application, durant 30 ans, des stratégies sanitaires du monde industrialisé aux pays en voie de développement - grands hôpitaux, médicaments et médecine curative - la santé mondiale n'avait connu aucune amélioration et s'était même détériorée.
Cette année-là, l'Assemblée de la santé mondiale a adopté une résolution stipulant qu'avant la fin du siècle, partout dans le monde les peuples devraient avoir accès aux services de santé qui leur permettraient de mener une vie productive tant socialement qu'économiquement. C'est l'objectif de " la Santé pour tous avant l'An 2000 " (SPT/2000).

Les soins de santé de base (SSB)

C'est à l'occasion de la conférence historique d'Alma-Ata, en ex-URSS, en 1978, que fut mise au point la stratégie destinée à réaliser l'objectif la Santé pour tous. Cette conférence était parrainée par le Fonds mondial des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) et l'OMS. Avant la conférence d'Alma-Ata, l'OMS avait identifié huit éléments communs à neuf programmes de santé qui avaient réussi. C'est ainsi que l'expression soins de santé de base (SSB) a été choisie pour décrire la combinaison des huit éléments suivants :

* éducation aux problèmes courants de santé, leur prévention et leur contrôle,
* soins de santé de la mère et de l'enfant, incluant la planification familiale,
* promotion d'une nutrition appropriée,
         - immunisation contre les principales maladies infectieuses,
         - ravitaillement suffisant en eau potable,
         - hygiène de base,
         - prévention et contrôle des maladies endémiques locales,
* traitement approprié des maladies et des blessures ordinaires.

Les soins de santé de base (SSB) s'attachent à prévenir plutôt qu'à guérir. Ils comptent sur l'aide mutuelle au sein du foyer, la participation de la communauté et l'emploi de techniques acceptables, appropriées et abordables. Ils allient connaissance moderne, scientifique et technologie de santé facile à manier à des pratiques de guérison traditionnelles et efficaces. Il est particulièrement important pour les femmes que l'efficacité des SSB dépende dans une large mesure de l'acceptation par la communauté des agents de santé primaire, dont la plupart sont des femmes recrutées le plus souvent au sein de la communauté et avec sa participation.

Voici, en résumé, d'autres concepts fondamentaux extraits de l'étude :

* les soins de santé de base doivent se conformer au mode de vie de la population;
* ils doivent à la fois répondre aux besoins de la communauté locale et s'intégrer totalement au système national de santé;
         - les services de prévention, de promotion et de réhabilitation de l'individu, de la famille et de la communauté doivent être intégrés;
         - la majorité des interventions sanitaires doit se faire le plus près possible de la communauté par des agents correctement formés;
* l'équilibre entre ces services variera en fonction des besoins de la communauté et peut très bien changer dans le temps.
* il est important d'impliquer la population locale dans la formulation et la mise en place des activités de santé;
* les décisions concernant les besoins de la communauté et les solutions à apporter à ses problèmes doivent se fonder sur un dialogue continu entre la population et les professionnels de santé à son service.

Ces concepts ne sont pas nouveaux, mais ce n'est qu'à partir de 1977 qu'ils ont été assemblés en une stratégie complète. De plus, à partir de la qualité des résultats obtenus dans les pays où ces principes avaient été appliqués et avaient porté leurs fruits, les soins de santé de base ont été présentés à Alma-Ata, non comme une alternative parmi d'autres, mais comme la seule alternative possible, et les plus hautes autorités sanitaires mondiales ont approuvé cette idée. Elles ont donc opté pour les soins de santé de base (SSB), convaincues que c'était la stratégie qui avait le plus de chances de satisfaire les besoins de santé de la majorité de la population mondiale.

C'est ainsi qu'à Alma-Ata, des approches médicales préalablement admises se sont retrouvées littéralement sens dessus dessous. La médecine curative allait désormais passer au second plan au profit de la prévention. Des représentants de tous pays ont ainsi signé " la Déclaration de Alma-Ata " et ont pris l'engagement que, dès leur retour, ils commenceront à mobiliser des fonds pour les soins de santé de base et à passer du contrôle central au contrôle régional et communal. Il s'agissait donc de transformations radicales qui, une fois effectuées, donneraient aux populations les moyens de prendre en charge leur santé. Un changement de cap aussi spectaculaire dans la façon de penser et d'agir nécessitait toutefois un élément, qui ne suit pas toujours nécessairement : la volonté politique.

Une évaluation conduite en 1983 a montré que, même dans les cas où il y a eu volonté politique, les responsables du bien-être physique, mental et social de la nation n'avaient pas disposé de fonds suffisants pour réaliser seuls des progrès décisifs. Aussi, en 1985, l'OMS a-t-elle invité les Organisations Non Gouvernementales (ONG) à aider les gouvernements à accomplir les objectifs fixés par Alma-Ata. Beaucoup ont répondu favorablement en coopérant avec les gouvernements nationaux pour former des agents de soins de santé de base choisis dans leur communauté.

En 1989, avec l'aide de nombreuses ONG, un ouvrage publié par l'UNICEF, l'OMS, l'organisation des Nations unies pour l'éducation, les sciences et la culture (UNESCO) et le Fonds des Nations Unies pour l'aide à la population (FNUAP), intitulé Savoir pour sauver, a rassemblé des informations vitales sur la santé des enfants et de la famille, que toute famille au monde a le droit de connaître. Cet ouvrage a été entièrement revu en 1993 compte tenu des récentes découvertes, et 8 millions d'exemplaires dans plus de 175 langues sont aujourd'hui utilisés dans plus de 100 pays. Savoir pour sauver est devenu un document de base pour l'éducation sanitaire dispensée par les services nationaux de santé, les programmes des ONG en matière de SSB, et les classes d'alphabétisation des adultes.

Savoir pour sauver signale l'extrême lourdeur des multiples fardeaux qui pèsent sur la condition de la femme. Toutefois, les rôles des hommes et des femmes dans de nombreuses cultures sont profondément enracinés dans la tradition et sont souvent perpétués par les comportements tant de la femme que de l'homme. Si ces rôles doivent changer, les hommes et les femmes doivent reconnaître ensemble que le changement est désirable, puis décider, toujours ensemble, de la redistribution des responsabilités. L'importance d'une concertation à ce sujet était mise en évidence par de nombreux professionnels masculins de la santé, interrogés après une conférence médicale en Tanzanie, où il avait été souligné qu'il fallait que les hommes s'impliquent davantage dans la protection de la santé de leurs enfants. Lorsque nous essayons de le faire, nos femmes pensent que nous nous mêlons de leurs affaires.

Si, depuis Alma-Ata, les SSB ont considérablement progressé, ils ont aussi connu d'importants revers. Cependant, là où ils sont appliqués, les femmes en bénéficient largement. Étant donné que les soins de santé de base reposent beaucoup sur la contribution des femmes, particulièrement dans le domaine de l'éducation à la santé, celles-ci se voient ainsi revalorisées et peuvent servir leur communauté de diverses manières :

* en améliorant la santé des femmes et celle de leurs familles;
* en formant les femmes à dispenser à la fois des soins et des cours sur la santé;
* en les mettant en position d'assumer des responsabilités;
* en encourageant l'initiative individuelle.

Les exemples suivants, tirés des expériences de SSB en Afrique et en Inde, illustrent la façon dont les moyens sont donnés aux femmes pour aider à modeler la vie de leur communauté de manière plus confiante.

Exemples de soins de santé de base en Afrique

Les soins de santé de base reposent fortement sur la contribution des femmes. Il a été dit que les véritables agents de santé dans les villages sont les accoucheuses traditionnelles (AT). Nous le faisons en toute simplicité dit une AT saisonnière. Nous accouchons, nous lavons la femme et le bébé, nous versons des larmes de joie et nous rentrons chez nous. Formées ou pas, elles s'accordent toutes à dire que l'ignorance est dangereuse. Pour chaque mère ou bébé qui meurt au cours de la délivrance, de nombreux autres survivent, mais se retrouvent physiquement ou mentalement mutilés. Ces tragédies peuvent être évitées affirme l'OMS. En fournissant aux accoucheuses les moyens d'accéder à la formation et aux services de soins de santé de base, en dispensant aux mères des soins prénataux, et en préconisant des mesures d'hygiène simples, les programmes de SSB ont permis de réduire le taux élevé de mortalité maternelle et infantile ainsi que de maladies liées à la naissance.

Il faut peut-être du temps à quelqu'un qui n'a jamais eu de rôle actif dans une communauté pour commencer à assumer des responsabilités, mais les résultats peuvent valoir la peine d'attendre. Témoin, cette femme à qui il a fallu 6 mois, après sa formation, pour se décider à tendre la main à sa communauté. Plus tard, à l'occasion d'une réunion, des représentants officiels du gouvernement (des ministères de l'Agriculture et de l'ÉDUCATION) ont chanté ses louanges, en disant qu'ils avaient appris beaucoup de choses avec elle, et se sont demandé mutuellement pourquoi il n'y avait pas de femmes formées à l'agriculture ou l'enseignement, dans la mesure où leur travail dans ces domaines-là est également nécessaire au progrès de la communauté.

De petits investissements en matière d'éducation des femmes à la santé peuvent rapporter gros. Une femme, agent de santé, qui participait à un cours de remise à niveau a apporté un jour un sac de carottes au coordinateur, en disant : Vous avez suggéré que nous ayons toutes un jardin potager pour nourrir notre famille. Après la formation, j'ai reçu des graines du ministère de l'Agriculture et j'ai planté un jardin potager. J'ai aussi planté un carré de carottes séparément et je les ai vendues au marché pour payer les frais de scolarité de mon fils. (Il est à espérer que lorsque sa fille sera en âge d'aller à l'école, sa mère fera de même pour elle)

Les agents de santé jouissent d'une très grande considération auprès des autres membres de la communauté. Avant que je ne reçoive la formation d'agent de santé, dit une femme, personne ne faisait attention à moi. Maintenant, ils écoutent quand je leur dis ce que j'ai appris et nous travaillons tous ensemble. Maintenant, je suis quelqu'un.

Exemples de soins de santé de base en Inde

Les soins de santé de base sont, pour beaucoup de villageoises, la première occasion qui leur ait jamais été donnée d'avoir une éducation scolaire. Un éducateur a organisé un programme de dix jours sur les soins de santé de base pour les femmes des villages environnants. Bien que ce fût en pleine période de récoltes, environ 30 femmes y ont participé chaque jour. La plupart étaient analphabètes. Une des femmes a dit : Je ne manquerais pas un seul jour de cours. Quand j'étais petite, ma mère n'avait pas les moyens de m'envoyer à l'école. Maintenant, je reçois une éducation !

Les discussions sur les soins de santé de base poussent les femmes à prendre des décisions qui concernent la communauté et à les appliquer. Dans un village de montagne, un agent de santé primaire a organisé un soir une réunion sur le développement communautaire. La discussion a débuté sur le seuil d'une maison que les habitants partageaient avec leur bétail, les hommes assis d'un côté de la pièce et les femmes de l'autre. La discussion fut d'abord dominée par les hommes. Ensuite une vieille femme a demandé : Devra-t-on attendre 14 autres années pour obtenir que l'on recouvre notre puits ? À l'évidence, 14 ans auparavant, un organisme avait financé des canalisations pour amener l'eau de la montagne à un réservoir, mais l'argent avait été dépensé avant que le réservoir fût couvert. Les femmes avaient alors signalé que les excréments des oiseaux volant au-dessus du réservoir polluaient l'eau et que les bébés tombaient malades. Après une discussion animée à laquelle hommes et femmes ont pris part, la communauté a décidé de réunir l'argent nécessaire pour faire couvrir le puits à l'occasion d'une célébration religieuse. Les femmes ont proposé de les aider, mais ont demandé ce qui arriverait si on ne réunissait pas assez d'argent. On leur a alors parlé d'un club de services dans la ville voisine prêt à aider tout village qui faisait un effort de développement. Un an après, le village avait un système d'alimentation en eau complètement neuf.

La consommation abusive d'alcool est un problème de santé majeur dans toutes les communautés de par le monde. C'est ainsi que ces mêmes femmes ont été amenées, plus tard, à engager une action collective radicale, pour empêcher les vendeurs de liqueurs de venir dans leur village. Le chef du village leur avait déjà fermé la route, mais ils se débrouillaient pour retrouver les hommes très tôt le matin dans un champ de maïs. Un matin, alors qu'ils s'approchaient du village, des femmes ont surgi du champ où elles s'étaient cachées, en criant et en brandissant des machettes. Terrorisés, les vendeurs ont pris la poudre d'escampette.

CONCLUSION

Les soins de santé de base font non seulement une différence à l'échelon local, mais ont aussi un impact sur la planification sanitaire aux échelons national et international. En 1986, une étape cruciale a été franchie pour améliorer le descriptif de la planification sanitaire au niveau national, et lui donner plus d'envergure. Lors de la 39e Assemblée mondiale de la santé à Genève, trois jours de discussions techniques furent engagés sur le rôle de la coopération sectorielle dans le cadre des stratégies nationales de Santé pour tous. Parmi les quelque 500 personnes présentes, figuraient 36 ministres et des décideurs de haut niveau dans des domaines d'une importance capitale pour la santé, parmi lesquels la justice et la santé; l'agriculture, la nourriture et la nutrition; l'éducation, la culture, l'information et les modes de vie; l'environnement - l'eau et la salubrité, l'habitat et l'industrie. Élargir la participation aux discussions de politiques nationales de santé a été une avancée considérable.

Les signes du changement apparaissent globalement, dans tous les secteurs et à tous les niveaux. Beaucoup de ces changements sont directement liés à la santé, alors que d'autres ont de fortes chances d'agir à la fois sur la santé et les soins de santé. Les soins de santé de base doivent s'adapter aux circonstances variables, locales et nationales. Tout pays qui instaure une solide base pour les soins de santé de base répond aux besoins de sa plus population la plus vulnérable et la plus indigente et parallèlement autonomise sa ressource la plus négligée à savoir les femmes.

* Ethel G. Martens :
Ethel G. Martens travaille dans le domaine des soins de santé de base depuis près de 40 ans. Elle a obtenu une maîtrise en pédagogie en 1957 à l'Université de Berkeley, en Californie, et un diplôme de médecine sociale préventive in 1973, à l'Université de Saskatchewan. Elle a travaillé, par le passé, avec l'Agence canadienne internationale du développement, US/AID, l'OMS, Santé et Bien-Ètre Canada, et préside actuellement le conseil d'administration de la société Intra Delta Management Consultant International. Le Dr. Martens a publié de nombreuses études dans des publications nationales et internationales, sur l'éducation à la santé, les soins de santé de base, les communications et le développement communautaire. Elle a également participé à la création de l'Organisme international baha'i de la santé et a travaillé en qualité de consultante en soins de santé de base pour le compte de la Communauté internationale baha'ie.

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