Les
deux ailes d'un oiseau Une Introduction
à la Conception Baha’ie de la Santé
Thèse du Docteur Farhan YAZDANI
«La vraie Religion et la Science ne sont pas en contradiction... La religion
et la Science sont les deux ailes qui permettent à l'intelligence de l'homme de
s'élever vers les hauteurs, et à l'âme humaine de progresser...»
‘Abdu'l-Baha
V - ANNEXE
1 – 2 - Péché d'Adam et le Sacrifice du Christ
3 – 4 - 5 - 6 – 7 – 8 - L’âme, l’esprit et le Corps
9 - 10 - 11 – 12 - Conception de Dieu
13 - Liens dans l'Univers
14 - Recherche de la Vérité et le Non-sens
15 - Potentialités de l'Homme
16 - L'effort Personnel de l'Homme
17 - De la Négligence vers l'effort
18 - Dieu et Sa Manifestation
19 - Perception de la Douleur et le Martyr
20 - Critères de la Vérité
21 - La justice Sociale et l'Education
22 - Lettres aux Souverains
THESE PRESENTEE A L’UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON 1 - 1976
VU et PERMIS d’IMPRIMER, LYON le 4 mai 1976
Le Président de l'Université, Président du Comité de Coordination des Etudes Médicales.
Remerciements
A Monsieur le Professeur J. GUYOTAT, qui nous a fait l’honneur de présider ce
travail, après nous avoir enseigné les bases de la psychologie médicale. Nous
le remercions d'avoir permis, par ses suggestions, de structurer et d’élaborer
cette thèse.
A Monsieur le Professeur M. SEPETJIAN, qui a bien voulu apporter l’avis d'un hygiéniste
à notre jury, en nous honorant de sa présence. Que ce travail soit un témoignage
de notre gratitude pour son enseignement.
A Monsieur le Professeur M. COLIN, qui nous a ouvert les horizons de la sociologie
médicale. Nous le remercions pour ses suggestions et pour son chaleureux accueil.
A Monsieur le Professeur F. DAGOGNET, pour le très grand privilège qu'il nous
a fait en acceptant de s’intéresser à notre travail. Nous te remercions pour nous
avoir reçu si cordialement et pour son enthousiasme contagieux.
A nos maîtres, qui, avec beaucoup de conscience se sont consacrés à notre formation.
A ceux qui par leur aide, amitié et attention, nous ont permis de nous adapter
à la culture française.
A ceux qui oeuvrent pour une Civilisation Mondiale et qui, de leur vie, nous inspirent.
A ceux qui continueront ce travail que nous avons eu le plaisir d'ébaucher.
A tous ceux qui, par leurs suggestions, contributions et aides, nous ont permis
de réaliser ce travail.
A mes parents,
A ma femme,
A notre enfant,
A nos familles
AVANT–PROPOS
Les progrès spectaculaires de la médecine laissent subsister de nombreuses failles
qui motivent des critiques de violence croissante contre la science médicale.
Ces critiques, plus ou moins fondées, font l'objet de controverses facilement
propagées dans la presse et mettent en cause non seulement l'entreprise médicale,
mais aussi son insertion sociale. La surconsommation médicamenteuse, l'humanisation
des hôpitaux, l'aspect "anti-biologique" de la vie urbaine, ne sont que quelques
exemples des thèmes qui circulent ; des critiques plus structurées mettent en
cause un système socio-économique insalubre avec divergence de certains intérêts
économiques et sanitaires.
Nous n'avons nullement l'intention de prendre position dans ces polémiques, et
prétendons encore moins vouloir épuiser un tel sujet. La santé étant toutefois
la préoccupation majeure de notre profession, nous chercherons à contribuer à
l'éclaircissement de ce problème avec quelques textes baha'is qui apportent une
lumière très actuelle. Les conclusions personnelles que nous en tirons ne sont
en aucun cas exclusives. Nous avons hésité à trop abréger certains textes qui
gardent des significations plus étendues que le contexte dans lequel ils sont
cités. Le lecteur pourra donc trouver des implications beaucoup plus vastes que
celles commentées. Les traductions effectuées à partir des textes en Anglais sont
personnelles, et n'ont pas été révisées par un comité de révision comme ce serait
le cas pour les ouvrages baha'is publiés. Malgré le soin apporté et la nature
imagée des textes, il serait souhaitable de se référer aux originaux en cas de
contresens dans les nuances subtiles.
Ce travail d'introduction, n'a pas d'autre prétention que de vouloir rassembler
quelques textes baha'is plus ou moins directement en rapport avec la santé. A
titre de comparaison, nous ajoutons un choix éclectique de pensées classiques
et contemporaines dont un bon nombre a été inspiré par le récent Symposium International
sur le Stress, le Vieillissement et les Maladies de Civilisation (123). Cette
présentation élargie ne permet pas d'approfondir les diverses questions effleurées,
mais a l'avantage de mieux esquisser un concept qui se projette dans l'avenir
et dont nous ne pouvons extrapoler la nature précise. En attendant de voir nos
collègues prendre la plume pour développer les divers aspects d'un sujet si vaste,
nous proposons quelques éléments de réflexion.
Pour mieux comprendre ce malaise, nous survolerons les concepts de santé depuis
les philosophies antiques, qui considéraient l'homme dans son ensemble, jusqu'aux
théories organiciennes étroites qui ne considéraient que la maladie. Avec le psychosomatisme
et la médecine sociale, on assiste au retour à une médecine totale prenant en
considération l'homme et son environnement ; mais ici naissent de nombreuses polémiques
qui mettent en question l'entreprise médicale actuelle. C'est l'absence d'un idéal
de référence et l'incohérence des valeurs de notre civilisation qui semblent être
à l'origine de ces discordes, mais l'idée de finalité de la vie humaine dans ce
monde, notion indispensable à une activité médicale et sanitaire, a été confié
à la théologie et supposée en désaccord fondamental avec la science.
Les enseignements baha'is, cependant, maintiennent que la religion, débarrassée
de ses dogmes inintelligibles, est non seulement en accord avec la science, mais
elle lui est un complément indispensable. La religion, ot l'éducation éthique
nécessaire à une cohésion sociale, fournit des valeurs cohérentes avec la science
de son époque, constituant la trame d'une civilisation matérielle et spirituelle
prospère. Les révélations successives de religion, présentent les facettes différentes
d'une même vérité, dans un langage adapté à la compréhension de chaque époque
; du consensus de valeurs portées par leurs auteurs qui modestement parlent au
nom d'une force transcendante - naissent des civilisations successives.
Ces valeurs, souvent incohérentes et contradictoires dans notre société actuelle,
se reflètent néanmoins dans notre attitude envers la santé la maladie, la vie
et la mort. Bien que dénouées d'une réalité tangible, ( 25 p. 108), ces notions
subjectives dictent notre comportement dont la cohérence sera celle de nos valeurs.
La subjectivité humaine joue donc un r8lE important dans la pratique médicale
; c'est encore la religion qui influer ce domaine.
L'activité médicale a été surtout axée sur des notions de maladie, oubliant le
maintien de la santé. Cette santé, outre l'homéostasie du milieu intérieur (25),
entend une santé de relation avec l'environnement. Cette relation est dynamique
du fait des potentialités latentes de l'homme et de la transformation constante
de la société humaine ; nous verrons l'explication baha'ie de ce mouvement et
quelques critères du comportement humain qu'il implique.
Les notions de maladie et de guérison seront étudiées à l'aide de quelques exemples
cliniques. Le traitement n'implique pas chasser un "mal' imaginaire, mais rétablir
la santé en agissant sur le terrain et en permettant une réinsertion sociale.
La motivation et la subjectivité du malade jouent un rôle capital et nous verrons
que la relation médecin - malade est tout particulièrement soulignée dans les
écrits baha’is.
HISTORIQUE DE LA FOI BAHA’IE
L'histoire baha'ie débute au milieu du siècle dernier : période exceptionnellement
fertile de l'histoire de l'humanité.
* Le Bab
Le 23 mai 1844, un jeune homme qui se donne le titre de "Bab" (ou Porte) annonce
audacieusement être le précurseur de "celui que Dieu manifestera". Son message
se répand rapidement à travers le pays pour se heurter à l'orthodoxie musulmane.
Ses adeptes, issus des milieux ecclésiastiques et laïques de la Perse, devinrent
les victimes d'un massacre impitoyable qui, avec une cruauté indescriptible, décima
plus de vingt mille hommes, femmes et enfants.Emprisonné, soumis à un tribunal
inquisitorial, le Bab est condamné comme hérétique et fusillé de 750 balles sous
les yeux des habitants de Tabriz le 9 juillet 1850, à l'âge de 31 ans.
Nombreux sont les orientalistes qui se sont penchés sur l’héroïsme de cette phase
de la foi baha’ie en traçant le parallélisme entre la vie du Bab et celle du Christ.
Ne citons que Gobineau (64), Rénan (99 bis), Browne (30), et Nicolas (93 bis),
consul de France à Tabriz (Cité 115, 17 bis, 47). L'hérésie, croyait-on, était
éteinte ; mais celui que le Bab avait annoncé, celui que Dieu manifestera " devait
se dévoiler en 1863, en prenant le titre de Baha’u’llah (Gloire de Dieu).
* Baha'u'llah
De famille noble il avait renoncé à la succession de son père au sein du gouvernement
et épousé la Foi du Bab. Ceci lui avait coûté la confiscation de ses biens, son
incarcération dans la prison pestilentielle de Téhéran, le Siyah-Chal (le trou
noir) avant d'être banni avec sa famille. C'est en exil à Bagdad qu'il annonce
publiquement être celui que le Bab avait prédit. Les rigueurs de son bannissement
s'intensifient et de Bagdad il est transféré à Constantinople, puis à Andrinople,
pour être finalement isolé dans la citadelle de St-Jean-d'Acre (Akka), ville servant
de bagne pour l’empire Ottoman.
C'est pendant cette période qu'il adresse ses épîtres (ou Tablettes) aux rois
et dirigeants du monde (Annexe 22). Son message se résume à l'unité du genre humain,
seule et inévitable solution pour les problèmes dont le monde allait souffrir.
C'est pendant cet exil que le Professeur Browne de Cambridge réussit à parvenir
en sa présence. Le portrait qu'il donne de Baha'u'llah est émouvant, les paroles
qu'il rapporte de cette rencontre toujours actuelles :
"... Tu es venu Voir un prisonnier et un exilé... Nous ne désirons que le bien
du monde et le bonheur des nations ; cependant on nous suspecte d'être un élément
de désordre et de sédition, digne de la captivité et du bannissement... Que toutes
les nations deviennent une dans la Foi et que tous les hommes soient des frères...
que la diversité des religions cesse et que les différences de races soient annulées,
quel mal y a-t-il en cela ?... ; ces luttes stériles, ces guerres ruineuses passeront
et la Paix Suprême viendra... 'P
Browne se demande "si un être qui professe de telles doctrines mérite la mort
et les chaînes, et si le monde doit gagner ou perdre à leur diffusion". (E.G.
BROWNE (30), cité (54) p. 52).
L'exil et l'emprisonnement de Baha'u'llah durent près de quarante ans. Quarante
années consacrées à formuler les caractéristiques et exigences de cette civilisation
mondiale naissante. Il meurt en 1892, en nommant son fils aîné comme seul interprète
de ses abondants écrits.
* ‘Abdu’l-Baha
Compagnon fidèle de son père, Abdu’l-Baha' (Servant de Gloire) avait partagé exil
et emprisonnement avec lui depuis le jeune âge de neuf ans. Il ne devait être
libéré définitivement qu'à l'âge de 64 ans lorsque la révolution des jeunes Turcs
apporte une amnistie générale en 1908.
C'est cependant des périodes de souplesse relative que l’on permet aux pèlerins
venus d'Orient comme d'Occident de parvenir en sa présence. C'est ainsi que de
très nombreux textes ont été rédigés par ces visiteurs pour rapporter leurs expériences
et les réponses Abdu’l-Baha à leurs innombrables questions. Parmi les plus connus
se trouve l'ouvrage de Mme Clifford Dreyfus-Barney, sténographié, puis publié
sous le titre : "Les leçons de Saint Jean d'Acre", actuellement traduit en 22
langues, dont l’espéranto et le braille.
Une fois libéré, ‘Abdu’l-Baha, malgré son âge avancé et sa faiblesse physique,
entreprend une série de voyages en Europe et aux Etats-Unis pour porter le message
de son père à l'Occident. Dans des causeries presque journalières il annonce,
dans un langage didactique, la majestueuse révélation de Baha'u'llah. Ces textes,
bien que rapportés, gardent une grande fiabilité raison de leur caractère imagé
et de leur congruence avec ses écrits authentifiés. Nous aurons à citer fréquemment
ses "Causeries à Paris", prononcées en 1911 (4) et "The Promulgation of Universal
Peace" (7), qui rassemble ses causeries aux Etats-Unis d'Amérique en 1912. On
est stupéfait devant l'éventail de sujets traités, l'élégance des explications
et la finesse du raisonnement de celui qui avait passé un demi-siècle en prison
et en exil, sans connaître d'autre maître que son père; s'adressant avec un amour
infini, son langage s'adaptait à la compréhension des savants comme des illettrés.
Il quitte ce monde en 1921, confiant le gardiennat de cette communauté mondiale
naissante à son petit-fils
* Shoghi Effendi
Sa tâche consiste à fonder la structure administrative de cette communauté diversifiée
selon les indications précises de Baha'u'llah. Ses écrits souvent en anglais,
viennent s'ajouter, à cet océan de révélation d'une abondance unique dans l'histoire
religieuse. Sous Shoghi Effendi, la structure administrative de la Foi avec ses
éléments élus à l'échelle locale, nationale et internationale se développe, permettant
d'élire pour la première fois en 1963 le corps suprême du monde baha'i
* La Maison Universelle de Justice
Avec la mort de Shoghi Effendi en 1957, la communauté baha’ie , désormais sans
tutelle personnifiée, voit clore cette période de révélation et d'interprétation
qui s'est étendue sur 113 années de textes authentifiés. Désormais, c'est à ce
corps suprême qu'appartient de légiférer sur tout détail qui ne serait pas explicitement
traité dans les écrits.
A l'heure actuelle, la Communauté Mondiale baha'ie est représenté, en tant qu'Organisation
Internationale Non Gouvernementale auprès du Conseil Economique et Social des
Nations Unies, avec un statut consultatif. Elle compte à ce jour 119 Assemblées
Spirituelles Nationales, et plus de 17 000 Assemblées spirituelles Locales (Statistique
1973). La littérature baha’ie a été traduite en plus de 571 langues et dialectes
et les baha’is résident.., en plus de 70 000 localités dans le monde (statistique
1973). Pour les baha’is, cette communauté représente l'embryon et le laboratoire
de la société humaine future.
* Les Enseignements baha’is
Le thème central du message Baha’u’llah est l'unité du genre humain. Pour y parvenir,
il préconise une fédération mondiale avec un tribunal international, une économie
mondiale et une langue auxiliaire et internationale. L'éducation universelle et
obligatoire, le devoir d'une recherche personnelle et indépendante de la vérité,
l'abandon de toute forme de préjugé et de superstition, l'accord de la science
et de la religion, l'égalité des droits pour l'homme et pour la femme sont quelques
conditions indispensables à cette unité.
La pierre angulaire de cet édifice est la compréhension que les diverses cultures
reposent sur la même vérité religieuse de base, dont les enseignements sont progressifs
et relatifs à chaque époque, et dont le but n’est autre que l'amour et l'unité
entre les hommes. Le message de Baha'u'llah représente le dernier chaînon en date
de cette révélation, mais non l'ultime.
CHAPITRE
I - EVOLUTION DES CONCEPTS
La science médicale se rattache à la science exacte aujourd'hui, après s'être
dégagée des notions brumeuses et contemplatives de la médecine d'autrefois. Si
cela a marqué de grands progrès dans de nombreux domaines, la négligence du côté
subjectif de l'homme a laissé se creuser un fossé entre la médecine et le patient.
Parallèlement, les notions de santé ont été abandonnées à la faveur de notions
plus précises, mais nous verrons, insuffisantes, de maladie.
Dans l'Introduction à la Médecine Expérimentale, la phrase inaugurale de Claude
Bernard (25 p. 25) prône la conservation de la santé et la guérison des maladies
comme les buts de la médecine. Or la médecine s'est surtout sentie concernée par
les malades ; ceux qui la sollicitent, et non par la notion apparemment vague
de la santé. Cette fixation des idées sur la maladie et non sur la santé, est
due en partie à l'héritage de croyances en un "mal" persécuteur et envahissant
responsable de la maladie.
Un survol de l'histoire de la médecine peut illustrer le chemin qu'ont pris les
conceptions. L'esprit et le corps de l'homme ; la religion et la science seront
deux aspects de cette histoire qui retiendront notre attention.
I.1 - NAISSANCE DE LA SCIENCE EXACTE
Les relations entre le corps et l'esprit étaient connues depuis Platon et Hippocrate
mais la connaissance était surtout contemplative, l'application de ce savoir assez
aléatoire, et les expérimentateurs tels qu'Archimède rares. COBB (37) rapporte
l'ironie de Platon au sujet des savants observateurs et des astronomes de son
époque : "Que ce soit en fixant stupidement le ciel, ou en regardant le sol avec
des yeux mi-clos, je nie que l'on puisse dire avoir appris quelque chose tant
que l'on étudie un objet tangible". (37 p. 71).
C'est une religion, l'Islam, qui ouvre un chapitre nouveau dans là rigueur scientifique
et expérimentale. Puisant dans les civilisations de l'époque, il réalise la synthèse
et le développement de tout le savoir de son temps, prenant dans son envergure
de la Chine jusqu'à l'Egypte en passant par les Indes, la Perse, l'Israël et la
Grèce. La médecine bénéficie rapidement de cette révolution scientifique qui,
pour Cobb, est unique dans l'histoire de l'humanité.
Le Persan Al Razi (ou Rhazes, 865-925) rassemble la connaissance médicale de son
époque en une encyclopédie, le "Al Havi", publiée plus tard en Latin (1279) sous
le titre de "Continens". Avec Ibn Sina (ou Avicenne, 980-1037) et Ibn Ruchd (ou
Averoès, 11261198) naît le "Quamin" : traduit en Latin sous le nom du "Canon"
au XIIè siècle, cette oeuvre devient une source médicale de référence. Il contient
des descriptions nosographiques d'une précision étonnante, et propose déjà quelque
760 médicaments (37 p. 48).
Les relations entre l'esprit et le soma étaient connues d'Avicenne. on raconte
qu'en prenant le pouls d'un jeune homme dépressif, et en passant en revue les
régions, puis les villes, puis les quartiers, et enfin les familles, il découvre
le nom de sa bien-aimée et propose l'union qui devait le guérir.
La première université européenne est établie à Salerne, en Sicile Islamique au
IXème siècle (37, p. 33). Celles de Naples, Bologne, Padoue, Paris, et Oxford
suivent au XIIIème siècle. C'est l'Espagne islamique qui devient le centre médical
de l'Europe du Moyen-Age, et les écoles de médecine de Tolède et Cordoue accueillent,
pour soins, les Princes d'Europe (37, p. 57).
La traduction Latine de ce savoir pénètre l'Europe médiévale par la Sicile et
l'Espagne. A Tolède, Gérard de Crémone traduisait (11751187) les ouvrages arabes
en Latin. Les oeuvres d'Hippocrate et de Galien devaient emprunter cette voie
jusqu'au XVème siècle plutôt que le chemin direct barré par l'hostilité entre
Rome et Constantinople (37, p. 64-65) (120).
C'est finalement l'inquisition qui, après la chute de Grenade en 1492, éparpille
cette société cosmopolite et prospère, condamnant l'Espagne, et portant un coup
fatal à la présence Islamique en Europe.
I.2 - L'OBJECTIVITE
Mais le flambeau avait été passé à l'Europe qui émergeait de l'obscurité médiévale.
Ce sont les idées de Descartes qui devaient marquer profondément nos concepts.
Pour Descartes (45), le maintien de la santé était le but de ses études; la santé
cependant, se limitait au bon fonctionnement des composants du corps qui, dans
son dualisme, se distinguait de l'esprit. La médecine, pour lui, était une excroissance
de la physique, et pour ne pas "polluer" la réalité spirituelle avec ses conclusions,
il exclut toute considération immatérielle de sa conception médicale. Devant l'observation
des troubles psychosomatiques de la Princesse Elisabeth, il devait cependant modifier
sa théorie mécanique de la médecine.
Le dualisme cartésien présentait l'avantage d'éloigner la science des problèmes
litigieux de la théologie du XVIIème siècle, mais crée une fissure que le souvenir
des conflits entre la théologie et la science doit transformer en divorce.
Les grandes découvertes d'une science libérée des entraves de dogmatisme et de
persécutions accentuent l'écart, et orientent vers des notions matérielles de
la maladie. Alors que Morgagni (16821771) et Virchow (1821-1902) jettent les
bases d'une conception organicienne étroite, Pasteur identifie les microbes coupables
d'une bonne proportion de maladies. Cette vision rétrécie et locale de la maladie
permet à la médecine de se dégager des concepts brumeux en dévoilant des données
précises de pathologie (25, p. 77).
Claude Bernard soulignait cette nature libérée de la médecine, en décrivant la
médecine expérimentale comme étant "par nature une médecine antisystématique et
antidoctrinale"(25, p. 305). Ce désir d'impartialité objective et scientifique,
écrit CHAUCHARD (35), fait que "le malade tend souvent à disparaître devant la
maladie... La complexité des moyens techniques exigés pour tout diagnostic moderne
conduit à la multiplication des spécialistes, si bien que le malade tend à être
étudié en pièces détachées... Une telle attitude, logique en apparence, semble
l'aboutissement normal des efforts de la médecine scientifique... conduisant à
des traitements appropries, origine de magnifiques succès. Mais, en raison même
de ces succès, on s'est aperçu que de nombreux troubles organiques restaient inexpliqués
avec cette méthode analytique, troubles auxquels le malade attache, avec raison,
une grande importance, tandis que la médecine classique... leur dénie le titre
de "vraie maladie" ce sont des troubles fonctionnels ... que l'on qualifie de
"nerveux
I.3 - LE PSYCHOSOMATISME
C'est l'hystérie qui vient tout particulièrement troubler la séduisante simplicité
des concepts. Sydenham, en 1682, décrit le polymorphisme désarmant de ses troubles,
alors que Charcot, par son étude scientifique, à la fin du XIXème siècle, donne
naissance à deux courants. D'une part, les travaux de Babinski, qui établissent
la nature inorganique des troubles hystériques, renforçant ainsi la suspicion
de "fausseté" ou de caractère "imaginaire" des symptômes, d'autre part Freud,
qui avec sa doctrine psychanalytique démontre l'origine inconsciente et psychologique
des perturbations de la fonction organique.
L'école russe de Pavlov (1849-1936) poursuivie par Petrova, Bykov et Kourtzine,
jette les bases d'une physiologie psychosomatique qui, parallèlement avec les
travaux américains d'inspiration psychanalytique, ouvrent la voie à la médecine
psychosomatique; terme proposé par Alexander (14). La parution du livre de H.
Flanders Dunbar aux U.S.A. en 1935, et les travaux de Weiss, English et Seguin
sont les éléments les plus notoires dans l'acceptation du patient dans sa totalité,
précisément aux U.S.A., pays de médecine spécialisée (50, 51, 129, 110).
Ces travaux prennent toute leur importance dans leur concordance avec les observations
des cliniciens qui, en dehors de l'hystérie, avec ses troubles organiques de fonction,
découvraient de véritables lésions organiques imputables aux situations de stress.
Les ulcères gastriques avaient déjà été rapportés chez les grands brûlés par Swan
d'abord (1824), puis par Curling ; leur origine émotive fut établie par Cushing.
Hans SELYE (111, 111 bis) poursuit cette notion de stress et découvre des paramètres
biochimiques et neurophysiologiques beaucoup plus vastes dont l'ulcère gastrique
n'est qu'un élément. Les situations de stress s'accompagnent, par ailleurs, d'une
lipolyse reflétée dans les taux plasmatiques d'acides gras non estérifiés et de
cholestérol (Cloarec, 123) permettant de rapprocher les phénomènes de dégénérescence
vasculaire et de vieillissement précoce du mode de vie et de sa perception. Les
expériences de stress en Union Soviétique (Lapin et Chercovitch) chez le singe,
montrent comment les pressions psychosociales peuvent tuer ces animaux (123).
Parallèlement, la vaccination, les antibiotiques, et les mesures d'hygiène transforment
la pathologie courante, laissant la place pour une activité médicale nouvelle,
celle de l'application des découvertes scientifiques à l'ensemble de la vie humaine,
et non seulement à la maladie.
I.4 - LE TERRAIN
La santé publique qui, au début du XIXème siècle s'était organisée pour faire
face à la menace infectieuse, se tourne vers une activité moins étroite ; à résultat
moins spectaculaire et laborieuse : celle de l'amélioration du terrain que les
études étiologiques montraient propice aux états pathologiques. Ceci implique
cependant, une prise en charge des facteurs psychiques, sociaux, éducatifs et
économiques qui contribuent à la morbidité (26) (63).
L'exemple de la rougeole peut illustrer cette notion. Cette maladie, considérée
bénigne dans les pays à niveau socio-économique élevé, est un facteur de mortalité
infantile majeure pour le tiers-monde. La tuberculose est un autre exemple parlant.
Les arguments apportés par Dubos (48), Heubschmann, Porter (97) et Scrimshaw (106),
permettent à Illich (72) d'affirmer que la baisse de morbidité des maladies infectieuses
a précédé l'apparition de la vaccination et des antibiotiques, et a suivi l'amélioration
du niveau de vie. Il cite FAGNANI, pour affirmer que ce sont : "... l'alimentation,
les conditions de logement et de travail, la cohésion du tissu social et les mécanismes
culturels permettant de stabiliser la population, qui jouent le rôle décisif dans
la détermination de l'état de santé des adultes et de l'âge auquel ils ont tendance
à mourir" (72, p. 23-24).
Illich, cependant, va bien plus loin. Il affirme que la médecine, non seulement
a été étrangère à ce virage dans les conceptions d'hygiène de vie, mais que, par
son activité, elle a exproprié l'homme de sa santé en lui enlevant sa maîtrise
de la salubrité (72, p. 55).
Aussi imméritées que puissent paraître ces accusations, une vérité troublante
s'en dégage : la médecine s'est trop vaillamment engagée dans une lutte contre
la maladie pour pouvoir se consacrer au terrain de la santé.
Cette attitude entraîne des inconvénients certains; d'abord, la passivité des
malades qui, emmenant leurs corps chez le médecin comme ils emmèneraient leur
voiture chez le garagiste, attendent la guérison en échange d'honoraires. La baisse
générale de la santé globale par négligence du terrain, mène à une escalade thérapeutique
qui cherche à compenser.
L'exemple des antibiotiques est expressif. Les brillants succès, au début de leur
utilisation, laissaient présager une victoire facile sur les maladies infectieuses,
entraînant un relâchement des précautions d’asepsie. Or, l'usage inconsidéré,
(en particulier par les éleveurs de bétail) a sélectionné des germes multirésistants
par des voies jusqu'ici insoupçonnées (extrachromosomiques). La solution serait
la limitation d'emploi, l'amélioration du terrain, et le retour aux rigueurs de
l’asepsie.
KASS (80), estime que plus de la moitié des consultants d'un médecin généraliste
aux U.S.A. se plaignent de troubles occasionnes par leur mode de vie. Travaillant
sur des notions simples d'hygiène de vie, BRESLOW (29) et BELLOC (24 bis) établissent
une véritable épidémiologie de la santé. Leur étude porte sur sept critères :
1 - pas de tabac; 2 - sept heures de sommeil; 3 - petit déjeuner le matin 4 -
pas de surcharge pondérale; 5 - boire modérément; 6 - exercice journalier 7 -
pas d'alimentation entre les repas.
Ces critères apparemment simples ont permis de comparer l'âge physiologique des
sujets qui les appliquaient d'une manière plus ou moins complète. L'âge physiologique
de ceux qui suivaient les sept critères était à 75 ans, équivalent à l'âge de
ceux qui n'en respectaient que trois à 35-44 ans. Les sujets qui en suivaient
six, pouvaient espérer à 45 ans, 1l années de vie de plus que ceux qui n'en suivaient
que quatre. D'autres études (31) notamment sur la présence de fibres dans l'alimentation
ouvrent un aspect nouveau dans la recherche médicale; optique paraissant peu rentable,
car ces recherches ne semblent pas aboutir à une marchandise que l'on puisse vendre
sur le marché.
KASS, en citant ces études, conclut que l'on devrait plut8t parler d'un devoir
de conservation de la santé, plutôt que d'un droit à la santé. On peut, cependant,
parler des droits d'un individu aux soins médicaux et à une information fidèle.
Il est évident que l'information uniquement axée sur les progrès spectaculaires
de la science médicale, soulage l'individu de sa part de responsabilité et le
mène à croire que la bonne santé est un droit payé par la collectivité et vendu
par la médecine.
Aux U.S.A., cet aspect économique de la question ne manque pas d'attirer l’attention
au moment où l'on discute le remboursement des frais du rein artificiel par l’état.
L'Institut de Médecine se demande "combien de milliards la nation dépenserait
aujourd’hui sur des poumons d'acier si la recherche du remède pour la poliomyélite
n'avait pas été entreprise"(138).
L'assurance maladie dans ce même pays, attire des commentaires semblables. MORISON
(89 bis) mentionnant le coût élevé des soins cardio-vasculaires, se demande si,
en parlant de droit, on de devrait pas également parler de devoir. Thorstein Velben,
dit-il, déplorait que l'on taxe les pauvres en Californie pour envoyer les riches
aux collèges. Comment aurait-il réagi en voyant taxer les prévoyants pour envoyer
les imprévoyants à l'hôpital ?
I.5 - LA MEDECINE TOTALE
Le médecin trouve son rôle changé, ses nouvelles occupations l'impliquent profondément
dans la vie sociale et économique de la société. SIGERIST Henry (118) écrit :
"Le médecin, jadis conseiller d'un patient ou d'une famille, se trouve face à
une multitude de tâches nouvelles. Il est devenu le conseiller de l'éducateur
auquel il prête sa connaissance psychologique et psychiatrique pour permettre
aux enfants de rester adaptés à leur environnement social. Il est le conseiller
scientifique à la cour qui doit s'assurer de la cause et des circonstances de
la mort. Il est aussi consulté par la cour pour identifier l'antisocial, et déterminer
la sentence qui réhabilitera ou punira un criminel".
L'Organisation Mondiale de la Santé suit ce changement dans les conceptions et
définit la santé "non seulement comme l'absence de maladie et d'infirmité, mais
comme un état de bien être physique, psychique et social" (135). C'est la naissance
du concept de "médecine totale"; pour CRAIG, "il implique l'application à l'homme
de tout ce qui est connu à son sujet dans les domaines de la physiologie, de la
pathologie, du diagnostic et de la thérapeutique, et requiert son éducation en
hygiène, en médecine préventive et industrielle. Mais la médecine totale sous-entend
encore plus que cela. Pour assurer sa fonction, elle doit connaître les relations
sociales de l'homme, sa manière de vivre, sa famille, son travail, ses réactions
envers les personnes et les choses qui l'entourent. Le stress émotionnel, les
anxiétés, les fatigues, les plaisirs et une constitution émotionnelle inhérents,
tout contribue à former l'ensemble de l'individu ; c'est à cet individu, moulé
par son héritage et par le monde qui l'entoure, que la médecine doit pourvoir"
(39).
I.6 - LA SANTE ET L'ENVIRONNEMENT
Lors du récent Symposium International sur le "Stress, Maladie de la Civilisation
et Vieillissement" à Paris (123), le Pr. LEVI de Stockholm donne une illustration
du malade accroupi dans une boîte trop petite qui représente son environnement
auquel il est mal adapté. Le malade s'adresse au chirurgien qui propose de la
tailler à la mesure de sa boîte... le médecin lui propose des antalgiques ...
le psychiatre dit qu'il faut s'arranger pour que le malade accepte son environnement
car la boîte représente la meilleure boîte disponible à l'heure actuelle... la
dernière solution serait de changer la boîte ! (123).
Les écologistes, les biologistes, et les autres branches de la science humaine
viennent rejoindre ces notions de médecine globale et de santé. René DUBOS insiste
sur les relations avec l'environnement, et considère la santé comme un phénomène
humain, englobant non seulement l'homme en entier, mais aussi son environnement.
La santé serait l'état qui exprime le succès des efforts de l'organisme à s'adapter
aux changements d'environnement. L'idée d'adaptation est importante pour Dubos,
car il considère que le stress et la tension sont des éléments nécessaires à la
santé. La santé parfaite est aussi inaccessible que l'adaptation parfaite de l'organisme
à son environnement. Pour lui, la science a failli à l'application de ses méthodes
aux aspects les plus importants de la vie humaine : les problèmes de la vie quotidienne
de l'homme. Il est convaincu que la science peut atteindre la connaissance objective
des manifestations les plus élevées des caractéristiques humaines ; il propose
une nouvelle science avec des techniques et modèles de laboratoire pour étudier,
de manière scientifique, les réactions de l'homme à son environnement global (48)
(Cf 25, p. 148).
Cette idée d'adaptation est aussi le thème central des travaux de TOFFLER (125).
Alors que le "choc culturel" que subit un voyageur transplanté dans une culture
différente de la sienne est maintenant entré dans le vocabulaire courant, il propose
le terme de "choc du futur" pour désigner la réaction semblable d'un individu
dépassé par le changement rapide de son environnement social.
1.7 - LES POLEMIQUES
Ces notions élargies de la santé ne manquent pas d'attirer quelques controverses
et inquiétudes. L'impact économique, ainsi que la mise en cause des structures
sociales, culturelles et traditionnelles provoque une double réaction.
La première, mettant en cause une civilisation inapte à la vie humaine, prône
un abandon de tout ce que la science propose à la faveur d'une vie "naturelle",
"biologique", dans "l'ordre de l'Univers".
THEIL attaque ce qu'il appelle : "... Une fraction sociale en décomposition morale
qui ne sait que critiquer, dénigrer, suspecter, nier. Une fraction sociale incapable
de construire, qui casse ce qui fait la vie douce et vilipende... La santé par
la médecine et les médicaments, "la santé artificielle" comme l'appellent les
myopes détracteurs de l'art de guérir est l'unique moyen d'atteindre et de maintenir
cette "santé naturelle"... c'est la véritable santé du civilisé, affranchi de
la tutelle d'une nature que certains disent généreuse... mais qui est en fait
beaucoup plus souvent avare et hostile" (124).
La deuxième réaction est une réaction de recul devant les implications étendues
de ces concepts, et devant les problèmes qui seraient soulevés avec cette nouvelle
optique de la santé. NEALE (92) s’oppose à cette notion élargie de la santé "bio-psycho-sociale".
Le dualisme cartésien, dit-elle, avait comme but de séparer la théologie de la
philosophie, et de fonder cette dernière sur une méthode valable. Descartes ne
croyait pas que toute la réalité pouvait être scientifiquement connue. Les concepts
de l'O.M.S. et de Dubos s'éloignent de cela. Dubos prétend qu'une science de la
"nature humaine" dévoilera la nature de ces forces cohésives qui maintiennent
l'homme dans un état intègre physiquement, psychologiquement et socialement, lui
permettant une relation satisfaisante avec son environnement" (49).
«Dubos parle,» dit-elle, «comme si en plus d'une science des choses, il pouvait
y avoir une science de l'humanité qui illuminerait l'expérience humaine en entier(...).
Il blâme ouvertement Descartes pour avoir placé les opérations du psychisme en
dehors du domaine englobé par sa méthode, et laisse entendre que ce domaine du
comportement humain pourrait être décrit en termes d’événements moléculaires (...).
Pour que les concepts de Dubos et de l'O.M.S. soient vraisemblables, la science
doit être une méthode suffisante pour comprendre et maîtriser toute la réalité !»
Elle cite alors Winch (132)qui considère une absurdité que mettre les faits sociaux
sur un même plan que des données expérimentales, car ceux-là impliquent un contexte
de règles humaines qui ne peuvent pas être expliquées par une causalité applicable
aux événements physiques.
Weiss (130), ajoute-t-elle, considère seule l'observation du comportement extérieur
et non les expériences introspectives comme étant à la portée de la science.
Elle s'oppose ensuite à cette tendance qui excuse un comportement déviant en lui
donnant le nom de maladie, tout comme l’instabilité conjugale et la criminalité,
et elle conclut que «la santé physique, domaine de la médecine, n’est qu'un bien
entre tant d'autres, dont les caractéristiques sont contingentes aux concepts
de finalité de la vie humaine dans l'univers ; sujet très controversé et qui pivote
sur une prise de position philosophique.» (92).
C'est précisément le recul devant ces controverses qui mène à l'abandon des notions
de santé et à l'adoption des notions de maladie. Alors que les paramètres physiopathologiques
des maladies sont nets et rassurants, la santé, avec ses implications socio-économiques
étendues est une notion beaucoup plus inquiétante. L'insertion de la médecine
dans un ensemble de sciences humaines ne demanderait pas seulement de grands changements
dans la conception et la pratique médicales, mais aussi dans la structure même
de la société. Pour LENOIR (83), l'inadapté ne le serait que par rapport à une
certaine forme de société ; l'individu "inadapté" pourrait n'être que victime
d'une société mal conçue. Cette notion de la santé "contingente aux concepts de
finalité de la vie humaine dans l'univers" que propose Neale, rejoint en quelque
sorte les idées de SEDGWICK (109) qui introduit la notion de relativité dans la
santé. Pour lui, la science médicale serait une biologie d'intérêt social la santé,
la maladie et le traitement de fabrication sociale :
"Les niveaux de la nature inférieurs à l'homme, sont dénués de maladie et de traitement.
La rouille qui atteint les céréales... est une invention humaine, car si l'homme
voulait cultiver des parasites au lieu des céréales, il n'y aurait pas de "brouissure"
mais des fourragères pour parasites ... Hormis la signification que l’homme attache
volontairement à certaines conditions, il n'y a pas de maladie dans la nature...
Par intérêt anthropocentrique, l'homme a choisi de considérer comme "maladie"...
les circonstances qui précipitent la mort (ou entravent un critère de fonctionnement)
d'un nombre limité d'espèces biologiques... les enfants et le bétail peuvent être
malades mais qui pourrait imaginer une araignée ou un lézard être malade ?" (109)
Cette optique exclut, malheureusement, l'idée d'écologie et d'équilibre symbiotique
dans la nature. Par contre, elle nous rappelle que pour parler de santé, nous
devons adopter une idée de finalité de la vie humaine et une échelle de valeurs
cohérente - ce que nous hésitons à faire par souci d'impartialité et par crainte
de conflit.
Cette réaction de recul concorde avec la description des victimes du "choc du
futur" par TOFFLER (125, p. 404). Pour se défendre, les victimes de ce choc peuvent
nier l'évolution avec une incrédulité totale. Ils peuvent encore, par nostalgie,
se raccrocher à "des habitudes et à des décisions déjà programmées avec un désespoir
érigé en dogme" ; ou, enfin, se spécialiser.
La spécialisation rigide n'est pas inconnue du milieu médical ; la fixation sur
des notions de maladie et l'abandon des notions plus larges de santé, avec leurs
implications étendues, mettant en cause non seulement la profession médicale,
mais aussi tout un mode de vie, est un stratagème de défense que Toffler décrit
en ces mots : "C'est ainsi que nous voyons des médecins et des financiers défendre
avec ardeur les dernières innovations dans leur profession mais rester. fermement
hostiles à tout progrès sur le plan économique et politique. Plus la contestation
envahit les universités, plus le sang coule dans les ghettos, moins le spécialiste
veut en être conscient et plus il ferme l'objectif par lequel il regarde le monde..."
(125, p. 404).
Ces notions élargies de santé, qui, comme nous le verrons, sont en accord avec
la conception baha’ie, n'excluent nullement les soins qui sont dus à ceux qui
sont victimes de notre mode de vie. Nous soulignons d'emblée et sans équivoque
que cette conception ne doit pas être confondue avec les courants d'anti-médecine
qui animent les différents mouvements en vogue. Loin d'infirmer la vérité scientifique,
les enseignements baha’is plaident en faveur de sa validité, mais en rappelant
que la subjectivité humaine a besoin d'être dirigée, guidée et développée pour
un épanouissement réel de l'homme.
Cette subjectivité fait intervenir des éléments de valeur attribués à chaque situation.
Ces valeurs fournissent la trame de chaque société, le fondement de chaque civilisation
et en conséquence le sens que nous donnons aux mots santé, maladie et guérison.
Un pied esthétique aux yeux des Chinois d'autrefois est un pied mutilé pour nous,
un profil féminin correspondant aux exigences de la mode d'autrefois est obésité
pour nous ; la santé, aux yeux d'un transexuel, est une mutilation pour le chirurgien
qu'il sollicite... Ces valeurs, plus ou moins en accord avec la raison et plus
ou moins partagées par les membres d'une même société, trouvent leurs racines
dans l'histoire religieuse. Pour certains la raison et la déduction scientifique
suffisent à fournir une échelle de valeurs cohérentes ; nous verrons que la science,
à elle seule, ne peut suffire pour diriger la subjectivité humaine.
Pour parler de la santé, nous proposons d'abord d'examiner ce que la foi baha’ie
entend par religion et la place qu'elle attribue à celle-ci. Si l'objectivisme
scientifique a permis d'éliminer certaines notions superstitieuses qui paralysaient
le potentiel humain, la science n'a pas pu remplacer le rôle qu'avait joué la
religion en donnant un sens à la vie humaine dans cet univers. Nous verrons que
cela se reflète très directement dans notre pratique médicale.
CHAPITRE
II - L'ACCORD DE LA SCIENCE ET DE LA RELIGION
Nous avons vu que la médecine moderne est basée sur des notions de science exacte
et objective, et que cela est en grande partie dû aux idées de DESCARTES ; mais
il parlait aussi d'une subjectivité qu'il attribuait à l'esprit humain, et cela,
la médecine l'a graduellement négligé. Cette séparation entre le corps et l'esprit
s'est transformée en divorce pour des raisons que nous allons voir. Bien que le
langage animiste, adapté à la compréhension d'autrefois, puisse paraître puéril
à nos yeux, l'idée d'une intention qui serait à l'origine de notre Univers, nommée
Dieu, a joue un rôle essentiel dans la cohésion et le dynamisme de notre civilisation.
Limiter notre conception au monde tangible ne nie pas seulement l'intention qui
serait l'origine de l'univers, mais aussi l'intention qui anime chaque être humain,
le réduisant à l'état d'objet.
II.1 - L'OBJECTIVITE NECROPHILE
Pour MUMFORD (90) l'attrait de DESCARTES pour l'horloge est à l'origine de ses
conceptions mécaniques de la santé humaine. Cette objectivité se reflète dans
la pratique médicale; REVERZY (100)la décrit avec beaucoup de réalisme :
"La main ferme du médecin écartait le linceul ; un ordre retentissait "Ne bougez
plus ! Respirez fort ! Cessez de respirer ! Tournez-vous sur le côté !" Et le
corps, débusqué de sa retraite, s'exécutait à la seconde. Je compris que ces êtres
numérotés, immobiles comme le bloc de minerai derrière la vitrine du musée, ...
se présentaient merveilleusement simplifiés et préparés aux investigations de
savants si peu soucieux de l'angoisse de leurs patients que ceux-ci semblaient
à leur tour ne plus en ressentir l'étreinte. Sans inquiétude visible, ils attendaient
la venue du cortège les heures et les jours coulaient ; ils ne cherchaient pas
à comprendre leur maladie serait ce que voudraient les médecins" (100).
FROMM (57) qualifie de nécrophilie, cette tendance du monde actuel à transformer
la vie en objets, y compris l'homme lui-même. Il cite cette passion moderne pour
les gadgets, et cette destruction de la vie devant la machine, tant glorifiée
dans les poèmes de MARTINETTI, dont il considère la misogynie, l'anti-intellectualisme
et les louanges de la guerre comme typiques. Il prône une reconstruction de la
société autour de la "biophilie" l'amour de la vie, comme remède.
Or, cette objectivité, si chère à MONOD (89) dans ses définitions de la science,
lorsque appliquée aux mécanismes toujours plus intimes de la vie, dans le but
précis d'établir l'absence de toute autre causalité qu'une causalité nécessaire
ou accidentelle, serait assimilable à une forme de nécrophilie. La découverte
d'un chaînon dans l'immensité de l'ordre de l'univers, voire même sa reproduction
volontaire en laboratoire, n'implique pas l'absence de toute intention ou volonté
à l'origine de l'ordre dans l'univers ; même si cette intention est inaccessible
à notre intelligence (Cf 25, p. 130). L'Univers serait une vaste horloge dont
les rouages, de forme nécessaire et prédestinée, se seraient par hasard rassemblés,
sans but particulier... la subjectivité de l'homme : une fâcheuse faiblesse. Le
monde d'idéal, celui qui donne une orientation à l'effort et aux progrès humains
une chimère futile. L'éducation dispensée par des lignées de prophètes, au prix
de souffrances incalculables dues à l'incompréhension et à l'ignorance spontanée
des hommes, serait inutile, voire nuisible. Attirer l'attention des hommes vers
l'unité, transformer la perversité de la société romaine en justice et amour du
prochain, la sauvagerie des tribus guerrières de l'Arabie en une nation unie,
véhicule de la connaissance et matrice même de notre science si fièrement vantée,
serait-ce une faiblesse ?
Que l'homme ait fait des erreurs d'interprétation, que des notions primitives
et obscures aient retrouvé leurs chemins pour teinter les enseignements spirituels
initialement purs ; voici une vérité que peu de penseurs nieraient aujourd'hui
; mais affirmer que la religion, telle que l'enseigna Jésus, Moïse, Zoroastre,
Bouddha, Krishna ou Mahomet est responsable de cet obscurantisme, serait, comme
nous le verrons, une injustice envers ces bienfaiteurs de l'humanité.
Il ne sied pas à l'homme de se préoccuper de la nature intime de la Divinité au
nom de laquelle parlent ces enseignants - car son essence est par définition inaccessible
à la compréhension humaine - mais de s'inspirer de leurs enseignements dans sa
vie (Voir ANNEXE 9, 10, 11).
Dans sa lettre au Professeur Forel, cependant, Abdu’l-Baha énumère les preuves
de la présence d'une Volonté suprême qui serait responsable de l'ordre dans l'univers.
Cet ordre ne peut être purement dû au hasard et à la nécessité (Annexe 11, 12).
Pour appuyer cette thèse, HATCHER (66) résume ainsi la deuxième loi de thermodynamique
de Carnot : l'ordre est improbable, alors que le désordre est probable. Pour transformer
une maison en une pile de briques, toutes les séquences de déplacement des briques
est possible ; alors que pour construire une maison, on se trouve restreint à
un nombre limité de séquences. On ne peut, par exemple, placer une brique du haut,
avant d'avoir placée celle du dessous. L'ordre parfait de l'univers, semble contre
la loi de probabilité, donc contre le hasard.
Si cet ordre était nécessaire, et l'arrangement des briques une qualité inhérente
à celles-ci, alors la désintégration spontanée serait impossible. Pourtant l'ordre
d'une maison, sans l'intervention d'une volonté, a une tendance naturelle à la
désintégration spontanée (entropie positive). La nécessité et le hasard ne semblent
pas suffisants pour expliquer l'entropie négative qui organise le phénomène de
vie.
L'énigme de la vie n'avait pu échapper à la perspicacité et à l'impartialité remarquables
de Claude Bernard : "S'il fallait définir la vie en un seul mot... je dirais :
la vie, c'est la création... ce qui caractérise la machine vivante, ce n’est pas
la nature de ses propriétés physico-chimiques, .... mais bien la création... de
cette machine qui se développe sous nos yeux ... d'après une idée définie qui
exprime la nature de l'être vivant et l'essence même de la vie... ce qui est essentiellement
du domaine de la vie et ce qui n'appartient ni à la chimie, ni à la physique,
ni à rien autre chose, c'est l'idée directrice de cette évolution vitale. Dans
tout germe vivant, il y a une idée créatrice qui se développe et se manifeste
par l'organisation. Pendant toute sa durée, l'être vivant reste sous l'influence
de cette même force vitale créatrice, et la mort arrive lorsque elle ne peut plus
se réaliser... les moyens de manifestation physico-chimiques, restent confondus
pèle mêle comme les caractères de l'alphabet dans une boîte où une force va les
chercher pour exprimer les pensées ou les mécanismes les plus divers" (25, p.
14243) (Cf 111.2, III.6.c).
Nous pouvons conclure que la science pousse toujours en avant la connaissance
des mécanismes intimes de l'univers, sans en découvrir l'essence dont la religion
nous entretient. La religion, affirme ‘Abdu’l-Baha, "...est le lien essentiel
dépendant de la réalité des choses". (6, p. 177)
Nous ne demeurerons pas sur ce sujet qui sortirait des limites de cette thèse,
mais citons MUMFORD (90) qui affirme :
"D'une chose nous pouvons être certains : si l'homme doit s'échapper à son autodestruction
programmée, le Dieu qui le sauvera ne descendra pas de la machine, mais il s'élèvera
à nouveau dans l'âme humaine".
C'est dans les sentiments de l'homme que se situe le problème et la religion y
joue un rôle important bien que parfois paradoxal.
II.2 - LA REVELATION PROGRESSIVE
L'histoire nous montre l'ascension et le déclin des civilisations successives.
Chacune d'elles est fondée sur un enseignement qui s'adresse particulièrement
aux sentiments de l'homme. Incompris par leurs contemporains, les auteurs de ces
"révélations" ont été persécutés ; mais leurs enseignements à long terme, ont
fourni le ciment et l'armature de la structure sociale en apportant une culture
basée sur des valeurs cohérentes.
A Paris, ‘Abdu’l-Baha expliquait le rôle de l'éducation spirituelle de l'homme
dans la civilisation :
"... La civilisation n’a pas de fondement solide si le sens moral, l'intelligence
et les aptitudes des hommes ne sont pas dirigées." (4, 22 octobre 1911).
Cette éducation ne cherche pas uniquement à apporter une certaine connaissance,
mais à faire gravir à l'homme, par ses propres efforts, des marches successives
sur le chemin du progrès (Voir Annexe, 15, 16). Ces révélations divines suivent
un rythme cyclique que les enseignements baha'is comparent aux cycles saisonniers :
"Considérez le monde de l’existence, c'est-à-dire les choses matérielles. Le système
solaire est ténébreux et obscur, et au milieu de ce système se trouve le soleil,
centre des lumières ; toutes les planètes... sont illuminées par ses bienfaits.
Sans ses bienfaits, aucun être vivant n'existerait dans ce monde ; de la même
façon, les manifestations sacrées de Dieu sont le centre des lumières de la vérité,
la source des mystères et des bienfaits de l'amour ; elles brillent sur le monde
des coeurs et des pensées... tout l'éclat du monde des pensées vient de ce centre
lumineux et de cette source mystérieuse. Sans le bienfait de la splendeur et de
l'éducation de ces êtres saints, le monde des âmes et des pensées ne serait que
ténèbres sur ténèbres ; et sans les instructions irréfutables de ces sources mystérieuses,
le monde humain serait la lice des appétits et des moeurs des animaux, considérez
l'influence du soleil sur les êtres terrestres : tantôt c’est le printemps, tantôt
l'été ou l'hiver... Pareillement, lorsque la manifestation sacrée de Dieu., qui
est le soleil du monde de sa création, resplendit sur les âmes, les pensées et
les coeurs, alors le printemps spirituel arrive, une vie nouvelle apparaît, la
puissance du printemps merveilleux devient visible, et des bienfaits extraordinaires
sont constatés... lors de l'apparition de chaque manifestation de Dieu, des progrès
considérables sont constatés dans le monde de l'intelligence, de la pensée, et
de L'esprit. Entre autres, dans ce siècle divin, voyez quel développement a atteint
le monde de l'intelligence et de la pensée : et ce n'est que le commencement de
l'aurore. Avant peu, on verra que ces bienfaits nouveaux et ces enseignements
divins illumineront ce monde obscur et transformeront ces tristes contrées en
un paradis suprême !".
‘Abdu’l-Baha (6, p. 181).
Le savoir de ces manifestations de Dieu est un savoir inné et supranaturel (III.4).
L'ensemble des valeurs qu'ils apportent est cohérent et en accord avec les besoins
de leur époque, bien que tellement révolutionnaires qu'ils paient de leurs souffrances
la nature mutante de leur révélation (Voir Annexe 22).
Ces enseignements spirituels, malgré l'usage inapproprié qui en a souvent été
fait, visent à unir les hommes : comme l'indique l'étymologie latine du mot Religion
: Religare.
Si l'essence de ce message est éternelle, les lois sociales et le langage de la
révélation sont adaptés aux besoins d'une époque. L'unité sera une loi éternelle,
mais au temps d'Abraham elle impliquait la famille ; au temps de Moïse : la tribu
; au temps de Jésus : la cité ; au temps de Mahomet : la nation, et aujourd'hui,
elle implique la planète entière.
De Baha'u'llah lui-même, nous lisons :
«... Chaque Prophète... reçoit, avec Son Message, la mission d'agir de la façon
qui convient le mieux au temps dans lequel il apparaît. Dieu a un double objet.
Il se propose d'abord de libérer les enfants des hommes des ténèbres de l'ignorance,
de les guider vers la lumière de la vraie compréhension, et ensuite d'assurer
la paix de l'humanité, en lui fournissant tous les moyens par lesquels cette paix.
peut être établie.
Les Prophètes de Dieu doivent être considérés comme des médecins... Rien d'étonnant...
si le médecin prescrit un remède différent de celui qu'il a ordonné autrefois.
Comment pourrait-il en être autrement, alors que la maladie exige pour chacune
des phases un traitement particulier ?» (20,XXXIV)
Les paroles de Krishna dans la Baghvad Gita expriment ainsi la continuité dans
l'enseignement spirituel car en esprit, ces enseignants sont les mêmes: "Quand
la justice tombe En désuétude et que l'injustice est renforcée, je viens sur la
terre pour faire triompher le bien et réprimer le mal. Je renais d’âge en âge".
(69, p. 80 il 35 bis).
La révélation de Dieu à l'homme est donc intarissable et progressive.
II.3 - LA PERCEPTION DE LA REALITE
Notre perception de la réalité fait intervenir une échelle de valeurs propre à
chaque culture et fondée sur des lois et des préceptes religieux (Annexe 20).
L'ensemble des lois, préceptes et valeurs apportés par une manifestation de Dieu
révolutionne notre perception de la "réalité" (voir III.6) de telle sorte que
l'on puisse parler d'un "nouveau monde" ou d'une "nouvelle création" lors de chaque
message. Baha'u'llah affirme :
"A tout âge et dans chaque cycle, par la resplendissante lumière des Manifestations
et Sa merveilleuse Essence, Il a recréé toutes choses...".(20, XXVI)
Consciemment ou inconsciemment notre "réalité" est structurée autour de ces critères.
Alors que les lois scientifiques sont descriptives, ces lois sont prescriptives
et nous verrons que contrairement aux croyances populaires, il n'y a pas de discordance
obligatoire entre ces deux ; toute incohérence d'ailleurs mène à un abandon de
ces valeurs ou à une prise de position dogmatique de défense (Annexe 14).
Nous nous apercevons aisément que toute forme de structure de personnalité ou
de société est fondée sur de tels critères de référence. Une société fondée sur
des critères rigides ne peut que recourir à une prise de position dogmatique pour
pallier des failles inévitablement ouvertes par le progrès et le changement ;
la révélation religieuse doit donc être progressive, ininterrompu, et comme nous
l'avons vu, cyclique.
Il est intéressant de noter que des systèmes apparemment athées, sont en fait
souvent basées sur une forme régressive et plus primitive de la religion : un
dualisme idéologique de ceux "pour" et de ceux "contre" le système autrement dit,
les "bons" et les "méchants", le "bien" et le "mal" - alors que l'évolution de
la religion a été dans le sens de nuances.
L'identité de l'homme, elle aussi, a besoin de ces critères pour une personnalité
dont la cohérence dépendra de celle de son échelle de valeurs.
WHEELIS considère l'identité de l'individu comme une sensation cohérente du Moi.
"Elle dépend de l'assurance que les efforts et la vie ont un sens, et sont chargés
d'une signification dans le contexte du vécu. Elle dépend aussi des valeurs stables,
de la conviction que ses actions et ses valeurs sont harmonieusement liées. C'est
une sensation d'intégralité, d'intégration ; savoir ce qui est juste et ce qui
est faux ; pouvoir choisir... L'identité peut survivre à un conflit majeur, à
condition que la trame du support de la vie soit stable, et non lorsque cette
trame est perdue. On ne peut pousser que d'un point fixe. S'appliquer à pousser
la charrette, sous-entend un morceau de terre ferme sous ses pieds. De nombreuses
personnes aujourd'hui, ne trouvent pas de point d'appui solide" (131).
C'est l'enseignement spirituel qui fournit cette trame et qui nous donne une perception
du Moi. L'abandon de la trame équivaudrait au délire. La perception du Moi étant
relative à certains critères de référence, on peut considérer la religion comme
un moyen de se connaître (voir aussi III.6.b).
Baha'u'llah écrit :
"... Le devoir que Tu as prescrit à Tes serviteurs d'exalter à l'infini Ta gloire
et Ta majesté, n'est qu'un gage de Ta grâce à leur endroit, un moyen que Tu leur
donnes de s'élever jusqu'à... la connaissance d'eux mêmes.".(20, 1)
Dans le Quran nous lisons :
"Ne sois pas comme ceux qui oublient Dieu, et qu'Il rend oublieux d'eux-mêmes..."
(Quran 59 : 19, cité par Baha’u’llah, 17 bis)
Et encore de Baha’u’llah :
"... Tourne donc ton regard vers toi, et tu Me trouveras en toi., constant, puissant,
fort, éternel... "(18, p. 6)
D'ailleurs, l'objectivité absolue n'existe pas ; Notre perception est limitée
par nos cinq sens et par nos possibilités cognitives ; l'objet que nous observons
est perturbé par la présence de l'observateur. Notre perception est teintée par
des valeurs dont nous investissons chaque situation. Un crissement de pneu provoque
la peur chez une personne et un sentiment de plaisir chez une autre selon l'analyse
dramatique ou sportive que la personne fait de cette perception sonore (Voir 111.6).
La réalité, telle qu’elle est ressentie dans un contexte culturel est chargée
de valeurs relatives à l'idéal en question. C'est en se référant à cet idéal -
très souvent inconscient -, que nous percevons "la réalité". Sans en connaître
la raison, nous présumons que la justice est meilleure que l'injustice, l'unité
meilleure que la désunion, l'amour meilleur que la haine, etc., alors que ces
valeurs remontent à un enseignement religieux. Nous pouvons en déduire que, non
seulement les conceptions, mais aussi les phénomènes pathologiques doivent être
teintés par 1 ' acquis culturel. Contrairement à l'animal, l'homme possède cette
subjectivité qui doit être organisée et structurée autour d'un idéal (ou objet
de "préoccupation ultime" pour Fromm (57);(voir III.3). C'est sur cette structure
que les troubles du sujet viennent se greffer. COWDILL et Collaborateurs, (cités
par BOURLIERE (123)) notent la différenciation symptomatologique des troubles
mentaux au Japon selon le type d'éducation : orientale ou occidentale. Ces paramètres
culturels ont été trop souvent négligés. Nous verrons que Peseschkian en fait
une base de psychothérapie (Voir IV.3.c).
II.4 - LA COMPLEMENTARITE
La science à elle seule ne peut pas suffire à la survie de l'humanité. La subjectivité
humaine a besoin d'une éducation "spirituelle", ainsi qu'Abdu'l-Baha l'explique
:
«..si l'amour de Dieu n'existait pas, les perfections de l'humanité seraient détruites
et anéanties ; ... si l'amour de Dieu n'existait pas, l’union spirituelle serait
une chimère ; si l'amour de Dieu n'existait pas,
ta lumière de l'unité n'éclairerait pas l'humanité ; si l'amour de Dieu n'existe
pas, 1 'Est et 1 'Ouest ne seraient pas, comme deux amoureux, dans les bras
l'un de l'autre ; si l'amour de Dieu n'existait pas, la division et ta désunion
n'auraient pas été changées en intimité ; si l'amour de Dieu n'existait pas, l'affection
n'aurait pas remplacé l'indifférence si l'amour de Dieu n’existait pas, l'étranger
ne serait pas devenu l'ami .... Cette transformation des moeurs, cette rectification
de la conduite et des paroles sont elles possibles autrement que par l'amour de
Dieu ? Non par Dieu ; Si, à l'aide de la science et de nos connaissances, nous
voulions introduire ces moeurs et ces coutumes, certes cela prendrait mille ans,
et elles ne se répandraient pas dans la multitude» (6, p. 338)
"La religion et la science, affirme-t-il, par ailleurs, sont comme les deux ailes
qui permettent à l'intelligence de l'homme de s 'élever vers les hauteurs, et
ci l'âme humaine de progresser"... avec l'aile de la religion seulement, l'homme
échouerait "dans les marécages de la superstition", et avec la seule aile de la
science, il se trouverait dans la "fondrière désespérante du matérialisme".
‘Abdu'l-Baha, (4)
Sans le concours de la religion, la science devient un instrument dangereux pour
l'homme. A Paris, en 1911, ‘Abdu'l-Baha adresse ces paroles prophétiques à l'ambassadeur
du Japon :
"Il existe une force stupéfiante que l’homme n'a heureusement pas encore découverte.
Supplions Dieu le Bien-Aimé, que la science ne découvre pas cette force tant que
la civilisation spirituelle ne dominera pas l'esprit humain. Entre les ruine de
l'homme d'une nature matérielle inférieure, ce pouvoir pourrait détruire la terre
entière".(4, p. 13)
Les problèmes de l'humanité proviennent de ce manque de spiritualité. Nous voyons
comment, par souci d'un "progrès" matériel irréfléchi, l'homme est en train de
rendre l'environnement naturel, comme la structure sociale, inaptes à la vie.
En parlant de la modération, Baha'u'llah écrit :
"Quiconque s'attache à la justice ne saurait en aucune circonstance passer les
bornes de la modération... La civilisation -, tant vantée par les représentants
plus qualifiés des arts et des sciences -, apportera de grande maux à l'humanité,
si on lui laisse franchir les limites de la modération... Le jour approche où
elle dévorera de ses flammes, toutes les cités du monde, alors que la Langue de
Grandeur proclamera : "Le Royaume est à Dieu., le Tout-Puissant, le Loué.» (20,
CLXIII)
Et encore nous lisons de lui :
«Il incombe à ceux qui détiennent l'autorité de rester modérés en toutes choses.
Tout ce qui sort des bornes de la modération cesse d'exercer une influence bienfaisante.
Considérez, par exemple, la liberté, la civilisation et d'autres biens analogues...
si on les pousse à l'excès, leur influence devient néfaste." Baha'u'llah (20.'CX)
Illich désigne de "contre-productivité paradoxale" l'effet contraire d'une activité
poussée à l'extrême. Ceci s'applique au nombre excessif de voitures sur la voie
publique qui, paradoxalement, diminue le pouvoir de circuler au lieu de l'améliorer,
comme aux retombées néfastes de certaines industries sur la vie de la population.
L'application de cette loi à la médecin bien que d'un excès habituel à Illich,
fournit quelques éléments de réflexion (72, p. 97).
Les problèmes de la pollution peuvent illustrer ce besoin de modération et de
bon sens concernant l'application de la science. Sans une conscience collective,
sans se soucier pour la postérité, sans savoir accepter quelques sacrifices d'intérêts
immédiats, les sources diverses de pollution ne peuvent être taries. La civilisation,
alors, plutôt que de fournir un bien-être, met la vie humaine en danger. C'est
l'éthique, le respect de la vie et d'autrui qui peut dicter la modération.
Baha'u'llah s'adresse à ceux qui sont "attachés à la justice". Il s’adresse aux
sentiments de l'homme... domaine dans lequel la science démissionné.
"En trois siècles", affirme Monod (89, p. 185), "la science fondée par le postulat
d'objectivité a conquis sa place dans la société : dans la pratique, mais pas
dans les âmes. Les sociétés modernes sont construites par la science. Elles lui
doivent la richesse, leur puissance et la certitude que des richesses et des pouvoirs
bien plus grands encore, seront demain, s'il le veut, accessibles à l'Homme".
Et l'homme, assoiffé de richesse, pouvoir et puissance, s'est lancé sur ce leurre
; en voici le bilan résumé par TOFFLER : "C'est catastrophique. Je crois que personne
ici n'aimerait se lever et défendre... les structures actuelles de notre société
ou les valeurs existantes, quelles qu'elles soient, dans le stade actuel de la
détérioration dans lequel elles sont" (123).
Sans amoindrir la valeur des progrès de la science, on peut rappeler que ces progrès
ont besoin de règles d'application pour ne pas mutiler l'homme ni négliger sa
subjectivité.
C'est en présence d'un savant qu’Abdu’l-Baha demande si sa science lui permet
d'analyser une goutte d'eau. La réponse est "oui". Peut-elle distinguer une goutte
d'eau d'une goutte de larme ? - La réponse est encore "oui". Peut-elle distinguer
une larme de joie d'une larme de chagrin ? - La réponse est "non". Là, c'est le
domaine de la religion, affirme 'Abdu’l-Baha.
La médecine côtoie journellement cette subjectivité, mais avec inquiétude. Notre
formation est objective, notre attention portée sur l'horlogerie humaine ; il
n'est pas étonnant que nous soyons désarmés devant les manifestations de cette
subjectivité.
Les problèmes liés à cette subjectivité ne sont pas seulement dus aux maladresses
de la science ; l'attachement à des préjugés, tabous et superstitions sous des
formes diverses vient entraver le potentiel humain. Que ce soit des préjugés contre
une race, une classe ou contre la science, ces engagements subjectifs à des opinions
irraisonnables sont l'autre extrême (III.4.a).
L’écoeurement de MONOD contre la religion n'est pas sans motif. Si dans leur pureté
originelle chacune d'elles était en accord avec la science de son époque, des
siècles d'interprétation ont creusé le fossé. Nous avons vu que l'Islam avait
été un puissant protagoniste de la science exacte. Le Qur'an parle des mouvements
des planètes ; ce que les mathématiciens devaient railler pendant dix siècles
(Qur'an XXXVI, 38-40) (6, p. 29). Cependant, les dépositaires de cette Foi devaient
proclamer au siècle dernier, le savon comme impur ; il venait de l'Occident !
Bien que le Qur'an ait affirmé l'authenticité du message de Moïse, (6, p. 28)
et que l'Islam ait été la trame de cette société prospère et cosmopolite de l'Espagne
médiévale, on doit cependant annoncer que la pluie qui s'écoule sur un Juif "salit"
le trottoir...
Si Monod prône l'abandon de "l'ancienne alliance" et l'adoption d'une nouvelle
éthique pour remplacer les systèmes de valeurs "ruinées à la racine", «étrangères
et hostiles à la science", c'est par souci de vérité..."... «Le divorce est si
grand," écritil, "le mensonge si flagrant, qu'il obsède et déchire la conscience
de tout homme pourvu de quelque culture, doué de quelque intelligence et habité
par cette anxiété morale qui est la source de toute création" (89, p. 187).
Cette "anxiété morale" n'est pas issue de la science que Monod voudrait comme
"une nouvelle et unique source de vérité". De tels sentiments proviennent d'une
culture basée sur les enseignements spirituels que nous adoptons sans en apercevoir
l'origine. La science, elle, est fondée, par ses propres définitions, sur un postulat
"d'objectivité".
Cette "religiosité judéo-chrétienne" qu'il incrimine est en fait à la base de
son amour pour la vérité ; bien que ces notions exprimées dans un langage imagé
et pédagogique puissent, après vingt siècles, lui paraître contraires à notre
science.
Si la balance aujourd'hui penche en défaveur de la religion, c'est en grande partie
dû au souvenir du carcan d'obscurantisme qui a pesé sur l'esprit humain en guise
de religion. L'histoire nous montre l'erreur humaine responsable de ce divorce.
II.5 - LES MARECAGES DE LA SUPERSTITION
En exposant l'accord de la science et de la religion, FURUTAN (58) cite quelques
accusations de DRAPIER (46) : En 931, A.D. la bibliothèque d'Alexandrie est détruite,
suite aux querelles entre Païens et Chrétiens au sujet d'une pierre sacrée païenne,
profanée lors des travaux de construction d'une église sur le site du temple d'Osiris.
En 414 A.D. l'enseignement de la philosophie grecque est interdit - même à Athènes
- par l'empereur Justin. En 415, A.D., Hypatie, la fille de Théon d'Alexandrie,
une éminente mathématicienne et philosophe, est condamnée par St Cyril, patriarche
d'Alexandrie. Selon Drapier, c'était le début de l'obscurantisme.
L'inquisition, avec ses horreurs, porte une autre lourde accusation contre la
religion. Bruno est brûlé sur la place publique en 1600 ; Copernic et Galilée
sont persécutés pour avoir parlé des mouvements planétaires ... Ces accusations,
cependant, devraient être adressées à l'ignorance humaine et non pas à la religion
elle-même.
A ce sujet, ‘Abdu’l-Baha dit :
"De nombreux chefs religieux en sont venus à penser que l'importance de la religion
consiste principalement à accepter certains dogmes, et à pratiquer des rites et
des cérémonies... Or ces formes et rites changent selon les églises et les différentes
sectes... le résultat de toutes ces dissensions est la croyance - professé par
bien des hommes cultivés - que religion et science sont des termes qui se contredisent...
la conséquence fâcheuse de ceci, c'est que la Science s'est écartée de la Religion,
et que celle-ci est devenue une mise en pratique purement aveugle des préceptes
de certains chefs religieux" (4).
Ces discordes, nous savons, ont souvent mené aux guerres de religion (Annexe 14)
; or, les "différentes" religions ne sont en fait que les étapes successives de
la révélation d'un seul et même enseignement, dont les principes fondamentaux
ont été mutilées au cours des siècles. Les enseignements baha’is le démontrent
clairement
"Ces querelles, explique ‘Abdu’l-Baha, proviennent du fait que les, hommes s'attachent
au rituel et aux pratiques extérieures, tout en oubliant la simple Vérité de base...
Si la religion devait n'être qu'une cause de discorde, il vaudrait mieux qu'il
n'y en eût pas".
(4, 26 novembre 1911)
C'était à Paris qu'il annonçait
"La religion devrait unir tous les coeurs et faire disparaître les guerres et
les dissensions de la surface de la terre... Si la religion devient une cause
d'inimitié, de haine et de division, mieux vaudrait qu'elle n’existât pas. Abandonner
une telle religion serait un véritable acte religieux... si le remède ne fait
qu'aggraver le mal, mieux vaut le laisser de côté. Toute religion qui n'est pas
une cause d'amour et d'unité n'est pas une religion. Tous les sainte Prophètes...
donnèrent des prescriptions pour guérir l'humanité. Aussi, tout remède qui rend
malade ne provient pas du Médecin éminent et suprême".
‘Abdu’l-Baha, (4)
Et nous lisons encore :
"Toute religion qui contredit la science ou qui lui est opposée n’est que de l'ignorance,
car l'ignorance est le contraire de la connaissance
‘Abdu’l-Baha, (4)
FAIR (55) explique comment l'adoption de non-sens conceptuels peut servir à pallier
l'incohérence d'une échelle des valeurs. Ces raisonnements ne peuvent qu'aboutir
à un conflit avec la connaissance objective mais présentent certains avantages
en comparaison avec la négation du subjectif qu’est le matérialisme (Annexe 14).
Il n'est pas étonnant de voir cette éclosion d’intérêt mystique (122) chez les
jeunes ; tout particulièrement chez ceux qui, ayant atteint un niveau d'aisance
matérielle, se trouvent insatisfaits moralement. Cette "famine spirituelle" n'est
elle pas un des éléments qui poussent vers la recherche d'un "absolu" dans la
drogue ? (Voir 111.6.0.
II.6 - LA FONDRIERE DU MATERIALISME
La société actuelle, abandonnant l'idéal incohérent et les valeurs contradictoires
peut aussi se tourner vers le matérialisme. Il faut préciser que e n’est pas un
mépris de la matière que prônent les enseignements baha’is. ‘Abdu’l-Baha définit
ainsi ce matérialisme
"Par "matérialistes"... il ne s'agit pas des philosophes en général, mais d'une
catégorie de philosophes matérialistes à vue étroite, adorateurs du sensible,
qui se fient uniquement à leurs cinq sens et pour lesquels le critérium de la
connaissance se limite aux sensations".
(2, p. 6)
En Amérique, il annonçait :
«... certains sages... déclarent que rien n'est acceptable sauf ce qui est tangible...
tout ce qui n'est pas tangible est de l'imagination et de l'absurdité.
Bien étrange qu'après vingt ans d'enseignement... l'homme atteigne le niveau où
il renie l'existence de l'idéal ou de ce qui n'est pas perceptible aux sens. Avez-vous
déjà réfléchi sur le fait que l'animal est diplômé d'une telle université ?...
Sans peines ni études, la vache est déjà un philosophe émérite dans l'école de
la nature. La vache nie tout ce qui n'est pas tangible, disant, "je vois, je mange,
je ne crois donc que ce qui est tangible !
‘Abdu'l-Baha' (7, p. 355) (24, p. 298)
Et encore
"Les philosophes se vantent..., disant : "nous ne sommes pas prisonniers des superstitions,,
nous n'avons la foi absolue qu'en les impressions de nos sens et nous ne connaissons
rien en dehors du domaine de la nature qui contient et couvre tout". Mais la vache
-, sans avoir étudié et sans compétence dans les sciences, modestement et silencieusement
-, regarde la vie du même point de vue, vivant en harmonie avec les lois de ta
nature dans la plus grande dignité et noblesse".
‘Abdu'l-Baha (3, p. 44)
C'est ce monde d'idéal qui caractérise l'homme, qui le différencie de l'animal
:
"La réalité de l'homme c'est sa pensée et non pas son corps... si au lieu de s'élever,
ses pensées s'abaissent et se concentrent sur les choses de ce monde, il devient
de plus en plus matériel et parvient à un état à peine supérieur à celui de l’animal".
'Abdu'l-Baha (4) (18 octobre 1911)
"L'homme possède deux natures : sa nature élevée ou spirituelle et sa nature inférieure
ou matérielle... Toutes les bonnes habitudes, toutes les nobles qualités appartiennent
à la nature spirituelle, alors que toutes ses imperfections et les actions coupables
naissent de sa nature matérielle...
Les apôtres... étaient des hommes semblables aux autres... ils étaient attirés
vers les choses de la terre et chacun d'eux ne pensait qu'à ses propres intérêts.
Leurs connaissances sur la justice étaient réduites... mais quand ils crurent
au Christ et le suivirent, leur ignorance fit place à la connaissance...»
‘Abdu'l-Baha (4, 1 novembre 1911)
«... Non satisfaits d'une vie animale vous ...êtes vraiment des hommes dont les
soucis et les ambitions tendent à acquérir la perfection humaine... il est mille
fois préférable qu'un homme disparaisse plutôt que de continuer à vivre sans vertu."
‘Abdu'l-Baha (4, 23 novembre 1911)
II.7 - LA RECONCILIATION
La foi baha’i le repose sur ces principes fondamentaux de la recherche personnelle
de la Vérité, l'accord de la science et de la religion et l'abandon de toute forme
de préjugé et de superstition. Cette réconciliation des différentes facultés de
l'homme à un rôle non seulement dans l'harmonie de l'individu avec lui-même, mais
aussi avec son environnement :
"Quand la religion, délivrée de ses superstitions, de ses traditions et de ses
dogmes inintelligibles, se trouvera en conformité avec la science, alors une grande
force d'union et d'assainissement paraîtra dans le monde. Cette force détruira
toutes les guerres, les conflits, les luttes et les discordes et l'humanité sera
unie dans la Puissance de l'Amour de Dieu".
'Abdu'l-Baha (4)
Si le monde matériel et le monde spirituel se différencient par le fait que l'un
est tangible et l'autre intangible, on voit qu'il ne s'agit pas de deux mondes
isolés mais de deux niveaux d'existence dont l'un est soumis au temps, et Vautre
est éternel :
«... le repos absolu n'existe pas... (tout avance ou recule mais l’âme humaine
évolue vers la perfection et ne recule pas) l’âme n'est pas une combinaison d'éléments
et ne subit pas la désintégration des choses matérielles. Un corps simple, non
composé, est indestructible et éternel... les traces de l'Esprit de Jésus-Christ,
l'influence de son Enseignement divin sont encore présentes aujourd'hui et elles
sont éternelles...»
"Considérez le but de la création : se peut-il que tout ait été créé pour évoluer
et se développer pendant d'innombrables siècles, avec cette fin dérisoire en vue
; les quelques années d'une vie humaine sur la terre ? Une telle fin est-elle
concevable ?
Le minéral évolue jusqu'à son entrée dans la vie végétale. Le végétal progresse
jusqu'à ce que, finalement, sa vie passe dans celle de l'animal. L'animal, à son
tour, entre dans le cycle de l'homme... l'aboutissement d'innombrables périodes
d'évolution... Quels que soient les progrès du minéral, il ne peut concevoir le
monde végétal. Ce défaut de compréhension ne prouve cependant pas la non-existence
de ce monde... Si bien développé que soit l'animal, il ne peut imaginer l'intelligence
de l'homme... Si les matérialistes ne croient pas à l'existence de l'âme, leur
incrédulité ne prouve pas qu’un Royaume comme celui de l'Esprit n'existe pas.
Si l’Esprit n'était pas immortel, comment les Manifestations de Dieu pourraient-Elles
endurer de si cruelles épreuves ?...
‘Àbdu'l-Baha (4, 10 novembre 1911)
Dans une remarquable éloge à la science, ‘Abdu'l-Bahâ' la décrit comme "la plus
noble des vertus de l'humanité... une faveur de Dieu". "La science", dit-il encore,
"est une splendeur du Soleil de la Réalité -, le pouvoir d'investigation et de
découverte des vérités de l'univers, les moyens par lesquels l'homme trouve un
chemin vers Dieu".
'Abdu'l-Baha (1, p. 60)
Il ne s'agit nullement, donc, d'amoindrir la valeur de la démarche objective ;
bien au contraire : L'objectivité sincère peut être un moyen d'atteindre la vérité,
de découvrir l'existence de la subjectivité, et de libérer l'homme de la tutelle
de la nature
"Tous les règnes précédant celui de l'homme sont liés par les lois rigoureuses
de la nature... L'homme seul détient la liberté, et par son intelligence et sa
compréhension, s'est montré capable de contrôler quelques unes de ces lois naturelles
et de les adapter à ses propres besoins... Qu'il est triste de constater comment
il a usé de ce don divin pour créer des instruments de guerre, ... J'espère que
vous vous servirez de votre intelligence pour promouvoir l'unité et la tranquillité
dans l'humanité, pour répandre la culture et la civilisation, susciter l'amour
tout autour de vous et amener la paix universelle.... Etudiez les sciences pour
acquérir de plus en plus de connaissances. Sans aucun doute on peut apprendre
jusqu'à la fin de sa vie. Que votre savoir soit toujours au service des autres,
afin que la guerre disparaisse de la surface de cette terre...".
‘Abdu'l-Baha, (4, 26 octobre 1911)
Nous rencontrons à nouveau l'idée que la science, cet instrument précieux et de
puissance croissante, a besoin d'être guidée, orientée et as servie en fonction
d'une éthique pour servir convenablement l'humanité. Il n’est pas étonnant qu'en
l'absence de telles valeurs la médecine, profondément impliquée dans toutes les
étapes de la vie sociale, se comporte comme un bateau à la dérive face aux valeurs
incohérentes ou abandonnées. Nous verrons (III.3) que les relations de l'homme
avec son environnement nécessitent une telle spiritualité, sans laquelle tout
savoir devient futile. C'est ainsi qu’’Abdu'l-Baha décrit le rôle de la spiritualité
: élément indispensable de la survie humaine sur cette planète :
"... La majorité des homes est captive de la matrice de la nature, submergée dans
la mer du matérialisme. Nous devons prier qu'ils puissent renaître, qu'ils obtiennent
éclaircissement et entendement spirituels, qu'ils puissent recevoir le don d'un
coeur nouveau et un pouvoir nouveau et transcendant... Quand l'homme atteindra
ces vertus, l'unité du genre humain sera révélée, la bannière de la paix internationale
sera hissée, l'égalité entre toute l'humanité sera comprise et l'Orient et l'Occident
deviendront un.
Alors la justice de Dieu sera manifeste, et toute l'humanité apparaîtra comme
les membres d'une seule famille, et chaque membre de cette famille sera consacré
à la coopération et l'aide mutuelles".
‘Abdu'l-Baha(3, p. 61)
Bien souvent nous voyons des personnes se fiant uniquement à leur intuition ou
au contraire trop sceptiques à ce sujet. Nous découvrons à nouveau que ces deux
facultés de l'homme doivent être alliées. Ni l'une ni l'autre ne peut suffire
(Cf 25, p. 60).'Abdu'l-Baha l'explique :
«... Remarquez que la faculté de penser de l'homme comporte deux sortes de conceptions.
Les unes prennent forme lorsqu'elles coïncident avec ce qui est établi ; ces conceptions
se vérifient dans le monde extérieur telles les règles correctes, les pensées
bien conduites, les découvertes scientifiques, ... Les autres... sont les vaines
suppositions, les imaginations fantaisistes, qui ne donnent jamais ni résultat
ni fruit, et n'ont aucune réalité ; au contraire, elles s'écroulent comme les
vagues de la mer de l'imagination et passent comme des r9ves fantaisistes... tous
ces arts, ces inventions, ces sciences, ces connaissances, la réalité humaine
les a découverts... et les a amende des plaines de l'invisible à celles de l'évidence.
Ces découvertes, conformes à la réalité, sont semblables à la révélation, qui
est la compréhension spirituelle... l'esprit a une intelligence considérable qui
peut se passer de l'intermédiaire des cinq sens...
L'intelligence et la pensée humaines ont parfois de vraies révélations ; ces pensées
et ces révélations donnent des fruits et des résultats, elles ont un fondement.
Mais bien des choses viennent à l'esprit de l'homme, qui sont comme des vagues
de la mer de la fantaisie ; elles ne comportent aucun fruit et ne produisent aucun
résultat... cette chose que nous appelons avertissement prémonitoire... est tant
qu’une inspiration, tant qu’une imagination...» 'Abdu'l-Baha' (6, p. 283), (Voir
Annexe 20)
Ce sont justement ces idées préconçues, ces prises de position aveugles qui creusent
l'écart entre la raison et les sentiments, alors que toute incompréhension devrait,
plut8t que nous pousser à une prise de position défensive, nous mener à une recherche
objective de la vérité (Annexe 14).
"L'homme doit se libérer de tout préjugé et de ce qui provient de sa propre imagination,
afin de pouvoir rechercher la Vérité sans aucune entrave... les différences qui
paraissent exister parmi les nations proviennent seulement de leur attachement
aux préjugés. Si seulement les homes cherchaient la Vérité, ils se trouveraient
unis".
‘Abdu'l-Baha (4)
Au sujet de la science encore, Shoghi Effendi répond à un croyant :
"Baha’u’llàh, comme ‘Abdu'l-Baha, ont donné une très grande place aux hommes cultivés
et érudite ; Baha’u’llah dit dans une de Ses Tablettes, qu'il incombe à tous les
baha’is de les respecter. Par ailleurs, il n'y a aucun doute que, se rendre familier
avec les différentes branches d'études, élargit notre horizon, et alors nous pouvons
comprendre et saisir beaucoup mieux la portée du mouvement bahà'i" et de ses principes".
(Lettre du 14 décembre 1924 de la part de Shoghi Effendi) (126)
A propos de la science, cependant, Baha’u’llah écrit :
"Nous vous avons autorisé à étudier les sciences qui vous porteront bénéfice,
et non celles qui mènent aux vaines disputes. Cela vaut mieux pour loi vous, si
nous pouviez le savoir»
Baha'u'llah, Kitabi-i-Aqdas (126)
Le but du savoir, nous verrons plus loin (III.4.d) est de servir l'humanité et
non pas d'alimenter les polémiques, et le rôle de la science est de porter bénéfice
à l'homme, et non pas de l'asservir. On ne saurait conclure ce chapitre sans citer
Claude Bernard qui s'élevant contre les systèmes philosophiques rigides, vante
"l'esprit philosophique... qui doit régner... sur toutes les connaissances humaines
..., " entretenant ainsi "... une sorte de soif de l'inconnu et le feu sacré de
la recherche qui ne doivent jamais s'éteindre chez un savant". (25, p. 306-7)..."...
Sans cette excitation constante donnée par l'aiguillon de l'inconnu, ... il serait
à craindre que le savant ne se systématisât dans ce qu'il a acquis ou connu. Alors
la science ne ferait plus de progrès et s'arrêterait par indifférence intellectuelle,
comme quand les corps minéraux saturés tombent en indifférence chimique et se
cristallisent". (25, p. 308)..."... Cette union solide de la science et de la
philosophie est utile aux deux, elle élève l'une et contient l'autre..." (25,
p. 309).
Nous pensons que ce que nous avons dit à propos de la religion pourrait satisfaire
le savant en ce qui concerne l'inspiration de la philosophie.
CHAPITRE
III - LA SANTE
III.1 - LA NON-EXISTENCE DU MAL
Les enseignements baha is closent des siècles de préoccupation humaine sur cette
mystérieuse force appelée "le mal". Ces notions éducatives de bien et de mal,
adaptées à la compréhension limitée d'autrefois, ont permis à l'humanité d'acquérir
un certain comportement propice à la cohésion sociale ; mais combien désastreux
les résultats d'une interprétation erronée de cet enseignement ! Le "mal" incarne
des peuplades entières - on extermine le "mal" possède des hommes on exorcise
; il est responsable des maladies on purge, on lavemente, on pratique des saignées
(23) ; que de livres de santé parlent encore des merveilleuses plantes qui éliminent
les "toxines" de la maladie.
Dans le Veda, livre saint des Indes, nous lisons cette louange du «Soma", plante
bienfaisante "Répands-toi bien presse, ô Soma, pour Indra, "que s'enfuie la maladie
avec son démon !"
(Rg Veda 9.85) (128, p. 71)
Ces notions du bien et du mal sont particulièrement attribuée au manichéisme,
secte issue de la religion monothéiste de la Perse antique fondée par Zoroastre
vers le VIIème siècle av. J-C. . Aux environs du deuxième siècle après J-C., Manie
simplifie les enseignements Zoroastriens et fonde un dualisme de deux dieux :
l'un du bien (Ormuzd) et l'autre du mal (Ahriman). Ces idées connaissent un succès
certain dans le monde romain, et parmi ses nombreux "auditeurs" on note Saint
Augustin, non encore converti au christianisme (Encyclop. BORDAS).
Or, les enseignements baha'is poussent à une conception positive de la réalité,
en affirmant que ce "mal" n'existe pas. En distinguant les qualités tangibles
ou "sensibles" de l'homme et les qualités intangibles ou "intelligibles", ‘Abdu'l-Baha
explique :
«... Tous les caractères et les qualités de l'homme ont une réalité intelligible,
non sensible... les réalités intelligibles, comme les qualités et les admirables
perfections de l'homme, sont exclusivement bonnes ; elles existent, et le mal
est leur non-existence. Ainsi, l'ignorance est la non-existence du savoir...
Et de même pour les choses sensibles : celles-là aussi sont purement bonnes: le
mal est leur non-existence. Ainsi la cécité est le manque de vue, la surdité le
manque d’ouïe, la pauvreté le manque de richesse, la maladie le manque de santé,...
le scorpion est un mat... par rapport à nous et de même le serpent. Mais par rapport
à eux-mêmes, ils ne sont pas un mal, car leur venin est leur arme ; par leur dard
ils se protègent. Cependant, comme les éléments de ce poison ne conviennent pas
à nos éléments, ... cela devient un mal; en contact les une avec les autres, ces
éléments sont un mal mais en réalité ils sont un bien."
‘Abdu'l-Baha, (6, p. 297)
Les implications de cette affirmation sont très vastes car cette notion binaire
de la réalité imprègne toutes les fibres de notre société. Nous rencontrons sa
trace très fréquemment dans notre activité médicale, et nous aurons à la préciser
à plusieurs reprises dans cette thèse. (Cf FREUD, Au-delà du principe du plaisir,
(56) BALINT, (23))
Notons toutefois, que cette notion positive ne nous prive pas du mot "mal". La
découverte des lois de thermodynamique nous apprend que le "froid" est l'absence
d'énergie thermique ; cela ne nous prive pas de ce mot, mais nous savons qu'il
est relatif à notre température corporelle, tout comme le "bien" et le "mal" sont
relatifs à un idéal social (Voir III.4.a).
Nous voyons donc que la santé doit être conçue autrement que par la simple absence
de maladie. La première notion qui nous vient à l'esprit est l'intégrité anatomique
et fonctionnelle. Les mots anglais et allemand trouvent leur étymologie dans les
mots "hal" et "heil", qui sous-entendent tous les deux l'intégralité ; les mots
grecs "hygeia" et "euexia", par contre,
impliquent une qualité de vie. L'homéostasie de Claude Bernard est la première
notion que nous citerons.
III.2 - L'HOMEOSTASIE
L'homéostasie de Claude Bernard conçoit le rôle des différents organes dans le
maintien de l'intégralité de l'organisme (25, p. 100). Le bon état de marche est
maintenu par la coordination des phénomènes de régénération et d'élimination.
Cette coordination est obtenue par les centres nerveux supérieurs, à travers les
systèmes neurovégétatifs et endocriniens. Les phénomènes immunitaires, encore
peu connus, jouent un rôle sûrement très important dans cette homéostasie.
L'explication d'‘Abdu'l-Baha est très proche; c'est la rupture de cette homéostasie,
et non le "mal" qui est responsable de la maladie :
"La cause de l'intrusion de la maladie dans le corps humain est ou bien un phénomène
physique, ou l'effet d'une perturbation du système nerveux. Toutefois, ce sont
les causes physiques qui sont les plus fréquentes. Le corps humain se compose
de nombreux éléments qui s'équilibrent de façon spéciale. Aussi longtemps que
cet équilibre se maintient, l'homme est à l'abri de la maladie. Mais dès que cette
balance primordiale qui est le pivot de la constitution, s'est déréglée, le désordre
apparaît et la maladie survient."
'Abdu'l-Baha (8, P. 95)
Toutefois, nous voyons intervenir dans cet équilibre homéostatique une notion
de psychosomatisme qui pour Claude Bernard était du domaine de l'empirisme médical
(25, pp.77, 289-90, 296) duquel la médecine serait destiné à s'en sortir (25,
p. 300). D'Abdu'l-Baha nous lisons cependant :
«Les pouvoirs du système nerveux sympathique ne sont ni entièrement du domaine
physique, ni tout à fait du domaine spirituel, mais se situent entre les deux.
Les nerfs sont en relation avec chacun de ces mondes, leur fonctionnement sera
parfait lorsque leurs relations, tant physiques que spirituelles, seront normales.
Lorsque le monde matériel et le monde divin sont en parfaite harmonie, quand le
coeur s'élève vers le Ciel et que les aspirations sont pures et divines, la connexion
est parfaite, alors ce pouvoir se manifeste de façon totale et les affections
physiques et spirituelles sont radicalement guéries."
‘Abdu'l-Baha,(8, p. 102)
Nous voyons que dans cet équilibre homéostatique, le psychisme et le corps sont
intimement intriqués. Il est donc concevable que cet équilibre complexe puisse
être déséquilibré ou rééquilibré en agissant sur l'un ou l'autre des facteurs
qui interviennent dans cette balance. Si pour Claude Bernard, le médecin ne pouvait
réellement agir que par intermédiaire de la physico-chimie animale (25, p. 143),
nous verrons (Chapitre IV) que le médecin peut en fait agir conjointement sur
ces deux aspects de l'homéostasie les mondes spirituel et matériel n'étant pas
indépendants. Au professeur Forel, psychiatre et sociologue Suisse qui l'avait
questionné, 'Abdu'l-Baha répond le 21 septembre 1921 :
"Par nature, on entend ces propriétés inhérentes des choses et ces relations nécessaires
qui découlent de la réalité des choses. Ces réalités, quoiqu'infiniment diverses
sont toutefois intimement reliées entre elles. A ces différentes réalités il faut
un agent d'unification capable de les relier les unes avec les autres. Ainsi les
divers membres, organes, éléments et parties qui constituent le corps de l'homme,
quoique différente, sont néanmoins tous liée entre eux sous l'action unifiante
de ce qu'on appelle l'âme humaine, ce qui leur permet d'agir en complète harmonie
avec une régularité absolue, et d'assurer ainsi la continuité de la vie. Le corps
humain est cependant tout à fait inconscient de cette action unificatrice ; il
agit régulièrement malgré tout et s'acquitte de ses jonctions selon sa volonté."
(2, p. 13)
Nous ne demeurerons pas ici sur les notions d'âme et d'esprit ni sur leur relation
avec le corps (Annexes 3-8). Nous voyons cependant qu'une loi unique et universelle
est envisagée et que cette loi est superposable à différents niveaux d'existence
aussi bien tangibles qu'intangibles. Parler d'un seul Dieu, n'implique-t-il pas
une cohérence, une seule Intention, et des mêmes Lois dans tout l'univers ?
III.3 - L'INTEGRATION DANS L'ENVIRONNEMENT
Les phénomènes de vie entendent précisément un ordre harmonieux à l'échelle moléculaire,
cellulaire, tissulaire, organique et corporelle ; en outre, nous voyons ici cette
loi s'étendre à une harmonie relationnelle avec l'environnement. Un schizophrène,
par exemple, malgré son intégralité corporelle, est handicapé dans ses relations
avec son environnement. Une certaine "homéostasie" relationnelle est nettement
impliquée :
«... Tous les être existent par cette loi d'action et d'aide mutuelles. Si cette
loi d'échange mutuel des forces devait être supprimée de l'arène de la vie, l'existence
serait entièrement détruite... La vie de chaque être puise bienfait et soutien
dans toutes les autres innombrables existences...
«Comparez le monde d'existence au corps d'un homme. Tous les membres S'entraident
; et la vie continue. Lorsque dans ce merveilleux organisme, il y a une désunion,
la vie se transforme en mort et les parties de ce corps se désintègrent.
Quand nous considérons les êtres vivants et les plantes qui poussent, nous voyons
que l'animal et l'homme vivent en respirant les émanations du monde végétal...
cet élément s'appelle l'oxygène. Le monde végétal aussi tire sa vie des être vivante
sous forme de... carbone. Par cette illustration nous voyons que le fondement
de la vie repose sur cette entraide et assistance ; la cause de destruction et
nonexistence, serait l'interruption de cette entraide. Plus le monde aspire vers
la civilisation, plus l'importance de cette question primordiale de coopération
et d'assistance devient manifeste... tellement, que la survie du genre humain
dépend de cette relation mutuelle...»
'Abdu'l-Baha,(10, p. 114)
Notons que l'usage fréquent d'illustrations et d’analogies par ‘Abdu'l-Baha permet
de saisir plus aisément les notions abstraites, tout en nous rappelant que les
grandes lois de la nature sont universelles et s'appliquent au niveau atomique
comme au niveau cosmique. Le "macrocosme" tout comme le «microcosme" est lié par
cette loi de coopération réciproque (2, p. 23, annexe 13). Or, si Claude Bernard
envisageait surtout la défense de l'organisme vivant contre les agressions du
milieu extérieur (25, p. 148), ici nous voyons que l'on ne doit pas envisager
la nature en compartiments isolés comme sous entend la citation de SEDGEWICK (109)
; il y a une écologie à respecter (Voir I.7) aussi bien dans l'environnement extérieur
de l'homme, que dans la symbiose avec la flore microbienne digestive. La santé
ne sous-entend pas détruire un «mal" menaçant, mais établir des relations convenables
avec l'environnement. La "guérison" relative de certains handicaps physiques ou
psychiques implique créer des moyens de réintégration de l'individu dans un environnement
adapté à ses possibilités (IV.4.c).
Cette harmonie avec l'environnement peut donc être établie en adaptant l'homme
à son environnement, ou en adaptant l'environnement à l'homme (I.6). Si cet aspect
de la santé a été longtemps négligé, le public devient tout particulièrement sensible
aux problèmes de la pollution. L'environnement ne peut évidemment pas se comporter
comme un tampon pour tous les déchets de notre civilisation puissamment technocratique
; mais d'aucuns prônent l'abandon de la civilisation pour vivre une vie "naturelle".
Nous avons déjà vu (II.7) que les enseignements baha'is attribuent à l'homme la
capacité de manipuler la nature, et ce, selon quelques règles propres à chaque
civilisation. Contrairement aux opinions facilement adoptées, ce n'est pas la
civilisation, mais certaines formes de civilisation qui sont inaptes à la vie
humaine. Voici comment le Pr BOURLIERE (123) décrit l'impact de l'environnement
sur la pathologie humaine : Les périodes Sensibles sont surtout épigénétiques,
(embryonnaires et post-embryonnaires) et BROOK (28 bis) démontre que le stock
d'adipocytes se forme entre la 30ème semaine de la gestation et le 12ème mois
de la vie. Nous verrons que les malnutritions épigénétiques compromettront le
développement psychomoteur d'une manière plus ou moins définitive (III.4.b).
Chez l'adulte, quatre groupes de maladies peuvent être distingués : Transmissibles
(microbiennes et parasitaires), Malnutritives (sous-alimentation, sur-alimentation,
sédentarité), maladies par polluants (air, eau, aliments), maladies dues au stress
social (psychosomatiques, rythme de vie).
Dans les pays industrialisés, il est devenu à la mode de critiquer particulièrement
la vie urbaine, la surpopulation, la pollution aérienne etc.
Or, si une certaine opinion publique éco-activiste prône un retour à la vie paysanne
de nos ancêtres, les études françaises, en comparant une population rurale en
Finistère et une population parisienne, montrent un taux significatif de prévalence
de certaines maladies en zone rurale. En particulier, on notait une fréquence
plus élevée des maladies transmissibles, dégénératives et des troubles du comportement.
Certains états pathologiques comme l'Hypertension artérielle, hyperlipidémie,
hypercholestérolémie, lipoprotéinémie, obésité ainsi que les maladies cardio-vasculaires
et rhumatismales y étaient prépondérants (28).
Par ailleurs, nous apprenons que l'entourage d'une personne qui fume peut respirer
plus de substances nocives que l'habitant d'une ville industrialisée. LAMBERT
et RAID (81) en Angleterre, montrent que l'usage du tabac a une incidence beaucoup
plus grande que la pollution atmosphérique chez les bronchiteux chroniques. La
notion à envisager le plus souvent serait le mode de vie, plutôt que le lieu de
vie.
Le professeur BOURLIERE conclut qu'il faut être prudent en parlant de vie "anti-biologique"
de la ville ; il met par contre l'accent sur certains rythmes de vie inadaptés
à l'organisme humain. Le vieillissement précoce, des travailleurs à la chaîne
et à rythme nycthéméral perturbé a été établi par CLEMONT, CENDRON et HOUSSET
(36). D'autre part, la relation entre les stress importants et l'hypertension
artérielle, les coronaropathies a été établie par RUSSEK (102) dès 1965 ; COBB
et ROSE (38) produisent des chiffres éloquents en comparant les taux d'ulcère
gastrique et d'hypertension des contrôleurs de trafic aérien stressés et ceux
des navigateurs moins stressés en raison des progrès réalisés dans l'automation.
III.3.a - LE «NATUREL»
Les maladies d'environnement sont plutôt imputables à une organisation défectueuse
de notre société, qu'à un "mal" inhérent à toute forme de civilisation. Ce n'est
pas le progrès technique ou scientifique qui serait à incriminer, mais son insuffisance
ou son manque d'harmonie avec les exigences de la vie ; la technique doit servir
et non asservir l'homme.
De nombreux mouvements investissent la science, la technique, la médecine, les
médicaments, l'industrie, les corps chimiques, et tant d'autres produits de notre
savoir, d'une notion de "mal". Le chlore dans l'eau n’est pas agréable ; cette
eau désormais "chimique" devient "polluée" tout au moins à ceux qui ne connaissent
pas l'amibiase, la fièvre typhoïde et les gastro-entérites (86).
Une jambe naturelle est préférable à une jambe en bois ; un fruit frais est mieux
qu'un fruit en conserve ; mais tous les deux peuvent rendre service lorsque leur
homologue naturel fait défaut. Notre civilisation a eu trop tendance à préférer
les choses artificielles, il est vrai; mais toute chose naturelle n'est pas apte
à l'usage. La peau de nombreuses graines ou fruits est comestible ou même indispensable
à certains régimes alimentaires, mais la peau du cassava, une des racines qui
nourrissent l'Est Africain, est un poison mortel. Après la saignée du pavot pour
1 'extraction de l'opium, les enfants ramassent lés capsules dont les grains sont
très appréciés. La consommation des graines d'une capsule non saignée peut être
mortelle ; or, elle est plus naturelle. La strychnine, l'amanite phalloïde, et
l'arsenic sont tous parfaitement naturels, mais impropres à notre consommation.
Les relations avec notre environnement naturel suivent des règles définies et
elles deviennent "bien" lorsque l'effet est dans le sens d'un idéal choisi. Baha'u'llah
écrit :
"... Lorsque la lumière de Mon Nom... a répandu son éclat sur le monde, toute
chose créée a été, selon un décret immuable, douée de la capacité d'exercer une
influence particulière, et mise en possession d'une vertu distincte. Considère'
par exempte, les effets du poison. Encore que mortel, celui-ci., dans certaines
conditions peut exercer une influence bienfaisante."
(20, XCIII)
En thérapeutique ces notions prennent une importance toute particulière ; bien
que la nature réserve des potentiels de réadaptation étonnants, le thérapeute
est contraint tantôt d'aider, et tantôt de modérer l'effet de la nature. De nombreuses
pratiques populaires salutaires dans certains cas heureux, s'avèrent catastrophiques
dans d'autres cas : la nature, en effet, contient de nombreux paradoxes apparents
qui sont ses nuances. (Cf 41, 98 bis, 25, p. 289-90).
III.3.b - LE SOCIAL
L'homme doit être considéré comme un être social :
"Un arbre peut vivre solitaire et seul, mais ceci est impossible à l'homme sans
qu'il régresse..."
‘Abdu'l-Baha (7, p. 332-6, 24, p.281)
Le stress social, est plutôt un problème de rapports inharmonieux entre les hommes
qu'un problème de surpopulation. Le secret de cette unité et cohésion, n’est autre
que l'Amour :
"Nous déclarons que l’amour est la cause d'existence de tous les phénomènes et
que L'absence d'amour est la cause de désintégration et de non-existence... Quand
nous observons l'univers, nous remarquons que tous les êtres composés ou phénomènes
existants, sont constituée primitivement d'éléments isolés, liés entre eux par
un pouvoir d'attraction. Par ce pouvoir d'attraction, la cohésion est devenue
manifeste entre les atomes des éléments constituants. L'être résultant est un
phénomène du genre de contingence inférieure. Le pouvoir de cohésion exprimé dans
le domaine minéral, est en réalité L'amour ou l'affinité manifesté à un degré
moindre selon les exigences du monde minéral. Nous montons d'un pas, dans le domaine
végétal où nous trouvons qu'un pouvoir d'attraction accru est devenu manifeste
entre les éléments constitutifs qui forment le corps de la plante... Nous entrons
dans le domaine animal, et nous y trouvons le pouvoir d'attraction liant les éléments
individuels, plus la combinaison cellulaire comme dans le végétal, plus les phénomènes
de sensation ou de perception. Nous voyons que les animaux sont susceptibles d'une
certaine affiliation ou sociabilité et d'une sélectivité naturelle... Finalement,
nous en venons au domaine humain. Comme c'est le domaine supérieur, la lumière
de L'amour y est plus resplendissante ... Chez l'homme,... au-delà de ces pouvoirs
inférieurs, nous découvrons ... l'attraction du coeur ; les sensibilités et affinités
qui tient les hommes entre eux, leur permettant de vivre et de s'associer en amitié
et solidarité. Il est donc évident, que dans le monde humain, le plus grand roi
et souverain est l’Amour. Si l'Amour était éteint, le pouvoir d'attraction était
dissipé, l'affinité des coeurs humaine détruite, les phénomènes de la vie humaine
disparaîtraient."
‘Abdu’l-Baha (10, p. 97)
Grâce aux moyens de communication, cet environnement social ne peut plus être
considéré comme des sociétés isolées, mais comme le genre humain en entier ; la
diversité en constitue la richesse :
"Considérez le monde des créatures : quelle diversité dans leurs espèces, ...
Regardez un beau jardin rempli de fleurs... chaque fleur a son charme différent,
sa beauté particulière, une agréable couleur et un délicieux parfum qui lui sont
propres... Ainsi en est-il pour l'humanité... les différences au sein de la famille
humaine devraient être la cause de l'amour et de l'harmonie, de même qu'en musique
l'accord parfait résulte de la résonance simultanée d'un grand nombre de notes
différentes... Si vous vous trouvez avec des personnes d'autres races et d'autres
couleurs, ne vous méfiez pas d'elles. Ne vous retranchez pas derrière le mur des
conventions... Considérez les comme des roses de nuances diverses qui croissent
dans le beau jardin de l'humanité et réjouissez-vous d'être en leur compagnie."
‘Abdu'l-Baha, (4, 28 octobre 1911)
Ailleurs, il affirme
"Les notions de (divisions) de religion, de race et de nation, ne sont que des
divisions instituées par l'homme et nécessaires dans le seul domaine de la spéculation",
‘Abdu'l-Baha (4)
Il ajoute :
"De nos jours, l’Orient doit progresser sur le plan matériel tandis que l'Occident
manque d'idéal spirituel. L'ouest devrait se tourner vers l'Est pour en recevoir
la Lumière et, en échange, lui donner ses connaissances scientifiques... De cette
union naîtra une vraie civilisation dans la quelle le spirituel trouvera son expression
et sa réalisation sur la plan matériel"
‘Abdu'l-Baha,(4, 20 octobre 1911)
III.3.c - LE COMPORTEMENT
Sans parler d'anthropocentrisme, les enseignements baha’is soulignent la potentialité
supérieure de l'homme, comparé à la nature qui l'entoure. Ce sont les qualités
spirituelles de l'homme qui le distinguent des animaux ; dans une causerie prononcée
lors de son voyage aux U.S.A. en 1912, 'Abdu'l-Baha souligne cette différence:
"En réalité, le peuple de ce continent (Nord-Américain) possède une grande capacité...
De même qu'ils (les Américains) se sont développée sur un chemin matériel, qu'ils
se développent dans les degrés de l'idéal, car l'avancement matériel est stérile
sans progrès spirituel, et ne produit pas de résultat durable. Par exemple, quelqu'entraîné
et développé que soit te corps de l'homme, il n'y aura pas de véritable progrès
dans le domaine humain si le psychisme n'évolue pas parallèlement...
L'animal est manifestement créé pour la vie de ce monde... L'animal est parfait
quand son corps est sain et ses sens physiques sont intacts. Quand il possède
les critères de santé physique, quand ses forces physiques sont en état de marche,
quand la nourriture et les conditions environnantes fournissent ses besoins, il
a atteint la perfection ultime de son domaine. Mais l'homme ne dépend pas de ces
choses pour ses vertus. Quelque parfaite que soient sa santé et ses pouvoirs physiques,
si cela se limite là il n'a pas évolué au-delà du niveau d'un animal parfait.
De surcroît, Dieu a ouvert les portes des vertus et des acquisitions idéales devant
la face de l'homme..."
(3, p. 58)
Comme c'est clair que la santé ne se limite pas à la santé corporelle, mais qu'elle
s'étend au comportement humain ! C'est cela qui différencie les exigences supérieures
de la vie humaine de la vie animale :
"... L'homme est au rang suprême de la matérialité, et au commencement de la spiritualité...
il a le côté animal aussi bien que le côté angélique ; et la raison de l'éducateur
est d'instruire les hommes de façon que le côté angélique l'emporte sur le côté
animal... Dans les espèces autres que l'espèce humaine on ne rencontre un contraste...
semblable... Le savoir est un attribut de l'homme, comme l'ignorance ; la sincérité,
comme le mensonge ; la fidélité, comme la trahison ; la justice comme la tyrannie,
etc. ... Telle est la mission des prophètes pour l'éducation des hommes, afin
que ce morceau de charbon devienne un diamant..."
‘Abdu'l-Baha (6, p. 268)
Ce comportement humain est dicté non seulement par ses instincts, mais aussi par
sa conception de finalité de la vie humaine qu'il puise dans son acquis culturel,
comme nous l'avons vu. Ce sont les valeurs enseignées par les "manifestations
de Dieu". Le comportement humain est empreint de son déséquilibre avec la nature
; pour FROMM (57) c'est l'émergence de la conscience et de la raison qui rompt
"l'harmonie" de l'homme avec son existence animale :
"Il est le seul animal qui ne se sent pas à l'aise dans la nature, qui peut se
sentir exclu du paradis, le seul animal pour lequel son existence est un problème...
La contradiction existentielle de l'homme, aboutit à un état de déséquilibre constant.
Ce déséquilibre le distingue de l'animal, qui vit en harmonie avec la nature"
... La recherche d'harmonie avec l'univers, pousse l'homme vers un objectif de
"préoccupation ultime", qui l'élève "au-delà de son existence isolée avec ses
doutes et insécurités, et donne un sens à la vie. En étant dévoué à un but au-delà
de son ego, il se transcende et quitte la prison d'égocentrisme absolu."
La clé en est l'unité : "Il n'y a qu'une approche à l'unité qui peut être efficace
sans mutiler l'homme. Une telle tentative a eu lieu dans le premier millénaire
avant JésusChrist dans toutes les parties du monde où l'homme avait développé
une civilisation... Les grandes religions qui ont jailli du sol de ces cultures
ont enseigné que l'homme peut atteindre l’unité... non pas en régressant à l'existence
animale, mais en devenant pleinement humain - l'unité en l'homme, l'unité entre
l'homme et la nature, et l'unité entre l'homme et les autres hommes". (57).
L'homme doit donc se tourner plutôt vers la perfection et non vers la régression
pour atteindre son équilibre en 1911 à Paris ‘Abdu'l-Baha déclarait :
«il est des hommes qui ne font attention qu'au progrès physique et à l'évolution
du monde matériel. Ceux-là préfèrent chercher les ressemblances entre leur propre
corps et celui du singe, plutôt que de contempler la glorieuse parenté de leur
esprit avec celui de Dieu. C'est une chose Vraiment étrange, car c'est seulement
au point de vue physique que l'homme ressemble aux créatures inférieures ; par
son intelligence il en est totalement différent.
L'homme est toujours en progrès ; le champ de ses connaissances s’étend sans cesse...
ce merveilleux développement des facultés humaines est dé plus en plus rapide
avec le temps... tandis que l'intelligence de l’homme, grandit... celle de l'animal
ne varie pas.
(4, 6 novembre 1911)
Nous reparlerons de ce génie évolutif, qui est le propre de l'homme, mais soulignons
que cette unité dont parle Fromm, est aussi évolutive. Les messages successifs
de Dieu ont pavé le chemin de l'unité selon les possibilités matérielles de chaque
époque et en mesure de la capacité des hommes.
Baha'u'llah écrit :
"L'objet fondamental de la Foi de Dieu et de Sa Religion est de sauvegarder les
intérêts de la race humaine, d'établir son unité et de développer entre les homes
l'esprit d'amour et de fraternité. Tel est le droit Sentier que vous devez suivre,
la fondation immuable sur laquelle vous devez bâtir. Tout ce que vous édifierez
sur de tels fondements, les chances et vicissitudes de ce monde n'en pourront
entamer la résistance, ni le cours des siècles innombrables en miner la structure."
(20, CX)
III.4 - LE DYNAMISME DE L'EVOLUTION HUMAINE
La santé, nous avons dit, n'est pas statique, mais dynamique ; ce n’est pas seulement
l'état qui compte, mais l'orientation de son évolution. Ceci n'est pas seulement
vrai pour l'individu, mais aussi pour l'espèce humaine. Nous avons vu que c'est
le déséquilibre de l'homme avec son environnement naturel qui est le moteur de
son progrès alors qu'être "équilibré" (donc statique) est le souci de bien des
personnes... Pour SEYLE (111 et 111 bis, voir 111.6) c’est le "Eustress" ; pour
Piaget (96), alors que les forces physiques de l'homme déclinent depuis son âge
adulte, ses forces morales ne cessent de croître. Regardons l'attitude baha'ie
au sujet de ce génie évolutif de l'homme : la théorie Darwinienne semble admise,
mais avec une certaine réserve.
* L'évolution de l’espèce
La Genèse biblique est considérée dans un sens symbolique (20, LXXXVII) (6, p.
137), de même que la révélation apocalyptique de St Jean, qui se trouve sous des
formes similaires dans d'autres livres saints (6, p. 52).
L'évolution de l'espèce humaine est ainsi expliquée par ‘Adbu'l-Baha :
«... la croissance et le développement de tous les êtres se font par degrés ;
c'est la règle générale de Dieu et l’ordre de la nature. L'embryon ne devient
pas homme en une seule fois, ... la graine ne devient pas un arbre tout d'un coup...
Le globe terrestre, dès le début fut créé avec tous les éléments, les substances,
les matières, les atomes et les organismes ; mais tout cela n’apparut que peu
à peu. D'abord les minéraux, puis les végétaux, les animaux et l'homme. Dès le
début, ces races et ces espèces existaient d'une façon latente dans le globe terrestre,
et elles sont apparues ensuite peu à peu... si vous considérez cet ordre général,
vous voyez qu'il n'y a pas un seul être qui, dès qu'il est créé, parvienne à la
limite de la perfection ; non ils croissent et de développent tous peu à peu,
et arrivent ensuite au degré de la perfection".
(6, p. 227)
«... la croissance et le développement de l'homme sur cette terre, jusqu'à la
perfection actuelle, ressemblent à sa croissance et à son développement dans le
sein de sa mère : par degrés, et de proche en proche, il passe d'une condition
à une autre, d'un état à un autre, d'une forme à une autre. De même, l'existence
de l'homme sur cette terre, ... a traversé de nombreux degrés jusqu'à la situation
présente. Mais dès le début de son existence, il était une espèce distincte.»
'Abdu'l-Baha (6, p. 209)
«... le fait que L'animal a précédé l'homme (sur cette planète), n’est pas une
preuve de la modification de l'espèce qui serait venue du monde animal au monde
humain, car... rien n'empêche que l'homme ait existé plus tard que l'animal. Ainsi,
lorsque nous examinons le règne végétal, nous voyons que les fruits des différents
arbres ne viennent pas tous à la fois ; ... Cette antériorité ne prouve pas que
le fruit tard venu de cet arbre provienne du fruit antérieur de l'autre arbre.
... l'homme depuis le commencement... avait l’aptitude et la capacité d'acquérir
les perfectiosn matérielles et spirituelles... il est devenu meilleur, plus délicat,
plus beau, ... la civilisation l'a fait sortir de l'état sauvage. De même, les
fruits sauvages, cultivée par les soins d'un jardinier, deviennent plus beaux
et plus sucrés... Les jardiniers de l'humanité sont les prophètes de Dieu."
‘Abdu'l-Baha (6, p. 219)
Il ne s'agit donc pas d'une transformation d'espèce, bien que dans chaque domaine,
les perfections soient illimitées :
«... les perfections contingentes, sont illimitées... il n'y a pas un rubis dans
le monde minéral, une rose dans le monde végétal, ou un rossignol dans le monde
animal tels qu'on n'en puisse imaginer de plus parfaits. Les perfections humaines...
aussi.... Mais chaque créature a pour elle un degré qu'elle ne peut outrepasser
: ... un minéral quelque progrès qu'il fasse dans le monde minéral, ne trouvera
pas la force végétative. Cette fleur quelque progrès qu'elle fasse, dans le monde
botanique, ne pourra manifester en elle la faculté des sens".
‘Abdu'l-Baha, (6, p. 263)
* L'homme sociable
Nous avons vu que pour l'homme, l'évolution et le progrès sont en direction d'une
unité croissante ; elle atteindrait le point où il se considère comme ne faisant
"qu'une seule âme" avec ses semblables (20, CXXII).
Ce sont les manifestations de Dieu qui apportent les lois et les préceptes nécessaires
pour cela, selon les exigences et les possibilités de chaque époque. Ces enseignements
apportent les "remèdes" pour la "santé sociale" d'un temps, leurs auteurs ayant
une connaissance autre que le savoir scientifique ou objectif :
"Il y a deux sortes de savoir : ... le savoir d'intuition, (que l'on tire de soi)
et le savoir de perception (que l'on tire du monde extérieur)... Les manifestations
universelles de Dieu, enveloppent l'essence et les qualités des créatures... leur
savoir est te savoir divin et non pas un savoir acquis... aussi établissent-elles
des lois convenables et adaptées à l'état de l'humanité ; car la religion est
le lien essentiel dépendant de la réalité des choses.
Les prophètes de Dieu, les manifestations universelles sont des médecins habiles ;
et le monde des contingences est comme le corps de l'homme les lois de Dieu sont
le remède et de traitement.»
‘Abdu'l-Baha, (6, p. 177), (Cf Annexe 22)
A chaque étape de l'évolution, la loi est adaptée aux besoins et aux possibilités
de l'époque. A la loi du talion, révélée par Moïse, Jésus ajoute le pardon, Muhammad
apporte la codification de la Loi, Baha'u'llah annonce le tribunal international.
L'apparition de ce message transforme l'esprit de la société humaine
"A la venue de la saison printanière, la terre noire, les champs et les déserts
se transforment en prairies et en pâturages ; toutes sortes de fleurs et d'herbes
odorantes poussent ; les arbres renaissent, les fruits nouveaux apparaissent,
un nouveau cycle est fondé. Et l'on peut dire que chaque fois que te Saint-Esprit
apparaît, te monde humain est renouvelé et un nouvel esprit lui parvient : l'existence
revêt une parure de valeur ; les ténèbres de l'ignorance sont dissipées et les
lumières du savoir brillent".
‘Abdu'l-Baha, (6, P. 161)
La mission de ces messagers est justement de libérer l'homme de son asservissement
à la nature :
"La mission des prophètes de Dieu a été d'éduquer les âmes de l'humanité et de
les libérer de l'asservissement aux instincts naturels et aux tendances physiques.
Ils sont comme des jardiniers, et le monde de l'humanité est le champ de leur
culture, ... ils redressent les branches tordues, et progressivement transforment
cet immense terrain sauvage et inculte en un verger magnifique, produisant une
abondance merveilleuse... Si le monde de la nature était parfait et complet, il
n'y aurait pas besoin d'une telle éducation et d'une telle culture dans le monde
humain...»
‘Abdu'l-Baha, (3, p. 41)
La véritable santé pour un gland, est de trouver les conditions biologiques favorables
pour manifester les perfections d'un chêne. La véritable santé pour l'homme, ne
se limite pas à ses perfections de vie animale, mais implique aussi le développement
des qualités sociales et spirituelles (6, P. 10).
La santé "idéale" pourrait être considérée comme le dynamisme d'un développement
optimum des potentialités physiologiques et psychologiques de l'homme et l'investissement
de celles-ci dans sa vie sociale : une sorte d'homéostasie sociale.
Nous verrons d'abord les potentialités psychologiques, puis les potentialités
physiologiques de l'homme.
III.4.a - LES POTENTIALITES PSYCHOLOGIQUES DE L'HOMME
* L'Education Obligatoire
L'éducation est considérée comme un moyen de développer les potentialités latentes
et innées de l'homme, et non pas comme un moyen de "transformer" l'individu en
violant ses aptitudes naturelles. Pour chaque individu, une place et des perfections
particulières sont à trouver au sein de la société.
"De quelque façon qu'on polisse le coquillage, jamais il ne deviendra une perle
éblouissante. La pierre noire ne deviendra pas la germe qui illumine le monde...
En un mot, l'éducation ne change pas la nature essentielle de 1 'homme mais elle
produit sur lui un effet merveilleux. Par son pouvoir efficace., l'éducation révélera
toutes les vertus et capacités qui existent à l'état latent dans la réalité humaine...
voilà pourquoi... 1 'éducation et l'enseignement ne doivent pas être facultatifs
mais obligatoires."
‘Abdu'l-Baha, (Cité par Hoffman, 69, p. 86)
La notion du "péché originel" est clairement expliquée par les enseignements baha'is
(Voir Annexe 1, 2). Le "péché" signifie le non respect des enseignements divins,
avec ses conséquences sur le progrès et l'évolution de l'homme.
* La Servitude
L'homme est considéré comme potentiellement bon, mais cette noblesse ne peut être
révélée que par une éducation adéquate.
"L'homme est le Talisman suprême. Mais, faute d'une éducation convenable, il a
été frustré de ce qui lui appartient en propre... Voyez en l'homme une mine riche
en gemmes d'une inestimable valeur. Mais, seule l'éducation peut révéler les trésors
de cette mine et permettre à l'humanité d'en profiter".
Baha'u'llah (20, CXXII)
Le coeur, l’oeil, le cerveau et la main dits parfaitement sains, sous-entendent
leur manière de servir le corps humain ; de même pour chaque homme la condition
idéale est la servitude :
"L'homme, dit ‘Abdu'l-Baha, peut-il imaginer une bénédiction plus grande que de
savoir que, par l'assistance divine, les moyens de confort, de paix et de prospérité
de la race humaine sont entre ses mains ?»
(10, p. 31)
Le «véritable baha’i» se définit comme :
«... celui qui jour et nuit, s'évertue à avancer et à progresser dans le sentier
de l'effort humain ; dont l'aspiration la plus chère est de vivre et d'agir de
manière à enrichir et à illuminer le monde ; dont la source d'inspiration est
l’essence de divine perfection ; dont le but dans la vie est de se conduire de
telle sorte qu'il soit la cause d'un progrès infini. C'est seulement lorsqu'il
aura acquis des qualités aussi parfaites qu'on pourra dire qu'il est un baha'i.»
‘Abdu'l-Baha' (9, p. 285)
Une équipe d'éducateurs Baha’s aux U.S.A., mettent en pratique ces principes dans
leur approche de l'éducation. Leur théorie "ANISA" classifie les potentialités
humaines en deux catégories : physiologique et psychologique. La nutrition est
le facteur clé pour maintenir l'intégralité biologique ; la connaissance pour
libérer la potentialité psychologique. Le but des écoles pour eux, n'est pas la
simple distribution de savoir, mais la véritable éducation devrait : "stimuler
l'évolution en direction du rang le plus élevé que l'homme puisse atteindre -
celui de la servitude..." (JORDAN, D.C. 78)
Combien frappante la différence avec les notions actuelles de l'éducation qui
conçoivent l'école et l'université comme des lieux où l'on trie les candidats
en vue d'accéder à une position sociale ! Notons que RIESSMAN et GARTNER (101)
proposent le déplacement de la croissance économique vers les services humains
; seule solution, disent-ils, pour la crise économique et industrielle. Le travail
accompli dans un esprit de service, rappelons-le, est considéré comme un acte
d'adoration dans la foi baha’ie, (21) et cette servitude caractérise la vie des
messagers divins ;
Baha’u’llah décrit leur rang comme un rang de "la plus absolue servitude, ...
une servitude qu'aucun homme ne peut atteindre" (20, XXII).
* Creuset social de la transformation
JORDAN et Coll. utilisent les écrits baha’is pour expliquer la transformation
qui s'opère chez un individu en contact avec la communauté baha’ie. Les écrits
baha’is, tout d'abord, ouvrent une perspective nouvelle sur la vie et sur soi-même.
En voyant la vie autrement, on se comporte différemment ; c’est le début de la
transformation. La compréhension de la vie et des événements actuels, diminue
l'anxiété à des proportions tolérables, et provoque même le courage ; l'énergie
de cette anxiété, au lieu de se libérer en agressivité, se traduira en créativité.
La nature diversifiée de la communauté baha'ie, constituée d'êtres d'origines
linguistiques, raciales, nationales, sociales et religieuses diverses, qui autrement
ne se serait pas regroupés, crée une anxiété devant ces situations inconnues;
elles-mêmes, génératrices d'un nouvel éventail de réponses. La tolérance initiale
se transforme en connaissance, puis en compréhension, amour et estime. Ce "creuset
social de la transformation" prend toute sa valeur lorsque l'on se souvient de
l'intensité de l'aversion raciale aux U.S.A. L'ensemble des préjugés (engagement
émotionnel envers une idée fausse) représente un blocage de l'expression du potentiel
humain (42)
"La capacité d'aimer et celle de connaître de l'homme sont en conflit. Ce genre
de conflit constitue le terrain des névroses et des psychoses, et le but de la
thérapie sera d'éliminer le blocage sur la voie de la connaissance de soimême.
Les situations au sein de la communauté baha’ie mènent l'individu à faire des
expériences lui permettant de découvrir ses propres préjuges. L'isolement dans
le monde permet aux individus d'éviter de telles situations qui troublent la solidité
de leur engagement envers l'erreur. La bigoterie, serait d'ignorer sa propre ignorance
tout en défendant sa position"(78) (Voir aussi Annexe 14).
* Application thérapeutique
Ces deux facultés de base peuvent être considérées comme potentiellement existantes
chez tout individu depuis sa naissance, indépendamment de ses acquis culturels.
La faculté d'aimer se développerait dans l'atmosphère familiale, et la faculté
de connaître, dans le contexte culturel. En partant de ces données, PESESCHKIAN
élabore non seulement des théories pédagogiques, mais aussi une technique de thérapie
applicable aux conflits psychologiques (Voir IV.3.c).
* L'Education Positive
L'éducation semble donc être le mot clé de l'évolution humaine, et sa conception,
nous verrons, est inspirée encore de cette idée de nonexistence du mal. Le manque
d'harmonie dans l'environnement social doit d'abord faire penser à l'éducation.
Pour lutter contre l'ignorance, il faut faire des efforts d'éducation, plut6t
que détruire les ignorants. On cherche à soigner une jambe douloureuse avant de
l'amputer. Les hommes "sous-développés" - moralement ou physiquement - doivent
être guidés plutôt que méprisés :
« Tous les homes sont les feuilles et les fruits d'un seul et même arbre... les
seules différences qui existent et qui les séparent sont celles-ci : il y a des
enfants qui ont besoin d'être guidés, des ignorants à instruire, des malades à
soigner et à guérir!»
‘Abdu'l-Baha, (4)
Le but de l'éducation est de permettre une insertion harmonieuse dans l'environnement
social ; et le médecin y a son r6le à jouer (IV.3.c). Nous voyons que même les
problèmes économiques exigent cette éducation :
"Les bases de toute la condition économique sont de nature divine, et liées avec
le monde du coeur et de l’esprit – efforcez-vous de créer l'amour dans les coeurs...
voilà la base de toute économie... tachez de devenir la cause d'attraction des
âmes, plutôt que de contraindre les esprits..."
‘Abdu'l-Baha, (24, p. 232-7, p. 233-4) (Voir aussi Annexe 21)
Ce principe n'est hélas pas respecté dans la gestion de la société humaine; au
lieu de s'appliquer à rétablir l'harmonie on cherche à détruire "les coupables"
La criminalité est très directement concernée par cette notion ; en parlant d'éducation,
‘Abdul-Baha distingue les caractères héréditaires, innés et acquis. Si l'individu
n'a pas de contrôle sur ses caractéristiques héréditaires, nous voyons que ses
aptitudes acquises dépendent de ses efforts ; ce texte prend un intérêt particulier
à l'heure actuelle, avec la découverte des éléments chromosomiques qui permettent
de supposer une prédisposition criminelle de certains individus :
«... la différence des caractères qui résulte de l'éducation, est considérable,
car l'éducation rend l'ignorant instruit, le faible courageux elle redresse la
branche tordue, elle rend doux et sucrés les fruits amers et aigres des montagnes
et des bois ; ... Il faut faire grand cas de cette éducation car, de même que
les maladies dans le monde des corps se communiquent très facilement, de même
les dispositions sont extrêmement contagieuses dans les âmes et les coeurs.
... il y a deux sortes d'aptitudes : l'aptitude naturelle et l'aptitude acquise.
La première, qui est de création divine, est absolument, purement bonne ; dans
la nature il n'y a pas de mal... l'aptitude acquise est... la cause de l'existence
du mal... L'homme commence peu à peu à consommer du poison... qu'il augmente progressivement
jusqu'au moment où, s'il ne prend pas un gramme d'opium par jour il meurt. Les
aptitudes naturelles sont ainsi complètement transformées.
... On ne reproche pas au criminel ses aptitudes et ses capacités naturelles,
mais bien ses aptitudes et ses capacités acquises. Dans la nature, le mal n'existe
pas, tout est bon ; même, des qualités... qui, en général sont blâmées et qui
pourtant sont une nécessité essentielle de certains humains ne sont pas en réalité
blâmables. ... on peut remarquer... chez un enfant qui tète, les signes de l'envie,
de la colère, de la domination.... l'envie qui est la demande de quelque chose
de plus, est une qualité louable, pourvu qu'elle s'exerce à propos.... si un homme
a envie d'apprendre les sciences et le savoir, ou de devenir clément, généreux
et juste, cela est très louable. S'il exerce sa colère et sa domination contre
les tyrans sanguinaires, ... cela est également très louable ; tandis que s'il
ne se sert pas de ces qualités pour de bons propos, elles sont blâmables.
... le mal n la jamais existé ; mais quand le caractère naturel de l'homme s'exerce
dans les circonstances contraires aux lois, il devient blâmable... de même pour
toutes les caractéristiques naturelles de l'homme, qui, constituent le capital
de la vie ; si on s'en sert pour choses illégales, elles deviennent blâmables."
‘Abdu'l-Baha, (6, p. 243)
La punition est donc éducative pour le coupable et pour l'entourage
«... la vengeance, ... est blâmable, ... La loi de la communauté punira l'agresseur,
mais ne se vengera pas... cette punition a pour but d'avertir, de protéger, et
d'arrêter la cruauté et l'injustice, afin que d'autres ne se mettent pas à être
tyranniques."
'Abdu'l-Bahà, (6, p. 306)
«... ce qu'il faut, c'est donner aux hommes une éducation telle qu’ils ne commettent
pas de crimes ; car il est possible de donner aux masses une telle éducation,
qu'elles évitent et redoutent de perpétrer des crimes, au point que pour elles
le crime lui-même serait la plus grande punition... Les communautés sont, nuit
et jour, occupées à confectionner des lois pénales, à préparer et à organiser
des instruments et des armes de correction ; ... Au lieu de cela, les communautés
devraient, jour et nuit S'efforcer, avec la dernière ardeur, de faire l'éducation
des hommes, ...»
‘Abdu'l-Baha,(6, p. 308)
Il est utile de se souvenir que les bases de la psychiatrie moderne, telles qu'elles
ont été établies par Pinel et par Daquin, reposent sur le traitement "moral".
Malgré ses aléas et ses explications brumeuses, cette nouvelle approche devait
laisser son empreinte de respect pour le malade mental, jusqu'alors traité avec
violence et mépris. (32).
Si cette haine envers le malade mental s'est beaucoup estompée, il persiste deux
réactions opposées envers la criminalité : d'une part la haine, d'autre part un
sentimentalisme exagéré, tous deux liés à la perception de la punition comme une
forme de vengeance.
* Responsabilité individuelle
La valeur des sentiments d'infériorité comme moteur du progrès est admise (Cf
ADLER) ; cette évolution est interminable:
"L'insatisfaction de soi est un signe de progrès. ... Si une personne a mille
qualités, elle ne doit pas les regarder, mais plutôt chercher ses propres défauts
et imperfections... une personne habitant un palais somptueux ... oubliera les
ornements dès qu'elle découvre un mur ou le plafond lézardé, et sans tarder commencera
à le réparer. Par contre, la perfection absolue est inaccessible à l'homme.»
‘Abdu'l-Baha (10, p. 39)
Ceci est à différencier d'une auto-dépréciation injuste. La véritable humilité
est d'avoir un idéal très élevé, et non pas de se faire une injustice ; une certaine
modération est à respecter. Baha’u’llah affirme :
... Soyez équitable envers vous-mêmes et à l'égard d'autrui, afin de faire éclater
par vos actes, au milieu de Nos serviteurs fidèles, les preuves de la justice".
(20, CXXVIII)
Nous avons vu que cette éducation est en vue d’actes et non seulement des pensées ;
elle implique le réveil des potentialités latentes :
«Il ne suffit pas seulement de distinguer le chemin du Royaume il faut le parcourir
jusqu'au but.... La foi ne signifie pas seulement savoir où se trouve l'école,
et reconnaître le maître ; on doit acquérir le savoir dans cette école. Sinon...
il est inutile de connaître l'école.
Le Christ a dit : "vous connaîtrez l'arbre par ses fruits"... car la véritable
croyance n'est pas seulement admettre l'unicité de Dieu ; par croyance nous entendons
que la réalité de l'homme sera caractérisée par les qualités divines. Si sa réalité
est sombre, elle deviendra illuminée ; elle est insouciante, elle deviendra consciente
; si elle est endormie, elle sera réveillée si elle est terrestre, elle deviendra
céleste...
... jour après jour (l’homme) doit s'efforcer de devenir meilleur... puis, jour
après jour il fera des progrès, car s'arrêter d'avancer, est le moyen de reculer.
Quand l'oiseau vole, il monte de plus en plus haut ; quand il s'arrête de voler
il descend."
'Abdu'l-Baha (10, p. 83)
III.4.b. - LES POTENTIALITES PHYSIOLOGIQUES
Le rôle de la nutrition dans la théorie ANISA est développé par RAMAN (99): Alors
que l'éducation était considérée comme une interaction avec l'environnement pour
révéler le plein potentiel génétique, la nutrition est considérée comme l'élément
de maintien de l'intégrité biologique.
Les programmes d'éducation, sans souci nutritionnel, sont incomplets. Il cite
BIRCH et GUSSOW (25 bis) qui montrent que certains troubles scolaires sont liés
à une alimentation inadéquate. Bien que la science ait identifié l'origine et
le remède pour de nombreuses maladies nutritionnelles telles que le scorbut, le
béri-béri, le rachitisme, la pellagre, ainsi que pour des maladies métaboliques
comme le diabète et les troubles thyroïdiens, sur le plan mondial ces maladies
gardent une morbidité importante. L'existence de ces troubles dans les pays opulents,
tout comme dans les pays désavantagés, est un signe de notre incapacité d'appliquer
la connaissance théorique à la qualité de vie humaine.
70 % de l'humanité souffre de malnutrition chronique. On estime que trois cent
millions d'enfants ont une alimentation déficitaire en protéines Si la presse
ne parle souvent que des cas graves tels que le kwashiorkor, ces cas de malnutrition
chronique entravent l'épanouissement du potentiel humain (103) et fournissent
un terrain somatique et psychique pathogène.
La période épigénétique est la plus sensible aux effets de la malnutrition. DAVIDSON
et DOBBING (43) montrent que la myélinisation est entravée lorsque la malnutrition
frappe pendant les périodes de croissance cérébrale. ZAMENHOF (136) et Coll.,
ainsi que WINICK (133) montrent que la malnutrition s’accompagne d'une réduction
en nombres des cellules nerveuses. Les troubles enzymatiques cérébraux ont été
démontrés par CHASE, DORSEY, McKHANN et MARTIN (33, 34). Les déficits caloriques
ou protidiques à n'importe quel moment de la croissance et formation nerveuse
se reflètent sur la maturation et sur le diamètre crânien (121).
Une étude sur la malnutrition infantile aux U.S.A. a montré que les troubles du
comportement et le handicap intellectuel peuvent être irréversibles (96 bis).
Les fonctions de coordination auditive, visuelle et d'intégration neurologique
en général se sont montrées déficientes chez les victimes de malnutrition précoce
(40, 40bis) (25 bis). Cliniquement, ces enfants se présentent comme apathiques,
immotivés, irritables et nonchalants. L'indifférence à l'égard de leur environnement
entrave toute tentative d'apprentissage.
Fournir de la nourriture dans de telles conditions ne suffit pas. Toute une éducation
diététique est à envisager, et ce, à travers les écoles, les centres de prévention
maternelle et infantile, et en luttant contre une infrastructure de tabous, traditions
et superstitions.
Nous comprendrons aisément que les potentialités du genre humain sont gravement
compromises dans ces conditions. Ce déséquilibre touche d'ailleurs immanquablement
le monde "développé» où la sur-alimentation, l'alcool, le tabac et les conduites
de fuite ne parviennent guère a compenser le sentiment d'insatisfaction. Faute
d'une vision globale des exigences nouvelles d'une planète rétrécie par l'interdépendance
et les moyens de communication, une conduite auto-destructive semble être une
des attitudes adoptées par des masses pour faire face à l'ennui de la vie.
Citons TOFFLER qui affirme : "Il est tout à fait clair qu'aucun des problèmes
des sociétés industrialisées ne peut être résolu sans des changements fondamentaux
dans les relations entre cette partie du monde et l'autre" (123) (Voir Annexe
21).
III.5. - DYNAMISME DE L'ENVIRONNEMENT
Si l'homme évolue, son environnement aussi se transforme à un rythme vertigineux.
La crise d'adaptation dont parle TOFFLER (125) est un facteur de désarroi et toute
tentative d'extrapolation dans le futur, mène à des visions invraisemblables.
* Le Tournant
La fermentation de notre monde a fait l'objet de nombreuses études. TOFFLER en
cite quelques-unes : (125, p. 22).
Pour READ, nous vivons une révolution tellement radicale qu'elle est seule comparable
à celle qui s'est produite entre le paléolithique et le néolithique ; alors que
MAREK (84) trouve que nous sommes au terme d'une ère de l'humanité qui s'est étendue
sur cinq mille ans. Notre situation serait semblable à celle de l'an 3000 avant
Jésus-Christ. Comme l'homme préhistorique, nous ouvrons les yeux sur un monde
complètement neuf. BOULDING (27) considère notre siècle comme l'axe autour duquel
tourne l'histoire de l'humanité :
"Le monde d'aujourd'hui est aussi différent de celui dans lequel je suis né que
celui-ci était de l'époque de Jules César. Je suis né au milieu de l'histoire
humaine, à quelques années près. Il s'est produit presque autant de choses depuis
ma naissance qu'avant".
L'adaptation à ce rythme de vie en pleine accélération représente un problème
vital pour l'homme ; son équilibre mental', ainsi que celui de sa société, dépendant
de l'ordre et de l'harmonie de son environnement.
* Crise d'adaptation
Si les spéculations de TOFFLER à ce propos ne correspondent pas toujours aux explications
baha’ies, ses analyses de la situation s'accordent très fréquemment «Des masses
d'hommes, au sein de cette société, se sentent déjà dépassées et incapables de
prendre en main leur propre avenir."
L'ensemble des stimulations sensorielles (bruit, etc. ) cognitives (rythme d'information
irrégulière, trop rapide... ) et décisionnelles (surtout non programmées dans
des situations nouvelles) donne "la crise de prise de décision" qui sévit dans
les sociétés techniquement avancées.
"Nous vivons aujourd'hui le moment suprême, la charnière historique décisive,
à partir de laquelle le genre humain triomphera de la marche irrésistible du monde
ou disparaîtra... J'ai tendance à croire que nous allons traverser une période
de turbulence extrême, peut-être même de violence.... Mais il y a quand même une
occasion qui se présente à nous ... commencer à structurer une société qui soit
beaucoup plus intelligente, dans laquelle les stress seraient plus créateurs et
moins destructifs..." (123).
Cette crise d'adaptation est d'autant plus aiguë, que l'homme ne comprend ni l'origine
ni le devenir de ce mouvement du destin. En parlant de
cette remarquable métamorphose de notre société, Horace Holley, éminent penseur
baha’i écrit :
"L'humanité subit une transformation complète de valeurs. L'individu est transplanté
de son train de vie habituel, abrité et traditionnel, aux confusions vastes et
explosives d'un monde tourmenté... On ne peut reculer dans l'isolement d'une simplicité
primitive ; on ne peut avancer sans faire partie d'un mouvement du destin que
nul ne peut contrôler ou définir" (70).
III.5.a. - LE MOUVEMENT DU DESTIN
Les enseignements baha'i's, non seulement expliquent le devenir de ce mouvement,
mais en précisent le mécanisme et proposent des moyens pour s'y adapter. Sans
simplifier jusqu'à la naïveté, la vision de ce mouvement est suffisamment nette
pour permettre à l'individu de comprendre et de s'intégrer dans cet environnement
mouvant.
* La gestation
"Une nouvelle vie, proclame Baha’u’llah, agite, secoue, travaille tous les peuples
de la terre, mais personne n'en a découvert la cause ou perçu la raison"
(114, P. 56)
et encore :
'Le monde est en travail, et son agitation croît de jour en jour. Il tourne à
la rébellion et à l'incroyance. Et tel sera son terrible destin qu'il ne serait
ni convenable ni séant de le dévoiler par avance".
Baha'u'llah (114, p. 29)
En parlant du déchirement de notre monde, Baha’u’llah écrit :
"Jusqu'à quand l'humanité persévérera-t-elle dans la méchanceté ? Jusqu'à quand
le chaos et la confusion régneront-ils parmi les hommes ? Jusqu'à quand l’injustice
sera-t-elle maîtresse ? Les vents du désespoir soufflent hélas, de toutes parts
et les contestations qui divisent et affligent le genre humain augmentent journellement.
Les signes de désordres et de convulsions imminents sont dès maintenant discernables
d'autant mieux que l'ordre des choses en vigueur se révèle lamentablement défectueux."
(113, p. 10)
"Bientôt le présent ordre de choses sera révolu et un nouvel ordre prendra sa
place"... "L'ordre de choses qui maintenant prévaut, s'avérant d'une lamentable
insuffisance, les signes de convulsions et d'un chaos imminent peuvent être discernés".
Baha'u'llah, (114, p. 6)
La constatation de cette fermentation est liée à la promesse d'un monde nouveau
:
«L'équilibre du monde s'est trouvé rompu par la vibrante influence de ce grand,
de ce nouvel ordre Mondial. L'ordre sur lequel reposait jusque-là l'humanité a
été révolutionné par cet unique et merveilleux Système dont les yeux des mortels
n'avaient jamais vu l'équivalent."
Baha'u'llah, (20, LXX)
"La terre entière, écrit-il par ailleurs, est en état de gestation. Le jour approche
où elle aura produit ses fruits les plus nobles..."
Baha'u’llah,(114, p. 15)
En 1931, Shoghi Effendi rappelle au monde baha’i l'avènement inévitable de l'unité
mondiale et les douleurs d'enfantement du monde à venir :
"Qui peut dire si une souffrance plus intense que celles qu'elle ait jamais supportées,
ne devra pas être infligée à l'humanité pour qu'une conception aussi élevée puisse
être consolidée... Il devient hélas, de plus en plus apparent que seules les forces
d'une catastrophe mondiale puissent hâter le développement d'une telle phase nouvelle
de la pensée humaine. Pour fondre et souder ensemble les éléments discordants
de la société actuelle et en faire des membres intégraux de la Communauté de tous
les peuples de l'avenir, il ne faudra rien de moins que le feu d'une rude épreuve
d'intensité sans égale."
Shoghi Effendi (113, p. 27)
"L'appel de Dieu., en s'élevant, écrit ‘Abdu'l-Baha, a insufflé dans le corps
de l'humanité une vie nouvelle, et infusé un esprit neuf dans toute la création.
Telle est la raison de la profonde commotion ressentie par le monde et de cette
soudaine animation des consciences et des coeurs. Les preuves ne sauraient tarder
de la régénération du monde, et bientôt ceux qui sommeillent le plus profondément
seront eux-mêmes réveillés."
'Abdu'l-Baha, (114, p. 16)
C'est après plus d'un siècle que la nature impérative de l'appel de Baha'u'llàh
aux peuples et aux dirigeants du monde se fait sentir (18).
* Le mécanisme
Pour expliquer cette fermentation universelle aux baha’is de l'Occident, Shoghi
Effendi écrit en 1936 :
"A considérer le monde... nous sommes forcés d'observer les preuves multiples
de cette fermentation qui, ... purge et remodèle l'humanité en vue du Jour où
le tout que forme la race humaine sera enfin reconnu et son unité établie. Deux
mouvements... se dessinent... Le premier est un mouvement d'intégration, tandis
que l'autre est un mouvement de désintégration. L'un qui se développe lui-même
régulièrement et fermement, développe en même temps un Système pouvant servir
de modèle à la politique universelle vers laquelle s'achemine sans arrêt un monde
étrangement et de plus en plus désordonné ; tandis que le second, à mesure que
l'influence qu'il exerce se fait plus dissolvante, tend a renverser, avec une
violence toujours croissante, les obstacles qui s'opposent à la marche de l'humanité
vers le but suprême qui lui est assigné... Entre ces tendances opposées, dans
cet âge de transition par où passent les fidèles de Baha’u’llah et, avec eux.,
l'humanité toute entière, une bataille spirituelle est engagée, gigantesque, d'une
ampleur sans pareille, mais qui sera, dans ses ultimes conséquences, ineffablement
glorieuse."
Shoghi Effendi (114, p. 16)
* L’accomplissement
Le devenir de ce mouvement n'est rien de moins que la promesse à maintes reprises
formulée dans tous les livres saints du passé et ainsi symbolisée par Esaïe avec
deux mille cinq cents ans d’anticipation :
«... et de leurs épées ils forgeront des socs de charrue et de leurs lances des
faucilles. Les nations ne se dresseront plus les unes contre mles autres et cesseront
d’apprendre la guerre... Et de l’arbre de Jessé jaillira une tige nouvelle, et
une branche sortira de ses racines... et la justice sera la ceinture de ses reins,
et la fidélité les ceindra. Le loup habitera avec l’agneau et le léopard couchera
à coté du chevreau... et l’on ne nuira ni détruira dans ma montagne sainte ; car
la terre sera remplie de la science du Seigneur, comme les eaux recouvrent le
fond de la mer.»
Non moins étonnante est la révélation de Saint Jean faisant allusion à ce monde
nouveau dans son apocalypse :
«Et je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre : car le premier ciel et la première
terre avaient disparu...»
C’est à l’accomplissement de cette promesse que Baha’u’llah invite les efforts
de chacun ; cette maturité de la race humaine, l’aboutissement des enseignements
spirituels du passé, étaient ainsi résumés en 1936 par Shoghi Effendi :
«L’unité de la race humaine, telle que la conçoit Baha’u’llah, implique l’établissement
d’une communauté universelle où nations, races, classes et croyances seront étroitement
et définitivement unies, où l’autorité des dirigeants et la liberté personnelle,
ainsi que l’initiative des individus qui la composent, seront complètement et
pour toujours sauvegardées. Cette communauté, pour autant que nous pouvons l’imaginer,
comportera une législature universelle dont les membres, en tant que représentants
de la race humaine, auront le contrôle suprême de toutes les ressources des nations
qui la composeront, et édicteront des lois nécessaires pour régler la vie, pourvoir
aux besoins et harmoniser les relations de tous les peuples et de toutes les races.
Un pouvoir exécutif universel, s’appuyant sur une Force internationale, veillera
à l’exécution des décisions arrêtées par cette assemblée, à l’application des
lois qu’elle aura votées, et à la sauvegarde de l’unité organique de la communauté
tout entière. Un tribunal universel se prononcera en dernier ressort dans tous
les conflits et discordes qui pourront s’élever entre les membres de ce système
universel. Un mécanisme d’intercommunication mondial sera imaginé qui embrasser
toute la planète, qui sera affranchi des entraves et des restrictions nationales
et fonctionnera avec une merveilleuse rapidité et une régularité parfaite. Une
capitale universelle sera le foyer où convergeront toutes les forces unifiantes
de la vie, et d’où rayonneront toutes les influences vitalisantes. Une langue
universelle sera inventée, ou choisie parmi celles qui existent déjà, et enseignée
dans les écoles de toutes les nations fédérées comme langue auxiliaire de la langue
maternelle. Une écriture universelle, une littérature universelle, un système
uniforme et universel de monnaie, de poids et de mesures viendront simplifier
et faciliter les relations et entre les peuples et les races. Dans cette société,
les deux grandes puissances de la vie humaine, la religion et la science, seront
réconciliées, elles coopéreront et se développeront dans l’harmonie. La presse,
tout en donnant libre cours à l’expression des vues et des convictions diversifiées
du genre humain, cessera d’être vendue à des intérêts privés ou publics, et sera
libérée de l’influence des gouvernements et des peuples en conflit. Les ressources
économiques du monde seront organisées, toutes les sources de matières premières
seront exploitées à plein rendement, tous les marchés coordonnés et développés,
et la distribution des produits équitablement réglée.
Rivalités, haines et intrigues cesseront entre nations. Animosités et préjugés
raciaux feront place à l'amitié raciale, à la compréhension réciproque et à la
coopération. Les causes de luttes religieuses seront à jamais écartées., les barrières
et restrictions économiques abolies, et l’anormale distinction entre les classes
disparaîtra complètement. La suppression de propriété cessera d’être envisagée
en même temps que cessera l'accumulation de la richesse entre un petit nombre
de mains...»
Et il continue pour montrer l'impact de ce mode de vie sur la santé
«... Les immenses énergies que la guerre économique ou politique absorbe et gaspille
actuellement, seront consacrées à étendre la portée des inventions humaines et
au développement de la technique industrielle, à accroître la productivité du
genre humain, à exterminer la maladie, à pousser plus avant les recherches scientifiques,
à améliorer la santé publique de la race., à rendre le cerveau humain plus aigu
et plus subtil, à exploiter les ressources de la planète jusquelà inemployées
et insoupçonnées, à prolonger la vie humaine., et d développer tout autre moyen
à stimuler la vie intellectuelle, morale et spirituelle de la race humaine toute
entière."
Shoghi Effendi (114, p. 56)
* L'embryon
Cet idéal élevé est ébauché dans la communauté mondiale Baha’ie qui, comme les
baha'is le croient, servira de modèle pour la société humaine future. Cette communauté
mondiale avec ses institutions élues à l'échelle locale, nationale et internationale
fonctionne selon des indications précises du fondateur de la foi baha’ie lui-même,
et ses décisions collégiales inspirées des écrits baha’is administrent le monde
baha’i.
Dans le cadre de cette tutelle : d'une part des écrits, d'autre part de l'administration,
l'individu peut canaliser ses énergies vers une créativité harmonisée avec les
critères de la civilisation mondiale, plutôt que vers la destructivité.
Le dynamisme de groupe de la communauté baha’ie mériterait un développement qui
dépasse les limites. de cette thèse. Rappelons simplement l'absence de sacerdoce,
une structure administrative élue sur des critères spirituels, sans propagande,
et sans candidature ; une «consultation" pour la prise de toute décision dont
le déroulement vise à chercher la vérité, et non à défendre une thèse. La présence
des écrits authentifiés et amplement expliqués par ‘Abdu'l-Baha et par Shoghi
Effendi présente une garantie contre les divergences d'interprétation et constitue
un archétype : évitant ainsi les cultes de personnalité.
La communication entre l'individu et la collectivité est favorisée au cours des
réunions régulières, où sont récoltés les suggestions et les avis transmis, le
cas échéant, aux communautés à travers le monde par le centre mondial. L'adaptation
à cet environnement planétaire nouveau, exige une telle communication. C'est ce
que TOFFLER appelle le "feed-back sensible" entre là où les décisions sont prises,
et là où elles sont exécutées et ressenties" (123). Fautil ajouter que l'autre
souhait que TOFFLER exprime concernant la prise de décision par des "non-élites
et non-spécialistes" est déjà réalisé dans la communauté baha’ie ? Les membres
élus sur des critères spirituels, ayant à leur disposition des spécialistes pour
l'instruction et l'exécution de leurs décisions, (Comités, Conseillers, etc ...
III.5.b. - L'ENVIRONNEMENT FAMILIAL
Le mariage est une des institutions remises en cause aujourd'hui, et l'émancipation
de la femme joue son rôle dans cette évolution des moeurs. Nombreux sont ceux
qui, à la vue des traditions périmées, des nouveautés à la mode et un train de
vie désordonné, spéculent la chute de cette institution.
Nous prendrons cette institution comme l'exemple de celles que la «modernisation"
tâtonnante croit pouvoir dénoncer comme démodées, et dont l'importance est soulignée
sans équivoque, par la foi baha’ie.
Le berceau de la société
Le foyer est considéré comme le berceau de la société. Pour sa protection, le
mariage est très vivement encouragé (mais non rendu obligatoire), la sexualité
lui est réservée, le divorce découragé, (mais possible) et la polygamie proscrite
; l'exogamie est permise, voire même encouragée. L'importance du foyer est telle,
qu'en réponse à une personne indécise sur la distribution de son temps entre le
service de la Foi et son foyer, Shoghi Effendi répond :
«... nous avons grand besoin de travailleurs compétents, mais le foyer est une
institution que Baha'u’llah est venu renforcer et non pas affaiblir."
(Lettre du 14 mai 1929)
A un autre croyant, il écrivait :
«... jamais aucun croyant, sous aucun prétexte que ce soit, ne peut utiliser la
Cause (Baha’ie) ou son service comme raison pour abandonner son mariage".
(Lettre du 7 avril 1947)
'Abdu'l-Baha, parlant du foyer, montre cette vérité fondamentale :
"Comparez les nations du monde aux membres d'une famille. Une famille est une
nation en miniature. Agrandissez simplement le cercle du foyer, et vous avez une
nation. Agrandissez le cercle des nations, et vous avez toute 1 'humanité.
Les conditions qui entourent la famille, entourent la nation. Les événements de
la famille sont les événements de la vie de la nation. La famille, serait-elle
avantagée ou ferait-elle des progrès s’il y avait des disputes entre ses membres ;
se battant, se pillant, jaloux et vindicatifs, en quête d'avantages égoïstes ?
Non, ceci effacerait le progrès et l'avancement. Il en est de même pour une famille
de nations., car les nations ne sont qu'un agrégat de familles...»
‘Abdu'l-Baha, (7, Vol. 1, p. 151)
Le devoir principal du foyer est l'éducation des enfants, une très grande importance
étant donnée à l'éducation des filles.( Tablets of ‘Abdu'l Baha, p. 578-580).
Celles-ci sont destinées à devenir des mères, et l'importance des relations mère-enfant
sont particulièrement soulignées. ‘Abdu'l-Baha' a même révélé une prière à lire
par la femme enceinte. (Tablets of ‘Abdu'l-Bahà, Vol. I, p. 139). La vision futuriste
d'une race "optimum" conçue dans des éprouvettes et nourrie par des machines à
biberon ne semble pas s'accorder avec l'idéal baha’i !
* Complémentarité des sexes
Un principe fondamental baha’i est l'égalité des droits pour les deux sexes qu'‘Abdu'l-Baha
compare aux deux ailes d'un oiseau (4). Ce principe a son rôle à jouer non seulement
dans la famille, mais aussi dans l'ensemble de la société :
"Tant que les femmes seront empêchées de réaliser leurs plus hautes possibilités,
les homes resteront incapables d'atteindre à la haute condition qui pourrait être
la leur", affirmait ‘Abdu'l-Bah. (4).
Tahirih, poétesse, et une des premières disciples du Bab, avait dévoilé son visage
pour symboliquement annoncer l'émancipation de la femme. Outrés, certains parmi
ceux présents devaient abandonner leur foi et même tenter de se donner la mort
devant le sacrilège de la vue de ce visage dévoilé. La vie héroïque et le martyr
de Tahirih allait inspirer de nombreux écrivains et dramaturges occidentaux (115,
91, 54).
‘Abdu'l-Baha explique :
"La cause principale de L'inégalité physique et mentale des sexes est liée à la
tradition et à l'éducation qui ont façonné les femmes au cours des siècles à l'idéal
du sexe faible.... Mais la balance penche déjà,...la force (physique) perd son
poids et la finesse d'esprit, l'intuition, et les qualités spirituelles d'amour
et de service qui sont fortes chez la femme gagnent de la valeur... l'âge nouveau...
sera un âge où les éléments masculins et féminins de la civilisation seront mieux
équilibrés".
('Abdu'l-Baha, "Star of the West", Vol. 3, n* 3, p. 4.)
* Carrefour des générations
La famille est aujourd'hui déchirée par l'incompréhension due à la divergence
d'idéal et de valeurs entre les générations.
La communauté baha'ie contraste de manière très significative avec le reste du
monde actuel par une absence de conflit de générations. La collaboration entre
l'expérience des anciens et la vitalité des jeunes est un facteur primordial dans
le fonctionnement de la communauté. L'abandon des préjugés et surtout la présence
d'un idéal et de valeurs communs aux générations successives en sont quelques
raisons.
Le Bab avait interdit les mariages de convenance arrangés par les familles, en
laissant le choix des partenaires aux futurs époux. Pour renforcer l'unité des
familles, Baha’u’llah ajoute à ce libre choix la nécessité d'obtenir l'accord
des parents de chaque fiancé pour le mariage. Nous voyons donc qu'en dehors de
la convenance des partenaires, le mariage est aussi un acte social. Baha'u'llah
parle de la progéniture et de son éducation comme le but fondamental (mais non
unique) du mariage. Nous voyons encore l'importance accordée à la famille comme
cellule de base de l'environnement social.
Les paroles de A. HERON (123) résument ainsi son opinion sur la qualité de la
vie :
«... je veux dire très fermement et clairement que si nous voulons faire quelque
chose concernant la qualité de la vie, le vieillissement et l'âge, nous devons
changer les valeurs de notre société, ... et que le seul endroit où on peut commencer
à le faire, c'est là où les pères, et les mères, et les très jeunes enfants se
trouvent réunis...".
Cette éducation, précisons-nous, serait inspirée par le principe de la recherche
personnelle de la Vérité ; notion fondamentale des enseignements Baha’is. Elle
implique de fournir à l'enfant les moyens de faire face aux décisions de la vie,
et non pas de le rendre dépendant d'autrui.
III.5.c. - L'ADAPTATION DU COMPORTEMENT
L'environnement de l'homme n'étant pas inerte, il y a une interaction entre l'individu
et son entourage. Ceci impose des normes et valeurs de conduite qui, bien que
contraignantes pour l'individu, représentent la condition sine que non de la vie
en société.
Tout comme la cellule de l'organisme est soumise à l'homéostasie, l'individu "sain"
a son rôle à jouer dans sa société. Une cellule qui échappe à l'homéostasie se
dévitalise ou devient un cancer ; il en est un peu de même pour l'individu.
Cette structure sociale, telle que nous l'avons résumée ne pourrait en aucun cas
être fonctionnelle, bien que parfaitement plausible, si le comportement humain
ne s'y adaptait pas. Ceci nous amènerait à l'immensité des enseignements baha’is
sur le comportement individuel qui convergent vers un mot : l'unité.
L'adaptation à la vie communautaire demande un effort de la part de l'individu.
Ces lois doivent être comprises comme une participation active à la cohésion sociale,
et non seulement comme des contraintes arbitraires imposées à l'individu ; les
lois de Baha'u'llah sont accompagnées d'explications qui permettent d'en comprendre
la raison. Le rôle des contraintes sexuelles dans la genèse des névroses à été
démontré par Freud. C'est pourquoi nous choisissons ce sujet comme exemple.
Les enseignements Baha’is mettent en garde contre l'ascétisme et le puritanisme
bigots (112, p. 42-47), et nous remarquons la tradition islamique considérant
le sperme (entre autre) comme "impur", explicitement abrogée par Baha’u’llah ;
(21), le niveau moral inculqué est cependant très élevé. En bref, la valeur de
la sexualité est reconnue, mais son expression est dirigée et canalisée vers le
foyer qu'elle sert à consolider.
La notion de "sublimation" sous-entend que la sexualité n'est pas en elle-même
"sublime" (Les propos de St Paul au sujet du mariage en sont peut-être partiellement
responsables). Or, dans l'optique baha’ie, la sexualité serait une des facultés
nobles de l'homme, et son usage en dehors de son expression légitime comme une
forme de perversion.
Nous pouvons conclure que le respect de la loi signifie une participation active
à la structure et à l'harmonie sociales, et le non-respect de la loi signifie
enfreindre les intérêts de la société. Ceci est contre "l'homéostasie" sociale,
donc contre le but même de notre existence ; car Baha’u’llah affirme :
«... tous les hommes ont été créés pour travailler à l'établissement et à l'amélioration
croissante de la civilisation."
(20, CIX)
Ces lois divines sont adaptées, comme nous l'avons vu, aux besoins de chaque époque
et cohérentes avec le message révélé. Le non-conformisme aux usages de chaque
époque est astreignant, mais l'effet de l'exemple sur la société est puissant
; c'est sous l'effet de telles lois que les civilisations naissent, et en leur
absence qu'elles se désintègrent :
«... Il est particulièrement difficile, ".écrit la Maison Universelle de Justice,
"de suivre les lois de Baha’u’llah dans la société présente dont les usages admis
sont en désaccord avec les critères de la Foi. Cependant, il y a certaines lois
qui sont si fondamentales pour le fonctionnement sain de la société humaine qu'elles
doivent être soutenues quelles que soient les circonstances.... sinon la société
ne pourra être réformée... Obéir à la loi de Dieu est une tâche que les baha’is
se doivent d'affronter dans leurs vies, pour la faire accepter graduellement au
reste de l'humanité".
(Lettre de la Maison Universelle de Justice, 6 février 1973)
Cet aspect actif de la religion était déjà souligné par le Bab. En envoyant ses
disciples à travers le pays "pour préparer la voie de Sa venue", il leur rappelle
: "Les jours où l'adoration passive était jugée suffisante sont révolus.
L'heure est venue où seuls les motifs les plus désintéressés, appuyés par les
actes sans tache, peuvent s'élever jusqu'au Trône du Très Haut et trouver grâce
auprès de Lui. Seules les bonnes paroles suivies de bonnes actions seront exaltées
devant Lui" (16).
Nous voyons d'ailleurs que Baha'u'llah a élevé le travail exécuté dans un esprit
de service au rang d'adoration ; la prière seule, si elle n'inspire pas les actes
ne peut être considérée comme suffisante (21).
C'est la manière dont cette contrainte est perçue qui détermine la réaction de
l'individu, et non pas la contrainte en soi. Le passe-temps passionnant pour l'un,
serait une contrainte pénible pour un autre.
"Ceux que Dieu a doués de clairvoyance," écrit Baha’u’llàh dans le KitAb-i-Aqdas,
"reconnaîtront aisément que les préceptes qu'Il a édictés constituent les plus
hauts et les plus puissante moyens de maintenir l'ordre dans le monde et la sécurité
des peuples..."
«... Mes commandements sont les lampes de Ma tendre providence... et les clefs
de Ma Miséricorde pour Mes créatures... Observez mes commandements pour l'amour
de Ma Beauté..."
(20 CLV)
Nous voyons que notre perception de la loi, sa compréhension et notre soumission
aux règles de conduite dépendent de notre perception de la vie, et de l'idée de
finalité que nous accordons à la vie humaine dans ce monde.
La perception subjective de l'environnement et le comportement sont étroitement
liés, ainsi que nous allons voir.
III.6. - PERCEPTION DE L'ENVIRONNEMENT
Les relations de l'homme avec son environnement ne sont pas perçues d'une manière
objective comme on pourrait le juger de l'extérieur, mais d'une manière subjective
faisant intervenir les valeurs dont l'individu investit chaque situation. Le vécu
de chaque situation, les réactions et le comportement de l’individu seront donc
déterminés par son acquis culturel conscient ou inconscient et comme nous avons
vu (11.3), la religion joue un rôle important dans la genèse de ces valeurs. L'impact
de ces dernières touche tout particulièrement la profession médicale qui est constamment
en contact avec des problèmes tels que l'inadaptation, la souffrance, la vie et
la mort ; aussi avons-nous choisi quelques aspects de cette question tels que
le stress, le sacrifice, le détachement et la mort qui nous semblent être d'un
intérêt particulier pour le médecin.
* Le stress
Hans SELYE (III et III bis), dont les travaux sur le stress sont connus, divise
le stress en deux catégories : le "Eustress", "sel de la vie", indispensable à
notre existence et progrès, et le "Distress" (Détresse ou angoisse), stress désagréable
et pathogène. La privation de tout stress serait la mort ; le stress étant défini
comme la réaction de l'organisme à n'importe quelle sollicitation. On peut envisager
deux extrêmes : la sur-stimulation ou excès, et la privation. En travaillant sur
ce syndrome complexe du stress, Selye en vient à penser que les grandes lois de
la nature s'appliquent aussi bien au niveau moléculaire qu'au niveau cellulaire
somatique et psychologique. Il déclare :
"... je m'occupais seulement de biochimie et de morphologie et de médecine, dans
le sens restreint du mot, jusqu'à ce que je sois tombé sur l'idée que les mêmes
lois de la nature sont généralisables aussi au comportement, donc à l'éducation",
Et il ajoute :
"Beaucoup de maladies somatiques, psychiques et sociologiques ne sont pas dues
à l'agent provocant, à l'agent toxique, aux germes, à la situation sociale, mais
à notre réaction... quand quelque chose vous arrive dans votre vie de famille,
ou vie professionnelle, qui a un certain effet sur vous, très souvent, vous en
souffrez parce que vous le prenez mal. Ce n'est pas ce qui arrive, mais la manière
dont on le prend.» (123).
C'est donc notre perception de la situation qui détermine si le stress est un
"Eustress" ou une "Détresse".
D'Abdu'l-Bahà, nous lisons ceci :
"Nous voyons que le froid, la chaleur, la souffrance, etc. ..., concernent seulement
le corps et n'affectent pas l'esprit. Il est fréquent de voir des hommes pauvres,
malades, vétus misérablement et sans ressources, mais spirituellement forte. Quelle
que soit leur souffrance corporelle, leur esprit est libre' et en bonne condition.
De même, combien de fois ne voyons nous pas des hommes riches, physiquement forte,
et en bonne santé ' mais dont l'âme est triste à mourir. Il est tout à fait évident
à l'intelligence lucide que l'esprit de l'homme est très différent de son corps
physique."
(4, 3 novembre 1911)
Les mondes matériels et spirituels, nous avons vu, sont étroitement liés ; mais
nous voyons ici que le monde matériel est soumis au monde spirituel. Le corps
est considéré comme un instrument - certes très précieux - mais pouvant être commandé
par l'esprit, et accessoire. Nous avions dit que la réalité de l'homme, ce qui
le distingue de l'animal, est son esprit. Si c’est le corps qui commande l'esprit,
alors l'homme s'abaisse au niveau de l'animal (Voir 11.6, et annexes 3 à 8). Il
ne s'agit pas de mépriser le corps, mais de savoir qu'il doit être soumis à l'esprit.
«... nos chagrins, nos peines, nos humiliations et nos douleurs sont d'origine
matérielle, tandis que le monde spirituel n'est jamais cause de tristesse... Tout
autour de vous, vous découvrez les preuves de l'insuffisance des choses matérielles
qui sont transitoires, ... J'ai vécu moi-même en prison pendant quarante années,
alors qu'une seule aurait déjà été impossible à supporter... pendant ces quarante
années, je fus suprêmement heureux... Les pensées spirituelles étaient mon réconfort".
‘Abdu'l-Baha (4, 22 novembre 1991)
La douleur, par exemple, gardienne physiologique de l'homéostasie, n’est en fait
que le messager des centres nerveux supérieurs et ce message est interprété selon
l'état psychique du malade majoré ou minimisé selon la valeur dont il est investi.
Nous lisons d’Abdu'l-Baha
«... ce n’est pas le corps qui perçoit la douleur ou le trouble, mais l’âme, ...
bien que ce soit le corps qui soit à l'origine du trouble." (10, p. 165).
Nous voyons que Baha’u’llah souffrait plus de la faiblesse de ses disciples que
de ses afflictions matérielles
"Je ne Me plains pas du fardeau de Mon emprisonnement, ni M'afflige de Mon abaissement
ou de la tribulation que je souffre des mains de Mes ennemis. Par Ma vie, c'est
Ma gloire... par les cruautés que J'ai endurées, l'Etoile du Matin de la Justice
s'est manifestée, et elle a répandu son éclat sur les hommes. Mes peines ont pour
cause ceux qui, s'abandonnant à leurs passions corrompues, prétendent pourtant
s'associer à la Foi de Dieu."
(20, XLVI)
L'attitude qu'adopte l'individu vis à vis de la douleur, des contraintes, des
maladies et d'autres situations de la vie, ainsi que son comportement, sont déterminés
par les valeurs qu'il accorde à chaque situation. C'est ici que la religion joue
un rôle que l'objectivité ne saurait remplacer ; contrairement aux opinions souvent
exprimées, elle ne se borne pas a culpabiliser, mortifier et inhiber l'homme,
bien que certaines interprétations de la religion aient pu, comme le souligne
Solignac (119 bis), présenter ces désavantages.
* La violence et le Sacré
Les historiens, et particulièrement Nabil (91), le chroniqueur des événements
héroïques du début de l'histoire baha’ie rapportent avec grande précision les
violentes persécutions qui ont fait plus de vingt mille martyrs. D'innombrables
récits nous rapportent le courage, voire la joie qui animait ces martyrs, et leur
apparente insensibilité aux tortures improvisées par l’imagination fertile de
leurs tortionnaires. Nous lisons avec stupéfaction le récit de leurs attitudes
devant la souffrance ; cette joie et cet enthousiasme étant motivés par leur désir
de témoigner de l'importance de la foi qu'ils venaient de découvrir (115, 99 bis,
64). Les paroles de Haji Sulayman Khan, au grand désespoir des instigateurs de
son martyre, illustrent ceci (Annexe 19)
Si la naissance sanglante de la Foi baha’ie nous fournit des documents récents
et fiables, nous remarquons que ce bain de sang a été le corollaire des mutations
dans les valeurs de la société qu'ont déclenchées les manifestations de Dieu.
Pour GIRARD, cette association de la religion avec la violence reproduit les situations
sacrificatoires des peuplades primitives et l'acceptation volontaire du martyre
servirait à l'unité du groupe (62).
III.6.a. - LE DETACHEMENT
Loin de prôner la passivité, les enseignements baha’is encouragent l'effort et
le progrès, mais ici aussi, une juste mesure est à respecter. La religion nous
fournit une perception de l'environnement qui nous permet de vivre en harmonie
avec certaines réalités et exigences de la vie matérielle dans ce monde en investissant
nos efforts dans une voie de service au genre humain, au lieu de nous fixer comme
but unique le bien-être matériel ; ce serait d'ailleurs une bataille perdue d'avance
que de se fixer comme seul but de cette courte vie terrestre. L'angoisse de la
mort, avec ses conduites de négation et de défense, nous donne une idée assez
sombre de l'existence humaine dans ce monde. Insistons tout de suite sur le fait
que cette vision de la vie n'est pas à confondre avec l'indifférence mystique
qui mérite le qualificatif «d'opium». L'attitude baha'ie sur ce point est démonstrative
du principe tant cité de modération. La vision réaliste de la vie humaine permet
à l'homme de se libérer de ces angoisses qui paralysent ses potentialités.
Nous pouvons seulement affirmer ici que l'acceptation de la violence pour un motif
spirituel sert d'exemple concret pour montrer qu'il y a, dans l'existence de l'homme
sur cette planète, autre chose que l'aisance matérielle (voir III.6.a). Pour le
martyre, cependant, la découverte de l'objet de sa recherche éclipse toute pensée
de ce monde. Baha'u'llah écrit :
"Ceux qui vaillament se livrent à la quête de Dieu, quand ils auront atteint le
parfait renoncement, seront si attachés à cette Cité (la parole de Dieu à chaque
âge), ils feront si bien corps avec elle, que idée d'en être séparés, ne fût-ce
qu'un moment, leur serait tout à fait inconcevable"
(20, CXXV) (22)
Dans Sa Tablette à un médecin, Baha’u'llah écrit :
"En vérité, la chose la plus nécessaire est le contentement en toutes circonstances,
il préserve des états morbides et des lassitudes. Ne cédez jamais à la tristesse
ni au chagrin, ils sont la cause des plus grandes misères. La jalousie consume
le corps et la colère brûle le foie, ...»
(8, p. 103)
D'Abdu'l-Baha', on lit
"Les afflictions et les problèmes sont dûs à votre insatisfaction de ce que Dieu
vous a réservé. Si on se soumet à Dieu on est heureux".
(10, P. 44)
La clé en est la compréhension de cette vie terrestre, et l'organisation, en conséquence
de nos efforts et de nos attachements. Ce "détachement" a souvent été interprété
d'une manière erronée ; ‘Abdu'l-Baha l'explique ainsi :
«... le coeur doit avoir un attachement. Rien n'est digne de la dévotion de notre
coeur sauf la réalité, car tout le reste doit périr. ... le coeur n'est jamais
au repos, et ne trouve jamais la véritable joie ni te véritable bonheur tant qu'il
ne s'est pas attaché à l'éternel. Combien stupide l’oiseau qui bâtit son nid sur
un arbre qui peut périr, alors qu'il peut le bâtir dans le jardin toujours verdoyant
du Paradis !... seul l'esprit est réel... tous les corps se désintègrent à la
fin...".
(10, p 18)
Et encore :
«Les choses de ce monde sont comme les vagues de la mer... Les choses du Royaume
sont comme les rochera : fermes et durables. Si on est attaché aux exigences du
corps humain on ne connaît pas de répit, car le corps ne cesse de demander un
changement.
... Etre détaché signifie être libre... être joyeux – un baha’i doit être joyeux...
si il est entièrement détaché et vidé de son Moi, il pourra déclencher dans un
coeur froid un grand feu".
‘Abdu'l-Baha (10, p. 78)
«... le bonheur est un état interne... Un homme réellement heureux ... sera insensible
aux circonstances externes et changeantes et par ses actes ... transmettra le
bonheur aux autres."
‘Abdu'l-Baha (10, p. 19)
Ce détachement se transmet aux autres, et nous verrons (IV.2 c ) que le médecin
peut transmettre cette tranquillité d'esprit à son patient alors que les Manifestations
de Dieu, elles, sont les exemples vivants de ce détachement :
"Sa sainteté le Christ était... l'incarnation de la connaissance spirituelle.
Son intelligence était supérieure à celle de ces philosophes, sa compréhension
plus profonde, sa perception plus fine et sa connaissance plus parfaite. Comment
se fait-il qu'il ait dédaigné et refusé toutes les choses de ce monde ? En s'abstenant
de repos et de tranquillité et en acceptant les épreuves, il attachait peu d'importance
d ce monde matériel..."
'Abdu'l-Baha (3, p. 44)
* Vertu et faiblesse
La vertu et la faiblesse ont souvent été confondues. Cette erreur est illustrée
par ‘Abdu'l-Baha :
«... l’homme peut atteindre des vertus par la force inhérente à sa nature, ou
ces vertus peuvent être simplement dues à la faiblesse de sa nature.
Par exemple, un enfant est détaché de ce monde... ceci est dû à sa faiblesse ...
un homme sage ayant atteint la maturité, sera également détaché du monde ... un
bras atrophié est incapable de lapider ou de frapper. Cette innocuité n'est pas
due à la vertu, mais a l'imperfection... En supportant une privation ascétique,
la force naturelle décline, aboutissant d une grande faiblesse, qui rend l'homme
incapable de faire quoi que ce soit. Il ne se met pas en colère. Il ne fait pas
de mal. Il n'est pas perturbateur il est calme. Il est lésé ; il est comme un
agneau. Mais cela est dû à sa faiblesse... Celui qui atteint l'ascétisme spirituel
acquiert ces qualités par la force de caractère... Si c'est uniquement par force
de volonté et entraînement spirituel qu'il atteint un état de caractère qui l’empêche
de faire de telles choses, c'est un grand mérite. L'homme aliéné est entièrement
détaché de tout lien ou attache ; ... ce n'est pas une éloge pour lui mais quand
les disciples du Christ., saine d'esprit et de corps, ont tout abandonné dans
la vie, cela est en vérité louable... Dans cette dispensation, il n'y a pas d'ascétisme
physique ou matériel. Ceux qui sont spirituels sont des ascètes, et cet ascétisme
s'exprime par l’entraînement des âmes, et l'éducation de l'humanité en morale
et en l'acquisition des attributs du Royaume»
(10, p. 72)
"Par détachement du monde je ne veux pas dire le mépris des choses de ce monde,
car la civilisation et l'éducation sont les moyens de progrès. Je veux dire que
l'on ne doit pas attacher son coeur a ce monde".
'Abdu'l-Baha, (10, p. 76)
Nous voyons qu'une telle attitude est différente de la "sacralisation" de la souffrance
qui fait que, pour de nombreuses personnes, la religion est associée au chagrin
et à la souffrance volontaire. Le détachement doit signifier la joie ; sinon,
c'est l'attachement à une forme de narcissisme dont SOLIGNAC fait grand cas (119
bis).
'Abdu'l-Baha nous précise :
«... tous les biens matériels nous sont destinés afin que par gratitude nous apprenions
à concevoir la vie comme un bienfait divin. ... nous devons donc être heureux
et passer notre temps en louanges, en appréciant tout. Mais il y a autre chose
: le détachement. Nous pouvons apprécier, sans nous attacher aux choses de ce
monde. Il arrive quelquefois qu'un homme perd sa fortune, et il est tellement
découragé, qu'il meurt ou perd la raison. Lorsque nous jouissons des choses de
ce monde nous devons nous rappeler qu'un jour peut-être nous devrons nous en passer.
Ne t’attache à rien à moins que tu n'y voies la réalité de Dieu... La vie terrestre
ne dure qu'un temps court,... ses bienfaits sont transitoires. Ce qui est transitoire
ne mérite pas l'attachement de nos coeurs.
Le détachement ne signifie pas brûler sa maison... ou même distribuer tous ses
biens. Le détachement signifie ne pas laisser nos biens nous posséder. Un commerçant
prospère qui n'est pas attaché à son affaire, est détaché. Un banquier dont les
occupations ne l’empêchent pas de servir l'humanité, est détaché. Un homme pauvre
peut être attaché à un petit rien.»
(10, p. 77) (Voir aussi 112, p. 97)
III.6.b. - LE SACRIFICE
Le sacrifice, notion souvent confondue avec la mortification, signifie plutôt
l'abandon du matériel pour le spirituel et l'idéal : biens plus durables. Aussi
attaché que l'on soit à une partie de notre corps, quand la fonction du corps
est compromise, on s'en détache. La chirurgie est d'ailleurs souvent un moyen
de sacrifier l'intégralité anatomique pour l’intégralité fonctionnelle. Abdu'l-Baha
explique ainsi l'abandon de certains instincts pour l'idéal :
"L'homme doit être comme le fer que l'on jette à la fournaise. Les qualités du
fer qui appartiennent à la terre ; comme sa teinte sombre, sa dureté, sa froideur,
disparaissent et... les qualités du feu., sa teinte rouge, son éclat, sa chaleur...
deviennent visibles... de même, lorsque les âmes se sont libérées des entraves
du monde et se sont affranchies des imperfections humaines et des sombres instincts
animaux..."
(8, p. 126)
Le sacrifice signifie donc, pour celui qui le pratique, un attachement à un idéal
autre que matériel. Ce faisant, comme nous l'avons vu a propos du détachement,
on participe à l'introduction de valeurs nouvelles dans la société et tout particulièrement
d'une vérité si facilement scotomisée la vie humaine n'est que transitoire ; précieuse,
certes, mais non pas une finalité en soi. Cette acceptation d'un idéal autre que
matériel, cette compréhension des limites physiologiques de la vie matérielle,
comporte à elle seule un impact incalculable, non seulement sur l’attitude vis-à-vis
de la mort et de la maladie, mais aussi sur le comportement humain (IV.3.c).
En parlant du sacrifice du Christ, Baha'u'llah dit :
«... Il avait, en Se sacrifiant, infusé dans toute chose créée une capacité nouvelle...
la plus profonde sagesse qu’aient exprimée les plus sages des hommes, ... les
arts que les mains les plus habiles aient produits... ne sont que des manifestations
du pouvoir vivifiant dégagé par Son Esprit transcendant..."
(8, p. 128)
La souffrance n'est pas à exalter en soi, mais elle peut être un moyen de progrès,
si elle est perçue d'une manière positive :
"Les, hommes qui ne souffrent pas n'atteignent pas à la perfection. La plante
la plus émondée par le jardinier est celle qui, l'été venu, donnera les plus belles
fleurs et les fruits les plus abondante. Le laboureur fend la terre avec sa charrue,
et de cette terre surgit une riche et abondante moisson...»
(4, 27 novembre 1911)
L'histoire de Thomas Breakwell demeurera l’une des plus émouvantes de la littérature
baha'ie. Ce jeune Anglais d'une vingtaine d'années, qui, aux U.S.A., occupait
un poste de responsabilité, avec une situation aisée, était en vacances à Paris
lorsqu'il découvre la foi baha’ie. Il est immédiatement enthousiasmé, et désire
rencontrer ‘Abdu'l-Baha. Abandonnant ses projets, il part à ‘Akka, où ‘Abdu'l-Baha
était encore prisonnier. Son état d'émerveillement était tel, que tous ceux qui
le rencontraient étaient profondément touchés. Il télégraphie sa démission de
son poste où l'usage du travail des enfants lui semblait inconvenable, et à la
demande d’Abdu'l-Baha, s'installe à Paris, et s'applique au service de ses semblables.
Pour garder contact avec les "parfums" d'Akka, il entretient une correspondance
avec le secrétaire d‘Abdu'l-Baha, Yunis Afrukhtih. Bientôt il est atteint de tuberculose
et mentionne dans une de ses lettres qu'il implorait Dieu pour des douleurs, souffrances
et afflictions, par crainte qu'il n'oublie le Bien-aimé Plus ses souffrances s'intensifiaient,
plus éloquents devenaient ses péans de joie et d'extase. Son correspondant écrit
:
"Tout ce qu'il écrivait, je le présentai au Martre (‘Abdu'l-Baha'). Parfois il
répondait, "Transmettez-lui mes salutations." Quand il ne faisait aucun commentaire,
je savais que la communication entre l'Amant et le Bien-Aimé n'avait pas besoin
de mots. Puis, sa dernière lettre est arrivée : "La souffrance est un vin qui
monte à la tête... les tourments de la chair m'ont permis de m'approcher bien
plus près de mon seigneur. Malgré mon agonie, je souhaite que la vie dure plus
longtemps, afin que je puisse goûter davantage la douleur. Ce que je désire, est
le bon plaisir de mon Seigneur." Quelques jours plus tard, ... le Maître me dit
:"Avez-vous entendu ?" "Non, Maître", répondis-je. "Breakwell est mort", me dit-il.
"je suis très chagriné... J'ai écrit une prière en son souvenir. Elle est très
émouvante, tellement que, deux fois en l'écrivant, je n'ai pu retenir mes larmes.
Vous devez bien la traduire, afin que quiconque la lira, pleure." Je n'ai jamais
su qui avait pu donner cette nouvelle au Maître. Si quelqu'un lui avait écrit
ou télégraphié en Anglais ou en Français, la communication serait passée entre
mes mains."
Dr AFROUKHTIH, cité par BALUZI, (24, P. 74)
Ce troublant récit contient toutefois la motivation de Breakwell : il souhaitait
des souffrances par peur d'oublier Dieu. Si souhaiter la souffrance ne semble
pas en accord avec les écrits que nous venons de rapporter, sa dévotion avait
très profondément touché 'Abdu'l-Baha", ainsi qu'en témoignent ses éloges.
Bien que médicalement parlant, il ait trouvé un moyen de changer sa «détresse"
en "eustress", cette question mériterait une attention plus particulière ; citons
les paroles de Baha'u'llah à ce sujet :
"Ne vous lamentez pas en vos heures d'épreuves, et ne vous en réjouissez pas non
plus ; cherchez la Voie Moyenne qui est mon souvenir dans vos afflictions et la
réflexion de ce qui pourrait vous advenir dans le futur.»
(21, p. 15)
Shoghi Effendi rappelle :
"Chaque époque a des besoins particuliers. Dans les premiers temps, la Cause avait
besoin de martyr et de gens qui supporteraient toutes sortes de tortures et de
persécutions en exprimant leur foi et en répandant le message envoyé par Dieu.
Cependant, ces jours sont révolus... Vivre pour enseigner aujourd'hui équivaut
au martyre des premiers temps. Ce qui compte, c'est l'esprit qui nous anime.,
et non l'acte par lequel cet esprit s'exprime..."
Shaghi Effendi, Lettre du 3 août 1932, (117)
Il nous semble encore plus clair que ce n'est pas la souffrance en elle-même qui
est louable ; mais sa motivation et le contexte dans lequel elle est acceptée.
* Le Moi investi d’idéal
Les écrits baha’is parlent souvent de "l'abandon du Moi"
"0 mon ami, sois étranger pour toi-même afin de trouver l’incomparable".
Baha’u’llah, (17, p. 16)
«... détourne-toi de toi... ainsi tu t'annihileras en Moi et Je vivrai en toi."
Baha'u'llah, (18, p. 4)
"Secoue les chaînes de biens terrestres et libère-toi de la prison de ton moi..."
Baha’u’llah, (18, p. 36)
"Laisse ton moi derrière, puis approche Moi..."
Baha'u'llah, (17, p. 52)
Cependant, cet abandon du moi, d'instinct animal, implique l'adoption d'un Moi
investi d'un idéal":
"Si les voyageurs recherchent le but du Prédestiné (Maqsud), ce rang appartient
au moi mais au moi qui est "le Moi de Dieu habitant en Lui avec la toi". A ce
niveau, le moi n'est pas rejeté mais bien-aimé ; il est agréable et n'est pas
à éviter. Bien qu'au début, ce niveau soit le royaume de conflit, il atteint néanmoins
le trône de splendeur...»
Baha'u'llah (17 bis, Cité par JORDAN, 78)
Nous comprenons la valeur de cet abandon du "moi" pour l'intégration de l'individu
dans son environnement ; il s'agit de sacrifier les intérêts propres pour les
intérêts collectifs : se soumettre à "l'homéostasie"...
Cette soumission à des valeurs collectives n'est pas à confondre avec ce que SOLIGNAC
(119 bis) considère comme un surmoi écrasant. Elle signifie s'élever à un niveau
d'existence digne des potentialités d'un homme, et ne pas s'abaisser au niveau
d'animal (Voir aussi 11.3).
L'argument que, dans un "monde de loups" il faut devenir un "loup" pour survivre,
est contraire à ce que nous avons soutenu à propos de la finalité de la vie humaine
dans ce monde.
Si cette finalité a souvent été décrite en termes de "ciel" et d’"enfer" ces notions
sont symboliques et pédagogiques (22, 107, 108, 54).
III.6.c. - LA MORT
Nos conceptions de la vie sont inévitablement influencées par nos conceptions
de la mort. Les enseignements baha’is admettent une continuité dans l'évolution
de l'âme humaine, vers un état d'existence spirituelle, qui, bien que proche de
nous, reste imperceptible à nos cinq sens (voir Baha’u’llah, 20, LXXIX et suite).
C'est ainsi qu’‘Abdu'l-Baha l'explique au Professeur Forel
"Tous les philosophes religieux, les sages et les rationalistes, observant ces
créatures en nombre infini, ont remarqué que dans cet immense et incommensurable
univers, tout aboutit au règne minéral, que ce monde minéral a donné naissance
au monde végétal, celui-ci au monde animal, et le monde animal au monde humain.
L'aboutissement de cet univers infini, dans toute sa majesté et sa splendeur,
c'est l'homme lui-même qui, en cette existence, peine et souffre quelque temps,
endure chagrins et maladies puis, à la fin se désagrège sans laisser ni traces
ni fruits. S'il en était ainsi, il n'est pas douteux que cet univers infini, avec
toutes ses perfections, aboutirait à une erreur, une disgrâce sans résultat, sans
esprit de suite, sans utilité, et qu'il serait dépourvu de toute signification.
Les philosophes furent alors convaincus qu'il n'en est pas ainsi ; cette Entreprise
grandiose avec toute sa puissance, son effarante splendeur et ses perfections
sans limites, ne peut en fin de compte aboutir au néant. Qu'une autre vie existe
est donc certain et, de même que le règne végétal est inconscient de L'existence
de l'homme, nous ne connaissons rien non plus dé cette grande Existence dans l'au-delà,
après la vie sur cette terre."
(2, p. 14)
Par ailleurs, il explique :
«L'annihilation totale est impossible... la composition est toujours sujette à
la décomposition ou désintégration ; c'est-à-dire l'existence implique le groupement
des éléments en une forme ou en un corps et la non-existence implique la décomposition
de ces groupements ( ... ). Cette association composée d'éléments dans la forme
d'un corps humain est donc sujette à la décomposition... l'atome qui entre dans
la composition de l'arbre meurt dans le domaine minéral; consommé par l'animal,
il meurt pour le domaine végétal, et ainsi de suite jusqu'à son transfert... dans
le domaine humain mais en le traversant il était sujet à la transformation et
non à l'annihilation. La mort, donc, signifie le transfert d'un degré ou d'une
condition à une autre. Dans le monde minéral il y avait un esprit d'existence
; dans le monde des plantes... il est réapparu comme esprit végétal ; d'où il
atteint d'esprit animal et finalement aspire à l'esprit humain.
Le but est ceci : - les dons éternels que Dieu a accordés à l’homme sont indestructibles...
Donc l'homme, créature suprême du monde des phénomènes, est doté par cette bonté
constante de l’incessante générosité divine ; aucune interruption n'en est concevable...
Le concept d'annihilation est un facteur de dégradation humaine, ... une source
de peur et d'abaissement. Elle a conduit à la dispersion et l'affaiblissement
de la pensée humaine, alors que la prise de conscience d'existence et de continuité
a élevé l'homme vers la sublimité des idéaux, a établi les bases du progrès humain
et a stimulé le développement des vertus célestes ; . .. dans le monde spirituel
les dons divine sont infinie, car dans ce domaine, il n'y a plus la séparation
ni la désintégration qui caractérisent le monde d'existence matérielle".
'Abdu'l-Baha (3, P. 32), (Cf 7, pp-83-84, 247-55)
Notons que le respect du corps dans les pratiques funéraires baha'is contraste
avec la pratique d'incinération Hindou (qui est proscrite) ou la pratique Zoroastrienne
de laisser les corps en proie aux vautours. Si pour les morts, ces pratiques ont
une influence discutable, pour les vivants, ceux qui en sont témoins, ces pratiques
marquent leur conception du corps humain. Nous pouvons distinguer deux extrêmes
: d'une part les pratiques de l'Egypte antique qui niaient la mort, et les pratiques
qui méprisent le corps humain en se fixant sur la seule valeur de l'esprit.
Notre perception de la vie et de la mort n'est pas une considération purement
philosophique ; elle dicte notre conduite dans ce monde et toute incohérence dans
notre conception mène à une incohérence dans nos efforts, avec une perte d'énergie
considérable. Il n'est donc nullement étonnant que ce soit autour de telles conceptions
que des civilisations naissent et en leur absence qu'elles se désintègrent.
Pour le médecin, ces notions dictent son attitude envers la mort, la souffrance
et le comportement de ses malades. Ces notions font partie de la physiologie humaine
et c'est en les évitant que nous aboutissons à des conduites de fuite devant les
véritables problèmes des malades. Le stress peut être abordé d'une autre manière
que par des médicaments. Selye aboutit à trois lois concernant le stress sans
détresse :
(1119 123)
1 - Faire son propre chemin
2 - Etre égoïste avec des motifs altruistes
3 - Mériter l'amour de son prochain.
Le stress de la vie, nous avons vu, peut être le moteur de notre progrès comme
la source de maladie ; ce sont ces modes de perception qui déterminent si le stress
est un "Eustress" ou une "Détresse" et c'est la religion qui nous fournit ces
données. Il est peu étonnant que quand celle-ci présente des incohérences, la
société se désintègre et se tourne si souvent vers des conduites qui cherchent
à neutraliser le stress : drogue, anxiolytiques, ou régression à des modes de
vie animale (pour ne pas dire végétative).
Rappelons-nous de l'illustration d’ ‘Abdu'l-Baha : c'est la religion qui détermine
si la larme est de joie ou de chagrin (11.4) comme c'est aux lois proches de celles
de la religion qu'aboutit Selye. La religion, notons bien, n'est pas uniquement
sédative mais aussi stimulante. Même si on la qualifiait, dans certains cas, d’
«opium», ne serait-elle pas préférable à l'opium qui mine notre société en ce
moment ? Une ancienne toxicomane intégrée dans la communauté baha'ie affirme "...
je me suis passée de la drogue en trouvant dans la communauté et dans les prières
le même sentiment d'unité que je trouvais en me droguant".
CHAPITRE
IV - LA MALADIE
Nous avons vu que ces notions élargies de la santé nous apportent une vue générale
de la physiologie humaine. Il faut être cependant réaliste la maladie est une
réalité journalière pour le médecin et la conception baha'ie le ne doit pas être
confondue avec les mouvements d'anti-médecine et les excès qu'ils impliquent.
La fixation actuelle sur des notions étroites de pathologie est certes insuffisante
et la pratique médicale doit être intégrée dans un contexte de santé publique
à laquelle participeraient en véritable esprit d'équipe les différentes branches
des sciences humaines ; la thérapeutique, verrons-nous, isolée à un séjour hospitalier
est incomplète. Toute aussi insuffisante serait l'attitude d'abandonner ceux qui
seraient les victimes de notre mode de vie. Regardons l'attitude baha'ie.
A de nombreuses reprises nous lisons des textes semblables
«... les divins remèdes qui guériront l'homme de toutes les maladies et lui donneront
la santé du divin royaume, ... sont les préceptes et les enseignements de Dieu
; gardez-les donc avec soin".
'Abdu'l-Baha, (8, p. 94)
Nous allons d'abord regarder les enseignements qui s'adressent à l'individu, puis
la place et les responsabilités du médecin, la thérapeutique et enfin la guérison.
IV.1 - L'INDIVIDU ET LA MALADIE
IV.1.a - HYGIÈNE DE VIE
* La Propreté
La religion a non seulement fourni la trame culturelle de la civilisation, mais
elle a également contribué à la vulgarisation d'une hygiène alimentaire et corporelle.
Les gynécologues savent, par exemple, que les cancers du col utérin sont exceptionnels
chez les femmes juives. On ne sait encore si c'est l'interdiction de rapports
sexuels pendant certaines périodes de vie génitale (menstruation, grossesse) ou
la circoncision des hommes qui en est la raison.
Nous avons vu aussi que les lois apportées par l'Islam, avaient transformé les
tribus sauvages et guerrières de l'Arabie en une civilisation prospère. Les lois
d'hygiène corporelle et alimentaire y avaient très probablement joué un rôle important.
Alors que l'Europe était dans l'ignorance médiévale et l'hygiène corporelle pratiquement
inexistante, les Maures avaient construit de nombreux bains en Espagne. Nous apprenons
par Cobb, que la culture islamique étant prohibée après la chute de Grenade, ces
bains tant appréciés par toute la population cosmopolite furent détruits. Tout
citoyen Espagnol trop porté à la baignade était suspect d'hérésie et soumis à
l'inquisition! (37, p. 45)
Les écrits baha'is contiennent de nombreux textes au sujet de la
propreté physique, l'emploi d'eau propre pour la consommation et pour le lavage,
l'emploi de couverts pour manger, etc. Si ces textes semblent parler de choses
évidentes pour nous, il ne faut pas perdre de vue qu'ils sont adressés à l'humanité
toute entière.
Alors que de nos jours, la "spiritualité" se cherche parfois dans
les modes de négligence vestimentaire et corporelle, 'Abdu'l-Baha affirme:
"...la propreté extérieure, bien qu'étant une chose physique, exerce une forte
influence sur la spiritualité".
(8, P. 101),(54,p. 134)
* Hygiène Alimentaire
La première partie de la Tablette de Baha'u'llah au Médecin est essentiellement
constituée des conseils d'hygiène de vie tels que: Ne manger que quand on a faim,
ne boire que quand on a soif, ne pas faire d'exercice sur un estomac plein, importance
du petit déjeuner, bien mastiquer avant d'avaler, ne pas manger en excès, manger
des repas simples, etc...
La diététique, comme nous le reverrons, est importante
"Traitez la maladie de préférence avec La diète, et n'abusez pas de médicaments.
Si des remèdes simples suffisent, ne recourez pas aux remèdes complexes. ... abstenez-vous
de médicaments lorsque votre santé est bonne, mais utilisez-les lorsque c'est
nécessaire."
Baha'u'llah, Tablette au Médecin, (54, 8)
Baha'u'llah prescrit une période de jeûne de 19 jours par an, (du 2 au 20 mars
inclus). Bien que de nombreuses explications diététiques soient proposées pour
démontrer les avantages du jeûne, Baha'u'llah demande que ce soit par "amour de
Dieu".
Nous pouvons cependant citer quelques bienfaits, dont le changement radical du
rythme de vie lié aux habitudes prandiales. Cet effort maintient une souplesse
d'esprit et permet souvent d'abandonner, à l'occasion du jeûne, des accoutumances
indésirables.
Par ailleurs, il semblerait que des périodes de privation alimentaire soient physiologiques
pour l'homme. Les peuplades qui vivent d'une agriculture primitive ont des variations
pondérales saisonnières de 6 à 8 kg. On sait aussi que les peuplades qui ont connu
des périodes de privation alimentaire bénéficient d'une longévité relative (123).
Les enfants, les personnes âgées, les malades, les femmes enceintes, celles qui
allaitent ou qui sont en période menstruelle, ainsi que les voyageurs et les travailleurs
de force sont dispensés du jeûne (54, 21).
En parlant du jeûne, ‘Abdu'l-Baha dit :
"Le jeûne est un symbole... de même qu'on s'abstient des appétits physiques.,
on s'abstient des appétits et des désirs égoïstes ; la simple abstention de nourriture
n'a pas d’effet sur l'esprit... Jeûner pour ce motif ne signifie pas une abstinence
totale de nourriture. ... La modération est nécessaire. Il y a une secte en Inde
qui pratique L'abstinence extrême... mais leur intelligence en souffre. Un homme
n'est pas apte à servir Dieu en esprit ou en corps s'il est affaibli par le manque
de nourriture... Dieu sait mieux que tous. Il nous a donné un appétit ; donc nous
devons manger... on doit faire preuve de modération et de bons sens."
(10, p. 74)
Il est intéressant de préciser que jeûner en dehors de la période prescrite, comme
c’était souvent le cas chez les ascètes, n'est pas interdit mais Baha'u'llah ajoute
que "les voeux qui bénéficient à L'humanité sont préférables aux yeux de Dieu."
(21, p. 39)
La nourriture animale n'est pas défendue, mais ‘Abdu'l-Baha prédit que dans l'avenir
la nourriture sera composée de fruits et de grains. (54, p. 131). En dehors des
conseils de modération, il n'y a pas d'interdiction alimentaire particulière,
sauf en ce qui concerne le gibier trouvé mort (21, p. 63).
* Mode de vie
Dans sa Tablette au médecin, Baha’u’llah insiste par ailleurs, sur l'importance
de lutter contre la maladie en traitant les causes. Il met en garde contre les
méfaits de la colère, de la jalousie, des chagrins et de l'anxiété. Il conseille
le contentement en toutes circonstances et prône 1 abandon des mauvaises habitudes
(54).
L'alcool et les drogues sont interdits, sauf sur prescription médicale (54, p.
132). Le tabac est fortement déconseillé ; ‘Abdu'l-Baha écrit :
"...0 amis de Dieu ! L'expérience a montré combien l'abandon du tabac, du vin
et de l'opium donne la santé, la force, les plaisirs intellectuels, un jugement
pénétrant et la vigueur physique...
Ainsi donc, efforcez-vous de rendre resplendissante parmi les baha'is, la plus
grande propreté... afin que par la propreté et la pureté, le raffinement et la
santé, ils soient les plus grands des sages et par leur affranchissement, leur
prudence et le contrôle de leurs désirs ils puissent être les princes des pure,
des libres et des sages.»
Tablets of ‘Abdul-Baha, Vol. III P.585, (126)
Nous voyons dans la pathologie courante, de nombreuses manifestations de ce manque
d'hygiène de vie. Il n'y a guère que la motivation personnelle qui peut y remédier.
Dr Charbonneau, Directeur Général de la Santé expliquait : "Il est toujours aisé
de faire une loi prônant la vaccination... Il est beaucoup plus difficile d'interdire
de fumer ou de trop manger, d'interdire l'alcool ; car on est obligé de faire
appel à l'homme lui-même et de lui demander de se contr6ler... on est face à des
maladies auto-destructives et dégénératives" (123).
L'éducation et les traditions sont souvent en cause dans l'adoption de ces modes
de vie. Le plaisir est une faculté qui se développe et s'oriente selon l'impulsion
de l'environnement social, et nous pouvons apprendre à nous délecter d'une autre
forme de plaisir que celui qui détruit le corps Baha'u'llah écrit :
«... buvez... le vin mystique de la coupe de mes paroles... Enivrez-vous du vin
de l'amour de Dieu, et non de ce qui anéantit vos esprits...»
(112, p. 46)
IV.1.b. - LE TERRAIN
La maladie, nous avons vu, n'est pas due au "mal", mais le mode de vie, par contre,
joue pour fournir ce que nous appelons le terrain des maladies.
Nous pouvons donc comprendre que dans une de ses tablettes (12),
'Abdu'l-Baha ait différencié les causes de la maladie en causes spirituelles profondes
et en causes physiques apparentes.
* Causes profondes
Il attribue les causes spirituelles profondes aux "péchés" ; autrement dit, à
la négligence des prescriptions de Dieu. Les causes physiques apparentes sont
liges à une perturbation de l'équilibre des constituants du corps humain.
C'est ainsi qu'il continue
«...si l'humanité était libre de la souillure des péchés et des caprices, et vivait
selon un équilibre naturel et inné, sans aller là où ses passions le mènent, il
est indéniable que les maladies ne prévaudraient plus, et ne se diversifieraient
pas tant.
Mais l'homme a continué de façon perverse à se soumettre à ses appétits concupiscents,
et il ne s'est pas contenté de nourritures simples..."
(12)
L'animal, explique-t-il ensuite, ne se livre pas à ses pulsions persistantes et
se contente de nourriture simple ; bien que ses constituants corporels soient
semblables à ceux de l'homme, ses maladies sont plus rares
"... Une fois engendrées, ces maladies deviennent complexes, se multiplient, et
se transmettent aux autres. Telles sont les causes spirituelles et profondes de
la maladie".
(12)
Nous comprenons bien que les facteurs du terrain tels que les habitudes alimentaires,
l'alcoolisme et le tabac soient considérés comme "contagieux".
* Causes apparentes
La santé de ce domaine intangible ou spirituel, est liée à la santé physique car,
par ailleurs, nous lisons d'‘Abdu'l-Baha :
«La santé spirituelle conduit à la santé physique".
(10, p. 163)
Le cas de la tuberculose peut illustrer ceci. Si le bacille isolé par Koch est
l'agent pathogène, l'alimentation, le contexte psychosocial et l'état général
de l'hôte déterminent l'éclosion de la maladie.
Qu'‘Abdu'l-Baha fasse allusion à ce que nous connaissons sous le terme de "terrain",
semble se confirmer par la suite :
"Le facteur causal externe et physique de la maladie, cependant, est la perturbation...
de l'équilibre proportionné de tous ces éléments composante du corps humain...
Quand... ces constituante varient... il est certain que cela préparera pour l'incursion
de la maladie".
"Cette question mérite une investigation très soigneuse. Sa Sainteté le Bab a
dit que le peuple de Baha (les baha'is) doit développer la science médicale à
un degré tellement élevé, qu'il puisse guérir les maladies avec la nourriture...
le rôle du médecin habile est de déterminer lequel des constituante du corps de
son patient a diminué, et lequel a augmenté. Une fois qu'il a découvert cela,
il doit prescrire une alimentation qui contient l’élément diminué en quantité
importante, afin de rétablir l'équilibre fondamental du corps. Une fois que la
constitution du patient aura été rééquilibrée, il sera débarrassé de la maladie"
(12)
Pour appuyer cette thèse, ‘Abdu'l-Baha rappelle que l'animal, sans la moindre
connaissance de la pharmacopée, cherche l'herbe qui convient à son état, rééquilibrant
ainsi ses constituants corporels. Il maintient alors, que ce sont les sens qui
l'attirent vers ce qui plaît au goût et à l'odorat de même pour l'homme :
«... Et pareillement, lorsque la constitution est dans un état d'équilibre, il
n'y a pas de doute que ce qui est appétissant sera bénéfique à la santé.»
C'est ainsi qu'il termine ses prédictions
"Quand les médecins hautement habiles auront développé la guérison des maladies
au moyen de la nourriture, auront stipulé des nourritures simples, et interdit
à l'humanité de vivre asservie à ses appétits sensuels, il est certain que l’incidence
des maladies chroniques et diversifiées diminuera, et la santé générale de l'humanité
sera beaucoup améliorée. Ceci est destiné à se produire. De même, dans le caractère,
la conduite et les manières des hommes, des modifications universelles seront
effectuées."
'Abdu'l-Bahé, Tablette à un croyant (12)
En dépit des apparences, les maladies alimentaires constituent un fléau mondial
majeur : Souvenons-nous des 70 % de sous-alimentés (III.4.b) et le pourcentage
non négligeable de suralimentés qui fournissent le terrain pathogène. Précisons
toutefois que si, en apparence, ces affirmations d'‘Abdu’l-Baha rappellent certaines
théories asiatiques (dont le Zen Macrobiotique d’Oshawa) deux différences majeures
sont à souligner ; d'abord, nous voyons qu'‘Abdu'l-Baha parle d'une technique
de dosage scientifique et non purement empirique et approximative ; d'autre part,
ce texte parle des habitudes alimentaires comme étant déterminées par l'état spirituel
de l'individu et non le contraire. Ces théories asiatiques par contre insistent
sur le rôle de l'alimentation sur l'état spirituel de l'homme ; de très nombreux
vices du comportement étant attribués à l'alimentation et surtout à la consommation
carnée. Nous nous souvenons qu'à ce propos Jésus avait expliqué que ce n'est pas
ce qui entre par la bouche mais ce qui en sort qui rend l'homme impur.
IV.1.c. - LA PERCEPTION DE LA MALADIE
Cette hygiène de vie est à différencier d'une conduite phobique qui ne conçoit
la vie qu'en termes de maladie imminente ; c’est la santé qui doit fixer notre
attention et non la maladie, bien que celle-ci soit une condition obligatoire
:
"Bien que la maladie soit un des états inévitables de 1 'homme, en vérité elle
est difficile à supporter. Le privilège d'une bonne santé est le plus grand de
tous les dons."
Lettre d'‘Abdu'l-Baha à un croyant (126)
Si nous avons parlé de notre négligence comme pouvant être à l'origine de la maladie,
précisons qu'il ne faut pas considérer toute maladie comme une punition :
«... les bonnes ou mauvaises actions sont, pour une grande part, laissées à la
volonté de L'homme. Mais il y a d'autres cas où l'homme est déterminé ou forcé
: ainsi le sommeil, la mort, les maladies, le déclin de ses forces»
‘Abdu'l-Baha,(6, p. 282)
L'histoire biblique de Job(82bis) nous fournit un exemple frappant de cette vérité
directement opposée à l'idée d'un Dieu vengeur. Citons aussi la loi du Karma qui
explique la souffrance comme étant la conséquence des actes d'une vie antérieure
punis lors de la réincarnation. Ces croyances communes aux Hindous, aux Bouddhistes
sont explicitement écartées par les enseignements baha’is (6, p. 318), et ne sont
pas admises par toutes les écoles de pensée de ces deux religions (43 bis, p.
106).
De très nombreux textes baha'is (17, 18, 20, 22 bis, 8, 10, etc... ) exposent
l'attitude baha’ie envers les épreuves et les tribulations. Très brièvement, la
souffrance est décrite comme une condition inhérente à cette vie ; l'individu
est considéré comme responsable de certains malheurs, mais d'autres peuvent être
perçus comme une possibilité de compréhension et d'évolution spirituelles. Ces
"épreuves" ont un but éducatif dans les deux cas et ne relèvent pas de la haine
de Dieu, mais de son amour (Voir 8, p. 152).
‘Abdu'l-Baha explique :
"Car les maladies qui t'assaillent ne sont pas dues aux péchés, mais existent
pour que tu détestes ce monde et que tu saches qu'il n'y a pas de repos ni de
tranquillité dans cette vie temporaire".
(10, p. 169)
De ces lignes se dégage l'idée que la maladie nous rappelle la nature transitoire
de la vie humaine et nous pousse à nous débarrasser d'un attachement excessif
(Voir III.6.a).
«... Souvent les maladies physiques rapprochent l'homme de son créateur, vidant
son coeur de tout désir terrestre... bien que les maladies physiques fassent souffrir
l'homme temporairement, elles ne touchent pas son esprit. Au contraire, ... des
sensibilités spirituelles seront créées dans son coeur.»
'Abdu'l-Baha (10, P. 166)
Le fatalisme envers la maladie est erroné :
"Il y a deux sortes de destinées : l'une est décrétée ; l'autre subordonnée...
pour cette lampe, la destinée décrétée est que l'huile brûle et se consume ; son
extinction est donc une chose décrétée... de même, chez L'homme, il existe une
force dont l'épuisement et l'extinction déterminent sans aucun doute la décomposition
du corps ; ... Quant à la destinée subordonnée, c'est lorsqu'il y a encore de
l'huile et qu'un vent violent souffle et éteint la lampe... il est utile et nécessaire
de l'éviter, de s'en protéger.»
‘Abdu'l-Baha, (6, p. 278)
Pour rétablir l'homéostasie toutes les facultés de l'homme doivent jouer ; c'est
ainsi que Shoghi Effendi conseillait un croyant :
«C’est sa conviction que vous ne devez pas vous désespérer de votre état, mais
au contraire vous confier aux meilleurs spécialistes que vous pouvez trouver pour
combattre cette maladie spirituellement et physiquement."
Lettre de la part de Shoghi Effendi, du 6 janvier 1945 (126)
Et encore :
«... il lui conseille de ne pas se soumettre passivement à sa maladie, mais de
se procurer les meilleurs soins possibles sous la conduite du meilleur médecin
disponible."
Lettre de la part de Shoghi Effendi à un croyant, du 17 janvier 1945 (126)
Le service à la société est sûrement un moyen de rétablir une certaine "homéostasie" :
«Il vous encourage, en dépit de votre invalidité, de continuer à transmettre le
message de Baha’u'llah, car ceci vous attirera des bénédictions divines.".
Lettre de Shoghi Effendi, 1er Avril 1951 à un croyant(126)
79
Le stress de la maladie peut être perçu comme un "eustress"
"Il continuera certainement à prier pour le progrès de votre fils à surmonter
ses troubles du langage ; troubles qui, en dépit de l'embarras qu'ils lui occasionnent,
ne font que mieux faire admirer ses efforts par son entourage."
Shoghi Effendi, lettre de sa part le 5 août 1949 à un croyant (126)
* Troubles mentaux
La perception de la maladie a sûrement en effet sur son évolution :
"Comme vous le savez, il y a un grand nombre de maladies et de troubles mentaux
en ce moment, et la chose que les baha'is ne doivent précisément pas faire est
d'adopter une attitude défaitiste à leur égard. Le pouvoir inhérent à la Foi est
tel qu'il peut nous soutenir à un niveau beaucoup plus élevé que ceux qui en sont
privés, quelle que soit la maladie. Mais ceci ne veut pas dire que nous devons
nous détourner de l'opinion et du traitement médicaux. Au contraire, nous devons
faire de notre mieux pour obtenir l'avis des spécialistes et des médecine compétents."
Lettre de Shoghi Effendi du 12 janvier 1957 à un croyant (126)
On parle de maladie mentale ici, mais toute maladie a une participation mentale.
SOLIGNAC (119 bis) rapporte l'observation d'une sclérose en plaques à évolution
foudroyante chez une malade persuadée que sa maladie était une bénédiction divine
!
Bien que le r6le de l'environnement social dans la genèse des maladies mentales
soit sousentendu ici, ce serait une simplification abusive que de vouloir attribuer
toute la pathologie mentale à la société :
"Il est très pénible d'être atteint de quelque maladie, mais surtout d'une maladie
mentale. Cependant, nous devons toujours nous rappeler que ces maladies n'ont
rien à faire avec notre esprit ou avec nos relations intérieures avec Dieu. Il
est grand dommage que jusqu'ici si peu soit vraiment compris du psychisme, de
son fonctionnement, et des maladies qui l'atteignent ; indubitablement, au fur
et à mesure que le monde devient plus spirituel, et que les savants comprennent
la vraie nature de l'homme, des remèdes plus humains et plus durables seront trouvés
pour les maladies mentales.
"Vous devez toujours vous rappeler qu'aussi affligée que vous ou d'autres soyez
par vos troubles mentaux, ou par l'environnement écrasant de ces institutions
d'état, votre esprit est en bonne santé Près de notre bien-aimé, et que dans l'autre
monde, il jouira d'un état d'âme heureux et normal. Espérons, en attendant, que
les savants trouveront des remèdes meilleurs et plue durables pour ceux qui sont
atteints mentalement. Mais dans ce monde, une telle maladie est vraiment un lourd
fardeau à porter."
Shoghi Effendi, Lettre du 12 avril 1948 à un croyant, (126)
Sans aucun doute, la transformation des valeurs de notre société apportera des
concepts totalement nouveaux modifiant ainsi non seulement l'hygiène mentale,
mais aussi la pathologie mentale, ouvrant ainsi des horizons thérapeutiques insoupçonnés.
Dans une de ses lettres la Maison Universelle de Justice adresse ainsi un médecin :
«... en tant que baha’i, vous savez que Baha'u'llah enseigne que le but de la
vie humaine, la nature de l'être humain, et la conduite des vies humaines est
divinement révélé... il vous prendra inévitablement un certain temps non seulement
pour étudier les enseignements baha’is afin de clairement les comprendre, mais
aussi de trouver comment ceux-ci modifient vos concepts professionnels... On découvre,
bien souvent au cours de recherches un facteur qui exige une révolution dans la
façon de penser sur un vaste champ d'efforts humains... votre propre compréhension
des problèmes humains, en rapport avec votre travail, changera et se développera,
vous faisant percevoir de nouveaux moyens perfectionnés pour venir en aide aux
personnes qui viendront à vous. La psychologie est encore une science très jeune
et inexacte, et dans les années à venir, les psychologues bahais qui connaissent
par les enseignements de Baha’u’llah le vrai modèle de la vie humaine, seront
capables de faire avancer à grands pas le développement de cette science..."
(Lettre du 6 février 1973)
* But de la Santé
La santé en soi ne peut pas être considérée comme but :
«... vous devez toujours avoir à l'esprit le conseil de Baha'u'llah que nous devons
prendre le plus grand soin de notre santé, sûrement pas comme une fin en soi,
mais comme un moyen nécessaire pour servir Sa Cause...»
Shoghi Effendi, Lettre du 17 juillet 1937, à un croyant(126)
‘Abdu'l-Baha l'explique ainsi :
"Si la santé et le bien-être du corps sont utilisée dans le chemin du royaume,
cela est acceptable et digne de louanges ; s'ils sont dépensée au bénéfice de
l'humanité en général - même si c'est à son bénéfice matériel ou corporel - et
s'ils deviennent des moyens de faire le bien, cela aussi est louable. Mais si
cette santé et ce bien-être de homme sont gaspillés en convoitise sensuelle, en
aspirations bestiales et en plaisirs diaboliques, alors mieux vaudrait la maladie ;
que dis-je, la mort elle-même serait préférable à une telle existence. Si tu désires
la santé, que ce soit pour servir le royaume".
(54, p. 147), (8, p. 105)
La véritable santé, nous voyons, implique une santé de comportement.
* La Vie humaine
Il est très important de préciser que si le but de la santé est de servir la société,
le but unique de la thérapeutique n'est pas la "rentabilité" sociale de l'individu :
"On doit obéir au commandement de Dieu et se soumettre à l'opinion médicale. Vous
avez entrepris ce voyage pour observer son commandement et non pour guérir, car
la guérison est dans la main de Dieu, et non dans la main des médecins."
‘Abdu'l-Baha, lettre à un croyant (126)
Se soumettre à la thérapeutique semble donc un précepte en soi. La valeur de la
vie humaine (hélas encore peu respectée dans l'anachronisme de la guerre), est
sans doute une raison à cette attitude.
La valorisation de la vie humaine est indiscutablement un puissant facteur qui
doit diriger notre comportement et notre attitude envers la société :
«... Vous avez sûrement bien agi de lui conseiller, d'emmener sa fille à l'hôpital
et de lui procurer le meilleur traitement que la science médicale puisse offrir,
aussi critique et désespéré que les médecins aient pu juger son cas. Ce faisant,
vous vous êtes conformé pleinement au conseil si souvent et si tendrement donné
par Baha’u’llah : en cas de maladie nous devons invariablement consulter et suivre
le traitement des médecins compétente et consciencieux.»
Lettre de Shoghi Effendi, du 18 juin 1939 (126)
Nous nous demandons, si la pratique de l'euthanasie pour la tuberculose aurait
permis de trouver un remède pour cette maladie. Il faut très certainement rester
modéré ici aussi, et le but de la médecine ne doit pas uniquement se résumer à
tromper la mort ; l'homme, néanmoins, n'a pas à "baisser les bras" pour se soumettre
à la nature :
«... tandis que toutes les créatures sont prisonnières de la nature, et ne peuvent
s'affranchir de ses exigences, l'homme seul lui résiste. La nature attire les
choses vers le centre de la terre ; l'homme trouve un instrument pour s'en éloigner
et pour s'envoler dans l'air.".
‘Abdu'l-Baha, (6, p. 215)
SALOMON (104) décrit les situations épouvantables qui surgissent fréquemment lorsqu'en
chirurgie infantile, les parents démissionnent en laissant périr par manque de
soins et de nourriture des enfants autrement curables. Leur alibi : l'euthanasie.
Si l'acharnement thérapeutique est aujourd'hui au "banc des accusés", la démission
thérapeutique dévalorise la vie humaine, prive des quelques survies spectaculaires
et "miraculeuses" qui viennent parfois étonner le praticien courageux. Il n'est
pas à négliger que les soins apportés à un individu peuvent servir d'expérience
pour sauver un autre, et ceci, l'individu peut le comprendre et l'accepter.
* Comment se soigner
Baha'u'llah lui-même ordonne d'une manière sans équivoque la façon de se soigner :
"Consultez un médecin compétent lorsque vous êtes malade. En vérité nous n'avons
pas aboli le recours aux moyens matériels (de guérison) mais au contraire, nous
l'avons affirmé par cette Plume dont Dieu a fait l’Aurore de la Lumineuse et resplendissante
Cause".
Baha'u'llah, Kitab-i-Aqdas (126)
Cette loi a été à maintes reprises répétée par ‘Abdu'l-Baha' et par Shoghi Effendi,
sans doute pour répondre aux personnes qui s'imaginaient que la spiritualité suffisait
à notre vie :
«... tu m'as écrit au sujet de ta mauvaise vue. Selon les écritures divines explicites,
les malades doivent s'adresser à un médecin. Ce décret est décisif et tous sont
tenue de l'observer : ... tu dois consulter le plus habile et le plus notoire
des spécialistes des yeux."
'Abdu'l-Baha', lettre à un croyant (126)
Le rôle du médecin dans la vie devrait être plus grand ; sans doute serait-ce
surtout son rôle d'informateur et d'éducateur qui serait à développer :
«... Vous devez toujours avoir présent à l'esprit les instructions de Baha’u’llah
impliquant qu'en cas de maladie, si bénigne soit-elle, nous devons toujours solliciter
l'aide et le conseil du plus compétent des médecins."
Shoghi Effendi, Lettre de sa part à un croyant, 17 Avril 1937(126)
* Choix du praticien
Bien que l'insistance sur la qualité du médecin soit grande, le choix du praticien
semble libre :
"Dans les enseignements baha’is il est rendu très clair qu'en cas de maladie on
doit solliciter le meilleur conseil médical disponible. Naturellement, ceci laisse
l'individu libre de choisir ce qu'il considère comme une bonne opinion médicale.
Si vous et la mère de... trouvez qu'elle s’améliore, sous l'attention de votre
médecin, et que ..., peut bien attendre avec patience de voir si elle continue
à faire des progrès, il ne peut certainement pas y avoir d'objection à son attitude."
Shoghi Effendi, Lettre du 12 janvier 1957 à un croyant (126)
Si dans la thérapeutique la confiance au médecin est nécessaire, a guérison pour
une part, est laissée à la volonté de Dieu :
«... suivre leurs instructions et laisser le reste dans les mains de Dieu.»
Shoghi Effendi, Lettre du 29 juin 1938 (126)
* L'entourage
Le rôle de l'entourage du malade est précisé :
"0 toi, serviteur de Dieu ! Soigner les malades est un des plus grande devoirs.
Pour chaque âme qui devient malade, les autres amis doivent certainement offrir
leurs vies (en services) avec la plus grande sympathie."
Tablettes d'Abdu'l-Baha, Vol. I, p., 149 (126)
«... étant versés dans la science médicale, ils peuvent soigner même mieux qu’une
mère affectueuse. Vous pouvez aider en priant pour lui, et, en même temps, en
aidant les médecine à le soigner."
Lettre du Gardien à un croyant, 9 avril 1933, (126)
IV.2. - LE MEDECIN
La place accordée à la science médicale et au médecin par Baha'u'llah est très
grande :
"Cette connaissance (de l'art de guérir) est la plus importante de toutes les
sciences, car elle est le meilleur moyen donné par Dieu - celui qui donne la vie
à la poussière - pour préserver les corps des hommes. Il l'a placée au premier
rang de toute science et de toute sagesse."
Tablette à un Médecin, (8, p. 100), (54, p. 144)
L'obligation de consulter un médecin est étendue à tous :
«Selon le décret explicite de Baha’u’llah, on ne doit pas négliger les conseils
d'un médecin compétent. C'est impératif d'en consulter un, même si le patient
lui-même est un médecin illustre et éminent. En bref., il S'agit de conserver
sa santé en consultant un médecin hautement qualifié."
Abdu'l-Baha, Tablette à un croyant, (126)
Par ailleurs, la responsabilité du médecin et le pouvoir qui lui est accordé semblent
énormes ; Baha'u'llah écrit
"Tout ce que le médecin ou chirurgien compétent prescrit doit être accepté et
observé, mais ils doivent être ornés de l'ornement de justice. Cependant, s'ils
sont dotés de compréhension divine, ce serait certainement préférable..."
(126)
Alors que l'alcool et les drogues sont interdits par Baha'u'llah, le médecin peut
les prescrire (54, p. 132), et bien qu'une période de jeûne (19 jours par an)
soit ordonnée par Baha'u'llah, en cas de faiblesse ou de maladie, le médecin peut
l'interdire. Par ailleurs, une liberté thérapeutique semble être accordée à la
science médicale :
"Le Gardien., aussi grande que soit sa compassion pour vos craintes et souffrances,
ne peut pas vous dire si l'électrochoc doit ou ne doit pas être employé car c'est
un problème purement médical et n'y a aucune référence à de tels détails dans
nos écrits saints. Les meilleurs savants doivent se prononcer sur de tels procédés
et non les profanes".
Lettre de la part de Shoghi Effendi du 12 avril 1948) (126)
Une mise en garde d'‘Abdu'l-Baha au sujet des sciences occultes est ainsi expliquée
par Shoghi Effendi :
« ‘Abdu'l-Baha nous a mis en garde contre ce qui se définit comme science occulte
; mais nous pouvons bénéficier de toute forme d’autosuggestion ou d’hypnotisme
utilisée par la science médicale, et par un médecin de qualification adéquate,
si nous sentons que le praticien qui utilise de tels moyens est qualifié et n'abusera
pas de ses droits.»
Lettre de Shoghi Effendi du 15 février 1957 à un croyant (126)
‘Abdu'l-Baha explique que même le mensonge, défaut qu'il qualifie de "haïssable",
lorsque utilisé dans une bonne intention, est acceptable
«... si un médecin console un malade en lui disant : "Grâce à Dieu, ta santé est
meilleure, et j'espère en ta guérison, même si ces paroles sont contraires à la
vérité, elles peuvent servir à consoler le coeur du malade, et être la source
de sa guérison. Cela n'est pas blâmable.".
(20, LXXXIX)
IV.2.a. - LA MEDECINE PARALLELE
Deux aspects ressortent dés qualificatifs du médecin compétent l'un est sa formation,
l'autre la nécessité d'une certaine spiritualité dans la pratique de ses fonctions.
Il ne s'agit pas de n'importe quelle formation on ne peut apparemment pas parler
d'une médecine "parallèle", mais il y a place pour un développement para-médical
qui engloberait tout ce qui est connu au sujet de la santé humaine :
«Il n'y a pas de "guérisseur" baha’i ... Baha’u’llah dit qu'il faut consulter
les meilleurs médecins, autrement dit, ceux qui ont étudié un système médical
scientifique... tant que votre guérison n'est pas en contradiction avec ces principes ;
tant que vous n'essayez pas de remplacer le médecin habituel... mais que vous
essayez simplement de donner votre genre d'assistance par des suggestions constructives...
le Gardien ne voit pas de mal à ce que vous continuiez votre aide aux autres...
La prière, sans doute, aidera le monde, mais ce dont il a besoin, c'est d'accepter
le système de Baha'u'llah afin de construire l'Ordre Mondial sur une nouvelle
fondation : une fondation divine."
Shoghi Effendi, Lettre du 6 juin 1948
Un certain mépris de la part du corps médical est certainement responsable de
la création d'une médecine "parallèle" ou "alternative". Il ne peut y avoir de
multiples sciences. La vérité n'est qu'une, bien qu'elle présente des facettes
multiples, dont certaines encore mal comprises. Lorsque la synthèse de tout ce
qui est connu à propos de la santé humaine sera faite, alors seulement découvrirons-nous
des aspects ignorés de la science, en écartant les superstitions accumulées au
cours des siècles.
L'avenir prouvera sans doute que la santé peut être rétablie par l'agencement
de plusieurs facteurs thérapeutiques, comme nous avons appris que la guérison
de la tuberculose est favorisée par l'association du repos, d'une alimentation
adéquate et des antibiotiques à l'amélioration du contexte psycho-social.
IV.2.b. - LA COMPETENCE
Le perfectionnement scientifique est de rigueur :
« Vous devez vous évertuer d'apprendre la science médicale... Appliquez-vous jour
et nuit pour devenir hautement qualifié dans cette science. Et lorsque vous souhaitez
administrer un traitement, tournez votre coeur vers le Royaume de Gloire pour
solliciter les confirmations divines."
‘Abdu'l-Baha, Tab. à un croyant (126)
«... sois toujours occupé de la mention de Dieu et applique-toi à ton perfectionnement
professionnel. Tu dois faire un grand effort afin de devenir unique dans ta profession,
et célèbre dans ta région, car atteindre la perfection dans sa profession, en
ce jour de miséricorde, est considéré comme l'adoration de Dieu. Et tandis que
tu es occupé avec ta profession, tu peux te souvenir de celui qui est Le Vrai."
'Abdu'l-Baha, Tablette à un médecin, (126)
Servir l'humanité avec un travail consciencieux est considéré comme un acte d'adoration,
mais l'adoration passive, seule, n'est pas suffisante :
"Tu devrais continuer ta profession, et en même temps essayer de servir le Royaume
de Dieu".
Tab. ‘Abdu'l-Baha à un médecin (126)
IV.2.c. - QUALITES SPIRITUELLES
Le rôle éducatif du médecin est à souligner :
"0 Toi qui aspires (à un idéal) ! Sois un médecin pour chaque malade et enseigne
chaque ignorant c’est-à-dire, montre aux autres le chemin du Royaume, et guides-les
à la vie éternelle."
Tablets of Abdu'l-Baha, Vol. III p. 524 (126)
"Dites à Dr ... qu'il a étudié la médecine physique et qu'il a guéri les maladies
physiques. Je prie Dieu qu'il devienne un médecin spirituel et qu'il guérisse
la maladie de ceux qui sont ignorants."
Tablets of ‘Abdu'l-Baha, Vol. III, p. 507 (126)
Hélas, trop souvent, nous sous-estimons l'intelligence de nos patients. Il y a
de nombreux cas, qui sont parfaitement compréhensibles par les malades apparemment
frustres, à condition de parler leur langue. Regardons ce cas fréquemment rencontré
sous des formes diverses :
Mr X.... touriste de 35 ans, est hospitalisé dans un service de chirurgie suite
à un accident de la circulation avec contusion de l'hypochondre gauche faisant
craindre une rupture splénique secondaire. Après un Week-End en observation, il
est extrêmement agressif. Ses vacances ont été écourtées, il a "perdu son temps"
à l'hôpital, il se sent parfaitement bien, et on «ne lui fait rien»... "Si vous
n'êtes pas content", lui aurait-on dit", vous n’avez qu'à signer votre décharge..."
On explique le risque d'une rupture splénique et ses conséquences "C'est comme
en montagne, ajoute-t-on ; on peut couper les virages à gauche, mais de temps
en temps il y a un camion qui vient en face..."Il a compris ; confus, il ajoute
: "Mettez-vous à ma place, Docteur, on ne m'a rien expliqué ; nous sommes en vacances
ici...."
Cette "détention préventive" est de la bonne médecine ; mais à ne pas réserver
à l'appréciation des connaisseurs.
Bien que l'attitude autoritaire soit un raccourci utile pour parvenir à faire
accepter une thérapeutique, elle laisse la porte ouverte aux difficultés ultérieures.
L'interrogatoire des blessés au sujet de leur vaccination antitétanique est un
exemple. Très rares sont les malades qui savent S'ils ont reçu une dose de vaccin
ou de sérum antitétanique la dernière fois qu'ils ont été à l'hôpital. Ce n'est
pas uniquement leur ignorance, mais aussi la négligence du médecin précédant qui
est en cause.
Une bonne proportion des patients est capable de comprendre que le microbe tétanique
sécrète des "poisons" et que dans le cas du sérum, c'est 'l'antidote" fabriqué
par un cheval qui les protège, mais qui, répété, peut provoquer des allergies
graves ; alors qu'avec le vaccin, c'est leur propre corps qui fabrique cet "antidote"
et les protège...
Faudrait-il créer à c6té des "C", les "K", et les "B", un "E" d'Education pour
que le médecin s'intéresse à l'information de ses patients ? Nous pensons que
non. La satisfaction d'avoir fait consciencieusement son travail ainsi que la
compréhension des malades bien plus avides de savoir plus sur leurs corps que
le médecin ne s'imagine, sont des récompenses suffisantes.
Aucune loi, sous-loi, mesure de contrôle ou d'amendement de la loi ne peut remplacer
le civisme du citoyen. Ce civisme s’éduque avec la compréhension des nécessités
fondamentales de la vie en communauté. Regardons comment le médecin peut participer
à cette compréhension.
Mr X.... 25 ans, accidenté du travail, présente une fracture de la jambe, parfaitement
consolidée et rééduquée, mais en plein été, ne semble nullement motivé de reprendre
son travail... On l'aborde avec une attitude d'humour qu'il adopte. Il fait trop
beau pour travailler... mais est-ce normal que les travailleurs comme le personnel
hospitalier présent, cotisent pour payer ses vacances ? ... il n'a évidemment
jamais vu la question sous cet angle-là... il sourit un peu gêné... On accorde
un compromis de reprise à temps partiel pendant une semaine qu'il accepte volontiers.
Comme de nombreux citoyens, Mr X..., ne s'imaginait pas que la Sécurité Sociale,
organisme anonyme, représente les contribuables.
Le rôle du médecin implique donc l'information du malade sur ces vérités fondamentales
de la vie. Cette information sera peut-être en grande partie liée à l'attitude
qu'adoptera le médecin vis-à-vis de la maladie, de la mort, de la souffrance physique
et morale ; son degré de détachement matériel, son optimisme, le degré de la prise
en charge de son malade, et le degré de responsabilité qu'il lui laissera pour
sa participation à sa guérison : en somme, l'éducation directe et indirecte de
son malade.
Regardons cette réponse d'un éminent clinicien lyonnais aux inquiétudes d'une
malade au sujet de la mort
"Docteur, vais-je mourir ?» «Oui, Madame, comme tout le monde, mais ce n'est pas
encore votre tour ... éclats de rire de tous ceux présents, y compris la malade.
Cette humour a su rassurer la patiente, non pas en niant la mort, mais en enseignant
une attitude plus mûre à son égard. Certains excès thérapeutiques irraisonnés,
la difficulté avec laquelle on accepte la compagnie des malades condamnés, sont
quelquefois liés à une conception de la mort mal envisagée.
«... le traitement d'une affection physique est très facile, mais très difficile
est celui de l'affection de l'esprit. Si quelqu'un souffre de la fièvre et que
vous lui faites prendre un médicament, la fièvre s'en va, mais si l'esprit est
affligé du mal d'ignorance, il est difficile d'y remédier. Par exemple, si la
santé spirituelle est atteinte du mal de l'amour du monde, il faut prescrire un
médicament spirituel ; les médicaments qui conviennent sont dans ce cas, les avis
et les commandements de Dieu".
'Abdu'l-Baha (8, p. 103)
Cette éducation est certes très délicate et demande, plutôt qu'une attitude hautaine,
beaucoup d'humilité de la part du médecin. L'investissement de la société dans
les études d'un médecin est grande. Il est inconcevable que celui-ci puisse se
laisser aller à une attitude de supériorité envers ceux qui n'ont pas bénéficié
d'une telle éducation. Illich fait allusion à ceci en comparant les frais de la
formation d'un paysan a ceux d'un médecin (72).
Cette attitude spirituelle du Médecin est réitérée dans les écrits baha'is.
Dans sa tablette au médecin (126) Baha'u'llah écrit
«Béni est le médecin qui guérit les maladies en Mon Nom sanctifié et chèrement
aimé..." et encore : «... 0 Docteur, en traitant les malades, mentionne d'abord
le nom de ton Dieu ... et utilise ensuite ce qu'il a destiné à la guérison de
Ses créatures."
Nous verrons en détail, le rôle de cette spiritualité dans la guérison, alors
que la thérapeutique seule ne peut suffire. Sans cet "amour de Dieu", les sciences
sont stériles :
"Avec l'amour de Dieu., toutes les sciences sont acceptables, sans celui-ci, elles
sont sans fruit et causes de folie.
0 toi serviteur fidèle du Véritable, et médecin spirituel du peuple, Chaque fois
que tu visites un malade, tourne ton visage vers le Seigneur du Royaume, implore
l'assistance du Saint Esprit, et guéris les troubles du malade...".
‘Abdu'l-Baha, (126)
Cette spiritualité ne saurait manquer de se refléter dans les actions et les attitudes
du médecin, et c'est cela qui inspire, aide, soutient et encourage le patient
à la réintégration physique et psychique sous entendues dans la guérison :
« En administrant un traitement médical, tourne-toi vers la Beauté Bénie, puis
suis l'inspiration de ton coeur. Guéris les malades avec la joie céleste et l'allégresse
spirituelle, soulage ceux qui sont douloureusement affligée en leur faisant part
de nouvelles réjouissantes, et rétablis les blessés par Ses dons resplendissants.
Au chevet d'un patient, réconforte et réjouis son coeur et ravis son esprit par
le pouvoir céleste. En vérité, un tel souffle divin réanime chaque squelette dépérissant
et vivifie l'esprit de chaque être malade et souffrant."
‘Abdul-Baha, (126)
C'est sûrement cet état d'esprit qu'il faut adopter pour rendre le corps médical
vivant ; cette motivation intense de guérir qui apportera à l'institution médicale
l'esprit d'équipe indispensable pour un fonctionnement efficace. L'idéal qu'Abdu'l-Baha
présente au médecin est très élevé :
"En vérité, je supplie le Seigneur des Armées d'accroître ta foi de jour en jour,
de te confirmer par Son Esprit Saint ; de te donner la capacité de bénéficier
des lumières de connaissance et de sagesse, de faire de toi un héraut de son Covenant
dans ces régions, et de t'instruire en ce que tu ignores ; afin que tu deviennes
un médecin des corps comme des âmes et que tu guérisses les corps avec des remèdes
utiles et bénéfiques au physique, et les coeurs et âmes avec ce remède qui réanime
les coeurs et les âmes.»
"0 mon ami ! Il importe que tu sois détaché (de toute autre que Dieu), attiré,
sincère, et de vivre ta vie dans le chemin de Dieu. Sois saint, spirituel, divin,
vivace, brillant, ... sanctifié, pur, avec un caractère compatissant, ferme dans
le covenant, disert et savant ; contemple le Royaume de Gloire avec un coeur débordant
de l'amour de Dieu, les larmes s 'écoulant dans la commémoration de Dieu, avec
un visage scintillant de la lumière de Dieu, un coeur sincère envers les bien-aimés
de Dieu et avec un glaive qui tranche la vérité du mensonge : Par Dieu, Le Vrai,
l'Esprit de Gloire t'assistera avec un pouvoir tel que les assemblées de ta terre
ne pourront résister."
Tablets of ‘Abdu'l-Baha, Vol. I, p. 166167(126)
IV.3. - LA THERAPEUTIQUE
Contrairement aux courants polémiques actuels, les enseignements baha’is ne renient
pas les médicaments, mais mettent en garde, comme nous l'avons vu, contre leur
usage inconsidéré. Dans la Tablette au médecin de Baha'u'llah, nous lisons :
«... Ne négligez pas le traitement médical, lorsque nécessaire, et continuez le
jusqu'à ce que votre santé soit rétablie...»
Mais les thérapeutiques simples sont préférables
«... Traitez vos malaises de préférence par la diète et restreignez l'emploi des
drogues ; et si vous trouvez qu'une simple herbe suffit, ne recourez pas à des
médicaments compliqués. Abstenez-vous de drogues lorsque votre santé est bonne,
mais employez-les si c'est absolument nécessaire...»
(8, p. 94), (54, p. 137)
IV.3.a. - RETABLIR L'HOMEOSTASIE
Le médicament est un moyen pour rétablir l'homéostasie, et non pas un élément
magique pour chasser le "mal" ; pendant un certain temps les antibiotiques ont
permis de détruire les "mauvais" microbes, jusqu'à ce que nous avons appris qu'une
certaine écologie s'appliquait ici.
Il n'est pas impossible que l'avenir nous apprenne à manipuler cette écologie
en faveur de l'homme, plutôt que de se contenter de détruire. Ceci pourrait s'appliquer
non seulement pour les anthropozoonoses ou les parasitoses, mais aussi pour les
maladies infectieuses ou même cancéreuses. Les cliniciens ont déjà noté une perte
du "goût de la vie" chez des malades atteints d'un cancer. D'autres ont décrit
des survies spectaculaires chez les malades qui tenaient à la vie.
Ne pourrait-on pas espérer rétablir l'homéostasie un jour sans se fixer comme
seul but de détruire les "mauvaises" cellules cancéreuses ; ou au moins soigner
le terrain sur lequel apparaît cette rupture de l'homéostasie ?
Regardons comment ‘Abdu'l-Baha` explique cette homéostasie. Il oppose les causes
physiques avec celles qui sont dues à "une excitation des nerfs"
"Les choses physiques sont la cause principale des maladies. Le corps humain est
composé d'éléments nombreux... dans la mesure d'un équilibre .spécial; ... lorsque
cet équilibre essentiel, qui est le pivot de la santé, est rompu, la santé est
détruite, et la maladie prend le dessus.
Et Lorsque, à l'aide des remèdes et des médicaments, l'équilibre est rétabli,
la maladie est chassée. Par exemple, si l'élément sucre augmente, la santé est
détruite ; lorsque le médecin interdit, dans les repas les douceurs et les farineux,
l'élément sucre diminue, l'équilibre est rétabli, et la maladie est chassée. Or.,
la rectification des éléments... s'obtient par deux moyens : soit par des médicaments,
soit par des aliments.
La plupart des maladies qui atteignent l'homme atteignent aussi les animaux ;
... ceux-ci ne se traitent pas par des médicaments ; leurs médecins, dans les
montagnes comme dans les plaines, ce sont le goût et l'odorat. Cette herbe...
l'animal malade la sent : si elle est douce... à son odorat il la mange et est
guéri ; ... Il est donc établi que l’on peut guérir les maladies par des aliments,
de la nourriture, des fruits... Comme aujourd'hui la médecine est encore imparfaite,
on ne s'y est pas encore mis... mais lorsqu'elle sera devenue parfaite, on guérira
par les aliments, la nourriture, les fruits, les légumes d'une odeur agréable,
et par des traitements variés d'eau froide ou chaude."
(6., p. 291)
Si les maladies métaboliques nous viennent à l'esprit en premier, nous ne devons
pas oublier que de nombreux médicaments ont des modes d'action encore très mal
élucidés ; il est possible qu'un jour leur action puisse être obtenue d'une manière
plus douce, avec une alimentation judicieuse.
Par ailleurs nous avons déjà parlé du rôle de l'alimentation dans le terrain de
nombreuses maladies. Cette optique cependant n'exclut nullement la thérapeutique
qui est actuellement utilisée avec des résultats souvent très heureux ; elle implique
d'orienter les recherches dans cette voie qui a été très négligée.
Aujourd'hui, le praticien peut rencontrer deux attitudes extrêmes de la part de
ses patients :
Les uns demandent cette potion magique qui, sans effort de leur part, va faire
disparaître le "mal". Le praticien cherchera ou ne cherchera pas à expliquer la
situation ; son patient voudra ou ne voudra pas comprendre. Si le temps du praticien,
sa patience et les tolérances du client à l'analyse le permettent, l'éducation
du patient semble souhaitable. Bien souvent pourtant, le praticien se trouve,
la main forcée, complice des exigences de son patient.
Les autres, de plus en plus nombreux, à tort ou à raison, refusent cette "mauvaise"
thérapeutique "artificielle" et "antibiologique" ; les comprimés qui bouchent
les lavabos des malades en témoignent. Conséquent à un abus thérapeutique certain,
amplifié par les prises de position polémiques tant répandues dans la presse,
cette nouvelle conception est en fait très proche de son homologue inverse ; toutes
deux étant héritées des conceptions binaires du "bien" et du "mal".
Toujours est-il que la relation médecin-malade, semble inconcevable à l'heure
actuelle sans cette monnaie d'échange qui est le médicament. Un malade sortant
de chez son médecin sans ordonnance, mais avec quelques bons conseils, a l'impression
de n'avoir rien reçu... et le médecin, indécis sur son diagnostic, ne peut que
donner une liste de médicaments à la mesure de son indécision (41, p. 322).
IV.3.b. - LA DEPENDANCE
"Si chaque homme savait ce qui convenait le mieux pour la santé, si chacun pouvait
s'instruire tout seul, si chaque soldat savait par lui-même comment se battre,
si chaque passager savait faire marcher le bateau, quel besoin aurait-on du médecin,
du professeur, du général ou du capitaine ? N'ayant pas cette connaissance, il
(chaque homme) doit d'abord s'assurer de leur authenticité, puis suivre leurs
directives. Tant qu'il ne fait pas cela, il ne pourra avancer."
‘Abdu’l-Baha, (10, p. 62)
Ce texte d'‘Abdu'l-Baha vient confirmer ce que nous avons déjà dit sur l'interdépendance
dans la société et contredit ceux qui croiraient que chaque homme possède la clé
innée de son propre bien-être. Si répondre à une dépendance critique et passagère
est un rôle essentiel de la médecine, une dépendance prolongée et habituelle n'est
pas toujours bénéfique. La dépendance excessive revêt des formes très diverses
allant de l'habitué psycho-social ou hivernal des hôpitaux jusqu'aux sur-consommateurs
des médicaments. L'institution médicale peut bien entendu servir de soupape de
sécurité pour les problèmes de santé de notre société, mais le véritable rôle
de la médecine est de rendre le patient indépendant d'elle dans la mesure du possible
: apprendre à marcher sans béquilles, plutôt que d'en distribuer à ceux qui pourraient
marcher tout seuls.
Pour les polémistes, la médicalisation de diverses conditions est motivé d'un
intérêt purement mercantile et lugubre pour la maladie. La complicité des laboratoires
pharmaceutiques est facilement suspecté ; l'extension de la médecine vers la médecine
préventive serait l'exploitation de la maladie avant même qu'elle n'existe, tout
comme la création de la gynécologie serait d'exploiter la féminité des femmes
... (72). Ces polémistes, apparemment, ne souffrent pas et n'ont pas vu la souffrance
d'autrui. Ces excès, cependant, ne doivent pas nous faire manquer des éléments
de vérité.
Il est indéniable à l'heure actuelle que c’est la lutte contre la maladie et non
le maintien de la santé qui profite le plus au médecin. L'activité médicale, nous
avons déjà dit (1.4) allège l'individu d'une part de sa responsabilité ; peu importe
son train de vie, la médecine sera là pour le sauver. Pour son infarctus il y
aura des soins intensifs, pour sa bronchite tabagique il y aura des fluidifiants
et des antibiotiques : La médecine devient le palliatif d'un mode de vie malsain.
Le terrain des maladies est négligé, le médicament est là pour chasser le "mal"
qui l'a sournoisement envahi : La magie de la médecine se matérialise dans le
médicament. La médico-dépendance se transforme en une automédication fantaisiste.
L'OMS a récemment attiré l'attention sur l'aspect économique de cette surconsommation
médicamenteuse (139), mais l'aspect iatrogène de ce fléau est difficilement calculable.
Il a fallu une vingtaine d'année pour nous apercevoir des aléas du traitement
antibiotique, et en déduire des règles (encore difficilement applicables) d'usage
adéquat. Il faudra du temps avant que nous puissions avoir le recul nécessaire
sur les différentes médications absorbées en quantité industrielle par les malades
qui y cherchent en vain ce qu'elles ne peuvent donner (Voir 52, 53, 59, 98, 41).
L'usage approprié du médicament nous semble impliquer une connaissance de plus
en plus approfondie du terrain et des moyens de rétablir l'homéostasie, l'information
du médecin et du public sur les possibilités et les limites réelles du médicament,
et enfin une action sur cette homéostasie avant d'utiliser les palliatifs coûteux
et parfois nocifs de la thérapeutique.
Cette dépendance au médicament reflète souvent un malaise plus profond au niveau
psychique ou social. Nous lisons ceci d'‘Abdu'l-Baha :
"L'état ou la condition à travers lequel la guérison s'effectue est l'état du
coeur. Certains L'atteignent par les pilules, les poudres et les médecins. D'autres
par l'hygiène, le jeûne et la prière... Ce que nous voyons autour de nous est
l'effet du psychisme. C'est le psychisme dans l'herbe et dans le minéral qui agit
sur le corps humain et qui change son état."
(10, p. 170
En toute évidence, il parle d'effet placebo qui peut être obtenu, nous voyons,
par quelque chose d'immatériel.
Les études sur l'effet thérapeutique des drogues montrent la complexité des interférences.
Les effets placebos peuvent être positifs ou négatifs (nocebo) (85). ORTLIEB (94
bis) propose l'introduction de la notion de nocebo dans l'étude pharmacologique.
On peut schématiser ainsi :
Effet thérapeutique = Effet pharmacologique + Effet Placebo
Effet pharmacologique : 20 à 60
Effet Placebo : -20 à +20
Dans le cas illustré, la subjectivité peut tripler l'effet thérapeutique du médicament
; le principe actif du médicament n'est donc qu'un adjuvant à la relation médecin-malade,
et son effet est proportionnel à l'investissement subjectif du malade. Le rôle
de cette subjectivité dans les guérisons obtenues par les sorciers et les guérisseurs
africains est connu.
Il nous semble cependant souhaitable de libérer l’individu et non se rendre complice
d'une telle dépendance régressive. L'abandon de superstitions et de préjugés est
un principe fondamental de la foi baha’ie et bien qu'en cas de maladie cette forme
de croyance puisse rendre des services à court terme, a long terme, elle entrave
l'évolution sociale.
L'absence de sacerdoce (considéré comme superflu devant le principe de recherche
personnelle de la vérité, et l'éducation obligatoire) pousse l'individu à un discernement
croissant et non à des notions palliatives de non-sens (annexe 14).
La médico-dépendance excessive reflète souvent une insertion sociale insatisfaisante.
Nous lisons dans une lettre écrite de la part de Shoghi Effendi :
"A vrai dire, les croyants n'ont pas encore bien appris à puiser de leur amour
mutuel force et consolation en temps de besoin. La Cause de Dieu est dotée de
pouvoirs immenses et la raison que les croyants n'en profitent pas davantage est
qu'ils n'ont pas appris à puiser pleinement de ces puissantes forces d'amour,
de pouvoir et d'harmonie engendrées par la Foi."
Lettre du 8 Mai 1942 (117, p. 19)
Nous voyons cependant dans un écrit d'‘Abdu'l-Baha que ceux qui sont forts, en
réalité tirent leurs forces d'une certaine spiritualité. Sur ce même sujet, nous
lisons d'‘Abdu'l-Baha :
«... C'est une loi de la création de Dieu que les faibles doivent s’appuyer sur
les forts... mais c'est le Saint Esprit qui fortifie tous les hommes.»
(10, p. 65)
Nous verrons à nouveau au sujet de la guérison, que la dépendance peut être liée
directement à cette force et non à un intermédiaire.(IV.4.b)
IV.3.c. - LA REEDUCATION DU COMPORTEMENT
Si, au niveau d'homéostasie corporelle le médicament doit être considéré comme
agent rééquilibrant, au niveau du comportement et du psychisme la thérapeutique
peut être considérée comme ayant une visée comparable.
PESESCHKIAN (95 bis) applique cette notion à une psychothérapie dite d'analyse
par "différenciation", qu'il a appliquée à plus de 2 200 cas cliniques. Ses travaux
récemment publiés, (95) illustrent sa technique à l'aide de 200 cas cliniques.
Nous avons vu (III.4.a) que l'individu serait doué, potentiellement,, des facultés
d'aimer et de connaître.
Ces deux capacités de base existeraient en dépit de tout facteur culturel qui
influencerait leur expression au niveau du comportement. Même chez le psychotique,
ces deux capacités de base existeraient, mais le trouble très profond ou organique
rendrait la thérapeutique impraticable à l'heure actuelle.
Les conflits relationnels tournent autour des problèmes tels que ponctualité,
propreté, ordre, politesse, honnêteté, économie, équité, enthousiasme, fiabilité,
conscience, patience, temps, contact, sexualité, confiance, espoir, foi, unité
etc. ; il appelle ces qualités les "Capacités réelles".
Ces «Capacités réelles» sont divisées en "Capacités secondaires" et "Capacités
primaires».
Les «Capacités secondaires» sont le reflet des valeurs du groupe social auquel
l'individu appartient, et sousentendent la connaissance : la perception, la propreté,
l'équité, l'exactitude, la courtoisie, etc. en sont des exemples.
Les «Capacités primaires» se rapportent à la capacité d'aimer. Elles sont acquises
dès la naissance à travers les contacts familiaux : L'amour, la patience, la confiance,
l'espoir, le doute, la certitude et la sexualité en sont des exemples.
Une personne qui attache trop d'importance à une valeur particulière qu'il défend
à un instant donné, devient négligent envers les autres valeurs, comme l'illustre
cette confidence d'une patiente : «... seul celui qui est poli vaut quelque chose
à mes yeux. On pourrait avoir tout le succès que l'on veut, si on est impoli,
je ne peux le supporter."
Une discordance entre les capacités primaires et secondaires peut entraîner des
troubles psychosomatiques, névrotiques et même psychotiques. Autrement dit, la
faculté d'aimer et la faculté de connaître sont en conflit. Ceci est dû à un manque
de différenciation.
La thérapie se déroule en trois étapes : 1/ Analyse ; 2/ Différenciation et 3/
Intégration.
L'analyse du comportement à l'aide du patient lui-même, permet d'établir un inventaire
des comportements différenciés.
Par exemple, chez un patient atteint d'un ulcère duodénal, son analyse différenciée
se présente ainsi :
La différenciation se porte sur les capacités réelles relatives à la situation
de conflit. Dans le cas présent, le conflit semblait se situer autour d'un manque
de différenciation entre la politesse et l'honnêteté.
Le "psychosérum" qui en découle est : "Apprenez à différencier entre la politesse
et l'honnêteté." L'hypnose, peut être utilisée pour l'application de ce résultat.
Les différentes tendances à l'origine des conflits ont été acquises tout au long
de la vie par les déceptions, découragements et imitations. Il s'agit de rééduquer
le patient ; "on l'amène à la source, c'est à lui de boire", illustre Peseschkian.
Le patient intègre cette analyse différentielle dans son comportement en plusieurs
étapes, élargissant ainsi son horizon de valeurs et ses possibilités de discernement.
Regardons un cas clinique de frigidité chez une patiente de 28 ans. L'analyse
par différenciation est inventoriée à partir des récits du couple :
La patiente, de plus, a été élevée dans un milieu très pudique mais discipliné.
La stratégie du traitement est en sept étapes :
1 - Description par auto-portraits et récits du partenaire dont l'inventaire des
zones conflictuelles est défini par l'interaction des capacités primaires et secondaires,
différenciées et finalement intégrées.
2 - Observation : pas de critique ; marques de tendresse, mais pas de coït, pas
de conseils ; pas d'autre liaison ; noter les contrariétés et leurs motifs (période
d'environ trois semaines).
3 - Parallèlement, analyse par différenciation : étude des conflits, différen
ciation entre la personnalité et les différents comportements isolés, distinction
entre la nature de l'être et ses caractères variables.
4 - En associant les résultats des trois premiers stades, on établit une programmation
différentielle dont le "psychoserum» est appliqué à l'aide suggestion, hypnose
ou traitement du comportement. Dans le cas présent, le psychosérum est : Apprenez
à différencier entre la politesse et l'honnêteté.
5 - Encouragement des qualitéd plutôt que critique des défauts ; distinction des
situations conflictuelles.
6 - Verbalisation ; les troubles de la communication verbale sont surmontés.
7 - Elargissement de l'objectif ; le champ de vision des valeurs, rétréci de façon
névrotique, est élargi ; interversion des rôles des partenaires dans le ménage
comme dans les invitations sexuelles.
Ce traitement est conclu avec succès au bout de 12 séances réparties sur six mois.
Avec un an de recul leur mode de vie est modifié : la patiente s'est ouverte sur
le monde extérieur et selon le mari, la sexualité ne serait plus pour eux le seul
but de l'existence. Il n'y a plus de mésentente sexuelle (95 bis). Notons que,
contrairement aux croyances populaires, ce n’est pas le trouble sexuel qui était
à l'origine de la mésentente, mais la mésentente qui était à l'origine du trouble
sexuel dans le cas illustré ici.
Les indications thérapeutiques vont des sexopathies aux troubles psychotiques
(où les résultats sembleraient parfois très positifs) en passant par les troubles
psychosomatiques et névrotiques.
Sur 80 sexopathies, dont 52 femmes et 28 hommes, (Impuissance, éjaculation précoce,
frigidité) il rapporte 74% de guérisons durables (contrôle à un an). La durée
moyenne du traitement est entre 12 et 21 séances (95 bis).
Cette thérapeutique serait facilement applicable au niveau du groupe.
IV.4. - LA GUERISON
la guérison est un phénomène complexe d'adaptabilité faisant intervenir non seulement
des paramètres anatomo-physiologiques, mais aussi fonctionnels, subjectifs, et
socio-économiques. Nous examinerons quelques aspects de ce retour à la santé qui
implique ce que nous avons déjà mentionné à propos de ce sujet. La thérapeutique
médicale n'est donc qu'un élément de cette guérison et des moyens très divers
doivent être associés pour rétablir, maintenir l'homéostasie et réinsérer l'individu
dans un environnement social, professionnel et familial (104 bis).
Contrairement à la thérapeutique, la guérison demande obligatoirement la participation
de toute une équipe, dont le patient lui-même. La subjectivité et la motivation
de celui-ci jouent un rôle irremplaçable. La dépendance semble plutôt envers Dieu
et non pas envers le médecin :
«Il incombe à chacun de chercher un traitement médical et de suivre les instructions
du médecin, car ceci correspond avec l'ordonnance de Dieu, mais en réalité. Celui
qui donne la guérison est Dieu."
'Abdu'l-Baha, (126)
IV.4.a. - LA GUERISON SPIRITUELLE ET MATERIELLE
Nous lisons encore d'‘Abdu'l-Baha :
"La guérison vient de Dieu. Si la bénédiction céleste nous atteint lorsque nous
sommes soignés, alors seulement pouvons-nous être véritablement guéris. Tout dépend
de Dieu. Le médicament est seulement la forme ou le moyen extérieurs par lesquels
nous obtenons la guérison divine. Sans la bénédiction céleste, il ne vaut rien."
(10, p. 162)
Il continue pour décrire deux sortes d'affections
"Il y a deux genres de maladies ; spirituelles et physiques. Les maladies physiques
sont guéries par les médicaments et par l'essence des herbes et des plantes. Les
maladies dues aux émotions du psychisme, sont guéries par le pouvoir de l'esprit
de l'homme. Mais le pouvoir de l'esprit divin domine tous les maux du corps et
de l'esprit. Quant à la guérison psychique, elle aussi a un effet, car des réflexions
se produisent entre les coeurs par le pouvoir de la concentration. De ce pouvoir
de concentration des impressions sont produites, et la guérison ou le soulagement
découlent de ces impressions."
‘Abdu'l-Baha, (10, p. 162)
Cette forme de guérison, cependant, n'est pas suffisante et de toute évidence
les deux aspects de la guérison doivent être associés :
"La maladie peut se guérir de deux manières ; l'une utilise des moyens matériels,
l'autre a recoure à des moyens spirituels. La première fait usage de remèdes ou
de médicaments, la seconde consiste à prier Dieu et à se tourner vers Lui. Les
deux peuvent être utilisées à la fois.
Les maux causés par un accident physique seront traités au moyen de remèdes médicaux
; ceux qui sont dus à des causes spirituelles relèveront de soins de la même nature.
C'est ainsi qu'une maladie due à une affliction, à une peur, à un choc nerveux,
cédera plutôt à un traitement spirituel qu'à un traitement physique. On peut donc
prendre en considération deux catégories de remèdes qui ne s'excluent pas l’une
l'autre. Les remèdes physiques peuvent être en effet regardés comme provenant
de la faveur et de la miséricorde de Dieu, car, en révélant et rendant manifeste
la science médicale, Dieu a permis aux hommes de profiter de ces moyens de traitement.
Les traitements spirituels n'en méritent pas moins une attention égale, car ils
produisent de merveilleux effets."
‘Abdu'l-Baha, (8, p. 93)
Il ne s'agit donc pas de se tenir aveuglement à l'une ou à l'autre méthode de
thérapeutique. 'Abdu'l-Baha le précise :
«... par exemple, une coupure de la main ; si vous priez pour que la blessure
se ferme, sans arrêter le saignement, cela ne servira pas a grand chose. Parfois,
si le système nerveux est paralysé par la peur, un remède spirituel est nécessaire.
La folie, que l'on ne peut guérir autrement, peut l’être par la prière... Il arrive
souvent que le chagrin rende malade. Cette maladie peut être guérie par des moyens
spirituels."
(10, p. 164)
Cette complémentarité est encore rappelée par Shoghi Effendi
«... la prière seule ne suffit pas. Pour la rendre plus efficace, nous devons
utiliser tous les avantages physiques et matériels que Dieu nous a donnés. La
guérison par les forces spirituelles seules est indubitablement aussi inadéquate
que celle que les médecine et penseurs matérialistes cherchent en vain, d'obtenir
en recourant seulement aux moyens et méthodes matériels. Le meilleur résultat
peut être obtenu en associant les deux processus spirituel et matériel."
Shoghi Effendi, Lettre du 12 mars 1934, (126)
"A propos de votre question concernant la guérison spirituelle, ... elle constitue,
certes, l’une des méthodes les plus efficaces pour soulager une personne de ses
peines et souffrances mentales ou physiques... La guérison spirituelle, cependant,
n'est pas et ne peut être un substitut pour la guérison matérielle, mais elle
est un complément précieux."
Lettre de la part de Shoghi Effendi du 16 février 1935(126)
IV.4.b. - MECANISME DES GUERISONS SPIRITUELLES
En réponse à quelqu'un qui lui demande comment il se faisait que certains guérissaient
sans utiliser de médicament, ‘Abdu'l-Baha répond :
«Il y a quatre sortes de remèdes sans médicaments :
1 - la santé, comme la maladie, est contagieuse. La contagion de la maladie est
violente et rapide, tandis que celle de la santé est extrêmement lente et faible...
La santé solide d'un homme sain peut... atténuer la maladie bénigne d'un malade...
ce n'est que dans les maladies très légères qu'elle a un petit effet.
2 - ... la force magnétique... agit d'un corps sur un autre et devient cause de
guérison... il arrive que quelqu'un pose sa main sur la tête d'une autre personne...
il se peut que le malade s'en trouve bien ; pourquoi ? La cause en est dans l'effet
du magnétisme et dans l'impression sur la mentalité du malade qui font évanouir
la maladie. Mais cet effet est également très faible et très minime.
3 - ... là où une force spirituelle est le moyen de la guérison ... : Une personne
saine concentre complètement son esprit sur une personne malade, et cette dernière
également attend de toutes ses forces la guérison comme devant lui venir du pouvoir
spirituel de la personne saine ; elle a une foi absolue, au point qu'entre cette
personne saine et ce malade une affinité parfaite des coeurs s'établit. La personne
saine fait tous ses efforts pour guérir le malade, et le malade, de son côté,
est complètement sûr de la guérison. Ces influences et ces impressions mentales
produisent une excitation des nerfs, et cette action et cette excitation des nerfs
guérissent le malade. C'est comme si un malade désirait et espérait intensément
une chose, et que vous lui donniez tout d'un coup la nouvelle de sa réalisation,
il se produirait une excitation nerveuse qui ferait disparaître complètement la
maladie. De même si une cause de terreur apparaît tout à coup, peut-être se produira-t-il
chez une personne bien portante une excitation des nerfs qui occasionnera immédiatement
une maladie. La cause de cette maladie ne sera pas une chose matérielle, ... seule,
l'excitation des nerfs est la cause de cette maladie... Mais tout cela n'a effet
que jusqu'à un certain point, et non pas toujours. Ainsi, si, quelqu'un est frappé
d'une maladie très violente, ou bien est blessé, ces moyens ne détruiront pas
la maladie, ne cicatriseront pas la blessure et ne la guériront pas.
4 - Dans le quatrième cas, c'est le pouvoir du Saint Esprit qui guérit.... la
guérison ne dépend ni du contact, ni de la vue, ni de la présence... que la maladie
soit légère, qu'elle soit violente, que les corps soient en contact (ou non) ...
que le malade soit présent ou absent, la guérison a lieu par la force du Saint
Esprit
'Abdu’l-Baha, (6, p. 288)
Nous voyons que ce rôle de guérisseur du praticien est parfaitement admis, mais
il est à noter qu’Abdu’l-Baha décrit comme faible l'effet de cette intervention,
alors que l'effet du Saint Esprit, celui qui ne demande pas d'intermédiaire physique,
est considéré comme le plus puissant.
Un exemple de ce phénomène est donné par le Dr Amin Mesbah ; son patient, le Dr
Yunis Afroukhteh était en phase terminale d'une infection urinaire chronique.
L'anurie qui durait depuis plus d'une semaine avait rendu son état désespéré.
Une tablette de Shoghi Effendi arrive, demandant au patient d'entreprendre un
voyage. Vu son état, la famille hésite, puis décide de lui en parler. Il porte
le message à son chevet ; l'effet sur le malade est extraordinaire. Il se lève
brusquement de son lit et avec l'humour qui lui était habituel, dit : "Dr Mesbah,
je dois être guéri, car je suis le seul à savoir où le chat a caché ses oeufs"
(expression persane voulant dire : "je suis le seul qui connais le secret de cette
affaire"). Le jour même une polyurie abondante se déclenche, éliminant des quantités
de pus. Il est bientôt en état d'entreprendre son voyage.
Le rôle de cette "excitation des nerfs" est encore méconnu. Ce genre de réaction
est trop souvent attribué à une suggestibilité hystérique alors que l'on pourrait
plutôt la considérer comme une réaction psychosomatique brutale.
Le rôle de l'émotivité dans les réactions psychosomatiques brutales comme les
crises d'asthme, l'angor ou la rétinite angiospastique est admis. Cette dernière
donne une amaurose brutale plus ou moins totale qui se distingue des phénomènes
de conversion hystérique par la présence au fond d’oeil de signes anoxiques et
exsudatifs. La psychothérapie et les sédatifs ont une action bénéfique (123).
Ce serait concevable qu'une réaction inverse puisse agir pour rétablir l'homéostasie.
Combien il est regrettable de noter qu'avec le développement prodigieux de la
technique médicale, la subjectivité des malades a été trop souvent négligée ;
sauf, bien entendu, par les psychiatres. Une personne insatisfaite de son train
de vie a besoin d'avaler une tube de cachets pour que son problème devienne intéressant
pour le corps médical. C'est souvent avec irritation que nous constatons les troubles
subjectifs du malade, et tant6t avec des sédatifs, tantôt avec le libellé "psychique"
nous abordons ces manifestations supposées étrangères a notre profession.
Que faire d'autre quand notre formation "objective" néglige, voire même méprise
cet aspect du malade ? Notre désarmement ne peut qu'être total. Il est vrai que
le développement des connaissances techniques ne permet plus au médecin de se
consacrer à ces troubles de son patient : cette technicité cependant, ne peut
pas remplacer le contact humain.
«... Guérir le corps sans l'esprit ne sert à rien. Tout est dans les mains de
Dieu et sans Lui nous ne pouvons recouvrer la santé. Par son pouvoir spirituel,
l'homme seul, a été capable de se libérer, et de s'élever au-dessus du monde matériel
et d'asservir celui-ci. Sans l'aide de Dieu, l'homme serait semblable à l'animal
qui périt.» Abdu'l-Baha,
(4, 19 octobre 1911)
Trop souvent, à notre avis, par souci d'objectivité et de neutralité bienveillante,
le médecin hésite à prendre position. Si le libre choix et la recherche personnelle
de la vérité incombent au malade, la franchise d'opinion aussi incombe au praticien
; reste à savoir quelle part de vérité est utile et supportable par le malade,
et quels sont les mots adéquats pour les communiquer au patient (Voir IV.2). Très
souvent ce sera l’état d'esprit du praticien qui déterminera son comportement.
En parlant des guérisons par Jésus Christ, Abdu'l-Baha explique
"Les paroles de beaucoup (de ceux) qui parlent sont mélangées avec les envies
de leurs âmes et leurs appétits terrestres ; ils n'auront ni l'autorité ni le
succès. Alors que les paroles de Jésus étaient libérées de ceci; sans prières
ou suggestions il guérissait par la créativité de sa parole.”
(10, p. 67).
Dans la Tablette au médecin nous lisons de Baha'u'llah :
«... Le médecin qui a bu Le vin de mon amour guérit par sa visite et il insuffle
la grâce et l'espoir. Attache-toi à lui dans l’intérêt de ta santé. Il est soutenu
par Dieu dans son oeuvre."
(54, p. 144)
IV.4.c. - LA REINTEGRATION
A nouveau, nous rencontrons l'idée que la santé signifie l'intégration dans une
société construite sur les critères d’un comportement en accord avec des valeurs
et des normes révélées par Dieu :
"Concernant votre question sur la guérison spirituelle... ‘Abdu'l-Baha la considérait
comme un élément essentiel du processus physique de guérison. La guérison physique
ne peut être complète et durable à moins d'être renforcée par la guérison spirituelle.
Et la meilleure manière d'obtenir celle-ci est l'obéissance aux lois et commandements
de Dieu tels qu'ils nous sont révélée par ses manifestations."
Lettre de Shoghi Effendi, 23 mai 1935 (126)
La guérison ne se limite pas à un acte thérapeutique efficace. Le retour à la
santé met en jeu l'ensemble de ce que nous avons dit sur la santé. Pour ceci,
seul un travail d'équipe correctement coordonné, peut être réellement efficace.
Pour TOFFLER (125,,p. 326) la solution serait la formation de "multispécialistes"
(qui connaissent leur spécialité et qui n'ignorent pas les autres) au lieu de
"monospécialistes";
Baha’u’llah cite le Hadith : "Le savoir n'est qu'un point, les ignorants l'ont
multiplié."
(17, p. 34)
La médecine et la santé peuvent être considérées comme faisant partie d'une seule
science, que notre manque de vision d'ensemble a fait cloisonner. Cette tendance
à traiter les malades en pièces détachées s'accentuera, à moins que la coordination
et le travail en équipe ne se développent. A défaut de ceci, l'entreprise médicale
deviendra une entreprise de thérapeutique et non de guérison.
Ce serait naïf que de critiquer la technicité médicale. Le vrai problème serait
de définir l'usage approprié de cette technicité. Peut-être verrons-nous dans
les années à venir, la formation d'omnipraticiens versés en psychosomatisme, diététique,
médecine sociale, éducation sanitaire etc. ... et qui seraient à même d'intercéder
pour leurs patients, face à la technicité médicale croissante, et d'assurer une
prophylaxie efficace.
Regardons l'exemple d'une spécialité des plus objectives : la chirurgie. Son interdépendance
avec la psychiatrie est pourtant capitale pour un résultat favorable.
Le rôle placebo de certaines interventions, les manifestations hystériques ou
schizophréniques qui piègent le chirurgien, les morts émotives, les algodystrophies
(128 bis), les ulcères de stress, les malades démissionnaires, sont bien connus.
Par contre l'atmosphère de stress qui entoure l'acte chirurgical aussi bien pour
l'équipe chirurgicale que pour le patient, est souvent négligée (41).
Un récent Colloque International faisait le point sur la Psychologie et la Chirurgie
(137). Les mythes qui entourent la chirurgie, l'information du malade, son acceptation
des invalidités, sa réinsertion socioprofessionnelle et familiale, et la nécessité
d'une collaboration d'équipe étaient particulièrement soulignés.
La notion de terrain étant parfaitement applicable à la chirurgie, une intervention
techniquement réussie sur un ulcéreux ou sur un accidenté du travail n'est pas
la guérison. Si l'on ne prend pas en considération les facteurs psycho-sociaux
de base, le résultat court à l'échec.
La traumatologie du travail est un exemple parlant. HUNTER (71 bis) en Grande-Bretagne,
estime que 75 % des accidents du travail surviennent chez 25 % de la population
exposée. Cette proportion représente, autrement dit, les accidentés récidivants.
Il incrimine un profil psychologique particulier : inattention, préoccupations,
irritabilité, etc. ... comme étant le terrain des victimes faciles.
Ajoutons l'alcoolisme, l'absence du petit déjeuner (hypoglycémie des accidents
de fin de matinée), les soucis de rendement etc. ; et nous nous apercevons que
la guérison véritable implique une action étendue sur le plan socio-économique
avec des mesures d'information, de sécurité, voire même le sacrifice de certains
intérêts économiques.
Notre exemple est aisément applicable aux accidents de la route. La guérison réelle
sous-entend une action sur les différents facteurs responsables de cet accident,
sinon notre traitement ne serait en quelque sorte que symptomatique. L'alcoolisme
au volant à lui seul, représente un pourcentage appréciable, et ouvre ce terrain
à un complexe socio-économique vaste dont, non seulement la blessure finale, mais
aussi l'alcoolisme lui-même n'est qu'un symptôme.
Si la guérison véritable est notre souci, alors l'acte thérapeutique n'en est
qu'une étape ; l'action sur le terrain et sur les causes "spirituelles" demande
la collaboration de toute une équipe, et tout particulièrement du patient lui-même.
IV.4.d. - LA MOTIVATION DU SUJET
Nous avons vu, à maintes reprises la responsabilité du patient. Sans la mise en
oeuvre de sa subjectivité et de ses facultés d'adaptation, la guérison est impossible.
Les troubles subjectifs post-traumatiques sont un exemple de domaines où le praticien
doit expliquer au malade les limites de sa thérapeutique et le besoin de participation
du malade pour surmonter le handicap physique. L'efficacité de certaines thérapeutiques
ne doit pas nous faire oublier les possibilités d'adaptation du corps humain :
M. X.... accidenté du travail, a été amputé d'un doigt. Il tend son moignon douloureux
comme un laisser-passer de son statut de malade. Il y a peut-être un névrome,
mais l'examen n'est pas convaincant ; une réintervention ne semble pas justifiée.
On lui explique que le corps humain n'est pas comme voiture dont on peut changer
un pneu... il faut du temps avant que la guérison survienne complètement. La médecine
ne fait qu'aider le corps à se guérir. Ces douleurs résiduelles disparaîtront
graduellement toutes seules. Il est rassuré. Il préfère suivre notre conseil et
attendre cette guérison, plutôt que de tenter une deuxième intervention. Il accepte
la reprise de son travail (manutention) pour lequel son doigt ne gênera pas trop.
Trop souvent, nous avons l'impression de soigner des démissionnaires passifs qui
croient aux "miracles" de la science médicale, mais dont le manque de motivation
est parfois symptôme d'une inadaptation sociale : des malades plus confortables
dans leur statut de malade que dans leur statut de citoyen. La subjectivité 'du
patient a besoin d'être informée, dirigée, et inspirée pour que la guérison puisse
s'effectuer, et la prière joue un rôle important ici.
De nombreuses prières sont révélées pour cet usage. Dans sa tablette à un médecin
Baha'u'llah donne celle-ci :
"Dis : Ton Nom est ma guérison, O mon Dieu, et le souvenir de Ta présence est
mon remède. M'approcher de Toi est mon espoir et l'amour que j'ai pour Toi est
mon compagnon. Ta miséricorde est mon réconfort et mon soutien dans ce monde et
dans l'autre. Tu es en vérité le Très-Bon, l’0mniscient, l'infiniment Sage."
(54, p. 144)
En parlant de la guérison, ‘Abdu'l-Baha dit :
«Les prières révélées pour la guérison sont à la fois pour la guérison spirituelle
et physique... si la guérison est profitable au malade, elle lui serait sûrement
accordée. Pour certains malades, la guérison ne serait que la cause d'autres maux.
Ainsi donc la Sagesse ne décrète pas la réponse à certaines prières."
(10, p. 165)
Cette confidence d'‘Abdu'l-Baha illustre le rôle de la prière dans notre façon
de vivre et de faire face à nos difficultés :
«... Souvent, la nuit, je ne dors pas et les pensées de ce monde pèsent lourdement
sur mon esprit. Je tourne inconfortablement dans mon lit. Puis, je me lève dans
l'obscurité de la nuit pour prier ; parler avec Dieu. C'est si doux et extasiant.
La prière et la supplication sont si efficaces, qu'elles inspirent le coeur d'un
idéal élevé, d’une sainteté et d’une sérénité suprêmes. Le coeur doit être sensible
à la mélodie de la prière... non pas comme un orgue dont émanent les notes les
plus douces, mais auxquelles il est insensible...»
‘Abdu’l-Baha, (10, p. 49)
V
- ANNEXES
1 - LE PECHE D'ADAM ET LE SACRIFICE DU CHRIST'
(A propos de la phrase " ... Comme tous meurent par Adam, tous revivront par le
Christ", I, Corinthiens XV, 22).
« ... deux natures dans l’homme : la nature corporelle et la nature spirituelle
... celle-là est la source de toute imperfection, celle-ci est la cause de toute
perfection. Cette nature spirituelle qui vient de la bonté de la réalité de Dieu,
est la réunion de toutes les perfections...
Le corps de l’homme est prisonnier de la nature, tous ses mouvements ont pour
but la satisfaction de ses exigences.
Il est donc évident que des péchés existent dans le monde corporel, tels la colère,
la jalousie, la dispute., l'avidité, L'avarice, l'ignorance, la tromperie, l'orgueil,
la cruauté... Un homme qui n'a pas reçu une éducation spirituelle est une brute
; ... tout péché vient des exigences naturelles spéciales au corps, qui ne constituent
pas des péchés pour l'animal... grâce aux instructions et à l'éducation de cet
esprit unique (le Christ), toutes les imperfections provenant des exigences de
la vie physique de l'homme sont transformées en perfections humaines.
Adam était la cause de la vie physique de l'homme... un monde d'imperfections...
Paul a comparé les imperfections physiques à la mort.
Mais l'église chrétienne, croit que, comme Adam a mangé du fruit défendu., ...
les désastres de cette désobéissance ont été transmis comme un héritage, ... Cette
interprétation... tend à dire que tous les hommes, ... sans commettre ni de faute,
ni de péché, uniquement parce qu'ils sont de la postérité d'Adam, sont devenue
sans raison des coupables et des pécheurs...
... le Christ voulait promulguer une cause qui devait éduquer l'humanité... la
promulgation d'une cause aussi grande le mettait en opposition avec tous les peuples
de la terre, et en révolte contre toutes les races et toutes les nations, le sang
devait forcément couler et il devait forcément être tué et sacrifié... être détruit
dans son corps afin de faire revivre les autres par l'esprit.
Le Christ fut comme la graine. Cette graine a sacrifié sa propre forme afin que
l'arbre puisse croître et se développer. La forme de cette graine fut sacrifiée
pour l'arbre, mais les perfections de cette graine, par suite du sacrifice, devinrent
manifestes et évidentes".
‘Abdu'l-Baha, (6, p. 132)
2 - "Ces enfants (morts dans leur jeune âge) sont à l'ombre de la bonté de Dieu
: comme ils n'ont commis aucun péché et qu'ils ne sont pas souillés par les corruptions
du monde de la nature..."
‘Abdu'1-Baha, (6, p. 274)
3 - L'AME, L'ESPRIT ET LE CORPS
«.... l'esprit humain n'est pas incarné dans ce corps ; ... il n'y est pas entré
ainsi, ... après l'avoir quitté, elle n'a pas besoin d'une place ... l'esprit
est lié au corps comme cette lumière à ce miroir. Si le miroir est poli, et parfait,
la lumière de la lampe y apparaît ; s'il est plein de poussière, ou s'il est brisé
la lumière disparaît".
'Abdu'l-Baha, (6, p. 272)
4 - "Quant aux facultés mentales, en réalité, elles appartiennent à l'àme, de
même que le rayonnement lumineux est la propriété essentielle du Soleil ... La
manifestation de l'intelligence dépend de la santé du corps ; une intelligence
saine ne peut se manifester que dans un corps sain ; alors que l'âme n'est pas
conditionnée par le corps... C'est par le concret que l'intelligence conçoit l'abstrait,
mais l’âme a des manifestations illimitées qui lui sont propres... l'âme est en
mouvement et toujours active aussi bien pendant le sommeil qu'à l'état de veille...
Cependant l'intelligence ne peut rien concevoir si les sens ne fonctionnent plus ;
dans le foetus et dans la prime enfance, la faculté de raisonner fait complètement
défaut, alors que l'âme est toujours en pleine force...»
‘Abdu'l-Baha, (2, p. 8)
5 - «... si les perfections de l'esprit n'apparaissaient pas dans ce monde celui-ci
serait ténébreux et purement animal... ces membres, ces éléments, cette composition
qui se trouvent dans l'organisme de l'homme sont une attraction et un aimant pour
l'esprit ; il est certain que l'esprit doit y apparaître. Ainsi, un miroir qui
est poli attire certainement la lumière du soleil, devient lumineux, et les images
merveilleuses apparaissent en lui. ... lorsque les éléments sont arrangée et mélangés
selon un ordre, une organisation et un arrangement absolument parfaits, l'esprit
de l'homme apparaît et se manifeste en eux. Tel est le décret du Puissant, du
Savant !»
'Abdu'l-Baha, (6, p. 230)
6 - «... l'activité et l’intelligence de l'esprit humain sont de deux sortes...
par l'intermédiaire d'instruments et organes : ... ce qui voit, c’est l'esprit,
mais par l'intermédiaire de l’oeil ; ce qui entend, c'est l'esprit, mais par l'intermédiaire
de l'oreille ; c'est lui 1'orateur, mais par l'intermédiaire de la langue.
L'autre sorte d'activité et d'action de l'esprit consiste à se passer d'instruments
et d'organes. Par exempte, il est dans un état de Sommeil ; sans oeil il voit,
sans oreille il entend, sans langue, il parle, sans jambes il court ; ... Combien
de fois arrive-t-il qu'il fasse un rêve dans le sommeil, dont la signification
n'est manifeste que deux ans après, dans des événements concordants ? ... Dans
le sommeil, le corps est comme mort il ne voit ni n'entend, il ne sent pas, il
n'a pas de conscience ` pas d'intelligence ; c'est que les facultés de l'homme
sont éteintes. Mais l’esprit vit et subsiste... Si après la mort du corps., la
mort de l'esprit suivait, ce serait comme si nous imaginions qu'un oiseau en cage
serait perdu si l'on brisait sa cage ; alors que, au contraire, l'oiseau n'a rien
à craindre de la destruction de la cage. Notre corps est comme la cage, et notre
esprit est comme l'oiseau. Nous voyons que sans la cage, dans le sommeil, cet
oiseau s'envole ; donc si elle était brisée, l'oiseau durerait et subsisterait
; ... car pour les oiseaux reconnaissants il n'y a pas de paradis plus élevé que
l'affranchissement de la cage. C'est pour cela que les martyrs, avec la joie et
le bonheur les plus grands, se hâtent vers le champ du sacrifice.
... par la vision et l’oeil de l'intelligence, il voit l’Amérique, il perçoit
ces lieux éloignés, il découvre la condition des choses, et il organise les affaires.
... Il est donc clair que cet esprit est autre chose que le corps, que cet oiseau
est autre chose que cette cage, et que le pouvoir et l'influence de l'esprit,
sans l'intermédiaire du corps, sont encore plus considérables. Or, si l'organe
est abandonné, le possesseur de l'organe continue à agir ; si une plume est abandonnée
ou si elle se brise, l'écrivain n'en demeure pas moins vivant et présent ; si
une maison est détruite, le propriétaire reste et subsiste.
... ce corps s'affaiblit, devient lourd, malade, il recouvre la santé, il est
fatigué, reposé; parfois on l'ampute d'une main, d'une jambe, son pouvoir physique
est affaibli, il devient aveugle, sourd, muet, ses membres peuvent devenir paralysés
; ... au contraire l'esprit, dans sa condition primordiale, dans sa perception
spirituelle, subsiste et demeure ; il n’est en rien amoindri ni détruit. Pourtant,
lorsqu'il est entièrement soumis aux maladies et aux ennuie, le corps est privé
des bienfaits de l’esprit, comme un miroir brisé, sale, ou poussiéreux, qui ne
réfléchit plus la lumière du soleil et ne montre plus ses bienfaits.
... l'esprit humain n'est pas dans le corps, car il est affranchi et exempt des
conditions de descente et de sortie qui appartiennent aux choses matérielles.
La relation de l'esprit avec le corps est comme celle du soleil avec le miroir...
ses effets et son influence, comme les bienfaits du soleil dans un miroir, sont
manifestes et visibles...
‘Abdu'1-Baha, (6, p. 259)
7 - ... L'universalité de l'esprit se divise en cinq catégories l'esprit végétal,
l'esprit animal, L'esprit humain, l’esprit de la foi, et l'esprit saint... L'esprit
animal est le pouvoir de l'ensemble des sens... et lorsque cet assemblage est
dissous, ce pouvoir aussi s'annihile et meurt. C'est comme cette lampe, lorsque
cette huile cette mèche et ce feu sont assemblés, elle donne de la lumière ; lorsque
cet assemblage est dissous, c’est-à-dire lorsque les parties composantes se séparent
les unes des autres, cette lampe s'éteint également.
L'esprit humain, qui constitue la différence entre l'homme et l’animal, est l'âme
douée de raison ; ... cet esprit qui, dans le langage des philosophes, devient
l'âme douée de raison, enveloppe l'ensemble des existences, et c'est lui qui,
suivant le pouvoir de l'homme, découvre les réalités des choses et apprend les
qualités et les effets des contingences, les conditions et les propriétés des
choses. Mais tant que l'homme ne reçoit pas l'assistance de l'esprit de foi, il
n'apprend pas les secrets divine ni les vérités éternelles. Tel un miroir, il
a beau être clair, propre et brillant, il lui faut de la lumière ; tant qu'un
rayon de soleil ne vient pas luire sur l'homme, il ne découvre pas les mystères
divins... Si on compare l'esprit à une lampe, la raison est la lumière qui y brille..."
‘Abdu'l-Baha, (6, p. 239)
8 - «... L'immortalité de l'esprit est la base fondamentale des religions divines
... on dit qu'il y a deux sortes de punitions et de récompenses. Premièrement,
les récompenses et les châtiments de la vie ; secondement, ceux de l'autre monde...
le paradis et l'enfer de l'existence se trouvent dans tous les mondes de Dieu,
que ce soit dans ce monde, ou que ce soit dans les mondes spirituels et célestes...
Les récompenses de ce monde sont les vertus et les perfections qui ornent l'homme
véritable. Ainsi, de ténébreux, il devient lumineux ; d'ignorant, savant ; de
négligent, attentif ; d'endormi, éveillé, de mort, vivant ; d'aveugle., voyant
; de sourd, fine oreille ; de terrestre, céleste ; de matériel, spirituel... Pour
de tels êtres, il n'y a pas de tourment plus grand que d'être séparé de Dieu,
ni de punition plus violente que les vices, les passions., les mauvais penchants...»
‘Abdu'l-Baha, (6, p. 255)
9 - CONCEPTION DE DIEU
«Il est du devoir de l'homme de méditer sur les bienfaits de la Grâce divine...
plutôt que de réfléchir sur l’Essence divine Elle-même ; telle est l'extrême limite
que peuvent atteindre les conceptions humaines".
‘Abdu'1-Baha, (2, p. 26)
10 - «... la différence de règnes entre elles est un obstacle à la connaissance.
Ainsi ce minéral qui appartient au règne minéral, aura beau S'élever, il ne pourra
jamais comprendre la force de croissance. Les végétaux, les arbres, quelque progrès
qu'ils fassent, ne peuvent se représenter la faculté de la vue, non plus que comprendre
les autres sens. L'animal ne peut se représenter les facultés humaines, c'est-à-dire
les facultés spirituelles. La différence des règnes est un obstacle à la connaissance
: les êtres du règne inférieur ne peuvent comprendre ceux du règne supérieur...
Donc, comprendre Dieu veut dire comprendre et connaître ses attributs, non sa
réalité.»
‘Abdu'l-Baha, (6, p. 252)
11 - «... l'homme est incapable de concevoir l'Essence du Divin, mais par le raisonnement,
et l'observation, par ses intuitions et par la force révélatrice de sa foi, il
peut croire en Dieu et éprouver les bienfaits de sa Grâce...
... remarquons que l'existence des êtres est due à la combinaison d'éléments divers
et leur non-existence à la décomposition de leurs éléments constituants... ces
êtres sont innombrables, ... comment leur cause pourrait-elle être finie ?
Or, il ne peut y avoir que trois sortes de composition et trois, seulement : fortuite,
nécessaire ou volontaire. L'assemblage... ne peut être dû au hasard, car tout
effet comporte nécessairement une cause.
Il ne peut être obligatoire car, dans ce cas, la composition devrait être une
propriété inhérente aux composants, et la propriété inhérente d'une chose ne peut
en aucune manière, en être séparée ; ... la décomposition de n'importe quel corps
composée serait impossible...
Reste... la composition volontaire, c'est-à-dire qu'une force invisible ... provoque
l'union de ces éléments
En ce qui concerne les qualités et perfections attribuées à cette divine Réalité
telles que volonté, omniscience, pouvoir et autres qualités éternelles, il s'agit
des signes reflétée par les créatures sur le plan visible, mais non des perfections
véritables de cette Essence divine qu'il est impossible de concevoir. Par exemple,
en observant les choses créées, on découvre des perfections à l'infini ; ces choses
montrent une ordonnance et une harmonie des plus parfaites, on en conclut que
la Puissance éternelle à laquelle ils doivent l'existence ne peut être ignorante
mais quelle est omnisciente... Elle n'est pas impuissante mais doit être omnipotente
'Abdu'1-Baha, (2, p. 18)
12 - "Tout composé dont les éléments présentent des rapports ordonnée, réguliers
et parfaite, dont chaque partie est en bonne et due place, et constitue une nécessité
indispensable pour toutes les autres, est considéré comme un composé façonné par
la volonté et la connaissance.
Abdu'l-Baha, (2, p. 24)
13 - LIENS DANS L'UNIVERS
"Certaines étoiles des cieux ont, sur le globe terrestre et sur les créatures
terrestres, une influence physique claire et évidente... Quant à l'influence spirituelle,
bien qu'il paraisse étrange que les étoiles puissent avoir une influence spirituelle
sur l'humanité, cependant, si vous réfléchissez attentivement à la question, vous
ne vous étonnerez pas tant. Je ne veux pourtant pas dire que les horoscopes que
les astrologues d'autrefois tiraient du mouvement des astres étaient conformes
à la réalité, car les décrets de ces astrologues n'étaient que de la fantaisie...
Je veux dire que ce monde infini est comme le corps de l'homme, dont tous les
membres sont liée les une aux autres, et enchaînés avec la plus grande solidité...
de mêmes les différentes parties de cet univers infini ont leurs membres et leurs
éléments, comme ceux du corps humain, liée les uns aux autres ; et ils s'influencent
réciproquement, spirituellement et matériellement... A qui voudrait nier l'influence
spirituelle des choses matérielles, nous mentionnerons ce bref exemple : des sons
et des modulations merveilleuses, des mélodies et des chants ravissants sont des
accidents qui affectent l'air... la vibration de l'air qui est un accident d'entre
les accidents sans aucune importance, attire et trouble l'esprit de l'homme et
il a sur lui une influence considérable.
... entre ces êtres universels infinis, ... il y a un lien à la fois matériel
et spirituel. Et, bien que les lois existantes et les sciences actuelles ne permettent
pas de reconnaître ces relations, néanmoins leur existence entre les créatures
universelles est clairement établie".
'Abdu'l-Baha, (6, p. 279)
14 - RECHERCHE DE LA VERITE ET LE NONSENS
FAIR (55) explique cette passion moderne pour le non-sens qui nous ramène au Moyen-Age,
avant l'émergence du "consensus rationnel".
La caractéristique du non-sens, est l'absence d’autocorrection, alors que la science,
elle, renferme des processus d’autocritique pour corriger ses propres erreurs.
De nombreux mouvements s'attachent aujourd'hui à des conceptions irrationnelles
dont le croyant, au tréfonds de lui-même, connaît l'illogisme. Pour FAIR, l'explication
réside dans la fuite du conflit, dont la crainte crée un mouvement circulaire
et cumulatif:
Les hommes de religion ont souvent une sérénité d'esprit qui est très trompeuse.
Ils semblent accepter les petites contrariétés, voire même les grandes, implacablement,
se déplaçant dans la vie comme si protégés par une armure invisible. Mais si on
fait l'erreur de questionner certaines notions clés sur lesquelles repose cette
stabilité psychique, l'homme, si calme et raisonnable il y a un instant, peut
devenir un maniaque dangereux.»
"Notre intelligence est consciente de ses propres erreurs. Puisque l'erreur en
tant que telle, peut constituer une menace pour notre survie, il est logique que
notre psychisme soit organise de telle manière que lorsque nous devenons même
vaguement conscients de nos propres erreurs, nous réagissons avec de l'anxiété...".
"Les conflits intérieurs qui naissent du non-sens s'extériorisent très volontiers,
et souvent sur une échelle colossale, aboutissant à ces holocaustes dont l'histoire
est remplie au nom de la Foi véritable. Il n'est pas étonnant que la religion,
en particulier, doit inspirer ce genre de militantisme et que des générations
de clergé doivent s'occuper à créer des superstructures immenses de dogmes à partir
des paroles (habituellement simples) des saints."
Un enseignement fondamental de la foi baha'ie est la recherche personnelle de
la vérité. Alliée à l'accord de la science et de la religion, cette recherche
doit mener à la quête de nuances incomprises ou à une rectification de visée dès
la perception d'une incohérente ; autrement dit, un progrès constant.
En parlant de cette recherche, Baha'u'llah conseille au vrai chercheur de «...
si bien épurer ses sentiments qu’il n'y reste aucune trace d'amour ou de haine,
de peur qu'aveuglement l’amour ne l’incline à l'erreur, ou que la haine ne le
détourne de la vérité.»
(20, CXXV)
Dans "Les Sept Vallées" (17) qui décrit les étapes que doit parcourir le "voyageur"
avant de parvenir à "l'approche" de Dieu, Baha'u'llah décrit d'abord "la vallée
de la recherche", dont le "véhicule" est la "patience". et où le chercheur doit
purifier son coeur de "toute trace d'attachement"... "Mais on n'y arrive qu'en
renonçant à tout, c'est-à-dire à tout ce qu'on a vu, entendu, compris"... C'est
alors seulement que "grâce au céleste messager", le voyageur humera le parfum
du "Joseph perdu" et entrera dans "la vallée d'amour". C'est lorsqu'il aura traversé
cette vallée, et si "grâce au secours du Créateur, l'amoureux a échappé aux serres
de l'aigle de l'amour, alors il entrera dans le royaume de connaissance. Il passe
ainsi du doute à la certitude". Nous voyons donc que toute "certitude" doit d'abord
passer par ces étapes.
15 - POTENTIALITES DE L'HOMME
"... Dieu a voulu conférer à L'homme, en privilège unique, ... la capacité de
Le connaître et de L'aimer... Sur la réalité de l'homme Il a concentré l'éclat
de tous Ses noms et attributs et il en a fait le miroir de sa propre Personne»
. «...Mais ces énergies ne sont en lui que latentes... comme est latente la flamme
dans la bougie... L'éclat de ces énergies peut être obscurci par les désirs d'ordre
terrestre, comme la lumière du soleil peut être cachée sous la poussière et les
impuretés qui couvrent le miroir... tant que le feu n'y aura pas été mis, la lampe
n'éclairera pas, et... jusqu'à ce que soit enlevée la poussière qui le recouvre,
le miroir ne pourra refléter le soleil... Et comme il ne saurait y avoir de lien
direct entre le seul vrai Dieu et sa création, et que rien de commun ne peut exister
entre l'Eternel et le transitoire, le contingent et l’Absolu, Dieu a ordonné qu'à
tout âge et à chaque dispensation, une Ame pure... soit manifestée... Ces Essences
de Détachement... sont les sources de l'omnipénétrante grâce de Dieu... elles
ont pour mission, par l'inspiration de leurs paroles, ... de purifier de la poussière
et scories, des soucis et limitations terrestres tout coeur qui soupire après
Dieu... C'est... alors seulement, que le Dépôt Divin, latent dans la réalité de
l'homme, émergera... Par les Enseignements de cette Etoile du Matin de la Vérité,
tout homme progressera et se développera jusqu'à ce qu'il parvienne à ce stade
où il pourra manifester tout le potentiel des forces dont son être intime et essentiel
a été doté."
Baha’u’llah, (20, XXVII)
16 - L'EFFORT PERSONNEL DE L'HOMME
«... Son dessein est de mettre ceux qui ont le coeur pur et l'esprit détaché à
même d'aborder, par la vertu même de leurs pouvoirs innés, les rivages du Grand
Océan, afin, qu'ayant ainsi sincèrement et diligemment cherché la Beauté du Très-Glorieux,
il puissent être distingués et séparés des indociles et des pervers... Si l'Eternelle
Essence manifestait tout ce qui est latent en Elle... nul ne songerait à mettre
en doute Sa puissance ou répudier Sa vérité. Bien plus, toutes choses créées seraient...
éblouies et accablées par la splendeur de Sa lumière... Et comment,... en de telles
conditions, le pieux pourrait-il être distingué de celui qui n'est qu'indocile
?"
Baha'u'llah, (20, XXIX)
17 - DE LA NEGLIGENCE VERS L'EFFORT
"Dis : Si vous aspiriez aux vanités de ce monde, pourquoi ne les avoir point cherchées
alors que vous étiez dans le sein de votre mère, car alors, - puissiez-vous le
comprendre -, vous ne cessiez de vous en approcher. Mais depuis votre naissance
et à mesure que vous avez avancé en âge, vous vous en êtes constamment éloignés
et vous n'avez cessé de tendre à retourner à la poussière...", Baha"u'lléh (20,
LXVI)
Dans "Les Sept Vallées", il parle de. .. "sans cesse aller de la négligence vers
le monde de l'effort...»
(17, p. 11)
18 - DIEU ET SA MANIFESTATION
"Les Saintes Manifestations ou prophètes de Dieu sont comme ces miroirs qui ont
acquis leur illumination du Soleil de la Vérité, mais le soleil... ne descend
pas pour entrer dans le miroir... Le Soleil de la Divinité et de la Réalité s'est
révélé en des miroirs variés ... Cependant le Soleil n’est qu'un... certaines
âmes affectionnent le soleil ... elles aperçoivent la splendeur du soleil dans
chaque miroir ; elles sont attachées au Soleil lui même et l'adorent quel que
soit l'endroit où il brille. Mais ceux qui adorent le miroir et lui sont attachés,
deviennent privée de la vue de la lumière solaire lorsqu'elle brille d'un autre
miroir."
‘Abdu’l-Baha, (3, p. 55)
19 - PERCEPTION DE LA DOULEUR ET LE MARTYR
Mulla Sadiq, un des premiers à être victime de ces persécutions, fut condamné
à neuf cents coups de fouet. Alors que l'on craignait qu'il succombe à ce traitement,
il semblait indifférent aux coups et paraissait même cacher un sourire avec sa
main. Plus tard il explique : "Les sept premiers coups furent très pénibles, quant
aux autres, ils me laissèrent indifférent. Je me demandais si les coups qui se
suivaient me frappaient réellement le corps. Un sentiment d'exultation avait envahi
mon âme. J'essayais de réprimer mes sentiments et de retenir mon rire. Je puis
à présent, réaliser comment le Libérateur Tout Puissant peut en un clin d’oeil
transformer la peine en bien-être et la tristesse en joie". (91, p. 67)
Haji Sulayman Khan, le corps percé de neuf trous implantés de chandelles allumées,
fut promené à travers le marché au battement des tambours et au son des trompettes
jusqu'au lieu de son exécution. Marchant tel un vainqueur qui va vers la scène
de sa victoire, entouré de la foule excitée, il s'adressait aux flammes : "Vous
avez depuis longtemps perdu votre agressivité, O flammes et avez été dépourvues
de votre pouvoir de me faire souffrir."
A la foule, il annonçait : "Ce Sulayman que vous voyez devant vous,... ne jouissait-il
pas ... des faveurs et de la richesse que le monde peut conférer ? Qu'est-ce qui
peut l'avoir fait renoncer à cette gloire terrestre et accepter en échange une
si grande dégradation et une telle souffrance ?". A sa demande, son corps coupé
en deux morceaux fut suspendu de chaque côté de la porte de Téhéran pour témoigner
de "l'amour que la Foi du Bab avait suscité dans le coeur de Ses disciples ...
et les preuves de leur dévotion." (91, p. 287-8).
20 - CRITERES DE LA VERITE
‘Abdu'l-Baha, en exposant les critères de la vérité, cite les quatre critères
habituellement invoqués : La perception des cinq sens, La raison, Les traditions,
et l'Inspiration.
Les cinq sens peuvent être trompés par les phénomènes physiques (mirages, effets
optiques, ... ).
La raison n'est pas infaillible ; d'où les divergences d'opinion entre savants,
et l'abandon de théories scientifiques d'époque en époque...
Les traditions ne sont que les interprétations humaines des livres saints, donc
susceptibles des mêmes erreurs que la raison.
Les inspirations ne sont que les émanations du coeur, qui peuvent être Divines,
comme "sataniques"...
Il conclut que le jugement humain est faillible, et seul le souffle du Saint Esprit,
(révélé par les Manifestations de Dieu) est fiable. (1, p. 45).
21 - LA JUSTICE SOCIALE ET L'EDUCATION
«Il... est clair... que la répartition de fortunes excessives entre les mains
d'un petit nombre d'individus, à côté de la misère de la masse, est une iniquité
et une injustice. De même, L'égalité absolue serait un obstacle à la vie, au bienêtre,
a l'ordre et à la tranquillité de l'humanité. ... Celui qui en rencontre un autre
dans la plus grande misère, peutil jouir heureusement de sa fortune
‘Abdu'l-Baha, (6, p. 302)
22 - LETTRES AUX SOUVERAINS
"0 Souverain» (Shah de Perse), "Je n'étais qu'un homme comme tant d'autres, endormi
sur mon lit, lorsque le souffle du TrèsGlorieux passa sur moi et m'enseigna la
science de tout ce qui fut... Il m'ordonna d'élever la voix entre la terre et
les cieux et pour cela, il m'est advenu ce qui a fait couler les larmes de tout
homme de discernement. Je n 'ai pas étudié les sciences... et n'ai fréquenté aucune
école... Je ne suis qu'une feuille que remuent les brises de la volonté de ton
Seigneur...".
"0 Rois de la terre ! Nous vous voyons accroître vos dépenses chaque année et
en faire supporter la charge par vos sujets. Cela est, manifestement, tout à fait
injuste....»
"Soyez unis, O Rois de la terre, car ainsi le tumulte de la discorde s'apaisera
parmi vous et vos peuples trouveront le repos..."
"0 souverain de Paris (Napoléon III) Ton faste t'atil enorgueilli ? Par ma vie
! Il ne durera pas; il sera bientôt anéanti, à moins que tu ne t'accroches fermement
à cette Corde solide. Nous voyons l'humiliation à tes trousses., alors que tu
es dans l'insouciance... Considère le monde comme le corps d'un homme affligé
de maux divers, et dont la guérison dépend de l'arrangement harmonieux de ses
différentes parties..."
Baha'u'llah (19)
CONCLUSION
Les problèmes et contradictions de la pratique médicale sont souvent issus d'incohérences
conceptuelles dans les notions de santé et de maladie. Ces notions, liées à l'idée
de finalité de la vie humaine dans ce monde sont inspirées par la religion qui
est supposée en contradiction avec les critères d'objectivité de la science moderne.
Ce souci d'impartialité qui a permis d'éliminer de nombreuses superstitions, a
fait négliger la subjectivité de l'être humain et les valeurs sur lesquelles est
fondée la société humaine la médecine qui côtoie journellement ces aspects de
la vie humaine, ne peut se permettre de les ignorer.
Née en 1844, la foi baha'ie offre une explication intelligible du phénomène religieux
qui a marqué si profondément l'histoire des civilisations. Il n'y a en réalité
qu'une seule religion, révélée au nom d'une même force transcendante, mais adaptée
à la compréhension croissante des hommes ; les valeurs qu'elle inculque sont en
accord avec les besoins et la science de chaque époque - voire même en avance
sur ces derniers. C'est le temps et les interprétations des hommes qui creusent
le fossé entre la science et la religion. La Foi Baha'ie se présente comme l'étape
actuelle, mais non ultime, de cette révélation progressive.
L'ensemble des valeurs et des lois apporté par chaque messager divin, permet d'harmoniser
l'individu et sa société, jetant ainsi les bases d'une civilisation prospère.
La science et la religion sont donc complémentaires; voilà pourquoi notre travail
a cherché à confronter les textes baha'is relatifs à la santé, avec quelques-uns
des problèmes de la pratique médicale. Vu les implications très vastes de ces
textes, nous nous contenterons d'en citer quelques points saillants :
Le «mal» qui a fait couler tant de sang et tant d'encre n'existe pas ; il est
l'absence du "bien". La maladie n'est pas due à l'envahissement par une force
perfide et malfaisante, mais à la rupture d'un équilibre biopsycho-social. Le
terrain, tant négligé depuis la fixation excessive de notre attention sur des
concepts de persécution par la maladie, implique l'adoption de notions de santé
et de bien-être humains.
La santé, outre l'équilibre interne de l’individu, entend ses relations avec son
environnement. Contrairement à l'animal, l'homme est en déséquilibre constant
avec son environnement naturel ; ceci, à condition qu'il soit en possession d'une
échelle de valeurs cohérente, est le moteur de son progrès. La santé est donc
dynamique et sous-entend le développement des potentialités psychologiques pouvant
être développées par l'éducation. Deux facultés de base semblent se distinguer
: la faculté d'aimer, et la faculté ' de connaître. Les incohérences de valeurs
peuvent être à l’origine de troubles psychologiques. Les potentialités physiologiques
peuvent être développées par une nutrition adéquate.
L'environnement humain est lui aussi dynamique, pouvant occasionner des troubles
d'adaptation ; en particulier ce dernier siècle a vu une mutation profonde qui
est liée à la gestation d'une civilisation mondiale, à laquelle ont fait allusion
tous les livres saints du passé. Le bien-être de l'homme dépend de l'unité de
sa société ; la santé de cette société implique une coopération mutuelle et réciproque
des différents membres de la race humaine. Dans une telle société, le comportement
sain de l'homme, le but de son existence, est la servitude envers l'humanité :
une sorte d'homéostasie sociale. Les relations avec l'environnement sont perçues
à travers une subjectivité faisant intervenir les valeurs dont l'individu investit
chaque situation. Ces valeurs dictent le comportement et déterminent si le stress
de la vie est perçu d'une manière stimulante ou pathogène.
Le terrain de la maladie comporte deux éléments : l'un spirituel et profond, nécessite
l'application des lois et préceptes apportés par le messager divin de chaque époque.
L'autre élément, physique et apparent, est l'équilibre des divers constituants
du corps humain dont la rupture laisse éclore la maladie. Sa correction, après
détermination scientifique, peut être effectuée soit à l'aide de médicaments,
soit, solution d'avenir, à l'aide d'une alimentation judicieuse.
Les efforts pour la santé n'excluent en aucun cas les soins à ceux qui sont malades.
L'individu a un devoir de conserver sa santé et de consulter un médecin compétent
lorsque malade. La place accordée à la science médicale est surprenante dans la
foi baha'ie. Les relations médecin-malade sont renforcées par l'autorité mais
aussi la compétence et les qualités morales attachées à sa fonction. On ne peut
apparemment pas parler d'une médecine parallèle, mais de certains aspects négligés
de la science médicale.
La thérapeutique ne chasse pas le "mal" (cette croyance motive la surconsommation
médicamenteuse), mais cherche à rétablir l'homéostasie en agissant conjointement
sur les différents facteurs cités ci-dessus. Ce retour à la santé, avec ses implications
d'intégration, de comportement, d'éducation et de participation subjective du
patient ne nous semble envisageable qu'en travail d'équipe ; les moyens spirituels
et matériels de guérison étant deux aspects complémentaires et inséparables de
la guérison.
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