Médiathèque baha'ie

Regard baha’i sur les épreuves

Jean Sévin
d’après l’ouvrage de J.A Mc Lean «Dimensions in spirituality»


«Le laboureur creuse la terre avec sa charrue et par là cette terre devient riche et donne une riche moisson. Plus un homme est appelé à se corriger, plus grande sera la moisson de vertus spirituelles qu’il récoltera.» (Abdu'l-Baha )

* Signification des épreuves

La plupart des gens aimeraient que la souffrance n’existât pas et s’en plaignent au point souvent d’en vouloir au Créateur qui a permis que souffrances et épreuves de toutes sortes existent sur terre. Mais si le Créateur en a décidé ainsi, c’est qu’il doit y avoir une raison valable. En effet, dans les Ecrits baha'is, surmonter les épreuves est bénéfique pour notre développement moral et spirituel.

Pour bénéficier des épreuves, il faut les comprendre et les accepter. Mais quels bénéfices en tire-t-on ?

a) une meilleure compréhension de soi-même, la réalisation que notre vraie nature est spirituelle
b) un accroissement des qualités spirituelles telles que l’amour, la foi, la connaissance, le détachement, l’obéissance, le sacrifice et la justice. Ceci nécessite effort et attitude adéquate.

En période d’épreuves, on peut toujours se faire aider par Dieu «qui dissipe les difficultés» (le Bab) Les amis et les institutions peuvent aussi éventuellement nous aider.

Le Maître écrivait à une croyante que ces épreuves et tribulations sont générales pour détacher les coeurs du monde, s’attacher au monde divin et solliciter les dons du Royaume. Les épreuves, dit-Il, sont une loi de la vie et celui qui n’a pas souffert n’atteint pas la perfection.

Un arbre élagué par le jardinier donnera les pus belles fleurs et des fruits abondants au temps de l’été. Les jardiniers sont les Manifestations de Dieu (Messagers divins), et la moisson sera la maturité spirituelle qui trouvera sa pleine expression à la saison de la moisson, après cette vie terrestre.

On doit accepter les épreuves avec un esprit magnanime pour qu’elles nous profitent. C’est très dur ! Cette acceptation d’une épreuve est nécessaire pour pouvoir la surmonter, sinon la déprime, la rébellion ou des troubles mentaux s’ensuivent.

«A moins d’accepter la souffrance, les épreuves et vicissitudes subies, on ne récoltera pas de récompense pas plus qu’on atteindra le succès et la prospérité. Aussi dois-tu endurer de grandes épreuves pour que les bénédictions divines infinies puissent t’entourer...» (Abdu'l-Baha)

L’endurance est nécessaire et le Gardien ajoute: «Telle est la voie du monde. Les plus grands d’entre nous semblent être ceux qui ont le plus souffert et ont le mieux surmonté les combats de la vie.»

Endurance est soeur de la fermeté. Baha'u'llah dit: «Car pour qui reste solide et ferme en cette sainte, glorieuse et exaltée révélation, un tel pouvoir lui sera donné qui le rendra capable de surmonter tout ce qui est sur terre et dans les cieux. De ceci, Dieu Lui-même en est témoin !»

Les psychiatres affirment que «l’acceptation» est une grande thérapeutique pour les âmes en détresse.

«Ne sois pas troublé par les épreuves et difficultés ; tourne-toi vers Dieu, te prosternant humblement et Le priant, tandis que tu endures toute épreuve, satisfait en toutes conditions et reconnaissant quelques soient les difficultés.» (Abdu'l-Baha)

Le Maître demande «un radieux acquiescement» et non pas «une résignation bornée». Il dit:
«Les confirmations de l’Esprit sont tous ces dons et pouvoirs avec qui certains sont nés et que les hommes appellent parfois le génie, mais pour qui d’autres ont à lutter avec des peines infinies. Celles-ci arrivent pour que l’homme ou la femme accepte sa vie avec un radieux acquiescement».

Mère Julien, une anglaise mystique a écrit dans ce sens: «Plus nous prenons fortuitement nos souffrance, et moins nous y attachons d’importance par amour de Lui, moindre sera la souffrance que nous expérimentons et plus grandes seront notre gratitude et récompense.»

Baha'u'llah recommande de voir «la fin dans le commencement.» (Les sept vallées) Ainsi ne serons-nous pas découragés, affirme-t-Il, et par cette compréhension nous découvrirons que souffrances et tribulations sont finalement miséricorde et bénédiction divines.

Des psychologues ont constaté que les survivants des camps de concentration étaient les gens qui gardaient le moral en faisant des projets d’avenir, quels qu’ils aient pu être.

Il a été dit également par l’un d’entre eux que la souffrance cessait (ou s’estompait) lorsqu’on en trouvait une raison, la logo thérapie de la signification du sacrifice.


* Utilité des épreuves

Dans les Ecrits baha'is, on trouve parmi toutes les significations des épreuves les réponses suivantes:

1.- Les épreuves sont une loi inéluctable de la vie

2.- Les épreuves augmentent la croissance spirituelle

3.- Les épreuves sont un signe de l’attention aimante de Dieu.

4.- Les épreuves nous confrontent afin de surmonter une faiblesse quelconque ou une certaine faute morale.

5.- Les épreuves peuvent aussi être dans certains cas une punition (leçon à retenir) pour nos péchés (consistant à mal viser la réalité) afin de pouvoir espérer une amélioration dans notre vie.

6.- Les épreuves permettent de distinguer le vrai du faux croyant, le sincère du fourbe, le courageux du couard, le loyal du déloyal, et le faible du fort. En d’autres termes, elles révèlent notre véritable identité.

7.- Les épreuves augmentent notre détachement du monde, et donc notre liberté d’être.

8.- Les épreuves nous apprennent à devenir solides et fermes dans nos convictions.

Ces épreuves nous arrivent parfois, explique le Maître, pour quelque raison cachée que Dieu seul connaît. La raison nous en apparaîtra éventuellement que plus tard. Il faut donc se confier à Dieu et se résigner à Sa volonté.


* Aspects irrationnels des épreuves

On ne peut pas rationaliser l’adversité.Pour comprendre cela, si Shakespeare a peut-être amené la littérature humaine à son apogée, celle de Baha'u'llah la transcende et est une littérature divine. La dimension en est différente, car si les Ecrits sacrés représentent la parole de Dieu, ceux-ci sont donc la vérité. Si les grands poètes savent jouer sur toutes les notes d’un clavier humain, Baha'u'llah, le musicien maître, joue des sons inconnus sur une échelle dont les sons représentent totalement une nouvelle expérience du divin:
«Chaque mot qui provient de la bouche de Dieu est doté d’un tel pouvoir qu’il peut instiller une vie nouvelle dans chaque forme humaine, si vous êtes de ceux qui comprennent cette vérité. Tous les ouvrages merveilleux que vous contemplez en ce monde ont été produits par l’opération de Sa volonté suprême et très exaltée, de son but merveilleux et immuable.» (Baha'u'llah)

Ce qui précède pour dire qu’«en clin d’oeil», la parole divine peut nous transformer et nous rendre capables d’appréhender des vérités qui échappent à la seule raison. La Manifestation de Dieu nous recréé spirituellement.


* Deux types d'épreuves - pédagogie et punition

La théodicée baha'ie (tentative d'explication de l’existence du mal) est comparable à celle de l’Islam. Alan L. Berger, considérant dans l’Islam le «mal et la souffrance» écrit que l’attitude fondamentale de l’Islam est la soumission (‘aslama signifiant soumission) et se manifeste soit par la punition pour les péchés soit par le test ou l’épreuve. D’où la nécessité d’être patient et endurant. La souffrance fait partie de la stricte justice de Dieu, écrit John Bowker.

Abdu'l-Baha écrit dans le même sens: «Sache que les épreuves sont de deux sortes:l’une est pour nous éprouver (l’âme) et l’autre est punition pour nos actions... Pour ce qui est des épreuves, c’est un moyen éducatif de développement et en ce qui concerne la punition pour des actions accomplies, c’est une sévère rétribution.»

On connaît la phrase coranique reprise par Baha'u'llah: «Les hommes s’imaginent-ils qu’il suffit de dire "nous croyons" et qu’ils ne seront pas mis à l’épreuve ?»

Parlant des grandes calamités qu’Il rencontrerait, Abdu'l-Baha a dit que ce n’étaient pas des calamités, mais des bontés, non pas des afflictions mais des dons ; non pas des difficultés, mais la tranquillité ; non pas des troubles, mais la miséricorde , et qu’Il remerciait Dieu pour cette grande faveur.

Bouddha aussi n’enseignait que deux choses: la souffrance et la possibilité d’y échapper. Et le moyen d’y échapper est de se détacher des appâts et attraits du monde matériel, de ses désirs humains.

L’auteur Mc Lean trouve aussi ces deux types d’épreuves dans l’Ancien Testament avec et également dans le Nouveau Testament.

Abdu'l-Baha a dit à Paris: «Les épreuves sont des bienfaits de Dieu, pour lesquels nous devrions Le remercier. Chagrin et peine ne nous arrivent pas par hasard, ils nous sont envoyés par la Miséricorde divine pour notre propre perfectionnement.»

Et Baha'u'llah révèle qu’épreuves et tribulations ont de tous temps été le lot des élus et bien-aimés de Dieu et de ceux de Ses serviteurs détachés de tout autre que Lui.

Par exemple: la maladie, une mort subite, une séparation, une perte personnelle, une trahison, la pauvreté, une santé fragile, être victime d’agissements d’autrui, tout ceci fait partie du premier type d’épreuves pour la croissance de l’âme, tandis que la violation de lois divines peut entraîner une souffrance qui est une rétribution pour une mauvaise conduite. Mais la punition doit être un moyen de retourner dans le droit sentier par le repentir de ses péchés, ce qu’Abdu'l-Baha qualifie de «retour de la désobéissance à l’obéissance».

Il est aussi possible que ces deux types d’épreuves existent ensemble mais dans les deux cas, on dit de prier pour rester fermes et patients dans les épreuves.

Si nous ne surmontons pas les épreuves, nous pouvons à la longue changer notre destin comme il en existe des exemples dans la littérature de la Grèce antique.

Abdu'l-Baha a écrit:
«Les épreuves sont des moyens par lesquels on connaît l’aptitude de l’âme selon ses actes. Dieu connaît par avance son aptitude et aussi son incapacité, mais l’homme, avec son ego, ne voudra pas croire en son inaptitude tant qu’il n’en aura pas eu la preuve. En conséquence, sa tendance au mal lui est prouvée quand il échoue devant les épreuves et alors les épreuves continuent jusqu’à ce que l’âme réalise son inaptitude, et alors des regrets et remords permettront de redresser la faiblesse. La même épreuve revient à nouveau à un plus grand degré, jusqu’à ce qu’il soit évident qu’une faiblesse antérieure est devenue une force et que le pouvoir de surmonter le mal ait été établi.»

On voit par là, comme dans le récit d’Adam et Eve de la Genèse, l’inclination humaine à faire le mal (à suivre innocemment nos impulsions naturelles) avant de prendre conscience de notre vraie nature spirituelle, représentée par des ceintures de figuier, cet habillement étant celui des préceptes de la révélation divine. L’ego est défini chez les baha'is comme le «moi binaire» i.e. d’une part le soi supérieur qui est le moi spirituel, la création de Dieu, et d’autre part le soi inférieur défini par le Gardien comme «héritage noir, animal commun à chacun de nous, la nature inférieure qui peut se développer en un monstre d’égoïsme, de brutalité, de luxure, etc.» Ce Satan contre lequel nous nous battons est, selon Abdu'l-Baha, le «moi insistant», autre définition de l’ego.

On peut surmonter les épreuves tant par l’aide de Dieu que par la transformation individuelle. Les épreuves sont d’autant plus grandes que l’est la Révélation divine. Il en est ainsi de l’aide de Dieu.

C’est pourquoi le Gardien affirme que des individus faibles peuvent soudain devenir miraculeusement forts et inversement. Leur durée est très variable, de très courte à une vie entière, selon notre réaction devant l’épreuve. Shoghi Effendi, parlant de cette conquête définitive a écrit: «Vous trouverez soudain que vous avez conquis beaucoup des problèmes qui vous troublaient et vous vous demanderez alors pourquoi ils vous ont tant troublé.» Chaque pas en avant à la conquête de la victoire sur ces épreuves, renforce l’énergie et la capacité et facilite ainsi les futures victoires dans les combats à venir. Il en va de même pour la foi baha'ie en général comme on le lit dans «Crises et victoires».

Le Maître explique en effet que ce monde de mortalité est un monde de contradictions, d’oppositions et que le mouvement étant obligatoire, on ne peut qu’avancer ou reculer. Mais il n’y a pas de régression dans le monde de l’esprit, tout mouvement allant dans le sens de la perfection. La défaite devant les épreuves peut même aussi aider à avancer spirituellement en ce sens que lorsqu’on en prend conscience, on fait le nécessaire pour redresser les erreurs commises et les fautes passées. Ces écarts peuvent devenir le moyen de purifier nos esprits, renforcer nos caractères et nous élever à de plus grandes hauteurs de service, écrit le bien-aimé Gardien.

La confiance en Dieu est un legs de la tradition judéo-chrétienne. Des philosophes, tels qu’Erikson ou Wright assimilent cette confiance religieuse à celle de l’enfant pour sa mère. Son influence sur l’enfant est certaine ainsi que sa façon d’être transmise.

Abdu'l-Baha a écrit: «L’essence des enseignements de Baha'u'llah est un amour qui embrasse tout, car l’amour inclue l’excellence même du genre humain. Il permet à chaque âme d’aller de l’avant. Il accorde à chacun, en guise d’héritage, la vie immortelle.»

L’orgueil, selon l’église chrétienne et grands penseurs comme Dante, est le premier des sept péchés capitaux et est responsable du reniement de la pédagogie de l’épreuve. Baha'u'llah parle de «l’orgueil et de la vaine gloire» dans le Kitab-i-Iqan, et que jusqu’au dernier souffle, personne n’est sûr de son sort. Il faut arriver à considérer tout ce qui n’est pas Dieu comme transitoire et pur néant, comme la brume qui se dissipe à la chaleur du soleil.

Ce chapitre se termine sur une belle citation de Kahlil Gibran, grand admirateur d’Abdu'l-Baha, sur le fait que le remords contribue à la connaissance de soi.


* Processus de compréhension des épreuves dans la vie

L’EGO EST:
- Source de l’épreuve
- Satan décrit comme «le moi insistant»
- Orgueil ou ego.
- Le moi inférieur devient un «monstre d’égoïsme»

L’AME IMMATURE SE DEVELOPPE:
- Soit par la pédagogie :
Est un test ou épreuve de la foi.
N’est pas une conséquence du péché.
Est envoyé par la «miséricorde divine» pour notre propre perfectionnement
Au-delà de notre contrôle.
A comme résultat de renforcer nos vertus spirituelles.
- Soit par la punition :
Violation de la loi divine
Péché ou défaite morale
Négligence d’un devoir
Manquement à faire face à une quelconque situation
C’est «une sévère rétribution».

FACE A L’EPREUVE :
- Soit le croyant surmonte le test :
Un nouveau mode de conduite émerge lentement.
Renforcement des vertus spirituelles:
Fermeté, amour, joie, connaissance de soi, détachement.
Se lève à de plus grandes hauteurs de service
- Soit le croyant échoue devant le test :
Le croyant refuse l’épreuve
Ne veut pas observer les lois de la foi
Refuse d’être conseillé
Ne veut pas faire face à la souffrance occasionnée par l’épreuve
Incapable de discerner l’irréel ou réel

RESULTAT DE L’EPREUVE :
- Soit la croissance spirituelle
Approche de la station du «vrai croyant»
- Soit la répétition de l’épreuve
Le croyant est confronté avec l’épreuve récurrente
Le croyant accepte et surmonte alors l’épreuve.

LE CYCLE SE REPETE...

Nota : voir aussi la compilation «Crises et victoires» pour la finalité et la pédagogie de l’épreuve.

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