Médiathèque baha'ie

La continuité de la révélation
dans le judeo-christianisme


Par Louis Hénuzet
(érudit baha'i qui fut professeur universitaire en étude comparée des religions ainsi que conseiller continental baha'i)


La doctrine de la révélation progressive est contenue dans toutes les religions. Nous devons nous référer aux textes sacrés et non à l'enseignement des hiérarchies ecclésiastiques qui interprètent les Écritures de telle manière que les prophètes sont toujours incompris et rejetés lors de leur venue (1).

L'Ancien et le Nouveau Testaments sont donc nos livres de référence pour étudier cette question dans le judéo-christianisme. Nous savons qu'ils n'ont pas été écrits par Moïse ou par Jésus. Ils sont le témoignage authentique des traditions orales perpétuées dans les communautés entre l'époque de la révélation par le prophète et le moment où ils ont été rédigés. Même si les paroles rapportées ne sont pas exactement celles qui ont pu être prononcées, elles témoignent de l'esprit de la révélation et sont donc pour nous, baha'is, des références à méditer. Cette méditation est d'autant plus nécessaire que les récits appartiennent souvent au genre littéraire de la métaphore ou de la parabole.

La notion de la continuité de la révélation est intimement liée à la conception de l'Alliance entre Dieu et les hommes, Alliance que les vieilles traditions sémitiques font remonter à Abram (2) et même aux patriarches antérieurs. Yahweh promet à Abram vieillissant une descendance nombreuse dont sortiront les nations et annonce une Alliance avec cette descendance, renouvelée d'âge en âge. Il donne à Abram le nom d'Abraham, père des nations. Cette descendance proviendra du fils aîné, Ismaël, né de la servante d'Abraham, Agar, de son second fils, Isaac, né de sa femme, Sara, et des six fils qu'il eut de sa troisième femme, Kétura.

Les premiers chapitres de l'Exode nous font le récit du renouvellement de l'Alliance par l'intermédiaire de Moïse :
Dieu adressa la parole à Moïse. Il lui dit : C'est moi le SEIGNEUR. Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme Dieu Puissant, mais sous mon nom, le SEIGNEUR, je ne me suis pas fait connaître d'eux. Puis j'ai établi mon alliance avec eux... Enfin, j'ai entendu la plainte des fils d'Israël... et je me suis souvenu de mon alliance (3)".

Nous avons déjà ici une indication que toute la révélation n'est pas donnée en une seule fois car Dieu ne s'est pas révélé à Abraham, Isaac et Jacob sous le nom de Yahweh, mais ultérieurement à Moïse

Yahweh donne à Moïse le pouvoir de sauver son peuple : "Vois, je t'établis comme dieu pour le Pharaon, et ton frère Aaron sera ton prophète (4)". Il est intéressant de noter dans ce verset que Moïse est appelé dieu et Aaron un prophète. Ce dieu ne peut être identifié à Dieu qui ne partage son essence avec personne, mais signifie que Moïse est revêtu d'un pouvoir divin conféré par Dieu. Quant à Aaron, il devient porte-parole de Moïse envers Pharaon et c'est pour cela qu'il est appelé prophète. Quant à l'Alliance, Yahweh la réaffirme à Moïse sur le sommet de la montagne :

"Il dit: Je vais conclure une alliance. Devant tout ton peuple, je vais réaliser des merveilles... et tout le peuple qui t'entoure verra qu'elle est terrible, l'oeuvre du SEIGNEUR, celle que je vais réaliser avec toi (5)".

À Moïse, Yahweh annonce le renouvellement de l'Alliance dans les temps à venir: " Alors le SEIGNEUR me dit : C'est un prophète comme toi que je leur susciterai du milieu de leurs frères ; je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai (6)".

Les prophètes mineurs se font un écho du renouvellement à venir de l'Alliance. Les passages sont trop nombreux pour les citer tous. "Des jours viennent - oracle du SEIGNEUR - où je conclurai avec la communauté d'Israël - et la communauté de Juda - une nouvelle alliance (7)".

Les extraits suivants sont importants pour la tradition chrétienne : " Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d'Émmanuel. (8)" Le christianisme a vu dans ce verset l'annonce de la naissance de Jésus. Remarquons que cette traduction de la TOB reprend exactement le terme hébreux " halamah", jeune femme, de la Bible hébraïque, alors que la traduction en grec de la Septante (9), avait utilisé le mot " parthenos", vierge, que nous trouvons dans d'autres traductions françaises de la Bible. Quant au prénom " Emmanuel", il signifie " Dieu avec nous".

"Depuis le surgissement d'une parole en vue de la reconstruction de Jérusalem, jusqu'à un messie-chef, il y aura sept septénaires... Et après soixante-deux septénaires, un oint sera retranché, mais non pas pour lui-même. Quant à la ville et au sanctuaire, le peuple d'un chef à venir les détruira (10)".
Soixante-neuf semaines (septénaires) de 7 jours font 483 jours, soit 483 années selon la leçon de Nombres 14 :34 (une année pour un jour). L'édit d'Artaxerxès, permettant la restauration du culte dans le Temple en reconstruction, date de 457 avant J.C (11). Si nous comptons 483 années à dater de cette date, nous arrivons à l'an 26 après J.C. C'est le commencement de la soixante-dixième semaine (de 26 à 33) au cours de laquelle l'oint doit être retranché. Il s'agit manifestement de l'annonce de l'exécution de Jésus qui fut un oint, c'est-à-dire un christ et le nouveau médiateur de l'Alliance : " Voilà pourquoi il est médiateur d'une alliance nouvelle, d'un testament nouveau (12)".

Cette prophétie de Daniel s'applique manifestement à Jésus, mais peut-on dire qu'il en va ainsi pour toutes les prophéties ? Par exemple ces prophéties d'Esaïe :
"Il arrivera à la fin des jours, que la Montagne de la maison de Yahweh sera établie au sommet des montagnes... et vers elle toutes les nations afflueront.. (13) " Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné. La souveraineté est sur ses épaules. On proclame son nom:: Merveilleux - Conseiller, Dieu - Fort, Père à jamais, Prince de la paix (14)".
Ces titres n'ont jamais été attribués à Jésus et la montagne du Seigneur n'a jamais été établie pour gouverner toutes les nations.

Ce ne sont là que quelques passages auxquels nous en ajouterons un qui se trouve dans le livre de Daniel et qui appartient à un genre littéraire important dans les écrits sacrés judéo-chrétiens : les Apocalypses. Ce sont des révélations, souvent sous forme de visions dont la signification est parfois volontairement cachée jusqu'au jour où la clef de l'interprétation est donnée par le nouveau médiateur de l'Alliance éternelle.

Daniel a une vision qui concerne l'abomination et la désolation, c'est-à-dire l'abandon du sanctuaire pour être foulé et demande combien de temps cela durera : "Il me dit : Jusqu'à deux mille trois cents soirs et matins ; puis le sanctuaire sera rétabli dans ses droits (15)". Si nous appliquons la même clef que pour les soixante-dix semaines, ces deux mille trois cents ans débutent en 457 avant J.C. et se terminent en 1843 après J.C. C'est donc après 1843 qu'il faut chercher le moment où le sanctuaire sera purifié par le renouvellement de l'Alliance. C'est ce qu'avait prédit Miller, comme d'ailleurs d'autres théologiens, qui annonçait le retour de Jésus pour mai 1844. Comme ces chrétiens n'ont rien vu en 1844, les interprétations de Miller ont été rectifiées dans des mouvements religieux issus du Millérisme comme les Adventistes du septième Jour ou les Témoins de Jéhovah.

La continuation de la révélation est évidente dans l'Ancien Testament qui est constitué non seulement de textes historiques, législatifs, mystiques mais aussi d'enseignements dispensés par une série de prophètes mineurs à des époques qui se succèdent depuis le VIIIe siècle jusqu'au IIe siècle avant J.C. et dont les visions concernent un avenir qui va souvent au-delà du judaïsme et du christianisme.

Lorsque les auteurs du Nouveau Testament nous parlent de Jésus et de son enseignement, ils le relient souvent à des éléments contenus dans l'Ancien Testament. La révélation chrétienne est donc de façon certaine la continuation de la révélation judaïque.

À plusieurs endroits du Nouveau Testament, on fait écho à un enseignement certainement très ancien donc très authentique, où Jésus nous est présenté comme celui qui accomplit la prophétie du Deutéronome : Jésus est le prophète annoncé par Moïse. Cette idée n'apparaît plus qu'en arrière plan car à l'époque où les évangélistes rédigent leurs textes, c'est-à-dire vers la fin du 1er siècle de notre ère, les communautés chrétiennes ont déjà accepté l'idée que Jésus est plus qu'un prophète. Il subsiste toutefois quelques passages dans les textes canoniques qui se font l'écho de cet enseignement. Deux passages sont remarquables à cet égard et se trouvent dans les Actes. Ce sont les discours de Pierre devant le Sanhédrin :
"Israélites, écoutez mes paroles: Jésus le Nazôréen, homme que Dieu avait accrédité auprès de vous (16)". Un homme accrédité est un homme choisi. "Le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié son Serviteur Jésus que vous, vous aviez livré et que vous aviez refusé en présence de Pilate décidé, quant à lui, à le relâcher. Vous avez refusé le Saint et le Juste, et vous avez réclamé pour vous la grâce d'un meurtrier (17)".
Jésus est ici présenté comme le serviteur, le saint, le juste, qui selon l'Ancien Testament est fils de Dieu (18). " Moïse d'abord a dit: Le Seigneur Dieu suscitera pour vous, d'entre vos frères, un prophète tel que moi; vous l'écouterez en tout ce qu'il vous dira (19)". Dans ce discours, Pierre fait référence à la prophétie du Deutéronome.

Mais ce ne sont pas les seules survivances de cette ancienne tradition. Les trois Évangiles synoptiques, mais aussi le quatrième Évangile, rapportent ce que Jésus a dit à Nazareth : " Jésus leur disait :
Un prophète n'est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents et dans sa maison. (20)". C'est devenu un dicton souvent utilisé aujourd'hui. " Il avait en effet attesté lui-même qu'un prophète n'est pas honoré dans sa propre patrie (21)".
Que Matthieu et Luc reprennent cette tradition n'a rien de curieux puisqu'on sait aujourd'hui que l'Évangile de Marc a servi de source aux deux autres, mais que nous la trouvions aussi dans Jean qui provient d'une tradition tout à fait indépendante, démontre que l'idée d'un Jésus, prophète envoyé par Dieu, était communément acceptée. " Seigneur, lui dit la femme (la samaritaine), je vois que tu es un prophète (22)". " Jésus leur dit: ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son oeuvre (23)".

Quant aux textes qui établissent formellement que Jésus est un prophète comme Moïse, ils seront finalement exclus du canon des Écritures chrétiennes, par exemple le Pasteur d'Hermas ou les lettres pseudo-clémentines. Luc, dans le récit de l'apparition de Jésus sur le chemin d'Emmaüs, met dans la bouche de Cléopas les paroles suivantes : " Ce qui concerne Jésus de Nazareth, qui fut un prophète puissant en action et en parole devant Dieu et devant tout le peuple (24)".

Il faudrait des heures d'études pour montrer tous les liens qui existent entre l'Ancien et le Nouveau Testament et qui démontrent la continuité de la révélation comme si les livres du Nouveau Testament n'étaient que des chapitres supplémentaires. C'est d'ailleurs ainsi que le christianisme présente la Bible : un seul livre en deux parties.

Ce qui nous intéresse maintenant, c'est de voir que la révélation chrétienne ne met pas fin à cette continuité, mais qu'elle annonce au contraire d'autres révélations à venir.

Les Évangiles synoptiques n'ont guère de références à cet égard car ils sont principalement des récits d'épisodes se produisant pendant la prédication de Jésus. Un chapitre fait toutefois exception, c'est le chapitre 13 de l'Évangile de Marc, qui est reproduit assez fidèlement par Matthieu au chapitre 24 et par Luc au chapitre 21. En général, les récits de Marc sont courts et procèdent par petites touches maladroitement reliées entre elles. Le chapitre 13 n'est pas un récit de cette nature, mais un exposé long et structuré. Les spécialistes parlent de l'Apocalypse des synoptiques pour ce chapitre et ils pensent que cette croyance existait antérieurement dans la communauté où Marc l'a trouvée. Le fait que Matthieu et Luc la reprennent sans grand changement est aussi significatif quant à son ancienneté et son authenticité. Il y est question de la destruction future du temple et de la venue de beaucoup de faux prophètes lorsqu'il y aura des bruits de guerres. Mais lorsque ces conflits se produiront, ce sera le moment où le Fils de l'homme viendra entouré de nuées. Il faut remarquer qu'à cet égard, l'Évangile cite l'Apocalypse de Daniel dont nous avons parlé au sujet du temps de la fin. Jésus recommande de rester vigilants, car cela pourrait se produire à l'improviste, car " ce jour ou cette heure, nul ne les connaît, ni les anges du ciel, ni le Fils, ni personne sinon le Père" (25).

L'Évangile de Jean a une tout autre approche, car il présente une doctrine cohérente quant à la personne et à la mission de Jésus. Celui-ci est en effet l'incarnation de la Parole de Dieu (le Logos) qui est l'unique engendré de Dieu, c'est-à-dire en d'autres termes, son fils unique, agent créateur de toute la création. Jésus est l'incarnation de cette Parole parce qu'il a été fait christ, c'est-à-dire qu'il a reçu l'onction divine qui lui donne son autorité. Contrairement à ce que les chrétiens pensent aujourd'hui, il n'est pas question de Trinité, car le Saint Esprit dans le Nouveau Testament, n'est pas une personne divine, mais l'esprit de Dieu lui-même et par conséquent l'esprit qui descend sur celui qui incarne son Verbe (26) et sur ceux qui croiront en ce dernier (27). La mission de cet envoyé est de révéler le Père dans la mesure qui est la sienne et cette oeuvre, il l'accomplit de façon parfaite : " Celui qui m'a envoyé est avec moi ; il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît (28)". Cela lui permet d'affirmer que le Père et lui ne font qu'un ou que le Père est en lui comme il est dans le Père, car sa réalité véritable (celle de la parole) n'est pas de ce monde, mais existe éternellement. " En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût, Je suis (29)" .

Le quatrième Évangile nous offre une double présentation de Jésus. D'une part, il est l'incarnation d'une Parole qui est celle de Dieu lui-même et se trouve par conséquent projeté sur un plan d'équivalence avec lui. " Moi et le Père nous sommes un (30)". D'autre part, sa mission est limitée par ce même Dieu ; il se trouve donc subordonné à la volonté du Père qui est plus grande que la sienne. " Moi, je ne puis rien faire de moi-même ; je juge selon ce que j'entends et mon jugement est juste parce que je ne cherche pas ma propre volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé (31)". " Je n'ai pas parlé de moi-même, mais le Père qui m'a envoyé m'a prescrit ce que j'ai à dire et à déclarer (32)".

C'est pourquoi, il ne peut tout révéler car il prépare la voie de ceux qui viendront après lui pour conduire les hommes dans le Royaume de Dieu qui n'est pas encore réalisé. " C'est votre avantage que je m'en aille ; en effet, si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; si, au contraire, je pars, je vous l'enverrai. Et lui par sa venue, il confondra le monde en matière de péché, de justice et de jugement... (33)". Paraclet est un terme grec qui signifie avocat, intermédiaire, c'est-à-dire un porte-parole, un messager. " J'ai encore bien des choses à vous dire mais vous ne pouvez les porter maintenant, lorsque viendra l'Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière (34)".

Ce Royaume de Dieu, les évangélistes le déclarent imminent car il doit se produire endéans une génération. " De même, vous aussi, quand vous verrez cela arriver, sachez que le Fils de l'homme est proche, qu'il est à vos portes. En vérité, je vous le déclare, cette génération ne passera pas que tout cela n'arrive (35)". Ce royaume à venir ne doit pas être confondu avec une autre notion qui est souvent répétée dans tous les Évangiles à savoir que le royaume de Dieu est déjà réalisé dans les coeurs de ceux qui croient en Jésus parce que celui-ci est la voie qui conduit à la vie éternelle. Par la foi en Jésus, les croyants sont ressuscités avec le Christ, ce qui prouve que cette résurrection est de nature spirituelle et non matérielle. Ce dernier royaume symbolise un état spirituel qui fait des hommes des enfants de Dieu. " À tous ceux qui l'ont reçu, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu (36)".

L'autre royaume, le royaume terrestre où règne la justice de Dieu, est un royaume à venir. La croyance en son arrivée prochaine est, selon Teilhard de Chardin, une erreur de perspective des premiers chrétiens, ce que confirme la 2e Épître de Pierre:
"Pour le Seigneur un seul jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. Le Seigneur ne tarde pas à réaliser sa promesse... Nous attendons selon sa promesse des cieux nouveaux et une terre nouvelle où la justice habite (37)". Et pour cela, Jésus apparaîtra une deuxième fois : " Il apparaîtra une deuxième fois, sans plus de rapport avec le péché, à ceux qui l'attendent pour le salut (38)".

Il nous reste à examiner, mais pour une seule notion, un texte qui est très important dans sa vision des temps à venir. C'est l'Apocalypse ou la Révélation de St Jean. Ce texte mériterait toute une analyse car il comporte de nombreuses visions qui sont totalement obscures si on ne possède pas la clef de leur interprétation.

Au chapitre 11, Jean à qui la révélation est faite, voit le temple sur le parvis duquel se trouve deux témoins, qui prophétiseront pendant trois ans et demi ou 42 mois, ou 1260 jours. C'est le premier malheur ou la première résurrection ou encore le jugement du premier jour. À la fin de cette période où se passe le premier jugement, un violent tremblement de terre se produit faisant périr 7000 personnes ou un dixième de la cité. C'est le deuxième malheur, c'est-à-dire la deuxième révélation. Ce deuxième malheur est à peine passé que le troisième malheur arrive bientôt. Ces malheurs sont les révélations prophétisées dans cette Apocalypse, mais avec cela nous abordons les révélations qui ont suivi celles de Moïse et de Jésus.

Ces événements sont appelés malheurs car ils bouleversent ceux qui les vivent. Ils correspondent à des nouvelles révélations ou à d'autres renouvellements de l'Alliance par l'intermédiaire de nouveaux prophètes. Les deux témoins qui prophétisent lors du premier malheur sont Muhammad et son gendre 'Ali', le premier Imam. Leur enseignement aura une validité de 1260 ans car à l'expiration de cette période, le deuxième malheur, ou la deuxième révélation, apparaîtra.

Nous en trouvons la confirmation dans le Coran et les Hadiths. La venue d'une révélation est présentée sous la forme d'un jour de jugement ou d'un jour de résurrection, annoncé par un son de trompette . " Le Jour où ils entendront en toute vérité le cri, ce sera le jour de la Résurrection (39)". Le terme employé est " Sayhah" que l'on traduit par " cri affreux" ou par " puissant coup de trompette" (40). Au cours de cette résurrection correspondant à chaque apparition d'un messager divin, les hommes sont jugés parce qu'ils accusent le nouveau prophète de menteur et d'imposteur (41).

Les musulmans attendent deux Manifestations lors du Jugement dernier, c'est-à-dire à la fin des temps.
"On soufflera dans la trompette : ceux qui sont dans les cieux et ceux qui sont sur la terre seront foudroyés à l'exception de ceux que Dieu voudra épargner. Puis on soufflera une autre fois dans la trompette, et voici tous les hommes se dresseront et regarderont (42). Pour les musulmans sunnites, ces deux Manifestations sont le Mahdi et Jésus ; pour les musulmans chiites, ce sont le Qa'im et l'Imam Husayn. Le Mahdi ou le Qa'im devront apparaître en l'an 1260 de l'hégire, ce qui correspond à l'année 1844 de l'ère chrétienne. Le prophète Muhammad a déclaré : " Dieu ne manque jamais à sa promesse. Un seul jour, pour Dieu, est comme mille ans d'après votre manière de compter (43)". Cette promesse est encore plus explicite dans le verset suivant : " Du ciel, il dirige toute chose sur la terre puis tout remontera vers lui en un jour dont la durée sera de mille ans selon votre manière de compter (44). C'est donc mille ans après la fin de la révélation coranique que le Mahdi ou le Qa'im doit apparaître. La révélation coranique s'étend sur une période de 260 ans à dater de l'hégire comprenant la révélation du Coran par Muhammad et les commentaires ou hadith par les lmams. C'est en 1260 de l'hégire ou 1844 de l'ère chrétienne que le Bab proclame son rang de Mahdi ou de Qa'im.

La Révélation de St Jean nous dit que le deuxième malheur étant à peine arrivé, le troisième malheur accourt déjà (45). La troisième révélation suivra donc de près la deuxième. Une tradition rapportée par Al-Bukhari indique que le Seigneur se présentera deux fois. Après être rejeté lors de la première venue, il sera accepté lors de la seconde.
"Dieu viendra vers eux et dira : Je suis votre Seigneur. Ils (le rejetteront et) diront : Nous ne bougerons pas jusqu'à ce que notre Seigneur vienne et lorsqu'il viendra, nous le reconnaîtrons. Alors le Seigneur viendra vers eux sous l'apparence qu'ils reconnaîtront, et dira : Je suis votre Seigneur, et alors ils le suivront (46)".
Shaykh Ahmad-i-Ahsa'i a annoncé que " ces étranges événements" se produiraient " entre les années soixante et soixante-sept (47)". Le Shaykh fait ici référence à la durée qui séparera la déclaration du Bab de sa mort, soit sept ans. Selon Abu Dawud, rapporté par Abu Sa'id al-Khudri :
"Le Prophète (que la paix soit sur lui) a dit : le Mahdi sera de ma lignée... Il règnera pendant sept ans (48)". Le Shaykh ajoute : " Le mystère de cette cause doit manifestement être manifesté, et le secret de ce message obligatoirement divulgué. Je ne puis en dire davantage, je ne puis fixer de date. Sa cause se fera connaître après hin (49)".
La valeur numérique de hin est 68. La troisième révélation doit donc se réaliser après 1268 de l'hégire, c'est-à-dire en 1269 ou 1852 de notre ère. 69 est aussi la valeur numérique des lettres Ta et Sin qui sont les signes du Coran (50). C'est en octobre 1852, en effet, que Baha'u'llah reçoit sa révélation dans la prison du Siyah-Chal à Téhéran.

Les prophéties bibliques et coraniques sont donc accomplies et le temps de la fin est arrivé. Il s'agit de la fin des temps prophétiques, mais aussi le commencement du cycle de l'accomplissement. Tous les peuples du monde ont été éduqués par diverses révélations qui ne se limitent pas aux seules révélations de la descendance d'Abraham. Les autres peuples ont aussi leur alliance et attendent le dixième avatar de Vishnou, ou le cinquième Bouddha, ou Shah Bahram ou encore d'autres figures qui sont toutes Baha'u'llah.
"La révélation qui, de temps immémorial, a été acclamée comme le dessein et la promesse de tous les prophètes de Dieu ainsi que le plus cher désir de ses messagers, est maintenant donnée aux hommes par la vertu de la volonté partout présente du Tout-Puissant, et à son commandement irrésistible. L'avènement de cette révélation a été annoncé dans toutes les Ecritures sacrées. Et voyez cependant comment, en dépit d'une telle déclaration, l'humanité s'est écartée de son sentier et privée de sa gloire. (51)"


Notes :

1. Voir livre de la Certitude sur l'interpolation des Écritures, pages 7 à 9.

2. Chapitres 15 à 24 de la Genèse. (NB. Les citations sont tirées de la TOB, version CDROM).

3. Exode, 6 : 2 - 6 : 5. " Seigneur" est la traduction que donne la TOB à YWHW. Il faut se rappeler que les juifs ne prononçaient jamais ce tétragramme. Ils le remplaçaient par " Adonaï" qui signifie " Seigneur ."

4. Exode, 7 : 1.

5. Exode 34 : 10.

6. Deutéronome, 18 : 18.

7. Jérémie, 31 : 31.

8. Esaïe, 9 :14.

9. La Septante est le nom donné à la traduction en grec de la Bible hébraïque, traduction réalisée au cours du IIe siècle A.J.C. Ce nom provient de la légende selon laquelle la traduction aurait été faite par 72 traducteurs qui auraient tous donné une traduction identique.

10. Daniel, 9 : 25-26.

11. L'édit autorisant la reconstruction du Temple est celui de l'empereur perse Cyrus, émis la première année de son règne (538-529 A.D.) (Esdras, 1 :2). La septième année du règne de Artaxerxès Ier, Longue-main (465-423), le prêtre Esdras reçoit un firman (édit) l'autorisant à rouvrir le culte dans le Temple en voie d'achèvement. C'est cet édit qui date de 458-457 (Esdras, 7 : 8 ; le texte du firman est donné par Esdras, 7 : 12-26). Le livre de Néhémie (aussi appelé II Esdras, 5 : 14) mentionne toutefois que Esdras reçut une mission d'aller à Jérusalem pour gouverner, la vingtième année du règne d'Artaxerxès, mission qui dura douze ans. S'agit-il d'une deuxième mission ou d'un deuxième récit de la première avec une discordance de date ? L'interprétation donnée par 'Abdu'l-Baha (Leçons de St Jean d'Acre, PUF 1982, page 44), se base sur le récit de Esdras 7 : 8, alors que Crampon (la Bible, Editions Desclée et Co, Tournai, 7939) dans la note qu'il fait à propos de la prophétie de Daniel se base sur Néhémie 5 : 14 et donne 445 AD comme la date de l'édit, tout en faisant le commentaire suivant : "Le premier cycle, celui de sept fois sept ans, se rapporte à la reconstruction complète de la ville ; le deuxième, celui de soixante-deux semaines d'années, représente le temps qui s'écoula depuis la reconstruction jusqu'à l'avènement du Messie ; la semaine d'années qui reste pour compléter le nombre soixante-dix, c'est l'ère messianique elle-même". Si ces soixante-dix années commencent en 445 AD, comme Crampon l'écrit, l'ère messianique serait donc de 38 à 45, alors que Jésus a été crucifié en 30 ou 33. Il faut donc s'en tenir à la première date selon Esdras, 7 : 8 et non à celle donnée par Néhémie (II Esdras), 5 : 14. Suite aux troubles survenus pendant la reconstruction de la ville et du Temple, Artaxerxès ordonna l'arrêt des travaux (Esdras, 4 : 11-21). Ceux-ci furent repris sur l'ordre de Darius II, qui rechercha dans les archives l'édit de Cyrus Ier (Esdras, 6 : 1-7).

12. Épître aux Hébreux, 9 : 15.

13. Isaïe, 2 : 2.

14. Isaïe, 9 : 5.

15. Daniel, 8 : 14.

16. Actes, 2 : 22.

17. Actes, 3 : 13-14.

18. Sagesse, 2 : 18.

19. Actes, 3 : 22.

20. Mc, 6 : 4 ; Mt, 13 : 57 ; Lc, 4 : 24.

21. Jean, 4 : 44.

22. Jean, 4 : 19.

23. Jean, 4 : 34.

24. Luc, 24 : 19.

25. Marc, 13 : 32.

26. Jean, 1 : 32-33.

27. Jean, 7 :39.

28. Jean, 8 : 29.

29. Jean, 8 : 58.

30. Jean, 10 : 30.

31. Jean ,5 : 30.

32. Jean, 12 : 49.

33. Jean, 16 : 7-8.

34. Jean,16 : 12-13.

35. Mc, 13 : 28 ; Mth, 24 : 32 et Lc, 21 : 32.

36. Jean, 1 : 12.

37. 2 Pierre, 3 : 8-9 et 13.

38. Hébreux, 9 : 28.

39. Coran, 50 : 42.

40. Moojan Momen : Islam and the Baha'i Faith, George Ronald, 2000, page 93.

41. Coran 22 : 42-44.

42. Coran 39 : 68.

43. Coran, 22, 46.

44. Coran, 32 : 5.

45. Apocalypse, 11, 14.

46. Moojan Momen : Islam and the Baha'i Faith, George Ronald, 2000, page 116.

47. Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, MEB, Bruxelles, 1976, page 92.

48. Moojan Momen : Islam and the Baha'i Faith, George Ronald, 2000, page 120.

49. Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, MEB, Bruxelles, 1976, page 92.

50. Coran, 27 : 1.

51. Extraits des Écrits de Baha'u'llah, page 6.

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