Présentation des 12 leçons sur la vie de Baha'u'llah
L'ensemble du matériel destiné aux classes d'enfants est constitué de trois parties
formant un tout. D'abord, le Guide de l'enseignant et des parents (GEP) et le
Résumé de la vie de Baha'u'llah (RVB), présentés sous une même reliure, et le
Cahier de l'élève (CÉ - Cahier d'élève) présenté sous une reliure distincte.
Le Résumé de la vie de Baha'u'llah est un condensé de la vie de Baha'u'llah reflétant
les événements majeurs de son existence. Il est le pivot autour duquel s'articulent
une série de douze leçons conçues pour l'élève. Le Résumé est destiné principalement
aux enseignants.
Le Guide de l'enseignant et des parents est un recueil d'instructions et de consignes
permettant à l'enseignant de guider l'élève dans l'apprentissage de chacune des
douze leçons. Il sert aussi à orienter l'enseignant dans l'utilisation du Cahier
de l'élève. Le Guide est destiné principalement aux enseignants.
Le Cahier de l'élève est à la fois un cahier d'histoires et d'activités sur la
vie de Baha'u'llah. Nous avons voulu inviter l'enfant à participer activement
à chaque leçon par différentes activités : illustrations, découpage, collage,
coloriage et autres. Ce cahier deviendra un livret personnel précieux pour chaque
enfant, qu'il devra traiter avec respect. Le Cahier se présente donc sous la forme
de courtes histoires, réflexions et anecdotes agrémentées de photos, de dessins
et d'activités à compléter.
Il est à noter que le groupe d'âge visé par ce projet se situe, à notre avis,
entre 7 et 12 (*) ans. Par cette méthode, nous souhaitons permettre à un grand
nombre d'enfants de bénéficier d'une introduction à la vie de Baha'u'llah. Nous
croyons que cette étude sera un élément déterminant dans la transformation de
la vie spirituelle de chacun. Bonne découverte !
Le comité de rédaction
(*) Note explicative : Bien entendu, l'enseignant et les parents
peuvent déterminer à qui convient vraiment ce matériel qui a déjà été utilisé
avec succès auprès d'enfants dont l'âge variait entre 7 et 12 ans.
(c) Publications Baha'i Canada - ISBN 0-88867-079-6
Comité d'éducation des enfants - 2000 2e Édition révisée
Section 1 - Guide de l'enseignant et
des parents
(recherche et rédaction par Suzanne Renaud)
a) Introduction au Guide de l'enseignant et des parents
Toutes les leçons du Guide de l'enseignant et des parents se présentent sous un
simple modèle : Histoire et Activités.
Il est à noter que pour les leçons d'introduction et de conclusion, soit les leçons
1 et 12, l'histoire à communiquer aux enfants est accessible directement dans
le Cahier de l'élève. Ailleurs, c'est-à-dire pour les leçons 2 à 11, l'enseignant
est invité à suivre le Résumé de la vie de Baha'u'llah, inséré comme complément
à ce guide, et à s'en inspirer. Chaque tranche d'histoire du Résumé est découpée
de façon à englober le contenu nécessaire à une leçon.
Idéalement, l'enseignant doit assimiler suffisamment l'esprit de la leçon grâce
à ses lectures du Résumé de la vie de Baha'u'llah et aux informations fournies
dans le Guide. Il est souhaitable qu'il acquière la capacité de raconter, à son
tour et dans ses propres mots, l'histoire aux élèves. Il serait profitable aussi
que l'enseignant parvienne à faire parler les enfants de ce qu'ils ont retenu
du récit. Ces échanges peuvent se faire avant ou même pendant le déroulement des
activités prévues, afin de vérifier le degré d'intégration des connaissances transmises.
Nous voulons ici aviser l'enseignant qu'il peut s'attendre à lire de vives émotions
sur le visage des élèves lorsque certains épisodes historiques seront racontés.
Parfois, des larmes couleront de leurs yeux, des commentaires assez vifs seront
exprimés sur certains personnages qui ont fait du tort à Baha'u'llah et à ses
disciples. Il y aura aussi des moments de joie, des réactions de victoire, etc.
L'enseignant devra être attentif à tout cela. À notre avis, il est important d'accorder
plus de temps à l'histoire, quitte à ne pas trop s'en faire si les activités proposées
ne sont pas entièrement réalisées à chaque leçon.
Dans la partie Activités, des ateliers d'apprentissage sont présentés pour divers
groupes d'âge. À ce stade-ci, il est recommandé aux enseignants de faire les choix
d'activités qui conviennent à leur classe, ou de les adapter selon les groupes
d'âge en présence.
Quant au temps requis pour réaliser les activités proposées, il est bien variable,
selon l'âge et l'habileté des enfants. Nous pensons qu'en général les activités
peuvent être réalisées à l'intérieur d'une séquence de 45 à 60 minutes. Les activités
de certaines leçons sont plus développées que d'autres et nécessiteront peut-être
plus d'une séance pour les achever. Il en est ainsi, par exemple, pour les leçons
1 à 5 et pour la leçon 10. De petites pauses sont parfois prévues entre les activités
et, dans certains cas, on envisage même qu'une activité soit prolongée ou terminée
à la maison.
b) Introduction aux leçons et activités
Avant de commencer la première leçon, nous suggérons de présenter aux élèves le
projet " Baha'u'llah " et ses composantes, en particulier le Cahier de l'élève.
Il serait bien que l'enseignant résume l'avant-propos du Cahier d'élève en soulignant
l'origine du projet et son contexte.
Activités :
1. Préparation de la page couverture du Cahier d'élève. Le titre du cahier sera
" Baha'u'llah". À leur guise, les enfants peuvent dessiner, colorier, décorer
ou faire un collage sur la page couverture cartonnée. Un lettrage à découper est
proposé à la page 27 pour le titre " Baha'u'llah".
2. On suggère aux enfants de faire plastifier la page couverture. À cet effet,
on peut prévoir un budget de groupe. Il ne faut pas perdre de vue que la confection
du Cahier d'élève peut durer de 4 à 8 mois ; il faut donc penser à le protéger.
LEÇON 1 : Baha'u'llah, le Promis de toutes les
religions
Histoire :
À la page 1 du Cahier d'élève, lire et expliquer le texte " LE PROMIS DE TOUTES
LES RELIGIONS " aux élèves.
L'enseignant introduit ensuite la notion " d'échelle du temps". Il s'agit de situer
les enfants quant à la quête spirituelle humaine à travers les âges et de présenter
brièvement les grands chapitres de l'histoire religieuse de l'humanité. Pour ce
faire, il peut utiliser " l'échelle du temps " présentée à la première page du
Cahier d'élève.
Ainsi, afin de se référer à une époque connue de tous, la mesure du temps sur
l'échelle commence avec le Christ et est située au point 0 de l'histoire.
À partir de là, on peut faire un tour d'horizon des différents messagers de Dieu,
chercher à identifier sur l'échelle du temps l'époque où ils sont apparus et arriver
ainsi au Bab et à Baha'u'llah.
On peut même faire remarquer la venue de messagers divins avant Abraham en retournant
aussi loin qu'à Noé et à Adam, pour en arriver à introduire l'idée qu'Adam avait
inauguré le début d'un cycle.
Un cycle est simplement une période de temps au cours de laquelle une suite d'événements
se reproduisent. Par exemple, faire observer que le cycle adamique a duré 6 000
ans.
À partir de cette idée de " cycle ", on peut insister sur l'aspect extraordinaire
de ce phénomène.
Avec Baha'u'llah commence aussi un nouveau cycle, le cycle baha'i. On peut poser
aux enfants cette question : " Savez-vous combien de temps durera ce nouveau cycle
? " Réponse : 500 000 ans.
Pour fixer la comparaison entre la durée du cycle adamique (6 000 ans) et celle
du cycle baha'i (500 000 ans), munissez-vous avant la leçon d'une corde prémesurée
avec une marque à 5 cm du bout de la corde qui illustre les 6 000 ans et une seconde
marque à environ 4 mètres (415 cm) qui montre les 500 000 ans. Par ce moyen visuel,
vous montrerez aux élèves la différence de durée des deux cycles.
Pour conclure la leçon, vous pouvez soulever une autre question : " Croyez-vous
que tous ces messagers savaient que Baha'u'llah devait venir ? " Réponse : Oui.
C'est ce que nous allons voir dans la prochaine activité à la page 2 du Cahier
d'élève.
Activités :
1. À la page 1 du Cahier d'élève, sur l'échelle du temps, colorier de couleurs
différentes ou par tons graduels d'une même couleur la durée de la révélation
de chaque nouveau messager, afin de suggérer la progression des enseignements
divins.
- Pause -
2. À la page 2 du Cahier d'élève, les huit parchemins présentés annoncent tour
à tour le Promis de toutes les religions. Cinq d'entre eux nous font déjà voir
les déclarations qu'ont faites certains messagers divins. Trois des textes des
parchemins sont manquants. Pour les recomposer entièrement, il faut se référer
aux textes à découper de la page 27 et tenter de les associer aux parchemins correspondants.
Passez alors au découpage des textes et collez-les dans les espaces vides des
parchemins.
Une fois toutes les déclarations recomposées dans le cahier de l'élève, on pourra
les lire à haute voix avec les enfants.
On en tirera facilement la conclusion que chaque messager connaissait l'éventuelle
venue de Baha'u'llah et l'avait annoncée.
Activités à la maison :
Écrire sur le parchemin de la page 3 tous les titres que l'on peut trouver et
qui sont attribués à Baha'u'llah. D'abord, il y a les titres qu'on peut voir à
la page 2, dans les parchemins, par lesquels on désignait Baha'u'llah alors qu'il
était attendu. Par exemple, " Prince de la paix ", " Esprit de Vérité ", etc.,
et peut-être d'autres titres de Baha'u'llah que l'on peut trouver en cherchant
dans les livres baha'is à notre disposition. Pour le suivi à la maison, on peut
demander aux enfants d'essayer de mémoriser certains de ces titres.
Pour les plus jeunes (7 ans), vous devrez peut-être songer à envoyer une note
explicative aux parents.
LEÇON 2 : L'enfance et la jeunesse de
Baha'u'llah
Étant donné que la leçon 2 est assez longue, nous vous proposons de la diviser
en deux séances.
* Dans une première séance...
D'abord, ouvrir le Cahier d'élève à la page 4. Pour commencer l'histoire de Baha'u'llah,
nous avons choisi d'explorer la carte géographique afin de nous familiariser avec
les lieux associés à la vie de Baha'u'llah et de nous sensibiliser au milieu d'origine
de la Foi.
Activités :
1. Avec les enfants, faites un relevé des pays voisins de l'Iran que l'on voit
sur la carte de la page 4. Situez-les ensuite sur une carte du monde ou sur un
globe terrestre. On peut trouver des cartes géographiques intéressantes dans un
simple dictionnaire.
2. Certains des lieux mentionnés ci-dessus sont à la page 27 dans les textes à
découper. Les coller à l'endroit désigné sur la carte géographique.
Ensuite, on fera remarquer que le nom ancien du pays de naissance de Baha'u'llah
était la Perse, et le nom de ses habitants, les Persans. On peut préciser que
le nom moderne de l'Iran n'a été adopté qu'en 1935 et que Tihran [Nota : Téhéran],
le lieu de naissance de Baha'u'llah, est, aujourd'hui comme autrefois, la capitale
du pays, une grande ville aux jardins célèbres.
Faites remarquer qu'il y a en Iran une géographie physique diversifiée, des montagnes
qui tracent les frontières entre l'Iran, l''Iraq et la Turquie, comme au Kurdistan
où vivent les Kurdes.
On y trouve aussi des régions désertiques et deux importantes voies d'accès à
de grandes étendues d'eau : au nord la mer Caspienne et au sud le golfe Persique.
Enfin, la flore en Iran est très variée. Dans les villes ou les villages sont
cultivés des arbres fruitiers et aromatiques très appréciés, par exemple des pistachiers,
des amandiers et des acacias.
Les cultures sont tout aussi diversifiées : il y a entre autres le blé, le riz,
le thé, les dattes, et les agrumes en abondance en bordure du golfe Persique.
Tout autour des maisons, on retrouve dans les jardins privés un reflet de cette
beauté naturelle. Les tapis persans reproduisent ces couleurs et ces formes luxuriantes.
Pour couvrir les deux derniers aspects de la flore et de la culture en Iran, nous
proposons de passer aux activités suivantes :
3. Vous pouvez reproduire en dessins miniatures les détails de la flore et des
produits de la culture et les répartir sur la carte. Ou encore reproduire les
formes ou les couleurs d'autres éléments (tapis, arbres, fleurs) qui auront inspiré
davantage l'imagination des enfants.
Autre suggestion : On peut montrer aux enfants des reproductions de tapis, en
reproduire les motifs ou les couleurs et même, si c'est possible, en apporter
un spécimen réduit et mentionner que les Iraniens aiment bien s'en servir pour
faire la prière. Faire l'expérience de la prière avec un tapis.
* Dans une seconde séance...
Histoire :
Lire, dans le RVB, à la leçon 2, les pages 1 et 2, pour bien assimiler l'histoire
et raconter aux enfants les principaux faits et anecdotes rattachés à la naissance,
à l'enfance et à la jeunesse de Baha'u'llah.
Activités :
1. Dans le Cahier d'élève, à la page 5, on trouve le récit de deux rêves prémonitoires
de la mission et du pouvoir de Baha'u'llah. Les lire à haute voix avec les enfants.
2. En s'inspirant de ces rêves, faire créer par les enfants un tableau collectif
ayant pour toile de fond trois éléments symbolisant les rêves : la mer, les cheveux
et les poissons.
Voir le modèle réduit de la page 27 (Cahier d'élève). Sur ce fond, l'enfant colle
les poissons à découper de la page 27 et y ajoute, selon sa fantaisie, toutes
sortes de poissons, dessinés ou découpés, de tailles diverses, en y mettant de
la couleur afin d'obtenir une production plus scintillante et diversifiée.
- Pause -
3. Lire avec les enfants l'anecdote sur Baha'u'llah et la nature à la page 6 (Cahier
d'élève). Dans l'encadré, faire un dessin illustrant la vision suggérée par la
lecture de l'anecdote.
LEÇON 3 : Le mariage et la famille de
Baha'u'llah
Histoire :
Lire le RVB, à la leçon 3, à la page 3, puis en faire le récit aux enfants.
Activités :
1. Faire un encadrement du texte à la page 7 (Cahier d'élève). On peut utiliser
des motifs géométriques ou floraux, des pointillés ou même un collage tiré d'un
magazine. On pourra aussi combiner dessins et collage. Tout dépend de l'imagination
des enfants. Avant de se mettre à la réalisation de l'encadrement, il est suggéré
de faire une petite séance d'observation de l'utilisation que l'on fait des encadrés
dans la vie courante, sur les circulaires, les revues, les tableaux, etc.
2. En préparation de la page 8 (Cahier d'élève), à partir du modèle de l'arbre
fourni à la page 28, chaque enfant dessine sur une feuille séparée son propre
arbre généalogique avec les noms de sa famille. Il est suggéré d'ajouter une qualité
caractéristique pour chaque nom inscrit (par exemple, mon frère Jean, le blagueur).
Pour réussir à trouver une qualité à chacun, les enfants devront, dans certains
cas, avoir l'aide de leurs parents. Cela donnera l'occasion aux parents de s'engager
directement dans la réalisation du Cahier d'élève.
Ensuite, poursuivre l'activité en complétant l'arbre généalogique de Baha'u'llah
à la page 8, à l'aide des noms à découper proposés à la page 28.
3. Ajouter un feuillage à l'arbre généalogique, sous forme de dessin, de coloriage
ou de collage. Pour représenter le feuillage, l'enfant sera amené à faire une
réflexion sur la qualité de l'arbre qu'a fait naître Baha'u'llah : un arbre fort,
majestueux, rayonnant, sécurisant, selon sa perception personnelle.
LEÇON 4 : L'emprisonnement de Baha'u'llah
dans le Siyah-Chal
Histoire :
Lire, dans le RVB, à la leçon 4, les pages 4 et 5, puis les raconter aux enfants.
Suggestion de lecture complémentaire : La Chronique de Nabil, aux pages 582 à
584.
Activités :
1. À la page 9 du Cahier d'élève, lire avec les enfants les détails concernant
le cachot et les conditions d'emprisonnement (les deux derniers paragraphes) pour
qu'ils aient le plus de détails possibles afin d'illustrer la scène.
2. Faire le dessin qui doit représenter le cachot, de même que des prisonniers
enchaînés. Malgré les souffrances, les prisonniers sont joyeux et consacrent beaucoup
de temps à prier et à chanter la louange de Dieu.
NOTE : Ne pas oublier qu'on ne doit pas faire de représentation
de Baha'u'llah, et ce, sous quelque forme que ce soit (dessin ou autre).
3. Mise en situation des conditions très pénibles dans le cachot. Faire ressentir
le contraste entre une vie de confort et celle d'un prisonnier. Comparer l'expérience
tactile entre des tissus fins (de la soie, de la flanelle, de la fourrure) et
des tissus rugueux (de la toile, de la jute ou de la corde).
On peut poursuivre dans le même sens avec une sensibilisation à la musique douce
et au bruit, à la propreté et à la saleté, à la clarté et à l'obscurité, aux odeurs
agréables et désagréables.
- Pause -
Histoire :
Préparez-vous à raconter la suite en lisant le RVB, à la leçon 4, à la page 6
: "LA NAISSANCE DE LA REVELATION BAHA'IE".
Activité :
Découper, coller et finalement lire à la page 10 (Cahier d'élève) les deux Écrits
concernant la naissance de la révélation baha'ie que vous trouverez à la page
28 (Cahier d'élève). Essayer d'approfondir l'expérience de la révélation de Baha'u'llah.
Faire comprendre que, même pour Baha'u'llah, c'était une expérience saisissante
et bouleversante.
LEÇON 5 : L'exil de Baha'u'llah en 'Iraq
Il est suggéré de diviser la leçon 5 en deux séances.
a) Dans une première séance...
Histoire :
Lire le RVB, à la leçon 5, aux pages 7 à 10, jusqu'au " RETOUR DE BAHA'U'LLAH
A BAGHDAD ", et en faire le récit aux enfants.
Activités :
1. À la page 11 du Cahier d'élève, lire avec les élèves l'anecdote intitulée "
RETIRE PENDANT DEUX ANS DANS LES MONTAGNES".
2. Revenir à la carte de l'Iran, dans le Cahier d'élève à la page 4 : colorier
les pays voisins, identifier en particulier l''Iraq (pour l'histoire) et colorier
les montagnes du Kurdistan. En se servant de la petite note qui suit sur la faune,
essayer de voir avec les enfants quels animaux pouvaient vivre autour de Baha'u'llah
dans les montagnes.
NOTE : Il existe encore de nombreux animaux sauvages en Iran
: des tigres, des ours, des sangliers, des hyènes et des ânes sauvages. Il y a
aussi beaucoup de chameaux, de moutons et de chèvres. Les oiseaux de proie sont
nombreux dans le désert. Sur le littoral de la mer Caspienne, faisans et perdrix
abondent.
3. Les enfants devront illustrer la page 11 (Cahier d'élève). Voici des suggestions
d'illustrations :
* Dessiner le refuge de Baha'u'llah et quelques animaux qui vivaient autour de
son abri.
OU
* Dessiner le garçon qui remet sa copie de l'Écrit de Baha'u'llah à son professeur.
b) Dans une seconde séance...
Histoire :
Lire le RVB, à leçon 5, aux pages 10 à 12, " LE RETOUR DE BAHA'U'LLAH A BAGHDAD
", et en faire le récit aux enfants.
Activité :
À la page 12 du Cahier d'élève, dessiner la pièce de la demeure suprême où Baha'u'llah
recevait ses invités, en recommandant aux enfants de lire la description de cette
pièce au deuxième paragraphe de la page 12 (Cahier d'élève).
LEÇON 6 : La révélation et la déclaration
de Baha'u'llah à Baghdad
Histoire :
Lire le RVB, à la leçon 6, aux pages 13 et 14, jusqu'à " LA DECLARATION DE SA
MISSION ", et en faire le récit aux enfants.
Activités :
1. À la page 13 (Cahier d'élève), lire avec les élèves les deux premiers paragraphes
de " UNE " PLUIE CONTINUELLE " D'ÉCRITS". Coller les titres manquants des livres
écrits par Baha'u'llah dans les grosses et petites gouttes de pluie, que vous
trouverez et découperez à la page 27 (Cahier d'élève) : Le Kitab-i-Iqan, Les Paroles
cachées, Les Sept Vallées.
2. Si possible, montrer aux enfants des exemplaires de ces livres. S'ils sont
réceptifs, leur en expliquer un peu le contenu, en soulignant l'importance du
Kitab-i-Iqan.
- Pause -
Histoire :
Continuer la lecture du RVB, à la leçon 6, aux pages 14 à 16 : " LA DECLARATION
DE SA MISSION DANS LE JARDIN DE RIDVAN ", et en faire le récit aux enfants.
Activité :
À la page 14 (Cahier d'élève), lire avec les élèves le deuxième paragraphe et
s'inspirer de cette lecture pour illustrer le jardin de Ridvan, la tente de Baha'u'llah,
les quatre sentiers, les rossignols.
LEÇON 7 : L'exil de Baha'u'llah à Constantinople
Histoire :
Lire le RVB, aux pages 17 à 19, puis en faire le récit aux enfants.
Activités :
1. Lire la page 15 (Cahier d'élève) avec les élèves et l'illustrer. Dessiner le
cheval de Baha'u'llah. Ce n'est pas aussi difficile qu'on peut d'abord le croire.
En effet, le secret, pour dessiner un cheval, est de commencer par dessiner les
principales parties et de terminer par les détails. L'élève peut s'exercer à dessiner
la tête du cheval seulement ou le corps entier, tel qu'indiqué à la page 29 du
Cahier d'élève.
2. Si l'élève dessine la tête seulement, il est suggéré d'y ajouter une marque.
Les marques sont des touffes de poils d'une couleur différente qui apparaissent
sur la tête (les pattes et le corps aussi) du cheval. La marque peut être en forme
de losange, étroite, large ou située sur le museau du cheval, ou encore recouvrir
presque tout le devant de la tête du cheval : on l'appelle alors " belle face".
Faire un choix parmi les marques proposées à la page 29 du Cahier d'élève.
3. Si l'élève dessine le corps entier, il faut savoir qu'un cheval " aubère "
est un cheval dont la robe est composée de deux couleurs : un mélange de poils
rouges et blancs répandus sur tout le corps, c'est-à-dire les membres, la crinière
et la queue. Colorier ainsi le cheval qui a été dessiné.
LEÇON 8 : Le déplacement de Baha'u'llah
vers Andrinople
Histoire :
Lire le RVB, aux pages 20 à 23, et en faire le récit aux enfants.
Activité :
À la page 16 du Cahier d'élève, les enfants colorient " Une vue d'Andrinople en
1863".
LEÇON 9 : L'exil de Baha'u'llah à 'Akka
Histoire :
Lire le RVB aux pages 24 et 25 et en faire le récit aux enfants.
Activités :
1. Faire la page 17 du Cahier d'élève. Les élèves découpent, à la page 29 (Cahier
d'élève), les dessins miniatures des lieux fréquentés par Baha'u'llah : la mosquée,
la prison, le caravansérail. Ils les collent aux endroits désignés sur la photo
et les colorient pour les faire ressortir.
2. À la page 18 du Cahier d'élève, colorier l'illustration de la prison de 'Akka
et indiquer aux élèves les fenêtres de la cellule de Baha'u'llah (les deux fenêtres
en haut à droite).
LEÇON 10 : Les portes de la prison s'ouvrent
Histoire :
Lire le RVB, aux pages 26 à 28, et raconter aux enfants comment les portes de
la prison se sont ouvertes.
Activité :
Lire avec les enfants les deux anecdotes dans le Cahier d'élève à la page 19.
Histoire :
Reprendre l'histoire en racontant " LA REVELATION DU LIVRE LE PLUS SAINT" (RVB,
page 29).
Activités :
1. À la page 20 du Cahier d'élève, faire écrire le nom original du Livre des Lois
dans la forme ovale au-dessus des fenêtres : Le Kitab-i-Aqdas.
2. Montrer aux élèves une copie du Kitab-i-Aqdas.
3. Compléter, dans le Cahier d'élève à la page 21, la colonne des choses à faire
et à ne pas faire, telles que décrétées dans le Kitab-i-Aqdas. Il faudra découper,
à la page 29 (Cahier d'élève), les lois manquantes et les coller sous la colonne
appropriée de choses à faire ou à ne pas faire.
4. Faire choisir par chaque élève un seul de ces points qu'il souhaiterait mettre
davantage en pratique. Les élèves justifient leur choix.
5. Décorer au crayon le contour du parchemin de la page 21 (on peut s'inspirer
du parchemin qu'on retrouve à la page 3 du Cahier d'élève).
Activité à la maison :
On peut suggérer à l'élève de découper un papier en forme d'amulette et d'y inscrire
la loi choisie. Il peut s'en faire un bien personnel qu'il conserve dans un coffre
ou une petite boîte, comme on le fait naturellement pour son petit jardin secret.
LEÇON 11 : Les dernières années de Baha'u'llah
Histoire :
Lire le RVB, aux pages 30 à 32, jusqu'à " L'ASCENSION DE BAHA'U'LLAH ", et en
faire le récit aux enfants.
Activité :
À la page 22 (Cahier d'élève), colorier le dessin illustrant le palais de Mazra'ih.
- Pause -
Histoire :
Continuer la lecture du RVB, aux pages 32 et 33, et en faire le récit aux enfants.
Activité :
À la page 23 (Cahier d'élève), les élèves deviennent jardiniers dans le jardin
de Bahji. Ils doivent compléter les dessins des séries d'arbustes et de plantes
laissés incomplets, faire fleurir les allées en coloriant plantes et arbustes.
LEÇON 12 : Le cycle baha'i de 500 000
ans
Histoire :
Lire avec les élèves le texte du Cahier d'élève à la page 24.
Activités :
1. Sous l'arbre-parapluie géant, dessiner différents arbres plus petits qui représenteront
les messagers divins à venir sous l'ombre de Baha'u'llah.
2. Après avoir suivi pas à pas la vie de Baha'u'llah, les élèves sont maintenant
prêts à tracer le trajet de l'exil de Baha'u'llah à l'aide de la carte de la page
25 (Cahier d'élève). Ils tracent au crayon le trajet d'une ville à l'autre, en
faisant un bref retour sur les leçons précédentes. Puis, ils colorient le trajet
d'une couleur vive.
Section 2 - Résumé de la vie de Baha'u'llah (recherche et rédaction par Nicole Lachance)
2.1. L'ENFANCE ET LA JEUNESSE DE BAHA'U'LLAH (Cahier d'élève, LEÇON 2)
Mirza Husayn Ali, qui prit plus tard le nom de Baha'u'llah, naquit en Perse (Iran),
dans la ville de Tihran, le 12 novembre 1817, entre l'aube et le lever du soleil.
Il appartenait à l'une des plus anciennes et des plus illustres familles de Perse.
Son père, qui était ministre du shah, descendait du prophète Zoroastre, tandis
que sa mère descendait du prophète Abraham.
Baha'u'llah n'était pas un enfant ordinaire. Il ne fréquenta jamais l'école mais,
très tôt, on remarqua sa très grande sagesse, son intelligence et son savoir tout
à fait exceptionnels. Bien qu'il n'ait jamais eu de professeur, il était capable
de résoudre les problèmes les plus difficiles qui lui étaient soumis. Tout comme
Jésus, il était un expert dans toutes les matières, depuis la science jusqu'à
la philosophie et la religion. Il avait aussi un grand pouvoir d'attraction et
un grand sens de la justice. Tous l'aimaient et recherchaient continuellement
sa compagnie.
Le père de Baha'u'llah s'aperçut très vite que son fils n'était pas comme les
autres et il montra pour lui un intérêt et un respect particuliers. Sa mère, elle,
fut bien étonnée de voir que son petit enfant ne pleurait jamais et n'était jamais
agité. Un jour, lorsque Baha'u'llah était encore très jeune, il entendit cette
conversation entre son père et sa mère : " Notre fils, disait son père, est sans
pareil. Il n'y a personne d'autre comme lui. Il ne peut être comparé à aucun de
nos enfants, d'aucune manière. " Sa mère remarqua : " Je pense qu'il est un peu
trop petit. " Et son père de répondre : " Qu'est-ce que ça peut faire ? S'il n'est
pas tellement grand, cela permet à son cerveau d'être plus près de son coeur.
Il est parfait en tous points. " Il était si bon et si généreux ! Il avait une
telle capacité d'attirer les gens à lui ! Ce grand pouvoir d'attraction est illustré
par deux rêves que firent Baha'u'llah et son père :
* Lire avec les enfants l'anecdote "Le pouvoir d'attraction du jeune Baha'u'llah"
(Cahier d'élève, p. 5)
Baha'u'llah aimait la vie en plein air et passait la plus grande partie de son
temps dans les jardins et les champs.
* Lire avec les enfants l'anecdote "Baha'u'llah aimait beaucoup la nature..."
(Cahier d'élève, p. 6)
Dès le début de son adolescence, Baha'u'llah fut remarqué et admiré par les ministres
de la cour et par les érudits de son temps. Contrairement à ses prédécesseurs,
il ne recherchait pas les honneurs ou les positions élevées. Les gens simples
l'aimaient et le respectaient. Les docteurs et les érudits le considéraient comme
un prodige et furent maintes fois impressionnés par la façon merveilleuse qu'il
avait de s'adresser à eux lors des grandes assemblées. Il répondait avec facilité,
intelligence et sagesse à toutes les questions difficiles qu'on lui posait.
Baha'u'llah était très généreux, surtout envers les pauvres. Il ne refusait son
aide à personne. Les portes de sa maison étaient ouvertes à tous, et il avait
toujours de nombreux invités. Ses amis, par contre, s'inquiétaient beaucoup de
cette grande générosité et se demandaient bien pourquoi il ne s'occupait pas d'abord
de ses propres affaires. Mais certains d'entre eux, qui étaient plus sages, remarquèrent
: " Cet homme est relié à un autre monde. Il y a quelque chose de très beau en
lui qui ne peut être perçu clairement aujourd'hui. Le jour viendra où sa beauté
sera manifestée. " En fait, Baha'u'llah était le protecteur des faibles, un refuge
pour ceux qui avaient peur. Il était bon, miséricordieux et plein d'amour envers
tous.
2.2. LE MARIAGE ET LA FAMILLE DE BAHA'U'LLAH (Cahier d'élève, LEÇON 3)
Comme c'était la coutume en ce temps-là, Baha'u'llah se maria très jeune (à dix-sept
ans). Il épousa Asiyih Khanum, la fille d'un noble persan lui aussi très riche.
La dot d'Asiyih Khanum était considérable et il fallut quarante mules pour transporter
tous ses biens à la maison de son mari. Pendant les six mois précédant le mariage,
un bijoutier fabriqua chez elle tous ses joyaux de noce. Même les boutons de ses
robes étaient faits d'or et de pierres précieuses. [Ces boutons furent plus tard
échangés pour du pain, lors du terrible voyage qui devait les mener de Tihran
vers Baghdad.]
Asiyih Khanum était grande, mince et gracieuse. Elle avait les yeux bleu foncé.
On dit d'elle qu'elle était une perle, une fleur parmi les femmes et que, même
lorsqu'elle était très jeune, sa sagesse et son intelligence étaient remarquables.
Elle était digne et belle comme une reine, douce, généreuse et attentive aux autres.
Elle possédait un coeur pur, rempli d'amour. Le simple fait d'être à ses côtés
suffisait à rendre une personne heureuse.
Le jeune couple ne participait guère aux fêtes et aux dîners organisés par les
membres du gouvernement ou par les gens riches qui prétendaient être ses amis.
Baha'u'llah et Asiyih Khanum préféraient passer leur temps à s'occuper des pauvres
et à aider ceux qui étaient malheureux et dans le besoin. Baha'u'llah fut bientôt
connu sous le nom de " Père des pauvres ", et Asiyih Khanum, comme la " Mère de
la consolation".
Baha'u'llah et sa femme eurent sept enfants. Trois d'entre eux seulement dépassèrent
la petite enfance : 'Abdu'l-Baha (la Branche la plus grande), Bahiyyih Khanum
(la Feuille la plus sainte) et Mirza Mihdi (la Branche la plus pure).
Baha'u'llah n'avait que vingt-deux ans lorsque son père mourut. Le gouvernement
lui offrit, comme c'était la coutume, de succéder à son père, mais il refusa.
Cela étonna beaucoup le gouvernement, et le premier ministre fit cette remarque
: " Laissez-le. Cette position est indigne de lui. Je ne puis le comprendre, mais
je suis convaincu qu'il est destiné à un but plus grand dans la vie. Il a d'autres
idées, laissez-le."
Baha'u'llah prit en charge la grande famille de son père. Malgré certains événements
douloureux, la vie s'écoula paisible et heureuse, mais pas pour bien longtemps...
2.3. L'EMPRISONNEMENT DE BAHA'U'LLAH DANS LE SIYAH-CHAL (Cahier d'élève, LEÇON 4)
Baha'u'llah fut donc reconnu pour ses grandes qualités spirituelles longtemps
avant que le Bab n'apparaisse. Quand celui-ci déclara, en 1844, qu'il était un
messager de Dieu, Baha'u'llah, alors âgé de vingt-sept ans, accepta cette foi
nouvelle. Malgré l'opposition et la résistance des autorités religieuses et politiques
qui se mirent à persécuter violemment les babis, et avec l'énergie et la fermeté
les plus grandes, Baha'u'llah se leva pour proclamer la parole du Bab. Lorsque
les babis furent obligés de se protéger contre leurs ennemis, Baha'u'llah les
aida en leur faisant parvenir des vivres et de l'argent.
Naturellement, le fait que Baha'u'llah, un homme issu d'une famille si importante
en Perse, ait accepté le Bab suscita l'intérêt d'un grand nombre de gens importants.
En effet, de nombreux notables et dignitaires au coeur pur devinrent croyants,
de même que des gens très différents les uns des autres, par exemple des membres
de sa propre famille, des prêtres, des paysans et des marchands. Grâce à son rang
élevé, Baha'u'llah put protéger les babis pendant quelque temps. Par ses efforts,
il put aussi guider et élargir la communauté babie, chose que le Bab ne put faire
lui-même, étant donné qu'après sa déclaration, ce dernier passa la plus grande
partie de son temps en prison.
Bien sûr, la nouvelle de l'adhésion de Baha'u'llah à la cause babie parvint aux
oreilles des ennemis du Bab. Par deux fois il fut emprisonné : la première fois,
lorsqu'il aida Tahirih, mais cet emprisonnement ne dura que quelques jours ; la
deuxième fois, lorsqu'il partit à la rencontre de ceux qui défendaient leur vie
au fort de Shaykh Tabarsi. Cette fois, il fut sûrement mis en prison par la volonté
divine, car il fut ainsi protégé pendant que tous les autres étaient tués dans
un cruel massacre. Lors de cet emprisonnement, Baha'u'llah fut insulté, lapidé
et frappé jusqu'au sang à la plante des pieds. Les deux fois, on le relâcha parce
qu'il venait d'une famille royale.
Le Bab et Baha'u'llah ne se rencontrèrent jamais, mais ils s'écrivirent. La dernière
communication que Baha'u'llah reçut du Bab fut un paquet contenant la plume de
ce dernier, sa bague et quelques-uns de ses Écrits. Le Bab savait qu'il allait
bientôt mourir et que c'était Baha'u'llah qui allait continuer l'oeuvre qu'il
avait lui-même commencée. Il savait que Baha'u'llah était le Promis, " Celui que
Dieu rendra manifeste". C'est pour lui qu'il était venu et c'est pour lui qu'il
mourut à Tabriz, le 9 juillet 1850.
Deux ans après le martyre du Bab, un de ses jeunes disciples nommé Sadiq, tellement
affecté par les souffrances infligées à son maître bien-aimé, souffrances dont
il avait été témoin, en perdit la raison. Voulant venger son Maître, il tira un
coup de pistolet sur le shah qui défilait à cheval et tenta de le tuer. Le shah
ne fut que légèrement blessé, car le fusil du jeune homme n'était pas convenablement
chargé. Le jeune Sadiq fut aussitôt saisi par les gardes du souverain et mis à
mort sur-le-champ. De plus, le shah ordonna que tous les babis soient punis. À
Tihran, quatre-vingts babis furent tués après avoir été honteusement torturés,
tandis que d'autres furent arrêtés et jetés en prison.
Pendant que Sadiq essayait de tuer le shah, Baha'u'llah se trouvait dans un village
près de Tihran. Sa femme et ses enfants étaient dans leur résidence, en ville,
et c'est là qu'ils apprirent la terrible nouvelle. Baha'u'llah venait d'être arrêté,
frappé jusqu'au sang à la plante des pieds et dépouillé de son couvre-chef. On
avait déchiré ses vêtements et mis des chaînes autour de son cou. Entouré par
des fonctionnaires et des bourreaux qui le traitaient avec rudesse, il fut emmené
jusqu'à Tihran et enfermé dans un lieu terrible qu'on appelait le " Siyah-Chal"
(la fosse noire).
Cet endroit avait déjà été utilisé comme égout où étaient dirigées les eaux sales
d'un bain public et servait désormais de prison. Baha'u'llah a qualifié cet endroit
de " lieu immonde, hors de toute comparaison [...] le plus lugubre et nauséabond
qui soit" (DPPN, p. 69).
Pour y accéder, les prisonniers devaient traverser un couloir très sombre et descendre
trois séries de marches. L'obscurité la plus complète régnait dans ce cachot,
car il n'y avait ni fenêtres ni d'autre issue que celle par où les prisonniers
étaient arrivés. Près de cent cinquante hommes s'y trouvaient déjà : des voleurs,
des assassins et des bandits de grand chemin. La plupart de ces hommes n'avaient
ni vêtements ni literie sur laquelle s'étendre.
Les pieds de Baha'u'llah furent placés dans des ceps (fers de prisonniers), et
l'on attacha à son cou des chaînes d'un poids si écrasant que leur empreinte resta
imprimée sur son corps durant toute sa vie. Cinq babis furent enchaînés avec lui
nuit et jour. Lorsque l'un d'eux bougeait, les chaînes pénétraient profondément
dans la chair de ses camarades. Durant trois jours et trois nuits, on refusa toute
nourriture et toute boisson à Baha'u'llah. Il lui était impossible de dormir.
Le lieu était froid, humide, sale, infesté de vermine et dégageait une odeur infecte.
Les prisonniers avaient été alignés sur deux rangées, l'une en face de l'autre.
Baha'u'llah avait appris à ses compagnons certains versets qu'ils chantaient chaque
nuit avec une ferveur extrême. L'écho de ces voix joyeuses remplissait le cachot
et, perçant ses murs massifs, parvenait aux oreilles du shah dont le palais n'était
pas très éloigné de la prison. Chaque matin, un ou plusieurs babis étaient emmenés
pour être torturés et tués. Chacun d'eux se levait alors avec courage, embrassait
Baha'u'llah et ses compagnons et, dans un état de joie indescriptible, se rendait
au lieu du martyre. Cette situation se prolongea pendant quatre mois.
Entre-temps, la famille de Baha'u'llah était, elle aussi, soumise à de grandes
épreuves. Asiyih Khanum et ses trois enfants, 'Abdu'l-Baha, Bahiyyih et le petit
Mirza Mihdi alors âgé de deux ans, durent se cacher pour éviter d'être tués. Seul
Mirza Musa, un frère de Baha'u'llah, eut le courage de leur venir en aide. Les
autres membres de la famille et de nombreux amis avaient pris la fuite tellement
ils avaient peur.
Tous leurs serviteurs et servantes les avaient abandonnés, à l'exception d'un
homme et d'une merveilleuse femme noire. Toutes leurs propriétés furent cambriolées
et vidées de leurs possessions, meubles et objets de valeur. Asiyih Khanum réussit
toutefois à sauver quelques-uns de ses bijoux, lesquels furent peu à peu vendus.
Cet argent servit à payer les gardiens de prison pour qu'ils apportent de la nourriture
à Baha'u'llah. Mais, même lorsque Asiyih Khanum réussissait à faire parvenir de
la nourriture à son mari bien-aimé, les gardiens y mettaient du poison, espérant
ainsi s'attirer des faveurs spéciales de la part des autorités. Bien que le poison
n'ait pas réussi à le tuer, Baha'u'llah resta avec une santé fragile pendant de
nombreuses années.
La maison dans laquelle Asiyih Khanum et ses enfants se cachaient était située
tout près de la prison. La nourriture destinée à Baha'u'llah ne pouvait être remise
aux gardiens par Asiyih Khanum que lorsqu'il faisait nuit ou très tôt le matin,
alors qu'il n'y avait personne dans les rues. Le petit 'Abdu'l-Baha, alors âgé
de huit ans, accompagnait sa mère lors de ces visites, tandis que la jeune Bahiyyih
restait à la maison, tremblant de peur dans un coin obscur, serrant le petit Mirza
Mihdi contre elle. De temps en temps, Mirza Musa les visitait et leur apportait
les dernières nouvelles.
Un jour, 'Abdu'l-Baha fut autorisé à entrer dans la cour de la prison et à voir
son père bien-aimé qui faisait sa promenade quotidienne. Baha'u'llah avait terriblement
changé. Il était si malade qu'il pouvait à peine marcher ; ses cheveux et sa barbe
étaient en désordre, son cou, écorché et enflé par la pression d'un lourd collier
d'acier, et son corps, courbé sous le poids de ses chaînes.
* La naissance de la révélation baha'ie (Cahier d'élève, page 10)
Durant ces longs mois d'emprisonnement, Baha'u'llah pouvait difficilement dormir
à cause du poids terrible de ses chaînes et de l'odeur insupportable des lieux.
Mais lorsqu'il réussit enfin à tomber dans un léger sommeil, il commença à expérimenter
quelque chose d'étrange. Voici ce qu'il a écrit à ce sujet :
"Pendant les jours où j'étais confiné dans la prison de Tihran, quoique le poids
irritant des chaînes et l'air empesté m'aient laissé peu de sommeil, il me semblait
que, dans ces rares moments d'assoupissement, quelque chose s'écoulait du sommet
de ma tête sur ma poitrine, ainsi qu'un torrent puissant se précipite sur la terre
du sommet d'une montagne élevée. Alors, tous mes membres prenaient feu, et à ces
moments-là ma langue prononçait des paroles qu'aucun homme ne pourrait supporter
d'entendre." (DPPN, p. 96)
Et encore :
"Une nuit, en rêve, ces paroles exaltantes se firent entendre de tous côtés :
" En vérité, Nous te rendrons victorieux par toi-même et par ta plume. Ne t'afflige
pas de ce qui t'est arrivé et ne sois pas effrayé, car tu es en sécurité. Avant
longtemps, Dieu fera paraître les trésors de la terre : des hommes qui t'aideront
par toi-même et par ton nom, par lesquels Dieu a ranimé le coeur de ceux qui t'ont
reconnu. "" (DPPN, p. 96)
Une autre fois, il entendit une voix merveilleuse et douce. Il leva la tête et
vit une créature virginale flottant dans les airs. Son âme était si pleine de
joie que son visage rayonnait de la clarté de Dieu. Entre ciel et terre, elle
faisait appel aux coeurs et aux âmes des hommes. Elle donnait un message qui rendait
tout le monde heureux, jusqu'au plus profond de l'âme. Elle montra du doigt la
tête de Baha'u'llah et annonça à tous ceux qui sont au ciel et sur la terre :
" Au nom de Dieu, voici le Bien-Aimé des mondes et cependant vous ne le comprenez
pas. Voici la beauté de Dieu parmi vous, et la puissance de sa souveraineté en
vous, si seulement vous pouviez le comprendre. Celui-ci est le mystère de Dieu
et son trésor, la cause de Dieu et sa gloire pour tous ceux qui sont dans les
royaumes de la révélation et de la création, si vous êtes de ceux qui le perçoivent."
(DPPN, p. 97)
Et c'est ainsi que Baha'u'llah sut qu'il était celui choisi par Dieu pour poursuivre
la tâche commencée par le Bab. La date exacte n'est pas connue, mais cela se passa
durant les derniers mois de l'année 1852.
2.4. L'EXIL DE BAHA'U'LLAH EN 'IRAQ (Cahier d'élève, LEÇON 5)
Un jour, un oncle de Baha'u'llah apprit que son neveu allait être condamné à mort.
Il alla trouver son ami le prince Dolgorouki, qui était consul de Russie, afin
de le mettre au courant de cette situation. Ce dernier, déjà convaincu de l'innocence
de Baha'u'llah, se rendit à la cour où devait être prononcée la sentence de mort.
Il parla avec tellement de force et de courage en faveur de Baha'u'llah que les
autorités en furent muettes d'étonnement. Il leur donna cet avertissement : "
J'ai décidé d'offrir la protection de la Russie à ce noble innocent ; alors prenez
garde ! Si, à partir de maintenant, on touche à un seul cheveu de sa tête, un
flot de sang coulera dans votre ville en représailles. Vous ferez bien d'écouter
mon avertissement ; mon pays est derrière moi dans cette affaire."
Cette nuit-là, l'oncle de Baha'u'llah alla trouver Asiyih Khanum et ses enfants
et leur raconta ce qu'avait fait le consul. Ils pleurèrent de joie tellement ils
étaient heureux à l'idée de retrouver très bientôt leur bien-aimé.
Baha'u'llah fut donc libéré au début du mois de janvier 1853. Il était si malade
que tous pensaient qu'il allait mourir. À peine avait-il rejoint sa famille qu'un
ordre lui parvint de quitter la Perse dans un très bref délai ; on l'autorisait
toutefois à choisir le lieu de son exil. Sitôt informé de cette décision, le consul
russe offrit à Baha'u'llah de lui fournir toutes facilités pour entrer en Russie.
Mais Baha'u'llah refusa cette offre et choisit de se rendre en territoire turc,
dans la ville de Baghdad.
Asiyih Khanum fit de son mieux pour soigner son cher mari afin qu'il soit prêt
à affronter ce long et difficile voyage. C'était une période de grandes difficultés.
La pauvre femme vendit presque tout ce qu'il lui restait de sa dot : bijoux, vêtements
et autres effets. Avec la somme d'argent reçue, elle put préparer ce qui était
nécessaire pour ce voyage incertain. Elle n'avait aucune expérience dans ce genre
de choses et personne ne pouvait l'aider. Les enfants étaient petits, son époux
était malade et aucun des amis n'avait assez de courage pour leur venir en aide
ni même pour leur dire adieu. Seuls les deux serviteurs faisaient ce qu'ils pouvaient.
Puis vint le jour du départ. Le 12 janvier 1853, Baha'u'llah, sa famille et quelques
amis se mirent en route vers Baghdad, laissant derrière eux le petit Mirza Mihdi.
Trop jeune pour faire ce long voyage, il fut confié à sa parenté.
Le voyage se fit à pied et dura trois longs mois, durant un hiver particulièrement
rigoureux et à travers des montagnes couvertes de neige. Pauvre Asiyih Khanum
! Elle était sur le point d'avoir un autre enfant et dut faire le voyage sur le
dos d'une mule. Jamais elle ne se plaignit, mais continua plutôt d'être toujours
bonne et dévouée envers tous.
Le petit groupe, toujours encadré par des gardes, devait parfois camper dans des
endroits sauvages ou dormir dans des caravansérails [Nota : En Orient, abris pour
les voyageurs et leurs montures.]. Aucune lumière n'était permise, et il n'y avait
pas de lits non plus. Quand ils pouvaient obtenir un peu de nourriture, c'était
parfois un peu de thé, ou bien quelques oeufs, un peu de fromage et du pain sec.
Baha'u'llah était si malade qu'il ne pouvait manger une telle nourriture. Cela
attristait beaucoup sa femme qui le voyait devenir de plus en plus faible. On
dit qu'un jour, elle put obtenir un peu de farine et que, le soir même, elle décida
de faire un gâteau pour son époux. Mais, dans l'obscurité, elle commit une erreur
: elle utilisa du sel à la place du sucre et le gâteau fut immangeable.
Lors d'un bref séjour dans un village nommé Karand, les voyageurs eurent droit
à un accueil très chaleureux de la part du gouverneur. Celui-ci reçut en retour
tant de bonté de la part de Baha'u'llah que tous les habitants du village en furent
touchés et continuèrent, longtemps après, à offrir l'hospitalité à ses disciples
se rendant à Baghdad. Ce faisant, ils passaient pour être eux-mêmes des babis.
Les voyageurs arrivèrent à Baghdad le 8 avril 1853. Baha'u'llah et sa famille
s'installèrent dans une petite maison de deux pièces. À partir de ce moment, l'état
de santé de Baha'u'llah s'améliora peu à peu. Dès qu'il le put, il se mit à enseigner
et à encourager les babis à améliorer leur caractère et à suivre les lois du Bab.
Bientôt, la paix et le bonheur s'installèrent parmi la communauté babie de Baghdad.
Mais ce bonheur paisible fut de courte durée avec l'arrivée dans cette ville de
Mirza Yahya, le demi-frère de Baha'u'llah.
Le Bab avait autrefois confié à Mirza Yahya la direction de la Foi, jusqu'à la
venue de la prochaine Manifestation. Il avait agi ainsi afin de protéger Baha'u'llah
qui aurait été tout de suite mis à mort si on avait su qu'il était le Promis.
Lorsque le shah ordonna que les babis soient fusillés ou mis en prison, le craintif
Mirza Yahya se sauva dans les montagnes au lieu d'aider les babis à rester unis
et de les protéger. Il se cacha donc en lieu sûr, vêtu comme un Arabe et errant
de ville en ville.
Lorsque Mirza Yahya arriva à Baghdad, il fit la connaissance d'un certain Siyyid
Muhammad. Tous les deux étaient très jaloux de l'amour et de l'affection que les
babis et les notables de la ville éprouvaient pour Baha'u'llah et ils lancèrent
une campagne secrète de mensonges et de calomnies contre lui. Ce faisant, ils
causèrent de la division parmi les babis et de grandes souffrances à Baha'u'llah,
comme le démontre ce témoignage de Mirza Aqa Jan, le secrétaire de Baha'u'llah
: " La Beauté bénie manifestait une telle tristesse que les membres de mon corps
en tremblaient." (DPPN, p. 112) Il raconta aussi qu'" il avait eu une fois l'occasion
de voir Baha'u'llah sortir brusquement de chez lui, entre l'aube et le lever du
soleil, [...] montrant de tels signes d'inquiétude qu'il n'osa pas regarder son
visage". (DPPN, p. 112-113)
C'est durant cette période que Baha'u'llah décida de se retirer, avant que ne
se produisent des événements pouvant mettre en péril l'intégrité de la foi du
Bab.
* Retiré pendant deux ans dans les montagnes (Cahier d'élève, page 11)
"Brusquement et sans en informer qui que ce soit, même les membres de sa propre
famille, " Baha'u'llah quitta Baghdad " le 10 avril 1854, accompagné d'un serviteur
[...] (DPPN, p. 113) Peu de temps après leur départ, ce serviteur fut attaqué
et tué par des voleurs. Baha'u'llah poursuivit donc son voyage seul à travers
le Kurdistan. Changeant son nom pour " Derviche Muhammad " et n'emportant avec
lui qu'un vêtement de rechange et une corbeille à aumônes, il se retira dans un
lieu sauvage et vécut sur une montagne, loin de toute habitation humaine. Les
habitants de la région se rendaient à cet endroit deux fois l'an, au moment des
semailles et des moissons.
En quittant Baghdad, Baha'u'llah n'avait pas l'intention d'y retourner. Comme
il le mentionne dans le Kitab-i-Iqan (le Livre de la Certitude), il ne désirait
qu'une chose : " [...] ne pas être un objet de discorde pour les croyants, un
motif de révolte pour ses compagnons ni une cause de souffrance ou de tristesse
pour les âmes et les coeurs." (BÈN, 6e édition, p. 43)
Après le départ de Baha'u'llah, Mirza Yahya était au comble de la joie. Il pensait
qu'il aurait maintenant l'occasion de prouver qu'il était le vrai chef des babis.
Mais au fur et à mesure que le temps passait, la condition spirituelle des babis
empirait au lieu de s'améliorer. Elle tomba si bas que pas moins de vingt-cinq
babis déclarèrent être la Manifestation promise par le Bab. Mirza Yahya ne put
contrôler la situation, et les babis, agissant à leur guise, se moquèrent de lui.
Siyyid Muhammad et lui tentèrent de monter tous les babis contre Baha'u'llah et
d'empêcher quiconque de prendre la direction de la communauté. La situation s'aggrava
de plus en plus, et la lumière de la foi disparut complètement.
Étant l'hôte de la famille de Baha'u'llah et malgré tous les bons soins et la
gentillesse qui lui étaient prodigués, Mirza Yahya continuait d'être une source
d'ennuis pour tous. Il se mit à avoir peur d'être arrêté et ferma la porte de
la maison à clé, interdisant à tous de l'ouvrir. Nul ne pouvait sortir ni entrer.
Il ne permettait à personne de se rendre aux bains publics, et personne n'avait
le droit de venir aider aux travaux de la maison. Chaque jour, et pendant des
heures, la petite Bahiyyih se tenait près du puits et puisait l'eau. Les cordes
étaient rugueuses et le seau, très lourd pour une fillette de son âge.
Pendant cette période, le petit garçon de Baha'u'llah qui était né peu après leur
arrivée à Baghdad tomba gravement malade. Mirza Yahya ne permit pas qu'on fasse
venir un médecin et le bébé mourut. La pauvre Asiyih Khanum en eut le coeur brisé.
Mirza Yahya refusa même qu'on prépare le bébé pour l'enterrement, et le petit
corps fut remis à un homme qui l'emporta avec lui. Personne ne sut jamais où il
fut enterré. Cet épisode douloureux resta gravé très clairement dans la mémoire
de tous pendant de nombreuses années.
Peu de temps après cet incident, Asiyih Khanum et sa famille purent déménager
dans une maison plus grande. Fort heureusement, Mirza Yahya préféra rester dans
la petite maison, tellement il avait peur d'être vu s'il les suivait. La famille
de Baha'u'llah continuait à lui apporter de la nourriture et à voir aux besoins
de sa famille qui s'était agrandie. Leur vie commença peu à peu à s'adoucir, mais
leur plus grande inquiétude était toujours de savoir où était Baha'u'llah.
Solitaire et tranquille, Baha'u'llah passait la plus grande partie de son temps
dans les montagnes, logeant dans une grotte ou dans une petite maison de pierre
qui servait d'abri aux paysans. Les oiseaux du ciel étaient ses compagnons et
les animaux, ses amis. Il passa bien des nuits sans nourriture et bien des journées
sans pouvoir se reposer. Mais malgré cela il était heureux. Pour la première fois
de sa vie, il était seul et pouvait vivre entièrement à l'unisson avec son esprit.
* Lire avec les enfants l'anecdote "Retiré pendant deux ans dans les montagnes"
(Cahier d'élève, p. 11)
Presque deux années s'écoulèrent ainsi. Puis, un beau jour, un certain shaykh,
qui possédait une propriété dans le voisinage, eut un rêve dans lequel le prophète
Muhammad lui apparut et lui demanda d'aller dans les montagnes pour y trouver
un homme qui y vivait. Il obéit et trouva effectivement Baha'u'llah. Il fit part
de sa découverte au chef d'une mission de Sulaymaniyyih. Ce dernier rendit visite
à Baha'u'llah et l'invita à venir habiter avec eux. Après avoir refusé plusieurs
fois cette invitation, Baha'u'llah finit par accepter.
Personne à la mission ne se doutait que Baha'u'llah possédait des connaissances
et une sagesse extraordinaires jusqu'au jour où un étudiant découvrit quelques-uns
de ses Écrits. Par la forme et le style des lettres, il comprit que Baha'u'llah
devait posséder une très grande puissance spirituelle. À partir de ce moment,
les prêtres et les étudiants l'invitèrent à prendre la parole devant eux et à
leur expliquer les passages les plus difficiles des écrits sacrés de l'islam.
Il devint bientôt si célèbre que sa renommée atteignit les oreilles des habitants
de Baghdad.
Une nuit, après que 'Abdu'l-Baha eut fait de longues prières, lui et son oncle
Mirza Musa entendirent par hasard deux personnes parler d'un personnage merveilleux
qui vivait dans les montagnes sauvages de Sulaymaniyyih. Elles le décrivaient
comme " celui qui n'a pas de nom " et qui avait rempli toute la région de son
amour. 'Abdu'l-Baha sut immédiatement qu'il s'agissait de Baha'u'llah. Mirza Musa
et lui se rendirent chez un ami fidèle, Shaykh Sultan, et lui demandèrent de partir
à sa recherche et de le presser de revenir. 'Abdu'l-Baha et sa famille, et même
Mirza Yahya, lui écrivirent des lettres réclamant son retour.
Mais avant même de recevoir toutes ces lettres, Baha'u'llah savait qu'il devait
retourner à Baghdad pour empêcher la destruction de la Foi. À celui qui l'accompagnait
sur le chemin du retour, il dit qu'il n'aurait en aucune façon consenti à retourner
si ce n'était pour le Bab et afin que tout ce sang sacré versé dans le sentier
de Dieu n'ait pas été répandu en vain.
Baha'u'llah mit plusieurs semaines pour se rendre à Baghdad. Il savait qu'il vivait
ses derniers jours de paix et de tranquillité et que le reste de sa vie serait
marqué par une série de crises et de tribulations sans nombre.
* Le retour de Baha'u'llah à Baghdad (Cahier d'élève, page 12)
Baha'u'llah revint à Baghdad le 19 mars 1856, exactement deux années lunaires
après son départ pour le Kurdistan.
Aussitôt informée du retour de son mari, Asiyih Khanum se mit à lui confectionner
un habit à partir de quelques pièces de tissu rouge qu'elle avait soigneusement
conservées. Heureusement qu'elle avait eu cette bonne idée car, lorsque Baha'u'llah
arriva, il était vêtu comme un mendiant.
Voici les paroles de la Feuille la plus sainte, Bahiyyih Khanum, décrivant le
retour de son père : " Nous nous accrochâmes à lui avec une joie indescriptible.
Je revois encore ma mère bien-aimée, calme et douce, et mon frère qui tenait fermement
la main de son père, comme s'il n'allait jamais plus le laisser s'éloigner de
sa vue [...]
Je n'ai jamais pu oublier cette scène si touchante et si heureuse ! Nombreuses
furent les histoires qu'il nous raconta, relatives à ces deux années-là. Nous
n'étions jamais las de l'écouter. La nourriture était facile à décrire : du pain
bis et un peu de fromage constituaient le repas habituel ; parfois, mais très
rarement, une tasse de lait dans laquelle il mettait un peu de riz et très peu
de sucre. Le tout bouilli ensemble constituait un pouding de riz, un vrai régal."
(STMJ, p. 22)
La première tâche de Baha'u'llah fut de regrouper les babis en une seule communauté
capable de travailler à nouveau en paix et dans l'unité. Il y parvint très rapidement
grâce à son amour et à son grand pouvoir d'attraction. Les enseignements de base
du Bab ayant été oubliés durant son absence, il les remit en valeur et suscita
pour eux un intérêt nouveau. Il commença par interdire aux babis de participer
à toute activité politique ou de se joindre à des organisations secrètes. Il leur
demanda de ne plus se battre, d'obéir strictement aux lois du gouvernement, d'être
bons, honnêtes et fidèles, d'éviter la médisance et de rendre le bien pour le
mal. Ils devaient aussi apprendre les arts et les sciences, se sacrifier eux-mêmes,
être patients et forts et accepter la volonté de Dieu.
C'est à cette époque-là que Baha'u'llah révéla Les Paroles cachées. 'Abdu'l-Baha
a raconté que son père se promenait souvent le long des rives du Tigre et qu'à
son retour, il paraissait très heureux. Il se retirait alors dans sa chambre et
écrivait les paroles de sagesse qui, depuis, ont apporté aide et guérison à des
millions de coeurs blessés.
Pendant les sept années qui suivirent son retour à Baghdad, Baha'u'llah devint
de plus en plus connu. Sa maison accueillait de nombreux visiteurs qui arrivaient
parfois de très loin pour le voir et l'entendre. Il y avait des Kurdes, des Persans,
des Arabes et des Turcs, d'origines musulmane, juive ou chrétienne. Ses amis du
Kurdistan qui venaient voir " Derviche Muhammad " étaient très surpris de trouver
tant d'adeptes réunis dans sa maison. Il y avait des prêtres, des chefs religieux,
des poètes, des mystiques, des notables, des hauts fonctionnaires, des princes
et, bien sûr, des babis venus d'aussi loin que la Perse. Baha'u'llah reçut aussi
la visite du consul britannique qui lui offrit la citoyenneté de son pays de même
qu'un domicile en Inde, offre qu'il refusa. Même le gouverneur de Baghdad lui
rendit visite. Tous étaient attirés par sa renommée, ses Écrits et sa sagesse.
Parmi les babis qui eurent le privilège de visiter Baha'u'llah se trouvaient quatre
des cousins du Bab ainsi que son oncle maternel ; une des petites-filles du shah
qui était une admiratrice de Tahirih ; Mulla Baqir, une des Lettres du Vivant
; Mirza Muhammad, le père de l'épouse de 'Abdu'l-Baha, et Nabil-i-A'zam, l'auteur
de La Chronique de Nabil.
Lorsque Nabil visita la communauté nouvellement réformée, il écrivit que les babis
étaient tellement inspirés par la présence de Baha'u'llah qu'à leurs yeux les
palais des rois paraissaient plus éphémères qu'une toile d'araignée. Lui-même
vivait avec deux autres personnes dans une pièce non meublée. " Pendant bien des
jours, raconte Nabil, au moins dix personnes vécurent avec tout au plus deux sous
de dattes. Nul ne savait à qui appartenaient en réalité les souliers, les manteaux
ou les robes qui se trouvaient dans leurs demeures [...] Ils avaient oublié leurs
propres noms, leur coeur ne contenait rien d'autre que leur adoration pour leur
Bien-Aimé [...]" (DPPN, p. 130-131)
Les babis ne furent pas les seuls à ressentir la puissance de Baha'u'llah. Après
lui avoir rendu visite, un prince royal avait dit : " Je ne sais comment l'expliquer,
mais si tous les chagrins du monde s'étaient amassés dans mon coeur, je crois
qu'ils se seraient tous évanouis en la présence de Baha'u'llah. C'est comme si
j'étais entré dans le paradis même." (DPPN, p. 128)
Bientôt, la plupart des vingt-cinq babis qui avaient déclaré être " le Promis
" vinrent, eux aussi, voir Baha'u'llah et lui demander pardon.
La maison où convergeaient un si grand nombre de visiteurs fut officiellement
appelée plus tard " la demeure suprême". Baha'u'llah ordonna qu'elle devienne
un lieu de pèlerinage pour les baha'is du monde entier. Nabil décrit la pièce
où Baha'u'llah recevait ses invités en ces mots : " La pièce qui, dans la demeure
suprême, était réservée à la réception des visiteurs de Baha'u'llah, quoique délabrée
et inutilisée depuis longtemps, rivalisait avec le très haut paradis, à force
d'être parcourue par les pas bénis du Bien-Aimé. Basse de plafond, elle semblait
pourtant toucher aux étoiles, et quoique meublée d'un seul lit fait de branches
de palmiers sur lequel celui qui est le Roi des noms avait coutume de s'asseoir,
elle attirait, tel un aimant, les coeurs des princes." (DPPN, p. 128)
Un prince qui avait visité Baha'u'llah avait été tellement séduit par cette pièce
qu'il avait exprimé son intention d'en faire construire une réplique dans sa propre
demeure. Lorsqu'il connut son intention, Baha'u'llah aurait remarqué en souriant
: " Il peut fort bien réussir à produire extérieurement la copie conforme de cette
pièce au plafond bas, faite de boue et de paille, et de son minuscule jardin.
Mais qu'en est-il de son pouvoir d'ouvrir sur elle les portes spirituelles qui
donnent sur les mondes cachés de Dieu ?" (DPPN, p. 128)
Il ne faut pas perdre de vue que, durant toute cette période, Baha'u'llah ne semblait
être qu'un disciple du Bab. Il attirait les gens par sa personnalité, son savoir,
sa sagesse, son amour, sa bonté, sa capacité d'aider et son pouvoir de leur donner
une vision et une compréhension nouvelles. Des milliers de personnes se considéraient
comme ses amis et étaient de fervents admirateurs qui ne tarissaient pas d'éloges
à son égard et ne trouvaient personne dont le pouvoir puisse être comparé au sien.
Et pourtant, lorsque Baha'u'llah déclara plus tard être le Prophète promis par
le Bab, un grand nombre d'entre eux se détournèrent de lui et refusèrent d'accepter
son message.
Baha'u'llah garda le secret de sa mission jusqu'en 1863, donnant ainsi aux babis
le temps d'ouvrir peu à peu leurs yeux et leurs coeurs et les préparant patiemment
à le reconnaître comme " Celui que Dieu rendra manifeste".
2.5. LA RÉVÉLATION ET LA DÉCLARATION DE BAHA'U'LLAH
À BAGHDAD (Cahier d'élève, LEÇON 6)
La période qui suivit le retour de Baha'u'llah à Baghdad fut marquée par une augmentation
considérable dans la variété et l'abondance de ses Écrits. Baha'u'llah qualifie
de " pluie continuelle " ces versets qui, pendant ces années, coulèrent de sa
plume. Parmi les ouvrages les plus importants révélés à cette époque se trouve
le Kitab-i-Iqan, le Livre de la Certitude, écrit en l'espace de deux jours et
deux nuits, et par lequel Baha'u'llah accomplissait la prophétie du Bab selon
laquelle le Promis compléterait le Bayan persan (le Livre du Bab). Baha'u'llah
écrivit ce livre pour répondre aux questions posées par un oncle du Bab qui n'était
pas encore converti. Il y explique, entre autres, ce qu'est une manifestation
de Dieu, comment les prophètes se sont succédés au cours de l'histoire, comment
leurs messages ont été spirituellement identiques, quoique énoncés différemment
pour être mieux adaptés à leur époque, et aussi comment chaque Manifestation accomplit
les prophéties et les promesses de tous les prophètes qui l'ont précédée.
Viennent ensuite Les Paroles cachées, un chef-d'oeuvre de poésie mystique qui
résume les préceptes divins que contiennent toutes les grandes religions du passé
; Les Sept Vallées, un traité qui peut être considéré comme l'ouvrage mystique
le plus important de Baha'u'llah et qui décrit les sept étapes que doit traverser
le chercheur avant de pouvoir atteindre le but de son existence ; Les Quatre Vallées,
une épître adressée à un savant chef religieux ; et l'" Épître du Saint-Nautonier
", dans laquelle il prédit les malheurs terribles qui doivent fondre sur lui.
Le pouvoir et le prestige de plus en plus grandissants de Baha'u'llah, l'influence
miraculeuse de ses préceptes et de son exemple sur le comportement et le caractère
de ses compagnons, depuis Baghdad jusqu'aux villes et hameaux les plus reculés
de la Perse, l'amour qu'on avait pour lui et la " pluie continuelle " d'Écrits
qui coulaient de sa plume provoquèrent la jalousie et l'hostilité des prêtres
musulmans.
Un d'entre eux, ayant échoué dans sa tentative de monter les gens contre Baha'u'llah,
engagea un homme nommé Rida pour le tuer. Par deux fois Rida essaya de tuer Baha'u'llah.
La première fois, un fusil sous la veste, il le suivit jusqu'à un bain public.
Mais, au moment de tirer, il perdit courage. La seconde fois, après s'être placé
le long de la route où marchaient Baha'u'llah et son frère Mirza Musa, il leva
son fusil pour tirer. Il fut alors pris d'une telle frayeur que l'arme tomba de
ses mains. Lorsque Baha'u'llah vit tomber le pistolet, il demanda à son frère
de rendre son arme à son assaillant et de l'aider à retourner chez lui.
Déçus dans leurs projets mais déterminés à se débarrasser de Baha'u'llah, les
prêtres envoyèrent un des leurs pour le rencontrer et lui poser certaines questions.
Après avoir reçu des réponses satisfaisantes, le messager demanda à Baha'u'llah
de produire un miracle afin de satisfaire aussi ceux qui l'avaient envoyé. Baha'u'llah
accepta et dit : " Bien que vous n'ayez nul droit de demander cela, car c'est
à Dieu d'éprouver ses créatures et non aux créatures d'éprouver Dieu, j'admets
et accepte encore cette demande [...] Que les 'ulamas se réunissent et choisissent
un miracle d'un commun accord, puis qu'ils certifient par écrit qu'après l'accomplissement
de ce miracle, ils ne nourriront plus aucun doute à mon égard et que tous reconnaîtront
et attesteront la vérité de ma cause. Qu'ils scellent ce papier et me l'apportent.
Tel doit être le critère accepté : si le miracle est accompli, nul doute ne subsistera
pour eux ; sinon, nous serons convaincu d'imposture." (DPPN, p. 137)
Évidemment, les prêtres ne réussirent pas à s'entendre sur le choix du miracle
et, dans la crainte de devoir reconnaître la vérité de cette cause, ils décidèrent
de tout laisser tomber.
Entre-temps, la presque totalité de la communauté babie de Perse et d''Iraq avait
reconnu Baha'u'llah comme son chef spirituel. Ses ennemis toutefois devinrent
plus actifs et essayèrent de faire en sorte qu'il quitte Baghdad. Ils adressèrent
des lettres mensongères au shah, prétendant que Baha'u'llah s'apprêtait, avec
des milliers de guerriers, à attaquer la ville et à détruire les tombeaux sacrés
de l'Islam.
Après neuf mois de ce genre d'activités, le shah finit par envoyer un ordre pour
que Baha'u'llah quitte Baghdad et demanda au sultan de Turquie de l'autoriser
à se rendre à Constantinople (aujourd'hui Istanbul). Ce dernier accepta, et Baha'u'llah
reçut une forte somme d'argent pour faire face aux dépenses que nécessitait un
si long déplacement pour lui-même et pour sa famille. Baha'u'llah commença par
refuser cette somme, jusqu'au moment où on lui dit que le gouvernement prendrait
son refus pour une insulte. Il l'accepta alors, mais la donna aux pauvres le jour
même.
Le jour où les disciples apprirent que Baha'u'llah devait quitter Baghdad fut
le plus terrible jour que la communauté babie ait jamais connu. Ils allaient être
séparés de leur Bien-Aimé, leur inspiration, leur vie même ! La première nuit
après avoir reçu cette triste nouvelle, ils refusèrent tous de dormir et de se
nourrir. Aucune de ces âmes ne put trouver d'apaisement. Plusieurs avaient déjà
décidé que, s'ils ne pouvaient accompagner Baha'u'llah, ils mettraient fin à leurs
jours. Mais peu à peu Baha'u'llah les réconforta par ses paroles, par sa bienveillante
sollicitude et par une épître particulière qu'il révéla pour chacun d'entre eux,
Arabe ou Persan, homme ou femme, enfant ou adulte.
Ceux qui étaient contraints de quitter Baghdad avec Baha'u'llah se demandaient
bien ce qu'ils devaient emporter avec eux, ignorant tout de leur destination et
de la durée du voyage. La famille de Baha'u'llah n'était pas plus renseignée.
De plus, il leur était impossible de se préparer convenablement à cause du flot
constant de visiteurs désemparés qui pleuraient et demandaient ce qu'ils pouvaient
faire.
* La déclaration de sa mission dans le jardin de Ridvan (Cahier d'élève,
page 14)
Un certain Najib Pasha, qui était devenu un ami de Baha'u'llah, l'invita, avec
ses compagnons, à venir s'installer dans son jardin près de Baghdad. Pendant que
Baha'u'llah et ses amis s'installèrent dans ce jardin, les femmes restèrent derrière
pour achever les préparatifs. De cette manière, elles purent accomplir davantage
et elles travaillèrent fort afin que tout soit prêt pour le voyage.
Le 21 avril 1863, Baha'u'llah et ses compagnons quittèrent Baghdad. Une foule
considérable vint le voir avant son départ. Des hommes se jetaient par terre devant
lui dans l'espoir que ses pieds bénis les toucheraient au passage. Des femmes
en pleurs s'approchaient et déposaient leurs bébés et leurs jeunes enfants à ses
pieds. Il prenait avec soin chaque enfant, le confiait à Dieu et, avec douceur
et amour, le remettait dans les bras de sa mère. À chaque mère il recommandait
d'élever ces chers enfants pour qu'ils servent Dieu dans la foi et la vérité.
Lorsque Baha'u'llah monta sur le bateau qui devait traverser le Tigre, les gens
se pressaient autour de lui pour ne pas perdre un moment de leur dernière chance
d'être en sa présence. Finalement, le bateau quitta le port, laissant derrière
lui une multitude de coeurs brisés.
Ceux qui accompagnaient Baha'u'llah dressèrent sa tente, de même que six autres
tentes pour les amis, dans le jardin de Najib Pasha. Certains se chargèrent des
repas, alors que d'autres s'attribuèrent différentes tâches. Lors du séjour de
Baha'u'llah dans ce jardin (appelé plus tard le " jardin de Ridvan ", ce qui signifie
le jardin du Paradis), un vent violent souffla pendant plusieurs jours. Quelques-uns,
craignant que sa tente ne se renversât, s'assirent sur les cordes pour la stabiliser.
Nuit et jour, ils tenaient les cordes, heureux d'être tout près de leur Seigneur
glorieux.
Ils restèrent dans le jardin de Ridvan pendant douze jours. Ces jours sont commémorés
depuis comme la plus grande fête de l'année baha'ie, la fête de Ridvan, car ce
fut durant cette période que Baha'u'llah annonça à ses compagnons qu'il était
le Promis longtemps attendu, le Messie promis par Moïse, l'Esprit de Vérité promis
par Jésus, la Grande Annonce promise par Muhammad, " Celui que Dieu rendra manifeste
" promis par le Bab et par tous les prophètes et les livres saints du passé.
* Lire avec les enfants le récit " La déclaration de sa mission [...]"
(Cahier d'élève, p. 14, 2e paragraphe)
Nous connaissons malheureusement très peu de choses sur les circonstances entourant
cette déclaration historique. Un des rares récits historiques que nous possédions
sur ces journées mémorables est celui de Nabil. Voici ce que ce dernier raconte
: " Chaque jour, avant l'aube, les jardiniers cueillaient les roses qui bordaient
les quatre avenues du jardin et les empilaient par terre, au milieu de sa tente
bénie. Le tas était si élevé que, lorsque ses compagnons se réunissaient pour
boire leur thé du matin en sa présence, ils ne pouvaient se voir au-dessus. De
ses propres mains, Baha'u'llah confiait toutes ces roses à ceux qu'il renvoyait
de sa présence chaque matin, avec mission de les remettre de sa part à ses amis
arabes et persans de la ville."
"Une nuit, continue Nabil, la neuvième nuit de la lune ascendante, je montais
la garde avec d'autres, près de sa tente bénie. Comme minuit approchait, je le
vis sortir de sa tente, passer près de quelques-uns de ses compagnons endormis,
et commencer à faire les cent pas dans les allées bordées de fleurs du jardin,
sous le clair de lune. De tous côtés, le chant des rossignols était si fort que
seuls ceux qui étaient proches de lui pouvaient entendre distinctement sa voix.
Il continua de marcher jusqu'à ce que, s'arrêtant au milieu de l'une des avenues,
il observe :
"Voyez ces rossignols. Leur amour pour ces roses est si fort que, veillant du
crépuscule jusqu'à l'aube, ils gazouillent leurs mélodies et, dans une passion
brûlante, communient avec l'objet de leur adoration. Comment ceux qui se prétendent
embrasés d'amour pour la beauté du Bien-Aimé, celle de la rose même, peuvent-ils
se résoudre à dormir ?"
Pendant trois nuits consécutives, je veillai, effectuant des rondes autour de
sa tente bénie. Chaque fois que je passais près du lit où il était étendu, je
le trouvais éveillé et, chaque jour, du matin au soir, je le voyais sans cesse
occupé à converser avec le flot de visiteurs qui ne cessaient d'arriver de Baghdad.
Pas une seule fois je ne pus découvrir, dans les paroles qu'il prononçait, le
moindre indice de dissimulation." (DPPN, p. 145)
Finalement, Dieu avait rempli ses promesses et donné au monde son plus grand Éducateur.
Le cycle prophétique était terminé et celui de l'accomplissement avait commencé.
Enfin, le royaume de Dieu sur terre, l'Âge d'or, de paix et de compréhension,
tout cela allait commencer à se déployer progressivement.
Au neuvième jour de Ridvan, la famille, ayant achevé les préparatifs du voyage,
rejoignit Baha'u'llah dans le jardin. Dans l'après-midi du douzième jour, une
escorte de soldats turcs vint les chercher, et le voyage commença. Mais où allaient-ils
? Ils ne le savaient pas encore !
2.6. L' EXIL DE BAHA'U'LLAH À CONSTANTINOPLE (Cahier d'élève, LEÇON 7)
Le 3 mai 1863, à midi, Baha'u'llah et ses compagnons quittèrent le jardin de Ridvan.
Ses disciples avaient acheté pour lui le meilleur cheval qu'ils avaient pu trouver,
un étalon aubère de la plus pure race.
Des milliers de personnes assistèrent à son départ. Certains s'agenouillaient
dans la poussière, devant son cheval, embrassant les sabots de sa monture. D'autres
se pressaient autour de lui pour l'étreindre une dernière fois. Un grand nombre
d'entre eux se jetèrent devant le cheval, préférant la mort à la séparation de
leur Bien-Aimé. Et il en fut ainsi pendant toute la durée du voyage qui les mena
à la ville de Constantinople. Baha'u'llah était accompagné de douze membres de
sa famille, de vingt-six disciples et de soldats turcs qui les conduisaient.
Mirza Yahya, le demi-frère de Baha'u'llah, n'était pas avec eux lorsqu'ils quittèrent
Baghdad. Il s'était enfui deux semaines plus tôt, de peur d'être arrêté. Il apprit
plus tard le départ de Baha'u'llah et se dépêcha de le rejoindre. Il n'était pas
au courant de sa déclaration.
À partir de Firayjat [Nota : Un village turc], la première étape du voyage, une
caravane se forma : elle était composée de cinquante mules, d'une garde montée
de dix soldats et de leur officier, et de sept paires de litières surmontées chacune
de quatre parasols. Cette caravane s'achemina par petites étapes et à travers
les régions montagneuses, les défilés, les bois, les vallées et les pâturages,
jusqu'au port de Samsun sur la mer Noire.
* Lire avec les enfants le récit " La marche d'un roi" (Cahier d'élève,
p. 15)
Partout où il passa, dans chaque ville et village, Baha'u'llah fut accueilli comme
un roi, aussi bien par les dignitaires que par la population en général. Cet accueil
enthousiaste, empreint d'amour et de respect, fut encouragé par un ordre écrit
de la part du gouverneur de Baghdad, ordre qu'il avait envoyé à tous les dirigeants
et notables habitant les régions que Baha'u'llah devait traverser.
Partout, des gens venaient à sa rencontre et l'escortaient sur plusieurs kilomètres,
jusqu'à une ville ou un village. Des hommes, des femmes et des enfants se hissaient
sur les toits des maisons et s'alignaient le long des rues pour le voir arriver.
Parfois, le cortège était précédé par une escorte montée de soldats du gouvernement,
portant leur bannière et jouant du tambour en signe de bienvenue. Baha'u'llah
et ses compagnons quittaient ensuite cette ville ou ce village, toujours escortés
par une délégation qui les accompagnait sur plusieurs kilomètres.
Ces marques de dévotion continuèrent d'entourer Baha'u'llah jusqu'à ce qu'il soit
installé à Constantinople. Il arriva dans cette ville le 16 août 1863. Le voyage
avait duré trois mois et demi.
Durant tout le voyage et selon sa propre volonté, Mirza Yahya avait suivi l'équipage
de Baha'u'llah à pied. Le jour de leur arrivée à Constantinople, il fit cette
remarque à Siyyid Muhammad qui l'accompagnait, remarque qui fut entendue par Nabil
: " Si je n'avais pas résolu de me cacher et si j'avais révélé mon identité, les
honneurs qui lui (Baha'u'llah) sont conférés en ce jour auraient aussi été pour
moi." (DPPN, p. 147) Une fois de plus, sa jalousie commençait à se manifester.
On peut dire que l'arrivée de Baha'u'llah à Constantinople marqua le début de
la partie la plus importante de sa mission. Vingt ans s'étaient écoulés depuis
que le Bab avait déclaré sa mission à Shiraz, dans la Perse la plus profonde.
En dépit de son long emprisonnement, ses enseignements s'étaient répandus dans
toute la Perse et en 'Iraq. Ses adeptes avaient abandonné les lois musulmanes
et commençaient à façonner leur vie selon les lois de l'âge nouveau. Avant de
quitter ce monde, le Bab avait placé la direction de sa foi entre les mains de
Mirza Yahya jusqu'à ce que la nouvelle Manifestation apparaisse.
La condition de la communauté babie s'était graduellement détériorée. Baha'u'llah
avait été emprisonné et avait beaucoup souffert. La " créature virginale " lui
était apparue dans le Siyah-Chal et lui avait annoncé qu'il était la Manifestation
promise par le Bab. Il avait été contraint de quitter son pays natal et de s'établir
à Baghdad.
Mirza Yahya et Siyyid Muhammad ayant réussi à semer le trouble et la division
dans la communauté babie, Baha'u'llah avait dû se retirer pendant deux années
dans les montagnes sauvages du Kurdistan. Il n'était revenu à Baghdad que pour
obéir à Dieu. Avec amour et sagesse, il avait patiemment guidé la communauté babie
jusqu'à ce qu'elle soit réunifiée.
Ses ennemis, jaloux de sa grande popularité, avaient réussi à lui faire quitter
Baghdad. Puis, avant de se mettre en route pour un autre exil, il avait annoncé
à ses disciples qu'il était celui dont le Bab avait annoncé la venue. De Baghdad
à Constantinople, il voyagea dans une gloire telle qu'aucun roi n'en avait jamais
connu de pareille. La principale tâche qu'il lui restait maintenant à accomplir
était d'annoncer sa mission au reste du monde.
À leur arrivée à Constantinople, Baha'u'llah et ses compagnons furent entassés
dans un petit hôtel. 'Abdu'l-Baha, qu'on appelait désormais " le Maître ", demanda
au gouverneur de la ville de permettre à Baha'u'llah et à sa famille de loger
dans une maison séparée. Cette demande fut acceptée. Cependant, Baha'u'llah invita
Mirza Yahya et sa famille à venir habiter avec eux.
Parmi les babis, il y avait de simples commerçants, des marchands, des instituteurs
et des nobles. Ces derniers avaient abandonné leurs richesses et les honneurs
pour accompagner Baha'u'llah. Ils se faisaient passer pour des tailleurs, des
cuisiniers, des pâtissiers, des boulangers ou n'importe quoi d'autre afin de pouvoir
rester près de lui et demeurer inconnus.
Le consul général de Perse à Constantinople devint un ami de Baha'u'llah. Il lui
suggéra de faire quelques visites aux dignitaires de la cour afin d'améliorer
sa condition. Baha'u'llah refusa, disant qu'il n'avait pas de faveurs à demander
à ces gens. Il était venu sur l'ordre du sultan et était prêt à obéir à tous les
nouveaux ordres que ce dernier pourrait lui donner. Le consul fut impressionné
par la dignité de Baha'u'llah. Son attitude était fort différente de celle de
ses compatriotes qui cherchaient toujours à obtenir des faveurs spéciales de la
part des membres du gouvernement.
Lors d'une visite à Tihran, ce même consul rencontra un des frères de Baha'u'llah,
Mirza Rida-Quli. Il lui parla avec éloge de Baha'u'llah, mais Mirza Rida-Quli
nia lui être apparenté. Telle était l'attitude des parents de Baha'u'llah, dont
certains de ses frères. Bien entendu, il y avait pire. C'était le cas de Mirza
Yahya.
Pendant son séjour à Constantinople, la renommée de Baha'u'llah se répandit à
l'étranger et attira de nombreuses personnes importantes qui désiraient ardemment
atteindre sa présence. Vivement impressionnés, ces visiteurs parlèrent à tout
le monde de la majesté de sa personne et de la sainteté de ses enseignements.
Cela inquiéta à nouveau les ennemis de Baha'u'llah qui mirent au point un plan
dans le but de le faire partir de Constantinople.
Quatre mois après son arrivée à Constantinople, Baha'u'llah reçut brusquement
et sans aucun avertissement l'ordre de se déplacer vers Andrinople, une ville
située à l'extrémité nord-ouest de la Turquie. Les gens qui y vivaient étaient,
pour la plupart, des personnes qui avaient commis des crimes contre le sultan.
Ce voyage, bien qu'il ne dura que douze jours, fut le plus terrible de tous. Par
une froide matinée de décembre, au milieu des pleurs des amis qu'ils laissaient
derrière eux, Baha'u'llah, sa famille et ses compagnons se mirent en route et
traversèrent une contrée glaciale et balayée par le vent. Ils n'avaient même pas
suffisamment de vêtements pour se protéger du froid. Quelques-uns voyagèrent dans
des chariots tandis que d'autres allèrent à cheval ou sur des ânes. Leurs effets
étaient empilés sur des charrettes tirées par des boeufs et ils étaient accompagnés
par des officiers turcs. Il faisait si froid que les animaux mouraient. Pour prendre
de l'eau aux sources, il fallait allumer tout près d'elles un grand feu et l'entretenir
pendant deux heures avant qu'elles ne dégèlent.
Voyageant à travers pluies et tempêtes, faisant parfois des marches de nuit, ils
arrivèrent à destination, complètement épuisés, le 12 décembre 1863.
2.7. LE DÉPLACEMENT DE BAHA'U'LLAH VERS ANDRINOPLE (Cahier d'élève, LEÇON 8)
Baha'u'llah et sa famille, douze personnes en tout, passèrent leur premier hiver
à Andrinople dans une petite maison de trois pièces infestée de rats. Ce fut une
période très dure. Environ six mois plus tard, ils furent transférés dans une
maison plus spacieuse, connue sous le nom de " maison d'Amru'llah" (" la demeure
du commandement de Dieu ").
Pour bien comprendre ce qu'il advint de la foi baha'ie à Andrinople, il est nécessaire
d'en savoir plus sur Mirza Yahya et Siyyid Muhammad. Siyyid Muhammad fut décrit
par Shoghi Effendi comme l'antéchrist (le Judas) de la révélation baha'ie. Ce
fut lui qui conçut divers complots pour accabler Baha'u'llah et ses compagnons
et qui promit à Mirza Yahya la direction de la Foi s'il acceptait de suivre ses
instructions perverses. Ce fut encore lui qui, plus tard, encouragea Mirza Yahya
à tenter d'assassiner Baha'u'llah.
Siyyid Muhammad fut l'auteur de toutes ces cruautés, mais c'est Mirza Yahya qui
les exécuta. Tous les deux commirent un crime spirituel plus grand encore que
la trahison de Jésus par Judas Iscariote, plus perfide que la conduite des fils
de Jacob envers leur frère Joseph et plus infâme que le crime commis par Caïn
contre son frère Abel.
Ce fut Mirza Yahya qui, ayant eu tellement peur de la responsabilité de diriger
la communauté babie que lui avait temporairement attribuée le Bab, se sauva, se
fit passer pour un juif de Baghdad et devint marchand de chaussures. Ce fut Mirza
Yahya qui refusa de diffuser les Écrits du Bab tel que suggéré par Baha'u'llah.
Ce fut Mirza Yahya qui falsifia les Écrits du Bab, s'identifiant lui-même avec
la divinité et se nommant lui-même ainsi que ses descendants comme héritiers du
Bab. Et ce fut encore Mirza Yahya qui condamna à mort les principaux " miroirs
" [Nota : Miroirs : disciples du Bab, ainsi nommés parce qu'ils avaient reçu de
lui la lumière spirituelle et pouvaient la refléter] du Bab et provoqua le meurtre
d'un homme nommé Dayyan ainsi que d'un cousin du Bab.
Tous ces crimes et bien d'autres furent commis par Mirza Yahya en association
avec Siyyid Muhammad. Mais ces crimes ne servent qu'à montrer quel genre de caractère
avaient ces deux hommes. Des crimes encore plus graves allaient bientôt être commis
à Andrinople.
Un an environ après leur arrivée à Andrinople, ces deux criminels décidèrent que
Baha'u'llah avait acquis trop de puissance et qu'il était temps de mettre fin
à tout cela avant qu'il ne soit trop tard. La seule façon d'y arriver était selon
eux de le tuer. Mirza Yahya chercha donc à se rapprocher de Mirza Musa, un autre
frère de Baha'u'llah, car il possédait des connaissances médicales. Sous divers
prétextes, il chercha à obtenir des renseignements sur certains poisons et certaines
herbes. Contrairement à ses habitudes, il commença même à inviter Baha'u'llah
chez lui. Baha'u'llah accepta de se rendre chez Mirza Yahya, lui accordant ainsi
une autre chance de changer sa façon d'agir.
Finalement, Mirza Yahya enduisit la tasse de thé destinée à son frère d'un poison
qu'il avait préparé. Baha'u'llah tomba malade et, pendant au moins un mois, il
fut atteint de violentes douleurs et d'une forte fièvre. Cette maladie fut si
grave qu'il conserva un tremblement des mains jusqu'à la fin de sa vie. Le docteur
Shishman, un médecin étranger, fut appelé à son chevet. Ce dernier fut si consterné
par l'état de Baha'u'llah qu'il l'estima sans espoir. Il tomba à ses pieds, puis
se retira sans lui avoir prescrit de remède. Il alla chez lui et supplia Dieu
de prendre sa vie en échange de celle de Baha'u'llah. Quelques jours plus tard,
le docteur tomba malade et mourut. Baha'u'llah écrivit par la suite que ce médecin
avait sacrifié sa vie pour lui.
Comme sa première tentative d'empoisonnement n'avait pas réussi complètement,
Mirza Yahya essaya une autre méthode. Il mit du poison dans le puits qui alimentait
en eau Baha'u'llah et sa famille ; souffrant d'empoisonnement, la famille entière
présenta donc de drôles de symptômes pendant très longtemps.
Le poison n'ayant pas réussi à tuer son frère, Mirza Yahya se lia d'amitié avec
le barbier de Baha'u'llah. Il lui promit une forte récompense s'il tranchait la
gorge de Baha'u'llah pendant qu'il lui coupait les cheveux. Le barbier fut si
choqué par cette proposition qu'il aurait tué Mirza Yahya sur-le-champ s'il n'avait
craint de déplaire à Baha'u'llah. Lorsque Baha'u'llah entendit parler de cet incident,
il ordonna au barbier de n'en souffler mot à personne dans la communauté. Mais
le barbier fut incapable de garder son secret et la communauté fut plongée dans
une grande consternation. Mirza Yahya prétendit que c'était le barbier lui-même
qui en avait eu l'idée et qu'il n'avait rien à voir avec cette affaire.
Le moment était maintenant venu pour Baha'u'llah de signifier clairement à Mirza
Yahya à quel point il était grave pour lui de désobéir à la manifestation de Dieu.
Afin de lui donner une dernière chance de faire partie du groupe des baha'is fidèles,
Baha'u'llah révéla pour lui une épître spéciale, dans laquelle il lui expliqua
la grandeur suprême de son rang et du message de Dieu pour cet âge. Il était clair
que Mirza Yahya, en n'obéissant pas à Baha'u'llah, n'obéissait pas au représentant
de Dieu sur terre.
Après qu'un messager lui ait lu cette épître, Mirza Yahya demanda de disposer
d'un jour pour y réfléchir. Cette permission lui fut accordée et, le jour suivant,
il fit part de sa réponse. Dans sa lettre, il écrivit qu'il ne reconnaissait pas
Baha'u'llah comme la manifestation de Dieu, qu'il était lui-même une manifestation
de Dieu, qu'il avait reçu une révélation indépendante, et que tous les peuples
de la terre, à l'Est comme à l'Ouest, devaient lui être soumis.
Lorsque Baha'u'llah eut pris connaissance de cette déclaration de Mirza Yahya,
il réagit immédiatement. Il donna la moitié des biens de la famille à Mirza Yahya
et loua une maison dans un autre secteur de la ville, où il se retira avec les
membres de sa famille. Il refusa pendant deux mois de fréquenter amis et étrangers,
y compris ses propres compagnons. Il donna ainsi à chacun la chance de choisir
entre lui et son frère.
La communauté baha'ie fut à nouveau plongée dans la confusion. C'était comme le
jour du Jugement et de la Résurrection. Chaque homme, chaque femme, chaque enfant
devait faire son choix. Presque tous les baha'is choisirent de demeurer fidèles
à Baha'u'llah, tandis que quelques-uns seulement soutinrent la prétention de Mirza
Yahya.
Mirza Yahya était tellement en colère devant son incapacité de prendre la direction
de la communauté baha'ie que lui et Siyyid Muhammad se mirent à écrire des lettres
mensongères remplies de haine, lettres qu'ils envoyèrent en Perse, en 'Iraq et
au gouverneur d'Andrinople. Baha'u'llah fut obligé, dans ces circonstances, de
sortir de son isolement afin de protéger la réputation de la communauté baha'ie.
Environ un an plus tard, un babi de Shiraz du nom de Mirza Muhammad, fort irrité
par la conduite et les prétentions de Mirza Yahya, réussit à organiser une rencontre
entre Baha'u'llah et son frère dans une mosquée, pour un débat public. Mirza Yahya
accepta cette rencontre, convaincu que Baha'u'llah ne serait pas d'accord pour
participer à une telle démonstration. Mais dès que Baha'u'llah reçut l'invitation,
il se mit tout de suite en route vers la mosquée, à pied, dans la chaleur du midi,
accompagné par Mirza Muhammad. Marchant à travers les rues et les marchés, il
récitait des versets d'une voix et d'une manière qui étonnèrent ceux qui le virent
et l'entendirent. Mais avant même que Baha'u'llah n'atteigne la mosquée, un messager
vint lui annoncer que Mirza Yahya ne pouvait le rencontrer comme convenu et qu'il
souhaitait retarder l'entrevue d'un jour ou deux. Cette rencontre n'eut jamais
lieu, car Mirza Yahya ne tint jamais sa promesse.
Aux yeux de la communauté baha'ie, la situation était désormais claire. Les disciples
de Baha'u'llah n'eurent plus jamais aucun doute. Bien que quelques-uns continuèrent
à s'acharner avec Mirza Yahya et Siyyid Muhammad contre la Cause, ils n'eurent
plus aucun pouvoir sur la foi des baha'is.
Au plus fort de cette grave crise, des épîtres et des prières innombrables coulèrent
de la plume de Baha'u'llah. C'est pendant cette période qu'il commença à révéler
ses plus importants messages aux rois et aux dirigeants de la terre. Les versets
étaient révélés avec une telle rapidité que son secrétaire, Mirza Aqa Jan, ne
pouvait les écrire tous. Mirza Aqa Jan essayait d'écrire le tout au fur et à mesure
en un genre de sténographie, alors que 'Abdu'l-Baha était continuellement occupé
à transcrire ces versets sacrés en écriture ordinaire. Il n'y avait pas une minute
à perdre.
D'autres secrétaires furent invités à apporter leur aide, mais ils ne purent soutenir
la vitesse de la révélation de Baha'u'llah. L'un d'entre eux ne copiait pas moins
de deux mille versets chaque jour. Il travailla pendant six ou sept mois et envoya
chaque mois en Perse l'équivalent de plusieurs volumes. Baha'u'llah affirma que
tout ce qui fut révélé à Andrinople équivaut à tout ce qui fut envoyé aux prophètes
du passé. Étant donné la vitesse avec laquelle Baha'u'llah révélait ces versets,
la plus grande partie n'a pu en être transcrite.
L'épître la plus importante qu'il révéla à cette époque est la Suriy-i-Muluk (l'"
Épître aux Rois "), par laquelle, pour la première fois, il s'adressait à l'ensemble
des souverains du monde et envoyait des messages particuliers au sultan de Turquie
et à ses ministres, aux rois de la chrétienté, aux ambassadeurs français et persans,
aux chefs ecclésiastiques musulmans de Constantinople ainsi qu'aux sages et aux
habitants de cette ville, au peuple de Perse et aux philosophes du monde. Il révéla
aussi, durant cette période, les prières du jeûne, la première lettre à Napoléon
III et une épître adressée au shah.
Dans ces épîtres, Baha'u'llah s'adressa d'abord aux dirigeants de ces pays, les
invitant à l'accepter et à faire connaître son message à leur peuple. Ne recevant
pas de réponse, il fit appel aux peuples eux-mêmes, les invitant à croire en lui
et à accepter ses lois pour leur propre bien et pour l'amour de Dieu.
Pendant cette même période, la foi de Baha'u'llah commença à se répandre de plus
en plus. De nombreux disciples écrivirent des livres et des lettres, de même que
des articles dans les journaux, expliquant la Foi et la défendant contre les prétentions
de Mirza Yahya. Des communautés baha'ies s'établirent en Russie, en Égypte et
en Syrie. Baha'u'llah honora Nabil, l'historien baha'i, en l'envoyant enseigner
en Perse et faire le premier pèlerinage à la maison du Bab à Shiraz et à la maison
de Baha'u'llah à Baghdad.
La nouvelle de la propagation de la Cause au Moyen-Orient attira naturellement
l'attention des ennemis de la Foi. Le clergé de tous les pays où vivaient des
baha'is s'associa aux fonctionnaires du gouvernement et réussit à emprisonner
et à faire exécuter des milliers de croyants.
Des milliers de visiteurs se rendirent à Andrinople pour rendre hommage à Baha'u'llah
et lui exprimer leur amour. Mirza Yahya tira avantage de ce flot de visiteurs
et informa le gouvernement de Constantinople que Baha'u'llah s'apprêtait à partir
à la conquête de la ville avec ses disciples. Le gouvernement turc perdit finalement
patience, ignorant qui était coupable et qui était innocent. Craignant que cette
situation ne se prolonge, il décida de se débarrasser de tout le monde.
Brusquement, un matin, la maison de Baha'u'llah fut encerclée par des soldats.
Ses disciples furent convoqués par les autorités, interrogés, puis reçurent l'ordre
de se préparer à partir. L'un d'entre eux, ayant découvert que son nom n'était
pas sur la liste des exilés qui pouvaient accompagner Baha'u'llah, se coupa la
gorge avec un rasoir. Mais il fut empêché à temps de mettre fin à ses jours. Baha'u'llah
dit de cet acte qu'il était " inconnu aux siècles passés " et que " Dieu [l']
a réservé pour cette révélation, comme preuve de la force de son pouvoir" (DPPN,
p.171).
Le 12 août 1868, Baha'u'llah et sa famille, escortés par des soldats, se mirent
en route pour un voyage de quatre jours vers Gallipoli. Ses voisins, les habitants
du quartier où avait vécu Baha'u'llah, vinrent, dans la plus grande tristesse,
lui dire adieu. Devant la porte, un très grand nombre de musulmans et de chrétiens
étaient rassemblés. La plupart, particulièrement les chrétiens, pleuraient et
se lamentaient.
À son arrivée à Gallipoli, Baha'u'llah fit cette remarque au capitaine turc qui,
son devoir accompli, prenait congé : " Dites au roi que ce territoire lui échappera
et que ses affaires seront précipitées dans la confusion. " Et il ajouta : " Ce
n'est pas moi qui dis ces paroles, c'est Dieu." (DPPN, p. 171-172) À Gallipoli
où les exilés passèrent trois nuits, nul ne savait quelle serait la destination
de Baha'u'llah. Finalement, il fut décidé que tous les exilés, au nombre de soixante-dix,
seraient bannis à 'Akka. De plus, des instructions furent données pour que Siyyid
Muhammad et un petit groupe de partisans de Mirza Yahya accompagnent ces exilés
et que, par ailleurs, quatre des compagnons de Baha'u'llah partent avec Mirza
Yahya et ses disciples pour Chypre.
Avant de quitter Gallipoli, Baha'u'llah avertit sa famille et ses disciples que
"ce voyage serait différent de tous les précédents ", et que celui qui ne se sentait
pas " assez fort pour affronter l'avenir " ferait mieux " d'aller où il lui convenait
et de se mettre à l'abri des épreuves car, par la suite, il ne lui serait plus
possible de s'en aller" (DPPN, p. 172). Pas un seul n'abandonna Baha'u'llah.
2.8. L'EXIL DE BAHA'U'LLAH À 'AKKA (Cahier d'élève, LEÇON 9)
La traversée dura onze jours. Soixante-douze personnes furent entassées sur un
tout petit bateau, dans des conditions indescriptibles, sous la surveillance de
dix soldats et de deux officiers. La plupart des passagers tombèrent malades et
l'un d'entre eux mourut. Il fut enterré par 'Abdu'l-Baha au cours d'une escale
à Smyrne.
À Alexandrie, ils prirent un bateau à vapeur qui les conduisit à Haïfa, où ils
débarquèrent après un bref arrêt à Port-Saïd et à Jaffa. Au moment où Baha'u'llah
prit place dans le bateau qui devait le conduire à Haïfa, l'un des quatre compagnons
condamnés à partager l'exil de Mirza Yahya, désespéré, se jeta à la mer. Il fut
sauvé de la noyade et forcé par des fonctionnaires inflexibles à continuer son
voyage avec la bande de Mirza Yahya vers l'île de Chypre.
Quelques heures après leur arrivée à Haïfa, Baha'u'llah et ses compagnons repartirent
sur un voilier pour 'Akka. Ce bateau à voile était si étroit que, bien qu'ils
fussent malades, aucun d'eux ne put s'allonger pour se reposer. Il faisait une
chaleur suffocante et le vent avait cessé de souffler. Les voiles se tendaient
à peine et il fallut huit heures pour traverser péniblement la baie. Ils arrivèrent
à 'Akka dans le courant de l'après-midi du 31 août 1868. Les femmes n'étaient
plus capables de marcher et durent être transportées jusqu'au rivage.
L'arrivée de Baha'u'llah dans la colonie pénitentiaire de 'Akka, loin d'amener
la fin de ses afflictions, marqua le début d'une crise grave, pire encore que
les souffrances endurées dans le Siyah-Chal de Tihran. Voulant faire ressortir
à quel point était critique la situation des neuf premières années passées dans
cette cité pénitentiaire, Baha'u'llah écrivit : " Sachez qu'à notre arrivée en
ce lieu, nous avons décidé de l'appeler la "Prison suprême". Bien que, dans une
autre contrée [Tihran], nous ayons été enchaîné et chargé de fers, nous nous sommes
pourtant refusé à la désigner par ce nom. Dis : Méditez cela, ô vous qui êtes
doués de compréhension !" (DPPN, p.177)
En arrivant à 'Akka, Baha'u'llah annonça à 'Abdu'l-Baha qu'il se concentrerait
dorénavant sur sa tâche d'écrire les commandements et les préceptes pour le monde
à venir, qu'il lui laissait le soin de rencontrer les gens et de leur parler,
qu'il en avait lui-même fini avec le monde extérieur et qu'il ne rencontrerait
désormais que des disciples.
En arrivant à la prison, les exilés constatèrent que des nouvelles à leur sujet
les avaient précédés. Le sultan avait ordonné qu'une longue liste de faux rapports
sur eux soit lue dans les mosquées, encourageant ainsi le peuple à les considérer
comme des criminels endurcis et des ennemis de la religion de Dieu et de l'humanité.
Tous les musulmans fidèles reçurent l'ordre de se tenir loin de ces " terribles
" baha'is. C'était même un devoir et un honneur pour ces gens que de faire tout
ce qu'ils pouvaient contre les baha'is.
C'est donc dans cette ambiance de haine que Baha'u'llah et ses compagnons firent
leur entrée dans la prison-forteresse de 'Akka, par " la porte qui fait face à
l'Orient" (Ézéchiel, 43 4), dans " la vallée d'Akor " qui devait être " une porte
d'espérance" (Osée, 2 17), selon l'Ancien Testament. À l'insu des hommes, les
prophéties étaient en train de s'accomplir.
À cette époque, 'Akka était une ville-prison où l'on enfermait les pires criminels
envoyés de toutes les parties de l'Empire turc. Elle était entourée par des remparts,
habitée par un peuple que Baha'u'llah a qualifié de " génération de vipères ",
et ne possédait aucun réservoir d'eau dans son enceinte ; elle était infestée
de puces, humide et percée de ruelles sombres, tortueuses et sales. " D'après
ce qu'on dit, rapporte Baha'u'llah, c'est la plus désolée des villes du monde,
la plus laide d'entre elles par son aspect, la plus détestable à cause de son
climat, et la plus souillée avec son eau polluée. Elle pourrait passer pour la
métropole du hibou. " Son atmosphère était tellement viciée que, selon un proverbe,
un oiseau qui l'aurait survolée serait tombé raide mort. (DPPN, p. 177-178)
On enferma Baha'u'llah, les hommes, les femmes et les enfants qui l'accompagnaient,
environ quatre-vingts personnes en tout, dans des casernes de l'armée. L'endroit
était sale et lugubre. Il n'y avait ni lits ni confort d'aucune sorte. La nourriture
y était si mauvaise et si insuffisante qu'au bout d'un certain temps, les prisonniers
demandèrent la permission de l'acheter eux-mêmes. Ce qui leur fut accordé.
Les premiers jours, les enfants pleuraient continuellement, rendant tout sommeil
impossible. La malaria, la dysenterie et d'autres maladies se déclarèrent, et
tous les exilés sauf deux furent contaminés. Trois personnes moururent et les
autres souffrirent terriblement. Afin de payer les frais d'enterrement de deux
des défunts, Baha'u'llah offrit le tapis dont il se servait pour qu'on le vende.
La somme obtenue fut remise aux gardes qui, gardant l'argent pour eux, jetèrent
les corps dans un trou.
Ils vécurent ainsi pendant deux ans. Personne ne pouvait sortir de la prison sauf
quatre baha'is qui, encadrés par des gardes, allaient chaque jour acheter la nourriture.
Aucun des prisonniers ne pouvait recevoir de visiteurs. Des baha'is, dont certains
venaient à pied de la Perse pour voir Baha'u'llah, durent se contenter d'une vision
fugitive de son visage ou d'un salut de sa main, ne pouvant se rendre plus loin
que le second fossé, en face de sa fenêtre. Ils reprenaient ensuite le long chemin
du retour, déterminés à sacrifier leur vie dans le sentier de leur Bien-Aimé.
2.9. LES PORTES DE LA PRISON S'OUVRENT (Cahier d'élève, LEÇON 10)
* Lire avec les enfants l'anecdote "Abdu'r-Rahim, un visiteur privilégié..."
(Cahier d'élève, p. 19, le texte de gauche)
Le jour arriva où Baha'u'llah et ses compagnons n'eurent plus d'argent, mais des
baha'is fidèles réussirent de temps à autre à leur en envoyer ainsi que des vêtements
et de la nourriture. Un certain Shaykh Salman se fit même messager entre Baha'u'llah
et la Perse. Il entreprit de dangereux voyages, la plupart du temps à pied. Lorsqu'un
jour il fut arrêté, il se demanda comment il pouvait empêcher l'ennemi de trouver
le message qu'il transportait. Il fit alors la seule chose qu'il pouvait faire
en une telle circonstance : il avala le message !
De cette période de difficultés sans nombre, on peut relater de nombreux actes
héroïques. Mentionnons le cas du jeune Aqa Buzurg, un adolescent de dix-sept ans,
devenu enflammé d'amour pour Baha'u'llah au cours d'une rencontre avec l'historien
Nabil. Peu de temps après sa conversion, il quitta la Perse pour se rendre en
Terre sainte, dans l'espoir de rencontrer Baha'u'llah. Il y parvint au début de
l'année 1869 et n'eut pas de difficulté à déjouer la vigilance des gardes postés
à l'extérieur des portes de la ville de 'Akka. Se dirigeant vers une mosquée pour
prier, il y rencontra, le soir même, un groupe de personnes parmi lesquelles se
trouvait 'Abdu'l-Baha. L'ayant reconnu, il réussit à lui faire parvenir un message.
Ce même soir, des dispositions furent prises pour permettre au jeune homme d'atteindre
la présence de Baha'u'llah. Ce grand privilège lui fut accordé à deux reprises.
Mais un privilège encore plus grand allait bientôt lui être conféré. Baha'u'llah
lui donna le nom de Badi (qui signifie " nouveau " ou " renouvelé ") et le choisit
pour porter la lettre adressée au shah. Avec beaucoup de courage et de détermination,
et après un long voyage au cours duquel, pour obéir à Baha'u'llah, il devait éviter
tout contact avec quiconque, il remit enfin la précieuse lettre au souverain.
Il fut ensuite arrêté, torturé et tué. Badi resta ferme jusqu'à la dernière minute
de sa vie, refusant de nier sa foi et de divulguer les noms de baha'is qui auraient
alors pu subir le même sort.
À ce fardeau de souffrances et d'adversités s'ajouta la perte brutale et prématurée
de Mirza Mihdi, le jeune frère de Bahiyyih Khanum et de 'Abdu'l-Baha. On se souvient
que, lors du premier exil de Baha'u'llah à Baghdad, le petit Mirza Mihdi, alors
âgé de deux ans, avait été confié à des parents, étant alors trop jeune pour affronter
un tel voyage. Après le retour de son père de Sulaymaniyyih, il fut autorisé à
rejoindre sa famille à Baghdad et il partagea ensuite ses exils et ses épreuves.
Désormais âgé de vingt-deux ans, il était devenu l'un des secrétaires de son père.
Baha'u'llah lui avait donné le titre de " la Branche la plus pure".
* Lire avec les enfants le récit "Mirza Mihdi, le sacrifice d'une vie..." (Cahier
d'élève, p. 19, le texte de droite)
Nul doute que Baha'u'llah aurait pu sauver son fils s'il l'avait voulu, mais il
choisit plutôt d'exaucer son désir. Dans une prière qu'il révéla pour lui, Baha'u'llah
éleva sa mort au rang de ces grands actes de rachat, tels le sacrifice qu'Abraham
se disposait à faire de son fils et la crucifixion de Jésus. Dans cette prière,
on peut lire ce qui suit : " Ô mon Seigneur ! J'ai sacrifié ce que tu m'as donné
pour que tes serviteurs soient ranimés et pour que tous ceux qui vivent sur la
terre soient unis." (PB, p. 38) On y trouve aussi ces paroles prophétiques, adressées
à son fils martyr : " Tu es en vérité l'espérance de Dieu et son trésor en ce
pays. Bientôt, par toi, Dieu révélera ce qu'Il a désiré." (PB, p. 39)
Le corps de Mirza Mihdi fut lavé et préparé pour l'enterrement en présence de
Baha'u'llah. Il fut ensuite transporté sous l'escorte des gardes de la forteresse
et enterré au-delà des murs de la cité. Ce n'est que soixante-dix ans plus tard
que ses restes devaient être transférés, en même temps que ceux de sa mère, sur
les pentes du mont Carmel, à proximité de la tombe de sa soeur et à l'ombre du
tombeau du Bab.
Sa mère, Asiyih Khanum, alors connue sous le nom de Navvab (altesse), avait déjà
tellement souffert que son coeur se brisa. Elle pleura longuement, sans pouvoir
s'arrêter. Lorsque Baha'u'llah apprit le chagrin de sa femme, il se rendit près
d'elle pour la réconforter et il lui fit part de la requête de son fils mourant.
Lorsque Navvab sut que Mirza Mihdi avait offert sa vie en sacrifice et que Baha'u'llah
avait accepté ce plus grand don, elle fut réconfortée et son chagrin s'atténua.
Quatre mois après la mort de Mirza Mihdi, des troupes de soldats turcs s'installèrent
dans les casernes, et Baha'u'llah et ses compagnons furent obligés de partir.
Pendant plusieurs mois, Baha'u'llah et sa famille furent déplacés de maison en
maison. On les logea finalement dans la maison de Udi Khammar, un riche marchand
chrétien de 'Akka.
La sévérité de leur emprisonnement commençait tout juste à s'adoucir quand une
crise interne se déclara. Siyyid Muhammad et ses acolytes lancèrent une campagne
secrète de mensonges pour éveiller la colère de la population de 'Akka contre
Baha'u'llah. Leurs efforts furent couronnés de succès, et la vie de Baha'u'llah
fut, dès lors, en grand danger. Autant à l'intérieur qu'à l'extérieur, des forces
se mobilisaient contre lui et, à tout moment, il pouvait être tué.
Bien que Baha'u'llah eût maintes fois interdit à ses disciples de se venger, sept
d'entre eux se réunirent et tuèrent trois de leurs persécuteurs, dont le plus
grand fauteur de trouble, Siyyid Muhammad. Un climat de terreur régna alors sur
toute la ville et Baha'u'llah en eut le coeur brisé. Il écrivit plus tard à ce
sujet : " Ma captivité ne peut me faire de mal. Ce qui peut me faire du mal, c'est
la conduite de ceux qui m'aiment, qui se réclament de moi et qui, pourtant, commettent
ce qui fait gémir mon coeur et ma plume. " Et il ajouta : " Ma détention ne peut
m'apporter aucune honte. Et même, par ma vie, elle me confère de la gloire. Ce
qui peut me faire honte, c'est la conduite de ceux de mes disciples qui font profession
de m'aimer et qui, en fait, suivent pourtant le malin." (DPPN, p. 181)
Baha'u'llah était en train de dicter des textes à son secrétaire lorsque le gouverneur,
à la tête de ses troupes, sabre à la main, encercla sa maison. Toute la population,
de même que les autorités militaires, étaient dans une grande agitation. Les cris
et les clameurs de la foule se faisaient entendre de toutes parts. Baha'u'llah
fut conduit au bureau du gouverneur pour y être interrogé et passa ensuite la
première nuit dans une chambre. Le lendemain, il fut transféré dans un logement
plus convenable où on le garda pendant deux autres nuits. Il ne put regagner son
domicile que soixante-dix heures après son arrestation.
La première nuit, 'Abdu'l-Baha fut aussi arrêté, enchaîné et jeté en prison. On
l'autorisa ensuite à rejoindre son père. Vingt-cinq de leurs compagnons furent
enfermés dans une autre prison et mis aux fers pendant six jours. Les responsables
du crime furent punis et emprisonnés pendant plusieurs années.
Lorsque Baha'u'llah fut conduit chez le gouverneur, ce dernier lui demanda : "
Est-il convenable que certains de vos disciples se conduisent de la sorte ? "
Baha'u'llah lui répondit aussitôt : " Si l'un de vos soldats commettait un acte
répréhensible, seriez-vous tenu pour responsable et puni à sa place ? " Puis,
après qu'on lui eût demandé à plusieurs reprises de dire son nom, Baha'u'llah
fit enfin cette réponse, prononçant des paroles empreintes de puissance et de
majesté : " Mon nom est Baha'u'llah (" la lumière de Dieu ") et mon pays est Nur
(" la lumière "). Soyez-en informés." (DPPN, p. 182) Ensuite, Baha'u'llah se tourna
vers l'assemblée et parla avec une telle force et une telle puissance que personne
n'osa lui répondre. Il se leva alors et quitta la pièce sans que personne ne l'en
empêchât. Aussitôt après, le gouverneur lui fit savoir qu'il était libre de retourner
chez lui et lui exprima ses regrets pour ce qui s'était passé.
Bien que Baha'u'llah ait été déclaré innocent et ait même reçu des excuses, la
population continua d'être hostile à son égard et envers ses disciples. Ils étaient
accusés d'être des assassins, des criminels et des infidèles. Leur vie était en
danger, de même que celle de leurs enfants qui étaient chassés, frappés et lapidés.
Un certain 'Abbud, qui habitait la maison voisine de celle de Baha'u'llah, renforça
la cloison qui séparait les deux demeures, tellement il redoutait ces exilés qui
avaient si mauvaise réputation.
La coupe des tribulations de Baha'u'llah était maintenant prête à déborder. Baha'u'llah
dut boire à cette coupe pendant encore longtemps, jusqu'au jour où la vie, peu
à peu, commença à s'adoucir. Un nouveau gouverneur fut nommé et la plupart des
fonctionnaires qui avaient été si sévères furent remplacés.
Petit à petit, la chaleur et la lumière de la révélation de Baha'u'llah commencèrent
à changer le coeur des gens, et cela malgré le fait que les baha'is ne pouvaient
pas enseigner la Foi, obéissant ainsi à un ordre du sultan 'Abdu'l-Aziz. Ce changement
d'attitude de la part des autorités civiles et religieuses, de même que de la
population en général, était dû en grande partie aux efforts incessants de 'Abdu'l-Baha
pour promouvoir la compréhension et la bonne volonté. 'Abdu'l-Baha était un homme
en pleine maturité, possédant une grande sagesse et une belle personnalité. Il
protégea la Foi en montrant les effets que les enseignements de Baha'u'llah avaient
sur ses disciples.
Le nouveau gouverneur devint un ami et un fervent admirateur de 'Abdu'l-Baha et,
chaque fois qu'il lui rendait visite, il enlevait ses chaussures pour lui marquer
son respect. Il lui envoya même son propre fils pour qu'il l'éclaire et l'instruise.
À plusieurs occasions, il demanda à 'Abdu'l-Baha la permission de visiter son
père et cette permission lui fut éventuellement accordée par Baha'u'llah. Au cours
de cette rencontre, le gouverneur exprima à Baha'u'llah son désir de lui rendre
un service, n'importe lequel. Baha'u'llah refusa tout service pour lui-même, mais
demanda au gouverneur de faire réparer le système d'aqueduc, abandonné et hors
d'usage depuis trente ans. Le gouverneur s'empressa de suivre cette suggestion
et la ville fut approvisionnée à nouveau en eau potable.
C'est ce même gouverneur qui permit que les pèlerins, de plus en plus nombreux,
puissent pénétrer dans la ville. Bien que Baha'u'llah n'accordât presque plus
d'entrevues personnelles, cette tâche étant devenue celle de 'Abdu'l-Baha, son
influence se manifesta de plus en plus. Les habitants de 'Akka, en parlant de
lui, l'appelèrent " Son Altesse " et ils attribuèrent carrément l'amélioration
du climat et de la qualité de l'eau à sa présence parmi eux.
Un jour, un général européen fut reçu par Baha'u'llah. Il fut tellement ému que,
pendant toute l'entrevue, il resta à genoux sur le sol près de la porte. Un autre
visiteur de marque fut le pasha 'Aziz d'Andrinople. Ce gouverneur s'était lié
d'amitié avec 'Abdu'l-Baha lors de leur séjour dans cette ville et lui avait démontré
un attachement profond. Par deux fois, il eut le grand privilège d'atteindre la
présence de Baha'u'llah. Ce fut aussi pour lui l'occasion de renouer des liens
d'amitié avec 'Abdu'l-Baha.
* La révélation du Livre le plus saint (Cahier d'élève, page 20)
C'est dans la maison de 'Udi Khammar que Baha'u'llah révéla son " Livre le plus
saint ", le Kitab-i-Aqdas. Il le révéla vers 1873, peu après son transfert dans
cette maison, au plus fort de la crise causée par ses ennemis et par certains
de ceux qui prétendaient être ses disciples. Le Kitab-i-Aqdas est différent de
tous les autres Livres saints du passé, car il ne repose pas sur des histoires
ou des traditions et il a été révélé par le prophète lui-même, et non écrit plus
tard par ses disciples. À ses lois et à ses ordonnances, Baha'u'llah a ajouté
des directives claires concernant sa succession et l'interprétation de ses Écrits,
et prescrit les institutions de son ordre administratif. Ce Livre est le " Livre-Mère
" de la révélation baha'ie, la charte du nouvel ordre mondial.
Voici comment Baha'u'llah caractérisa les lois et ordonnances qui constituent
le sujet principal du Kitab-i-Aqdas : " le souffle de vie en toutes choses créées
", " la plus puissante forteresse ", les " fruits " de " son arbre ", " les moyens
suprêmes pour maintenir l'ordre du monde et la sécurité de ses peuples ", " les
lampes de sa sagesse et de sa bienveillante providence ", " le doux parfum de
son vêtement ", les " clefs " de sa " miséricorde " envers ses créatures. Et,
en parlant du Kitab-i-Aqdas, il déclara : " Ce livre est un firmament que nous
avons paré des étoiles de nos commandements et de nos interdictions. " " Béni
soit l'homme qui le lira, dit-il aussi, et qui méditera ses versets révélés par
Dieu, le Seigneur du pouvoir, le Tout-Puissant... " Et encore : " Béni soit le
palais qui goûte à sa douceur, et le regard pénétrant qui discerne le trésor qu'il
recèle, et le coeur réceptif qui comprend ses allusions et ses mystères... " ;
" Le Kitab-i-Aqdas est révélé de telle sorte qu'il se relie aux révélations divinement
prescrites et qu'il les comprend toutes..." (DPPN, p. 206-207)
Après le Kitab-i-Aqdas, et cela jusqu'à la fin de sa vie, Baha'u'llah révéla d'innombrables
textes. De tous les principes que renferment ces Écrits, le plus important est
celui de " l'unité du genre humain". C'est le but dominant de sa foi. " Vraiment,
déclara-t-il, nous sommes venu pour unir et souder ensemble tout ce qui est sur
la terre. " " Si puissante est la lumière de l'unité, dit-il encore, qu'elle peut
éclairer la terre entière. " " Le monde, proclama-t-il, est un seul pays dont
tous les hommes sont les citoyens." (DPPN, p. 207)
'Abbud, le voisin craintif, s'était peu à peu rapproché de la famille de Baha'u'llah.
Un jour, il tomba malade et voulut quitter la ville. Il proposa à Baha'u'llah
de lui louer sa maison, ce que Baha'u'llah accepta, à la grande joie de la famille
qui s'était agrandie. Une porte fut installée à l'étage supérieur, de même qu'au
rez-de-chaussée, pour permettre une communication entre les deux demeures. Cette
maison double fut appelée plus tard la " maison de 'Abbud".
2.10. LES DERNIÈRES ANNÉES DE BAHA'U'LLAH (Cahier d'élève, LEÇON 11)
Puis vint le jour, longuement attendu, où les portes de la prison s'ouvrirent.
Baha'u'llah avait prophétisé que ce jour béni viendrait, alors qu'il se trouvait
confiné dans les casernes de 'Akka : " Ne craignez point, avait-il dit à ses disciples,
ces portes s'ouvriront. Ma tente sera plantée un jour sur le mont Carmel et nous
connaîtrons la plus grande joie." (BÈN, 6e édition, p. 50)
Voici le récit de 'Abdu'l-Baha, racontant comment les portes s'ouvrirent :
"Baha'u'llah aimait la beauté et la verdure des campagnes. Un jour, il fit cette
remarque : " Je n'ai vu aucune verdure depuis neuf ans. La campagne est le monde
de l'âme, la ville est le monde des corps. " Quand ce propos me fut rapporté,
je compris à quel point il avait la nostalgie de la nature et je fus convaincu
de réussir par mes efforts à réaliser son désir. Il y avait alors à 'Akka un homme
appelé Muhammad Pasha Safwat qui nous était extrêmement hostile. Il possédait
un palais appelé Mazra'ih, situé à environ sept kilomètres au nord de la ville,
dans un site ravissant tout entouré de jardins où coulait un ruisseau. J'allai
trouver le propriétaire chez lui.
Je lui dis : " Pasha, votre palais est vide et vous vivez à 'Akka. " Il répondit
: " Je suis infirme et ne puis quitter la ville. Si je vais là-bas, en ce lieu
solitaire, je me sens loin de mes amis. " Je dis : " Puisque vous ne vivez pas
là-bas et que la maison est vide, laissez-nous y aller. " Il fut stupéfait de
la proposition, mais ne tarda pas à l'accepter. J'eus la maison pour un loyer
très minime, environ cinq livres par an ; je lui payai cinq années et fis un bail.
J'envoyai des ouvriers réparer la maison, mettre le jardin en état et j'y fis
installer des bains. Je fis aussi préparer une voiture pour la Beauté bénie [Nota
: " Beauté bénie " : titre souvent donné à Baha'u'llah par ses disciples et ses
amis]. Un jour, je résolus d'aller visiter l'endroit moi-même. En dépit des firmans
(décrets) répétés nous interdisant de passer la limite des murs de la ville, je
sortis de la cité. Des gendarmes veillaient, mais ils ne firent aucune objection
et je me dirigeai directement vers le palais. Le jour suivant, je m'y rendis à
nouveau, accompagné de quelques amis et personnalités de la ville et je ne fus
ni arrêté ni molesté, bien que des gardes et des sentinelles veillassent de chaque
côté des portes. Une autre fois, je préparai un banquet, fis mettre la table sous
les pins de Bahji et je réunis les notables et les fonctionnaires de la ville.
Le soir, nous retournâmes tous ensemble à 'Akka.
Un jour, je me rendis en la sainte présence de la Beauté bénie et je lui dis :
" La villa de Mazra'ih est prête pour vous recevoir et une voiture attend pour
vous y conduire." (En ce temps-là, il n'y avait de voitures ni à 'Akka ni à Haïfa.)
Il refusa, disant : " Je suis prisonnier. " Quelque temps après, je renouvelai
ma requête, mais sans plus de succès. Je m'enhardis jusqu'à en parler une troisième
fois, mais la réponse fut encore " Non " et je n'osai pas insister davantage.
Cependant, il y avait à 'Akka un certain shaykh musulman, un homme bien connu
et très influent qui vénérait Baha'u'llah et avait su gagner sa confiance. J'appelai
ce shaykh et lui expliquai la situation.
Je lui dis : " Vous êtes hardi ; allez ce soir en la sainte présence, mettez-vous
à genoux devant elle, prenez-lui les mains et n'abandonnez pas avant d'avoir obtenu
sa promesse de quitter la ville. " Il était arabe [Nota : Arabe : c'est-à-dire
persévérant, tenace, courageux. (Note du comité de traduction, dans BÈN, 6e édition,
p. 51.)] !... Il se rendit à l'instant auprès de Baha'u'llah, s'assit tout près
de lui, s'empara des mains de la Beauté bénie, les baisa et demanda : " Pourquoi
ne quittez-vous pas la ville ? " Baha'u'llah dit : " Je suis prisonnier. " Le
shaykh répliqua : " Dieu vous en garde ! Qui a le pouvoir de faire de vous un
prisonnier ? Vous vous emprisonnez vous-même. C'est par votre volonté seule que
vous avez été emprisonné et maintenant je vous supplie de partir d'ici pour vous
rendre à ce manoir. Il est agréable et entouré de verdure. Les arbres y sont splendides
et les oranges y ressemblent à des boules de feu."
Aussi longtemps que la Beauté bénie répéta : " Je suis un prisonnier ; cela est
impossible ", le shaykh prit ses mains et les embrassa. Il plaida une heure durant.
À la fin, Baha'u'llah dit : " Khayli khub !" (" Très bien ! ") et la patience
et la persévérance du shaykh se trouvèrent récompensées. Il vint me trouver tout
joyeux et m'annonça la bonne nouvelle du consentement de Sa Sainteté. En dépit
du sévère firman de 'Abdu'l-'Aziz qui m'interdisait toute rencontre et communication
avec la Perfection bénie, je pris la voiture le lendemain et conduisis Baha'u'llah
au manoir. Personne n'y fit objection. Je l'y laissai et revins à la ville." (BÈN,
6e édition, p. 50 à 52)
Baha'u'llah demeura deux années en ce lieu charmant. Puis soudain, une épidémie
se déclara à Bahji, non loin de 'Akka. 'Udi Khammar, qui y avait fait construire
un palais pendant que Baha'u'llah était emprisonné dans la forteresse, décida
de s'enfuir avec sa famille et de laisser sa maison gratuitement à quiconque voudrait
l'avoir. Elle fut louée pour une somme minime et plus tard achetée pour Baha'u'llah.
Cette demeure, Baha'u'llah l'a caractérisée comme " la sublime résidence ", l'endroit
que " Dieu désigna comme la vision la plus exaltante de l'humanité" (DPPN, p.
184).
Baha'u'llah était toujours un prisonnier, car les firmans du sultan 'Abdu'l-'Aziz
ne furent jamais changés, mais il était tellement digne et noble qu'il était vénéré
de tous. Ceux qui régnaient en Palestine enviaient son pouvoir et sa puissance.
Nombreux sont les personnages importants qui sollicitèrent l'honneur d'être reçus
par lui. Mais Baha'u'llah n'accorda que très rarement ce privilège.
Un des rares visiteurs que Baha'u'llah consentit à recevoir fut un orientaliste
distingué de l'université de Cambridge en Angleterre, le professeur E. G. Browne.
Voici la description qu'il fit de Baha'u'llah, alors âgé de soixante-treize ans
:
"Dans le coin où le divan touchait le mur se tenait un merveilleux et vénérable
personnage, couronné d'une coiffure de feutre que les derviches appellent taj
(d'une hauteur et d'une forme particulière), à la base de laquelle s'enroulait
un mince turban blanc. Le visage de celui que je contemplai, je ne pourrais l'oublier
et pourtant je ne puis le décrire. Ses yeux perçants semblaient pénétrer jusqu'au
tréfonds de l'âme ; de larges sourcils soulignaient la puissance et l'autorité,
tandis que les rides profondes du front et du visage semblaient indiquer un âge
que la chevelure noire comme le jais et la barbe, d'une luxuriance étonnante atteignant
presque la taille, semblaient démentir. Il eût été superflu de demander en la
présence de qui je me trouvais ; je me prosternai devant celui qui fait l'objet
d'une vénération et d'un amour que les rois lui envieraient et auxquels les empereurs
aspireraient en vain !"
"Une voix douce, pleine de courtoisie et de dignité me pria de m'asseoir et continua
: " Loué soit Dieu de ce que tu sois parvenu au but. Tu es venu voir un prisonnier
et un exilé [...] Nous ne désirons que le bien du monde et le bonheur des nations
; cependant, on nous suspecte d'être un élément de désordre et de sédition, digne
de la captivité et du bannissement [...] Que toutes les nations deviennent une
dans la foi et que tous les hommes soient des frères ; que les liens d'affection
et d'unité entre les enfants des hommes soient fortifiés ; que la diversité des
religions cesse et que les différentes races soient annulées, quel mal y a-t-il
à cela ? Cela sera, malgré tout ; ces luttes stériles, ces guerres ruineuses passeront
et la paix suprême viendra [...] "" (BÈN, 6e édition, p. 54)
Baha'u'llah passa en tout vingt-quatre années comme prisonnier en Terre sainte.
Il vécut les douze dernières années de sa vie à Bahji. Malgré les interdictions
et les restrictions sévères imposées par le sultan 'Abdu'l-'Aziz, Baha'u'llah
avait établi sa souveraineté sur tous, grands et petits. 'Abdu'l-Baha écrivit
à ce sujet :
"Ses ennemis s'attendaient à ce que son emprisonnement détruise complètement et
annihile la cause bénie, mais en réalité cette prison fut la meilleure des auxiliaires
et devint l'instrument de son développement. " " Cet être illustre, affirma-t-il
en parlant de Baha'u'llah, édifia sa cause dans la Prison suprême. De cette prison,
son rayonnement se répandit au dehors, sa renommée conquit le monde, et la proclamation
de sa gloire atteignit l'Orient et l'Occident. Au commencement, sa clarté était
celle d'une étoile ; elle est devenue maintenant celle d'un puissant soleil. "
Et il affirma encore : " Jusqu'à nos jours, une telle chose ne s'était jamais
produite." (DPPN, p. 187)
Pendant toutes ces années, 'Abdu'l-Baha avait joué courageusement et noblement
son rôle. C'est à lui que revint la tâche de protéger son père contre ses ennemis
et de limiter les visites de ses amis. C'est lui qui rencontrait les amis de Baha'u'llah
et leur expliquait les enseignements. Il s'occupait aussi des besoins quotidiens
de la famille, encourageait les baha'is à améliorer leur caractère et à répandre
les enseignements de Baha'u'llah, et s'occupait du courrier de son père. En fait,
il faisait tout ce que Baha'u'llah n'avait pas le temps de faire. Il était devenu
clair pour tous ceux qui entouraient Baha'u'llah que 'Abdu'l-Baha était celui
qui devait lui succéder après sa mort.
Baha'u'llah appelait toujours 'Abdu'l-Baha " le Maître " et ne permettait pas
que ce titre soit utilisé pour s'adresser à un autre membre de la famille. Depuis
Andrinople, il avait révélé des épîtres spéciales faisant la louange des qualités
de son fils aîné. Et finalement, dans son Testament et dans le Kitab-i-Aqdas,
Baha'u'llah désigna clairement 'Abdu'l-Baha comme son successeur et le seul interprète
autorisé de ses Écrits.
On se souvient que Baha'u'llah avait commencé à écrire aux rois et aux dirigeants
de la terre lorsqu'il se trouvait à Andrinople. Il poursuivit cette tâche lors
de son séjour en Terre sainte. Pendant toute la durée de son ministère, Baha'u'llah
révéla ce qui devait constituer une centaine de volumes traitant de tous les aspects
de la vie humaine.
Tel que promis à ses disciples au début de leur emprisonnement à 'Akka, Baha'u'llah
planta à plusieurs reprises sa tente sur le mont Carmel à Haïfa. C'est à une de
ces occasions qu'il montra à 'Abdu'l-Baha l'endroit exact où devait être érigé
plus tard le mausolée du Bab.
* L'ascension de Baha'u'llah au manoir de Bahji (Cahier d'élève, page 23)
Neuf mois avant son ascension, Baha'u'llah dit à 'Abdu'l-Baha qu'il était temps
pour lui de quitter ce monde. Le 8 mai 1892, Baha'u'llah tomba malade. Malgré
la fièvre, il continua d'accorder des audiences à certains amis et pèlerins. Six
jours avant de mourir, il fit venir en sa présence tout le groupe de croyants
rassemblés dans le manoir. Il s'adressa à eux en ces termes : " Je suis très satisfait
de vous tous. Vous avez rendu bien des services, et vous avez exécuté vos tâches
avec diligence. Vous êtes venus ici chaque matin et chaque soir. Que Dieu vous
aide à rester unis. Qu'il vous aide à magnifier la cause du Maître de l'existence."
(DPPN, p. 212) Ces paroles étaient empreintes de douceur et d'affection. Il encouragea
les femmes réunies à son chevet en leur disant qu'il avait remis à la Branche
la plus grande, 'Abdu'l-Baha, un document écrit les recommandant à ses soins.
Son état général empira et il mourut à Bahji le 29 mai 1892 à l'âge de soixante-quinze
ans. La nouvelle de son ascension fut immédiatement communiquée au sultan 'Abdu'l-Hamid
dans un télégramme qui commençait par ces mots : " Le soleil de Baha s'est couché
[...] ", et dans lequel le monarque fut informé du projet d'enterrer les restes
sacrés de Baha'u'llah près du manoir où il avait vécu. Le sultan accepta et Baha'u'llah
fut enterré peu après le coucher du soleil, le jour même de son ascension. Durant
toute la journée, des milliers de personnes vinrent à Bahji exprimer leur peine.
Dans les champs entourant le manoir, on pouvait voir des gens en pleurs, se frappant
la tête et criant leur douleur.
Pendant toute la semaine qui suivit cet événement, des gens riches aussi bien
que des gens pauvres venaient de partout pour rencontrer la famille. Des représentants
des différentes religions, des poètes et des membres du gouvernement vinrent rendre
hommage à Baha'u'llah, laissant des témoignages écrits et des poèmes sur sa merveilleuse
vie. Plusieurs de ces lettres et de ces poèmes faisaient aussi la louange de 'Abdu'l-Baha.
Durant cette même semaine, un autre événement triste survint. Nabil, l'historien
et fidèle disciple à qui Baha'u'llah avait accordé une audience privée avant de
mourir et à qui 'Abdu'l-Baha avait demandé de choisir les extraits constituant
la " Prière de la Souvenance " [Nota : Prière de la Souvenance : prière lue aux
tombeaux de Baha'u'llah et du Bab. Elle est souvent récitée aussi pour commémorer
leurs anniversaires], fut incapable de surmonter sa peine. Il se jeta dans la
mer et se noya. Comme beaucoup d'autres, rien ne pouvait plus le réconforter maintenant
que son Bien-Aimé avait quitté ce monde.
Mais Baha'u'llah, dans quelques-uns de ses Écrits, demanda à ses disciples de
ne pas être tristes après sa disparition, qu'il y avait une raison pour sa venue
en ce monde et une autre pour son départ. Il avait terminé son oeuvre et c'était
maintenant à ses disciples d'accomplir la leur.
Voici ce qu'il nous dit : "Ô peuples du monde, ne soyez pas effrayés quand se couchera l'étoile du matin
de ma beauté et que le ciel de mon tabernacle se dérobera à vos yeux. Levez-vous
pour faire avancer ma cause parmi les hommes et glorifier ma parole. Nous sommes
en tout temps avec vous et nous vous fortifierons du pouvoir de la vérité. Nous
sommes, en vérité, tout-puissant. Quiconque m'a reconnu se lèvera pour me servir
avec une telle résolution que les puissances de la terre et du ciel ne pourront
mettre en échec son dessein." (Extraits des Écrits de Baha'u'llah, LXXI)
Dans le Résumé de la vie de Baha'u'llah, nous avons parlé du mariage de Baha'u'llah
avec Asiyih Khanum, à qui il avait donné le titre de " Feuille la plus louée".
Selon les paroles mêmes de Baha'u'llah, elle est son " épouse éternelle dans tous
les mondes de Dieu " [Nota : Voir Dieu passe près de nous, p. 102, dernier paragraphe].
Il faut toutefois mentionner le fait que Baha'u'llah a eu trois épouses, mais
que seule Asiyih Khanum resta fidèle à son Seigneur ; les deux autres, ainsi que
leurs enfants, violèrent l'alliance de Baha'u'llah.
Baha'u'llah épousa ces trois femmes avant la déclaration de sa mission en 1863.
À cette époque et dans cette société, il était normal pour un homme de pratiquer
la polygamie. En fait, un homme appartenant à la noblesse aurait été bien mal
vu s'il avait été monogame. Baha'u'llah, tout comme les autres Messagers du passé,
vivait selon les coutumes de son temps.
Bien que les détails concernant leur mariage soient décrits dans le présent résumé,
nous aimerions toutefois rappeler que Baha'u'llah épousa Asiyih Khanum à Tihran
en 1835. Surnommée " Navvab " par Baha'u'llah, elle lui resta fidèle jusqu'à la
fin de sa vie. Elle mourut en 1886.
La deuxième femme que Baha'u'llah épousa à Tihran en 1849 s'appelait Fatimih Khanum.
Elle était surtout connue sous le titre de Mahd-i-'Ulya. C'était une cousine de
Baha'u'llah et elle donna naissance à six enfants, dont quatre seulement atteignirent
l'âge adulte : une fille du nom de Samadiyyih et trois garçons qui s'appelaient
Muhammad-Ali, Diya'u'llah et Badi'u'llah.
La troisième femme de Baha'u'llah s'appelait Gawhar Khanum. La date de leur mariage
n'est pas connue, mais nous savons qu'il eut lieu avant la déclaration de la mission
de Baha'u'llah en 1863. Elle donna naissance à une fille du nom de Furughiyyih
[Nota : Ces renseignements concernant les épouses de Baha'u'llah se trouvent dans
The Covenant of Baha'u'llah de Adib Taherzadeh, aux pages 114 à 118].