Médiathèque baha'ie

L'implantation de la foi baha'ie en France
et impact de la venue de Abdu’l Baha à Paris
au début du XXème siècle


Mémoire D.E.S. de Natalia Behnam


« Une voix nouvelle vient de l’Asie. Déjà plusieurs pensent en Europe que la parole de Béha-Oullah ne contredit pas notre science moderne et est assimilable pour nous Européens, qui avons besoin de réconfort. N’est-il pas juste que ce réconfort nous vienne d’Asie comme il est déjà venu ?» Guillaume Apollinaire, Chroniques et Echos, 1918



Photo: Abdu'l-Baha sous la Tour Eiffel, photographie prise lors de son séjour en France, le 8 février 1913. L’original de la photographie est conservé au Archives historiques, à la Bibliothèque nationale baha'ie de France (Paris XVIème).

Table des matières

Introduction

I/ LES CONDITIONS DE RECEPTION DE LA RELIGION BAHA'IE EN FRANCE: SITUATION DE LA SOCIETE FIN XIXème ET DEBUT XXème SIECLE
A) Une nouvelle religion en provenance de Perse
1. A l’origine de la foi baha'ie: naissance de la foi babie et l’intérêt des occidentaux pour ce nouveau mouvement religieux en Perse
- Etat de la Perse
- L’émergence du mouvement babi
- Répression immédiate du mouvement babi
- L’intérêt des Occidentaux: la dénonciation des persécutions
- Dans le domaine artistique
2. La révélation de Baha’u’llah: l’accomplissement du babisme
- La personnalité de Baha'u'llah
- L’aggravation de la situation babie: tentative d’assassinat du Shah de Perse
- La nouvelle révélation
- La proclamation universelle
- L’intérêt pour la France
- Un autre occidental sensible au mouvement
B) Contexte sociopolitique et culturel de la France lors de cette implantation: pourquoi les Français se sont-ils intéressés à ce mouvement oriental ? Un certain horizon d’attente
1. La dualité étrange de la fin XIXème et début XXème siècle
2. Une crise de conscience occidentale
3. La France, un pays moderne qui s’ouvre sur le monde
- Composition de la société
- La place de la France dans la conquête coloniale, le choc des impérialismes
- Développement de la curiosité pour d’autres cultures
- L’exposition universelle de 1900 à Paris
- Les relations franco perses
- Une volonté d’ouverture sur le monde
- Le renouveau dans l’art: Paris capitale artistique
- Unité et diversité culturelle européenne
4. Mais en pleine crise de conflits religieux internes
- L’Affaire Dreyfus
- La séparation de l’Eglise et de l’Etat

II/ A LA MORT DE BAHA'U'LLAH, SON FILS ABBAS EFFENDI - DIT ‘ABDU'L-BAHA - LUI SUCCEDE: EXPANSION DE LA FOI BAHA'IE EN OCCIDENT
A) Qui est ‘Abdu'l-Baha ? Son rôle dans la foi baha'ie
1. Son enfance et sa jeunesse
2. ‘Abdu'l-Baha, successeur de son père: une transition difficile
3. Les traits marquants de son ministère
- Une tâche délicate: la construction du Mausolée du Bab
- Ses voyages en Occident
B) La foi baha'ie continue à se développer et se répandre dans le monde entier, notamment en France
1. Tableau des premiers baha'is en France
- Phoebe Hearst Apperson (1842-1919)
- May Bolles (1870-1940)
- Thomas Breakwell (1872-1902)
- Hippolyte Dreyfus (1873- 1928)
- Laura Clifford Barney, épouse Dreyfus (1879-1974)
- Le peintre Edwin Scott (décédé en 1929) et sa femme Joséphine Scott (décédée en 1955)
- Lady Blomfield (Sara Louisa) (1859-1939)
- Gabriel de Sacy (vers 1860 - mars 1903)
2. Diverses actions effectuées à destination du grand public
- Hippolyte Dreyfus et le Shah d’Iran
- Lua Getsinger et l’Impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III
C) La France s’intéresse de plus en plus à cette minorité
1. Une littérature ouverte au grand public: des éditions commercialisées en librairie
2. Le Larousse
3. La presse française
4. Les intellectuels français
5. Les intellectuels étrangers

III/ LES SEJOURS DE ‘ABDU'L-BAHA A PARIS ENTRE 1911 ET 1913, LEUR IMPACT ET LA SUITE DE SES VOYAGES
A) Ses différents séjours à Paris
1. L’originalité de cette décision
2. Le premier séjour à Paris dans un appartement au Trocadéro
- Déroulement de ses journées:
- Quelques points importants de son séjour en 1911
3. Ses causeries données dans la capitale française: des principes très modernes venant d’Orient
4. Ses autres séjours dans la capitale française
- Le second voyage à Paris: du 21 janvier au 30 mars 1913.
- Une grande médiatisation...
- Le troisième voyage de ‘Abdu'l-Baha à Paris: du 1er mai au 12 juin 1913.
- Son jugement sur Paris
B) ‘Abdu'l-Baha perçu par la presse française lors de ses séjours
1. L’essor de la presse
2. Un attrait pour l’exotisme (contexte, habillement, langage)
3. Le charisme d’un prophète (d’après la thèse de Max Weber)
4. Des Parisiens baha'is
5. Articles illustrés de photographies où figure ‘Abdu'l-Baha
6. La foi baha'ie un mouvement de plus en plus connu et répandu: notion d’universalité dès 1911
C) L’impact de ‘Abdu'l-Baha sur certains intellectuels de l’époque ainsi que sur d’autres sphères de la société
1. ‘Abdu'l-Baha et la foi baha'ie vus par certains intellectuels
- Henri Bergson (1859-1941)
- Mirra Al Fassa, dite la Mère (1878-1973)
- Dr Henri de Farémond
2. L’impact sur d’autres sphères de la société/ Comment fut-il accueilli ?
- Les Protestants
- Les Théosophes
- Les Espérantistes
- L’Alliance spiritualiste
- Les Libres Penseurs
- Les Orientaux (Iraniens) à Paris
D) Les autres destinations de ‘Abdu'l-Baha en Occident
1. La Grande Bretagne
2. L’Amérique du Nord
- ‘Abdu'l-Baha et Khalil Gibran
- La rencontre avec le Pasteur Ives.
3. L’Allemagne
4. L’Autriche
5. La Hongrie

IV/ LE DEVELOPPEMENT DE LA MINORITE RELIGIEUSE EN FRANCE
A) Le retour de ‘Abdu'l-Baha en Terre Sainte ; ses derniers jours
1. La fin des voyages de ‘Abdu'l-Baha
- Conjoncture mondiale
- Où le conflit concerne les baha'is
2. Le décès de ‘Abdu'l-Baha le 28 novembre 1921 et sa succession
- L’hommage à une grande personnalité
- La continuité de l’alliance
- Shoghi Effendi: le pont entre l’Orient et l’Occident...
B) Un ordre administratif baha'i qui commence à s’établir sur le sol français
1. L’ordre administratif prévu par Baha'u'llah
- Le corps élu
- Le corps nommé
2. Comment cet ordre administratif s’est-il développé en France ?
- Les activités à Paris
- Mais aussi en province
- Portrait de groupe
- Un moyen de communication national entre 1925 et 1958: la «lettre circulaire» et le Journal baha'i:
- Des plans bien définis pour l’expansion de la minorité en France
- Acquisition du premier centre national baha'i
C) L’intérêt grandissant des personnalités
1. Guillaume Apollinaire (1880-1918)
2. Romain Rolland (1866-1944)
3. Auguste Forel (1848-1931)
4. La reine Marie de Roumanie (1875-1938)

Conclusion
Annexes

REMERCIEMENTS

Je souhaiterais remercier Monsieur ... et Monsieur ..., pour m’avoir permis de mener ce travail à bien et d’avoir toujours été à l’écoute de mes différentes interrogations. Je remercie en particulier Monsieur ..., mon directeur de recherche, qui a bien voulu valider la proposition de mon sujet et qui m’a ainsi permis de pouvoir mener des recherches sur ce thème. Je le remercie également pour sa disponibilité et sa présence.

Je voudrais également remercier Madame Ardéi, la conservatrice de la Bibliothèque nationale baha'ie et du Centre des Archives baha'ies de France qui a été très coopérante en me laissant accéder aux archives avec facilité ainsi qu’en me guidant de ses bons conseils.

Enfin je voudrais remercier mes parents pour leur encouragement constant, leur patience et leur aide précieuse dans la relecture finale de mon mémoire.


INTRODUCTION

Fondée depuis plus d’un siècle et demi en Iran, la foi baha'ie est aujourd’hui une religion mondiale, la plus jeune dans la lignée de tradition prophétique. Le caractère mondial de la foi baha'ie transparaît à travers les membres qui la composent. Echantillon de l’humanité dans sa diversité, les baha'is appartiennent pratiquement à tous les pays, groupes ethniques ou linguistiques, cultures, professions, classes sociales ou économiques, et origines religieuses différentes. Selon les dernières statistiques, elle est aussi la religion la plus répandue géographiquement, après le christianisme. (1)

La population baha'ie représente aujourd’hui six millions de personnes réparties dans plus de deux cent trente-cinq pays et territoires indépendants. La littérature baha'ie est d’ailleurs traduite et publiée dans plus de huit cent langues. Sans sacerdoce ni clergé, la communauté baha'ie gère ses affaires grâce à un système d’administration mondial qui présente un réseau de structures locales et nationales démocratiquement élues. Le centre administratif mondial et spirituel de la foi baha'ie se trouve, pour des raisons historiques, à Haïfa, en Israël. Cette religion prône plusieurs principes civilisateurs tels que l’unité du genre humain, l’égalité des droits de l’homme et de la femme, l’abolition de la ségrégation raciale et de toute sorte de préjugés, l’établissement d’une justice économique ou encore l’institution d’une éducation pour tous.

Accréditée en 1948 auprès de l’Organisation des Nations Unies (ONU) en tant qu’Organisation Non Gouvernementale (ONG), la communauté baha'ie a, dès lors, participé à de vastes campagnes d’hygiène et d’éducation en association avec d’autres ONG. Elle obtient un statut consultatif en 1970 auprès du Conseil Economique et Social et en 1976, à l’UNICEF, ce qui renforce son action dans toutes les conférences internationales. Elle entretient également des relations de travail avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), est associée au Programme des Nations Unies pour l’Environnement et au World Wild Fund for Nature (WWF). En qualité d’organisation internationale non gouvernementale, la Communauté internationale baha'ie est engagée dans une vaste panoplie d’activités comme la promotion, entre autre, de la paix, des droits de l’homme, de la condition féminine, de l’éducation, de la santé et du développement durable.

Cette religion qui est également établie en France, y bénéficie du statut d’association cultuelle régulière (loi 1901).

Le fondateur de cette religion est Baha’u’llah (1817-1892), (ce qui signifie «la gloire de Dieu» en arabe), noble persan originaire de Téhéran, qui, au milieu du XIXème siècle, renonce à une existence princière faite de confort et de sécurité pour vivre persécutions, exils et dénuement, du fait de ses enseignements.

Le XIXème siècle, a été une période d’attente messianique dans de nombreux pays. C’est en Perse, dans un contexte troublé, que la religion babie, mouvement précurseur de la foi baha'ie, est née le 23 mai 1844 à Shiraz. Mirza Siyyid Ali Muhammad (1819-1850) se déclara être le Bab («la porte» en arabe), et annonça la venue du «promis», attendu par un grand nombre de religions et mouvements, particulièrement les chi’ites. A certains égards, on peut comparer le rôle du Bab à celui de saint Jean-Baptiste dans l’avènement du christianisme ; sa mission essentielle était de préparer la venue de Baha’u’llah. Très vite, la nouvelle religion a été persécutée par le clergé musulman et les autorités civiles qui ont employé une grande cruauté pour tenter d’éteindre le mouvement naissant. Mais devant son influence et sa popularité croissantes, les autorités décidèrent d’exiler Baha’u’llah, d’abord en Irak, puis en Turquie, et enfin en Palestine.

‘Abdu’l-Baha (1844-1921), fils de Baha’u’llah, a vécu sa jeunesse dans une misère et affliction perpétuelles: compagnon d’exil de son père il dut quitter son pays dès l’âge de neuf ans. Au moment du décès de Baha’u’llah en 1892, ‘Abdu’l-Baha, qui avait alors quarante-huit ans, fut désigné par le testament de son père comme son successeur, afin d’éviter tout schisme. Il devint ainsi non seulement le référent de tous les baha'is du monde mais aussi l’unique interprète des écrits saints de Baha’u’llah et le pivot de l’unité de la communauté. C’est pendant son ministère qu’un essor décisif fut donné, et que la nouvelle religion se répandit hors de Perse.

En 1908, la révolution des Jeunes Turcs libéra tous les prisonniers de l’Empire ottoman. A sa libération, après une quarantaine d’années de bannissement et de confinement en Palestine, alors qu’il avait atteint l’âge de soixante-quatre ans, ‘Abdu’l-Baha entreprit de porter au loin le message de son père: il fit un premier voyage en Occident, et plus précisément en France, à Paris.

A ce moment-là, l’Europe, dans son ensemble, est pour peu de temps encore le centre du monde. Les découvertes scientifiques, les inventions et les progrès fleurissent dans toutes les disciplines: art, médecine, biologie, chimie, astronomie et de façon plus catastrophique l’armement. La montée des nationalismes est à son paroxysme et les tensions internationales se font de plus en plus grandes. Forte des alliances qu’elle a nouées avec la Russie ou l’Angleterre, la France devient objet de méfiance pour l’Allemagne. D’autre part, la majorité des pays européens fait des conquêtes coloniales, en particulier la France. Son empire colonial ne cesse de s’étendre et après les conquêtes, c’est désormais l’organisation et l’administration des nouveaux territoires français qui occupent toute une génération d’hommes fervents de l’idée coloniale.

Sous la IIIème République, la France est le pays de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et Paris est un des centres culturels les plus brillants. La France est un pays aux contrastes étonnants: il y règne une certaine futilité, des problèmes politiques, mais aussi des mouvements de pensée ou philosophiques, une effervescence artistique et littéraire, l’avènement du métro... La IIIème République, s’avère durable. Mais après l’ère de sa lente élaboration, s’ouvre l’ère des crises. De nombreuses secousses agitent le pays en cette fin de XIXème et début de XXème siècles.

A la suite des soubresauts de l’Affaire Dreyfus, qui pouvait sembler à l’origine une banale affaire d’espionnage mais qui devint rapidement un conflit qui sépara durablement la France en deux, la loi de la séparation des Eglises et de l’Etat est votée en 1905. L’Affaire Dreyfus, en provoquant un rassemblement des républicains, amène la chute du gouvernement modéré, et le bloc des gauches, constitué pour assurer «la défense républicaine» est appelé à prendre le pouvoir à la suite des élections de 1902. C’est dans ce contexte que la loi de la séparation des Eglises et de l’Etat est votée en 1905, provoquant une lutte politique et idéologique dans la société française. Mais l’union qui a assuré la victoire de la gauche se désagrège rapidement. De graves troubles sociaux jalonnent la vie politique de la première décennie du XXème siècle. Malgré une agitation sociale, nombreux sont ceux qui croient au mythe de la «Belle Epoque» (2), tant l’amélioration de la vie des Français et la reprise de l’économie sont sensibles.

En ce début de XXème siècle, la France apparaît pourtant comme un pays équilibré. A l’intérieur du pays la période est marquée par la solidité de la pyramide sociale et la stabilité de la vie quotidienne. La monnaie est stable. La grande industrie est en plein essor, le machinisme se développe et le réseau ferroviaire se prolonge. La France se suffit en produits agricoles et l’équilibre de la balance commerciale ne pose pas de véritables problèmes au gouvernement. Le commerce intérieur est prospère. Dans l’ensemble, en dépit des injustices sociales et des difficultés quotidiennes, la majorité des Français sont satisfaits du régime.

C’est dans ce pays que ‘Abdu’l-Baha arrive en 1911, et où il séjourne à trois reprises (en 1911 et en 1913), à Paris. La foi baha'ie s’implante en France suite à la déclaration de foi d’une jeune américaine, installée dans la capitale: il s’agit de May Bolles qui rejoint la foi de Baha'u'llah en 1898. Alors qu’elle était à Paris depuis huit ans, elle entend parler pour la première fois du message baha'i qu’elle accepte aussitôt. Elle forme alors le premier groupe baha'i d’Europe. La capitale française ne cesse dès lors de jouer un rôle-clé dans le développement de cette jeune religion.

C’est là que, poussées par leur curiosité ou réellement séduites par la doctrine nouvelle, de nombreuses personnes se pressent pour écouter ‘Abdu’l-Baha. Il donne de nombreuses causeries publiques et appelle de ses voeux un changement de valeurs et d’attitudes de la société: cela semble plus que jamais d’actualité dans un pays où se profile déjà l’ombre de la guerre.

Pendant trois années, ‘Abdu’l-Baha parcourt ainsi l’Europe et l’Amérique pour inviter un monde plongé dans le matérialisme à rechercher ce qui est pour lui «la Vérité», à savoir: abolir les préjugés de toutes sortes et à s’unir pour construire une civilisation universelle.

- Comment ce personnage venant d’Orient, incarne-t-il des idées si modernes, alors qu’il a passé la majorité de sa vie en exil et en prison ?
- Quel paradoxe peut-il y avoir dans le fait qu’il apporte son message novateur en Europe, qui se veut le fer de lance de la modernité ?
- Quel a été l’impact de la venue de ‘Abdu’l-Baha en France sur son entourage ?
- Comment a évolué la minorité baha'ie en France ?

Ce sujet m’a tout de suite intéressé et m’a paru important car peu de travaux universitaires ont été effectués sur la foi baha'ie en France. Une grande partie des sources utilisées pour cette étude provient du fonds d’archives nationales baha'ies de France, à Paris. De nombreux articles de journaux ont été écrits à la suite de la venue de ‘Abdu’l-Baha dans la capitale française. Cela nous permet de connaître la vision des journalistes sur ce personnage à cette époque. Des intellectuels et personnalités contemporains à sa venue se sont également exprimés sur lui. D’autres témoignages ont été conservés, ainsi que les rapports des groupes de premiers croyants baha'is français, ce qui nous permet d’apprécier comment cette minorité a pu s’implanter et se développer en France.

Il est toutefois utile de mentionner que peu d’historiens se sont penchés sur l’histoire de la foi baha'ie (qui n’a que cent soixante ans). C’est pourquoi la plupart des auteurs cités en bibliographie sont de confession baha'ie ; mais dans un souci historique et afin d’avoir également un point de vue externe à cette communauté, nous avons basé notre étude sur des articles de journalistes ainsi que des témoignages de personnes qui n’appartiennent pas à la communauté baha'ie.

Cette étude se compose de quatre parties.

Tout d’abord nous nous intéresserons aux conditions de réception de la religion baha'ie en France, et en quoi un certain horizon d’attente existait dans la société française au début du XXème siècle.
Puis nous étudierons une figure centrale, ‘Abdu’l-Baha, qui a joué un rôle majeur dans l’organisation et l’expansion de la foi baha'ie dans le monde, ainsi que la naissance de la communauté baha'ie en France.
Notre troisième partie est consacrée au périple occidental de ‘Abdu'l-Baha, plus particulièrement l’étude de ses voyages à Paris, les conséquences de sa venue ainsi que leur impact.
Enfin nous nous attacherons à définir dans quelle mesure la foi baha'ie s’est développée sur le territoire français, jusqu’en 1958, date du premier organisme administratif national officiel.


I/ Les conditions de réception de la religion baha'ie en France: situation de la société fin XIXème et début XXème siècle

A) Une nouvelle religion en provenance de Perse

1. A l’origine de la foi baha'ie: naissance de la foi babie et l’intérêt des Occidentaux pour ce nouveau mouvement religieux en Perse


En quoi le phénomène est-il intéressant pour notre sujet ? La foi babie est connue en Europe dès ses débuts, relatée par des témoins de l’époque ; et les Occidentaux s’en préoccupent.

Afin de bien comprendre qui est ‘Abdu'l-Baha et en quoi il a joué un rôle important à Paris, il convient de remonter aux origines de cette nouvelle religion baha'ie, et de voir dans quel contexte elle est née. La religion baha'ie, en effet, est indissociable de la religion babie fondée par le Bab en 1844, à Shiraz (Perse). Pour l’étude de cette jeune religion, La chronique de Nabil (3) est une mine riche en détails, grâce au caractère contemporain des descriptions. Comme l’auteur le dit lui-même dans la préface:
«Je donnerai une description des épisodes que j’ai moi-même vécus et de ceux qui m’ont été rapportés par des informateurs attitrés et dignes de foi.» ( 4)

Nabil a donc vécu au temps du Bab et de Baha'u'llah et a participé à certaines scènes qu’il raconte. Dans son ouvrage, qu’il écrit pour la postérité, et pour que demeure la vérité historique, il décrit les événements de la manière la plus précise possible. Lorsqu’il s’émeut, son style d’écriture devient vigoureux. L’oeuvre historique de Nabil-i-Azam retrace dès les origines l’histoire tragique du Bab et de ses disciples et l’évolution de la foi babie vers la foi baha'ie. Shoghi Effendi (5) écrit plus tard dans la préface de ce livre:

«Nabil n’a pas seulement donné une vue claire des événements survenus, mais il nous a dévoilé les conditions lugubres qui prévalaient en Perse, au début du XIXème siècle, montrant que ce pays était le point le plus obscur de la terre, où la Manifestation prochaine devait apparaître. La Perse avait depuis longtemps oublié sa glorieuse civilisation sous les grands rois zoroastriens.» (6)

ETAT DE LA PERSE (7)

En effet la Perse, ou l’Iran (8), berceau de ces deux nouvelles religions, commença son déclin dès le XVIIème siècle. Alors que ce pays avait donné naissance à une merveilleuse civilisation, il était devenu synonyme de débauche et de barbarie:

«La Perse était vraiment le coeur du monde et [...] elle étincelait parmi les nations comme un cierge allumé. Sa gloire et sa prospérité pointaient à l’horizon de l’humanité, telle la véritable aurore, diffusant la lumière du savoir et illuminant les nations de l’Orient et de l’Occident. La célébrité de ses rois victorieux parvenait aux oreilles des habitants de la planète aux deux extrémités. La majesté de son roi des rois rendait humbles les monarques de la Grèce et de Rome. La sagesse de son gouvernement la faisait respecter par les sages ; et les chefs des continents façonnaient leurs lois sur la politique. Les Persans se distinguaient parmi les nations de la terre en tant que peuple de conquérants et, à juste titre, en tant qu’objets d’admiration de par leur civilisation et leur savoir, leur pays devint le centre glorieux de toutes les sciences et de tous les arts, la mine de la culture et une source de vertus. Comment est-il possible que, en raison de notre paresse, de notre vanité et de notre indifférence, du fait de manque de connaissance et de l’absence d’organisation, de la déficience du zèle et de l’ambition de son peuple, ce pays excellent ait permis que les rayons de sa prospérité fussent obscurcis et presque éteints ?» (9)

Et pour cause, au XIXème siècle, l’Iran est secoué par une agitation nationaliste dans les centres musulmans chi’ites contre la mainmise étrangère. Les contemporains et les voyageurs de l’époque ont dépeint la décadence de l’Etat et de la société perse au XIXème siècle, sous le règne des Qâjâr (10). Cette dynastie fut contemporaine de nombreux troubles et de tentatives de réformes, d’une déchéance au niveau des institutions politiques sous l’emprise de la corruption et également dans différents domaines de la société: grande négligence de l’éducation, piètre condition pour les femmes, obscurantisme. Le peuple dans son ensemble était ignorant et superstitieux. Le gouvernement du pays était entièrement religieux et c’était l’orthodoxie musulmane qui en était la base ; il n’y avait pas vraiment de lois ou de chartes pour orienter les affaires publiques qui étaient gérées par le despotisme et l’arbitraire du Shah. (11) En sa personne se mêlaient les trois fonctions du gouvernement: législative, exécutive et judiciaire et sur lui reposait tout le mécanisme de la société. Il avait le droit de mettre à mort n’importe qui pour n’importe quelle raison sans en référer à aucun tribunal. Lord Curzon, un voyageur européen qui se rendit en Perse fin XIXème siècle, relata ses voyages en plusieurs volumes sur l’état de la Perse, Persia and the Persian Question ; il décrivit que le souverain «possède un pouvoir illimité sur la vie et les biens de chacun de [ses] sujets» (12). Ses prérogatives royales n’étaient écrites ou officialisées nulle part. En résumé le Shah faisait ce que bon lui semblait. Le célèbre poète persan Saadi avait dénoncé ce précepte au XIIIème siècle déjà: «le vice approuvé par le roi devient vertu ; rechercher un avis opposé équivaut à se tremper les mains dans son propre sang» (13). La corruption était devenue une institution à elle seule. De plus, le peuple perse, et les babis et baha'is le subirent de près, s’était distingué dans l’originalité des tortures abominables et des souffrances ingénieuses, ce qui démontrait une fois de plus la déchéance de cet Etat.

L’EMERGENCE DU MOUVEMENT BABI

C’est dans cette atmosphère troublée et dégradée que naît, le 23 mai 1844 à Shiraz, le mouvement réformateur babi, annonciateur de la foi baha'ie et nous pouvons percevoir quelle pouvait être la difficulté de la mission du Bab, venu pour régénérer spirituellement ces peuples devenus superstitieux et décadents. D’après La chronique de Nabil, Mirza Siyyid Ali Muhammad (20 octobre 1819 à Shiraz – 9 juillet 1850 à Tabriz) était issu d’une famille noble et respectée de riches marchands. Son père mourut alors qu’il était encore un enfant et il fut recueilli chez son oncle maternel qui s’occupa de son éducation en le mettant à l’école ; son maître d’école se rendit compte que le Bab possédait une connaissance innée et des capacités extraordinaires. Voici son témoignage:
«Il [le Bab] parla avec tant de savoir et une telle facilité que je fus pris de stupeur[...] La douceur de ses paroles reste encore vivante en ma mémoire. Je me sentis poussé à le ramener chez son oncle et à remettre aux mains de celui-ci le dépôt qu’il avait confié à mes soins. Je décidai de lui dire combien je me sentais indigne d’être le maître d’un enfant aussi remarquable. Jour après jour, il continua à manifester des signes si remarquables et une sagesse tellement surhumaine que je suis impuissant à les décrire.» (14)

Le 23 mai 1844, à l’âge de vingt-cinq ans, il se déclare être le Bab, «la porte» en arabe, la porte qui s’ouvre sur une nouvelle Révélation. Il annonce la venue du Promis - le Qa’im - attendu par un grand nombre de religions, et notamment les chi’ites en Iran. De nombreuses traditions authentiques prouvent que le Qa’im devait apporter des lois nouvelles lors de son apparition. De plus, le Bab était un descendant direct du prophète Muhammad: «Il appartenait à une maison connue pour sa noblesse et dont l’origine remontait à Mahomet lui-même» (15) ce qui était un des signes distinctifs du Promis que les chi’ites d’Iran attendaient. Les dix-huit premières personnes à reconnaître le rang du Bab furent appelées les «Lettres du Vivant» et furent comme ses apôtres ; il assigna à chacune d’elles une mission spéciale (16) en se dispersant à différents endroits pour divulguer sa cause.

Le rôle du Bab peut être comparé à celui de saint Jean-Baptiste dans l’avènement du christianisme, à la différence que le Bab a fondé une religion distincte et indépendante, avec son propre Livre saint, le Bayan. Au début, le babisme apparaît comme un mouvement de réforme sociale et morale:
«La doctrine du Bab, notamment présentée dans le Bayan [...] est une abrogation de la loi religieuse islamique et de toutes les autres religions qui doivent être remplacées par une nouvelle loi plus universelle.» (17)

Le babisme prône un message de justice sociale, d’égalité des droits de l’homme et de la femme (femme, d’ailleurs, pour laquelle il proscrit le voile). Sa mission principale, affirme-t-il dans le Bayan, son livre révélé, est de préparer les hommes à la venue d’un messager divin universel qui instaure une ère de justice et de liberté, «Celui que Dieu rendra manifeste». (18) Son message énonce des innovations draconiennes et d’une certaine manière révolutionnaires.

REPRESSION IMMEDIATE DU MOUVEMENT BABI

En quittant le Bab, les Lettres du Vivant commencèrent à répandre le message qu’une nouvelle manifestation divine était apparue. Mais les membres de la hiérarchie officielle ne l’entendirent pas ainsi. Le clergé musulman riposta immédiatement d’une manière sanglante, pressentant un danger colossal pour leur propre autorité et prestige. Ils voyaient leur monopole mis en cause et leurs ambitions menacées. Le clergé musulman déclara que le Bab était un imposteur dangereux non seulement pour l’Islam mais aussi pour l’ordre social établi et pour le gouvernement lui-même. Voici comment ‘Abdu'l-Baha décrivit les Persans qui avaient reconnu le rang du Bab:
«Il endurèrent les pires difficultés, et les plus dures afflictions. Ils surmontèrent les épreuves avec un pouvoir merveilleux et un héroïsme sublime. Des milliers d’entre eux furent jetés en prison, punis, persécutés et martyrisés. Leurs maisons fut pillées et détruites, leurs biens confisqués.» (19)

Cependant, malgré les tentatives du gouvernement et du clergé pour mettre un terme à son influence grandissante, et malgré la férocité de la répression, le nombre de disciples augmenta rapidement au cours des mois qui suivirent.

L’INTERET DES OCCIDENTAUX: LA DENONCIATION DES PERSECUTIONS

Entre 1844 et 1850, année où le Bab lui-même fut martyrisé, plus de vingt mille babis furent exécutés (20). Cet événement important ne pouvait manquer d’éveiller une attention particulière, au-delà des frontières du pays où il s’était produit. C’est ainsi, qu’un intérêt se fit jour dans les pays d’Europe occidentale, comme la France: intérêt qui s’étendit rapidement aux milieux littéraires, artistiques, diplomatiques et intellectuels. En effet, le drame babi ne passa pas inaperçu en Occident, il fut révélé par de nombreux diplomates, étrangers et Français, en mission en Perse. De 1844 à 1851, le Quai d’Orsay reçut de nombreux rapports mentionnant les babis. Ces dépêches diplomatiques provinrent par exemple du ministre français à Téhéran, le comte de Sartiges, du consul de France à Tabriz, Alphonse Dano, d’un maréchal des logis, Joseph Ferrier (21), ou encore du comte de Rochechouart, chargé d’affaires à Téhéran, tous témoins privilégiés de l’histoire babie. Dans ces dépêches de l’époque, on dénote une certaine compassion et une dénonciation assez virulente des actes de barbarie commis à l’encontre des babis. Certains s’érigèrent même en défenseurs de la nouvelle cause «les Babys sont une secte très inoffensive [...] ils sont très bien disposés pour les Européens en général et pour nous en particulier.» (22)

Ou encore:
«La nouvelle arrivait à Téhéran que la petite ville de Zinguin située à mi-chemin, entre la capitale et Tauris (23), était devenu le théâtre de sanglants désordres. Sa population, dont la majorité appartient à la secte des babis, s’entre gorgeait [sic] pour des différents religieux.» (24)

Dans la sphère des diplomates français en mission en Perse, le sort des babis fut un souci récurrent surtout à partir de 1850, où le Bab lui-même est emprisonné puis exécuté le 9 juillet 1850 à Tabriz.

En France, c’est en 1865 que l’opinion publique entendit parler pour la première fois de cette nouvelle religion orientale, à la suite de la parution chez Perrin, d’un ouvrage en français: Religions et philosophies de l’Asie Centrale. (25) L’auteur est le comte Arthur de Gobineau (1816-1882), écrivain et diplomate français (26). Il était chargé d’affaires à la Légation française de Téhéran en 1856 (27), alors que la toute récente tragédie babie soulevait fièvres et passions. Horrifié par le récit des massacres infligés aux babis, il s’empara de cet événement et y consacra plusieurs chapitres (28) de son livre en donnant des détails méticuleux sur les supplices et les tortures que le gouvernement perse faisait administrer à la minorité:

«On vit s’avancer entre les bourreaux des enfants et des femmes, les chairs ouvertes sur tout le corps, avec des mèches allumées, flambantes, fichées dans les blessures. On traînait les victimes par des cordes et on les faisait marcher à coups de fouet. [...] Quelques-uns des enfants expirèrent dans le trajet. Les bourreaux jetèrent leurs corps sous les pieds de leurs pères et de leurs soeurs [...] Quand on arriva au lieu d’exécution, on proposa encore aux victimes la vie pour leur abjuration.» (29)

Mais malgré une certaine prise de position de l’auteur, à savoir la volonté de donner une description exacte des souffrances infligées aux babis et quelque part une certaine dénonciation, nous nous devons toutefois de mentionner à ce stade de notre étude que Gobineau fut également l’auteur de L’essai sur l’inégalité des races humaines (1854), une des thèses qui influença beaucoup le racisme germanique (le nazisme). Nous pouvons alors nous demander quel était l’objectif de Religions et philosophies de l’Asie Centrale ? Etait-ce d’informer le lecteur français qu’une nouvelle minorité existait en Perse, qu’elle subissait une répression sanglante, qu’il fallait s’alarmer du sort des babis ? Nous ne savons pas vraiment. Ce qui est sûr, c’est que cet ouvrage de Gobineau fut très lu et eut un grand retentissement. Il a certainement permis d’informer les Occidentaux à propos de ce nouveau mouvement mais il annonçait de plus la grande expansion et l’ampleur du phénomène:

«L’opinion générale est que les babis sont répandus dans toutes les classes de la population et parmi tous les religionnaires de la Perse [...] On pense et avec raison, semble-t-il, que beaucoup de mullas (30), et parmi eux des mujtahids (31) considérables, des magistrats d’un rang élevé, des hommes qui occupent à la Cour des fonctions importantes, et qui approchent de près la personne du roi, sont des Babis. D’après un calcul fait récemment, il y aurait à Tihran, cinq mille de ces religionnaires, sur une population de quatre vingt mille âmes à peu près. Mais les arguments à l’appui de ce calcul ne semblent pas bien solides, et j’incline à croire que si jamais les babis avaient le dessus en Perse, leur nombre dans la capitale se trouverait bien plus considérable.» (32)

Gobineau présenta le babisme de manière à ce que le lecteur comprenne que c’est une minorité qui prend de plus en plus de poids, malgré le fait qu’elle soit fortement brimée. Devant le grand succès du livre, qui traduit un certain intérêt, voire une curiosité des Occidentaux pour les affaires orientales, le livre fut réédité l’année suivante, en 1866: cela attira l’attention de nombreux journalistes littéraires et orientalistes français sur cette question babie. Grâce à cet ouvrage de Gobineau, le babisme sortit de l’ombre et il fut mentionné dès lors chez d’autres intellectuels français.

Ainsi, Ernest Renan, grand écrivain français (1823-1892), fut toute sa vie attiré par les questions spirituelles. Pourtant, il se détourna de sa vocation ecclésiastique pour se consacrer à l’étude des langues sémitiques et à l’histoire des grandes religions. Il demeure aujourd’hui célèbre pour une oeuvre qui fut éditée en plusieurs volumes: L’histoire des origines du christianisme (1863-1881). Le premier volume La vie de Jésus eut un grand retentissement. Dans ce volume, il cita à plusieurs reprises de manière très succincte le mouvement babi (33). C’est dans son deuxième volume Les Apôtres qu’il écrivit un long passage sur la foi babie, en l’introduisant de la manière suivante:
«Notre siècle a vu des mouvements religieux tout aussi extraordinaires que ceux d’autrefois, mouvements qui ont provoqué autant d’enthousiasme, qui ont eu déjà, proportion gardée, plus de martyrs. [...] Le Babisme, en Perse, a été un phénomène autrement considérable.» ( 34)

Toujours dans les Apôtres, Renan restitue un extrait du livre de Gobineau, Les Religions et Les Philosophies de l’Asie centrale. Renan écrit:

«Un jour sans pareil peut-être dans l’histoire du monde fut celui de la grande boucherie qui se fit des Babis, à Téhéran. «On vit ce jour-là dans les rues et les bazars de Téhéran, dit un narrateur qui a tout su d’original (35), un spectacle que la population semble devoir n’oublier jamais.»» (36)

Cet extrait des Apôtres et la note effectuée par l’auteur lui-même, nous montrent que Renan s’était bien renseigné sur la foi babie: non seulement il avait lu Les Religions et Les Philosophies de l’Asie centrale de Gobineau mais il avait eu des témoignages directs lors de son voyage à Constantinople, ce qui démontre son intérêt pour la minorité et une certaine volonté de sensibiliser le lecteur français devant les injustices et la cruauté du gouvernement persan.

Louis Alphonse Daniel Nicolas (37), historien et orientaliste de nationalité française (38), interprète officiel de la Légation française à l’étranger se passionna également pour le problème babi et y consacra une grande attention. Nicolas naquit en mars 1864 en Perse, à Rasht et parlait plusieurs langues, notamment, le russe et le persan. Il fit ses études à l’Ecole des langues orientales vivantes. Il entra au service du Ministère des Affaires étrangères en 1877. Après avoir lu, lui aussi, le livre de Gobineau, il vérifia toutes les informations que Gobineau avait écrites dans son livre, il en rectifia certaines, puis entreprit de traduire les écrits du Bab. Séduit par cette jeune doctrine, il se convertit alors au babisme et devint ainsi le premier babi occidental. Il écrivit différentes oeuvres Seyyed Ali Mohamed dit le Bab (1905) et fut le premier à traduire une oeuvre du Bab en français: le Beyan arabe et le Beyan persan, un Essai sur le Cheikhisme (1911) ainsi que plusieurs articles dans des journaux tels que Revue du Monde Musulman. Nicolas devint chevalier de la Légion d’honneur en 1909 et mourut en 1939 (39).

DANS LE DOMAINE ARTISTIQUE

L’histoire babie éveilla la créativité et l’inspiration des artistes. Comme nous l’apprend cet extrait, la célèbre tragédienne française Sarah Bernhardt (1844-1923) aurait voulu interpréter cette tragédie au théâtre en demandant à Catulle Mendès, un grand littéraire de l’époque, d’écrire une pièce:

Un journaliste français «bien connu» (40) - il s’agit de Jules Blois - rend hommage au Bab:
«Toute l’Europe fut émue de pitié et d’indignation... Parmi les littérateurs de ma génération, dans le Paris de 1890, le martyre du Bab était encore un sujet d’actualité comme l’avait été la nouvelle de sa mort. Nous écrivions des poèmes sur lui. Sarah Bernhardt pria Catulle Mendès de composer une pièce ayant pour thème cette historique tragédie.» (41)

Toujours dans le domaine artistique, nous apprenons (42) qu’une poétesse russe, Isabella Arkadevna Grinevskaya, membre des Sociétés philosophiques, orientales et bibliographiques de Saint-Pétersbourg a également été touchée par le babisme. Elle est l’auteur de nombreuses pièces de théâtre et tragédies et une admiratrice passionnée de Léon Tolstoï. Tolstoï est un littéraire, écrivain russe très populaire qui bénéficiait d’une réputation considérable de son vivant et ce au-delà des frontières. Son oeuvre présente une grande diversité de la société russe. Fin XIXème siècle, il était considéré comme une idole de la jeunesse russe, de par ses élans mystiques et des refus contestataires envers le gouvernement.

Cette poétesse russe a publié en 1903 un poème dramatique intitulé «Le Bab». Les années suivantes, la pièce fut jouée dans le théâtre littéraire et artistique de Saint-Pétersbourg et dans les principaux théâtres de Russie. Devant son succès, la pièce fut diffusée à Londres, traduite en français à Paris, puis en allemand, par le poète Fiedler. Malheureusement, nous n’avons pas réussi à trouver la traduction française de ce poème. L’impact de cette pièce fut tel qu’elle continua à être jouée même après la Révolution russe (1917).

La poétesse avait envoyé un des exemplaires de ce poème à son inspirateur, le fameux Léon Tolstoï. Ce dernier lui répondit non seulement par rapport à son travail théâtral mais aussi et surtout, par rapport aux enseignements babis. Cette réponse démontre l’intérêt qu’éprouvait le comte Tolstoï pour le babisme et combien ses idées étaient proches du mouvement oriental:

«Je connais les Babis depuis longtemps et je suis très intéressé par leurs enseignements. Il me semble que ces enseignements, comme tous les enseignements rationalistes sociaux et religieux, qui sont nés des anciennes religions [...], ont un grand futur, au-dessus de tout car ils ont rejeté toutes ces monstrueuses hiérarchies qui divisent les vieilles religions, et ils aspirent à devenir une religion unique, commune à toute l’humanité. [...] Ce que je perçois dans le babisme est complètement différent, pas tant dans la théorie de ses enseignements mais dans sa pratique, autant que je la connaisse. Et pour cette raison, je sympathise de tout mon coeur avec le babisme, dans la mesure où il prêche la fraternité et l’égalité entre tous les hommes, et le sacrifice de la vie matérielle dans le service de Dieu» (43).


2. La révélation de Baha’u’llah: l’accomplissement du babisme

LA PERSONNALITE DE BAHA'U'LLAH

D’après La Chronique de Nabil, et le Bayan, nous savons que la proclamation du Bab était une préparation pour l’avènement d’une religion nouvelle. Les Ecrits du Bab ont été recueillis pour la postérité ; parmi de nombreux livres, Le Bayan est le livre central de sa révélation. Comme nous l’avons vu précédemment, cette oeuvre a deux volets: elle abroge notamment certaines lois islamiques et les remplace par de nouvelles lois religieuses. Elle insiste sur les valeurs morales, donne un rang digne à la femme ; l’éducation et les sciences sont encouragées. Et d’autre part, dans ce livre le Bab annonce clairement et de façon directe la venue d’une autre révélation plus grande que la sienne, et il exhorte ses disciples à chercher et trouver cette nouvelle Manifestation. La dispensation du Bab dura seulement neuf années et donna naissance à la révélation baha'ie fondée par Baha'u'llah.

Baha’u’llah, (ce qui signifie «la gloire de Dieu» en arabe), de son vrai nom Mirza Husayn Ali, est né en 1817 à Téhéran, la capitale de la Perse. Il est issu d’une famille de la noblesse très distinguée de Téhéran ; ses ancêtres remontaient aux grandes dynasties de l’Iran impériale. Son père occupait une fonction de ministre à la cour du roi de Perse. Dès son plus jeune âge, Mirza Husayn Ali montrait des signes de grandeur, d’un savoir et d’une sagesse extraordinaires. Dans Les leçons de Saint Jean d’Acre, cela est affirmé: «Tout le monde sait en Perse qu’il n’étudia dans aucune école, et qu’il ne fréquenta ni les ulamas, ni les savants» (44). Il était jeune lorsque son père mourut, le laissant chef de famille ; Abbas Effendi – dit ‘Abdu'l-Baha - , son fils aîné - personne qui nous intéresse particulièrement car il est venu en Europe vers la fin de sa vie – relate à John Esslemont, auteur de Baha'u'llah et l’ère nouvelle:
«Baha'u'llah était âgé de vingt-deux ans quand son père mourut, et le gouvernement souhaitait le voir succéder à son père dans les fonctions de ministre, ainsi que le voulait la coutume iranienne, mais Baha'u'llah déclina cette offre. Alors le premier ministre dit: «Qu’il garde sa liberté. Cette position est indigne de lui. Il a en vue quelque but plus élevé. Je ne puis le comprendre, mais je suis convaincu qu’il est destiné à quelque haute mission. Ses pensées sont différentes des nôtres. Laissons-le.»» (45)

Baha'u'llah refusa donc la carrière ministérielle qui lui était ouverte et préféra consacrer son énergie à diverses actions humanitaires pour la protection de ceux qui étaient dans le besoin, ce qui lui valut le nom de «Père des Pauvres». Cette existence privilégiée prit rapidement fin car Baha'u'llah s’intéressa et embrassa très tôt la cause babie. En effet, lorsque le Bab déclara sa mission le 23 mai 1844, Baha'u'llah avait vingt-sept ans, et à peine trois mois après cet événement, il reçut un parchemin du Bab. Il attesta instantanément la véracité de la cause babie et devint dès lors un des plus ardents défenseurs du Bab. Il entreprit d’enseigner la nouvelle foi dans sa région natale, dans le district de Nur (dans la province du Mazindaran, au Nord de l’Iran). Nabil relate:
«La visite de Baha'u'llah à Nur avait produit des résultats d’une très grande portée et donné une remarquable impulsion à la propagation de la révélation naissante. Par son éloquence magnétique, par la pureté de sa vie, par la dignité de son comportement, par la logique irréfutable de son argumentation et par les multiples preuves de sa tendre bonté, Baha'u'llah avait gagné les coeurs des habitants de Nur.» (46)

Beaucoup de dignitaires et de personnalités locales vinrent le voir et Baha'u'llah leur parlait alors de la foi babie. Lorsqu’en 1850, les babis se retrouvèrent privés de leurs chef (le Bab est martyrisé en 1850), ils se regroupèrent peu à peu et spontanément, autour de Baha'u'llah, très apprécié pour toutes ses qualités et son grand charisme dans la communauté.

L’AGGRAVATION DE LA SITUATION BABIE: TENTATIVE D’ASSASSINAT DU SHAH DE PERSE

Il se produisit alors un événement qui ne manqua pas d’avoir des répercussions terribles sur l’ensemble de la communauté babie et qui ne fit qu’aggraver sa situation en Perse: la tentative de l’assassinat de Nasridin Shah, roi de Perse. Comme nous l’apprenons dans la Chronique de Nabil, cet acte eut lieu le 15 août 1852, («vers la fin du mois de Shavval, en l’an 1268 après l’Hégire» (47)) et fut commis par un petit groupe de babis, résidant à Téhéran. Selon les sources, ils étaient au nombre de deux ou de six membres à perpétrer le crime. Aux yeux de ces babis, le Shah était le responsable de l’exécution du Bab et du massacre de leurs co-religionnaires. Ils pensaient donc qu’en l’éliminant, les souffrances des babis s’arrêteraient. Ce groupe de personnes commença donc à comploter l’assassinat du Shah, mais d’une manière qui devait forcément mener à l’échec. Voici le récit de Nabil quant à cette tentative d’assassinat:
«A un moment où l’armée impériale, commandée par le Shah lui-même, avait établi son camp à Shimiran, ces deux jeunes ignorants (48), dans un accès de désespoir, se levèrent pour venger le sang de leurs frères massacrés. La folie qui caractérisa leur acte devait se manifester par le fait qu’en commettant un tel attentat à la vie de leur souverain, ils avaient, au lieu de se servir d’armes efficaces qui auraient assuré le succès de leur aventure, chargé leur pistolet de plomb qu’aucune personne raisonnable ne songerait jamais à utiliser dans un tel but.» (49)

Nabil qualifie par la suite ces hommes comme «des fanatiques farouches à l’esprit débile» (50) ayant utilisé des «instruments aussi ridiculement inefficaces.» (51)
Toutefois cet événement eut des conséquences terribles ; il suscita une indignation de tout le corps ecclésiastique et gouvernemental de la Perse, et la communauté babie, qui était déjà persécutée, fut victime d’une répression encore plus sanglante. Les accusations contre la communauté babie fusèrent de toutes part et elle devenait la responsable de tous les maux de la Perse.

Pourtant, nous retrouvons dans plusieurs sources que cet acte n’était pas prémédité par la communauté babie mais qu’il se révèle être un acte isolé, dont les auteurs étaient des babis, certes, mais qui ont agi de manière solitaire ; cependant toute la communauté babie fut rendue responsable. Voici le témoignage du Comte de Gobineau:
«Il était devenu certain qu’on avait simplement affaire à un assassinat, et non pas à une insurrection. Les deux babis arrêtés, conduits presque immédiatement devant le conseil des ministres, avaient déclaré qu’ils étaient seuls, qu’ils n’avaient pas de complices» (52).

Lord Curzon tente lui aussi d’expliquer la méprise: c’est un événement «fort injustement confondu avec une conspiration anarchique et révolutionnaire [...] On a déduit par erreur, du fait que le babisme dès ses premiers jours se trouva en conflit avec les pouvoirs civils et qu’un attentat a été fait par des babis contre la vie du Shah, que ce mouvement était d’origine politique et avait un caractère nihiliste. De l’étude des écrits du Bab ou de ses successeurs, il n’apparaît rien qui puisse fonder de tels soupçons » (53). Dans l’esprit des Occidentaux qui avaient étudié un minimum ce phénomène, il paraissait évident que le gouvernement perse se méprenait.

Malgré cela, depuis cette tentative d’assassinat, le gouvernement perse avait été conforté dans sa position que le mouvement babi n’était qu’un mouvement insurrectionnel dangereux, qui en voulait à l’autorité politique et religieuse du pays et les mesures d’élimination devinrent encore plus féroces au cours de l’été 1852. Là encore, diplomates et intellectuels occidentaux dénoncèrent ces cruautés. Ainsi Mellinet, un diplomate français en service à Téhéran écrivit:
«L’attentat dirigé en 1852 contre la personne même du Roi et finalement l’exécution des assassins et de quarante de leurs prétendus complices [...]. Tous avaient subi les tortures les plus cruelles plutôt que d’abjurer leur foi.» (54)

Ou encore Renan, dans Les Apôtres caractérise le grand massacre de Tihran qui suivit l’attentat contre la vie du Shah comme «un jour sans pareil peut-être dans l’histoire du monde » (55).

Voici ce que dénonce un officier autrichien qui travaillait à la cour du roi pendant l’extermination babie. L’extrait suivant provient du journal Soldatenfreund (l’Ami du Soldat):

«L’article en question se fonde principalement sur une lettre écrite le 29 août 1852 par un officier autrichien, capitaine Von Goumoens, qui était au service du Shah mais qui fut si dégoûté et horrifié par les cruautés qu’il devait constater qu’il envoya sa démission. [...]
[Début de l’article de journal:]
«Il y a quelques jours, nous avons évoqué l’attentat contre le Shah de Perse, lors d’une partie de chasse. Les conspirateurs, comme l’on sait, appartenaient à la secte religieuse des babis. Voici le texte de cette lettre:
«Tihran le 29 août 1852,
Cher ami, ma dernière lettre du 20 courant mentionnait l’attentat contre le Roi. Je m’en vais à présent te communiquer le résultat de l’interrogatoire auquel les deux criminels ont été soumis. En dépit des terribles tortures qu’on leur a infligées, l’interrogatoire ne leur a pas arraché de confession compréhensible ; [...] Mais suis-moi mon ami, toi qui prétends posséder un coeur et l’éthique européenne, suis-moi pour voir les malheureux qui, les yeux exorbités doivent manger sur la scène de l’acte sans aucune sauce leurs propres oreilles amputées ; [ici suit une longue description de plusieurs tortures dégoûtantes] Quand je relis ce que j’ai écrit, l’idée m’envahit que ceux qui sont avec toi dans notre bien-aimée Autriche pourraient douter de l’absolue vérité de l’image et m’accuser d’exagération. Plût à Dieu que je n’eusse pas vécu pour le voir ! Mais de par les devoirs de ma profession, j’ai été malheureusement souvent, trop souvent, témoin de ces abominations. A présent je ne quitte plus jamais ma maison, afin de ne pas assister à de nouvelles scènes d’horreur. [...] Puisque mon âme toute entière se révolte contre une telle infamie, contre des abominations comme celles qui, selon l’avis de tous, ont été récemment perpétrées, je ne resterai plus en rapport avec la scène de tels crimes.» [Il ajoute qu’il a déjà été demandé à être déchargé de ses fonctions, mais qu’il n’a pas encore reçu de réponse.] » (56)

Le Capitaine Von Goumoens interpelle l’indignation occidentale plusieurs fois à travers cette lettre, ne comprenant pas que de telles atrocités puissent exister. Cette dénonciation est d’autant plus impressionnante et percutante qu’elle s’accompagne de la démission de l’officier.

Malgré les prises de position de certains Occidentaux, les répercussions furent énormes sur l’ensemble de la communauté babie: la communauté toute entière fut engagée -(«Les femmes et les enfants avaient montré autant de courage et de résignation que les hommes.» (57)) - dans une période de massacres, où les autorités s’ingéniaient à trouver des moyens de tortures le plus cruel possible: «Tous les artifices ingénieux que les bourreaux de Tihran pouvaient employer furent appliqués avec une rigueur impitoyable sur les corps de ces malheureux.» (58) L’hostilité du Shah et de son gouvernement avait été décuplée. De plus, pour l’ensemble de la population, la tentative d’assassinat constituait une preuve de l’aspect révolutionnaire de la minorité, et cela confirmait les accusations des oulémas (59) perses. La mère du Shah, dénonça violemment les babis et accusa Baha'u'llah en personne. Après s’être rendu lui-même à la Cour du roi, il fut torturé puis emprisonné. Il fut obligé:
«à pied et exposé aux rayons brûlants du soleil de plein été [...] de courir, pieds nus et tête nue, toute la distance séparant Shimiran du cachot [...]. Tout le long du parcours, il fut lapidé et vilipendé par les foules que ses ennemis avaient réussi à convaincre qu’il était l’ennemi juré de leur souverain et le destructeur de son royaume. Les mots me manquent pour décrire l’horreur du traitement réservé à Baha'u'llah au moment où on l’emmenait au Siyah-chal de Tihran. » (60)

LA NOUVELLE REVELATION

Les membres du clergé musulman réclamaient la peine de mort pour Baha'u'llah mais sa réputation personnelle, la position sociale de sa famille et les protestations des puissances occidentales lui permirent d’être épargné. Toutefois, il fut emprisonné dans la célèbre «Fosse noire» ou Siyyah-Chal en persan:
«c’était un cachot souterrain dans lequel étaient habituellement détenus des criminels de la pire espèce. L’obscurité, la saleté et le caractère des prisonniers s’ajoutaient pour faire de ce cachot pestilentiel le lieu le plus abominable auquel des êtres humains pouvaient être condamnés» (61).

Les autorités pensaient qu’il y trouverait la mort mais au contraire c’est là qu’il ressentit être le dépositaire d’une révélation divine:
«Une nuit, en rêves, ces paroles exaltantes, se firent entendre de tous côtés: «En vérité Nous te rendrons victorieux par toi-même et par ta plume. Ne t’afflige pas à cause de ce qui t’est arrivé et ne sois pas effrayé car tu es en sécurité. »
«Pendant les jours où j’étais confiné dans la prison de Tihran, quoique le poids irritant des chaînes et l’air empesté m’aient laissé peu de sommeil, il me semblait que, dans ces rares moments d’assoupissement, quelque chose s’écoulait du sommet de ma tête sur ma poitrine, ainsi qu’un torrent puissant se précipite sur la terre du sommet d’une montagne élevée. Alors tous mes membres prenaient feu, et à ces moments là, ma langue prononçait des paroles qu’aucun homme ne pourrait supporter d’entendre.»
«Tandis que je sombrais sous le poids des afflictions, j’entendis, au-dessus de ma tête, une voix merveilleuse et infiniment douce qui m’appelait.» (62)

«Mais la puissance divine se manifesta, car cette prison fut la cause de la promulgation et de la proclamation de sa parole. La grandeur de Baha'u'llah devint évidente.» (63)

Après avoir été libéré de ce cachot, il fut banni de son pays natal et commencèrent alors pour lui, sa famille et ses proches compagnons, plus de quarante années d’exils. Le clergé et l’Etat de Perse continuèrent plus que jamais leurs persécutions et massacres à l’encontre des membres de cette nouvelle religion. Baha'u'llah fut exilé vers l’Empire ottoman: en Irak à Bagdad, à Constantinople (capitale impériale) puis Andrinople et enfin dans la ville forteresse de Saint Jean d’Acre (Akka (64)), en Palestine, alors province de l’Empire ottoman. (65) D’abord envoyé à Bagdad, Baha'u'llah quitta cette ville après un an pour se retirer dans les montagnes sauvages du Kurdistan, où il vécut dans une solitude et un dénuement complet pendant deux ans. Même sa famille et les autres babis de Bagdad ne savaient pas où il se trouvait.

Notons ici que cette période rappelle quelque peu, les différentes retraites des autres fondateurs des grandes religions monothéistes: les errances de Bouddha, les quarante jours et quarante nuits du Christ dans le désert, ou encore le repli de Muhammad dans la grotte du Mont Hira.

Il revint ensuite à Bagdad où il vécut quelques années, occupé à rassembler la petite communauté babie et où sa renommée grandit auprès des habitants de la ville. Mais ses ennemis ne lui laissaient aucun répit et c’est alors qu’un nouvel ordre d’exil lui fut délivré.

C’est au moment de son départ de Bagdad, qu’il déclara publiquement auprès de ses compagnons qu’il était le «Promis». C’est donc le 21 avril 1863, dans le «jardin de Ridvan» (66)que les babis reconnurent en lui le messager universel annoncé par le Bab: la foi baha'ie était née. Les babis devinrent pour la plupart baha'is. La communauté grandissait, et de peur que ce succès ne réveillât en Perse l’enthousiasme populaire pour le mouvement, le gouvernement du Shah convainquit les autorités ottomanes de l’envoyer à nouveau en exil, encore plus éloigné, espérant ainsi mettre un terme à son influence. C’est ainsi qu’il fut à nouveau exilé à Constantinople (67), pendant quatre mois, et à Andrinople (68) comme prisonnier politique, pendant quatre ans et demi. Puis, l’agitation continuelle des opposants au régime poussa le gouvernement turc à exiler tous ses prisonniers à Saint Jean d’Acre (69) en 1868: Saint Jean d’Acre était une ville pénitentiaire où les plus grands malfaiteurs, les opposants politiques dangereux et les bandits de grands chemins étaient envoyés en solution ultime. Mais malgré la volonté des autorités perses et ottomanes d’éloigner de plus en plus Baha'u'llah pour éteindre son influence, sa renommée grandissait de plus en plus, et bon nombre de juifs, zoroastriens, musulmans furent au contraire attirés par le nouveau message qu’il prônait et se convertirent à la nouvelle foi.

LA PROCLAMATION UNIVERSELLE

Depuis ses lieux d’exils, notamment d’Andrinople et d’Akka, Baha'u'llah entreprit une proclamation universelle. Il s’adressa personnellement à de nombreux rois et dirigeants du monde de l’époque à partir de 1867. Ces exhortations et conseils ont été compilés dans un recueil, La proclamation de Baha'u'llah. (70)
Il s’est adressé à:
- l’Empereur Napoléon III de France (71)
- au Pape Pie IX
- aux prêtres des Eglises chrétiennes
- au Tsar de Russie, Nicolaevitch Alexandre II
- à la Reine Victoria d’Angleterre
- au Kaiser Guillaume Ier de Prusse
- à l’Empereur François-Joseph d’Autriche
- au Sultan Abdu’l-Aziz de l’Empire ottoman
- au Roi de Perse, Nasridin Shah
- aux dirigeants d’Amérique

Dans ces différentes lettres, Baha'u'llah proclame ouvertement sa position. Il prie instamment les dirigeants du monde de gouverner avec justice. Il lance un appel à la mobilisation en faveur du désarmement et demande aux autorités de se regrouper en une sorte de confédération. Baha'u'llah dit au Professeur Browne, de l’Université de Cambridge, qui est venu le rencontrer en 1890:

«Nous ne désirons que le bien du monde et le bonheur des nations ; pourtant on nous considère comme un élément de désordre et de sédition méritant la captivité et le bannissement. [...] Quel mal y a-t-il en cela ? [...] Nous voyons vos rois et vos dirigeants prodiguer plus facilement leurs trésors à des fins destructrices de la race humaine, qu’à les consacrer au bonheur de l’humanité.» (72)

Dans la plupart de ses tablettes, Baha'u'llah employa un ton strict, inflexible et implacable. Il mit en garde tous les grands hommes politiques, sur leur manière de gouverner, les sensibilisant sur la décadence évidente de la société dans son intégralité.

L’INTERET POUR LA FRANCE

Ainsi, il écrivit une tablette à chaque souverain, dont une à Napoléon III, en 1868, dont voici un extrait:
«Nous vous voyons accroître chaque année vos dépenses et en faire peser le fardeau sur vos sujets. Cela est, sans conteste, une totale et lourde injustice. [...] O souverains de la Terre ! Réconciliez-vous afin de n’avoir à vous armer que dans la mesure nécessaire à la défense de vos biens et de vos empires. [...] Soyez unis, ô rois de la terre, car ainsi la tempête de la discorde s’apaisera parmi vous et vos peuples trouveront le repos. » (73)

De plus, Baha'u'llah, dans nombreuses de ses lettres, prédit des bouleversements catastrophiques de l’ordre politique et social. Un an plus tard, en 1869, Napoléon III, reçoit un second message du prisonnier de Saint Jean d’Acre. L’Empereur de France ne s’intéresse pas du tout aux prédictions de Baha'u'llah:

«O roi de Paris [...] Il ne te convient pas de gérer tes affaires selon les exigences de tes désirs. [...] Ton faste t’a-t-il enorgueilli ? Par ma vie, il ne durera pas et même il sera bientôt anéanti» (74).

Cette missive demeura sans effet sur Napoléon III, mais cependant, elle provoqua un vif émoi chez le traducteur français et émissaire, César Catafago, vice consul de France à Saint Jean d’Acre. Lorsqu’il estima qu’il voyait se réaliser ce que Baha'u'llah avait annoncé, ce représentant de France à l’étranger embrassa la cause baha'ie.

UN AUTRE OCCIDENTAL SENSIBLE AU MOUVEMENT

Bien que les enseignements de Baha'u'llah ne soient pas très connus en Occident de son vivant, ils commencent toutefois à être introduits dans plusieurs pays. Plusieurs Occidentaux commencent à être familiers avec la nouvelle doctrine. Vers la fin des années 1870, Baha'u'llah est autorisé à se déplacer librement hors des remparts de la ville et ses disciples le rencontrent dans une liberté relative. Il s’installe alors dans un manoir abandonné qui est restauré. Au printemps de 1890, vers la fin de la vie de Baha'u'llah, le Professeur Edward Granville Browne, un savant orientaliste renommé de Cambridge, en Angleterre, est venu le rencontrer à Bahji, en Palestine, alors que Baha'u'llah est toujours confiné dans sa demeure. Le Professeur E. G. Browne est le seul Occidental à relater sa rencontre avec Baha'u'llah:

«Je n’oublierai jamais le visage de celui que j’avais en face de moi, bien qu’étant incapable de le décrire. Ses yeux perçants semblaient lire jusqu’au tréfonds de l’âme ; ses larges sourcils évoquaient puissance et autorité [...] Il n’était pas nécessaire de demander devant qui je me trouvais ; je m’inclinais en effet devant un homme inspirant une dévotion et un amour que les rois pourraient envier et les empereurs désirer en vain. Une voix douce empreinte de respect, me pria de m’asseoir, puis elle continua: «Loué soit Dieu qui vous a fait arriver jusqu’à moi ! Vous êtes devant un prisonnier et un exilé... Nous ne désirons que le bien du monde et le bonheur des nations ; pourtant ces objectifs semblent attirer les querelles et les rébellions et conduire à l’esclavage et à l’exil » (75).

Tout au long de son emprisonnement, Baha'u'llah développa sa doctrine humanitaire et pacificatrice. Son principal livre est Le Kitab-i-Aqdas (76) , ce qui signifie «le Livre le plus saint», révélé vers 1873. Il est considéré dans la littérature baha'ie comme l’équivalent du Nouveau Testament pour les chrétiens ou du Coran pour les musulmans. Ce n’est pas un livre de grande taille: il comporte cent quatre-vingt-dix paragraphes. Il esquisse les lois et principes essentiels que les disciples doivent observer et il pose les bases de l’administration baha'ie en tant qu’organisation future de la société. Il aborde également des thèmes très divers, l’intégration raciale, l’égalité des sexes, le désarmement, ou encore, l’existence de Dieu, la nature spirituelle de l’homme, le rôle de la révélation divine dans l’histoire, la relation entre les religions...

Baha'u'llah mourut le 29 mai 1892, alors qu’il avait environ soixante-quinze ans. «Pendant toute une semaine, un grand nombre de pleureurs, riches ou pauvres, restèrent avec la famille endeuillée, prenant part à sa désolation» (77). Des personnalités de marque, de toutes les couches de la société, parmi lesquelles on comptait des musulmans, des chrétiens, des juifs, des poètes, des ecclésiastiques, des fonctionnaires du gouvernement s’unirent pour déplorer sa perte et témoigner de ses vertus et de sa grandeur.

Et pour la pérennité de la nouvelle foi, Baha'u'llah laissa un testament qui devait ôter toute équivoque quant à sa succession: le Kitab-i-Ahd. Le nouveau chef de la foi baha'ie, le centre de l’alliance se trouvait désormais en la personne de ‘Abdu'l-Baha, le fils aîné de Baha'u'llah.

Ce personnage étant au coeur de notre étude, nous allons l’étudier en détail dans notre deuxième partie. A ce stade de nos recherches, nous allons essayer de comprendre, comment la religion baha'ie s’est implantée en Occident, quel était le contexte européen, et plus particulièrement français, qui a permis à une certaine curiosité de naître dans l’esprit de ces Occidentaux.


B) Contexte sociopolitique et culturel de la France lors de cette implantation: pourquoi les Français se sont-ils intéressés à ce mouvement oriental ? Un certain horizon d’attente

C’est en 1898 que la foi baha'ie s’est implantée en France, avec May Bolles une jeune américaine installée à Paris.

1. La dualité étrange de la fin XIXème et début XXème siècle

Deux phénomènes sont parallèles et représentent le début du vingtième siècle: la destruction, d’une part et la construction, le progrès, d’autre part.

En premier lieu, nous pouvons nous pencher sur le phénomène de dégradation qui a caractérisé ce début de siècle, avec la désagrégation des institutions gouvernementales, ce qui a conduit au déploiement des armes de destruction massive, la destruction de l’environnement de la planète, à l’augmentation des écarts de richesse et de pauvreté. La richesse et l’influence se réduisaient à l’Europe, le reste du monde n’ayant aucun crédit sur la scène mondiale. «L’impérialisme occidental continuait à exercer sur les populations des autres pays de la planète ce qu’il estimait être sa «mission de civilisation»» (78). Les pays européens tels que la France, l’Angleterre, l’Allemagne entretenaient des rivalités commerciales en plus des tensions impérialistes. Les concurrences s’exacerbaient entre ces pays qui voulaient offrir à leur production croissante des débouchés suffisamment large. Fin XIXème et début XXème siècles, cet impérialisme économique et financier s’accompagnait de préoccupations politiques et stratégiques. Il conduisit alors au colonialisme qui associait exploitation économique et domination politique. L’industrialisation occidentale renforçait le pouvoir des pays les plus développés au détriment de ceux dont l’économie était la moins avancée. L’impérialisme engendrait donc un ensemble de tensions complexes et durablement dangereuses pour la paix du monde.

Un deuxième mouvement, parallèle au premier, était également enclenché, celui-là constructeur, auteur de nombreuses réalisations:
«Les peuples d’Occident pouvaient s’enorgueillir à juste titre des progrès technologiques, scientifiques et philosophiques engendrés par leurs sociétés. Des dizaines d’années d’expérimentation avaient placé entre leurs mains des moyens matériels que le reste de l’humanité était loin de pouvoir évaluer.» (79)

Vers 1850, à l’heure de l’émergence du nouveau mouvement réformateur babi, toute l’Europe connaît une révolution industrielle: la société est profondément transformée par des progrès technologiques dans tous les domaines, notamment des développements liés à l’énergie, à la production et au transport: utilisation de la force motrice de l’eau et de la vapeur, inventions de nouvelles machines, production accrue du charbon et du fer, émergences d’usines, essor des villes, un gros bouleversement dans les modes de transport (le chemin de fer apparaît dans les années 1840). La première grande invention eut lieu dans le textile: ce fut la première industrie mécanisée.

Ainsi du point de vue matériel, la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle connaissaient une nouvelle et spectaculaire avancée scientifique et technique. Découvertes et inventions se succédaient à un rythme surprenant: de nombreuses industries ont été créées, permettant la production de divers produits facilitant la vie sous tous ses aspects. L’industrie française connaissait une situation contrastée. La France occupait une place de choix dans la seconde révolution industrielle et les industries nouvelles fondées sur l’électricité, l’aluminium, l’automobile, le cinéma se développaient remarquablement. Mais les industries traditionnelles, comme par exemple les mines qui employaient le plus grand nombre d’ouvriers progressaient peu. Les progrès techniques ont été tout aussi importants: pour une part, ils continuaient à procéder à des perfectionnements pratiques qui devaient peu à la théorie scientifique, mais de plus en plus, les innovations apparaissaient comme les applications concrètes de la science: l’association du laboratoire et de l’atelier fut à la base de cette deuxième révolution industrielle (1880-1900).

Au niveau de la communication, les sociétés occidentales ont fait un bond dans le progrès: l’invention du moteur à explosion donna naissance aux moyens de transport modernes, l’automobile et l’avion dès la fin du XIXème siècle. Le moteur diesel offrit également une possibilité de modernisation. Le chemin de fer était désormais bien implanté et les bateaux à vapeur sillonnaient les voies maritimes. Les communications télégraphiques et téléphoniques se multipliaient de plus en plus. L’Occident commençait à maîtriser l’immense obstacle de la distance géographique. Ceci est important à savoir pour la suite car à partir de ce moment, les individus pouvaient se déplacer d’un continent à l’autre avec beaucoup plus de facilité et c’est grâce à cette facilité relative que ‘Abdu'l-Baha put se rendre en Occident.


2. Une crise de conscience occidentale

A côté de ce renouveau scientifique, la culture intellectuelle et philosophique se voyait également profondément modifiée et rajeunie. «Cette philosophie nourrissait le système de gouvernement constitutionnel, elle prônait l’autorité de la loi, le respect des droits de tous les membres de la société, et offrait à tous ceux qu’elle touchait la vision d’une ère imminente de justice sociale.» (80) En effet, les importants progrès scientifiques de fin XIXème et début XXème siècles n’ont pas été sans influencer fortement tout le mouvement intellectuel. Dès les années 1880, se dessina avec Nietzsche et Bergson (81) une réaction contre le scientisme dominant. Ce courant spiritualiste se développa au début du XXème siècle. De nouvelles découvertes comme la théorie de la relativité d’Albert Einstein (82) (1905) remirent en question certaines «certitudes scientifiques» et la notion même de la loi absolue.

Cette crise de conscience du monde occidental de la fin du XIXème et du début du XXème siècles prit différentes formes: un renouveau du sentiment religieux (Péguy, Claudel (83)), un intérêt marqué pour l’inconscient et le rêve (Freud (84)), une remise en question de l’ancien système de valeurs par l’exaltation de la violence... Le développement des moyens de diffusion et le rôle grandissant de la presse donnèrent d’ailleurs une audience plus grande aux intellectuels qui s’estimaient parfois les «maîtres à penser» de leur génération, n’hésitant pas à s’engager dans leurs oeuvres, ou à mettre leur renommée au service d’une cause.

Au niveau spirituel, domaine qui nous intéresse particulièrement pour notre recherche, il semblerait que la période fut caractérisée par un certain paradoxe: d’une part, la plupart des sociétés était alors en proie à des superstitions profondes, venant des imitations aveugles des temps anciens, soit par ignorance, soit par attachement fanatique à certaines croyances ; et d’autre part, dans les sociétés occidentales, la laïcité s’enracinait de plus en plus dans les esprits, remettant en cause l’autorité des valeurs morales. En France notamment, le mouvement laïc s’est répandu à grande vitesse. En effet, des transformations religieuses se sont produites en Europe et plus précisément en France. Les Eglises connaissaient de gros problèmes d’adaptation au monde moderne. L’influence du scientisme dans les milieux intellectuels, les progrès du libéralisme et du laïcisme dans de nombreux Etats, le déclin de la pratique religieuse dans les masses urbaines posaient aux différentes Eglises des problèmes nouveaux pour lesquels elles n’avaient pas de réponses. La grande question qui concernait le monde religieux demeurait: les religions devaient-elles tenir compte de ces données nouvelles ou s’opposer à toute évolution ? En dépit de ces difficultés, les Eglises restaient des forces spirituelles importantes qui s’appuyaient sur des millions de fidèles. On a même assisté à la fin du XIXème siècle à un certain réveil religieux en Europe, marqué notamment par des conversions retentissantes, tandis qu’une importante activité missionnaire étend l’influence du catholicisme et du protestantisme en Asie.

Concernant le catholicisme, (religion qui nous intéresse particulièrement car elle est religion d’Etat en France – au moment de l’implantation de la religion baha'ie - puis la religion majoritaire à partir de 1905, lorsque ‘Abdu'l-Baha séjourne en France) le nouveau pape, Léon XIII (1878-1903) essaya de concilier l’Eglise avec son temps. Il tenta une triple ouverture de l’Eglise: politique, sociale et intellectuelle. Au niveau politique, il encouragea les catholiques français traditionnellement monarchistes à se rallier au régime républicain. Il condamna la lutte des classes et le socialisme mais admit une intervention de l’Etat pour atténuer les injustices. Enfin, il préconisa les recherches théologiques pour les fidèles. Ce changement d’attitude se traduisit aussitôt par un renouveau de la pensée religieuse en France.
Mais le successeur de Léon XIII, Pie X (1903-1914), adopta d’emblée une attitude intransigeante sur le plan doctrinal et politique. Face à l’évolution du monde moderne, la papauté se replia une nouvelle fois sur une attitude traditionaliste. L’Eglise catholique n’en demeura pas moins, à la veille de 1914, une des grandes forces spirituelles du monde.


3. La France, un pays moderne qui s’ouvre sur le monde

COMPOSITION DE LA SOCIETE

Quelle est la composition de la société en France en ce début de XXème siècle ?
La France connaît une démographie stagnante. Si la mortalité baisse grâce au développement de l’hygiène et à la vaccination, la natalité diminue plus encore. Il y a environ trente-cinq millions de Français au début du XXème siècle, la plupart appartenant à la population rurale. Le début du XXème siècle est la «Belle Epoque» de la bourgeoisie. Cinq à six millions de personnes appartiennent à la bourgeoisie qui représente une grande diversité: au sommet, on trouve une haute bourgeoisie de banquiers et d’industriels ; puis, une moyenne bourgeoisie d’industriels, de négociants, de propriétaires ruraux, d’avocats, de médecins, groupe aisé et influent de notables. Ce groupe bénéficie de la prospérité française des débuts du XXème siècle ; il commence à se servir de l’automobile, à voyager et se presse dans les spectacles parisiens. Le groupe le plus dynamique est celui de la petite bourgeoisie ou «classe moyenne» qui est en plein essor. Il s’agit d’une catégorie très diversifiée qui comprend une classe moyenne indépendante (petits patrons de l’industrie et du commerce, artisans, membres des professions libérales...) et une classe moyenne salariée (employés et fonctionnaires). Placé à la charnière du monde ouvrier et de la paysannerie d’une part, et de la bourgeoisie de l’autre, ce groupe est particulièrement attaché aux moyens de la promotion sociale: école, travail, épargne. Il aspire au mode de vie bourgeois qui le distingue du peuple et témoigne des débuts de sa réussite.

LA PLACE DE LA FRANCE DANS LA CONQUETE COLONIALE, LE CHOC DES IMPERIALISMES

Dans les dernières années du XIXème siècle, le «partage du monde» est quasiment achevé. Récemment unifiées, l’Allemagne et l’Italie cherchent à leur tour à se tailler des colonies face aux immenses empires français et britannique. En effet, sous Jules Ferry, la politique coloniale française s’est énormément intensifiée (Indochine, Afrique et Madagascar). La France et l’Angleterre sont en grande rivalité pour la conquête de l’Afrique. L’impérialisme des nations européennes, tant en Europe que dans les colonies, a des causes essentiellement économiques: recherche des nouveaux marchés et de matières premières pour leurs industries en pleine expansion, nous l’avons vu précédemment. Toutefois les Etats-Unis et le Japon s’affirment comme puissances concurrentes de l’Europe.

DEVELOPPEMENT DE LA CURIOSITE POUR D’AUTRES CULTURES

Au XIXème siècle, les récits d’exploration, de voyages ou de conquête coloniale ont fait naître un attrait certain pour l’Orient, donnant naissance à un nouveau mouvement: l’orientalisme (étude de la culture orientale ou des langues orientales.)
Un certain intérêt pour la «culture» se développe: il y a de plus en plus en plus d’expositions conjoncturelles en dehors des musées traditionnels, comme par exemple des expositions de peinture, de sculpture, ou même d’architecture, qui se multiplient en France mais aussi à l’étranger. Une dimension nouvelle est donnée à l’art en général, que ce soit au niveau de la création artistique (surtout à Paris), technique ou même scientifique, mais surtout au niveau de la curiosité du public.

L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1900 A PARIS

C’est ainsi que dès la deuxième partie du XIXème siècle, se succèdent dans les capitales européennes «les expositions universelles». La première eut lieu à Londres en 1851. En ce début de XXème siècle, l’Exposition universelle eut lieu à Paris, du 15 avril au 12 novembre 1900. A cette époque Paris est déjà un immense chantier avec le début des travaux du métropolitain et la préparation des Jeux olympiques de 1900. L’exposition se veut à l’image du XXème siècle naissant, ou en tout cas à l’idée qu’on en a: une tendance vers le gigantisme. Tout est toujours plus imposant et les visiteurs de plus en plus nombreux (environ cinquante millions (85), chiffre inouï compte tenu du niveau de vie et des moyens de transports de l’époque). Les exposants se comptent à plus de quatre-vingt trois mille. Parmi les attractions marquantes, les premières projections sur écran géant des films des frères Lumière, le trottoir roulant, et une utilisation nouvelle de l’électricité qui permet de faire les premières photographies nocturnes d’une Exposition universelle. Cet événement permettait de découvrir le nouveau siècle à venir: un chemin de fer électrique surélevé entourait le site. Marquée cette fois-ci par la splendeur et l’extravagance, l’Exposition de Paris fut encore une fois un succès. Ce fut un événement gigantesque que l’on peut voir comme un hommage tardif aux valeurs du XIXème siècle, à l’impérialisme et à l’éclectisme. Grâce à ces expositions, une certaine ouverture d’esprit s’est opérée chez les individus, leur permettant de découvrir de nouvelles cultures, leur donnant l’opportunité de s’ouvrir sur le monde, notamment sur l’Orient. En effet, l’exposition permettait de découvrir des personnes et des cultures venues d’ailleurs, les natifs de colonies avec des chameaux vivants...

LES RELATIONS FRANCO PERSES

En Perse, les étrangers et plus particulièrement les Européens détiennent un pouvoir de plus en plus important, notamment depuis la création par Napoléon III de la légation française en Perse, à Téhéran. Ce groupe accroît son pouvoir et imprègne tant l’histoire perse, que la vie politique, économique et sociale du pays. Les Qadjar sont soumis d’ailleurs à des pressions extérieures exercées par les représentants de gouvernements et commerçants étrangers en Perse. En effet, avec les débuts de l’ère industrielle commence une période d’expansion territoriale avec la colonisation de nouveaux territoires ; la Perse a une position géographique très intéressante pour les grandes puissances européennes, puisqu’elle est traversée par la «route de la soie» qui relie l’Asie à l’Europe. La Perse devient donc une sorte d’enjeu pour la Grande Bretagne, la France ou encore la Russie. La Perse signe une alliance avec la France qui devient ainsi la troisième puissance étrangère en Perse. Les Français commencent à s’installer en Perse, en tant que conseillers, protecteurs ou médecins du roi ou diplomates. Toutefois, Téhéran, est considéré par les chargés d’affaire étrangers comme un poste d’observation comportant des intérêts commerciaux limités. Parallèlement, en France, de nombreux diplomates représentent la Perse et, en 1855, un traité commercial est signé entre les deux nations. Mais parallèlement à l’éveil de l’intérêt pour l’Orient, l’effet inverse se produit...En effet, les diverses influences externes ont contribué à durcir les nationalismes culturels. Il se pose ainsi le problème des résistances et des réactions au niveau des milieux intellectuels ou de l’ensemble des populations: ainsi engouement, rejet, incompréhension, patriotisme culturel sont des conséquences diverses de cet attrait pour l’Orient. L’attrait pour l’Orient peut être considéré comme ayant été l’objet d’une mode.

UNE VOLONTE D’OUVERTURE SUR LE MONDE

En 1896, un phénomène important et représentatif de cette volonté de s’ouvrir sur le monde entier est la création des Jeux Olympiques modernes, par le baron Pierre de Coubertin, dans un objectif de rassembler la jeunesse du monde dans un idéal pacifiste et de non violence.
Malgré une certaine «européanisation» (86) du monde et la montée des nationalismes, le complexe de supériorité des cultures nationales européennes n’a pas empêché «les influences exotiques orientales de s’insinuer au coeur des cultures savantes» (87). Ainsi, au cours du XIXème et début XXème siècle, l’Europe s’ouvre plus largement aux civilisations de l’Extrême-Orient et du Moyen-Orient. Les médias ont joué un rôle déterminant dans cette curiosité pour l’Orient. La presse quotidienne et périodique, les traductions d’ouvrages littéraires philosophiques ou historiques, les expositions, les propagandes culturelles ont représenté tout un ensemble de pressions et d’incitations à s’intéresser à «l’exotisme». L’image de l’étranger est connue mais représente des stéréotypes assez classiques et caricaturaux ; en général, l’étranger est plutôt inconnu.
De plus, à la veille de 1914, différentes manifestations artistiques orientales comme les ballets russes sont introduits à Paris et conquièrent un public enthousiaste. Il y a un certain engouement pour les langues étrangères et, de ce fait, une importance est accordée très vite à l’apprentissage des langues orientales, mais aussi, de plus en plus, à une extension du tourisme culturel. Plusieurs initiatives ont ainsi été entreprises, témoins d’une certaine volonté de rapprocher les peuples.

LE RENOUVEAU DANS L’ART: PARIS CAPITALE ARTISTIQUE

Au début du XXème siècle, Paris et Vienne sont les capitales de la culture occidentale et attirent de très nombreux artistes. Paris est la capitale de la modernité avec toutes les contradictions que cela comporte. En premier lieu, nous devons reconnaître un fait indéniable: le prestige de Paris. Ce prestige s’exerce sur les artistes et les poètes, tout comme sur les intellectuels. Cette ville est le domaine étroit de la culture: une extraordinaire concentration des moyens s’est opérée et c’est également le centre de la politique et des affaires.

UNITE ET DIVERSITE CULTURELLE EUROPEENNE

Après le romantisme qui domine jusqu’au milieu du XIXème siècle, des courants divers comme le réalisme, le naturalisme, le positivisme s’entrecroisent jusqu’au réveil spiritualiste du début du XXème siècle, en passant par l’impressionnisme, le symbolisme, le fauvisme. A la fin du XIXème siècle apparaît en Europe «l’Art Nouveau», appelé «Modern Style» en France, qui se manifeste essentiellement en architecture et en décoration. Les partisans de cet art utilisent pleinement les matériaux modernes et les découvertes techniques dans les procédés de fabrication. Cet art nouveau se caractérise par un «dédain systématique de la ligne droite» et par une tendance décorative très poussée. Il se veut une réaction à l’imitation servile des formes du passé. Cet art tombe dans un total discrédit dès 1905 et est longtemps considéré comme le modèle du mauvais goût. En peinture, la première révolution du XXème siècle est celle de l’exaltation et de la couleur avec l’école du «fauvisme» (88). Le fauvisme impose l’autonomie et la violence de la couleur. Seconde étape, plus importante, de la peinture contemporaine à l’aube du XXème siècle: la révolution de la forme avec le cubisme. A partir de 1907, avec Picasso et Braque, la couleur s’efface devant la forme, mais une forme très géométrique ; contrairement à la peinture, la sculpture a du mal à se détacher d’un certain classicisme, ainsi que l’architecture qui conserve son inspiration traditionnelle, ce qui n’exclut pas certaines audaces, comme, par exemple, la construction de la Tour Eiffel pour l’exposition universelle de 1889.


4. La France en pleine crise de conflits religieux internes

L’AFFAIRE DREYFUS

C’est l’époque d’un énorme conflit politico-religieux: l’Affaire Dreyfus.
Cette fin de XIXème siècle est complètement secouée par l’Affaire Dreyfus. La France est déchirée en deux car les Français prennent parti. Ce qui n’était au départ qu’une affaire d’erreur judiciaire devient en quelques années un énorme conflit politique et religieux, révélateur d’un antisémitisme profond.

En octobre 1894, l’officier israélite d’origine alsacienne Alfred Dreyfus, est accusé d’espionnage au profit de l’Allemagne. Deux mois plus tard, il est condamné à la dégradation et à la déportation à vie dans une enceinte fortifiée à l’Ile du diable. Une campagne d’opinion est bientôt lancée qui dénonce l’erreur judiciaire. Cette campagne est amplifiée par le célèbre «J’accuse» de Emile Zola publié dans l’Aurore de Clémenceau en janvier 1898 deux jours après l’acquittement du commandant Estherazy (le coupable) par le conseil de guerre. Dans cet article qui eut un retentissement considérable (vendu à deux cent mille exemplaires (89), il fut affiché sur tous les murs de Paris) Zola accusait les plus hautes autorités, jusqu’au ministre de la guerre, d’avoir condamné sciemment un innocent. Désormais, l’Affaire Dreyfus, judiciaire à ses débuts, devenait politique: la révision du procès fut finalement décidée. Mais en 1899, Dreyfus fut condamné à nouveau, à dix années de travaux forcés avec des «circonstances atténuantes». Il fallut attendre 1906 (une durée de douze ans), pour que l’innocence de Dreyfus soit reconnue. Il fut réintégré dans l’armée et décoré de la Légion d’honneur.

Cette affaire, loin d’être une cause du développement de l’antisémitisme en France, se veut plutôt une conséquence de la montée de cette forme de racisme. En effet, cette affaire a été le révélateur de cet antisémitisme: ce n’était pas uniquement un homme, le capitaine Dreyfus qui était injustement accusé d’avoir trahi la France, mais toute une communauté – les juifs –, à laquelle il appartenait, qui fut vilipendée.

Avant même cette affaire, un climat hostile à cette minorité commençait à se mettre en place: existence d’une presse nationaliste et antisémite ; la presse de tendance catholique et royaliste avait également créé un climat peu favorable aux juifs.
Nous pouvons penser que c’est plutôt la France des dreyfusards (les Français contre l’accusation de Dreyfus) qui va s’intéresser à l’orientalisme et donc à la religion baha'ie.

LA SEPARATION DE L’EGLISE ET DE L’ETAT

Mais l’Affaire Dreyfus ne fut pas le seul gros événement à bouleverser les habitudes des Français: en ce début de XXème siècle, la France fut à nouveau secouée par une nouvelle conjoncture, qui allait, elle aussi, diviser les Français et démontrer une certaine tendance à remettre en cause la religion: il s’agit de la séparation des Eglises et de l’Etat, en janvier 1905.

Après les remous suscités par l’Affaire Dreyfus, l’idée se développe rapidement que «le meilleur moyen d’affaiblir l’opposition au régime est de séparer les cultes de l’Etat, le principal perdant devant être l’Eglise catholique.» (90) Contre un certain nombre de personnes qui souhaitait que l’Etat continue à disposer des moyens de surveiller l’Eglise, en 1904, les radicaux se prononcent à l’unanimité pour la séparation. Le 9 décembre 1905, la loi «garantit le libre exercice des cultes» (91) mais «ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne» (92) aucun culte. Ceci équivaut au refus d’admettre l’utilité sociale de la religion. C’est ainsi que le Concordat de 1801 est aboli, le budget des cultes est supprimé et l’Etat décide de ne plus s’impliquer dans les affaires religieuses. Les biens de l’Eglise sont confiés à des associations catholiques. Le Pape condamne cette séparation. La loi est alors appliquée dans un climat de lutte et de tension qui dresse les fidèles contre l’administration, la gendarmerie et l’armée, dont les cadres sont déchirés.

De plus, au début du XXème siècle, la guerre scolaire fait rage. En 1902, en application de la loi du 1er juillet 1901 sur les associations, Emile Combes fait fermer trois mille écoles non autorisées et fait expulser les religieuses. En 1905, le convent (assemblée générale d’une loge d’obédience maçonnique) réclame le monopole scolaire.

En France, on assiste à une véritable confrontation entre la science et la foi: on parle de crise moderniste. Dans un contexte de reflux du sentiment religieux, les croyants se divisent. Dès la fin des années 1880, les signes précurseurs d’un retournement intellectuel sont décelables. La franc-maçonnerie a été un des puissants vecteurs des Lumières. La maçonnerie française, influencée par le positivisme attire à elle les adversaires du cléricalisme On y compte des protestants et des juifs. A partir de 1870 et durant toute la IIIème République, le rôle politique des francs-maçons est important et décisif lors de certaines crises. Avec une activité politique antireligieuse, les loges sont très engagées dans le combat pour l’enseignement primaire laïc.

Le monde occidental durant le XIXème siècle, et la France plus précisément, évoluent vers un renforcement de la puissance de l’Etat démocratique ou autoritaire qui souhaite prendre sous sa responsabilité le contrôle de l’éducation et une diffusion de la culture. Les pays européens sont caractérisés, dès la fin du XIXème siècle, par le développement de l’urbanisation, l’émergence d’une opinion publique et l’esquisse d’une culture de masse. Les différents aspects d’ouverture sur le monde et la volonté de découvrir les autres cultures peuvent être témoins de cet «horizon d’attente» qui s’est installé en France.
C’est dans ce pays que la religion baha'ie s’est implantée à l’extrême fin du XIXème siècle et qu’une petite communauté de fidèles vit le jour dans la capitale française, devenant ainsi le berceau de la foi baha'ie dans tout le continent européen.


II/ A la mort de Baha'u'llah, son fils Abbas Effendi - dit ‘Abdu'l-Baha - lui succède: expansion de la foi baha'ie en Occident

A) Qui est ‘Abdu'l-Baha ? Son rôle dans la foi baha'ie


Etant le personnage central de notre étude, nous allons analyser qui était précisément ‘Abdu'l-Baha et quel rôle central il a joué au sein de la foi baha'ie ?

Le 29 mai 1892, Baha'u'llah, toujours prisonnier, s’éteint non loin de Saint Jean d’Acre, en Terre Sainte. Dans son testament, le Kitab-i-Ahd, (le Livre de l’alliance), Baha'u'llah laisse à son fils aîné ‘Abdu'l-Baha le soin de poursuivre son oeuvre et de prendre la direction de la petite communauté baha'ie qui émerge alors, peu à peu, dans tout le Proche et Moyen-Orient et un peu plus tard en Occident. La grande expansion de la foi de Baha'u'llah (93) ne débute pas pendant sa propre vie mais pendant la période du ministère de ‘Abdu'l-Baha et grâce aux voyages qu’il a effectués. En effet, bien qu’ils ne concernent qu’une toute petite période (trois ans) du ministère de ‘Abdu'l-Baha, ses voyages en Occident en sont pourtant considérés comme l’épisode le plus prodigieux. Cet événement a permis à la foi baha'ie de se propager rapidement et ce, dans les pays «non orientaux».
Nous allons tout d’abord nous intéresser en profondeur à la personnalité de ‘Abdu'l-Baha. Nous possédons de nombreuses sources le concernant, que ce soit des sources provenant de Baha'u'llah, de ‘Abdu'l-Baha lui-même, ou plus tard de Shoghi Effendi, le Gardien de la foi baha'ie et successeur de ‘Abdu'l-Baha. De plus, de nombreuses personnes qui ont rencontré ‘Abdu'l-Baha ont écrit leurs mémoires, souvenirs ou témoignages: de nombreux Persans, mais également des Occidentaux surtout des Américains (94), et également des journalistes.

1. Son enfance et sa jeunesse

Abbas Effendi qui se donna lui même par la suite le nom de ‘Abdu'l-Baha («serviteur de Baha (95)» en arabe) est le fils aîné de Baha'u'llah. Il est né à Téhéran, le 23 mai 1844, le soir même où le Bab déclarait sa mission à Shiraz: «C’était celui dont la naissance, comme un heureux présage, avait eu lieu en cette inoubliable nuit où le Bab avait dévoilé le caractère transcendant de sa mission» (96) Il eut une enfance très difficile, qui pourrait être considérée comme une préparation à sa mission future. Alors qu’il n’était qu’un jeune enfant (97), ‘Abdu'l-Baha souffrit avec Baha'u'llah de la première série de persécutions contre les babis.

‘Abdu'l-Baha témoigne lui-même:
«Un jour à Téhéran, lorsque la nuit était tombée, nous possédions tout, et le lendemain matin, notre père fut arrêté et nous étions dépouillé de tout, au point où nous n’avions plus rien à manger. J’avais faim mais il n’y avait pas de pain. Ma mère a versé dans ma main de la farine et je l’ai mangée à la place du pain... On a tellement jeté de pierres contre notre maison que la cour intérieure en fut couverte [...] Sur le chemin du retour quelqu’un me reconnut et se mit à crier: «c’est un Babi, c’est un Babi !» et les enfants du quartier me pourchassèrent avec des pierres.» (98)

Cette citation est intéressante car elle nous montre comment du jour au lendemain, une famille noble et respectée de Téhéran fut détruite et humiliée à cause de ses convictions. Cela montre également que l’opinion publique et les foules avaient pris parti contre les babis et qu’une sorte d’acharnement haineux s’était abattu sur cette minorité. Cela montre encore comment un enfant eut à subir la haine et la malveillance de ses camarades. Nul doute que ces événements imprimèrent dans l’esprit de l’enfant des souvenirs pénibles qui furent inévitablement à la base de la construction de sa personnalité et de son caractère.

A l’âge de neuf ans, il obtint la permission de faire une visite à son père Baha'u'llah auquel il était déjà tout dévoué, qui avait été enfermé dans la prison la plus humiliante de Téhéran (la «fosse noire»). Il fut terriblement choqué par le changement de son père: «Il pouvait à peine marcher tant il était affaibli ; les cheveux et la barbe en désordre, le cou tuméfié et enflé par la pression d’un lourd collier d’acier, le corps ployé sous le poids des chaînes» (99). Lorsque, quatre mois plus tard, Baha'u'llah sortit de cette prison et fut banni de la Perse, ‘Abdu'l-Baha, ainsi que le reste de la famille l’accompagnèrent tout au long de ses exils. Du vivant de son père (100), ‘Abdu'l-Baha en était le représentant officiel. Durant, leur premier exil à Bagdad, ‘Abdu'l-Baha fit preuve de courage et de sagesse extrêmes. Baha'u'llah lui donna le titre de «Mystère de Dieu», et les compagnons d’exil finirent par l’appeler également de la sorte. Alors qu’il n’était encore qu’un adolescent, il était devenu le bras droit de son père, recevant tous les visiteurs qui venaient voir son père, fournissant des explications éclairées de certaines sourates du Coran. Après la déclaration de Baha'u'llah en tant que messager divin en 1863, la dévotion de ‘Abdu'l-Baha pour son père ne fit que croître. Durant leur deuxième exil jusqu’à Constantinople, il protégea sa famille jour et nuit, s’occupant de toutes les responsabilités domestiques pour soulager son père. Pendant le séjour à Andrinople, ‘Abdu'l-Baha, alors âgé d’une vingtaine d’années, se fit aimer de tous.

Tous purent ressentir chez lui cette humilité, cette gentillesse et cette générosité hors du commun. Il était toujours en train d’aider les autres:
«A Akka, alors que presque toute la colonie était en proie à la fièvre typhoïde, la malaria et la dysenterie, il s’occupa des malades, les lava, les soigna, les nourrit, les veilla, ne prenant aucun repos jusqu’à ce que épuisé, il fut lui-même terrassé par la dysenterie et resta en danger de mort pendant un mois.» (101)

Il avait une influence positive sur tout ceux qu’il rencontrait et même les membres du gouvernement de la ville relâchèrent plus ou moins leur surveillance grâce au charisme de ‘Abdu'l-Baha. De son vivant, Baha'u'llah avait démontré une attention particulière pour cet enfant, et insistait pour que tout le monde le traite avec déférence: Baha’u’llah lui donna alors le surnom de «Maître»: «Lui seul s’était vu accorder le privilège d’être appelé «le Maître» honneur que son père avait strictement refusé à ses autres fils.» (102)


2. ‘Abdu'l-Baha, successeur de son père: une transition difficile

Avant de mourir, Baha'u'llah laissa des instructions explicites pour que tous se tournent vers ‘Abdu'l-Baha, avec obéissance. Il devenait le centre de l’alliance de Baha'u'llah, comme le stipulait son testament ; c’est ainsi que, dans un langage mystique et poétique, très caractéristique de la littérature persane ou arabe, Baha'u'llah révéla son Kitab-i-Ahd, (Le livre de l’alliance), ou encore son Testament:
«La volonté du Testateur divin est la suivante: il incombe [...] de tourner, tous sauf sans exception, leur visage vers la plus grande Branche. Considérez ce que nous avons révélé dans Notre Livre le plus sacré: quand l’océan de ma présence aura reflué et que le livre de ma révélation sera achevé, tournez vos visages vers celui qui est le dessein de Dieu, celui qui est la Branche issue de cette Antique Racine. L’objet de ce verset sacré n’est autre que la plus Grande Branche ‘Abdu'l-Baha.» (103)

Le testament ne fut décacheté que neuf jours après le décès de Baha'u'llah par
‘Abdu'l-Baha lui-même, qui se distinguait de ses compagnons par sa sagesse et, en tant que fils aîné de Baha'u'llah, cela lui revenait de droit. ‘Abdu'l-Baha, à l’âge de quarante-huit ans commença donc à assumer les nouvelles responsabilités qui lui furent assignées par son père: il devint ainsi le nouveau chef de la cause baha'ie et l’unique interprète autorisé des enseignements baha'is.

Il est intéressant de noter ici que les mesures prises pour la succession de Baha'u'llah sont un fait nouveau dans l’histoire des religions. En effet, la succession a toujours été une transition difficile et un moment de bouleversement de l’ordre établi, d’antagonismes et de luttes pour le pouvoir. Il est tout à fait nouveau que le prophète stipule lui-même ou par le biais d’un testament la personne qui doit lui succéder et ce, afin de permettre que le mouvement ne se divise pas en différents schismes à cause de quelque ambition personnelle, malentendus, ou interprétations erronées.

Malgré ces précautions, cela irrita inévitablement certains membres de la famille et de l’entourage, notamment le propre demi-frère de ‘Abdu'l-Baha (104), jaloux, qui pensa que ce dernier voulait s’approprier le pouvoir. Il tenta d’instaurer la discorde parmi les croyants ; «Plus de quarante personnes comprenant des membres de la famille du Bab et de Baha'u'llah ainsi que d’éminents enseignants de la foi se sont alliés pour combattre ‘Abdu'l-Baha». (105)

Les «briseurs d’alliance», comme ils sont appelés dans la littérature baha'ie ont vilipendé ‘Abdu'l-Baha en l’accusant de s’être octroyé le titre de manifestation de Dieu, afin d’être considéré comme l’égal de Baha'u'llah. C’est d’ailleurs pendant cette période que Abbas Effendi choisit de se faire appeler ‘Abdu'l-Baha ce qui signifie le «serviteur de Baha», afin de prouver à ses adversaires qu’ils se trompaient et qu’il ne cherchait pas la gloire personnelle.

Mais ils allèrent plus loin en portant d’injustes accusations sur ‘Abdu'l-Baha et les baha'is auprès du gouvernement officiel turc. Ils vivaient dans l’aisance et l’opulence et invitaient souvent à leur table les officiels et les notables de la ville de Akka afin de rallier à eux le gouvernement turc et surtout d’éveiller la suspicion et la haine envers ‘Abdu'l-Baha. Cependant tous ses ennemis, malgré leurs efforts conjugués, ne parvinrent pas à leurs fins.


3. Les traits marquants de son ministère

UNE TACHE DELICATE: LA CONSTRUCTION DU MAUSOLEE DU BAB

A cette époque, ‘Abdu'l-Baha faisait construire sur le mont Carmel à Haïfa, le mausolée qui devait abriter les restes du corps du Bab, une mission que Baha'u'llah lui avait confiée. En effet, à la suite du martyre du Bab qui avait eu lieu le 9 juillet 1850 à Shiraz, plus de cinquante ans plus tôt, la dépouille mortelle du Bab avait été cachée dans de multiples lieux, et transférée dès que la cachette devenait trop évidente, pour éviter qu’elle ne tombe aux mains des ennemis de la foi baha'ie. ‘Abdu'l-Baha attesta lui-même:
«Le transfert à bon port de ces restes, la construction d’un mausolée convenable pour les recevoir et leur inhumation finale, de [mes] propres mains dans leur lieu de repos perpétuel, constituaient l’un des objectifs principaux que depuis le début de [ma] mission, [j’] avait considéré de [mon] devoir d’atteindre. Cet acte mérite d’être classé comme un des événements les plus remarquables du premier siècle baha'i.» (106)

Il était donc visible que des travaux de construction avaient été entrepris sur un versant du mont Carmel ; alors, les briseurs d’alliance ébruitèrent que ‘Abdu'l-Baha était en train de construire une forteresse en vue d’un soulèvement contre les autorités ottomanes:
«Abbas effendi, le chef des Babis, qui semble maintenant vivre en permanence à Haifa au lieu de Akka, a commencé l’été dernier un bâtiment sur le Mont Carmel pour une raison inconnue. Vers le début d’octobre les travaux de construction furent stoppés alors que à moitié finis, et il paraît probable que c’est le gouvernement turc qui y a mit fin. Cependant, on dit que les travaux vont bientôt reprendre.» (107)

Des commissions d’enquête vinrent à plusieurs reprises pour surveiller et questionner ‘Abdu'l-Baha quant aux constructions. Les travaux furent plusieurs fois arrêtés mais étaient autorisés à reprendre car les opposants à ‘Abdu'l-Baha n’avaient aucune preuve. Mais, à la suite de ces accusations, ‘Abdu'l-Baha et sa famille qui avaient bénéficié d’une relative liberté furent de nouveau strictement enfermés à l’intérieur de la forteresse de la ville de Akka (Saint Jean d’Acre):
«Les chefs babis [...] n’ont pas encore été autorisés à sortir des murs de Akka. On dit que le gouvernement persan demande à ce qu’ils soient ainsi confinés.» (108)

Finalement, le cercueil de marbre du Bab put être enseveli le 21 mars 1909. ‘Abdu'l-Baha témoigna:
«La plus heureuse nouvelle, c’est que le corps saint et lumineux du Bab, après avoir été déplacé pendant soixante ans, d’un endroit à l’autre à cause des ennemis qui avaient le dessus et dans la crainte des gens malveillants [...] a été [...] déposé [...] à l’intérieur du tombeau élevé sur le mont Carmel.» (109)

‘Abdu'l-Baha était donc venu à bout de cette mission si importante que lui avait confiée son père. De plus, les crises internes suscitées par le demi-frère de ‘Abdu'l-Baha, furent également relativement vite résolues et la tentative de schisme de sa part et de celle de ses alliés échoua grâce à la lucidité et la persévérance de ‘Abdu'l-Baha qui sut comment faire taire ces tentatives de rébellion. Il est intéressant de noter, compte tenu du fait que les autres religions ont toutes connu des schismes, que dans la foi baha'ie cependant, aucun des groupes dissidents n’a pu se maintenir, ni créer de division.

Ce qui libéra définitivement ‘Abdu'l-Baha c’est la Révolution des Jeunes Turcs, qui eut lieu en juillet 1909: ces derniers se rebellèrent contre le sultan ottoman ‘Abdu'l-Hamid. Grâce à cette révolution, tous les prisonniers politiques et religieux de l’empire ottoman furent libérés. Ainsi, pour les douze dernières années de sa vie, ‘Abdu'l-Baha fut enfin libre. Il s’installa dès lors en Palestine à Haïfa, non loin de St Jean d’Acre, puis consacra sa liberté, alors qu’il avait atteint l’âge de soixante-sept ans à présenter et répandre le message de son père en Occident.

Malgré les difficultés liées à la période de succession, le ministère de ‘Abdu'l-Baha dura pendant vingt-neuf ans, jusqu’à la date de son décès, le 28 novembre 1921. Depuis 1892, ‘Abdu'l-Baha ne cessa de se consacrer à la cause baha'ie et à rallier bon nombre de personnes à cette jeune religion ; son charisme et l’exemple de sa propre vie étaient très souvent déterminants pour convaincre ses interlocuteurs. Pendant plusieurs années, ‘Abdu'l-Baha entretint une énorme correspondance avec des croyants mais aussi des chercheurs de toutes les parties du monde.

SES VOYAGES EN OCCIDENT

Néanmoins, ce qui caractérise le plus remarquablement ce ministère et qui en marque l’originalité ce sont les différents voyages qu’entreprit ‘Abdu'l-Baha en Europe et en Amérique du Nord et donc l’établissement de la foi baha'ie dans l’hémisphère occidental.

Lors de ses voyages, - nous allons étudier en profondeur son voyage en France et notamment à Paris dans notre troisième partie -, les communautés émergentes de baha'is furent en tous points fortifiées et agrandies. C’est ainsi que ‘Abdu'l-Baha voyagea en Egypte, aux Etats-Unis, où il se rendit dans plus de quarante villes, d’une côte à l’autre, et en Europe – en Angleterre, en Ecosse, en France, en Allemagne, en Autriche, et en Hongrie.

Nous allons retracer de manière très succincte les différentes étapes de son périple afin de bien comprendre quels pays ont été visités par ‘Abdu'l-Baha et dans quelle mesure ils ont bénéficié de son influence. A chacune de ses destinations, une petite communauté baha'ie existait et avait pu faire le nécessaire pour l’accueillir.

‘Abdu'l-Baha se rendit tout d’abord en Egypte à Port-Saïd, en septembre 1910, pendant environ un mois. Puis, il s’embarqua pour pouvoir débarquer en France, mais son état de santé était devenu tellement déficient qu’il dut changer son programme: il débarqua donc à Alexandrie et ajourna son voyage. Il s’installa à Ramleh, dans la banlieue d’Alexandrie et une dizaine de mois plus tard, au mois d’août 1911, il prit le bateau à vapeur «Corsica» (110) à destination de Marseille. Il s’arrêta en France à Thonon-les-Bains pendant une courte durée et continua directement vers l’Angleterre où il resta pendant un mois, à Londres, au Cadogan Garden. Puis, le 5 octobre 1911, il arriva à Paris pour une durée de neuf semaines. Il s’installa dans un appartement au Trocadéro: au 4 avenue de Camoëns que des croyants avait loué pour lui. Il retourna en Egypte pour passer l’hiver. Il fixa de nouveau sa résidence à Ramleh. Il partit pour son deuxième voyage en Occident et avec cette fois-ci, l’objectif de traverser l’Océan Atlantique et se rendre aux Etats-Unis. C’est ainsi qu’il embarqua sur le bateau à vapeur «Cédric» qui faisait route directement vers New York. Il arriva aux Etats-Unis le 11 avril 1912 où il effectua une longue tournée de huit mois dans plus de quarante états américains. Au retour, il quitta New York sur le bateau à vapeur «Celtic» le 5 décembre 1912 et débarqua à Liverpool où il prit le train pour Londres. La capitale anglaise ne constitua qu’une escale puisqu’il quitta Londres pour Paris le 21 janvier 1913 où il resta pendant plus de deux mois et demi. Puis il se rendit en Allemagne (Stuttgart), en Hongrie (Budapest), en Autriche (Vienne). Après être revenu en France, il s’embarqua le 13 juin 1913 sur le paquebot «Himalaya» à Marseille à destination de l’Egypte où il fit un séjour prolongé à Ramleh. Il retourna à Haïfa, terminant ainsi ses voyages historiques, le 5 décembre 1913.

Le personnage de ‘Abdu'l-Baha est donc très important pour notre étude du fait de ses voyages en Occident. Il est le premier personnage qui établit un lien entre Orient et Occident d’une manière si concrète au sein de la communauté baha'ie. Avant qu’il n’arrive en France, une petite communauté baha'ie existait déjà et nous allons voir dans quelle mesure elle s’était implantée.


B) La foi baha'ie continue à se développer et se répandre dans le monde entier, notamment en France

Comme notre étude porte sur la France plus spécifiquement, nous allons nous attacher à comprendre comment la foi baha'ie a gagné ce pays (111).

Au moment du décès de Baha'u'llah en 1892, il y avait environ cinquante mille baha'is dans le monde (112). La foi baha'ie s’était répandue dans la plupart des pays du Moyen-Orient ainsi que dans le sous-continent indien. Dans la plupart des pays d’Europe, d’Amérique ou d’Afrique, la nouvelle religion restait inconnue. Cependant, en septembre 1893 (113), aux Etats-Unis, à Chicago, au cours du «Parlement des Religions du Monde», le nom et la doctrine de Baha'u'llah furent évoqués pour la première fois devant un vaste auditoire occidental. Ce parlement avait été convoqué pour la première fois durant l’exposition colombienne de 1893, qui commémorait le quatre centième anniversaire de la découverte de l’Amérique. Ce fut la première rencontre interreligieuse organisée officiellement, qui marquait le début d’un dialogue formel (114) entre les traditions religieuses d’Orient et d’Occident. Lors de ce parlement fut signalée «la mort récente d’un célèbre et sage persan [...] saint Babi» (115).Ce parlement fut primordial dans la diffusion de la foi baha'ie en Occident et fut donc le point de départ des actions baha'ies en Occident. En Amérique et en Europe, très vite, quelques personnes se convertirent au baha'isme.
Comment le message baha'i s’établit-il en France ? Plus précisément à Paris ?


1. Tableau des premiers baha'is en France

C’est souvent la capitale d’un pays qui est le creuset des idées nouvelles. Dans cet ordre d’idée, c’est à Paris qu’est née la communauté baha'ie de France et même d’Europe: l’aventure baha'ie sur le sol français commence par la conversion d’une jeune américaine résidant à Paris, en 1898: son nom est May Ellis Bolles (1870-1940).

Comme nous l’avons vu précédemment, à cette époque vivait à Paris, une minorité anglo-américaine assez nombreuse, de haut niveau social et culturel. En effet, Paris capitale littéraire et artistique accueillait beaucoup d’Américains en ce début de siècle, des Américains riches et cultivés (et des artistes ou amateurs d’art) qui se devaient de passer par Paris, capitale de prestige. C’est dans cet état d’esprit d’ailleurs que sont venus s’installer à Paris les écrivains américains célèbres: Henry James (1843 – 1916), ou plus tardivement Henry Miller (1891-1980), Ernest Hemingway (1899-1961)... Pour leur formation intellectuelle également, de nombreux étudiants étrangers se rendaient à Paris pour y faire quelques années d’études.

L'histoire du début de la religion baha'ie à Paris est liée à celle de l'Amérique du Nord: la plupart des premiers baha'is à Paris étaient des Nord Américains. Paris était un carrefour intéressant et c’est pourquoi ce fut le premier centre baha'i d’Europe: non seulement c’était un lieu de passage pour les baha'is persans qui partaient «pionniers» en Amérique, mais aussi un carrefour pour les pèlerins qui se rendaient à Akka, dans l’espoir de rencontrer ‘Abdu'l-Baha. Comme nous allons le voir, un grand nombre des premiers croyants étaient riches et intellectuels.

- Phoebe Hearst Apperson (1842-1919)

Aux Etats-Unis, Phoebe Hearst, une américaine riche et puissante, veuve du sénateur George F. Hearst s’était convertie au baha'isme (116). Elle était une philanthrope bien connue et possédait un appartement à Paris au Quai d’Orsay (117), qu’elle avait laissé à la disposition de deux de ses nièces et de la famille Bolles, américaine également, des amis intimes de Phoebe Hearst. Chez les Bolles il y avait May et son frère Randolph (venu en France pour des études d’architecture à l’Ecole des Beaux-arts) accompagnés de leur mère. Lorsqu’elle devint baha'ie, Phoebe Hearst s’empressa de le faire savoir à ses nièces et donc à la famille Bolles.

- May Bolles (1870-1940)

C’est ainsi que May Bolles entendit parler pour la première fois de la religion baha'ie et qu’elle déclara elle-même sa foi en Baha'u'llah en automne 1898 (118), à Paris. Elle fut en effet amenée à la foi baha'ie par une autre américaine Lua Getsinger: elle l’appelait sa «mère spirituelle». Lua Getsinger se trouvait en escale à Paris alors qu’elle faisait partie du premier groupe de pèlerins occidental à pouvoir aller rendre visite à ‘Abdu'l-Baha. Nous allons étudier d’un peu plus près qui est May Bolles, puisqu’elle est le point de départ de la communauté baha'ie en France et même dans toute l’Europe.
May Ellis Bolles est née dans le New Jersey en 1870 dans une famille aisée, américaine depuis plusieurs générations. Petite fille, elle était réputée pour avoir une grande sensibilité spirituelle: elle fit plusieurs rêves mystiques (119). Puis avec sa mère et son frère, la famille Bolles s’installa à Paris. May tomba gravement malade dans la capitale française, et resta alitée pendant plus de deux ans, de 1896 à 1898. Elle parle de sa maladie comme d’une «préparation» (120).

En automne 1898, Phoebe Hearst organisa et finança le premier pèlerinage occidental en Palestine, où, ‘Abdu'l-Baha était toujours emprisonné par le gouvernement ottoman, dans la ville pénitentiaire de Saint-Jean d’Acre. Tous les pèlerins étaient des Américains. Le motif essentiel de ce voyage était une croisière sur le Nil et visite de l’Egypte car il ne fallait pas éveiller les soupçons des autorités officielles du gouvernement ottoman. Le groupe des Américains était estimé à environ quinze personnes: «les pèlerins étaient comptés au nombre de quinze». (121) Les pèlerins ne pouvaient donc pas se rendre directement de Paris à St Jean d’Acre. Ils allèrent donc, via la France, en Egypte où il fallait attendre les instructions de ‘Abdu'l-Baha pour pouvoir lui rendre visite par petits groupes. Une quinzaine de pèlerins firent donc ce voyage (c’était la première fois que des pèlerins occidentaux se rendaient auprès de ‘Abdu'l-Baha), dont May Bolles, toute jeune baha'ie: «le premier groupe de pèlerins venant de l’Ouest (122) pour rendre visite à ‘Abdu'l-Baha est arrivé à Akka en 1898-1899.» (123) Elle rencontra pour la première fois ‘Abdu'l-Baha le 17 février 1899:
May Bolles laissa à la postérité un témoignage de son pèlerinage et de sa transformation spirituelle: An early pilgrimage. (124)

«De cette première rencontre, je ne peux me rappeler ni joie, ni douleur, ni aucune chose que je puisse nommer. J’avais été transportée subitement à de telles hauteurs ; mon âme était entrée en contact avec l’Esprit Divin, cette force si pure, si sainte, si puissante m’avait submergée.» (125)

A son retour May Bolles devint la fondatrice et organisatrice du premier groupe de croyants baha'is à Paris. Ses compagnons de pèlerinage étaient retournés en Amérique et elle avait reçu une mission spéciale de la part de ‘Abdu'l-Baha:
«May Ellis Bolles fut la première croyante qui eut comme mission, au moment de sa visite en Terre Sainte en 1899, d’enseigner la Foi en Europe, spécifiquement aux Français. Elle avait une prédisposition particulière à cela puisqu’elle parlait le français couramment, elle aimait la France – où elle avait vécu pendant quelques années - ». (126)

Grâce à cette jeune femme, Paris devint ainsi le berceau européen de la foi nouvelle. Elle parla des enseignements à Edith MacKaye, une de ses amies, qui devint la deuxième baha'ie résidant à Paris. Le troisième baha'i à Paris fut Charles Mason Remey (127), un Américain également qui déclara sa foi le 3 décembre 1899.
Ainsi, entre 1899 et 1902, plusieurs personnes déclarèrent leur foi en Baha'u'llah sur le territoire français grâce à l’enseignement de May Bolles. Parmi les premiers croyants, il y eut de nombreux Américains (128), mais aussi une Suisse (129), un Anglais (130) et des Français. (131) Il y avait environ une trentaine de baha'is à Paris vers 1902 (132). Or, à l’époque, il n’y avait aucune traduction des textes saints, aucune documentation, ce qui rendait l’enseignement de May Bolles très difficile. Vers la fin de 1902, elle épousa William Sutherland Maxwell, un jeune architecte canadien (ce dernier devint baha'i en 1909) et ils partirent s’installer au Canada, à Montréal. Son départ de Paris provoqua une dispersion de la communauté et beaucoup d’Américains quittèrent Paris. Mais le développement de la nouvelle religion ne cessa pas.

- Thomas Breakwell (1872-1902)

Thomas Breakwell qui, bien qu’il soit anglais, est intéressant pour notre étude car il est devenu baha'i sur le sol français et ce, par l’intermédiaire de May Bolles. Paris fut véritablement le creuset des baha'is en Europe. Thomas Breakwell est né à Londres le 31 mai 1872 dans une famille chrétienne mais s’est très vite installé dans le sud des Etats-Unis. Lui aussi était issu de la société aisée. Il travaillait dans une usine de filature de coton où il avait un poste à haute responsabilité. Grâce à son aisance financière, il revenait très souvent en Europe où il se rendait en Angleterre ou en France, selon la coutume des Américains distingués.
Comment est-il devenu baha'i ? Il était très ouvert aux choses spirituelles et intéressé par différentes doctrines religieuses dont la Société théosophique très en vogue à cette époque: c’était un mouvement relativement occulte et ésotérique avec des approches plutôt orientales. Nous comprenons mieux son attrait pour le baha'isme. Il a pour la première fois entendu parler de la foi baha'ie sur le bateau qui l’amenait des Etats-Unis en France, en ayant sympathisé avec une Américaine, elle-même amie de May Bolles. Thomas Breakwell et May Bolles devaient se rencontrer quelques jours plus tard et cet Anglais hors du commun accepta la foi baha'ie dans le courant de l’année 1901 d’une façon très exaltée, décidant de couper tous les ponts avec son ancienne vie et de partir sur le champs à St Jean d’Acre où il put rencontrer ‘Abdu'l-Baha. Pendant leur entretien, Thomas lui parla de son usine de filature de coton et combien son affaire était prospère et lucrative ; mais «pris soudainement de crainte et de doutes, et convaincu de sa faute, il finit par ajouter: «ces manufactures reposent sur le travail des enfants.» ‘Abdu'l-Baha le regarda alors avec gravité et tristesse, puis, après un moment de silence, il lui dit: «télégraphie ta démission»» (133). Et c’est ce qu’il fit. Sa vie avait été profondément bouleversée en rencontrant ‘Abdu'l-Baha. En revenant à Paris, Thomas Breakwell fut un croyant actif et débordant d’énergie ; il avait trouvé un petit travail de sténographe pour subvenir à ses besoins. May Bolles écrit elle-même à propos de lui:
«Son calme et sa force, sa ferveur intense, sa capacité immédiate à saisir ce qui doit être prodigué à l’humanité en cet âge de la révélation de Baha'u'llah, libérèrent parmi nous des forces dont l’apparition marqua une nouvelle époque dans le développement de la Cause en France.» (134)

Cet extrait est important car il nous informe que Thomas Breakwell a eu un rôle non négligeable sur le développement de la foi baha'ie en France et qu’il a eu une influence très bénéfique sur la petite communauté parisienne: «Il était vraiment la personnification des paroles du Maître [...] il parlait avec une simplicité et une éloquence qui gagnaient les coeurs et revivifiaient les âmes.» (135)

Mais Thomas ne fut présent que pendant une durée très limitée. En effet, un an plus tard, le 13 juin 1902, il mourut à l’âge de 30 ans de la tuberculose, au 200 rue Faubourg Saint Denis, comme le stipule son acte de décès.

- Hippolyte Dreyfus (1873- 1928)

Le premier Français à se convertir à la religion baha'ie est Hippolyte Dreyfus (136). Il est né à Paris issu d’une ancienne famille française juive. Sa famille était connue dans les milieux aisés parisiens: elle appréciait particulièrement l’art et organisait des soirées musicales, fréquentées par de nombreux artistes et spectateurs. C’est d’ailleurs dans ce cadre là qu’il rencontra des baha'is. (137) En effet depuis sa jeunesse, Hippolyte Dreyfus «était matérialiste [...] [mais] il sentait qu’il y avait autre chose.» (138) Il devint baha'i pendant l’été 1901 dans un contexte socioreligieux très difficile avec l’affaire Dreyfus (il n’a aucun lien de parenté direct avec le capitaine qui est accusé) et la montée de l’antisémitisme en France. Hippolyte Dreyfus avait fait des études de droit, spécialité dans les droits de succession. Il fut le secrétaire de Maître Thévenet, éminent avocat à la Cour, ancien Garde des Sceaux. Il avait de grandes compétences d’orateur, de linguiste et d’homme de droit.

Dès qu’il fut baha'i, Maître Hippolyte Dreyfus voulut lui aussi se rendre en Terre sainte. Il put s’y rendre, mais individuellement, vers 1902 où il put rencontrer ‘Abdu'l-Baha pour la première fois. A son retour il prit conscience qu’il fallait qu’il apprenne très vite l’arabe et le persan. Il fut le premier baha'i européen à avoir visité l'Iran, en été 1906.

Il put ainsi traduire une partie des oeuvres de Baha'u'llah pour les rendre accessibles aux Français. La première oeuvre qu’il traduisit fut le Livre de la Certitude de Baha'u'llah. Hippolyte Dreyfus eut un rôle primordial dans la diffusion de la religion baha'ie en France. Il fit de nombreuses conférences historiques en particulier au Siège théosophique français, comme nous l’apprend cet article: «M. Dreyfus-Barney, le sympathique publiciste parisien qui nous avait déjà exposé la doctrine du Bab.» (139)

Hippolyte Dreyfus se maria avec Laura Dreyfus Barney en été 1911. A partir de son mariage il prit le nom de «Dreyfus-Barney». Un des autres aspects pour lesquels Hippolyte Dreyfus se distingua et apporta une contribution précieuse au développement de la foi baha'ie en France est qu’il organisa et prépara la venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris avec l’aide de sa femme. Le couple s’investit énormément dans l’organisation et la logistique de sa venue dans la capitale parisienne.

Hippolyte Dreyfus était un homme de lettre reconnu dans la société parisienne et il jouissait d’une certaine renommée comme en témoigne cet article du journal Le Matin, paru le 21 décembre 1928, qui fit part au public de son décès: «On apprend avec regret la mort de M. Hippolyte Dreyfus Barney, homme de lettres, survenue le 20 décembre 1928, à Paris. Les obsèques auront lieu strictement en famille. De la part de Mme Dreyfus-Barney, M. et Mme Paul Meyer-May et leurs enfants, Mme Alice Barney, Melle Natalie Barney et de toute la famille.» (140)

- Laura Clifford Barney, épouse Dreyfus (1879-1974)

Laura Barney naquit en 1879 dans une riche famille américaine composée d’érudits et d’artistes. Comme beaucoup d’Américains à cette époque, nous l’avons vu, Laura vint dans les dernières décennies du XIXème siècle parfaire son éducation à Paris (Laura et sa soeur Nathalie furent d’ailleurs pensionnaires à Fontainebleau, aux Ruches.) Le voyage en Europe était presque une obligation pour les jeunes Américaines fortunées qui devaient y acquérir une culture raffinée grâce à l’audition des concerts ou la fréquentation des musées.

Laura Barney était caractérisée par «sa vive intelligence, son esprit logique et sa nature avide de recherche» (141). Dès son adolescence, elle avait ressenti la nécessité de l’amélioration des relations humaines. Elle était une brillante oratrice. Elle devint baha'ie par l’intermédiaire de May Bolles à Paris aux alentours des années 1900. Elle fit plusieurs pèlerinages en Terre sainte et passa de longs moments auprès de ‘Abdu'l-Baha et de sa famille. Les visites à ‘Abdu'l-Baha devinrent le centre de sa vie et de ses aspirations. Sa propre mère, Alice Barney, qui était poète, peintre, musicienne et architecte était devenue baha'ie à son tour. Ses peintures peuvent être encore appréciées aujourd’hui au National Museum de Washington D.C. Parmi les nombreux services que Laura Barney rendit à la foi baha'ie, le plus remarquable est celui qui immortalisa son nom à travers le monde entier, à savoir les notes et la compilation des questions-réponses qu’elle recueillit auprès de ‘Abdu'l-Baha lors de ses séjours à St Jean d’Acre et qui fut traduit dans plus d’une vingtaine de langues: Les Leçons de Saint-Jean d’Acre. Elle fut la première baha'ie occidentale à avoir visité l'Iran. Elle était accompagnée de Hippolyte Dreyfus (été 1906).

Nous devons également mentionner les nombreuses activités humanitaires et sociales qu’effectua Laura Barney dans son travail en faveur de la paix mondiale ; elle eut de nombreux contacts avec les organisations caritatives internationales. Pendant la première Guerre mondiale elle servit à Paris dans le corps américain des ambulances ; elle prit part à la création du premier hôpital pour enfants à Avignon, et travailla dans un hôpital avec les réfugiés. A la fin de ce conflit, elle plaça sa foi en la Société des Nations et y représenta le Conseil international des Femmes: elle y joua un rôle important dans les échanges culturels. Elle fut la seule femme désignée par le Conseil de la Société des Nations pour être dans le Sous-comité des experts sur l'Education, un poste qu’elle garda pendant de nombreuses années. Le 23 juillet 1925, Laura Dreyfus Barney fut nommée Chevalier de la Légion d'Honneur. C'est en cette année qu'elle fonda un Comité des associations internationales de la Société des Nations travaillant pour la paix par l'éducation, et elle devint un membre permanent de ce Comité ainsi que son officier de liaison. En 1934 (142), elle devint un membre du Comité consultatif de la Société des Nations pour l'enseignement. Elle était également membre du Comité français de la coopération intellectuelle.

Nous mentionnions au début, la richesse et la célébrité de la famille Dreyfus Barney. A ce propos, nous devons également mentionner la soeur de Laura Barney: Nathalie Barney, qui fut très connue notamment dans les mouvements d’émancipation de la femme. Elle était une amie intime de Colette (1873-1954), la célèbre romancière de la première moitié du XXème siècle.

- Le peintre Edwin Scott (décédé en 1929) et sa femme Joséphine Scott (décédée en 1955)

Nous n’avons pas beaucoup d’informations au sujet de Edwin Scott et sa femme. Toutefois nous savons qu’ils faisaient partie de la première communauté baha'ie parisienne dans les années 1900, grâce à une photographie. De plus, en tant qu’artiste, M. Scott louait un appartement qui lui servait d’atelier, au 17 ou 49 (143) rue Boissonnade selon les sources. Cet atelier fut utilisé comme centre d’activité baha'ie jusque dans les années 1940. Lors de sa venue à Paris, ‘Abdu'l-Baha donna trois conférences publiques dans cet atelier en 1911.
Edwin Scott fut nommé Chevalier de la Légion d’honneur en reconnaissance de son art. Il était un membre distingué de la Société nationale des Beaux Arts. Cinq de ses peintures furent acquises par le gouvernement français et, après son décès, un de ses travaux fut exposé dans la Salle du Jeu de paume, dans le Musée d’Etat à Paris, une distinction recherchée par bien des artistes (144)...

- Lady Blomfield (Sara Louisa) (1859-1939)

Elle est née en 1859 en Irlande, d’une mère protestante et d’un père catholique. Elle accepta la révélation de Baha'u'llah en 1907, alors qu’elle était de passage à Paris et fit donc partie des premières communautés baha'ies parisiennes. En septembre 1911, alors qu’elle était retournée vivre à Londres, ‘Abdu'l-Baha lui fit l’honneur de résider chez elle, au 97 Cadogan Garden. Puis, lorsque ‘Abdu'l-Baha se rendit à Paris en octobre 1911, elle le suivit dans la capitale française. Elle fut l’une des quatre femmes qui, grâce à leurs prises de notes pendant les allocutions de ‘Abdu'l-Baha, permit la publication des Causeries de ‘Abdu'l-Baha à Paris (145). Lors de sa seconde venue en Grande-Bretagne, ‘Abdu'l-Baha retourna chez elle. Pendant la première Guerre mondiale, Lady Blomfield se mit au service des blessés tout en restant une active baha'ie.

- Gabriel de Sacy (vers 1860 - mars 1903)

Il convient ici de mentionner cet homme, qui même s’il n’a pas découvert la foi baha'ie sur le sol français, est d’origine française et s’est rendu à Paris une fois devenu baha'i. Gabriel de Sacy est né en Egypte, à Alexandrie, vers 1860 et il y vécut la plus grande partie de sa vie. Il fit ses études à l’Université Jésuite de Beyrouth, au Liban, puis s’occupa d’une pharmacie. Vers 1896, il habitait au Caire, avec sa femme et ses trois enfants et occupait un modeste emploi de fonctionnaire comme directeur de bureau du personnel du Ministère des Finances. Il s’est fortement intéressé puis a appartenu à l’Ordre martiniste, un mouvement à rite initiatique créé en 1890 par Papus et Pierre Augustin Chaboseau, qui se voulait différent de la franc-maçonnerie: l'ordre martiniste s'inscrivait parmi les grands courants d'initiation et d'illumination, et puisait ses racines dans l'ésotérisme chrétien.

C’est par son affiliation à l'Ordre martiniste que Gabriel de Sacy se rapprocha du baha’isme et rencontra 'Abdu'l-Baha. En effet, en 1896, Papus, le chef des martinistes qui trouvait que la communauté babie (baha'ie) et les martinistes avaient plusieurs points communs, décida de nommer un délégué martiniste pour aller à la rencontre de la communauté baha'ie du Caire. C’est donc à cette occasion que Gabriel de Sacy se renseigna sur la communauté baha'ie d’Egypte et qu’il se rendit auprès d’elle, avec la mission d’établir une sorte d’alliance. Sa mission réussit comme l’atteste ce compte rendu de la réunion du Suprême Conseil de l'ordre martiniste du 9 mars 1897:
«Délégation générale pour l'Egypte (au Caire):
Cette délégation générale, munie de pleins pouvoirs spéciaux, a réussi à conclure une entente cordiale avec les délégués Babystes (146) spécialement accrédités à cet effet. Cette entente ouvrira sous peu la Perse à l'influence Martiniste.» (147)

Nous comprenons que d’après ce compte-rendu, l’objectif des martinistes était calculé et qu’ils espéraient pouvoir étendre leur influence jusqu’à la Perse, le berceau du babisme et s’implanter dans ces contrées étrangères. Parmi les croyants de la communauté baha'ie du Caire, Gabriel de Sacy rencontre Mirza Abu'l-Fadl, un persan très érudit, qui avait été un grand compagnon de Baha'u'llah lui-même. Gabriel de Sacy reconnut dès lors la nouvelle révélation de Baha'u'llah et devint baha'i. Tous les enseignements christiques du martinisme s'effacèrent devant ce qu’il estimait être le retour accompli du Christ en la figure de Baha'u'llah. A partir de cet instant, Gabriel de Sacy devint un croyant qui se consacra, par ses talents d’écrivain et d’orateur, à servir la Cause baha'ie. De passage à Paris, il semblerait qu’il ait donné une conférence au Congrès spirite et spiritualiste à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900, le 16 et 17 septembre (148). Il s’installa pendant quelques années au 29 rue Brazin, dans le 14 (ème) arrondissement, et il fréquenta les premiers croyants de la capitale. Il rencontra souvent Edith Sanderson, Laura Barney. Une photo de groupe prise vers 1900 dans l'atelier du peintre Edwin Scott nous montre un groupe des premiers croyants en France (149). Il semblerait, d’après certaines sources (150) que ce soit Gabriel de Sacy tenant le tableau du «Plus Grand Nom» (151), avec sa femme et ses trois filles. Nous ignorons quand Gabriel de Sacy rentra au Caire avec sa famille.

Il parlait couramment sept langues, et comme nous l’apprend la thèse sur Léon Tolstoï and the baha'i faith (152), il entretenait au début du siècle une correspondance (153) avec Léon Tolstoï à qui il exposa les fondements de la foi baha'ie.

Romain Rolland, célèbre homme de lettres français, connut également Gabriel de Sacy. Dans son ouvrage consacré à la biographie de Léon Tolstoï il confirme l'existence d'une correspondance entre les deux hommes:
«Mais il [Léon Tolstoï] est surtout attiré par le mouvement béhaiste (ou bâbiste), dont il entretient constamment ses correspondants. Il entre en relations personnelles avec certains béhaïstes comme le mystérieux Gabriel Sacy qui lui écrit d'Egypte (1901), et qui aurait été, dit-on, un Arabe de naissance, converti au Christianisme, puis passé au Béhaïsme.» (154)


Dans les dernières années de sa vie, Gabriel de Sacy se consacra à la rédaction de son livre: Du Règne de Dieu et de l'Agneau connu sous le nom de Babysme. Terminé le 12 juin 1902, il fut publié peu après. Il mourut précocement en mars 1903.

Les premiers baha'is en France, nous l’avons vu, représentent une certaine élite de la société, aisée et cultivée. Pour la plupart, ils sont Américains installés à Paris, des artistes, des littéraires venus fréquenter les intellectuels parisiens. Mais dès les années 1910, la religion baha'ie s’étend aux couches sociales plus populaires, avec la conversion de la famille Ponsonnaille et touche sans doute plus de Français. Toutefois, nous devons admettre qu’il n’y a pas beaucoup de noms de baha'is français (155) en ce début de XXème siècle. Mais comme nous le montre cet extrait, la Grande Guerre (1914-1918) qui a décimé les Français a sans doute joué un rôle non négligeable: «La communauté baha'ie de Paris avait moins de Français que d’Américains, d’Anglais et de Persans. Hippolyte Dreyfus était toujours auprès de ‘Abdu'l-Baha comme l’était M. Bernard qui fut tué dans les premières semaines de la Grande Guerre.» (156)

Afin de consolider la petite communauté française qui n’avait pas beaucoup de documents pour pouvoir s’approfondir dans sa nouvelle foi, ‘Abdu'l-Baha envoya un érudit persan, Mirza Abu'l-Fadl, passer plusieurs mois à Paris pendant le printemps et l'été 1901. Abdu'l-Baha lui avait donné la mission d’établir une solide fondation à Paris. Durant son séjour, il parla aux baha'is sur la preuve de l’existence des prophètes et interpréta plusieurs prophéties bibliques.


2. Diverses actions effectuées à destination du grand public

- Hippolyte Dreyfus et le Shah d’Iran

Nous apprenons qu’en automne 1902, Lua Getsinger (la mère spirituelle de May Bolles) était revenue en France à la demande de ‘Abdu'l-Baha afin de préparer une pétition pour présenter au Shah d’Iran qui séjournait alors à Paris avec son entourage. Cette pétition demandait trois faveurs: une audience avec lui-même, la protection des baha'is en Iran et enfin une faveur concernant ‘Abdu'l-Baha: demander au Sultan de Turquie de le laisser circuler en dehors des murs de Saint Jean d’Acre. Hippolyte Dreyfus joua un rôle important dans cet événement puisque c’est lui qui traduisit cette pétition en français - qui avait été rédigée et signée par Lua Getsinger - . De plus, Hippolyte Dreyfus et Lua Getsinger allèrent en personne remettre la missive au Shah d’Iran en septembre 1902, à l’Elysée Palace Hôtel à Paris, au nom de la communauté baha'ie de Paris. Il est intéressant de relater dans quelle circonstance, la pétition fut remise au Shah:
«Ce n’était pas chose facile de rendre ce service personnellement. Sa grandeur royale le Grand Vizir promit que tout serait fait pour subvenir à la pétition, et ajouta: «Ayez l’esprit tranquille et sachez que Sa Majesté aime et protège tous ses sujets.» Mais Madame Getsinger n’accepta pas de se faire ajourner de la sorte et insista pour entendre ces mots des propres lèvres du Shah. Ainsi ce fut dans le grand hall de réception du Elysée Palace Hotel où la suite entière de cent cinquante Persans attendaient Sa Majesté, que cette femme américaine, la seule femme parmi ce grand groupe d’hommes, marcha et remit à Sa Majesté la pétition qu’elle avait écrite avec foi. Sa Majesté promit sur le champ que tout serait effectué comme cela l’avait été demandé.» (157)

Cette anecdote démontre la conviction et la ferme résolution de Lua Getsinger qui l’amène à une certaine audace. Une deuxième pétition fut faite un an plus tard, en décembre1903 et celle-ci fut signée par la plupart des baha'is habitant Paris, dont «Monsieur Hippolyte Dreyfus, M. et Mme Lucien Dreyfus [parents d’Hippolyte], et Mme Meyer-May et Mlle Edith Sanderson.» (158)

Voici comment Madame Haney, la compagne de voyage de Lua Getsinger relate ces événements avec le Shah: «Deux pétitions adressées à sa Majesté, le Shah, une présentée en personne par Madame Getsinger au nom des Baha'is de Paris, à l’Elysée Palace Hôtel où le Shah et son entourage séjournaient en septembre 1902. Elle était accompagnée par M. Hippolyte Dreyfus, un baha'i Français.» (159) Il semblerait qu’à partir de la présentation de ces deux pétitions, «il y eut une cessation remarquable des persécutions.» (160)

- Lua Getsinger et l’Impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III

Les services de Lua Getsinger pour la communauté baha'ie parisienne ne se limitent pas à la rencontre avec le Shah d’Iran à Paris. Depuis septembre 1870, Le Second Empire était tombé, entraînant ainsi la chute de l’Empereur Napoléon III et de son épouse Eugénie. Napoléon III s’était fait proclamer empereur des Français le 2 décembre 1852 et se maria à une Espagnole Eugénie de Montijo, en 1853. L’impératrice, très ancrée dans la religion, eut une grande influence sur l’empereur, qu’elle poussa à défendre les intérêts catholiques dans le monde. Eugénie survécut à son mari de nombreuses années puisqu’elle mourut en 1920 (l’empereur était mort en 1873). C’est ainsi que Lua Getsinger, baha'ie américaine séjournant à Paris, eut comme mission d’aller remettre à l’impératrice Eugénie un message venant de la part de ‘Abdu'l-Baha.

Voici ce que nous retrouvons dans le journal de Lua Getsinger, daté de février 1904, concernant l’impératrice Eugénie:
«J’ai écrit à Eugénie, l’ancienne Impératrice de France, pour lui demander d’accepter un message du Maître [‘Abdu'l-Baha] qui est très important pour elle - mais comme son mari Napoléon III elle refuse donc - elle repousse une couronne de gloire de sa tête. Dieu dans sa Miséricorde a désiré la ré-établir et consoler son coeur brisé - mais aujourd’hui (le 9 février [1904] elle refuse d’entendre même le message et ainsi une fois encore, le sort de la France est décidé ! Quand j’ai reçu sa réponse, je me suis sentie très étrange quand j’ai réalisé que dans mes mains faibles et fragiles reposait le futur de cette Grande Nation (ou plutôt la connaissance positive de son futur !) Oh Impératrice Eugénie - bientôt la poussière de la terre récupérera ton corps et ton âme devra prendre son essor vers le siège du Jugement suprême de Dieu et là et alors, tu sauras ce qui t’a échappé !» (161)

Nous pouvons sentir combien la déception de Lua est profonde. Nous avons l’impression qu’elle décharge son désappointement, dans son journal. Après cet échec, Lua envoya un câble à St Jean d’Acre, pour informer ‘Abdu'l-Baha que l’Impératrice avait refusé de la voir et savoir ce qu’elle devait faire à présent. Devait-elle lui envoyer le message ? Une réponse lui parvint de St Jean d’Acre, le 17 février 1904, adressée à Madame Jackson (162):
«Dites à Lua abandonner cette dame. [sic] On ne peut rien faire de plus - et maintenant cette pauvre femme incontestablement partagera le sort de son mari qui a refusé la grâce de ‘Abdu'l-Baha, dont le coeur est vraiment plein de compassion pour elle.» (163)

Plusieurs actions ont donc été entreprises en ce début de XXème siècle pour présenter la foi baha'ie, avec plus ou moins de succès, mais en parallèle de ces actions ponctuelles et individuelles, une diffusion plus large s’est faite par l’intermédiaire des livres ou des médias.


C) La France s’intéresse de plus en plus à cette minorité

Avant la venue de ‘Abdu'l-Baha en France, une certaine préparation avait été effectué en amont, au niveau de la reconnaissance de cette jeune religion. Lorsque ‘Abdu'l-Baha se rendit à Paris pour la première fois en 1911, la religion baha'ie n’était plus inconnue grâce au travail fourni par les premiers baha'is français ou résidant sur le sol français.

Nous avons classé sous différentes catégories les moyens de diffusion et de popularisation de la nouvelle foi.

1. Une littérature ouverte au grand public: des éditions commercialisées en librairie

Le premier ouvrage à paraître en France (et même dans toute l’Europe) concernant la foi baha'ie est la traduction d’ Hippolyte Dreyfus de l’ouvrage du Kitab-i-Iqan, ou Le Livre de la Certitude (164)de Baha'u'llah. En effet, en 1904, cette traduction, paraissait aux éditions Ernest Leroux et rentrait ainsi dans le circuit des librairies de la capitale. Ce fut donc le premier livre baha'i disponible pour le grand public français. Shoghi Effendi, dans son ouvrage Dieu passe près de nous (165), qui relate l’histoire du premier siècle de la foi baha'ie dans le monde entier (1844-1944) a souligné l’importance du choix de cette première traduction par Dreyfus, et a déclaré que ce livre «occupe une position sans égale dans l’ensemble de la littérature baha'ie, à l’exception du Kitab-i-Aqdas» (166). Ce livre proclamait sans équivoque l’existence d’un Dieu unique, inconnaissable et inaccessible et source de toutes les grandes religions. Il affirmait également la continuité de la révélation divine, l’unité des différentes manifestations, l’universalité de leur message, et la similitude de leurs enseignements fondamentaux. Ce livre permettait d’introduire la foi baha'ie comparativement aux autres grandes religions monothéistes. Grâce à la parution de ce livre, certains Français commencèrent à se familiariser avec le message de Baha'u'llah.

C’est aussi en ce début de XXème siècle, que Laura Clifford Barney, jeune Américaine francophone vivant à Paris et devenue baha'ie (167), fit un voyage à Akka, et pendant un séjour prolongé en Terre Sainte, composa Les Leçons de Saint Jean-d’Acre (168), résultat de ses conversations avec ‘Abdu'l-Baha. La première édition de cet ouvrage parut en 1907. La jeune femme s’était rendue auprès de ‘Abdu'l-Baha pour lui poser de nombreuses questions, uniquement par curiosité et par volonté de s’approfondir personnellement. C’est ainsi qu’elle posait des questions à ‘Abdu'l-Baha et qu’elle recevait une longue réponse de lui. Laura Barney explique dans sa préface de 1907 que les réponses:
«furent sténographiées en persan, pendant que ‘Abdu'l-Baha parlait, sans la moindre idée alors de les publier, mais uniquement pour que je puisse les conserver pour des études ultérieures.» (169)

Puis, la pensée de les publier pour rendre les enseignements plus accessibles à d’autres personnes fut avancée:
«J’ai cru néanmoins que ce qui m’avait été si utile à moi-même pourrait aussi servir à d’autre [...] Et j’ai demandé à ‘Abdu'l-Baha la permission de publier ces conversations.» (170)

C’est ainsi que Les Leçons de Saint-Jean d’Acre furent publiées en 1907: le manuscrit original en persan, traduit en anglais, fut accepté et authentifié par ‘Abdu'l-Baha lui-même. Ce texte avait une valeur unique pour les occidentaux car c’était un dialogue Orient/ Occident qui répondait clairement aux chercheurs européens confrontés aux nouvelles idées baha'ies. Toutefois, le texte anglais n’était pas encore publié lorsque Laura Barney fit lire son manuscrit à Hippolyte Dreyfus. Celui-ci comprit immédiatement l’importance et l’urgence de le traduire en français pour le publier dans le Paris de l’époque. Ensemble, ils commencèrent à traduire ce travail. Il fut édité aux éditions Ernest Leroux en 1907. Laura Clifford Barney, était devenue l’auteur d’un recueil de «questions-réponses» très précis et abordant de nombreux sujets, ce qui permit de mettre à la portée du public français les principes de la doctrine baha'ie. Ce livre d’un intérêt capital, a joué un double rôle essentiel dans la diffusion de la foi baha'ie en France. En effet, que ce livre se vende en librairie quelques années avant la venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris, a non seulement permis de consolider la petite communauté baha'ie parisienne sur des questions de base concernant le baha'isme, mais cela a également permis à ce petit groupe de fidèles d’organiser le séjour futur de ‘Abdu'l-Baha dans la capitale en sélectionnant les catégories de personnes susceptibles d’être intéressées par ce genre de questions spirituelles et qu’ils devaient donc inviter à prendre part aux causeries de ‘Abdu'l-Baha.

Un an plus tard, en 1908, Hippolyte Dreyfus faisait paraître son Essai sur le Bahaisme, son histoire, sa portée sociale (171).
Dreyfus, dès les premières lignes stipulait:
«Je veux parler de l’association des religions elles-mêmes, rendue concrète aujourd’hui [en 1908] dans ce vaste mouvement vers l’unité religieuse de toute l’humanité, connu sous le nom de baha'isme, et qui depuis quelques années se propage avec une surprenante rapidité dans les milieux les plus hétérogènes.» (172)

Cette affirmation avait de quoi surprendre à l’époque et nous comprenons que le lecteur eut envie d’en savoir davantage. Dans la préface, nous lisons que cet ouvrage est «comme une modeste addition [...] (aux) Leçons de Saint Jean d’Acre.» (173) En effet, l’essai de Dreyfus situe à nouveau le contexte historique de la venue de Baha'u'llah, et se veut dans la continuité de l’ouvrage précité. De plus cet ouvrage faisait la publicité des Leçons de Saint Jean d’Acre, afin que tout lecteur de l’Essai sur le Bahaisme, soit également intéressé par l’autre ouvrage:
«Un ouvrage récent, publié à la fois en français, en anglais et en persan, vient à nouveau d’attirer l’attention de ceux que préoccupent les études religieuses et l’évolution spirituelle de l’humanité, sur le grand mouvement d’unification et d’union qu’est aujourd’hui le bahaisme. En nous donnant, dans la forme si simple où elles ont été tenues, les conversations qu’elles a eues avec le Maître de Saint Jean d’Acre, Laura Clifford Barney aura puissamment contribué à mettre à la portée du public les enseignements de la nouvelle religion.» (174)

Cette sorte d’interaction entre les différents ouvrages parus permettait au lecteur intéressé un tant soit peu, de se renseigner davantage sur la religion baha'ie.

Grâce à ces trois ouvrages parus en langue française avant les années 1910, un public plus large pouvait se renseigner sur cette religion nouvelle née en Perse. Nous pouvons supposer que, peu à peu, une certaine diffusion, au moins dans le milieu littéraire s’est opérée ; ce n’était plus un phénomène réservé aux seuls orientalistes (qui pouvaient lire les textes en langue d’origine, le persan ou l’arabe) ou aux adeptes (qui pouvaient lire ou se faire traduire les Ecrits saints). Il était ainsi donné à un plus grand nombre de personnes de connaître la philosophie et la théologie baha'ie.


2. Le Larousse

C’est en 1907, la même année que Les Leçons de Saint Jean d’Acre, que paraissait pour la première fois, dans Le Nouveau Petit Larousse Illustré, dictionnaire universel encyclopédique, et ouvrage de référence pour bon nombre de Français, un long article sous le mot «béhaisme». En voici un extrait:
«Actuellement il y a des baha'is partout, non seulement dans les pays musulmans, mais encore dans tous les pays d’Europe, comme aux Etats-Unis, au Canada, au Japon, aux Indes, etc... C’est que Baha'u'llah a su transformer le babisme en une religion universelle qui se présente comme l’aboutissement et le complément de toutes les anciennes croyances.» (175)

Il est intéressant de voir comment le début du XXème siècle considérait cette nouvelle croyance, en provenance de Perse, certes, mais désormais répandue hors du Moyen-Orient. L’opinion commençait à comprendre et à percevoir dans le baha'isme sa portée mondiale.


3. La presse française

Le premier journal qui présente un article assez détaillé d’une demi-colonne concernant la religion baha'ie est le quotidien Le Temps, du 6 octobre 1903. C’est un article d’un auteur anonyme, dans une rubrique «Bulletin de l’étranger» où les faits politiques de différents pays sont répertoriés, et notamment la Perse. Le ton de l’article est bienveillant et, ici déjà, l’auteur affirme que c’est un mouvement d’une portée mondiale.

«Aussi depuis un quart de siècle, on compte par milliers, aussi bien en Asie qu’en Europe et en Amérique, ceux qui ont adhéré au béhaisme et le propagent autour d’eux.» (176)

L’article témoigne également que les baha'is continuent à attirer les soupçons du gouvernement persan mais que, malgré cette tension, la minorité ne cesse de se développer.

«Les Béhais en Perse, sont contraints de travailler dans l’ombre, autant pour ne pas exciter les haines du Clergé encore tout-puissant dans les centres éloignés de la capitale, que parce que leur foi leur interdit de recourir aux procédés révolutionnaires pour propager les idées d’union et de paix qui sont les leurs. [...] Du reste, les idées libérales font peu à peu leur chemin dans toutes les classes de la société [...]» (177)

Nous avons parlé ci-dessus de l’Essai sur le Bahaisme de Dreyfus. Il est intéressant de savoir qu’en 1909, le 25 avril, cette oeuvre paraît dans La Revue Diplomatique (178), sous la rubrique l’ «Argus de la presse», qui est une parution régulière informant des différentes parutions. Ainsi, «tous ceux qui s’intéressent à l’évolution moderne, digne et modeste, autant qu’inattendue de l’esprit musulman, liront avec profit le dernier livre de M. Hippolyte Dreyfus.» (179)

Cet ouvrage est en effet défini comme:
«un essai sur un immense mouvement religieux, peu connu de la masse, est assurément le meilleur et le plus clair que nous ayons eu jusqu’ici entre les mains, et son auteur, orientaliste distingué, s’y révèle écrivain subtil et sociologue éclairé.» (180)

Ces appréciations de l’auteur s’accompagnent également d’un récapitulatif historique du contenu du livre, ce qui donne, en fait, un article assez long et détaillé du baha'isme. L’auteur reconnaît lui-même qu’il est mieux renseigné sur ce mouvement et qu’auparavant les informations sur cette religion étaient erronées. Ainsi:
«Il fut un temps où l’on considérait les Bâbis de Perse des sectaires fort dangereux, ennemis non seulement des maîtres de leur pays, mais de toutes les institutions établies. Nous voici mieux renseignés ! Les Bâbis sont devenus les Béhais.» (181)

Ensuite, les articles se succèdent et deviennent de plus en plus précis et détaillés. La presse a commencé à s’intéresser à cette nouvelle religion et en parle de plus en plus régulièrement. Ainsi, en 1909, un long article paraît dans le Figaro, suppléments littéraires (182) qui retrace toute l’histoire babie et baha'ie de manière très précise. Le journaliste avait été invité à une réunion baha'ie, ce qui a valu cette longue description dans Le Figaro, journal très lu de la société parisienne:
«La réunion à laquelle nous fûmes conviés dans l’après-midi du 21 mars dernier sortit de la banalité des five o’clock ordinaires. Il s’agissait de la fête de Norouz, premier jour de l’année persane et du printemps. Cela se passait en plein Paris, dans un clair salon meublé avec la plus élégante recherche. [...] Et les assistants - une trentaine environ, hommes et femmes, - étaient, pour la plupart, non des orientaux, mais de purs Parisiens. Seulement, c’étaient des Parisiens béhais, c’est-à-dire adeptes d’un mouvement religieux, le Béhaisme, né en Perse, ce qui explique l’adoption des fêtes persanes.» (183)

Cet article est très intéressant et instructif pour notre étude car cela montre qu’en 1909, une petite communauté de fidèles existait déjà et ils étaient parisiens et non plus uniquement persans ou américains. Et l’auteur de conclure:
«Les Persans assurent qu’il suffit de boire un verre de thé avec les Béhaïs pour devenir béhaï soi même. Il y a là, peut-être un peu d’exagération orientale. Le fait de luncher dans une salle à manger béhaïe ne donne pas une âme de converti. Abdou’l-Béha et ses disciples n’en poursuivent pas moins un grand et noble but. Seulement, à voir comment va le monde, il est permis de se demander s’ils ne sont pas dupes d’une illusion généreuse et si la Religion nouvelle réussira mieux que les anciennes à transformer l’humanité.» (184)

Le ton de cet article est bienveillant envers la religion baha'ie, un peu ironique peut-être dans la conclusion mais malgré cela, l’auteur cerne bien ce nouveau mouvement. Il est à noter que ‘Abdu'l-Baha est mentionné dans cet article, alors qu’il ne s’est pas encore rendu en Europe. Il est donc connu et d’une certaine manière l’article prépare le terrain pour son arrivée à Paris en octobre 1911.

Il était évident que c’était à Paris que les Français étaient le plus susceptibles d’entendre parler du message baha'i. Toutefois en 1908, en province, à une dizaine de jours d’intervalle, le Lyon Universitaire (185) et le Lyon Républicain (186) publient deux articles annonçant l’existence de la religion perse. C’était visiblement suite à la venue d’Hippolyte Dreyfus, qui devait donner une conférence en présence du maire de Lyon, Edouard Herriot. Le premier article, qui date du vendredi 15 mai 1908, est en fait une invitation cordiale à la future conférence de Dreyfus à Lyon et le deuxième article est un compte-rendu de ladite conférence:
«La prochaine conférence faite sous les auspices du Comité Lyonnais de la «mission laïque française» aura lieu samedi soir 23 mai [...]. M. Hippolyte Dreyfus, avocat à la Cour d’appel de Paris, traitera le sujet suivant: «l’évolution des religions, le béhaisme.»» (187)

Un article long et détaillé sur la personne d’Hippolyte Dreyfus lui-même, en tant qu’individu qui a «consacré ses loisirs, je dirai presque toute son activité humaine, à connaître et à faire connaître cette religion ...» (188), est écrit et, enfin, un petit historique de la religion elle-même. L’article se termine par une invitation cordiale du secrétaire de la Mission Laïque Française à assister à la prochaine conférence car le comité «se doit d’étudier avec attention le message béhai.» (189)

Le deuxième article vient donc à la suite de la conférence:
«La section lyonnaise de la Mission Laïque Française clôturait hier soir [...] la série annuelle de ses conférences par l’intéressante conférence faite par M. Hippolyte Dreyfus». (190)

Présidée par le maire de Lyon, Edouard Herriot, qui conclut d’une manière très positive et prometteuse pour cette nouvelle foi, la conférence fut un succès:
«M. Herriot, en remerciant le conférencier, constate qu’il serait souvent souhaitable que les idées béhaïques de fraternité et de solidarité sociale pénètrent un peu les peuples qui aiment à se dire les plus civilisés.» (191)

Ces deux journaux lyonnais étaient très populaires dans la ville et ces articles ont permis aux lecteurs de province de s’enquérir de cette nouvelle religion.


4. Les intellectuels français

Avant 1911, certains intellectuels se sont préoccupés de cette jeune foi ; comme nous l’avons vu (192), Nicolas, Gobineau, ou encore Renan se sont penchés sur le problème. Mais plus le XX (ème) siècle avançait, plus l’intérêt des intellectuels se développait, surtout à partir de la venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris.


5. Les intellectuels étrangers

- Léon Tolstoï (1828-1910)

Nous pouvons ici mentionner le célèbre Comte Léon Tolstoï, qui a côtoyé de près la foi baha'ie. Tolstoï très tôt se désintéressa de l’Eglise orthodoxe, puis il finit par être excommunié en 1901. Nous l’avons déjà rencontré dans notre étude concernant la foi babie mais le comte s’intéressa également à la foi baha'ie. Les principes humains et universels de cette religion avaient de nombreux points communs avec les thèses de Tolstoï ; de ce fait, les religions babie puis baha'ie lui ont tout de suite été sympathiques.

«Le monde est en désarroi, la clé de tous ses problèmes, se trouve entre les mains du prisonnier de Saint Jean d’Acre, Baha'u'llah.» (193)

Pour la plupart des Occidentaux de l’époque une grande confusion existait entre religions babie et baha'ie. La distinction entre les deux était encore floue et les contemporains n’avaient pas saisi la corrélation entre les deux. Ainsi Tolstoï connaissait la religion babie comme nous le démontre cette correspondance entre Tolstoï et un poète germanophone en 1899:
«A cette époque, cher comte, vous étiez intéressés par les babis. C’est pourquoi nous vous envoyons un pamphlet à ce propos» (194).
Et Tolstoï de répondre: «J’ai reçu [...] le livre concernant les babis». (195)

Dans les dix dernières années de sa vie, Tolstoï fut en contact permanent avec la foi baha'ie, même si au début il n’avait pas fait le rapprochement entre les deux mouvements. D’après l’extrait suivant, nous apprenons que c’est en 1901 que Léon Tolstoï entendit parler pour la première fois du mot «baha'i» et ce, dans une correspondance entre le comte et un baha'i français: Gabriel de Sacy. Voici la première lettre écrite à l’adresse de Tolstoï:
«Cher comte, la personne qui prend la liberté de vous écrire cette lettre n’est pas un érudit ou une personne autrement remarquable. Elle est juste une personne baha'ie qui a lu l’exposé de vos croyances dans les journaux arabes de cette ville [Le Caire] et qui en est venue au pensées suivantes, et qui, connaissant la grande amabilité de Votre Excellence, a pris la liberté de les soumettre à votre jugement.» (196)

Trois mois plus tard, Tolstoï répond à Gabriel de Sacy:

«...à en juger par l’intérêt que votre concept du messianisme inspire en moi, autant que le babisme auquel vous appartenez. Qu’est ce que baha'i ? Et de quelle nationalité êtes-vous ? Si vous êtes Français, comment se fait-il que vous soyez babi ? Le babisme m’a intéressé pendant longtemps. J’ai lu tout ce que j’ai pu sur ce sujet.» (197)

Cette lettre est importante pour notre étude car elle nous montre que Tolstoï ne connaissait pas le lien qu’il y avait entre la foi babie et la foi baha'ie, mais aussi la confusion qui s’est créée lorsque Gabriel de Sacy, lui annonce qu’il était Français et en même temps baha'i. Pour Tolstoï en effet, la foi babie (et puis baha'ie) était un mouvement limité à l’Orient et il ne cache pas son étonnement de savoir qu’un Occidental a embrassé cette religion. La foi baha'ie à l’instar de la foi babie comporte de nombreuses similitudes avec les thèses de Tolstoï, comme par exemple la nécessité d’une religion universelle, la recherche indépendante de la Vérité, l’harmonie entre la science et la religion, l’absence de clergé et de rituels, la paix universelle...

A partir du moment où il avait pris connaissance de la religion baha'ie et ce, jusqu’à la fin de sa vie, Tolstoï n’a cessé de poursuivre sa recherche concernant cette nouvelle religion, comme nous le prouvent ses nombreuses correspondances sur le sujet. Ainsi, dans une lettre adressée à un dignitaire musulman, rédacteur du journal Review of religions, il écrit: «Connaissez-vous les enseignements de Baha'u'llah, et qu’en pensez-vous ?» (198)

Nous apprenons également que Hippolyte Dreyfus a envoyé à Tolstoï la traduction du Livre de la Certitude en avril 1904. Vers la fin de sa vie, en 1908, Tolstoï s’adresse à un jeune étudiant qui lui avaient posé des questions sur la nature spirituelle: «Le babisme qui a évolué en bahaisme (Baha'u'llah) [...] est un des enseignements religieux les plus hauts et les plus purs.» (199) Cette correspondance est très intéressante car Tolstoï introduit la foi baha'ie à cet étudiant en pleine recherche et il la présente d’une manière élogieuse et positive.

Romain Rolland (qui a d’ailleurs lui-même éprouvé un certain intérêt pour la foi baha'ie et pour ‘Abdu'l-Baha, plus tard) écrit dans La vie de Tolstoï, que dans les deux dernières années de la vie de Tolstoï, ce dernier s’est rapproché des religions, et en particulier de la foi baha'ie. En 1909, Tostoï écrit dans son journal: «bahai très intéressant» (200) . Nous apprenons qu’entre mars 1909 et février 1910, plus de seize lettres du comte ont été retrouvées mentionnant la foi baha'ie, ce qui témoigne que cette religion occupait une place importante dans sa pensée. Dans l’ouvrage de Balyuzi, un érudit de la foi baha'ie, nous apprenons qu’au moment de la mort de Tolstoï, en 1910, ce dernier était en correspondance avec ‘Abdu'l-Baha lui-même, récoltant des informations pour écrire un livre sur Baha'u'llah. (201) Ces travaux ne furent pas achevés.

Le lien entre Tolstoï et la foi baha'ie est intéressant pour notre étude car à son époque, Tolstoï était très connu et avait une grande influence sur de nombreuses personnes, et dans tout le monde occidental. Or, Tolstoï parlait souvent de la foi baha'ie dans ses correspondances ; cela a sans doute contribué à ce que de nombreuses personnes prennent connaissance de cette nouvelle religion.

A l’instar de son père qui s’était tourné vers l’Occident en envoyant des tablettes aux dirigeants du monde de l’époque, ‘Abdu'l-Baha, qui avait reçu en Terre Sainte les premiers croyants occidentaux, décida, une fois libre de ses mouvements, de venir en personne à la rencontre des communautés naissantes d’Europe et d’Amérique. C’est ainsi qu’il mit le pied à Paris en octobre 1911 pour proclamer le message de son père. C’est à ce moment qu’il rencontra plusieurs intellectuels connus et que son influence se répandit dans une grande partie de la société occidentale.


III/ Les séjours de ‘Abdu'l-Baha à Paris entre 1911 et 1913, leur impact et la suite de ses voyages

A) Ses différents séjours à Paris

1. L’originalité de cette décision


C’est au cours de ses voyages, qui s’inscrivent dans un périple dans tout l’Occident, que ‘Abdu'l-Baha exposa pour la première fois de son ministère, les principes essentiels et distinctifs de la foi de Baha'u'llah. Alors que toute sa vie, il avait été contraint au silence et qu’il avait été exilé et emprisonné pour ses opinions et ses croyances, il entreprit ses voyages en Occident pour porter le nouveau message de la religion baha'ie. C’est dans ce cadre là qu’il s’adressa à des publics très variés: à de vastes auditoires, comme lors de causeries privées avec peu de personnes, à des intellectuels réputés ou aux masses populaires. ‘Abdu'l-Baha avait atteint l’âge de soixante-sept ans lorsqu’il entreprit ses voyages. Shoghi Effendi (202) relate:
«A cette époque, la santé de ‘Abdu'l-Baha était délabrée. Il souffrait de plusieurs maladies causées par la tension et les contraintes d’une tragique existence, passée presque entièrement en exil et en prison. Il était au seuil de ses soixante-dix ans.» (203)

La décision d’entreprendre ces voyages n’était visiblement pas préméditée, ou en tous cas, ‘Abdu'l-Baha n’avait mis personne au courant de ses desseins. De plus, rappelons qu’à cette époque, les conditions de voyages étaient longues et pénibles: une traversée de la Méditerranée en bateau durait plusieurs semaines:
«Fermement résolu à entreprendre ce pénible voyage quelque soit l’effort exigé, et même au péril de sa vie, il partit tranquillement pour l’Egypte sans en avertir personne, un après-midi de septembre 1910.» (204)

Les baha'is qui habitaient auprès de lui à Haïfa même, n’avaient pas été mis au courant de son projet. Ainsi, dans une correspondance d’un baha'i qui visitait la Terre sainte à ce moment là, on peut déceler la surprise et le caractère sensationnel de cet événement:
«J’ai une très grande nouvelle à te dire. ‘Abdu'l-Baha a quitté son lieu béni pour la première fois en quarante-deux ans et est parti pour l’Egypte. Tout le monde était abasourdi d’apprendre le départ de ‘Abdu'l-Baha.» (205)

Etant donné son âge avancé, les tribulations endurées toute sa vie durant, et les conditions de transport de l’époque, beaucoup de contemporains considéraient l’entreprise de ‘Abdu'l-Baha comme héroïque, voire imprudente.


2. Le premier séjour à Paris dans un appartement au Trocadéro

Il aborda le continent européen par Marseille en août 1911 en débarquant du bateau «Le Corsica» (206). Après un bref arrêt à Thonon-les-Bains, il se rendit en Angleterre avant de revenir s’installer pendant deux mois à Paris.

‘Abdu'l-Baha se rendit dans la capitale française du 5 octobre 1911 au 2 décembre 1911: un séjour de neuf semaines qu’il passa dans un appartement «moderne» de l’époque dans le quartier du Trocadéro, au 4 avenue de Camoëns, comme le stipule plusieurs sources et notamment l’ouvrage contemporain à la venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris, celui de Lady Blomfield, The Chosen Highway:
«Aux derniers jours de la première visite de ‘Abdu'l-Baha à Londres, (automne 1911), ses amis, Mr et Mme Dreyfus-Barney trouvèrent un appartement en vue de son séjour à Paris. C’était un appartement meublé avec goût, ensoleillé, spacieux, situé au numéro 4 de l’avenue de Camoëns ; dehors, une volée d’escaliers menaient directement aux jardins du Trocadéro ; fréquemment, le Maître effectuait là des promenades solitaires et reposantes. C’est abrité dans cet appartement parisien moderne et confortable que celui que nous révérons séjourna pendant neuf semaines inoubliables en compagnie d’un secrétaire et de quelques amis proches.» (207)

Comme nous l’apprend cet extrait, c’est le couple Dreyfus-Barney (208) qui joua un rôle prépondérant concernant l’accueil de ‘Abdu'l-Baha à Paris. Le choix d’un appartement au Trocadéro n’était sûrement pas dû au hasard car Laura et Hippolyte Dreyfus-Barney habitaient tout près au 15 rue Greuze et d’autres baha'is résidaient dans le quartier. Ils n’avaient annoncé à personne la venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris, afin que celui-ci puisse se reposer de la fatigue engendrée par le voyage. Pourtant, tout un groupe de personnes s’était précipité chez lui pour le rencontrer et lui souhaiter la bienvenue, et en particulier, des compatriotes iraniens, des personnalités persanes (209).

DEROULEMENT DE SES JOURNEES:

«Chaque matin, selon son habitude, le Maître exposait les principes de l’enseignement de Baha'u'llah à ceux qui se rassemblaient autour de lui.» (210) ; les entrevues se succédaient les unes aux autres. Il y avait sans cesse des personnes autour de ‘Abdu'l-Baha: «des érudits ou des incultes [...].Il y avait toutes les nationalités et croyances venant de l’Est ou de l’Ouest.» (211) Le but de la venue de ‘Abdu'l-Baha en Occident et notamment à Paris était de proclamer la parole de son père Baha'u'llah et de faire connaître la religion baha'ie. Le salon de l’appartement de l’avenue de Camoëns fut témoin d’un flot constant de visiteurs. Les réunions étaient très variées dans leur composition et beaucoup de nationalités étaient représentées. Lorsque les causeries se déroulaient à son domicile, les auditeurs prenaient place soit dans le grand salon, soit, s’ils étaient moins nombreux, dans son cabinet de travail.

D’après plusieurs sources nous apprenons que ‘Abdu'l-Baha allait souvent se promener dans les jardins du Trocadéro, qui étaient adjacents à l’avenue de Camoëns. Du 16 au 31 octobre (212), ‘Abdu'l-Baha reçut chez lui, au 4 avenue de Camoëns, et ne sortit que très peu (un dîner chez les Dreyfus-Barney, et un chez la famille de Sacy). En novembre, il donna cinq allocutions publiques:
- dans l’atelier du peintre Edwin Scott, 17 rue Boissonnade, le 6 novembre: «Causerie dans un atelier d’artiste»
- à l’Alliance spiritualiste, le 9 novembre, à la Salle de l’Athénée Saint-Germain, «Dissertation sur l’âme et l’esprit saint.»
- chez Melle Gastéa, le 24 novembre, «Cruelle indifférence aux souffrances des races étrangères»
- au Foyer de l’âme, Temple protestant du Pasteur Wagner, rue du Pasteur Wagner, Paris 11 (ème) , le 26 novembre, «un appel à l’union et à l’unité».
- à la «Société théosophique de France», 59 avenue de la Bourdonnais, Paris 7 (ème). «Enoncé des principes de Baha'u'llah.»

Nous verrons de manière plus approfondie les causeries de ‘Abdu'l-Baha à l’Alliance spiritualiste, chez les protestants du Foyer de l’âme et à la Société théosophique ainsi que leur impact et leurs retombées (213).

QUELQUES POINTS IMPORTANTS DE SON SEJOUR EN 1911...

Lors de son séjour à Paris, ‘Abdu'l-Baha a choisi de rencontrer toute la communauté baha'ie parisienne: entre 1900 et 1911, cette communauté comptait une trentaine de personnes (214), qui s’activaient autour de plusieurs réunions ponctuelles. La publication des ouvrages traduits par Hippolyte Dreyfus et sa femme Laura Barney avaient en particulier permis à tous ceux qui étaient en recherche d’avoir accès à des textes baha'is à leur portée, Ecrits Saints (Le Livre de la Certitude) ou livres sur des thèmes divers (Les Leçons de Saint Jean d’Acre). De plus, le peintre Edwin Scott et sa femme Joséphine, que nous avons mentionnés dans notre paragraphe sur les premiers baha'is à Paris, recevaient régulièrement des baha'is ou des chercheurs dans leur atelier d’artiste, au 17 rue Boissonade à Paris.

Nous pouvons supposer que c’est de cette manière que la famille Ponsonaille (215) entendit parler pour la première fois de la religion baha'ie. Nous avons pris connaissance de la famille Ponsonaille par l’intermédiaire d’un article qu’avait effectué une américaine dans Star of the West (216): Alice Beede, qui avait été présente lors du séjour de ‘Abdu'l-Baha à Paris. Cette Américaine raconte que le 15 octobre 1911, ‘Abdu'l-Baha se rendit dans un quartier très pauvre de Paris, considéré comme une zone particulièrement misérable et défavorisée, pour visiter une école: au Pré Saint Gervais (217). Nous apprenons que c’est Edwin Scott qui a organisé cette rencontre et qu’il attendait ‘Abdu'l-Baha devant la porte d’une baraque en bois (218), construite par Victor Ponsonaille lui-même:

«Cette école recevait des élèves pour la plupart orphelins, entre deux et quatorze ans, miséreux et faméliques.» (219) Victor et Fanny avait appelé leur école: «l’Ecole du Plus Grand Nom» (220) Cette modeste école fut décrite de la sorte: «Au fond de la classe, d’environ quarante-cinq mètres carrés, présidait le «Plus Grand Nom» (221) au dessus du bureau. Victor et Fanny Ponsonaille les [les enfants] accueillaient, les nourrissaient, les éduquaient et les aimaient» (222).

Nous n’avons pas de renseignements concernant la date de création de cette école ; nous savons seulement que lorsque ‘Abdu'l-Baha se rendit dans ce lieu, elle était déjà en place:
«La visite de ‘Abdu'l-Baha fut pour ces enfants un émerveillement. Fanny Ponsonaille leur fit chanter des versets de Baha'u'llah. ‘Abdu'l-Baha leur parla et les bénit tout particulièrement. Il félicita et remercia Victor et Fanny, loua la noblesse de leur entreprise.» (223)

Ce fut donc la première école baha'ie à Paris et ‘Abdu'l-Baha de conclure en s’adressant aux Ponsonaille: «Vos noms perdureront à travers les âges.» (224) ‘Abdu'l-Baha effectua ici comme une prédiction devant cette humble entreprise qu’avait mise en place les Ponsonaille, comme si avec les années cette école devait prendre de l’importance et devenir une institution reconnue et durable.

Lors de son séjour à Paris, ‘Abdu'l-Baha présenta une causerie dans l'appartement de Madame de Sacy, la femme de Gabriel de Sacy - que nous avons mentionné lors de notre deuxième partie -, le dimanche 29 octobre 1911. Madame d'Ange d'Astre (225) fit un compte rendu de cette soirée pour la revue Star of the West (226):
«C’était spécifiquement une réunion française et cela semblait faire plaisir à ‘Abdu'l-Baha. En entrant dans la maison, 'Abdu'l-Baha prit dans ses mains la photo de Gabriel de Sacy, l'embrassa et dit: «Cette maison est comme la mienne.» (227)

‘Abdu'l-Baha souligna que si Paris était le centre universel de la culture, de l'érudition, de la science et des arts, cette ville devait également être le centre de la spiritualité. La causerie regroupa près de soixante personnes et dura une bonne heure: «Tous étaient impressionnés par sa magnifique personnalité.» (228)

Le premier décembre 1911, le couple Dreyfus-Barney organisa un dîner d’adieux chez lui, au 15, rue Greuze. ‘Abdu'l-Baha dans sa dernière causerie fit une conclusion et un bilan sur son séjour à Paris:
«Ecoutez ! Je vous apporte de bonnes et heureuses nouvelles. Paris deviendra un jardin de roses. [...] Quand je pense au Paris de l’avenir, il me semble le voir baigné dans la lumière de l’Esprit Saint. [...] Depuis mon arrivée il y a quelques semaines, j’ai pu voir grandir la spiritualité. Au début quelques personnes seulement venaient à moi pour être éclairées ; mais durant mon court séjour ici, le nombre de visiteurs a doublé. Voilà une promesse pour l’avenir. [...] Maintenant je vous dis au revoir.» (229)

Outre les visites privées, ‘Abdu'l-Baha a donné plusieurs causeries à son domicile qui était ouvert au grand public, sur des thèmes très diversifiés.


3. Ses causeries données dans la capitale française: des principes modernes venant d’Orient

Lors de ce séjour, ‘Abdu'l-Baha donnait quotidiennement une courte causerie sur les principes de Baha'u'llah. Il s’exprimait en persan et en général c’est Hippolyte Dreyfus qui traduisait simultanément, comme nous l’apprennent ces extraits de journaux parisiens:
«Abdoul Baha [...] prend la parole en persan. A peine prononcée, chaque phrase nous est traduite par M. Hippolyte Dreyfus, l’adepte parisien le plus zélé du baha'isme.» (230)
Ou encore:
«La philosophie très douce [du baha'isme] me fut enseignée par le Maître hier, en un langage riche de fleurs orientales, que M. D. (231) transplantait dans le parterre français avec une aisance qui m’émerveillait presque autant que le Béhaïsme lui-même.» (232)

Hippolyte Dreyfus était sans cesse auprès de ‘Abdu'l-Baha et en plus d’être son interprète, il était en général le présentateur de la soirée, la personne qui introduisait ‘Abdu'l-Baha. La plupart de ces causeries de 1911 ont été compilées par des témoins contemporains de tout le séjour de ‘Abdu'l-Baha et notamment par Lady Blomfield et ses deux filles: Mary Esther et Rose Elinor Cecilia, et une autre jeune femme Béatrice Marion Platt qui avait déjà accueilli ‘Abdu'l-Baha à Londres et qui l’avait suivi en France. Elles prirent des notes en français qui furent ensuite traduites en anglais. A la demande même de ‘Abdu'l-Baha qui les avait relues et approuvées, Lady Blomfield les publia. D’après ces témoins, ‘Abdu'l-Baha donna cinquante et une causeries dans la capitale lors de son premier séjour en automne 1911, que ce soient des causeries publiques ou privées. Grâce à la prise de notes des personnes présentes, la postérité a en sa possession un ouvrage primordial qui tente de reproduire les différentes causeries qui ont été données par ‘Abdu'l-Baha entre octobre et décembre 1911: Les causeries de ‘Abdu’l-Baha à Paris. Ces discours furent rassemblés au jour le jour: ‘Abdu'l-Baha fit quotidiennement une ou plusieurs causeries sur des thèmes différents et très variés. Ce livre est très intéressant pour notre étude car non seulement il nous permet de savoir quand et comment ‘Abdu'l-Baha a donné ces allocutions mais il nous donne aussi l’occasion de connaître quel genre de discours et d’enseignement il a tenu aux Parisiens de ce début de XXème siècle. Il est important de mentionner certains des thèmes abordés par ‘Abdu'l-Baha et choisis par ce dernier car cela nous donne une idée des sujets qu’il pensait être importants pour un public français. Par exemple, à plusieurs reprises il parle:

- de l’unité qui doit s’établir entre Orient/Occident, avec comme thèmes de causeries: «Des devoirs de sympathie et de bonté envers les étrangers», «La nécessité de l’union entre les peuples de l’Orient et de l’Occident», «Des causes lamentables de la guerre, et de la nécessité de tous lutter pour la paix», «Les préjugés religieux», «Beauté et harmonie dans la diversité», «L’amour universel», «Cruelle indifférence aux souffrances des races étrangères» ; ces thèmes sont peut-être choisis pour insister sur le fait que les peuples d’Orient (d’où est issue la religion baha'ie) et les peuples d’Occident (où il vient propager son message) doivent commencer à collaborer ensemble et ne pas se regarder avec méfiance ou animosité, l’oeil plein de préjugés. Il affirme que la paix et l’entente sont nécessaires entre tous les peuples pour arriver à une amélioration du sort de l’humanité:
«L’est et l’ouest doivent s’unir pour se donner mutuellement ce qui leur manque. De cette union naîtra une vraie civilisation dans laquelle le spirituel trouvera son expression et sa réalisation sur le plan matériel.» (233)

- de sujets mystiques sur la nature de Dieu et de l’âme, et la condition de l’être humain: «Dieu comprend tout. Il ne peut être compris.», «Le Soleil de Vérité», «le Don Suprême de Dieu à l’homme», «Les bienfaits de Dieu envers les hommes», «Les deux natures de l’homme», «Evolution de l’esprit», «A propos de l’âme, du corps et de l’esprit». Dans ces causeries ‘Abdu'l-Baha développe plus l’aspect spirituel de la religion baha'ie et le lien mystique qui unit l’homme à son créateur.
«L’homme est fait à l’image de Dieu ; néanmoins, l’essence de Dieu est incompréhensible à l’esprit humain, car la compréhension limitée n’offre aucun recours pour saisir le Mystère infini. Dieu contient tout ; il ne peut être contenu.» (234)

Ces discours couvrirent les deux aspects essentiels du message de son père et les mit à la portée du public occidental, aussi bien au niveau de la vie sociale et économique qu’au niveau spirituel. Lorsque ‘Abdu'l-Baha donnait ses discours, il le faisait d’une manière très simple, accessible à son auditoire: «Il a parlé [...] dans la manière simple, claire et juste qui lui est habituelle.» (235) De nombreuses personnes témoignèrent de cette simplicité et de cette manière douce de parler aussi bien en 1911 que dans ses voyages ultérieurs.


4. Ses autres séjours dans la capitale française

Le séjour de 1911 eut beaucoup plus de répercussions (à notre connaissance) que les deux autres qui eurent lieu en 1913: ‘Abdu'l-Baha revint à Paris de janvier à mars 1913, à son retour de Londres, puis de mai à juin 1913 où il quitta la France et l’Occident définitivement.

LE SECOND VOYAGE A PARIS: DU 21 JANVIER AU 30 MARS 1913

C’est la troisième fois que ‘Abdu'l-Baha se rendait en France (236) mais la deuxième fois qu’il se rendait à Paris. Ce séjour qui dura pourtant dix semaines est beaucoup moins connu que le séjour d’automne 1911, car à notre connaissance nul ne prit de notes systématiques sur les différentes causeries (237) que fit ‘Abdu'l-Baha, comme cela fut fait en automne 1911. Lors de ce séjour à Paris, ‘Abdu'l-Baha fut hébergé dans un appartement, au 30 rue Saint Didier, puis comme la location arrivait à terme, les deux dernières semaines, il s’installa dans une chambre de l’ «Hôtel Pension» de la rue Lauriston, dans le XVIème arrondissement de Paris. Comme la première fois, ‘Abdu'l-Baha reçut chez lui de nombreuses personnes, mais il fit aussi des causeries publiques comme, par exemple, le 12 févier 1913 où il était très fatigué ; mais il se rendit malgré tout dans une réunion d’espérantistes. «Malgré sa fatigue, il se rendit à cette réunion et fut reçu très chaleureusement par le président des Espérantistes (238).» (239) ‘Abdu'l-Baha visita le Château de Versailles le 6 février 1913 (240). Le 9 mars 1913 apparaît comme une date importante pour Paris et pour la France car ce jour-là, ‘Abdu'l-Baha effectua plusieurs prières pour Paris:
«Lors de la réunion publique, la majeure partie de la causerie de ‘Abdu'l-Baha était des prières pour les habitants de PARIS [sic] et de la France... Après la réunion, il réunit dans sa chambre les baha'is qui étaient restés et leur dit: «Je vais partir de Paris, et je veux vous y laisser comme mon dépôt: sachant que vous êtes là, mon coeur sera apaisé.» (241)

‘Abdu'l-Baha laissa ensuite des consignes où il encourageait les amis baha'is à continuer les réunions et transmettre le message baha'i. Il précisa même: «Quoique actuellement Paris soit endormi, bientôt il sera en mouvement.» (242)

Le 21 mars est la date du nouvel an baha'i, mais en même temps une grande fête nationale célébrant le nouvel an persan (243). ‘Abdu'l-Baha offrit une réception dans son hôtel pour la fête de Naw Ruz et à cette occasion fit une allocution publique. Il se rendit ensuite à une réception organisée pour le même événement à l’Ambassade d’Iran à Paris. Cette visite, acte civique et diplomatique, montre son respect et sa courtoisie envers son pays, malgré l’opposition qu’il avait fait subir à sa famille et à lui même. ‘Abdu'l-Baha y était également considéré comme une personnalité

UNE GRANDE MEDIATISATION...

Sa notoriété grandissant, un portrait en couleur fut pris de ‘Abdu'l-Baha: ce portrait est d’une importance capitale pour l’histoire de la photographie car il est l’une des premières représentations en couleur jamais réalisée à cette date. Cette photo figura dans L’histoire mondiale de la photographie en couleur (244).

Par ailleurs, le 8 ou le 14 février 1913 selon les sources (245), ‘Abdu'l-Baha accepta de se faire photographier sous la Tour Eiffel, entouré d’autres Persans. Cette photographie constitue un symbole pour la postérité car ‘Abdu'l-Baha, personnage venu d’Orient et porteur d’un message novateur, est représenté au pied de la Tour Eiffel, monument emblématique de la modernité et d’un esprit nouveau, voire audacieux et qui est même devenu depuis, le symbole de la France.

Lors de ce séjour en 1913, ‘Abdu'l-Baha se rendit chez les photographes Boissonnas et Taponier, qui firent plusieurs portraits de ‘Abdu'l-Baha (246). Boissonnas et Taponier étaient deux photographes très réputés de l’époque qui résidaient au 12 rue de la Paix, à Paris. (Boissonnas appartenait à une grande famille de photographes suisses). Enfin, un autre événement important pour les générations futures fut effectué en 1913: ‘Abdu'l-Baha accepta de faire enregistrer sa voix (des prières psalmodiées en persan) sur un disque phonographique. «Il partit donc à cet effet, dans un studio parisien où deux disques furent enregistrés.» (247) Nous constatons donc que les différents moyens technologiques modernes qui à l’époque étaient des nouveautés ont été utilisés lors de son séjour.

LE TROISIEME VOYAGE DE ‘ABDU'L-BAHA A PARIS: DU 1ER MAI AU 12 JUIN 1913. (248)

Lors de son troisième séjour, qui dura environ six semaines, ‘Abdu'l-Baha résida dans une chambre d’hôtel: Hôtel Californie (249), avenue Kléber, et il changea vraisemblablement d’hôtel pour retourner à «l’Hôtel-Pension» de la rue Lauriston (250). Nous apprenons que ‘Abdu'l-Baha était très affaibli par ses nombreux voyages et, durant ce séjour, il n’a cessé d’être fort malade et parfois même secrètement alité. Cela peut représenter une des raisons pour lesquelles ce séjour est le moins connu des trois ; une autre raison peut également résider dans le fait qu’il s’agissait d’un séjour de transition - ‘Abdu'l-Baha devait bientôt se rendre à Marseille pour embarquer à destination de Port Saïd en Egypte - et donc moins de conférences publiques avaient été prévues. Après avoir passé un long séjour en Egypte, ‘Abdu'l-Baha devait retourner à Haïfa mettant ainsi un terme à son grand périple occidental.

Sur les trois séjours en France, un seul livre en français retranscrivant les causeries données par ‘Abdu'l-Baha fut imprimé, grâce à des notes qui avaient été prises simultanément des causeries en 1911. Il s’agit du livre les Causeries de ‘Abdu'l-Baha à Paris (251) dont nous avons parlé précédemment et dont la lecture est primordiale pour comprendre quel genre d’enseignement a été offert aux Parisiens du début du XXème siècle. Quant à ses deux autres séjours, rien ne fut publié en français, même tardivement.

SON JUGEMENT SUR PARIS

Sur Paris, ‘Abdu'l-Baha a porté un jugement sévère, alors qu’il donnait une causerie le vendredi 20 octobre 1911:
«Paris, disait-il, est une cité très belle. Il n’est pas possible, je crois, de trouver de nos jours une ville plus civilisée, plus achevée matériellement. Il est triste, en revanche, que la lumière de l’esprit n’ait pas brillé sur elle de quelques temps. Dans la civilisation spirituelle, elle est très en arrière. Une puissance suprême est nécessaire pour l’éveiller aux réalités religieuses afin d’infuser une vie fraîche à son âme. Vous devez tous vous unir pour lui apporter la Lumière, pour réveiller ses habitants, avec l’aide d’une force supérieure... Il y a des arbres qui fleurissent et qui portent fruits dans un climat froid, d’autres ont besoin des rayons les plus chauds du soleil pour être fertilisés: Paris a besoin d’une chaleur considérable pour être ramené à la vie spirituelle.» (252)

Cette déclaration attire l’attention sur le fait que le développement spirituel de Paris est bien en deçà de son développement matériel. Selon lui, Paris est certes le symbole de la modernité, où l’on trouve le métro, l’électricité, le chauffage central, le téléphone et tout ce qui peut faciliter la vie matérielle, mais c’est une ville qui s’est éloignée des valeurs humaines et des qualités de l’esprit. S’étant donné la mission de faire connaître et répandre les enseignements de son père en Occident, il estime que Paris doit s’attacher à retrouver un certain équilibre, ce qui pourrait justifier ses trois séjours prolongés dans la capitale française. ‘Abdu'l-Baha a d’ailleurs précisé qu’une certaine complémentarité existe entre l’Orient et l’Occident:
«Les peuples occidentaux sont fermes et solides dans leurs fondations. Leurs capacités sont considérables. Ils doivent donner à l’Orient la civilisation matérielle qui le complétera, afin de recevoir de lui, à leur tour, l’assise spirituelle qui leur manque.» (253)

D’autre part, voici plusieurs tablettes de ‘Abdu'l-Baha que nous avons trouvées dans les archives de Laura Barney, qui montrent combien ‘Abdu'l-Baha était attaché à la ville de Paris et combien il souhaitait son épanouissement au niveau religieux et spirituel:
- un extrait d’une première tablette révélée par ‘Abdu'l-Baha à l’adresse de Hippolyte Dreyfus, le premier croyant parisien:
«Maintenant, tu dois t'occuper de Paris, guider les êtres délicats, afin qu'ils soient éduqués et deviennent tes collaborateurs et tes compagnons, que vous organisiez des assemblées, que vous vous mettiez à mentionner à expliquer et à enseigner les choses divines, et que vous inspiriez à chacun le désir de suivre les préceptes et les instructions célestes. Alors ce monde obscur deviendra lumineux, la haine et l'inimitié des hommes se changeront en amour et en bonté, l'édifice de la guerre s'écroulera, et le palais de la Paix s'élèvera dans la gloire. Chéris les Amis de Dieu à Paris, et donne leur, de ma part, un salut plein du désir ardent de les voir.» (254)

- un deuxième extrait de lettre de ‘Abdu'l-Baha adressée à Hippolyte Dreyfus également, et datée du 7 février 1919:
«Transmettez de ma part, ma plus grande gentillesse, à la respectable dame, Laura, ainsi qu’au reste des amis qui sont à Paris et parmi eux M. et Mme Scott, M. Boutaric et Mirza Ali Akbar et particulièrement la servante de Dieu Mme Bernard, transmettez mes profondes salutations. J’ai été attristé d’apprendre la perte de son respectable mari (255)» (256).

Nous voyons ici que ‘Abdu'l-Baha prend la peine de citer nominativement plusieurs croyants, ce qui dénote un certain attachement pour ces personnes qu’il avait rencontrées lors de son voyage à Paris, et montre, une fois de plus, son intérêt et sa bienveillance pour les Parisiens.


B) ‘Abdu'l-Baha perçu par la presse française lors de ses séjours

1. L’essor de la presse


La presse a un rôle culturel important. C’est l’instrument de médiation entre les informations diverses et les lecteurs. Fin XIXème et début XXème siècle, elle est en plein essor, notamment à Paris: la venue de ‘Abdu'l-Baha est ainsi très médiatisée. Nous avons retrouvé de nombreux articles de presse à l’occasion de ses venues dans la capitale, que ce soit en 1911 ou 1913.

Comme nous l’avons vu précédemment, ‘Abdu'l-Baha a effectué plusieurs voyages sur le sol français et en particulier à Paris: une première fois en octobre 1911, pour une durée de neuf semaines ; une deuxième fois, un an plus tard en janvier 1913 pendant deux mois et demi, et enfin en mai 1913 pendant six semaines.

La presse s’est à chaque fois emparée de ces événements et de nombreux articles ont paru concernant la venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris. Ainsi les grands noms de journaux - ceux qui sont tirés à des milliers d’exemplaires - tels que le Temps (257), le Paris-Journal (258), la France (259), le Figaro (260) ou encore Excelsior (261) ont écrit à ce sujet. D’après les articles de presse que nous avons en notre possession, les journalistes se sont rendus auprès de ‘Abdu'l-Baha et ont tous reconnu son charisme. Même s’ils sont parfois un peu sceptiques sur le message rénovateur de la foi baha'ie, ils sont toutefois, tout à fait acquis à la sympathie de ce personnage venu d’Orient.

Quels sont les points essentiels que la presse a retenus à travers ses articles aussi bien dans le fond du message que dans l’aspect du personnage ? Essayons de cerner les idées récurrentes dans les différents articles de journaux.


2. Un attrait pour l’exotisme (contexte, habillement, langage)

Lorsque les journalistes précisent que ‘Abdu'l-Baha vient de Perse, le lecteur ressent un certain contexte exotique: «On le connaît là-bas, où fleurissent les roses de Saadi, et jusque dans les montagnes de la Birmanie.» (262), ou encore «‘Abdu'l-Baha est né là-bas, dans ce lointain pays d’Iran, au nom évocateur de vergers fleuris et de champs de roses.» (263) Les journalistes transmettent un sentiment d’éloignement et de très grande distance, d’une part, et l’idée d’un pays presque imaginaire et merveilleux d’où serait issu ‘Abdu'l-Baha. Cela montre bien qu’à l’époque, les relations Orient/Occident étaient très peu développées. L’Orient représentait l’inconnu pour les Européens.

De plus, toujours dans ce même ordre d’idée, la plupart des journalistes remarquent en premier lieu la tenue vestimentaire orientale de ce personnage. Cela démontre qu’ils sont tout d’abord attirés par l’apparence physique peu habituelle de ce Persan et qu’ils se sont laissés aller à leur curiosité en venant lui rendre visite:
«C’est un noble persan, vêtu à l’orientale» (264), «Pour costume, la robe claire recouverte d’un caftan clair ; sur la tête, le tarbouch blanc» (265) ; «la simplicité de sa robe persane» (266) ; «C’est un noble oriental à la longue barbe blanche, coiffé d’un turban blanc et vêtu d’une ample robe vert olive» (267) ; «et dont l’ample caftan et le blanc tarbouch mettront une note orientale parmi les redingotes parisiennes des spectateurs.» (268)

Le fait que ce personnage ne parle que le persan ou l’arabe apporte également une touche d’exotisme ; bien entendu un traducteur est présent pour mettre les discours de ‘Abdu'l-Baha à la portée des Français (269) mais les journalistes témoignent qu’ils se laissent emporter par les sons poétiques de la langue persane: «dans un langage riche de fleurs orientales [...] rythmée rudement par les sonorités gutturales de la langue persane» (270).


3. Le charisme d’un prophète (d’après la thèse de Max Weber)

Mais bien plus que le simple habillement de ce Persan, c’est son charisme et sa personnalité exceptionnelle qui ont frappé quiconque était auprès de lui. Et les journalistes ne manquent pas de transmettre leurs ressentis:
«Un beau vieillard de haute intelligence [...] C’est une figure originale et intéressante.» (271) ;
Une atmosphère très respectueuse est retransmise: «Mais taisons-nous. Une porte s’ouvre, tout le monde se lève et le Maître – ainsi l’appellent ses disciples - entre en esquissant un geste de bénédiction. [...] traits réguliers éclairés par le regard particulièrement vif et brillant des grands yeux bruns.» (272) ;
«Un beau vieillard persan [...] Car le prophète est gai, et tout respire en lui la gaîté d’être prophète, sur lequel quarante ans de prison n’ont point laissé de traces» (273) ;
«Et ce talisman c’est ‘Abdu'l-Baha qui vous l’apporte en ses mains bénissantes de sage et beau vieillard. [...] sa voix est douce [...] ; le visage vénérable de ‘Abdu'l-Baha où brillent ses yeux jeunes, exprime l’intelligence et la bonté. Il est paternel, affectueux et simple ; il inspire confiance et respect. Son pouvoir divin lui vient sans doute de savoir aimer les hommes et de savoir se faire aimer d’eux.» (274)
«-n’est-il point symboliquement édifiant de voir surgir à Paris - un penseur réalisateur,- un vieillard sage, puissant et doux» (275)
«Vieillard majestueux et chenu (276)»
«Mais une séduction singulière émane, positivement, de cet AbdoulBaha» (277)

Comme nous pouvons le lire, ‘Abdu'l-Baha jouit d’une personnalité magnétique et possède un grand ascendant sur les gens qui l’entourent. Il est intéressant, à ce niveau de notre étude, d’analyser ce charisme à la lumière de la thèse de Max Weber. En effet, selon Max Weber (1864-1920), sociologue et économiste allemand, une religion naît d’abord grâce au charisme d’un prophète. Il définit le charisme comme une qualité extra quotidienne attachée à un homme. Weber parle d’ «autorité charismatique» qui signifierait une certaine domination exercée sur les hommes. Les personnes qui ont reconnu cette autorité se plient en vertu de cette croyance en cette qualité extra quotidienne et influence exceptionnelle de cette personne particulière. «La légitimité de [sa] domination repose sur la croyance et l’abandon à l’extraordinaire, à ce qui dépasse les qualités humaines normales.» (278) Cette fascination exercée sur les personnes qui l’entourent est qualifiée de surhumaine.

Cependant, dans le cas d’une religion, la croyance s’évanouit ou risque de s’évanouir si l’autorité revendiquée disparaît (si la personne meurt ou si la personne perd sa qualité charismatique). Dans ce cas, il devrait y avoir la question de la succession. Celle-ci pouvait être réglée par une élection ou bien par la nomination d’une personne de la famille du prophète. Weber parle ici de charisme héréditaire. Pour le cas de la religion baha'ie, lorsque Baha'u'llah décède, c’est effectivement ‘Abdu'l-Baha qui lui succède et qui hérite de son charisme. Weber explique qu’avec la succession, c’est en général la mise en place de «règles», autrement dit d’une institutionnalisation et la mise en place d’une organisation. C’est exactement ce qui se passe avec ‘Abdu'l-Baha qui commence à établir l’ordre administratif de son père ; toutefois, la particularité de ‘Abdu'l-Baha est qu’il a continué à exercer ce charisme à l’instar de son père et à exercer une fascination sur les gens.

Comme nous l’avons vu dans les articles de journaux, ‘Abdu'l-Baha dégageait un grand charisme. Ces deux anecdotes de témoins de rue le démontrent également:
«Il était normal que son aspect attirât l’attention, mais bien plus, il appelait la vénération. Un cocher le remarquant, arrêta son fiacre et ôta sa casquette en signe de respect. Son geste fut reçu par ‘Abdu'l-Baha avec une grande courtoisie.
Un dimanche ‘Abdu'l-Baha alla dans un quartier miséreux de Paris, irrespectueux des conventions. Il avait été invité à s’adresser à une congrégation d’indigents dans le hall d’une mission. Sur son retour il croisa une foule bruyante. Il y avait un homme géant, agitant un gros morceau de pain. Dès que ses yeux se posèrent sur ‘Abdu'l-Baha il devint calme et silencieux. Puis, agitant encore une fois son morceau de pain, il se hâta de céder le passage pour ‘Abdu'l-Baha. «Faites place, faites place, Il est mon père, faites place» dit-il à ses compatriotes. La foule tumultueuse et bruyante se sépara, s’écarta, respectueuse et saluant. Souriant à ces hommes et ces femmes, ‘Abdu'l-Baha les appela «Ses chers amis» et les remercia profondément.» (279)


4. Des Parisiens baha'is

Les journalistes l’ont bien compris, ‘Abdu'l-Baha vient de cette lointaine Perse et il vient prôner un message de paix: il apporte la religion baha'ie. La plupart des Occidentaux pensent que c’est un mouvement purement iranien. Mais quelle n’est pas leur surprise lorsqu’ils apprennent qu’il y a des adeptes baha'is français !
«M. Hippolyte Dreyfus, à l’amabilité de qui je dois d’avoir approché ‘Abdu'l-Baha, est baha'i. C’est un homme du monde, vêtu en Parisien correct et qui, s’il parle le persan, écrit fort clairement le français. [...] Par quel chemin M. Hippolyte Dreyfus est-il allé au prophète persan ? C’est la question que se poserait tout profane.» (280)
«M. Hippolyte Dreyfus, l’adepte parisien le plus zélé du baha'isme» (281)

En effet on ressent que les journalistes avaient accepté et apprécié le fait qu’une nouvelle tendance provienne d’Orient, mais qu’elle s’implante aussi profondément chez leurs concitoyens, et qu’il existe des croyants d’origine française, les laisse perplexes. Un mois environ après l’arrivée de ‘Abdu'l-Baha à Paris, ce titre sort en gros caractères dans l’Excelsior: «Le Baha’ïsme fera-t-il la conquête de Paris (282) ?» (283) Ce titre, sous une forme provocatrice, ne peut manquer d’interpeller tout lecteur.

Par ailleurs, certains chroniqueurs nous informent qu’il y a une petite communauté de fidèles dans la capitale ; ils sont donc acquis à l’idée que des baha'is occidentaux existent:
«Ses fidèles de Paris vont l’entourer d’égards respectueux et tendres» (284) ; «le béhaisme, [...] c’est le nom d’une religion nouvelle qui a quelques fidèles à Paris» (285) ; «Après Paris où l’entoure déjà un petit troupeau de fidèles, ‘Abdu'l-Baha apôtre infatigable, traversera l’Atlantique pour aller aux Etats-Unis, où les baha'is se comptent déjà par centaine de mille.» (286)


Nous voyons que peu à peu, dans l’esprit de la presse, la religion baha'ie n’est pas restreinte à un mouvement venu d’Orient, mais qu’elle commence à avoir un écho en Occident, ce qui lui donne un intérêt d’ordre plus général et universel.


5. Articles illustrés de photographies où figure ‘Abdu'l-Baha

La photographie, une des inventions majeures du XIXème siècle, s’introduit de plus en plus dans les moeurs, en particulier dans cette société parisienne du début XXème siècle. C’est pourquoi nous avons trouvé de nombreuses photographies de ‘Abdu'l-Baha, que ce soit des photographies en tirages papier simples ou bien reproduites dans les journaux, parfois certaines sont même signées par des portraitistes et photographes renommés de l’époque (par exemple Boissonnas et Taponier.) La venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris est un événement très représenté au niveau de la photographie. On retrouve donc sa photo souvent en première page: soit en portrait, soit entouré d’autres personnages orientaux et occidentaux. En général, ces photos proviennent soit des premiers croyants qui possédaient un appareil, soit des journalistes eux-mêmes comme nous le prouvent cet extrait d’article de journal de 1911:
«Au moment où nous nous retirons, un photographe braquait son appareil sur un groupe dans lequel figuraient, autour du Maître, des Occidentaux et des Orientaux de différentes nationalités.» (287)

Dans le Paris-Journal du 8 novembre 1911, nous avons un portrait de cette figure charismatique (288). Dans l’Excelsior du 10 novembre 1911, une petite assemblée d’une quinzaine de personnes, debout, est représentée en page de couverture, autour de ‘Abdu'l-Baha qui est assis ; la photographie est imposante. On reconnaît aisément dans l’assistance de nombreux Persans mais aussi des Parisiens typiques. Le fait que cette photo soit présentée en première page indique que la presse accorde une importance particulière à cet événement (289). De plus, la plupart du temps, la photo est accompagnée par un titre en gros caractère, ce qui attire en général l’attention du lecteur. Ainsi en est-il également de La Petite République, du 10 novembre 1911, dans la rubrique «Courrier de La Presse» (290). Il semblerait que ce soit la même photographie qui ait servi pour les deux articles.


6. La foi baha'ie un mouvement de plus en plus connu et répandu: notion d’universalité dès 1911

Dans la plupart des articles entre 1911 et 1913 qui, nous l’avons vu, sont tous assez conséquents, un résumé historique de la foi baha'ie est écrit. Pour certains de ces articles, ‘Abdu'l-Baha et la foi baha'ie sont déjà connus du monde de la presse qui annonce que cette doctrine se répand au-delà de la Perse: «On commence à ne plus l’ignorer dans certaines contrées d’Europe.» (291) «Ces belles doctrines ont aujourd’hui franchi les barrières du monde musulman.» (292)

Les journalistes en ont au moins entendu parler:
«Je n’ai jamais vu ce mot écrit, et je ne l’ai jamais entendu prononcer que selon la prononciation anglaise, mais je l’ai entendu si souvent que je suis sûr au mois de sa sonorité.» (293)

Comme nous le démontre les citations suivantes, non seulement la religion baha'ie commence à être connue mais il est de plus en plus acquis que c’est une religion mondiale. A la date où cet article est écrit (1911), la toute jeune religion n’a qu’une soixantaine d’années, et pourtant certains journalistes soulignent qu’il y a déjà des millions d’adeptes. Une notion qui revient très souvent et qui est très bien transcrite par les journalistes est ce phénomène d’universalité, d’implantation de cette jeune foi dans tous les pays du monde.
- «Aujourd’hui, le Béhaisme marche avec des millions d’adeptes, sur tous les continents» (294)

- «Abdoul’Baha, apôtre infatigable, traversera l’atlantique pour aller aux Etats-Unis, où les baha'is se comptent déjà à des centaines de mille.» (295)
- «cette religion encore à son aurore qui s’intitule la Religion universelle» (296)
- «cette religion universelle qui nous conduira au règne de l’universelle fraternité» (297)
- «Abdoulbaha Abbas, fils de Bahaoullah, fondateur de la «Religion universelle»» (298)

La venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris a eu un retentissement considérable et décisif au niveau de la presse et cela a permis aux lecteurs parisiens d’être informé au sujet de cette nouvelle religion. Cependant la presse n’est pas la seule à s’être intéressée de près à cette figure charismatique. Son prestige a également interpellé certains grands intellectuels.


C) L’impact de ‘Abdu'l-Baha sur certains intellectuels de l’époque ainsi que sur d’autres sphères de la société

1. ‘Abdu'l-Baha et la foi baha'ie vus par certains intellectuels


HENRI BERGSON (1859-1941)

Henri Bergson est un célèbre philosophe matérialiste français, né à Paris. Il fut professeur au Collège de France, et parallèlement, assuma des tâches politiques durant la Première Guerre Mondiale. Il s’intéressa de près aux travaux sur la Société des Nations. Pour lui, l’intuition était le seul moyen de connaissance de la durée de la vie. La postérité retint le nom de Bergson pour le nombre considérable d’oeuvres philosophiques qu’il laissa derrière lui.
Henri Bergson, rencontra ‘Abdu'l-Baha lorsque ce dernier se rendit à Paris pendant son séjour de 1913. Cette rencontre est relatée dans un livre en persan, par un des compagnons de voyage de ‘Abdu'l-Baha (299). Dans ces mémoires, il est dit que Bergson, qui avait appris le séjour de ‘Abdu'l-Baha à Paris, souhaita le rencontrer. D’après Vali’u’llah Varqa, un rendez-vous avait été fixé entre ‘Abdu'l-Baha et le professeur Bergson et cela avait été mentionné dans un journal français. (300)Bergson s’était donc rendu au domicile de ‘Abdu'l-Baha en compagnie de quelques uns des adeptes de son école de pensée. Une discussion fut entamée concernant les matérialistes et les croyants:
«‘Abdu'l-Baha commença la conversation et déclara qu’entre les matérialistes et les croyants en Dieu il y avait une unité de vue sur une seule question: la création de toutes les choses existantes est due à une très grande force qui est hors de toute description ; la différence de vue entre ces deux groupes réside dans le fait que les matérialistes ont nommé Nature cette énorme puissance tandis que les croyants en Dieu ont nommé Dieu cette puissance créatrice et Intelligence absolue. Alors Bergson dit humblement que «si vous réconciliez ainsi les matérialistes et les croyants en Dieu, et si vous établissez la compréhension entre eux, nous en serions très reconnaissants»» (301)

Bergson fut un auteur très prolifique, que ce soit avant ou après 1913, lorsqu’il rencontra ‘Abdu'l-Baha. Nous pouvons nous demander, dans quelle mesure Bergson fut influencé par sa rencontre de 1913 et s’il existe un lien entre la profondeur spirituelle et mystique des dernières oeuvres de Bergson et sa rencontre avec ‘Abdu'l-Baha: comme dans l’Energie spirituelle (1919), Les deux sources de la morale et de la religion (1932).

MIRRA AL FASSA, DITE LA MERE (1878-1973)

Mirra Al Fassa est née à Paris d’un père turc et d’une mère égyptienne (302). Ce fut une personnalité hors du commun, qui fut vénérée en Inde sous le nom de «mère». Elle fut le disciple la plus proche et l’héritière directe de Sri Aurobindo, le grand philosophe indien, dont l’enseignement a eu une profonde influence spirituelle et morale sur l’Inde contemporaine. Ce dernier fut également très actif dans l’action révolutionnaire pour libérer l’Inde de la domination anglaise. Puis il arrêta la politique pour entièrement se consacrer au développement d’une spiritualité qu’il nomme le «yoga intégral». Alors qu’elle passa toute sa jeunesse à Paris, Mirra al Fassa entra dans le monde des artistes: elle était peintre et faisait de la musique (du piano.) Elle avait des dons incontestables et passait de longues heures à la méditation. Puis, avec son mari, elle fit un voyage en Inde où elle rencontra son «Maître» Sri Aurobindo. Elle resta à partir de 1920 en Inde où elle s’occupa des disciples. La «Mère» a relaté toute son expérience à un Français qui prit le surnom de Satprem ; les entretiens ont été enregistrés sur plus de deux cents cassettes audio. La retranscription de ces dernières a été publiée sous la forme de treize volumes intitulés L’agenda de la Mère. Auparavant la Mère avait édité plusieurs ouvrages: Entretiens 1950-1951 et Paroles d’autrefois. C’est dans cet ouvrage que nous apprenons que la Mère a rencontré ‘Abdu'l-Baha (303) alors que ce dernier était à Paris, en 1913:
«Lundi dernier Abdoul Baha nous a fait ses adieux ; d’ici bien peu de jours il aura quitté Paris, et je connais bien des coeurs qui sentiront un grand vide et seront attristés.» (304)

«J’ai beaucoup connu Abdoul Baha, qui était le successeur de Baha ullah. [...] Sa nature était excellente. Autant était-il simple, autant son aspiration était grande. Je l’aimais beaucoup...Sa sincérité et ses aspirations vers le divin étaient simples et très spontanées. Un jour quand je suis allée le voir, il devait faire une conférence à ses disciples.» (305)

DR HENRI DE FAREMOND

La venue de ‘Abdu'l-Baha a sans aucun doute eu un impact qui contribua à faire connaître la petite communauté baha'ie parisienne. Ainsi le docteur Farémond, un homme réputé de Fontainebleau, se pencha également sur le problème baha'i.
Une première lettre est probablement écrite à Edwin Scott, et date du 26 mai 1913:
«Bien cher Monsieur et Ami[...] Je considère la mission d’ Abdoul-Baha parmi nous comme la plus sainte, la plus grande, la plus complète, la plus pure parmi toutes celles qui font aujourd’hui effort pour nous apporter la Lumière de la Vérité et nous rendre meilleurs. [...] Lorsque vous m’écrivez voudrez vous bien me dire aussi quel jour et a quelle heure sont vos réunions si j’allais à Paris je ferai mon possible pour être des votre [sic]» (306).

Cette lettre nous montre que la seule venue de ‘Abdu'l-Baha pour diffuser le message, sans aucun prosélytisme agressif, a semé des graines puisque les personnes demandent des réunions pour obtenir des informations supplémentaires. Dr Farémond envoya également une missive à ‘Abdu'l-Baha, datée également du 26 mai 1913 «Au grand prophète ; au grand apôtre de Dieu ; Abdu’l-Baha.» (307) La réponse que ‘Abdu'l-Baha lui a faite n’a pas été retrouvée. D’après ces deux correspondances, nous savons que Henry de Farémond avait sympathisé avec les principes baha'is et était prêt à venir aux réunions d’informations tenus par les baha'is de la capitale.


2. L’impact sur d’autres sphères de la société/ Comment fut-il accueilli ?

Lors de ses différents séjours en France, ‘Abdu'l-Baha eut à côtoyer plusieurs groupes religieux, idéologiques ou libres-penseurs.

LES PROTESTANTS

Causerie au Foyer de l’âme, au Temple du Pasteur Wagner, le 26 novembre 1911.
‘Abdu'l-Baha a donné une causerie publiquement dans ce temple protestant. Elle est entièrement transcrite dans Les causeries de ‘Abdu’l-Baha à Paris et parle surtout des différentes manifestations divines qui sont toutes issues de la même source et qui sont venues pour la même mission: apporter un message destiné au progrès de l’humanité.

Le 17 février 1913, entrevue avec le Pasteur Monnier
Le Pasteur Henri Monnier (né en 1871) était Professeur à la Faculté libre de théologie protestante de Paris. Il était également le vice-président de la Fédération protestante de France, et Pasteur de l’Eglise du quartier de l’Etoile. Parmi ses nombreuses oeuvres, nous pouvons citer «Qu’est-ce que la Bible ?» «La Loi de sacrifice, Le Paradis socialiste et le Ciel.»

Nous avons pu retrouver le texte d’une interview avec le Pasteur Monnier sur le lien entre la foi baha'ie et la chrétienté. Cet entretien date du 17 février 1913. Plusieurs thèmes ont été abordés. Le pasteur Monnier posait des questions auxquelles ‘Abdu'l-Baha répondait en un long développement:
«Pasteur Monnier: Nous sommes très heureux de trouver parmi nous, [...] quelqu’un qui nous apporte un message divin.
‘Abdu'l-Baha: Celui qui est doté du pouvoir d’entendre devrait entendre les mystères de Dieu entre toutes choses, et toute la création lui transmettra le message divin.
Pasteur Monnier: Si vous nous permettez, nous voudrions poser une question: comme nous sommes étudiants en théologie, et dans les rangs du Clergé, nous voudrions connaître votre croyance sur le Christ. [...]Notre croyance à propos du Christ est exactement comme il est noté dans le Nouveau Testament.» (308)

La discussion se poursuit sur certains points religieux, notamment sur la question de la Trinité, sur les points communs entre le Christ et Baha'u'llah ... Cette rencontre est confirmée par une deuxième source: «Le 17 février [...] cette nuit, il visita le Séminaire théologique du Pasteur Monnier et répondit à ses questions.» (309)

C’est aussi lors de cet échange du 17 février 1913 que nous apprenons que l’un des professeurs protestants qui étaient présents, invita ‘Abdu'l-Baha à prendre part au Congrès International des Religions qui devait se dérouler à Paris au mois de juillet 1913, environ six mois plus tard:
«Professeur: Le Congrès International des Religions sera ouvert à Paris pendant le mois de juillet. Nous espérons que vous accepterez de prendre part dans les débats de ce Congrès.

‘Abdu'l-Baha: Cela va faire deux ans que j’ai quitté Haïfa. Je dois y retourner. Après quarante ans de confinement et deux ans de voyages incessants, mes capacités sont épuisées.
Professeur: L’invitation du Congrès vous sera envoyée, et nous espérons que vous pourrez écrire un message qui pourra être lu pendant la session.» (310)

Et effectivement, ‘Abdu'l-Baha ne pouvant pas assister physiquement à ce Congrès International, envoya un message de cinq pages (311) qu’il écrivit de Port Saïd, en Egypte «à l’Honorable Secrétaire du Sixième Congrès International des Chrétiens Libres et Progressistes et des autres religions libérales.» (312) Cette Conférence s’est tenue du 16 au 23 juillet 1913 à Paris et s’intitulait «le Sixième Congrès International des Libres penseurs religieux» (313) (incluant les Unitariens et autres penseurs et chercheurs religieux).

La lettre contient des remarques générales sur la nature de la religion, son rôle dans la civilisation, la louange du développement positif de la recherche scientifique moderne, le besoin pour les peuples religieux d’abandonner les dogmes inutiles.

LES THEOSOPHES

Nous avons retrouvé des traces du passage de ‘Abdu'l-Baha au Siège de la Société théosophique dans plusieurs revues théosophiques.

Ainsi dans Revue Théosophique française, Le Lotus Bleu, nous apprenons que ‘Abdu'l-Baha s’est rendu au siège de l’Avenue de la Bourdonnais, le 26 octobre 1911 (au numéro 59):
«Le mouvement théosophique en France a repris normalement son cours [...]. En ce qui concerne Paris, il y a toujours, au siège de l’Avenue de la Bourdonnais, 59 [...]. Il y a en outre, plus ou moins d’occurrences supplémentaires éventuelles, telles que la visite du Chef actuel des Béhaistes, Abbas Effendi, qui a eu lieu le 26 octobre, - et dont nous parlerons plus bas.» (314)

Après le passage de ‘Abdu'l-Baha, un article fut écrit dans les annales sous le titre «Réception du chef du mouvement babiste au siège théosophique de Paris». Cet article, d’une longueur d’environ deux pages, présente un historique de la foi babie et baha'ie. Il témoigne également de la bienveillance des théosophes envers la religion baha'ie: «la beauté des principes du babisme [...] ont attiré l’attention du monde entier sur ce mouvement.» (315)

De plus, les théosophes précisent, dans leur article, le bon accueil qui a été réservé aux baha'is: «notre secrétaire général souhaita en très bons termes la bienvenue à Abbas Effendi.» (316) et qu’il y avait un public assez nombreux: «où un bon nombre de théosophes s’étaient réunis.» (317) Puis, la suite de l’article mentionne le résumé du discours de ‘Abdu'l-Baha, comprenant une présentation des principes baha'is.

L’intégralité du discours donné par ‘Abdu'l-Baha au Siège théosophique a été retrouvé, dans les Annales théosophiques de 1911, qui sont un recueil des différentes conférences et travaux originaux produits par les publications théosophiques ainsi que dans les Causeries de ‘Abdu'l-Baha à Paris ce qui nous a permis d’avoir plus de détails quant à son intervention. Le secrétaire général à qui l’on fait allusion dans la Revue est M. Blech. Voici comment il introduisit ‘Abdu'l-Baha juste avant que ce dernier ne prenne la parole:
«Il y a quatre années déjà que, dans cette même salle, M.D.B (318) nous exposait les grandes lignes du Béhaïsme et ceux qui assistaient à sa conférence n’espéraient pas avoir l’honneur de connaître et de recevoir ici même, Abd-oul-Baha [sic], le grand et respecté prophète de ce réveil religieux et moral de l’Islam. Je suis heureux de pouvoir le saluer aujourd’hui en votre nom à tous et de lui donner l’assurance de notre respectueuse sympathie.» (319)

Cette présentation paraît très chaleureuse et avenante et prouve qu’il y a déjà une certaine collaboration entre les mouvements théosophe et baha'i. Après que ‘Abdu'l-Baha ait énoncé les douze principes de la foi baha'ie, cette entente est confirmée par les dires du secrétaire général qui est visiblement touché par la causerie:
«Les paroles de Abd-Oul-Baha sont trop belles pour que je m’autorise à parler après lui. Je crois être l’interprète de tous ici en le remerciant vivement des enseignements qu’il vient de nous donner. Nous sommes heureux de voir notre mouvement fraterniser avec cet autre grand et large mouvement du Béhaïsme ; cette fraternité sera certainement une aide considérable pour atteindre le but commun qu’ils poursuivent. Abd-Oul-Baha répond: Je suis reconnaissant des sentiments que vous exprimez. J’espère que ces deux mouvements seront bientôt répandus par la terre entière. Alors l’unité humaine aura planté sa tente au pôle du monde.» (320)

A la suite de cette conférence et des différents échanges qui ont eu lieu entre le secrétaire général et ‘Abdu'l-Baha , nous pouvons remarquer que ces deux mouvements ont une unité de vision et de nombreux points communs. Le secrétaire du siège théosophique et le chef actuel de la religion baha'ie se sont mutuellement appréciés et ont lancé un certain appel à collaborer ensemble.

Dans les Annales théosophiques, Amélie André-Gedalge, membre de la société théosophique, a donné une causerie dont le thème était: «La Littérature Mystique Musulmane» et ici aussi nous pouvons retrouver une mention à ‘Abdu'l-Baha et la religion baha'ie:
«Ses doctrines [du baha'isme] sont d’une grande pureté et d’une générosité remarquables. Elles sont empreintes d’un esprit de justice absolue et du sentiment de l’unité, qui, notre très respectée présidente, Mme Annie Besant, nous l’affirme, sera la caractéristique de la Race Future.» (321)

‘Abdu'l-Baha a eu également l’occasion de se rendre à Marseille et d’y faire également une conférence:
«En province, les branches de Marseille ont reçu le 6 décembre dernier, en leur siège central, Abdou: Bahal [sic], le chef des Béhaïstes y a parlé sur le matérialisme dans la manière simple, claire et juste qui lui est habituelle - et que nous avions aussi constatée à Paris.» (322)

Plus de six mois après le discours de ‘Abdu'l-Baha au siège théosophique, un article du Vahan parait en Angleterre, concernant la foi baha'ie. Le Vahan est le journal théosophique qui parait en Grande Bretagne: «Sur le béhaisme ; en réponse à une question, Mme Besant dit que la théosophie sympathise à tout mouvement de nature spirituelle, le Béhaïsme y compris.» (323) Annie Besant est une des fondatrices de la théosophie moderne, qui a importé le mouvement en France. Afin de préserver la théosophie, elle précise tout de même: «Il ne semble pas, poursuit-elle, y avoir de raison à ce que des théosophes entrent dans le béhaïsme, puisque la S.T. (324) donne tout ce que possède le premier et plus encore.» (325)

Alors que ‘Abdu'l-Baha est parti de France depuis environ huit mois, un article paraît sur lui dans le journal anglais, qui est repris dans la revue française. Ici encore, le baha'isme est décrit d’une manière chaleureuse et bienveillante, bien que l’auteur y porte un jugement de valeur car il pense que le baha'isme est comme une préparation qui aboutirait sur la théosophie:
«Dans l’éditorial, le distingué secrétaire général de la section anglaise parle de la nouvelle visite de Abdul Baha en Occident pour rendre hommage à ses nobles qualités ainsi qu’à la moralité manifeste de Béhaïsme ; il ajoute que cette dernière est d’autant meilleure qu’étant éminemment simpliste, sans grande connaissance à la clef, elle convient évidemment en ce moment même à un bien plus grand nombre de personnes que les données transcendantes, si positives qu’elles soient, de la théosophie progressement [sic]dite, laquelle conviendrait surtout aux âmes prédisposées déjà par une préparation antérieure. Ainsi le Béhaïsme peut contribuer à cette préparation même pour les personnes non encore au point, et la Théosophie achever ensuite de les mener au but final qui est le même pour tous les hommes. C’est absolument là notre avis, aussi.» (326)

Le Sixième Congrès international des libres penseurs religieux dont nous avons parlé dans notre paragraphe sur les protestants, est également mentionné dans les sources théosophiques. En effet, les théosophes ont aussi participé à ce congrès:
«Le Congrès de 1913 du Progrès Religieux. Ce Congrès, 6 (ème) de son genre - le premier datant de 1900 à Londres - a eu lieu du 16 au 21 (327) juillet dernier dans la grande salle des horticulteurs, rue de Grenelle, à Paris. [...] présidé par M.E. Boutroux, de l’Académie française. [...] La principale question traitée parut être de savoir si une religion universelle était désirable ou possible. M. Hippolyte Dreyfus vanta le béhaisme.» (328)

Les théosophes nous relatent donc que la foi baha'ie a été représentée par Hippolyte Dreyfus alors que les protestants ne mentionne qu’une lettre de ‘Abdu'l-Baha qui aurait été lue lors du Congrès.
Ces nombreux articles ou comptes-rendus parus dans la Revue Théosophique française ou dans les Annales théosophiques entre 1911 et 1913, dates des voyages de ‘Abdu'l-Baha en Occident, démontrent un certain intérêt de la communauté théosophique pour la foi baha'ie. Même si elle émet à plusieurs reprises la volonté de garder ses distances, elle révèle en tout cas sa réelle sympathie pour le mouvement.

LES ESPERANTISTES

La soirée du 12 février 1913, ‘Abdu'l-Baha fut invité par les Espérantistes à prendre la parole dans une réunion organisée spécialement pour lui. Malgré sa fatigue, il se rendit au «Modern Hotel» où se déroulait cette réunion et il fut très chaleureusement reçu par le Président des espérantistes qui l’introduisit de la sorte:
«C’est une grande joie et un honneur insigne d’avoir parmi nous Sa Sainteté ABDUL BAHA, Chef de la foi baha’ie. En ce qui concerne la nécessité d’une langue auxiliaire, il partage notre point de vue [...]. Nous espérons que la langue universelle sera la cause de l’unité du monde, de même que la foi mondiale baha’ie a unifié les âmes dans le domaine spirituel.» (329)

Un des principes de Baha'u'llah était l’adoption d’une langue auxiliaire et universelle pour que tous les peuples puissent se comprendre au-delà des frontières. Nous comprenons aisément la démarche des espérantistes qui ont invité ‘Abdu'l-Baha car ils étaient convaincus de cette nécessité et la mettaient en pratique avec l’espéranto.

L’ALLIANCE SPIRITUALISTE

Comme nous l’apprend cet article que Madame d’Ange d’Astre (330) a fait paraître dans Star of the West (331), «‘Abdu'l-Baha donna sa première conférence publique à Paris, en tant qu’invité à l’Alliance spiritualiste, le 9 novembre [1911].» (332) La conférence se déroula dans la salle de l’Athénée Saint-Germain (333): «[La salle] était bondée jusqu’aux portes par un public attentif et intéressé.» (334) Cette société avait pour objectif l’encouragement et le développement de la spiritualité. C’est ainsi que la présidente de la société de l’Alliance spiritualiste, Mme Jeanne Beauchamps, avait invité ‘Abdu'l-Baha et l’avait introduit en des termes des plus chaleureux ; de plus, en introduction, la foi baha'ie avait été présentée en des termes élogieux:
«Un court exposé avait été donné par Monsieur Le Leu, le Secrétaire Général qui insista sur les beautés de la révélation baha'ie, le mouvement spirituel le plus pur de tous les temps et le rôle qu’il devrait jouer dans le futur.» (335)

‘Abdu'l-Baha donna une causerie où il exposa les différents principes de Baha'u'llah dans un «langage coloré et imaginatif» (336). Il finit par chanter une prière pour tous ceux qui étaient présents. La réunion fut terminée par une appréciation positive de la révélation baha'ie de la part de M. Journet, un membre de l’Alliance spiritualiste. «En quittant le hall, chacun avait la sensation que cet après-midi avait été un succès complet.» (337) Une photographie est parue dans le journal concernant cet événement (338).

LES LIBRES PENSEURS

A l’époque, les trois grandes religions présentes en France étaient le catholicisme très largement majoritaire, le protestantisme et le judaïsme ; les autres religions étaient alors en nombre très infime. A côté de ces trois grandes religions grandissait lentement une autre minorité, d’abord infime elle aussi, mais qui prenait une ampleur grandissante: la catégorie des Libre penseurs. En ce début de XXème siècle, des hommes détachés de toute croyance et de toute pratique religieuse existaient. Parfois, ils s’adonnaient à une certaine quête spirituelle. Il n’est donc pas étonnant que cette catégorie ait éprouvé un certain intérêt pour le mouvement oriental qui commençait à être connu par l’intermédiaire de la presse de la capitale. Dans cette catégorie nous pouvons nous référer à Henri Bergson, de tendance spiritualiste, qui a rencontré ‘Abdu'l-Baha (339).

LES ORIENTAUX (IRANIENS) A PARIS

En 1911 comme en 1913, plusieurs dignitaires iraniens et ottomans, rendirent visite à ‘Abdu'l-Baha, comme Zillu’s-Sultan, le fils aîné de Nasredin Shah, réfugié dans la capitale française car il avait été banni par les constitutionnalistes perses ; ou encore le Pacha Rachid, ambassadeur turc à Paris.

Lady Blomfield écrit:
«Un jour, un certain homme, un persan de haute lignée, vint à ‘Abdu'l-Baha. «J’ai été banni de mon pays. Je vous prie d’intercéder pour moi, qu’il me soit permis d’y retourner.» (340)

Ce Persan de haute lignée était le prince Zillu’s-Sultan: il était gouverneur d’Ispahan au moment où de terribles persécutions à l’encontre des baha'is avaient eu lieu. Depuis, il avait été expulsé de son pays. Nous voyons qu’il se rendit devant ‘Abdu'l-Baha, mais cette fois-ci en position humble car ‘Abdu'l-Baha était une personnalité respectée et influente aux yeux des orientaux. Les rôles s’étaient inversés, les dignitaires les plus nobles se rendaient modestement devant ‘Abdu'l-Baha.

Le 29 janvier 1913, une semaine à peine après l’arrivée de ‘Abdu'l-Baha à Paris (pour son deuxième séjour), le Pacha Rachid, l’ancien gouverneur de la région de Beyrouth (et donc de St Jean d’Acre), puissant et redouté, dont les baha'is avaient eu à souffrir des actions arbitraires, demanda une audience privée à ‘Abdu'l-Baha, alors qu’il était devenu ambassadeur de l’empire ottoman. Il fut reçu très cordialement malgré toutes les souffrances qu’il avait fait endurer au baha'is. Comme le apporte ces témoignages, «c’est en faisant d’humbles courbettes qu’il quitta la pièce. Le Maître fit remarquer aux amis présents le changement de comportement de Rashid Pasha.» (341)

De nombreux étudiants iraniens ou orientaux se rendirent également auprès de ‘Abdu'l-Baha lorsqu’il séjournait à Paris. A l’époque un petit nombre d’étudiants iraniens étaient envoyés par le gouvernement persan afin qu’ils puissent suivre des études poussées et pouvoir revenir servir leur pays. Lors des trois séjours de ‘Abdu'l-Baha à Paris, ces étudiants s’empressèrent de rencontrer ‘Abdu'l-Baha pour obtenir ses conseils ou alors, pour certains, avoir eu le privilège de le rencontrer. C’est le cas de A. Achraf, un étudiant baha'i, qui témoigne de sa rencontre:
«On peut imaginer notre état d’âme lorsque après une attente si intense, nous accédâmes à la présence de ‘Abdu'l-Baha. [...] Après ces paroles, ‘Abdu'l-Baha dirigea son attention encore une fois vers nous quatre et nous prodigua ses conseils. Il nous recommanda de nous efforcer d’être distingués parmi tous, d’étudier de telle manière que les yeux des Iraniens s’en illuminent, et nous assura que les jeunes sont la source de l’espoir.» (342)

Au total, ‘Abdu'l-Baha est resté vingt-cinq semaines à Paris. Notre étude portant précisément sur la France et Paris, nous venons de considérer de manière détaillée cet aspect de son voyage ; toutefois, il est important de resituer ce séjour en France dans un périple beaucoup plus long en Occident: dans une autre partie de l’Europe et en Amérique du Nord.


D) Les autres destinations de ‘Abdu'l-Baha en Occident

1. La Grande-Bretagne


‘Abdu'l-Baha est venu à deux reprises en Angleterre: du 4 septembre au 3 octobre 1911 (principalement à Londres et un court moment à Bristol) et du 13 décembre 1912 au 21 janvier 1913 (Liverpool, Londres, Edimbourg capitale de l’Ecosse, Bristol). (343)

Pendant son séjour en Angleterre, ‘Abdu'l-Baha donna également de nombreuses causeries sur différents principes de la jeune religion universelle. Nous allons relater quelques faits qui nous paraissent importants pour les retombées que cela a pu avoir sur la capitale française étant donné la proximité des deux pays. Il fut hébergé chez Sarah Louisa Bomfield, une jeune femme qui avait accepté la foi de Baha'u'llah à Paris en 1907 ; elle habitait un appartement, au 97 Cadogan Garden, dans la capitale anglaise.

Lors de certaines journées mémorables, ‘Abdu'l-Baha s’adressa à de larges audiences dans des lieux de culte et de services sociaux. A Londres, le Pasteur du Temple de la Cité, le Révérend R.J. Campbell M.A., réputé en Angleterre pour ses pensées et son attitude libérales, invita ‘Abdu'l-Baha à s’adresser à sa congrégation:
«Le 10 septembre 1911, le premier dimanche après son arrivée en Angleterre, répondant au souhait du Pasteur, le révérend R.J. Campbell, ‘Abdu'l-Baha parla, du haut de la chaire du temple de la cité lors de l’assemblée du soir. Bien que la venue de ‘Abdu'l-Baha n’ait pas été annoncée, l’église était pleine à craquer. Peu oublieront l’image de cette figure vénérable vêtue de son habit oriental, montant les marches de la chaire pour la première allocution de sa vie lors d’une réunion publique. Que ce fut dans un lieu de culte chrétien en Occident avait en soi une profonde signification.» (344)

En effet, c’est à Londres, dans un temple protestant que ‘Abdu'l-Baha donna son premier discours public. Comme nous pouvons le constater, il reçut un très bon accueil et le révérend en charge du temple présenta ‘Abdu'l-Baha en des termes très élogieux:
«Nous, en tant que disciples du seigneur Jésus Christ, qui est pour nous et sera toujours la lumière du monde, voyons avec sympathie et respect chaque mouvement de l’esprit de Dieu dans le champs de l’humanité, et donc nous saluons ‘Abdu'l-Baha au nom de ceux qui partagent l’Esprit de notre Seigneur, et essaient de vivre leur vie dans cet esprit. Le mouvement baha'i est très ressemblant, je pense que je pourrais dire identique, au dessein spirituel de la chrétienté.» (345)

Cette introduction du révérend Campbell est très avenante et positive et démontre d’une certaine manière une certaine acceptation et tolérance envers ce nouveau message qu’est la foi baha'ie, en insistant sur le fait que les religions sont une, qu’elle proviennent de la même source et que, par conséquent, elles ont toutes de nombreuses similitudes entre elles.

Une semaine plus tard, à l’Eglise Saint Jean le divin à Westminster, le vénérable archidiacre Wilberforce organisa un office similaire, le 17 septembre 1911. ‘Abdu'l-Baha parla devant une assemblée de paroissiens. Il y eut également un accueil très ouvert, empreint d’une certaine émotion:
«L’assemblée fut profondément émue, et suivant l’exemple de l’archidiacre, s’agenouilla pour recevoir la bénédiction du serviteur de Dieu, qui se tenait debout, bras grands ouverts, sa voix merveilleuse s’élevant et retombant dans le silence avec toute la puissance de son invocation. L’archidiacre prononça ces mots: «En vérité l’Est et l’Ouest se sont rencontrés ce soir en ce lieu sacré.» (346)

Lors de son séjour, ‘Abdu'l-Baha se rendit également à la société théosophique à la demande de sa présidente Annie Besant ; il rendit visite au Lord Maire de la ville de Londres à la Mansion House. Le séjour de ‘Abdu'l-Baha à Londres fut très apprécié et son départ grandement regretté.


2. L’Amérique du Nord

‘Abdu'l-Baha arriva aux Etats-Unis le 11 avril 1912 jusqu’à son départ le 5 décembre 1912. Il resta environ huit mois sur ce continent, ayant visité plus de quarante états de la côte Atlantique à la côte Pacifique, ainsi que le Canada. Une communauté baha'ie était déjà fermement établie aux Etats-Unis et s’était démenée pour organiser le séjour de ‘Abdu'l-Baha. En effet, depuis 1893, où la première mention publique de la foi baha'ie avait eu lieu en Amérique, une petite communauté avait germé, se fortifiant de jour en jour. Le premier baha'i américain fut Thornton Chase. En peu d’années, il y eut des groupes de croyants dans différentes villes américaines. C’est ainsi que de nombreuses réunions publiques eurent lieu: «dans la seule ville de New York il fit des allocutions publiques et des visites officielles en cinquante-cinq endroits différents au minimum.» (347)Aux Etats-Unis aussi, la presse s’est énormément emparée de l’événement: dès le lendemain de son arrivée sa venue en Amérique faisait la une des journaux (348):
- dans le New York City Sun: «Le prophète des baha'is est ici» (349)
- dans le New York City Evening Mail: «Banni pendant cinquante ans, le leader des baha'is est ici: un philosophe persan encourage le vote de la femme et parlera de la paix» (350)
- dans le New York Evening World: «‘Abdu'l-Baha Abbas est ici pour parler de l’amour fraternel» (351)
- dans le New York Herald: «‘Abdu'l-Baha est ici pour convertir l’Amérique à sa doctrine pacifique» (352)
-dans le New York Times: «‘Abdu'l-Baha est ici» (353)

Il serait trop long de relater toutes les activités de ‘Abdu'l-Baha lors de son séjour en Amérique: il fit également des interventions dans plusieurs universités: Colombie, Howard et New York. Il participa à la quatrième conférence annuelle de l’Association nationale pour l’avancement des gens de couleur ; il parla dans des églises chrétiennes, des mosquées ou des synagogues et reçut à chaque fois un accueil chaleureux. Ici aussi, comme à Paris, il se rendit dans les quartiers pauvres de New York, à la mission Bowery.

Son séjour eut un impact déterminant pour la communauté américaine baha'ie, mais aussi pour tous ceux que ‘Abdu'l-Baha rencontra. Il fut en contact avec de nombreuses personnalités politiques, littéraires ou religieuses et eut à chaque fois un accueil très chaleureux: nous pouvons prendre l’exemple de Khalil Gibran qui rencontra ‘Abdu'l-Baha et qui fut bouleversé par sa rencontre.

‘ABDU'L-BAHA ET KHALIL GIBRAN

Khalil Gibran a rencontré ‘Abdu'l-Baha aux Etats-Unis. Nous pouvons nous demander dans quelle mesure il a eu un lien avec ‘Abdu'l-Baha. A-t-il reçu une influence de ce dernier? La plupart des oeuvres de Khalil Gibran ont été traduites en langue française et cela est donc important pour notre sujet car les lecteurs français avaient accès à ses oeuvres.

Khalil Gibran (1883-1931), est né au Liban et il s'installe aux Etats-Unis pendant les vingt dernières années de sa vie. Il est maronite (354). Toute sa vie est caractérisée par une oeuvre mystique très inspirée: une poésie de la réconciliation avec Dieu, avec l'humain ou avec soi-même. Le message qu'il transmet à travers tous ses écrits est quelque peu visionnaire. Il s'inspire de la sagesse orientale rendant hommage à la culture de ses ancêtres, mais il veut également faire un appel à la modernité dans un Liban corrompu. Immense poète, rénovateur de la littérature arabe, il est aussi un esprit révolté, dénonçant tous les conformismes et aspirant au changement social. Gibran est persuadé que pour arriver à la Vérité, une phase de rupture et de douleur est nécessaire. Auteur, poète et philosophe, il est également artiste peintre.

Il a écrit de nombreux ouvrages et certains d'entre eux mentionnent clairement ‘Abdu'l-Baha. En effet, ils se sont rencontrés lors du périple de ‘Abdu'l-Baha en Occident, alors que ce dernier s’était rendu à New York en 1912 (juste après son séjour à Paris, en 1911). Dans Sand and Foam [Le sable et l’écume], il écrit à propos de ‘Abdu'l-Baha: «Pour la première fois, j’ai vu une forme assez noble pour être un réceptacle de l’Esprit Saint.» (355)

Dans le monde des artistes qu’il fréquentait, Khalil Gibran connaissait une femme américaine de talent: Juliet Thompson. La famille de cette femme avait été proche du président des Etats-Unis Abraham Lincoln (356) et ses dons artistiques lui permirent de rentrer à la Maison Blanche pour peindre un portrait du Président Woodrow Wilson (357). Cette femme était de confession baha'ie et elle aurait prêté les oeuvres de Baha'u'llah en arabe à Gibran (358), traitant de l’unité des religions et de leur commune vérité, ce qui rejoignait les propres croyances de Gibran. Ce dernier déclara que les écrits arabes de Baha'u'llah étaient «la littérature la plus merveilleuse jamais écrite.» (359)Cette artiste baha'ie fit en sorte que lors du passage de ‘Abdu'l-Baha à New York, Khalil Gibran puisse le rencontrer, et même le peindre. Khalil Gibran dit: «Je dois dessiner ‘Abdu'l-Baha. Son portrait est aussi nécessaire à ma série que celui de Rodin.» (360)

C’est ainsi que plusieurs rendez-vous furent pris et Gibran put faire le portrait de ‘Abdu'l-Baha. Il relate:
«Il n’y a pas de mots pour décrire sa paix ineffable... Car enfin nous voyons la divinité incarnée. Divinement il tournait sa tête d’un enfant à l’autre, d’un groupe à l’autre. Combien j’aimerais pouvoir décrire ce mouvement de la tête, un mouvement oh, si tendre, avec cette indescriptible grâce céleste rendue par Léonard de Vinci dans son Christ et la Cène - dans l’étude de la tête -. Mais chez ‘Abdu'l-Baha irradié par des sourires et un soulèvement de ses yeux remplis de gloire, que même Léonard, à cause de tout son mystère, n’aurait pu peindre. L’essence même de la compassion, la tendresse la plus poignante est dans ce mouvement de la tête.» (361)
«Il est un très grand homme. Il est complet. Il y a des mondes dans son âme.» (362)

Ici aussi, nous retrouvons le même phénomène que nous avions déjà trouvé avec d’autres personnages qui sont rentrés en contact avec Baha'u'llah ou ‘Abdu'l-Baha. Nous retrouvons donc ce charisme qui leur est propre et qui crée autour d’eux cette aura et cette attirance de quiconque entre en leur présence. Khalil Gibran a ressenti en rencontrant et en peignant ‘Abdu'l-Baha une impression ineffable qu’il ne manque pas de faire partager dans plusieurs de ses oeuvres.

LA RENCONTRE AVEC LE PASTEUR IVES

Nous consacrons un paragraphe pour relater la rencontre du Pasteur Ives avec ‘Abdu'l-Baha car cette rencontre est doublement intéressante pour notre étude. Non seulement le Pasteur Ives est un Occidental et donc cela nous permet de connaître son point de vue face à ‘Abdu'l-Baha mais aussi car la rencontre, qui a été minutieusement relatée par le Pasteur, donna naissance à un ouvrage édité en français sous le nom: Les voies de la liberté (363). Howard Colby Ives était pasteur de l’Eglise unitarienne, et comme il se définit lui-même:
«Pour moi, homme d’âge moyen, pasteur de l’Eglise unitarienne, qui étudiais, depuis ma jeunesse les religions et les systèmes philosophiques, je reçus de cette expérience un choc, comme celui d’un cataclysme.» (364)

Le pasteur Ives relate dans cet ouvrage sa rencontre avec ‘Abdu'l-Baha lorsque ce dernier se rendit aux Etats-Unis en 1912, pendant huit mois. Ils se rencontrèrent pour la première fois à New-York. Ce livre se veut le témoin d’un bouleversement spirituel dans la vie du pasteur, ainsi que de la transformation qui s’est opérée dans son être intérieur, après avoir rencontré ‘Abdu'l-Baha. Ives devint baha'i pendant le séjour de ‘Abdu'l-Baha aux Etats-Unis et dans son témoignage, nous pouvons déceler l’intensité de son émotion d’avoir rencontré ‘Abdu'l-Baha: «J’avais enfin trouvé mon Père ! » (365)


Ainsi, Ives nous rapporte la toute première fois où il entraperçut ‘Abdu'l-Baha:
«Le grand jour arriva enfin. Je [...] m’efforçai du moins de l’apercevoir à une réception que des amis baha'is donnaient spécialement en son honneur. Je ne réussis qu’à l’entrevoir. Les amis et les curieux se pressaient si nombreux autour de lui qu’il tait difficile de franchir la porte. Je me souviens seulement du silence impressionnant qui régnaient, chose rare en de semblables occasions. [...] A la fin, je réussis à me frayer un chemin plus avant et, par-dessus l’épaule de quelqu’un, aperçus ‘Abdu'l-Baha pour la première fois. Il était assis. [...] Ce qui m’impressionna tout d’abord et que je n’ai jamais oublié, c’était son air d’ineffable majesté, mêlé d’exquise courtoisie. [...] Quelle douceur et quel amour émanaient de sa personne ! Jamais encore je n’avais rien vu de pareil !» (366)

Le séjour de ‘Abdu'l-Baha aux Etats-Unis fut également fondamental pour l’expansion et la consolidation de la foi baha'ie en Occident puisque c’est lors de son passage que la première pierre de la «maison d’adoration» (367) ou temple baha'i fut posée sur les bords du Lac Michigan près de Chicago (368). Shoghi Effendi écrit dans son ouvrage qui relate les cent premières années de l’histoire baha'ie: «Les voyages historiques de ‘Abdu'l-Baha, et en particulier sa tournée de huit mois aux Etats-Unis d’Amérique, peuvent être considérés comme marquant l’apogée de son ministère.» (369)


3. L’Allemagne

Toujours dans le cadre de son long périple occidental, ‘Abdu'l-Baha se rendit à Stuttgart à deux reprises. Ses séjours furent très brefs mais eurent un impact certain ; il encouragea l’apprentissage de l’espéranto pour une meilleure communication entre des personnes issues de pays différents: «sur l’invitation du Professeur Christale, président des espérantistes d’Europe, il prit la parole devant une grande assemblée, au club espérantiste.» (370)


4. L’Autriche

Il demeura quelques jours à Vienne, la capitale autrichienne ; il parla devant une assemblée de théosophes.


5. La Hongrie

Il s’entretint avec le président de l’université de Budapest, rencontra plusieurs fois le Professeur Arminius Vambery, orientaliste célèbre et fit également un discours à la Société de théosophie hongroise (371).

D’après ce que nous venons d’étudier, une impression profonde est restée dans l’esprit et la mémoire d’hommes et de femmes de toutes sortes et de toutes conditions ayant rencontré ‘Abdu'l-Baha que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord. La sympathie qui émanait de sa personne s’avéra être en chaque circonstance aussi utile que son discernement et sa perspicacité pour traiter de difficultés, fussent-elles subtiles ou évidentes. Quelquefois dans des discours brefs mais magistraux, ou d’autres fois par le biais de questions et de réponses, des thèmes d’intérêt particulier ou général furent exposés et expliqués à toutes sortes d’auditeurs: individus, groupes ou à la presse. Pour la France, tout comme les autres pays occidentaux visités, la visite de ‘Abdu'l-Baha fut primordiale pour la consolidation et l’enracinement de cette toute jeune religion. Les communautés en ressortirent fortifiées, avec des lignes d’action et une vision plus claire et d’une manière beaucoup plus générale, de nombreuses personnes prirent connaissance de ce mouvement jusqu’alors inconnu grâce à une presse qui s’y intéressa de près.

Bien que cela puisse paraître paradoxal, les propos de ‘Abdu'l-Baha, homme proche de soixante-dix ans, dont la culture et l’environnement étaient exclusivement persans, venant du Moyen Orient et qui de plus avait passé toute sa vie en exil et en emprisonnement, étaient d’une actualité étonnante et paraissaient adaptés aux différentes tranches d’âge et classes du monde occidental.


IV/ Le développement de la minorité religieuse en France

A) Le retour de ‘Abdu'l-Baha en Terre Sainte ; ses derniers jours

1. La fin des voyages de ‘Abdu'l-Baha


Le 5 décembre 1913, ‘Abdu'l-Baha termina ses voyages historiques en Occident et, après être resté plusieurs mois en Egypte, il retourna à Haïfa, en Palestine.

CONJONCTURE MONDIALE

Pas moins de six mois plus tard, la première Guerre mondiale éclata et pendant plus de quatre ans, le monde s’engagea dans une guerre d’une férocité et d’une ampleur jamais atteintes auparavant. Ce conflit, connu sous le nom de la Grande Guerre, puis première Guerre mondiale, mit en évidence les rivalités économiques, coloniales et militaires des puissances européennes. Alors qu’il était au Canada en 1912 ‘Abdu'l-Baha avait fait une déclaration à l’approche de cette guerre:
«Toute l’Europe est un camp armé. Ces préparations belliqueuses aboutiront nécessairement à une grande guerre. Les armements eux-mêmes sont source de guerre. Ce grand arsenal doit exploser. Il n’y a rien de prophétique en cela, c’est basé sur la simple observation.» (372)


Les dirigeants du monde marchaient droit vert la conflagration universelle. Ils avaient mis les grands progrès accomplis par la science et la technologie au service de leur ambition, devenant des moyens d’obtenir l’avantage militaire sur leurs rivaux.

L’assassinat à Sarajevo, en août 1914, de l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie fut l’étincelle qui mit au jour ces rivalités. En quelques mois des conflits éclatèrent en Europe, en Afrique et en Asie. L’Europe orientale également ne fut pas épargnée: entre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie d’une part et la Russie de l’autre. La guerre s’étendit à l’Asie lorsque la Turquie (aux côtés de l’Allemagne) attaqua la Russie fin 1914.

OU LE CONFLIT CONCERNE LES BAHA'IS

La Turquie menaçait d’attaquer également la Syrie et la Palestine (373) où ‘Abdu'l-Baha était revenu de ses voyages occidentaux pour s’installer définitivement. La Palestine appartenait alors à l’Empire ottoman et s’était rigoureusement renfermée sur elle-même. Depuis 1917, de nombreuses troupes britanniques s’étaient installées en Palestine et notamment à Haïfa, démontrant ainsi l’imminence du danger. Les baha'is dans le monde étaient très inquiets pour ‘Abdu'l-Baha.

‘Abdu'l-Baha et la foi baha'ie dans son ensemble, bénéficiaient, depuis les voyages occidentaux de ce dernier, d’une certaine notoriété et ses séjours étaient connus dans le monde diplomatique, comme le stipule ce télégramme du général Allenby daté du 23 septembre 1918: «Ai aujourd’hui pris la Palestine, Annoncez au monde que ‘Abdu'l-Baha est sain et sauf.» (374) D’autres dépêches montrent également que le sort des baha'is est une préoccupation politique et diplomatique: le ministre des Affaires étrangères français, Stéphen Pichon s’inquiète de la situation des baha'is en 1918: «Pourriez-vous informer ce que sont devenus béha’is persans groupés antérieurement à Saint Jean d’Acre autour de ‘Abdu'l-Baha ?» (375). La tournure de cette dépêche peut laisser à supposer que d’autres dépêches ont circulé en France, concernant les baha'is. George Picot, le haut commissaire français à Beyrouth, répondit à cette missive de manière très rapide (uniquement trois jours de délai) par les termes suivants, ce qui montre l’intérêt de la France pour la minorité baha'ie: «Abdul Beha est en bonne santé, il continue à résider [à] Acre avec ses partisans qui n’ont pas été inquiétés par la guerre.» (376)

Bien que cette dépêche nous affirme que les baha'is n’ont pas été inquiétés par la guerre, nous apprenons par d’autres sources que de dures privations et de graves dangers pesèrent sur la population palestinienne, y compris sur ‘Abdu'l-Baha et les baha'is:
«Les privations infligées aux habitants [...] furent aggravées par les rigueurs d’un sévère blocus. Les risques d’un bombardement de Haïfa par les alliés étaient constants et devinrent si menaçants, à un moment donné, qu’ ‘Abdu'l-Baha dut se réfugier temporairement, avec sa famille et les membres de la communauté locale au village d’Abu Sinan. Le pacha Jamal, commandant en chef turc, brutal, tout-puissant et dénué de scrupules, ennemi invétéré de la foi, avait déjà, poussé par ses soupçons sans fondement et à l’instigation des ennemis de cette foi, cruellement tourmenté ‘Abdu'l-Baha, et il avait même fait part de son intention de le crucifier et de raser le tombeau de Baha'u'llah.» (377)

Pendant toute la durée du conflit, ‘Abdu'l-Baha n’a cessé d’oeuvrer pour le bien être des populations subissant la guerre, appliquant ainsi concrètement les principes défendus par son père et par lui-même. C’est ainsi, par exemple, qu’il a organisé un vaste projet de développement agricole près de Tibériade (en Palestine). Cela a permis de fournir une vaste récolte de blé à la région, et a empêché la population de mourir de faim. Les autorités britanniques rendirent hommage à ‘Abdu'l-Baha pour cette action, et il se vit conférer le titre de Chevalier de l’ordre britannique par le général Allenby, le 27 avril 1920, lors d’une cérémonie en son honneur à la résidence du gouverneur britannique de Haïfa, en présence des différents notables de la communauté (378). Cet événement est significatif car il démontre la notoriété que possédait ‘Abdu'l-Baha dans un milieu européen, proche de la France et il est certain que ce titre contribua à hausser le prestige de la religion baha'ie d’un point de vue occidental.


2. Le décès de ‘Abdu'l-Baha le 28 novembre 1921 et sa succession

L’HOMMAGE A UNE GRANDE PERSONNALITE

Plus la fin de ‘Abdu'l-Baha approchait, plus des signes témoignaient d’un développement croissant de la religion baha'ie, à l’est comme à l’ouest, que ce soit par la formation et la consolidation des institutions administratives locales ou par la multiplication des activités, conférences et réunions.

Sa mort est un événement important car il démontre combien ‘Abdu'l-Baha était devenu une figure renommée et respectée dans le monde. Il est décédé à Haïfa aux premières heures du 28 novembre 1921 alors qu’il avait soixante dix-huit ans et est enterré dans le mausolée sur le mont Carmel auprès du Bab. (379) Son petit-fils Shoghi Effendi raconte la nouvelle de son décès:
«La nouvelle de sa fin si soudaine, si inattendue, se répandit comme une traînée de poudre à travers la ville et fut transmise sur le champ, par télégramme, aux régions lointaines du globe où elle frappa de douleur la communauté des disciples de Baha'u'llah, en Orient et en Occident. Des messages venus de près et de loin arrivèrent en masse, émanant aussi bien de personnalités que de gens simples, sous forme de télégrammes et de lettres, apportant aux membres d’une famille accablée par un inconsolable chagrin des témoignages de louanges, de dévotion, de peine et de sympathie.» (380)

Ce qui s’ensuivit témoigne de la grande influence qu’il avait sur son entourage:
«le lendemain, un vaste rassemblement de milliers de personnes, représentant les peuples et les sectes composites de la région, suivit le cortège funéraire en remontant les pentes du Mont Carmel dans un état de sincère désolation, telle que la ville n’en avait jamais vu de pareil auparavant. Il était conduit par des représentants du gouvernement britannique, des membres du corps diplomatique et les chefs de toutes les confessions de la région, dont un grand nombre prit part à la cérémonie dans le mausolée du Bab. Une telle explosion de chagrin, sans retenue et unanime, traduisait le sentiment soudain d’avoir perdu la figure exemplaire qui était le symbole de l’unité dans un pays révolté et divisé. A tous ceux qui pouvaient voir avec leurs yeux, elle se présentait comme l’apologie irrésistible de la véracité de l’unité de l’humanité que le Maître avait inlassablement proclamée.» (381)

«Quant aux obsèques mêmes, qui eurent lieu le mardi matin – des obsèques comme la Palestine n’en avait jamais vues -, dix mille personnes au moins y assistèrent, représentant toutes les classes, religions et races dans ce pays.» (382)

Sir Ronald Storrs, gouverneur de Jérusalem à l’époque, témoigne: «Je n’ai jamais vu une manifestation unanime de respect et de regret comme celle que souleva l’extrême simplicité de la cérémonie.» (383)

La presse s’empara également de cet événement. Les journaux mentionnèrent le décès de ‘Abdu'l-Baha, lui rendant ainsi un dernier hommage. En France, nous apprenons que le Temps (384)a écrit un article à ce propos:
«Un grand nombre de journaux, de langues et de pays divers, tels que le «Times» de Londres, le «Morning Post», le «Daily Mail», le «New York World», le «Temps», le «Times of India» et d’autres payèrent leur tribut à celui qui avait rendu des services aussi marquants qu’impérissables à la cause de la fraternité humaine et de la paix.» (385)

De nombreuses lettres de condoléances furent envoyées à la famille de ‘Abdu'l-Baha mais également aux baha'is. En France, nous avons retrouvé cette lettre du Pasteur Marnier, de l’Eglise Réformée Evangélique du quartier de l’Etoile, à Paris, datée de novembre 1921, adressée à une baha'ie américaine Edith Sanderson qui a séjourné à Paris:
«Eglise Réformée Evangélique de l’Etoile, Neuilly, le 10 novembre 1921 (386), 106 avenue du Roule:
Chère Mademoiselle,
J'ai appris avec une douloureuse émotion la mort du Maître. C'est une étoile qui s'éteint au firmament spirituel de l'humanité. Nous gardons un souvenir recueilli de sa visite dans notre maison. Il laissait partout sur son passage une bénédiction. Il était de ceux dont la présence révèle Dieu.
Nous sentons quel vide doit se créer dans votre coeur. Vous à qui il a tant donné, le monde doit vous paraître bien solitaire.
Mais vous savez que, dans l'invisible, ceux qui nous ont quitté agissent et qu'ils sont plus puissants encore. Que le Dieu dont il était l'instrument ici-bas vous donne sa consolation et sa paix.
Croyez, chère Mademoiselle, à ma profonde sympathie, à laquelle ma femme ajoute un message très particulier, et à mon respectueux dévouement.
Signé: H. MARNIER
J'aimerais beaucoup parler de lui avec vous.» (387)

LA CONTINUITE DE L’ALLIANCE

Alors que son père, Baha'u'llah, avait laissé dans son testament, la mention clairement explicite que les fidèles devaient désormais se tourner vers ‘Abdu'l-Baha, centre de l’alliance, ce dernier, à son tour, laissait un testament, véritable charte développant les structures administratives de l’ordre mondial baha'i. Il était également préoccupé par les risques de schismes religieux après sa mort: son testament complète l’alliance établie par Baha'u'llah. Dans ce document, ‘Abdu'l-Baha désigne le plus âgé de ses petits fils, Shoghi Effendi Rabbani pour lui succéder comme Gardien de la foi baha'ie.

«O vous les fidèles bien-aimés d’‘Abdu'l-Baha ! Il vous incombe de prendre le plus grand soin de Shoghi Effendi [...] car après ‘Abdu'l-Baha c’est lui le Gardien de la Cause de Dieu. [...] Qui ne lui obéit pas n’a pas obéi à Dieu ; qui se détourne de lui s’est détourné de Dieu.» (388)

Le «gardiennat» était une institution prévue par Baha'u'llah lui-même et faisait de Shoghi Effendi l’interprète des enseignements baha'is.

SHOGHI EFFENDI: UN PONT ENTRE L’ORIENT ET L’OCCIDENT...

Né à Saint Jean d’Acre le 1er mars 1897, Shoghi Effendi a passé une bonne partie de sa petite enfance aux côtés de ‘Abdu'l-Baha. Plus tard, alors qu’il était étudiant, il suivit les cours de l’Université américaine de Beyrouth puis ceux de l’Université d’Oxford en Grande-Bretagne, où il acquit une parfaite maîtrise de la langue anglaise et de la culture occidentale. C’est pendant le ministère de Shoghi Effendi que la foi baha'ie devient véritablement une religion mondiale. Lorsque ‘Abdu'l-Baha est décédé en 1921, il y avait cent mille baha'is dans le monde. La plupart d’entre eux vivaient en Iran ou au Moyen-Orient. Une poignée de disciples vivaient en Inde, en Europe et en Amérique du Nord. Environ trente-six années plus tard, au moment du décès de Shoghi Effendi en 1957, le nombre de baha'is était passé à quatre cent mille environ, résidant dans plus de deux cent cinquante pays, territoires et colonies. (389) Le Gardien de la foi baha'ie écrivit plusieurs lettres pendant son mandat, où il donna des orientations concernant le système d’élections et de prise de décision collégiale qui est devenu l’une des caractéristiques de la foi baha'ie. Il écrivit des lettres aux nouvelles institutions administratives baha'ies pour leur expliquer les implications des enseignements de Baha'u'llah sur des questions se rapportant aussi bien à la vie de famille qu’à la vie en société. Ces lettres représentent pour le monde baha'i, une source constante d’encouragement et d’appui.


B) Un ordre administratif baha'i qui commence à s’établir sur le sol français

Une des particularités de la foi baha'ie est qu’elle n’a pas de clergé. Comment alors, une fois ses fondateurs décédés, la jeune religion a-t-elle pu se maintenir ? De quelle manière est-elle organisée ?

1. L’ordre administratif prévu par Baha'u'llah

Avant de nous concentrer sur le cas français, il est intéressant pour notre étude de connaître quelques éléments de l’ordre administratif prévu par Baha'u'llah. Les adeptes de cette religion pensent que ce système d’organisation est la base d’un nouvel ordre du monde qui doit unir tous les peuples et établir la paix et la justice sur terre. La foi baha'ie n’a pas de clergé, ni de directeur de conscience mais elle n’est pas pour autant une religion désorganisée où les croyants sont livrés à eux même. Il existe toute une vie communautaire qui est régie par des règles et lois simples, d’ordre social et spirituel. L’ordre administratif est fondamentalement différent de tout ce qu’aucun prophète a antérieurement établi: Baha'u'llah lui-même, de son vivant, en a révélé les principes, établi les institutions, et conféré l’autorité nécessaire à un corps désigné pour compléter et appliquer les ordonnances législatives. Cette nouveauté par rapport aux grandes religions monothéistes du passé a permis qu’aucun schisme ou différend ne s’élèvent au sein de la communauté des fidèles.

Deux piliers fondamentaux composent ce système: le «pilier nommé» et le «pilier élu» (390). Ces deux parties travaillent étroitement ensemble pour aider à la croissance et au développement de la communauté baha'ie mondiale. Elles opèrent à trois niveaux: local, national et international.

LE CORPS ELU

* Au niveau local:
Chaque année, dans chaque ville où résident au moins neuf baha'is de vingt et un ans et plus (391), un conseil est élu par l’ensemble des baha'is de la ville: l’assemblée spirituelle locale. Toutes affaires locales appartenant à la Cause doivent se référer directement et immédiatement à cette assemblée pour consultation et décision. Il est intéressant de décrire le fonctionnement de l’assemblée spirituelle locale car elle présente des caractéristiques qui se retrouvent au niveau national et international. Le champ d’action est défini par les frontières municipales établies par l’administration du pays. En d’autres termes, tous les baha'is qui vivent dans la circonscription d’un village, d’une ville, d’une métropole, ou d’un district particulier sont considérés comme relevant de la juridiction de l’assemblée spirituelle locale de cette circonscription. L’assemblée spirituelle locale est élue à scrutin secret. Chaque année, en avril, tous les baha'is adultes de la communauté se rassemblent pour procéder à l’élection.

L’aspect étonnant de ce processus est l’absence de liste électorale ou d’un système quelconque de candidature. En effet chaque adulte (plus de vingt et un an) de la communauté baha'ie est éligible à l’assemblée spirituelle locale. Pour être élu, il n’est pas nécessaire de recueillir de majorité: ce sont les neuf individus qui ont enregistré le plus grand nombre de voix qui sont sélectionnés. A l’heure actuelle, les assemblées spirituelles locales gèrent plusieurs activités qui constituent l’essence de la vie communautaire baha'ie: éducation des enfants, service d’entraide, manifestations sociales, célébrations des jours saints, mariages, enterrements. Certaines assemblées spirituelles locales s’occupent également de projets de développement dans les domaines de l’éducation, de l’économie, ou de l’environnement.

* Au niveau national:
L’assemblée spirituelle nationale dirige les affaires de la foi baha'ie d’un pays. Elle se forme dès qu’il existe une base suffisante d’assemblées baha'ies locales dans un pays ou un territoire donné. Le nombre des assemblées spirituelles nationales augmente donc en même temps que cette foi se développe. Ce conseil de neuf membres est élu chaque année par des délégués qui s’assemblent en convention nationale. Les délégués sont élus eux-mêmes par un système de convention régionale. Tout comme pour les assemblées locales, les candidatures sont interdites, ainsi que les campagnes électorales. Les assemblées spirituelles nationales sont chargées de l’orientation et de la coordination des activités baha'ies dans un pays donné. Leurs tâches vont de la mise en oeuvre et l’administration de projets de développement économique et social de grande envergure à l’édition de livres, l’entretien des relations avec leurs gouvernements nationaux respectifs et la coordination de la collaboration avec d’autres groupes religieux et organisations non gouvernementales et coopération avec les assemblées nationales des autres pays. En France, la première assemblée spirituelle nationale fut élue en 1958.

* Au niveau international:
Au sommet de la structure administrative baha'ie se trouve la Maison universelle de justice. Elle est l’institution élue la plus importante. Elle doit guider la communauté baha'ie dans son ensemble. Elle est composée de neuf membres qui sont élus tous les cinq ans par tous les membres de toutes les assemblées spirituelles nationales. Selon l’ordre établi par Baha'u'llah, La Maison universelle de justice est habilitée à légiférer sur toutes les questions que Baha'u'llah lui-même n’a pas traitées. Le siège de la Maison universelle est située en Terre sainte: sur le mont Carmel à Haïfa, en Israël, non loin du mausolée du Bab.
Au moment du décès de Shoghi Effendi, en 1957, la religion baha'ie avait une base suffisante d’assemblées spirituelles nationales et locales pour permettre l’élection de la Maison universelle de justice. La première Maison universelle de justice fut établie le 21 avril 1963.

* Les élections baha'ies:
Elles se déroulent à bulletins secrets. Candidatures, campagnes électorales, nominations sont contraires à l’esprit et au but des élections baha'ies et sont donc interdites. Le droit de vote est considéré comme une responsabilité sacrée dont aucun croyant ne devrait être privé à moins qu’il n’ait commis quelque action contraire à l’esprit baha'i et qui aurait pu nuire à celui-ci (392). Pour éviter la division et la rupture, et pour que la Cause ne soit pas la proie d’interprétations contradictoires, que ses affaires soient conduites avec efficacité et promptitude, il est fortement préconisé que chacun prenne consciencieusement une part active dans l’élection de son assemblée et se conforme à ses décisions. Les baha'is vont baser leur critère d’élection non pas à la suite des points de revendications d’une liste électorale, mais par rapport aux qualités que doivent posséder ces individus. Les électeurs ne doivent inscrire que les noms «de ceux qui, au mieux, peuvent cumuler les qualités indispensables de loyauté à toute épreuve, de dévouement désintéressé, d’esprit large, de raisonnement clair, de savoir-faire reconnu et mûr d’expérience.» (393)

LE CORPS NOMME

Comme nous l’avons vu, dans ce système administratif, l’accent est mis sur le groupe, par opposition au pouvoir individuel. Pour compléter ce corps élu, des individus sont spécifiquement choisis pour leurs capacités et leur expérience. Ces personnes jouent un rôle spécial dans les idées et les conseils qu’elles apportent à la communauté. Elles n’ont aucun pouvoir de décision, mais leurs idées et leurs points de vue sont souvent recherchés par les organes de décision élus.

* Les Mains de la Cause de Dieu:
Cette appellation a été donnée à quarante-sept personnalités dans l’histoire de la foi baha'ie. Nommées d’abord par Baha'u'llah lui-même, puis par Shoghi Effendi, ces personnes sont aujourd’hui peu nombreuses (394). Shoghi Effendi en nomma plusieurs dizaines avec comme mission de protéger et de conseiller la communauté baha'ie en pleine croissance.

* Le Centre international d’enseignement (395):
Nommé par la Maison universelle de justice, les membres de cette institution sont à l’origine d’un nombre croissant d’activité d’enseignement et de projets de développement dans le monde entier. Ils continuent en quelque sorte les tâches des Mains de la Cause.

* Le Corps continental des conseillers (396):
Tous les cinq ans, la Maison universelle de justice nomme des conseillers dans chaque continent pour aider les assemblées spirituelles nationales dans leur travail, pour encourager les baha'is et les aider.

* Le Corps auxiliaire (397):
Dans chaque pays, des membres du Corps auxiliaire sont nommés par les conseillers continentaux pour les assister dans leur tâche. Ces auxiliaires et leurs assistants travaillent à la base avec les membres de la communauté et les assemblées locales pour aider à promouvoir la foi baha'ie.

Les baha'is pensent qu’en s’épanouissant et en se consolidant, l’ordre administratif baha'i peut être considéré comme le noyau du nouvel ordre mondial: «il est la seule charpente du «commonwealth» baha'i dans l’avenir qui sera à la fois l’instrument et le gardien de la Plus grande paix annoncée par son auteur.» (398)


2. Comment cet ordre administratif s’est-il développé en France ?

Il y a eu un ancrage progressif de la religion baha'ie dans le paysage religieux français. Le développement des activités et de l’administration de la religion baha'ie en France est mieux connu à partir des années 1925, car les rapports et comptes rendus des réunions ne sont archivés qu’à partir de novembre 1925.

Si au début le développement de la communauté reposait sur des personnalités clés comme May Bolles ou le charisme et l’influence de ‘Abdu'l-Baha lors de sa venue à Paris, le groupe des baha'is parisiens est désormais plus indépendant et continue sa croissance de manière plus autonome.

LES ACTIVITES A PARIS

En effet, une dizaine d’années après le séjour de ‘Abdu'l-Baha à Paris le premier jalon de l’ordre administratif en France voit le jour avec l’établissement de la première Assemblée spirituelle locale à Paris, comme en témoigne cette lettre. Cette lettre a été envoyée par ‘Abdu'l-Baha à l’occasion de la formation de la première Assemblée spirituelle à Paris. La lettre date du 23 juillet 1919 et est parvenue à ses destinataires, les baha'is de Paris, par l’entremise de Jeanne Stannard (399). En voici un extrait:
«Par l’entremise de Mme Stannard, sur elle la gloire de Dieu Al Abha.
Aux amis de Dieu, aux servantes du Rahman à Paris: sur eux et sur elles la gloire de Dieu Al Abha.
Il est Dieu ! O divins amis,
Votre lettre est arrivée par l’entremise de Mme Stannard. Son contenu m’a causé la joie la plus grande ; grâces soient rendues à Dieu que, dans Paris également, il a été fondé une Assemblée spirituelle où se réunissent des croyants confirmés, occupés à mentionner le Royaume de Dieu, à rechercher la Vérité et à répandre les enseignements qui sont l’Esprit même de ce siècle ; [...]
O amis de Paris, [...] Le peuple de Paris est plein d’intelligence ; il sera séduit de toute son âme. Aussi il faut que dans Paris le feu de l’amour de Dieu brille d’une flamme ardente qui se répande au loin. En certains pays d’Europe on constate une ardeur considérable ; le nombre des croyants augmente de jour en jour comme vous l’aurez certainement appris. Maintenant mettez-vous à l’oeuvre, et par tous vos moyens, allumez le feu de l’amour de Dieu afin que Paris dépasse encore les autres régions. [...]. Pour moi, je suis extrêmement content de ces quelques âmes qui sont à Paris: je vous aime beaucoup. J'espère que vous fonderez une Assemblée bien vivante qui deviendra le guide des autres. A chacun de vous j'envoie mes compliments. Sur vous la Bénédiction et la Louange. Abdou’l Baha Abbas.» (400)

Si cette lettre nous informe que la première «assemblée spirituelle» a été formée en 1919, il n’en est pas de même des lettres de Shoghi Effendi.
Le 7 décembre 1923, Shoghi Effendi envoya une lettre aux croyants de Paris:
«Je serais heureux d’apprendre l’établissement d’une Assemblée spirituelle locale correctement constituée, fonctionnant efficacement et officiellement reconnue par la grande famille baha'ie. Si une telle Assemblée n’a pas encore été fondée, je demande expressément qu’un tel centre pour la Cause soit établi, tel que défini.» (401)

Un mois plus tard, il envoie une lettre de félicitation adressée aux membres de l’Assemblée spirituelle de Paris, datée du 24 janvier 1924 et envoyée de Haïfa, Palestine:
«J’accueille avec une grande satisfaction, la nouvelle tant attendue de l’établissement d’une assemblée spirituelle baha'ie à Paris, et j’ai lu votre première communication officielle.» (402)
C’est donc en 1924 que la première Assemblée spirituelle locale de Paris est formée officiellement. Shoghi Effendi insiste sur ce premier rapport «officiel». La nuance réside peut-être dans le fait que la première «assemblée spirituelle» de 1919 n’est qu’un rassemblement de plusieurs baha'is, qui se réunissent pour organiser différentes activités, sans statut officiel. Alors qu’en 1924, c’est l’entité administrative telle qu’elle est décrite dans les directives de Baha'u'llah qui est inaugurée: l’assemblée a été constituée grâce à des votes.

Les baha'is français, bien qu’ils soient peu nombreux, s’activent dans divers domaines, et notamment la traduction d’ouvrages baha'is et textes saints afin de permettre une diffusion plus grande de la littérature. Une étape importante de l’organisation des ouvrages de référence baha'is en français commence ainsi à se mettre en place. Un comité de publication et de traduction a été nommé par l’Assemblée de Paris pour systématiser la tâche:
«Nomination des comités: 1- les publications, livres ou articles, de la traduction des ouvrages.» (403)

Ceci est important non seulement pour la communauté baha'ie elle-même, car les textes en français sont peu nombreux et les croyants connaissent peu de choses sur leur propre religion ; mais aussi pour les chercheurs et ceux qui s’intéressent à ce mouvement qui n’ont pas de matériel adéquat à leur disposition pour combler leur curiosité. Par ailleurs, les baha'is ont fait des démarches afin de déposer la littérature baha'ie dans les différentes bibliothèques municipales parisiennes, dans un premier temps, puis dans d’autres villes françaises.:
«Depuis quelques temps, la distribution des livres bahaïs dans les Bibliothèques à Paris. L'intention de l'étendre aux principales villes de France.» (404)

Nous apprenons par exemple que c’est en 1939, - ce qui est relativement tard - que les Causeries de ‘Abdu'l-Baha à Paris sont éditées en français et mises à disposition du grand public:
«En 1939, les causeries de ‘Abdu'l-Baha à Paris, furent traduites en français par Madame Hesse (405). Avec l’aide de Mademoiselle Lynch et de Madame Dreyfus Barney, le livre fut traduit à Genève. Il s’est avéré être d’une grande utilité pour enseigner les différents chercheurs à Paris et dans d’autres villes de France.» (406)

Dans les rapports, nous lisons qu’une grande demande de littérature existait et qu’il fallait donc qu’il y ait un stock de livres disponibles pour y répondre.

MAIS AUSSI EN PROVINCE...

Bien que le groupe le plus important numériquement et le plus actif reste celui de la région parisienne, des petits groupes administratifs se sont formé progressivement en dehors de la capitale.

- A Marseille, un petit groupe de baha'is se forma dès 1923, et c’est en 1951 que la ville put élire sa première assemblée spirituelle locale.

- A Lyon, le 6 avril 1935, eut lieu le congrès international des espérantistes, qui se tint à la faculté de droit de Lyon. Lydia Zamenhof, la fille du Professeur Zamenhof, le créateur de l’espéranto, y prononça le discours d’ouverture et déclara que Baha'u'llah, dans son programme de paix universelle, a proclamé l’adoption d’un langage universel comme étant une des conditions préalables nécessaires. C’est en 1937 que l’assemblée spirituelle locale de Lyon est créée.

- A Hyères, un petit groupe de baha'is existait également à cette époque.
Ce qui est intéressant c’est que les différentes villes qui regroupaient des baha'is étaient en contact entre elles. Les baha'is de Paris de déplaçaient en province afin d’aller s’informer sur la situation de la foi. Ainsi, Laura Dreyfus-Barney, une des premières baha'ies de la région parisienne, fit plusieurs voyages en province:
«Le voyage et ses rencontres de Mme Dreyfus-Barney avec les différents groupes bahaïs: Hyères: Les amis sont très ardents malgré leur nombre restreint, ils travaillent de leur mieux pour répandre la Cause. Marseille, ils font également de leur mieux, sont sincères et touchés par la générosité des amis à Paris. Lyon: il y a une communauté de tout âge et la réunion a eu lieu dans un atelier où 18 personnes étaient présentes. C’est un centre très vivant, réfléchi et voulant rester en contact avec Paris.» (407)

Par ailleurs, le Gardien a toujours encouragé le groupe parisien à soutenir les groupes baha'is de province:
«Ils (l’assemblée de Paris) doivent aussi correspondre avec les croyants de Lyon, Marseille et Hyères et les encourager... L’Assemblée de Paris, qui est le plus ancien centre de la foi en Europe, doit se considérer comme responsable du progrès de la Cause en France et faire tout ce qui est en son pouvoir pour encourager et stimuler le travail des autres différents groupes français ainsi que des autres baha'is isolés.» (408)

PORTRAIT DE GROUPE

Alors que différentes activités se mettent en place à Paris et en province, comme étudié précédemment, il est intéressant de se pencher sur le profil de ces baha'is. Qui étaient-ils ? Même si nous ne possédons pas beaucoup d’informations, il est intéressant d’esquisser un portrait de groupe de la communauté baha'ie française à ses débuts: l’âge, l’origine sociale et professionnelle, l’itinéraire religieux antérieur, le degré de responsabilité dans la religion baha'ie, tous ces éléments sont intéressants pour comprendre de quelle manière la minorité s’est implantée.

D’une manière générale, nous pouvons dire qu’au départ, la communauté française était surtout composée d’Américains et de Persans ! Comme l’atteste ce rapport de 1929, qui concerne la région parisienne:
«... première réunion des amis chez Mme Hesse, au nombre d'une trentaine de personnes dont vingt-cinq environ étaient des baha'is persans.» (409)

En effet, le nombre de Persans était assez élevé, en particulier de jeunes étudiants persans, qui étaient envoyés par leur pays afin de terminer leurs études en Occident. Par ailleurs, le nombre d’Américains est également élevé et souvent dans les rapports le mot «américain» est associé au mot «pionnier». En effet, dans ses plans d’expansion, Shoghi Effendi avait encouragé l’Amérique, où la religion baha'ie était beaucoup plus développée, à envoyer des pionniers, autrement dit des enseignants qui viendraient répandre le message baha'i en France.

Les jeunes – les étudiants - étaient particulièrement présents et actifs puisque chaque année, ils organisaient des «conférences annuelles des jeunes baha'is» à Paris et avaient fondé «l’Union étudiante». Voici un compte-rendu de leurs activités multiples et régulières:

«Historique de l'Union des étudiants baha'is.
En 1931, nous avons réussi à former deux organisations pour les jeunes: une mensuelle et l’autre annuelle. En effet, depuis cette date, en plus de réunions générales, nous tenons régulièrement une fois par mois, chez Mlle Sanderson, nos séances. Chaque fois, deux orateurs discutent différentes questions sociales ou métaphysiques baha’ies. Ceci nous donne un entraînement car ceux qui ont parlé ce soir-là prennent la parole à la réunion publique baha’ie suivante.
La seconde organisation c’est notre congrès annuel qui existe aussi depuis 1931, une fois par an pendant deux jours durant la période des vacances universitaires du nouvel an. A ce congrès assistent, non seulement la jeunesse persane résidant à Paris mais aussi la jeunesse bahaïe d’Europe qui peut disposer des moyens nécessaires pour être présente à ces conférences. Toujours, à la fin du Congrès de l’Union des étudiants bahaïs, nous avons adressé une lettre à Shoghi Effendi, lettre accompagnée de la signature de ceux qui étaient présents.» (410)

Comme nous l’apprenons dans cette lettre, les jeunes qui étudiaient en France, et particulièrement à Paris, se sont organisés en «Union» active afin d’organiser des causeries sur des thèmes qui leur permettraient d’approfondir leur foi, mais également d’organiser une conférence annuelle qui regrouperait tous les jeunes d’Europe. Les rapports de ces conférences montrent la régularité de cet événement, et témoignent de son succès.

«la 6ême Conférence annuelle des Etudiants Bahaïs a eu lieu les 29 et 30 décembre 1935 chez Mme Scott, dans la plus grande joie et sincérité.
En effets conformément au désir suprême d'Abdu’l Baha de réaliser l'union de l'Est et de l'Ouest par l'intermédiaire de la jeunesse, notre ami Monsieur Rochan a eu l'idée il y a cinq ans, en 1931, d'organiser à Paris la première Conférence.
Ainsi, chaque année, nos amis se réunissent pendant la période des vacances universitaires du nouvel an, et cette année comme les années précédente avec l'approbation de notre Gardien Shoghi Effendi, notre 6ème Conférence a eu lieu.» (411)

Entre 1929 et 1940, plus de quarante baha'is persans ou orientaux se rendirent en France pour consolider la communauté. D’après les rapports, dans les années 1940, il y avait une cinquantaine de baha'is en France, dont la plupart étaient des adultes pionniers américains ou persans, ainsi que de nombreux étudiants persans. A la lecture des rapports et comptes-rendus de l’Assemblée spirituelle de Paris, qui relate les événements de tout le territoire français, la plupart des noms sont américains ou persans. Dans les années 1950, il y avait environ trente-cinq baha'is à Paris. En 1957, à la veille de l’élection de l’Assemblée spirituelle nationale de France, il y a cent vingt-huit baha'is (412), dont vingt-cinq persans, trente américains et treize d’autres nationalités. Le nombre de Français était de cinquante et un (plus neuf jeunes) et une quarantaine de baha'is était regroupée à Paris et la région parisienne.

Le nombre est très faible mais la petite communauté française a appris à s’organiser au niveau interne, avec par exemple la création d’un périodique, censé tenir informé tous ses membres.

UN MOYEN DE COMMUNICATION NATIONAL ENTRE 1925 ET 1958: LA «LETTRE CIRCULAIRE» ET LE JOURNAL BAHA'I (413)

Ce sont des périodiques destinées à informer les baha'is de Paris et de province sur différentes activités.

Après avoir étudié les rapports annuels de la communauté baha'ie de France entre 1925 et 1958, nous avons appris que les baha'is se tenaient informés des différentes activités par l’intermédiaire de ce qu’ils appelaient la «lettre circulaire» ; comme son nom l’indique, elle était censée circuler dans tout le territoire français, partout où existait un groupe de baha'is. L’expression «lettre circulaire» existe d’octobre 1929 à septembre 1947 dans ces rapports. L’objectif de cette lettre était de: «Ecrire une lettre circulaire pour mettre les croyants au courant de ce qu'on veut faire.» (414) Elle était émise par l’Assemblée spirituelle de Paris. Dans cette lettre, différentes informations concernant l’édition et la parution des livres baha'is ou concernant la foi baha'ie, les activités entreprises par les croyants. C’était le moyen de communication de l’Assemblée spirituelle de Paris avec le reste de la communauté baha'ie française. Cette «lettre circulaire» était non seulement un mode de communication avec la France mais également avec le reste du monde et notamment le Centre mondial à Haïfa. Par exemple, pendant la Seconde guerre mondiale:
«L'Assemblée enverra une lettre circulaire à tous les centres baha'is de l'Est et de l'Ouest pour leur exposer la situation du groupe de Paris durant les années de guerre et la situation actuelle.» (415)

A ce stade de notre étude, il est important de noter que la Seconde guerre mondiale n’a pas épargné la communauté française: en effet, de nombreuses archives ont été détruites lors d’un bombardement, en 1940. Les archives étaient rassemblées chez Kennedy, un baha'i résidant à Paris et sa demeure a été entièrement dévastée ; de nombreux documents ont alors disparu, laissant de gros «vides historiques» sur les débuts de l’expansion de la foi baha'ie en France. La deuxième guerre a donc largement éprouvé la minorité, d’un point de vue matériel et même humain, comme en témoigne cet extrait de rapport d’août 1946:
«Au cours de ces cruelles années de bouleversement, notre groupe a été durement éprouvé. Nous avons à déplorer la disparition de Mrs Stannard qui avant travaillé pour la Cause pendant de nombreuses années en plusieurs continents et qui est morte en novembre 1944 ; de Mademoiselle Alcan tuée dans un bombardement, de Madame Kennedy décédée subitement en 1943 ; de Melle Galimard morte en 1941, toutes deux éprouvées par la tension de l'occupation et de Madame Montefiore, soeur de Madame Hesse, qui a été arrêtée et mise en camp de concentration, puis déportée en Allemagne d'où on n'a plus eu de ses nouvelles. Pour ajouter à nos malheurs, la maison où habitait Mr Kennedy a été bombardée en 1940 par des avions ennemis et, malheureusement, une quantité de littérature bahaie ainsi que de précieuses archives ont été complètement détruites.» (416)

Après la guerre, à partir de 1948, le terme de «lettre circulaire» est remplacé par Journal baha'i, même si certains éléments dans les rapports annuels nous portent à croire que le journal baha'i paraissait avant cette date:
«Mr Kennedy suggère un nouveau modèle de publication pour le journal baha'i dans le but d'un moyen moins onéreux.» (417)

Ce journal relate des différentes activités qui se passent en France ou à l’étranger.

DES PLANS BIEN DEFINIS POUR L’EXPANSION DE LA MINORITE EN FRANCE

En 1953, le Gardien Shoghi Effendi lança ce que les baha'is appellent «la Croisade de dix ans». Il s’agissait de différents plans et directives à suivre pour les communautés baha'ies du monde entier entre 1953 et 1963. Les défis pour l’Europe et pour la France étaient très élevés. Pour la France, il s’agissait de quadrupler le nombre de ses Assemblées spirituelles locales en l’espace de dix ans. A la veille du lancement de ce plan, il y avait environ une centaine de baha'is en France, ainsi que quatre assemblées spirituelles locales: Paris, Lyon, Marseille, Hyères. L’objectif de la communauté française pour les dix années à venir était:
- d’obtenir un Centre national baha'i
- la formation de l’assemblée spirituelle nationale
- des statuts et la reconnaissance par l’Etat
- l’acquisition de biens nationaux.

Par ailleurs, l’Assemblée spirituelle nationale des Etats-Unis (418), se voyait donner la responsabilité d’envoyer des «pionniers» en France (419) et de collaborer avec l’Assemblée spirituelle locale de Paris, désignée par le Gardien comme «Assemblée Mère», pour parvenir à la formation de la première Assemblée spirituelle nationale des baha'is de France.

Voici un message du Gardien Shoghi Effendi, qui suivait les affaires baha'ies de chaque pays, avec grande minutie:
«La France sera le prochain pays à former son Assemblées spirituelle nationale. Pour cela il faudra qu’il y ait dans ce pays dix centres baha'is et six Assemblées locales très solides. La conférence de Lyon sera l’événement historique le plus important de la Foi en France et c’est pourquoi tous doivent s’y rendre.» (420)

Une trentaine de baha'is assistèrent au premier congrès régional des baha'is de France, qui se déroula à Lyon et qui fut organisée par l’Assemblée de Paris, du 23 au 25 mai 1953. Lors de ce Congrès, plusieurs «villes buts» furent proposées afin de pouvoir constituer des communautés baha'ies locales: Marseille, Nice, Orléans et Bordeaux.

ACQUISITION DU PREMIER CENTRE NATIONAL BAHA'I

Un des objectifs urgents de la petit communauté française était de posséder un centre national baha'i. C’était en effet primordial pour donner du crédit à cette jeune religion car ce lieu permettrait une légitimité et une officialisation pour l’interface avec le reste de la société. On n’en était plus au stade des réunions personnelles et privées qui se faisaient au domicile des croyants. Il fallait un lieu plus officiel et neutre. Tout d’abord, grâce à l’initiative d’un baha'i résidant à Paris, Kennedy, une pièce fut laissée à la disposition de la communauté où différentes activités pouvaient avoir lieu. Cette information date de septembre 1946:
«Bureau [Centre] baha'i de Paris: Mr Kennedy peut mettre une pièce à la disposition des baha'is pour les réunions et le travail d'écriture. [Adresse: 6, rue Léon Bonnat].» (421)

Cela restait une solution transitoire car l’idée était de pouvoir avoir un lieu public. Nous apprenons également dans les rapports, qu’une salle de permanence était ouverte au domicile d’une baha'ie, au 34 de la Galerie Vivienne dans le IIème arrondissement de Paris: «Galerie Vivienne: Mr Sévin assurera la permanence les lundi et vendredi.» (422)

En 1950, le besoin d’avoir un lieu plus spacieux et plus officiel se faisait sentir: ainsi dans le rapport du 30 septembre 1950 il est écrit:
«Centre d’information baha’i: nous avons besoin d’un centre d’information. Nous garderons le local actuel en attendant d’en trouver un autre.» (423)

Environ trois ans plus tard, un couple de persans, revenant de pèlerinage en Terre sainte et attachés au développement de la foi baha'ie en France, demandèrent au Gardien en quoi ils pourraient être utiles pour la communauté baha'ie française, ce à quoi le Gardien répondit qu’un centre national devait être acheté... Le couple de pionniers permit donc l’achat de ce centre et en fit don à la communauté française. Le 4 juillet 1953, le premier centre national baha'i de France fut inauguré officiellement (424). Du point de vue fonctionnement, le centre baha'i est le chef-lieu administratif de l’assemblée spirituelle nationale. C’est le siège de son secrétariat. C’est le local utilisé pour les réunions de l’institution nationale, pour la préservation de ses registres, et aussi pour des réunions publiques. C’est l’endroit où est organisée la bibliothèque baha’ie, où sont rassemblées ses archives, l’endroit des réunions de groupes de travail, de comités et de conférences baha’ies. Néanmoins, au-delà de ses fonctions le centre a une double influence: la consolidation de l’autorité de l’assemblée spirituelle dans l’entière communauté baha’ie ainsi qu’un prestige et une dignité aux yeux du public.

Il est intéressant de remarquer qu’au tout début, les choses se faisaient grâce aux bonnes volontés des uns et des autres, et la moindre initiative individuelle était importante pour établir les fondations de la communauté baha'ie française.

1955 fut l’année de la formation des Assemblées spirituelles de Marseille, Orléans, Nice et Bordeaux. Cette même année se tint à Lyon la plus importante conférence nationale organisée par la France jusque là. C’est au cours de cette conférence que les baha'is apprirent par un courrier que le Gardien avait choisi une date pour former la première assemblée spirituelle nationale de France:
«Emu à [sic] cette occasion exceptionnelle, [j’] annonce [aux] participants à cette conférence faisant époque, le choix de Ridvan 1958 – le milieu de la croisade globale de dix ans ; comme date fixée pour [la] formation [de la] première et historique Assemblée spirituelle nationale française.» (425)

Le détail du rôle officiel de l’assemblée spirituelle nationale accompagnait cette nouvelle:
- l’accroissement rapide du nombre de pionniers et d’adhérents natifs
- la multiplication des centres isolés, groupes et assemblées locales
- la traduction, la publication et la distribution de la littérature baha'ie
- l’intensification de la publicité
- la consolidation de l’institution de «l’Ecole d’été» (426)

Le 26 avril 1958, conformément aux instructions du Gardien, la communauté nationale des baha'is de France procédait à l’élection de sa première assemblée spirituelle nationale. Ainsi la communauté baha'ie de France était devenue indépendante. Une de ses premières décisions fut d’adresser systématiquement un exemplaire du Testament de ‘Abdu'l-Baha à tout nouveau croyant.

Parallèlement à sa consolidation interne, la communauté baha'ie a également développé ses relations extérieures et plusieurs personnalités de renom se sont prononcées sur le mouvement.


C) L’intérêt grandissant des personnalités

Le passage de ‘Abdu'l-Baha dans la capitale parisienne a permis une certaine publicité de la religion baha'ie qui s’est fait connaître par l’intermédiaire de la presse, mais également, nous pouvons le supposer, par le principe du «bouche à oreille». C’est pourquoi certains écrivains se sont intéressés à ce mouvement, jusqu’à le mentionner dans leurs propres oeuvres.

1. Guillaume Apollinaire (1880-1918)

Guillaume Apollinaire, sensible à toutes les formes de la nouveauté sans pour autant repousser la tradition fut un poète, un critique d’art, mais aussi un conteur, un chroniqueur. Par son oeuvre comme par sa personnalité, il se place au carrefour des principales tendances esthétiques qui traversent le XXème siècle. C’est un auteur très prolifique: ses oeuvres les plus célèbres sont le recueil de vers Alcools qui est publié en 1913 ainsi que Calligrammes, publié en 1918 ; mais il écrivit de nombreux autres poèmes, des pièces de théâtre (Couleur du Temps (1918), plusieurs oeuvres en prose, et également des chroniques dans différentes revues: La Grande France, Revue Blanche, Mercure de France...

C’est dans une de ces revues, Mercure de France, qu’un article sur le baha'isme aurait été écrit de sa plume: en effet, dans une chronique appelée «le Béhaïsme» d’une trentaine de lignes, Apollinaire mentionne Hippolyte Dreyfus, en tant qu’historien du béhaïsme et donne un petit historique de cette religion, ce qui montre qu’il avait une certaine connaissance sur le sujet. En conclusion, il donne un jugement de valeur plutôt positif:
«Une voix nouvelle vient de l’Asie. Déjà plusieurs pensent en Europe que la parole de Béha-Oullah ne contredit pas notre science moderne et est assimilable pour nous, Européens, qui avons besoin de réconfort. N’est-il pas juste que ce réconfort nous vienne d’Asie comme il est déjà venu ?» (427)


2. Romain Rolland (1866-1944)

Comme nous l’avons étudié auparavant, le fait qu’une organisation administrative se mette progressivement en place et qu’une structure plus «consistante» soit établie, a permis de donner une sorte de légitimité à la foi baha'ie dans le sens où elle avait désormais un statut officiel. Le Bureau international baha'i avait établi un de ses sièges à Genève, en Suisse, et permettait ainsi d’établir et de faciliter des contacts et des relations officielles avec des personnalités comme en témoigne cette correspondance de Romain Rolland, (1866-1944), célèbre écrivain français.

En se penchant sur la personnalité de cet écrivain, nous comprenons mieux pourquoi il s’est intéressé à la religion baha'ie et comment ses idées nouvelles correspondaient à ses propres aspirations profondes. Indépendant d’esprit, Romain Rolland a, toute sa vie, essayé de trouver un moyen de communion entre les hommes, il avait une grande exigence pour la justice et cela le poussa à rechercher la paix «au dessus de la mêlée» (428) alors que toutes les nations étaient en guerre lors de la Première Guerre mondiale. Agrégé d’histoire, il enseigna d’abord à la Sorbonne et à l’Ecole Normale. Il s’installa en Suisse. Dès que la littérature lui donna un minimum de revenus, il démissionna de l’Université pour se consacrer à l’écriture. Son oeuvre fut également l’élaboration d’une sagesse, tout en n’adhérant jamais à aucune formation politique. Son grand idéal humanitaire le dirigea vers les philosophies de l’Inde (il écrivit un livre suite à ses conversations avec Rabindranath Tagore et Gandhi), puis vers le monde nouveau que voulait initialement construire l’Union soviétique. En 1924, son livre sur Gandhi a beaucoup contribué à faire connaître ce dernier, qu’il rencontra en 1931.
Romain Rolland écrivit donc à une représentante du Bureau baha'i de Suisse, Jeanne Stannard.

Cette lettre est datée du 2 août 1925 ; nous l’avons reproduite intégralement ci-dessous:
«Villeneuve (Vaud) Villa Olga, 2 Aout 1925
Chère Madame,
Je connais un peu et j’honore le mouvement Bahai. En 1915 à Genève j’ai assisté chez Mme Van Hotten, à certaines réunions béhaistes où parlait un très intéressant béhaiste égyptien Riad Selim. Mme Ch. Ritter qui était une fervente me prêta quelques très belles [xxxx] publications d’Abdul Baha et de Bahaoullah, que j’ai lues avec admiration. Je n’en ai pas oublié le sens. Vous en trouverez l’écho dans tel de mes livres comme Clérambault où je cite une admirable page du «Voyant de St Jean d’Acre» (page 371) je me permets de vous envoyer un exemplaire du volume.
Je ne m’inscris comme adhérent à aucune religion mais ma sympathie est toute acquise à la vôtre. Puisque vous êtes maintenant à la direction du bureau de Genève j’espère avoir l’heureuse occasion de vous rencontrer, je crains que ce ne soit pas possible ce mois-ci car je vais m’absenter sans doute pour quelques semaines. Je serai très intéressé d’être tenu au courant de votre mouvement et de savoir quelle est la personnalité du successeur d’Abdul Baha.
Veuillez agréer, chère Madame l’expression de ma respectueuse sympathie.
Signé: Romain Rolland
NSBP: Pas un de mes lecteurs français n’a eu la curiosité de me demander qui était ce «Voyant de St Jean d’Acre» que je ne désignais pas.» (429)

Cette lettre, qui est la troisième que nous ayons retrouvée, chronologiquement parlant, est intéressante pour notre étude à différents niveaux. Elle affirme que par l’officialisation de la religion baha'ie grâce au bureau de Genève, les relations vont être plus formelles et donc facilitées. L’auteur se sent plus à l’aise: «Puisque vous êtes maintenant à la direction du bureau de Genève j’espère avoir l’heureuse occasion de vous rencontrer» (430)De plus grâce à cette correspondance, nous apprenons que Rolland connaît la foi baha'ie depuis 1915, qu’il a même été en possession d’ouvrages baha'is (431), et qu’il aimerait avoir des renseignements supplémentaires.

Romain Rolland n’a pas seulement établi une correspondance où il mentionne la foi baha'ie mais, dans un de ses ouvrages, Clérambault, il la cite explicitement, donnant ainsi l’occasion aux lecteurs français (Romain Rolland est déjà un auteur très populaire de son vivant) de prendre connaissance ou de rencontrer à nouveau cette philosophie persane. Ainsi dans Clérambault, il introduit une longue citation de ‘Abdu'l-Baha: «Connaissez-vous les belles paroles du Voyant de Saint-Jean d’Acre (432) ? «Le Soleil de Vérité est comme l’astre des cieux, qui a des orients nombreux. Un jour, il se lève au signe du Cancer, un autre au signe de la Balance. [...] Mais mes yeux seront toujours, - à quelque point qu’il se lève, - attachés au soleil levant. » (433)

Romain Rolland dans plusieurs de ses correspondances montre son étonnement du fait qu’aucun de ses lecteurs n’ait eu la curiosité de lui demander plus de détails quant à ‘Abdu'l-Baha: «Pas un de mes lecteurs français n’a eu la curiosité de me demander qui était ce «Voyant de St Jean d’Acre» que je ne désignais pas.» (434) ou encore, dans une autre lettre «Je constate, à cette occasion, que de tous mes lecteurs de Clérambault, pas un n’a eu la curiosité de me demander qui était ce «Voyant»...» (435) Nous pouvons supposer que l’objectif de Romain Rolland, en écrivant ce passage était de susciter une réflexion chez ses lecteurs ou en tout cas de provoquer des questions pour qu’il puisse donner de plus amples détails concernant la foi baha'ie.

La première lettre qui prouve que Romain Rolland connaît les religions babie et baha'ie date du 11 juin 1917 et est adressée à Charles Baudouin. Charles Baudouin est un psychanalyste et philosophe français humaniste (1893-1963), qui suivit dans sa jeunesse les cours de Henri Bergson, qui le marqua profondément. Il se rapprocha de Romain Rolland lorsqu’il décida d’aller s’installer à Genève en Suisse pour participer aux travaux de l’Institut Jean-Jacques Rousseau. Baudouin était attiré par la forte personnalité de Romain Rolland, dont le manifeste «Au-dessus de la mêlée» fut pour lui une illumination.

«Je me suis en effet passionné pour le Bâbisme. Vous savez que Tolstoy le connaissait, mais il se montrait assez dédaigneux à son égard. J'ai fait connaissance, chez Mme Van Hotten, d'un béhaïste égyptien, qui m'avait intéressé. L'avez-vous rencontré ? Ne croyez pas que le symbolisme superstitieux soit la déformation d'une pensée rationaliste, très ferme. Il est bien plutôt l'origine, et non la conséquence. - Il y a deux pensées distinctes dans le Bâbisme: celle du fondateur, le Bâb, qui était farcie du mysticisme des nombres et même de superstitions orientales ; - et celle de Baha-Oullâh et d'Abd'oul Beha, qui est essentiellement pratique et rationaliste (sous une forme très poétique souvent). En un mot, le Béhaïsme et le Bâbisme font deux, bien qu'ils soient superposés et que le second ait trouvé son profit à se dire l'héritier de l'autre. Le Bâb était pur Oriental, le Abd'oul Beha ne 1'est pas plus que Rabindranath Tagore. - C'est même, à ce que j'ai pu comprendre, ce qui agaçait Tolstoy en ce nouveau Christ allant conférencier à Londres, où il logeait dans les meilleurs hôtels. - Mais, naturellement, ce sont là des choses dont aucun Béhaiste croyant ne consent à parler. - Pour moi, elles ne me choquent nullement. » (436)

La deuxième lettre que nous avons retrouvée et qui prouve que Romain Rolland éprouvait un certain intérêt pour la foi baha'ie est la lettre qu’il écrivit à Auguste Forel, le 21 février 1923:
«Cher Monsieur et ami, Je vous remercie de m’avoir communiqué ce volume. – Je connaissais déjà le Béhaïsme. A la fin de 1914, j’ai pris part à des réunions béhaïstes, qui se tenaient à Genève et où fraternisaient des personnes appartenant aux nations ennemies. J’ai lu alors beaucoup de brochures béhaïstes, qu’on m’a prêtées – (mais non le volume que vous m’avez envoyé et qui m’a fourni quelques détails historiques qui me manquaient.) – A la fin de mon Clérambault, je fais citer par mon héros une page magnifique de Beha-Oullah (extraite des Entretiens de St-Jean d’Acre) – Vous voyez que les Béhaïstes sont déjà de vieux amis pour moi. Il y a une force de renouvellement moral merveilleuse dans cet Orient.» (437)

Une autre correspondance de Romain Rolland date du 31 mai 1930, à Villeneuve et est adressée à Jeanne Raoul Montefiore. Rolland y réaffirme:
«Je connais bien le béhaisme. J’ai assisté à des réunions béhaistes à Genève pendant la guerre: j’ai lu les principales oeuvres de Beha-Oullah et d’Abdul-Béha ; vous en trouverez l’écho à la page 371-372 de mon Clérambault (à la fin d’un des derniers chapitres), où je cite quelques lignes admirable du «Voyant de St Jean d’Acre»: (c’est Abdul-Béha, qui y a été emprisonné pendant une partie de sa vie.)
[Je constate, à cette occasion, que de tous mes lecteurs de Clérambault, pas un n’a eu la curiosité de me demander qui était ce «Voyant»...]
[...] Le béhaïsme, tel qu’il se présente à l’Occident – (il se masque un peu) – se réduit à une admirable morale d’action universelle. En tant que Bâbisme oriental, il avait, il a encore, une mystique des nombres, curieuse et archaïque, qu’on a prudemment laissée au logis. En réalité, les trois personnalités successives qui ont incarné et dirigé ce grand mouvement étaient fort différentes - surtout la première, (le Bab, le grand martyr) - des deux autres.» (438)

Ces différentes lettres et la mention de ‘Abdu'l-Baha dans un des romans de Romain Rolland témoignent de l’intérêt de l’auteur pour la minorité baha'ie et de sa sympathie pour la personne de ‘Abdu'l-Baha.


3. Auguste Forel (1848-1931)

Tout comme Romain Rolland, Auguste Forel, personnalité suisse, était intéressé par les idées humanistes de paix et de justice. Il était à la fois un célèbre savant, un psychiatre, un médecin et un philosophe, animé par des idées de réforme sociale. Sa vie fut consacrée à la recherche et notamment à l’étude des fourmis. Il a publié plus de quatre cents oeuvres différentes sur des sujets tels que l’hypnotisme, l’alcoolisme, la psychiatrie et la vie sexuelle. Ses intérêts s’étendaient à plusieurs sphères de la pensée et de l’étude humaine.

Ce fut peu après la Première Guerre mondiale qu’il fut en contact avec les enseignements baha'is. Le déclenchement de cette guerre avait fortement ébranlé sa foi d’humaniste en l’idéal de la paix mondiale. Dès qu’il entendit parler des principes de la foi baha'ie (grâce à son gendre) il se sentit en accord avec eux.

Le professeur Forel a sympathisé de manière très proche avec les enseignements baha'is dans lesquels il retrouvait cette dimension humaine et positive.
«C’est à l’âge respectable de soixante-douze ans - un âge auquel d’autres personnes se retirent de la vie -, que le professeur Forel apprend à connaître l’enseignement baha'i [...] Ses principes de l’union et de l’élévation des peuples, de la conciliation des contrastes sociaux, nationaux, religieux et sociaux l’attirent très fortement.» (439)

En 1921, il écrivit alors à ‘Abdu'l-Baha qui résidait en Palestine. Il lui présenta sa conception moniste de la vie et reçut une réponse de ‘Abdu'l-Baha sur l’immortalité de l’âme et la preuve de l’existence de Dieu. «Ô vous, homme respecté, épris de vérité. [...] Quant aux facultés mentales, en réalité, elles appartiennent à l’âme, de même que le rayonnement lumineux est la propriété essentielle du soleil. (440)»

Forel était positiviste, un humaniste ardent mais qui ne croyait pas en l’existence de Dieu. L’exposé de ‘Abdu'l-Baha sur les preuves scientifiques et l’existence d’un créateur divin et de l’âme fut accepté par Forel et, dès lors il décida de devenir lui-même baha'i. Il témoigna dans le journal allemand Sonne der Wahreit: «Je trouve que Baha'u'llah a déclaré il y a plusieurs années de cela, tous les principes en lesquels j’ai toujours cru. Donc je souhaite être considéré comme un adepte de la foi de Baha'u'llah.» (441) Forel, fut un auteur très prolifique. A partir de 1921, ses oeuvres mentionnent souvent la religion baha'ie, et il se déclare lui-même en faveur de la nouvelle religion:
«Pour rester véridique et en même temps pour ne blesser aucun de nos semblables dans ses convictions confessionnelles, adoptons la religion scientifique interconfessionnelle et universelle des baha'is...» (442)

«C’est si vrai qu’en mars 1919, avant de connaître la religion supra confessionnelle, sans dogmes, ni prêtres des baha'is, j’avais fabriqué moi-même une ‘religion du Bien Social’. Ayant écrit en 1921 à ‘Abdu'l-Baha, [...] je devins moi-même baha'i et je le suis de plus en plus.» (443)

Le professeur Auguste Forel, toute sa vie, fut inspiré et prôna des idéaux de paix universelle et d’amélioration de l’humanité. Lorsqu’il prit connaissance de la religion baha'ie, et qu’il adhéra lui-même à ses principes, il fit connaître jusqu’à la fin de sa vie en 1931, par sa plume et également par ses engagements, l’enseignement social et unificateur de Baha'u'llah.


4. La reine Marie de Roumanie (1875-1938)

Bien que cette personnalité ne soit pas française, son cas est intéressant car c’est la première tête couronnée à avoir eu des liens très proches avec la foi baha'ie ; de plus la Roumanie appartenait à la mentalité européenne et occidentale de l’époque. Fille du duc d’Edinburgh, Marie de Roumanie était également la petite fille du Tsar Alexandre II et de la Reine Victoria auxquels Baha'u'llah avait écrit une tablette lors de sa proclamation universelle dans les années 1868. Apparentée, à la fois par sa naissance et son mariage, aux familles les plus importantes d’Europe, née dans la foi anglicane, elle était étroitement liée par son mariage à l’Eglise orthodoxe grecque, religion d’état de son pays d’adoption. Elle a régné de 1914 à 1927. Elle était elle-même un grand écrivain et était considérée comme une humaniste de son temps. Elle entendit pour la première fois parler de la religion baha'ie par Martha Root qui était une «enseignante itinérante» et qui allait de par le monde pour propager le message de la nouvelle religion. Martha Root, venant d’une honorable famille américaine, eut plus de huit entrevues avec la reine Marie de Roumanie. La première des entrevues eut lieu le 30 janvier 1926 à Bucarest, dans le Palais Controceni: Martha Root avait, au préalable, envoyé un ouvrage baha'i à la reine et cette dernière avait souhaité la rencontrer. Puis la reine se rendit en Amérique et c’est sur ce continent qu’elle fit les premiers éloges sur la foi baha'ie dans des lettres ouvertes, largement diffusées dans les journaux américains.

Dans le Toronto Daily Star, du 4 mai 1926 et dans le Evening Bulletin de Philadelphie, le 27 septembre 1926 les lecteurs américains purent lire:
«Une dame m’a apporté l’autre jour un Livre. Je l’écris avec une majuscule car c’est un Livre glorieux d’amour et de bonté, de force et de beauté. Je vous le recommande à tous. Si jamais votre attention est attirée par le nom de Baha'u'llah ou de ‘Abdu'l-Baha n’écartez pas de vous leurs écrits. Recherchez leurs livres, et laissez leurs glorieuses paroles et leçons pénétrer votre coeur comme elles ont pénétré le mien. Il peut sembler que notre journée chargée soit trop pleine pour la religion. Ou encore, on peut avoir une religion qui nous satisfait. Mais les enseignements de ces hommes nobles, sages et bons sont compatibles avec toutes les religions et avec aucune religion. Recherchez les et soyez plus heureux.» (444)

Ces lettres véhiculées par les journaux, ont été un outil de publicité extraordinaire. Dès lors, une correspondance s’établit entre Shoghi Effendi et la reine Marie de Roumanie où cette dernière explique que «une grande lumière est venue à [elle] avec le message de Baha'u'llah et de ‘Abdu'l-Baha.» (445) Elle décrit les enseignements comme apportant:
«la paix et la compréhension [...]. L’unité à la place de la contestation, l’espoir à la place de la condamnation, l’amour à la place de la haine, et un grand réconfort pour tous les hommes.» (446)

Bien entendu, la reine avait des prérogatives politiques et administratives et elle ne put manifester plus longtemps son intérêt pour la religion baha'ie:
«Quelques-uns de ceux de ma caste s’étonnent et désapprouvent mon courage de franchir le pas en prononçant des paroles que les têtes couronnées n’ont pas l’habitude de prononcer, mais j’avance, poussée par une force intérieure à laquelle je ne peux résister.» (447)

Elle fut même empêchée de se rendre sur le mont Carmel pour aller visiter les Tombeaux sacrés et les Lieux saints de la religion baha'ie:
«Iléana (448) et moi nous avons été toutes les deux, cruellement déçues d’avoir été empêchées d’aller aux mausolées sacrés et de rencontrer Shoghi Effendi. Mais à cette époque nous traversions une crise cruelle et chaque mouvement que je faisais était tourné contre moi et exploité politiquement de manière malveillante. Cela me causa de grandes souffrances et diminua le plus sévèrement ma liberté. Cependant il y a des périodes où l’on doit subir la persécution.» ( 449)

De par son rang, une pression constante était exercée sur la reine, une pression exercée par les facteurs politiques et ecclésiastiques pour qu’elle garde le silence sur une religion si peu connue et qui était considérée comme islamique par le clergé roumain. De plus, la Roumanie était agitée pendant toute la durée de son règne, alors qu’elle était la reine douairière. Toutefois, Martha Root resta en contact avec la reine, l’informant des activités baha'ies, et recevant d’elle des lettres manuscrites qui étaient amicales et révélaient son attachement aux enseignements de Baha'u'llah qui, pensait-elle, pouvaient apporter apaisement et solutions aux maux de l’humanité.

Il existe un point commun entre Romain Rolland, Charles Baudouin, Auguste Forel et la Reine Marie de Roumanie: ils font tous quatre partie des grands esprits européens qui, alors que le XXème siècle était témoin de la décadence de l’Europe et de la société dans son ensemble, voulaient et croyaient en l’avenir d’un esprit européen, un espace géographique peuplé par des hommes et des femmes dont l’esprit humain dominerait l’esprit national. On comprend pourquoi ils se sont tous intéressés aux principes de la foi baha'ie qui préconise l’unité de l’humanité et la paix universelle. Leur croyance était entièrement conforme à cette citation de Baha'u'llah: «La gloire n’est pas seulement à celui qui aime son pays mais à celui qui aime le monde entier.» (450) Par ailleurs, pour soutenir ces idées, bien qu’elles soient traitées d’utopistes à l’époque, Charles Baudouin fonda une revue Le Carmel, qui publia pendant deux ans (1916-1918) des articles d’intellectuels de différents pays en guerre qui osèrent parler de cet esprit européen et de supranationalisme.

La communauté baha'ie de France, très liée à ses débuts à la personnalité de ‘Abdu'l-Baha du fait de sa venue à Paris, a su, par la suite grandir et développer son ordre administratif. A la veille de l’élection de la première assemblée spirituelle nationale, en 1958, la communauté baha'ie française, pourtant encore peu nombreuse, était organisée au niveau interne et externe: réunions d’assemblées locales, gestion des groupes baha'is de province, organisation de conférences, traductions d’ouvrages de base, édition d’un journal qui se voulait mensuel, tout en élargissant sa notoriété auprès de certaines personnalités qui en ont témoigné.


CONCLUSION

Le vingtième siècle est caractérisé par des changements radicaux de la société: «Au cours des cent dernières années, notre monde a subi des changements beaucoup plus profonds que ceux de n’importe quelle période précédente de l’histoire, des changements qui sont, pour la plupart, peu compris par la génération présente.» (451) En effet, différentes évolutions traversent ce siècle ; au début du XXème siècle, l’Europe est considérée comme le centre du monde: les découvertes scientifiques, les inventions, les nouveaux modes de pensée fleurissent dans toutes les disciplines. La France représente un pays où règne une effervescence artistique et littéraire, mais aussi scientifique.

De plus, un certain rapprochement entre l’Orient et l’Occident commence à s’établir dès la fin du XIXème siècle. Les études des orientalistes, la facilité et la rapidité relatives des voyages, la multiplication des échanges, les expositions universelles créent des liens plus étroits entre l’Asie et l’Europe.

C’est également ce XXème siècle qui voit l’émergence d’une nouvelle religion sur le sol français: la foi baha'ie, née au milieu du XIXème siècle en Perse. Persécutée dès son origine, la minorité n’en est pas moins devenue un phénomène mondial. Les idées universalistes de paix, d’unité de l’humanité ont été particulièrement véhiculées en Occident par le fils du fondateur Baha'u'llah, qui se nomme ‘Abdu'l-Baha.

‘Abdu'l-Baha a été celui qui a mis en place et concrétisé la révélation divine de Baha'u'llah par l’organisation des premières structures de la communauté mondiale baha'ie. Par l’intermédiaire de ses nombreux écrits, il a donné une vision planifiée de la proclamation de la nouvelle religion. C’est sous son ministère, et grâce à l’impulsion donnée par ses voyages, que plusieurs communautés baha'ies ont commencé à s’ériger et se développer en Orient et en Occident.

En France, le message babi (précurseur du message de Baha'u'llah) est déjà connu du cercle orientaliste parisien par le biais du comte de Gobineau, chargé d'affaire à Téhéran, qui a fait paraître en 1865 un livre à succès intitulé Religions et philosophies de l'Asie centrale. L’intérêt grandissant de l’Occident pour une minorité, orientale à l’origine, témoigne d’une certaine soif d’exotisme des Occidentaux, une ouverture d’esprit sur le monde et un rapprochement des peuples, une solidarité et une responsabilité également devant les massacres infligés en dehors de leurs frontières. De plus, le nouveau message orienté vers une paix universelle et un monde meilleur a éveillé la curiosité et la réceptivité de l’Occident, où la modernité et le progrès impliquaient une société matérialiste.

C’est déjà quelques années avant la venue de ‘Abdu'l-Baha en Occident, que la religion baha'ie est arrivée sur le territoire français, en 1898. Le Paris de cette époque est plus que la capitale de la France: c’est en effet la troisième «cité monde» (452), un lieu de brassage des peuples, des idées et des images. Nous comprenons mieux pourquoi le message de Baha’u’llah a d’abord pris racine dans ce creuset, avant de gagner le reste du vieux continent.

Une petite communauté baha'ie parisienne s’est alors constituée, et c’est en 1911 et 1913, dans une atmosphère de progrès scientifique et de refroidissement religieux qu’apparaît le personnage de ‘Abdu'l-Baha dans le paysage français. Après une longue période d’emprisonnements et d’exils, il séjourne en Europe, résolu à proclamer à tous, un message de paix universelle et de justice. En effet, c’est au cours de ces voyages en Occident, devant des auditoires très diversifiés que ‘Abdu'l-Baha expose, avec une grande simplicité d’après les témoins de l’époque, pour la première fois de son ministère, les principes essentiels de la foi de son père, Baha'u'llah.

‘Abdu'l-Baha est venu non seulement à la rencontre de la communauté baha'ie française naissante mais a fait également de nombreuses causeries pour le grand public et a rencontré plusieurs personnalités et intellectuels. Les correspondances de l’époque et les articles de presse, témoignent de l’étendue et de l’impact des différents discours de ‘Abdu'l-Baha. Ceux qui ont pu le rencontrer ont été unanimes à reconnaître le magnétisme de sa personnalité. Les journaux ou les comptes-rendus de ses contemporains témoignent en effet de ce charisme et du bien fondé de son message: considéré par certains comme visionnaire du troisième millénaire, il définit les différentes étapes de l’évolution de l’humanité vers la paix universelle. Les principes concernant le progrès de la civilisation énoncés par ‘Abdu'l-Baha lors de son séjour en Occident ont marqué les différents auditoires, en particulier l’engagement pour la cause de la paix mondiale, l’abolition des extrêmes de richesse et de pauvreté, la disparition de toutes sortes de préjugés, le soutien d’une éducation égale pour les filles et les garçons, la nécessité de rechercher la vérité d’une manière personnelle et indépendante, l’accord entre la religion et la science. Son message, qu’il ait été entendu, apprécié ou qualifié d’utopiste, a eu une influence certaine, et bon nombre de ses auditeurs a été conforté que «seul un changement révolutionnaire dans la structure même de la société et la soumission délibérée de la nature humaine à la loi divine peuvent, en dernière analyse, produire les changements de comportement nécessaires.» (453) Le message, diffusé par un homme ayant passé la majorité de sa vie en exil ou en prison, paraît d’une modernité et d’une actualité étonnantes dans la société occidentale qui se veut le berceau de la modernité.

Avec ‘Abdu'l-Baha, la foi baha'ie commence à devenir mondiale, grâce en partie à son périple occidental. Cela s’intensifie avec Shoghi Effendi, petit fils de ‘Abdu'l-Baha qui lui succède en 1921. Sous sa direction, la communauté s’agrandit, s’enracine et développe sa structure administrative. En conséquence, on compte aujourd’hui des baha'is dans les pays du monde entier. Actuellement, c’est la Maison universelle de justice qui dirige et coordonne les affaires de la communauté baha'ie mondiale.

On peut définir la première moitié du XXème siècle comme une longue recherche d’organisation mondiale. Plusieurs systèmes se sont succédés sans pouvoir se stabiliser, démontrant leurs insuffisances: monarchie, fascisme, colonialisme, communisme... La démocratie, certes, est demeurée, mais telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, elle connaît ses propres difficultés et limites... De nombreuses réflexions tentent d’imaginer la forme encore viable aujourd’hui. En marge du débat, la communauté mondiale baha'ie propose une solution inédite: un cadre administratif proposé par Baha’u’llah, et qui gère les affaires de la société en s’appuyant notamment sur un système d’assemblées librement élues au niveau local, national et international.

Aujourd’hui, les baha'is sont répartis dans le monde entier, mais c’est encore en Iran qu’une des plus grandes communautés se trouve, ce qui n’est pas sans créer de sérieux problèmes de tolérance. La «question baha'ie» est souvent évoquée dans les instances internationales (454) ou dans nos médias pour condamner les persécutions subies encore de nos jours, par cette minorité, en Iran, où les droits humains les plus élémentaires ne lui sont pas garantis.

Au niveau mondial, la foi baha'ie continue sa participation active au sein d’institutions internationales comme l’ONU en travaillant à la défense des droits de l’homme et à l’amélioration du sort de l’humanité. (455) Parmi ses multiples activités dans le cadre de l’ONU, citons par exemple que la Communauté internationale baha'ie est partenaire de la Décennie internationale pour une culture de la paix et de la non-violence. Un autre champ d’action est le dialogue interreligieux: en avril 2002, elle a lancé un pressant appel aux dignitaires religieux du monde en faveur d’une nouvelle vision de l’harmonie entre les religions (456) au service de la paix.

En France, la communauté baha'ie au cours du XXème siècle s’est développée et s’est organisée. Elle a fêté son centenaire en 1998 à Paris où étaient présentes des familles baha'ies françaises de quatrième génération et elle a acquis l’appartement historique de la rue Camoëns où ‘Abdu'l-Baha a résidé lors de son passage à Paris en 1911. Cette résidence, siège de la conservation des archives historiques parisiennes, est surtout un lieu respecté des chercheurs et des baha'is du monde entier. Une vocation qui rappelle l’activité incessante qui régnait dans les salons de ‘Abdu'l-Baha au début du XXème siècle.


ANNEXE - SOURCES LITTERAIRES

* Dépêches diplomatiques, Ministère des Affaires étrangères

- Mellinet au duc de Decazes, le 15 mai 1875, Téhéran, Direction Politique n°44, MAE, CP., Perse, vol.37.

- Le ministre des Affaires étrangères français Stéphen Pichon au haut commissaire français à Beyrouth George Picot, le 14 décembre 1918, n°500: MAE dossier E368 I Asie-Perse.

- Le haut commissaire français à Beyrouth George Picot au ministre des Affaires étrangères français Stephen Pichon, le 17 décembre 1918: MAE dossier E368 I Asie-Perse.


* Textes baha'is de base

- ‘ABDU’L-BAHA, Les causeries de ‘Abdu’l-Baha à Paris [datant de 1911], Maison d’éditions baha’ies, Bruxelles, 1987, 210 p.

- ‘ABDU’L-BAHA, Les leçons de Saint Jean d’Acre [écrit vers 1907], traduites du persan par Hippolyte Dreyfus, Presses Universitaires de France, Paris, 1970, 349 p.

- ‘ABDU’L-BAHA, Le Testament de ‘Abdu'l-Baha [écrit en 1921], Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1970, 60 p.

- BAB (Le), Sélection des Ecrits du Bab, Baha'i World Center, Haïfa, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1984, 224 p.

- BAHA’U’LLAH, La proclamation de Baha'u'llah aux rois et dirigeants du monde, Centre Mondial baha'i, Haïfa, 1972, 115 p.

- BAHA’U’LLAH, Les tablettes de Baha'u'llah [écrites avant 1892], Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1994, 321p.


* Sources imprimées sous forme de livres

- AFRUKHTIH (Yunis), Khatirat-i-Nuh Salih Akka [Les souvenirs de neuf années à Akka], (traduction de courtoisie du persan), Editions Athar Amri, Téhéran, 1952, 580 p.

L’auteur a écrit ses souvenirs lorsqu’il était en présence de ‘Abdu'l-Baha entre 1900 et 1909, plus de trente ans après.

- BLOMFIELD (Sara Louisa dite Lady), The chosen highway,[notes écrites à partir de 1911], The Baha'i Publishing Trust, Londres, 1940, 265 p.

- CURZON (George Nathaniel), Persia and the Persian question, 2 vol., Longman, Green and Co., Londres, 1892.

- DREYFUS (Hippolyte), Essai sur le bahaisme, son histoire, sa portée sociale, Editions Ernest Leroux, 1908, 190 p.

- DREYFUS (Hippolyte) [traducteur], L’oeuvre de Bahaou’llah, Librairie Ernest Leroux, Paris, 1928, 189 p.

- EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p., index.
Nota: Cet ouvrage fut très important pour mon étude car il décrit l’évolution de la foi baha'ie des origines à nos jours, d’un point de vue historique.

- ESSLEMONT (John), Baha'u'llah et l’ère nouvelle, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1990, 303 p., index.

- GOBINEAU (J-A), Comte de, Les religions et les philosophies dans l’Asie centrale, OEuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983, 450 p.

- IVES (Howard Colby), Les voies de la liberté, [notes datant de 1912-1913] Editions du Calame, Paris, 2000, 230 p.

L’auteur, un occidental, raconte ses souvenirs lors de sa rencontre avec ‘Abdu'l-Baha.

- MAXWELL (May), An early pilgrimage, George Ronald, Oxford, 1953, (1ère édition en 1917), 43 p.

- NABIL (Muhammad-i-Zarandi, dit Nabil-i-Azam), La chronique de Nabil, [écrit vers 1887-1888], Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1986, 644 p., ill., index.
Nota: Cet ouvrage m’a été très utile pour mon étude, en ce qui concerne l’histoire du début de la foi baha'ie. L’auteur était contemporain de l’émergence des religions babie et baha'ie ce qui donne un récit très détaillé. De plus par la suite lorsque cette oeuvre fut imprimée, elle fut augmentée de nombreuses illustrations authentiques, ce qui m’a également servi pour mon mémoire.

- NICOLAS (A-L-M), Siyyid Ali Muhammad dit le Bab, Les Religions des Peuples civilisés, coll. «Histoire», Dujarric et Cie éditeurs, 1905, 458 p.

- ZARQANI (Mahmud), Badayiu’l-Athar, vol.II, [Le récit des voyages de ‘Abdu'l-Baha en Occident], Karimi Presse, Inde, 1921, 392 p.
Nota : Traduction de courtoisie du persan ; l’auteur avait pris des notes au jour le jour entre décembre 1912 et décembre 1913. Ces notes furent imprimées en 1921.

- Star of the West, volumes I à XIV (457)[chaque volume comportait environ dix-neuf numéros, correspondant à chaque mois baha’i], de mars 1910 à mars 1924, George Ronald, Oxford, 1978.
Nota: Le magazine Star of the West fut la première revue baha'ie à paraître dans le monde occidental: il fut imprimé de mars 1910 à mars 1924 à Chicago et s’est avéré être une source précieuse pour mon étude. En effet, il recueillait des articles venant de différents pays du monde, et notamment la France. De nombreux témoignages contemporains de la venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris y figurent. Pour une commodité de lecture, les différents numéros ont été rassemblés en huit ouvrages différents et imprimés en 1978, chez George Ronald, Oxford. A partir de avril 1925, cette revue s’intitula Baha'i Year Book, puis à partir de avril 1926, The Baha'i World (La revue continue d’être éditée sous le même nom aujourd’hui).

- The Baha'i World, A biennal International record, Baha'i Publishing Trust, Wilmette, jusqu’en 1954.

- The Baha'i World, An International Record, World Center Publication, USA.[de 1954 à nos jours].


* Sources provenant de personnalités littéraires

- APOLLINAIRE (Guillaume), Chroniques et échos, [écrit en octobre 1917], dans Oeuvres en prose complètes, Tome III, «Bibliothèque de la Pléïade», Editions Gallimard, Paris, 1993, 1617p.

- FOREL (Auguste), Mensonge ou erreur chez l’homme normal, L’Eglantine, Bruxelles, 1925, p.109 et 146.

- RENAN (Ernest), Histoire des origines du christianisme, 2 volumes, Editions Robert Laffont, collection «Bouquins», Paris, 1995, 833 p., index.

- ROLLAND (Romain), Les chefs-d’oeuvre de Romain Rolland, Pierre et Luce, Clérambault [écrit entre 1916 et 1920], Editions Albin Michel, Paris, 1971, 367 p.


* Correspondances diverses

- Correspondance de Sidney Prague à Isabella Brittingham, août 1910 pris dans: WARD (Allan L.), 239 days, ‘Abdu'l-Baha’s journey in America, Baha'i Publishing Trust, 1979, 218 p.

- Lettre de Henry De Farémond à ‘Abdu'l-Baha, Fontainebleau, le 26 mai 1913, Archives privées.

- Lettre de Henry de Farémond à Edwin Scott, Fontainebleau, le 26 mai 1913, Archives privées.

- Lettre de Romain Rolland à Charles Baudouin, le 11 juin 1917, à Villeneuve, dans Monsieur le Comte: Romain Rolland et Léon Tolstoy, Cahiers Romain Rolland, n° 24, Paris, Editions Albin Michel, 1978, p. 124. (ISBN 2-226-00717-2).

- Lettre de ‘Abdu'l-Baha à la communauté de Paris, par l’entremise de Jeanne Stannard, le 23 juillet 1919, Archives privées de Laura Dreyfus Barney, conservées à la section historique des archives baha'ies de France.

- Lettre de Romain Rolland à Auguste Forel, le 21 février 1923, Institut d'histoire de la médecine, Université de Zurich, MHIZ Archive PN 31.

- Lettre de Romain Rolland à Jeanne Stannard, directrice du bureau International baha'i de Genève, le 2 août 1925, à Villeneuve. Section historique des archives baha'ies de France

- Lettre de Romain Rolland à Jeanne Raoul Montefiore, le 31 mai 1930, à Villeneuve. Section historique des archives baha'ies de France.


* Articles de journaux et revues français mentionnant la foi baha'ie avant la venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris en 1911.

- DARES (Guy), «Une religion nouvelle», dans Le Figaro. Supplément littéraire, n°15, Paris, 10 avril 1909, p.2, col.1-3.

- DREYFUS (Hippolyte), «Les Béhaïs et le mouvement actuel en Perse», dans Revue du Monde Musulman 1, Paris, 1907 (décembre 1906), pp.198-206.

- DREYFUS (Hippolyte), «Le Béhaïsme», dans Annales Théosophiques, Paris, 1908, pp.25-46.

- H. G. «L’influence du babisme», dans A travers le monde, Paris, 1907, pp. 17-20.

- JANNEAU (Ch-Guillaume), «Des pastels et quelques toiles», Rubrique La vie artistique, dans Le Gil Blas, n°12.523, Paris, 28 mai 1911.

- MOULET (Alfred), «Une religion nouvelle: le béhaisme», Rubrique Mission Laïque française, dans Lyon Universitaire, n°286, Lyon, 15 mai 1908, col. 3-4.

- VOIROL (Sébastien), Rubrique Argus de la presse, dans La Revue diplomatique, n°102-62, Paris, 25 avril 1909, col.1.

- Auteur anonyme, «Bulletin de l’étranger», Rubrique Perse, dans Le Temps, n°15452, Paris, 6 octobre 1903, p.1, col.3.

- Auteur anonyme, Rubrique Mission laïque française, dans Lyon Républicain, n°10926, Lyon, 24 mai 1908, p.3, col.3.


* Articles de journaux et revues français, pendant ou à la suite de la venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris (en 1911 et 1913).

- AIREL (Myrtil), «Le Bahaïsme: chez le chef de la Religion Universelle», dans La Liberté, n° 16.667, Paris, 13 octobre 1911, p.2, col.1-2.

- ANDRE-GEDALGE (Amélie), «Causerie sur la Littérature mystique musulmane», dans Annales théosophiques, Recueil trimestriel de Conférences et de Travaux originaux, Quatrième année, 1911, n°3, Publications théosophiques, Paris, 1911, pp.129-165.

- COURMES (Dominique-Albert), «Réception du chef du mouvement babiste au siège théosophique de Paris», dans Revue Théosophique Française, Le Lotus Bleu, n°9, fondée par H.P. Blavatsky, Librairie de l’Art Indépendant, Paris, 27 novembre 1911 pp. 320-322.

- DARES (Guy), «Abdou’l-Baha», dans Le Figaro, n°279, Paris, vendredi 6 octobre 1911, p.4, col.3.

- GOURMONT de (Rémy), «Le Béhaïsme», Rubrique Les idées du Jour, dans La France, n°263, Paris, 21 octobre 1911, p.1, col.4.

- LEFRANC (Jean), «Le Bahaïsme et son prophète», dans Le Temps, n°18386, Paris, 3 novembre 1911, p. 4, col.2-3.

- LEFRANC (Jean), «A la Persane», Rubrique Promenades et visites, dans Le Temps, n°18834, Paris, 27 janvier 1913, p.3, col.1-2.

- MEUNIER (Henry), «Modernisme Musulman I», dans Les Nouvelles, Journal Quotidien du soir, n°4245, Paris, 29 janvier 1912, p.1, col.1-2.

- MEUNIER (Henry), «Modernisme Musulman II», dans Les Nouvelles, Journal Quotidien du soir, n°4250, Paris, 3 février 1912, p.1, col.1-2.

- SAINTE-CROIX de (Camille), «Abdoul Beha, du babisme au béhaisme», dans Paris-Journal, n°1129, Paris, mercredi 8 novembre 1911, p.1, col. 1-2.

- SMARTSET, «De Londres à Paris - Ainsi va parler Zarathoustra», Rubrique La ville, dans Gil Blas, 24 janvier 1913, p.4, col.1.

- Discours de ‘Abdu'l-Baha-Oul-Baha à la Société Théosphique , dans Annales théosophiques, Recueil trimestriel de Conférences et de Travaux originaux, Quatrième année, 1911, n°3, Publications théosophiques, Paris, 1911, p.213

- Discours de Annie Besant dans Le Vahan, Revue Théosophique Française, Le Lotus Bleu, n°6, fondée par H.P. Blavatsky, Librairie de l’Art Indépendant, Paris, 27 août 1912, p.199

- Revue Théosophique Française, Le Lotus Bleu, n°11, fondée par H.P. Blavatsky, Librairie de l’Art Indépendant, Paris, 29 janvier 1912 pp. 385.


* Articles anonymes.

- «Le Baha’ïsme fera-t-il la conquête de Paris ?», dans Excelsior, Journal Illustré Quotidien, n°357, Paris, mardi 7 novembre 1911, p.1, col.3.

- «Le Chef du Bahaïsme fait une conférence» [avec photographie (Central Photo)], dans Excelsior, n°360, Paris, 10 novembre 1911, p.1, col.1.

- «Mahomet complète sa doctrine à l’Athénée Saint-germain par la voix de Abdoul-Baha, fils de la Splendeur de Dieu», (avec croquis), dans La Petite République, Paris, 10 novembre 1911, p.1, col.1.

- Rubrique réception, dans Excelsior, Journal Illustré Quotidien, n°362, Paris, 12 novembre 1911, p.1, col.3.


* Journaux et revues français plus tardifs

- E.S., «Trois prophètes», Rubrique Palestine 1933, dans Les Echos, n°924-327, septembre 1933, p.10, col.2-3.

- E.S., «Une religion économique», Rubrique Palestine 1933 [suite de l’article précédent], dans Les Echos, n°924-4, 28 septembre 1933, col.2-3.

- SCHREIBER (Emile), «Le retour à la terre promise», dans l’Illustration, n°4726, 30 septembre 1933, p132.

- WOLFF (Maurice), «Enquête sur les Béhaïs», Rubrique Les petites religions, dans Le Journal, n°34, Paris, 1er avril 1926, col 1-2-3.

- «Echos et Propos», Rubrique Deuil, dans Le Matin, n°16347, Paris, 21 décembre 1928, p.2, col.4.


* Rapport des premiers groupes de croyants baha'is depuis 1925.

- Archives communautaires, Répertoire des rapports et comptes-rendus de l’Assemblée spirituelle de Paris, 1925-1958.

Nota : L’accès à ces archives m’a été très utile car il m’a permis de connaître l’évolution de la communauté baha'ie française de manière précise grâce aux rapports produits par les acteurs de l’époque.


ANNEXE – BIBLIOGRAPHIE

* Instruments de travail:

- Encyclopaedia Universalis

- Dictionnaire des religions, dir. POUPARD (Paul), VIDAL (Jacques), RIES (Julien) [et al.], PUF, Paris, 1984, 1830 p.

- LINARD (Thomas), Bibliographie des ouvrages de langue française mentionnant les religions babie ou baha'i e (1844-1944), Librairie baha’ie, Paris, 1996, 46p.


* Ouvrages ou revues spécialisés sur diverses questions

- BUSHRUI (Soheil) et JENKINS (Joe), Khalil Gibran: l’homme et le poète, Editions Vega, Paris, 2001, 403 p.

- «La mère, héritière spirituelle de Sri Aurobindo» dans Le courrier, un bulletin de l’Unesco, octobre 1972 (XXVème année).


* Ouvrages spécialisés sur les religions

- WEBER (Max), Sociologie des religions, coll. «Bibliothèque des sciences humaines», Gallimard, 1996, 545 p., index.

- WILLAIME (Jean-Paul), Sociologie des religions, Presses Universitaires de France, coll. «QSJ», Paris, 1995, 125 p.


* Ouvrages spécialisés sur les religions et la culture en Europe et particulièrement en France

- AMALVI (Christian) (sous la dir. de), Mouvements religieux et culturels en France de 1800 à 1914, Sedes, Paris, 2001, 192 p., coll. «Regards sur l’histoire», index, ill.

- CHOLVY (Gérard), La religion en France de la fin du XVIIIème siècle à nos jours, Hachette, coll. «Carré Histoire», Paris, 1998, 255 p., gloss., biblio, chrono.

- DEBBASCH (Charles), PONTIER (Jean- Marie), La société française, Armand Colin, Paris, 2001, 1076 p.

- GERBOD (Paul), L’Europe culturelle et religieuse de 1815 à nos jours, PUF, coll. «Nouvelle Clio», Paris, 1977, 384 p., index.


* Ouvrages spécialisés sur la Perse

- RICHARD (Yann), L’Islam chi’ite, «Croyances et idéologies», Fayard, Paris, 1991, 303 p., index, biblio.


* Ouvrages spécialisés sur la foi baha'ie

- BALYUZI (H. M), Abdu’l-Baha, The Centre of the covenant of Baha’u’llah, George Ronald, Oxford, 1971, 560 p, index, ill., biblio.

- BALYUZI (H. M), Baha'u'llah, The King of Glory, George Ronald, Oxford, 1980, 539 p, index, ill., biblio.
- LEMAITRE (Solange), Une grande figure de l’Unité: ‘Abdu'l-Baha, Librairie d’Amérique et d’Orient, Adrien-Maisonneuve, Paris, 1952, 66 p.

- MAISON UNIVERSELLE DE JUSTICE, Le siècle de Lumière, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 2004, 193 p.
Nota: Ce livre a été très utile pour mon étude car il donne une rétrospective claire et détaillée sur les évolutions et les changements du vingtième siècle, me permettant d’établir le contexte européen de la période d’implantation de la foi baha'ie en Europe.

- MOMEN (Moojan), The Babi and Baha’i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, George Ronald, Oxford, 1981, 572 p, index, ill., biblio.

- PIFF METELMANN (Velda), Lua Getsinger, Herald of the Covenant, George Ronald, Oxford, 1997, 415 p.

- RABBANI (Ruhiyyih), La perle inestimable, Maisons d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 558 p. ill.

- RAJWANTEE LAKSHMAN LEPAIN, La vie de Thomas Breakwell, collection «La vie», Librairie baha'ie, Paris, 1997, 63 p.

- SMITH (Peter), The Babi & Baha’i Religions, From messianic Shi’ism to a world religion, Cambridge University Press, 1987, 243 p.

- STENDARDO (Luigi), Léo Tolstoy and the baha'i faith, George Ronald, Oxford, 1985, 75 p., index.

- Sur les pas de ‘Abdu'l-Baha à Paris, Paris deviendra un jardin de roses, Librairie baha'ie, Paris, 1998, 111 p, ill.
Nota: Ce livre fut un outil de travail très intéressant car il comportait de nombreuses traductions faites du persan, ainsi que de nombreuses illustrations. Il m’a permis d’avoir les grandes lignes du voyage de ‘Abdu'l-Baha à Paris.

- «Les principes de l’administration baha'ie», Traduction et publication par l’Assemblée spirituelle nationale des baha'is de France, Paris, 1968, 102 p.
- Brochure: «Communauté internationale baha'ie: Cent ans au service de l’unité dans la diversité», Exposition au Parlement européen, 2003-2004, Librairie baha'ie, Paris 2003.

- Comité pour l’histoire de la foi baha'ie en France, Hippolyte Dreyfus, sa vie, son oeuvre, Librairie baha'ie, Paris, 1996, 23 p.

- Mémoire de maîtrise, DISPAGNE (Caroline), Les dépêches diplomatiques françaises concernant les religions babie et baha'ie au temps du Bab et de Baha'u'llah (1844-1892), Université Paris IV, septembre 2001.

- Revue: «Les baha'is», Librairie baha'ie, Paris, 1993, pour l’édition en langue française, 80 p.

- Revue: «La pensée baha'ie ; Auguste Forel (1848-1931)», Bulletin trimestriel, n°77, édité par l’Assemblée spirituelle des baha'is de Suisse, Nyon, septembre 1981


* Sites INTERNET

- www.bahai.org: Ce site est le site officiel de la foi baha'ie et se veut très complet et offrant un éventail très large de renseignements dans les domaines les plus divers.

- www.biblio-bahai.org: Site très intéressant, riche et complet, qui possède une photothèque très riche.

- www.religare.org: Site comparatif des grandes religions monothéistes.

- http://reference.bahai.org: Ce site est très utile car il propose une liste de tous les manuels de référence de la foi baha'ie, Textes saints, ou d’autres auteurs qui ont écrit sur ce sujet.


TABLE DES PHOTOS

I/ Annexes concernant la foi babie et la proclamation de Baha'u'llah

- n° 1: Carte d’Iran
- n° 2: Carte des exils de Baha'u'llah
- n° 3: Tablettes du Bab à deux de ses disciples
- n° 4: Ecriture de Baha'u'llah et son secrétaire
- n° 5: Le comte de Gobineau
- n° 6: A-L-M. Nicolas
- n° 7: Prison de Saint Jean d’Acre
- n° 8: Chefs politiques et religieux à qui Baha'u'llah écrivit
- n° 9: Tablette de Baha'u'llah à Napoléon III

II/ Annexes concernant les premiers baha'is à Paris

- n° 10: Portrait de May Bolles Maxwell
- n° 11: Portrait de Thomas Breakwell
- n° 12: Peinture de Hippolyte Dreyfus
- n° 13: Laura Dreyfus-Barney et Hippolyte Dreyfus
- n° 14: Premiers baha'is à Paris, dans l’atelier des Scott
- n° 15: Premiers baha'is à Paris, avec May Bolles et T. Breakwell

III/ Annexes concernant ‘Abdu'l-Baha et ses voyages en Occident

- n° 16: Portrait de ‘Abdu'l-Baha jeune
- n° 17: Portrait de ‘Abdu'l-Baha âgé
- n° 18: Carte des voyages de ‘Abdu'l-Baha
- n° 19: Vue de Paris
- n° 20: Vue de Paris
- n° 21: Edwin Scott devant appartement de ‘Abdu'l-Baha
- n° 22: Portrait de ‘Abdu'l-Baha en couleur
- n° 23: Portrait de ‘Abdu'l-Baha fait à Paris
- n° 24: Groupe autour de ‘Abdu'l-Baha à Paris
- n° 25: Ecriture de ‘Abdu'l-Baha
- n° 26: ‘Abdu'l-Baha reçoit le titre de Chevalier

IV/ Annexes regroupant plusieurs articles de presse de l’époque

- n° 27 à 39: Articles de journaux concernant la foi baha'ie

V/ Annexes concernant la succession par Shoghi Effendi et l’ordre administratif

- n° 40: ‘Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi
- n° 41: Shoghi Effendi jeune
- n° 42: Shoghi Effendi âgé
- n° 43: Tombe de Shoghi Effendi à Londres
- n° 44: Schéma de l’ordre administratif baha'i
- n° 45: Page de garde du Journal baha'i

VI/ Personnalités ayant rencontré ‘Abdu'l-Baha où ayant mentionné la religion baha'ie

- n° 46: Léon Tolstoï
- n° 47: Henri Bergson
- n° 48: Mirra Al-Fassa dite «La mère»
- n° 49: Auguste Forel
- n° 50: Guillaume Apollinaire
- n° 51: Romain Rolland
- n° 52: Portrait de la Reine Marie de Roumanie
- n° 53: Lettre de la Reine Marie de Roumanie

VII/ Le centre mondial baha'i aujourd’hui

- n° 54: La Maison universelle de justice
- n° 55: Tombeau de Baha'u'llah
- n° 56: Mausolée du Bab


NOTES

(1) Selon le supplément de 1992 de l’Encyclopaedia Britannica.

(2) La formule est d’après 1914.

(3) NABIL (Muhammad-i-Zarandi, dit Nabil-i-Azam), La chronique de Nabil, [écrit vers 1887-1888], Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1986, 644 p., ill., index.

(4) Ibid., p.lxiii.

(5) Shoghi Effendi (1897-1957) est le petit-fils de ‘Abdu'l-Baha et son successeur.

(6) NABIL-I-AZAM, Nabil, Récits historiques, «abrégé», La Maison d’éditions baha'ies, Abidjan, Côte d’Ivoire, 1985, 153 p., p.1.

(7) Voir annexe n°1.

(8) La Perse devient l’Iran en 1935.

(9) NABIL (Muhammad-i-Zarandi, dit Nabil-i-Azam), La chronique de Nabil, op.cit., p.xxv

(10) Dynastie qui règne de 1786 à 1925 en Iran.

(11) A l’époque, Muhammad Shah qui a régné de 1835 à 1848. Son successeur est Nasridin Shah qui règne de 1849 à 1896.

(12) CURZON ( G-N), Persia and the Persian question, vol.1, Frank Cass and co, Ltd, Londres, 1966, p.391.

(13) Ibid., p.34 de l’introduction.

(14) NABIL (Muhammad-i-Zarandi, dit Nabil-i-Azam), La chronique de Nabil, op.cit., p.68.

(15) Idem.

(16) Les fac-similés des tablettes autographes du Bab adressées aux dix-huit lettres du Vivant ont été conservés et demeurent aujourd’hui à Haïfa, au Centre des archives. Voir annexe n°3.

(17) RICHARD (Yann), L’Islam chi’ite, «Croyances et idéologies», Fayard, Paris, 1991, 303 p., index, biblio, p.97.

(18) LE BAB, Sélection des Ecrits du Bab, Baha'i World Center, Haïfa, Maison d’Editions baha'ies, Bruxelles, 1984, 224 p., p.79.

(19) NABIL, La Chronique de Nabil, op.cit., p.75-77.

(20) Chiffre trouvé dans: Dictionnaire des religions, dir. POUPARD (Paul), VIDAL (Jacques), RIES (Julien) [et al.], PUF, Paris, 1984, 1830 p ; p.136.

(21) Joseph Philippe Ferrier est un soldat français qui sert l’armée française en Afrique et qui obtient ainsi le titre de Maréchal des Logis. Il est ensuite désigné pour aller en Perse, former et entraîner les troupes perses de Muhammad Shah. Puis de 1849 à 1851, Ferrier demeure à Téhéran, où il travaille en tant qu’agent français pour le Ministère des Affaires étrangères à Paris.

(22) De Rochechouart à Drouyn de Lhuis, Téhéran, le 5 mai 1864, direction politique n°10, MAE, CP, Perse, vol.33.

(23) Aujourd’hui Tauris s’appelle Tabriz.

(24) De Ferrier au Général de La Hitte, 25 juin 1850, MAE, CP, Perse, vol. n°24.

(25) GOBINEAU (J-A), Comte de, Les religions et les philosophies dans l’Asie centrale, OEuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983.

(26) Voir annexe n°5.

(27) C’est Napoléon III, empereur depuis 1852, qui ordonne l’établissement d’une légation française à Téhéran.

(28) Six chapitres sur seize.

(29) GOBINEAU (J-A), Comte de, Les religions et les philosophies dans l’Asie centrale [écrit en 1865], OEuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983, p.361 et suiv.

(30) Personne appartenant au domaine religieux

(31) Clerc reconnu par ses pairs pour interpréter les sources du droit religieux à des fins de jurisprudence.

(32) GOBINEAU (J-A), Comte de, Les religions et les philosophies dans l’Asie centrale [écrit en 1865], OEuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983, p. 251.

(33) RENAN (Ernest), Vie de Jésus, Gallimard, collection «Folio», Paris, 1974, 542 p ; aux pages 55, 399, 476 et 498.

(34) RENAN (Ernest), Histoire des origines du christianisme, 2 volumes, Editions Robert Laffont, collection «Bouquins», Paris, 1995, 833 p., index ; p.492-493. Ici, Renan met lui-même une note à son texte: Voir l’histoire des origines du Babisme raconté par M.de Gobineau, Les religions et les philosophies de l’Asie centrale (Paris, 1865), p.141 et suiv. et par Mirza Kazem-bag, dans le Journal Asiatique (sous presse). Moi-même [Ernest Renan], à Constantinople, j’ai pu recueillir, de deux personnes qui ont été mêlées de près à l’histoire du Babisme, des renseignements qui confirment le récit de ces deux savants.

(35) Note mise par Renan lui-même: Gobineau, ouv.cit. p.301 et suiv.

(36) RENAN (Ernest), Histoire des origines du christianisme, 2 volumes, Editions Robert Laffont, collection «Bouquins», Paris, 1995, 833 p., index ; p.493.

(37) Il y a un fonds Nicolas à la Sorbonne

(38) Voir annexe n°6.

(39) Ces informations ont été recueillies dans l’ouvrage de: MOMEN (Moojan), The Babi and Baha’i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, George Ronald, Oxford, 1981, 572 p, index, ill., biblio., p.516.

(40) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p., index, p.53.

(41) Idem.

(42) Idem.

(43)TOLSTOI (Léon), Polnoe Sobranie Sochinenii, vol.46, p.149, pris dans Luigi Stendardo, Léo Tostoy and the baha'i faith, George Ronald, Oxford, 1985, 75 p., index ; p.33. Traduction de courtoisie de l’anglais:
«I have known of the Babis for a long time, and am much interested in their teachings, like all rationalist, social and religious teachings that have arise recently out of the old religions [...] have a great future, above all because they have rejected all these monstruous hierarchies which divide the old religion, and they aspire to come together into one single religion common to the whole mankind.[...] What I perceive in Babism is quite different, not so much in the theory of his teachings but in its practice, as far I know it. And for this reason, I sympathize with all my heart with the Babism, insofar as it preaches brotherhood and equality between all men, and the sacrifice of material life in the service of God."

(44) ‘ABDU’L-BAHA , Les leçons de St Jean d’Acre, recueillies par Laura Cifford Barney et traduites du persan par Hippolyte Dreyfus, Presses universitaires de France, Vendôme, 1970, 1 (ère) édition en 1907, 350 p., p.33.

(45) ESSLEMONT (John), Baha'u'llah et l’ère nouvelle, [vers 1914 - 1920] Maisons d’éditions baha'i es, Bruxelles, 1990, 303 p, p.40.

(46) NABIL, La Chronique de Nabil, op.cit., p.114.

(47) Ibid., p.561.

(48) Selon Nabil, ils étaient deux.

(49) NABIL, op.cit., p.561-562.

(50) NABIL, op.cit., p562.

(51) Idem.

(52) GOBINEAU (J-A), Comte de, Les religions et les philosophies dans l’Asie centrale, op.cit., p. 607.

(53) CURZON (N, dit Lord), Persia and the Persian question, vol.1, Longmans, Green and Co., Londres, 1892, p.501-502.

(54) Mellinet au duc de Decazes, le 15 mai 1875, Téhéran, Direction Politique n°44, MAE, CP Perse, vol.37.

(55) RENAN (Ernest), Histoire des origines du christianisme, 2 volumes, Editions Robert Laffont, collection «Bouquins», Paris, 1995, 833 p., index ; p.493.

(56) Lettre du capitaine Von Goumoens, officier autrichien, paru dans L’Ami du Soldat n°291, journal autrichien ou allemand, dans: PHELPS (M.H.), Life and teachings of Abbas Effendi, introduction p.36.

(57) Mellinet au duc de Decazes, le 15 mai 1875, Téhéran, Direction Politique n°44, MAE, CP Perse, vol.37.

(58) NABIL (Muhammad-i-Zarandi, dit Nabil-i-Azam), La chronique de Nabil, op.cit, p.568.

(59) Docteurs de la loi musulmane. La plupart de oulémas perses étaient farouchement opposés aux babis.

(60) NABIL (Muhammad-i-Zarandi, dit Nabil-i-Azam), La chronique de Nabil, op.cit, p.565-566.

(61) Ibid., p.366.

(62) Témoignage de Baha'u'llah relaté dans: EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 439 p., index, p.96.

(63) ESSLEMONT (John), Baha'u'llah et l’ère nouvelle, Maisons d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1990, 303p. p.38.

(64) Appellation locale de Saint Jean d’Acre.

(65) Voir annexe n°2: carte des exils de Baha'u'llah.

(66) Devenu célèbre dans toute la littérature baha'ie.

(67) Actuel Istanboul.

(68) Actuel Edirne.

(69) Voir annexe n°7.

(70) BAHA’U’LLAH, La proclamation de Baha'u'llah aux rois et dirigeants du monde, [1867-1892] Centre Mondial baha'i, Haïfa, 1972, 115 p.

(71) Voir annexe n°9.

(72) BAHA’U’LLAH, La proclamation de Baha'u'llah aux rois et dirigeants du monde, [1867-1892] Centre mondial baha'i, Haïfa, 1972, 115 p., p. d’introduction.

(73) Ibid., p.17-18.

(74) Ibid., p. 21-26.

(75) ESSLEMONT (John), Baha'u'llah et l’ère nouvelle, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1990, 303 p., index, p.54 -55.

(76) BAHA’U’LLAH, Le Kitab-i-Aqdas, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1996, 328 p.

(77) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 439 p., index, p.212-213.

(78) MAISON UNIVERSELLE DE JUSTICE, Le siècle de Lumière, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 2004, 193 p., p.2.


(79) Ibid. p.6

(80) Ibid. p.7

(81) Nietzsche (Friedrich), philosophe allemand (1844-1900). Il prône la volonté de puissance.
Bergson (Henri), philosophe français (1859-1941).

(82) Einstein (Albert), physicien allemand, naturalisé américain (1879-1955), auteur de la théorie sur la relativité.

(83) Péguy (Charles), écrivain français, (1873-1914)
Claudel (Paul), écrivain français, (1868-1955)

(84) Freud (Sigmund), médecin autrichien, (1856-1939), fondateur de la psychanalyse.

(85) Chiffres trouvés sur Internet: www.google.fr/ exposition universelle 1900.

(86) GERBOD (Paul), L’Europe culturelle et religieuse de 1815 à nos jours, PUF, coll. «Nouvelle Clio», Paris 1977, p.90.

(87) Idem.

(88) Peintres appartenant à l’école du fauvisme: Matisse, Dufy, Derain.

(89) AMALVI (Christian) (sous la dir. de), Mouvements religieux et culturels en France de 1800 à 1914, Sedes, Paris, 2001 ; p.108.

(90) CHOLVY (Gérard), La religion en France de la fin du XVIIIème siècle à nos jours, Hachette, coll. «Carré Histoire», Paris, 1998 ; p.110.

(91) Article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.

(92) Article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.

(93) Il y a aujourd’hui six millions de baha'is dans le monde.

(94) May Bolles, Juliet Thomson, Lady Blomfield, Pr. Browne

(95) Baha signifie gloire en arabe.

(96) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p., index, p.230.

(97) Il avait neuf ans.

(98) Sur les pas de ‘Abdu'l-Baha à Paris, Paris deviendra un jardin de roses, Librairie baha'ie, Paris, 1998, 111 p, ill., p.12.

(99) ESSLEMONT (John), Baha'u'llah et l’ère nouvelle, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1990, 303 p, index, p.65.

(100) C’est-à-dire jusqu’en 1892.

(101) ESSLEMONT (John), Baha'u'llah et l’ère nouvelle, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1990, 303 p, index, p.67.

(102) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p., index, p.231.

(103) BAHA’U’LLAH, Les tablettes de Baha'u'llah [écrites avant 1892], Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1994, 321p. , index, p.231-232.

(104) Le demi-frère de ‘Abdu'l-Baha qui lui causa de grands préjudices s’appelait Mirza Muhammad Ali.

(105) Shoghi Effendi dans Sur les pas de ‘Abdu'l-Baha à Paris, Paris deviendra un jardin de roses, Librairie baha'ie, Paris, 1998, 111 p, ill ; p.12.

(106) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p., index, p.263.

(107) MOMEN (Moojan), The Babi and Baha’i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, George Ronald, Oxford, 1981, 572 p, index, ill., biblio, p. 319. Traduction de courtoisie: "Abbas Effendi, the chief of the Babists, who seems to be now permanently living in Haifa instead of Acre, began last summer to build a large house on Mount Carmel for an unknowm purpose. About the beginning of october the work of building was stopped when half-finished, and it seems probable that the Turkish governement stopped it. However, it is said that it will now soon be resumed."

(108) MOMEN (Moojan), The Babi and Baha’i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, George Ronald, Oxford, 1981, 572 p, index, ill., biblio, p. 319. Traduction de courtoisie: "The Babist leaders...have not yet been allowed outside the walls of Acre. It is said that the persian government demands that they should be kept thus confined."

(109) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p., index, p.266.

(110) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p., index, p.270.

(111) Concernant l’histoire des premiers baha'is en France, nous avons consulté entre autres le fonds d’archives de Mme Lucrèce Reynaud, qui, dans un désir personnel de recherche, a collecté de nombreux documents sur les babis et les baha'is. A la fin de sa vie, elle a légué toutes ses archives au Centre national baha'i français à Paris.

(112) Statistiques d’après: Revue: «Les baha'is», Librairie baha'ie, Paris, 1993, pour l’édition en langue française, 80 p ; p.49.

(113) Le 23 septembre 1893.

(114) Aujourd’hui le Parlement des Religions du Monde existe toujours. C’est une rencontre interreligieuse régulière, la plus diversifiée au monde: elle rassemble périodiquement environ huit mille personnes de tous les continents, issues de toutes les traditions religieuses et spirituelles. Le siège du Parlement se situe à Chicago.

(115) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p., index, p.245.

(116) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p., index, p.246.

(117) 100, rue du Bac.

(118)Nous n’avons pas retrouvé la source mentionnant la date exacte (peut-être novembre 1898).

(119) The Baha'i World, A biennal International record, vol. VIII, [édité depuis 1926 jusqu’à nos jours], Baha'i Publishing Trust, Wilmette, jusqu’en 1954, 1039 p., index, ill., p.633.

(120) Idem.

(121) Journal de Lua Getsinger, 1898, dans PIFF METELMANN (Velda), Lua Getsinger, Herald of the Covenant, George Ronald, Oxford, 1997, 415 p ; p.10. Traduction de courtoisie: «The pilgrims were counted as fifteen.»

(122) Venant d’Amérique.

(123) MAXWELL (May), An early pilgrimage, George Ronald, Oxford, 1953, 43 p.(publié pour la première fois en 1917): «The first group of pilgrims from the West to visit Abdu’l-Baha, arrived in Akka in 1898-1899. », p.5.

(124) MAXWELL (May), An early pilgrimage, George Ronald, Oxford, 1953, 43 p.

(125) Ibid. , p.12: «Of that first meeting I can remember neither joy nor pain nor anything that I can name.I had been carried suddenly to too great a height ; my soul had come in contact with the Divine Spirit ; and this force so pure, so holy, so mighty, had overwhelmed me."

(126) Ibid, p.6: "May Ellis Bolles was the first believer commissioned by ‘Abdu'l-Baha, at the time of her visit to the Holy Land in 1899, to teach the Faith in Europe, her mission being in particular to french people. She had a necessary background for this, as she spoke french fluently, loved France, where she had lived for some years."

(127) (1874-1974).

(128) A titre indicatif, nous pouvons citer quelques noms d’américains devenus baha'is à Paris: Charles Mason Remey, Herbert Hopper, Maris Squires, Helen Ellis Cole, Laura Clifford Barney, Mme Jackson, Agnes Alexander, Edith Sanderson,

(129) La première personne à croire au message baha'i après le retour de May Bolles fut Edith De Bons, femme suisse.

(130) Le premier baha'i anglais fut Thomas Breakwell.

(131) Le premier baha'i français fut Hippolyte Dreyfus.

(132) D’après les Archives communautaires baha'ies de Paris, dossier «listes des premiers baha'is en France».

(133) RAJWANTEE LAKSHMAN LEPAIN, La vie de Thomas Breakwell, collection «La vie», Librairie baha'ie, Paris 1997, 63p. , p. 22.

(134) Ibid. p.29-30.

(135) Ibid., p.29.

(136) Les informations proviennent du fonds Laura Clifford Dreyfus Barney (femme de Hippolyte Dreyfus) qui se trouve au Centre national baha'i à Paris.

(137) Edith Sanderson et sa famille, puis May Bolles.

(138) LEFRANC (Jean), «Le Bahaïsme et son prophète», dans Le Temps, n°18386, Paris, 3 novembre 1911, p. 4, col.2-3.

(139) COURMES (Dominique-Albert), «Réception du chef du mouvement babiste au siège théosophique de Paris», dans Revue Théosophique Française, Le Lotus Bleu, n°9, fondée par H.P. Blavatsky, Librairie de l’Art Indépendant, Paris, 27 novembre 1911 pp. 320-322.

(140) «Echos et Propos», Rubrique Deuil, dans Le Matin, n°16347, Paris, 21 décembre 1928, p.2, col.4.

(141) The Baha'i World, A biennal International record, vol. XVI, [édité depuis 1926 jusqu’à nos jours], Baha'i Publishing Trust, Wilmette, jusqu’en 1954, 1039 p., index, ill., p. 535-538. Traduction de courtoisie: «with her keen intelligence, logical mind and investigating nature.»

(142) Il serait trop long ici d’énumérer toutes les bonnes oeuvres, les missions sociales et les fonctions qu’assura Laura Barney tout au long de sa vie. Elle décéda à l’âge de 95 ans.

(143) Dans le courant du siècle, les numéros de la rue ont été modifiés. C’est pour cela que l’on retrouve 17 ou 49 rue Boissonnade, selon l’année de référence.

(144) The Baha'i World, A biennal International record, vol. V, [édité depuis 1926 jusqu’à nos jours], Baha'i Publishing Trust, Wilmette, p. 418-419.

(145) ‘ABDU’L-BAHA, Les causeries de ‘Abdu’l-Baha à Paris [datant de 1911], Maison d’éditions baha’ies, Bruxelles, 1987, 210 p.

(146) Nous pouvons déduire qu’une confusion existait chez les martinistes au niveau de la dénomination babie et baha'ie, puisqu’en 1897, date de ce rapport, tous les babis étaient devenus des baha'is (depuis 1863).

(147) Extrait du compte rendu de la réunion du Suprême conseil du 9 mars 1897, dans Archives historiques de la Bibliothèque baha'ie de France, «Gabriel de Sacy».

(148) COLLINS (William P.), Bibliography of English Language Works on the Babi and Baha'i Faith, 1844 – 1985, George Ronald, Oxford, 1990, page 138.

(149) Voir annexe n°14.

(150) Témoignages oraux non authentifiés.

(151) Sous forme de calligraphie arabe.

(152) STENDARDO (Luigi), Léo Tostoy and the baha'i faith, George Ronald, Oxford, 1985, 75 p., index.

(153) Voir correspondance dans la partie I A concernant Léon Tolstoï.

(154) ROLLAND (Romain), La vie de Tolstoï, Paris, p. 223-224 dans Archives historiques de la Bibliothèque baha'ie de France, «Gabriel de Sacy».

(155) Dans les différentes archives étudiées de la Bibliothèque nationale baha’ie de France.

(156) BALYUZI (H. M)., Abdu’l-Baha, The Centre of the covenant of Baha’u’llah, George Ronald, London, 1971, 560 p., index, p. 373.

(157) La scène à l’Elysée Palace Hôtel où Mme Getsinger présente la pétition au shah de Perse est décrite de façon très vivante dans une lettre à ses amis. Dans PIFF METELMANN (Velda), Lua Getsinger, Herald of the Covenant, George Ronald Publication, Oxford, 1997, 415 p ; p.61-62.
Traduction de courtoisie: "It was not an easy matter to personnally render this service. His Royal Highness the Grand Vizier promised that everything would be done ton grant her petition, and added, "Be at ease and know that His Majesty loves and protects all of His subjects. But Mrs. Getsinger was not to be put off in this way, she insisted that she wished to hear these words from the Shah’s own lips. Thus it was that in the grand reception hall of th Elysée Palace Hotel where the entire suite of one hundred and fifty Persians were awaiting His Majesty, this one American woman, the only woman in this large group of men, stepped forward and handed to His Majesty then and there promised that all should be done that had been requested."

(158) PIFF METELMANN (Velda), Lua Getsinger, Herald of the Covenant, George Ronald Publication, Oxford, 1997, 415 p ; p.60.

(159) Article de Mme Haney, paru dans Star of the West, volumes XV, George Ronald, Oxford, 1978, p.230.

(160) PIFF METELMANN (Velda), Lua Getsinger, Herald of the Covenant, George Ronald Publication, Oxford, 1997, 415 p. ; p.66. Traduction de courtoisie: "there was a remarkable cessation of persecutions."

(161) Extrait du journal de Lua Getsinger, février 1904, dans PIFF METELMANN (Velda), Lua Getsinger, Herald of the Covenant, George Ronald Publication, Oxford, 1997, 415 p. ; p.80. Traduction de courtoisie: "I wrote to Eugenie the former Empress of France asking to take her a message from the Master which is very important for her-but like her husband Napoleon III she refuses and thus - a crown of glory is denied her head. God in His mercy desired to re-establish her and solace her broken heart – but today (Feb. 9 (th)) she refuses to hear even the message and thus once again, the fate of France is sealed. When I received her reply I felt very strange for I realize that in my weak and feeble hands repose the future of this great Nation (or rather the positive knowledge of its future!)Oh Empress Eugenie-soon the dust of the earth shall reclaim your body and your soul shall soar to the Supreme Judgement seat of God and there and then you will know what has passed away from you!"

(162) Mme Jackson était originaire de Boston. Son mari était français. Elle habitait Paris, avenue d'Antin près des Champs Elysées. Sa maison était toujours ouverte aux réunions baha'ies.

(163) Extrait du journal de Lua Getsinger, février 1904, dans PIFF METELMANN (Velda), Lua Getsinger, Herald of the Covenant, George Ronald Publication, Oxford, 1997, 415 p ; p. 80. Traduction de courtoisie: «Tell Lua to abandon that lady. Thus there is no more to be done.- An now poor woman undoubtedly she will share the fate of her husband havind refused the Mercy of ‘Abdu'l-Baha whose heart is indeed full of compassion for her.»

(164) BAHA’U’LLAH, Le livre de la Certitude, traduit en français par Hippolyte Dreyfus, Presse Universitaire de France, 1973, 144 p.

(165) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 438 p.

(166)Ibid., p.132.

(167) Par May Bolles.

(168) ABDU’L-BAHA , Les leçons de St Jean d’Acre, recueillies par Laura Clifford Barney et traduites du persan par Hippolyte Dreyfus, Presses universitaires de France, Vendôme, 1970, 1 (ère) édition en 1907, 350 p.

(169) Ibid., p. 1.

(170) Ibid., p.2.

(171) DREYFUS (Hippolyte), Essai sur le bahaisme, son histoire, sa portée sociale, Editions Ernest Leroux, 1908, 190 p.

(172) Ibid., p.18.

(173) Ibid., p.14.

(174) Ibid., p.13.

(175) Le Nouveau Petit Larousse Illustré, Paris, 1907.

(176) Auteur anonyme, «Bulletin de l’étranger», Rubrique Perse, dans Le Temps, n°15452, Paris, 6 octobre 1903, p.1, col.3.

(177) Idem.

(178) VOIROL (Sébastien), Rubrique Argus de la presse, dans La Revue diplomatique, n°102-62, Paris, 25 avril 1909, col.1.

(179) Idem.

(180) Idem.

(181) Idem.

(182) DARES (Guy), «Une religion nouvelle», dans Le Figaro. Supplément littéraire, n°15, Paris, 10 avril 1909, p.2, col.1-3.

(183) Idem.

(184) Idem.

(185) MOULET (Alfred), «Une religion nouvelle: le béhaisme», Rubrique Mission Laïque française, dans Lyon Universitaire, n°286, Lyon, 15 mai 1908, col. 3-4. Voir annexe n°28.

(186) Auteur anonyme, Rubrique Mission laïque française, dans Lyon Républicain, n°10926, Lyon, 24 mai 1908, p.3, col.3. Voir annexe n°29.

(187) MOULET (Alfred), «Une religion nouvelle: le béhaisme», Rubrique Mission Laïque française, dans Lyon Universitaire, n°286, Lyon, 15 mai 1908, col. 3-4.

(188) Idem.

(189) Idem.

(190) Auteur anonyme, Rubrique Mission laïque française, dans Lyon Républicain, n°10926, Lyon, 24 mai 1908, p.3, col.3.

(191) Idem.

(192) Dans notre partie I A.

(193) TOLSTOÏ (Léon), Lettre à F.Wadelbekow, dossier de presse du centenaire de la foi baha'ie en France.

(194) Lettre de Rainer Maria Rilke à Léon Tolstoi, dans ZAJDENSNUR E., R.M. Rilke u Tolstogo, p.708, dans Luigi Stendardo, Léo Tostoy and the baha'i faith, George Ronald, Oxford, 1985, 75 p., index ; p.19. Traduction de courtoisie de l’anglais: «At that time, most honoured count, you were interested in the babis. Therefore, we are sending you a pamphlet on this subject."

(195) Lettre de Tolstoï à Rainer Maria Rilke, dans P.S.S, vol.72, p.569, dans Luigi Stendardo, Léo Tostoy and the baha'i faith, George Ronald, Oxford, 1985, 75 p., index ; p.19. Traduction de courtoisie de l’anglais: «I have received the book [...] concerning the babis."

(196) Lettre de Gabriel Sacy à Léon Tolstoi, dans Luigi Stendardo, Léo Tostoy and the baha'i faith, George Ronald, Oxford, 1985, 75 p., index ; p.22-23. Traduction de courtoisie de l’anglais: "Dear Count, the person who takes the liberty of writing this letter to you is neither a scholar, nor otherwise remarkable.He is but a simple baha’i who upon reading your of belief in the arab newspapers of this country, has come to the following thoughts, and who, knowing the great kindness of your excellency, takes the liberty of submitting them to your judgement."

(197) Lettre de Tolstoi à Gabriel Sacy, dans Luigi Stendardo, Léo Tostoy and the baha'i faith, George Ronald, Oxford, 1985, 75 p., index, p.24. Traduction de courtoisie de l’anglais: "...to judge by by the interest which your concept of messianism inpires in me, as well as babism to which you belong.What is baha’i?And what nationality are you? If you are french, how is it that you are a babi?Babism has intersted me for a long time. I have read everything I could on the subject"

(198) Lettre de Léon Tolstoï à un dignitaire musulman, le Mufti indien Muhammad Sadiq, éditée dans Review of Religions, dans P.S.S, vol.75, p.16 (original in english), dans Luigi Stendardo, Léo Tostoy and the baha'i faith, George Ronald, Oxford, 1985, 75 p., index ; p.33. Traduction de courtoisie de l’anglais: "Do you know the teachings of Baha’u’llah, and what do you think of them?"

(199) Lettre de Léon Tolstoï à un jeune étudiant, dans P.S.S, vol 78, p. 306, dans Luigi Stendardo, Léo Tostoy and the baha'i faith, George Ronald, Oxford, 1985, 75 p., index ; p.40. Traduction de courtoisie de l’anglais: «Babism which had evolved into Bahaism (Baha ullah)[...], is one of the highest and purest of religious teachings."

(200) Léon Tolstoi, dans P.S.S, vol. 75, p. 151, dans Luigi Stendardo, Léo Tostoy and the baha'i faith, George Ronald, Oxford, 1985, 75 p., index ; p.42. Traduction de courtoisie de l’anglais: «baha'i very interesting»

(201) BALYUZI (H.M.), ‘Abdu'l-Baha, George Ronald, Londres, 1971, 560 p., ill., index, biblio ; p.351.


(202) Le petit-fils de ‘Abdu'l-Baha.

(203) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p, index, p.269.

(204) Ibid., p.270.

(205) Correspondance de Sidney Prague à Isabella Brittingham, août 1910 pris dans: WARD (Allan L.), 239 days, ‘Abdu'l-Baha’s journey in America, Baha'i Publishing Trust, 1979, 218 p.: "I have a very big piece of news. ‘Abdu'l-Baha has left his Holy Spot for the first time in forty two years, ans has gone for Egypt. Everyone was astounded to hear of ‘Abdu'l-Baha departure."p.7.

(206) Pour son séjour à Paris, la plupart des sources consistent en des notes quotidiennes prises par des croyants persans ou américains qui étaient auprès de lui ou par des articles de presse.

(207) BLOMFIELD (Sara Louisa dite Lady), The chosen highway,[notes écrites à partie de 1911], The Baha'i Publishing Trust, Londres, 1940, 265 p ; p.179.
Traduction de courtoisie: "When the days of 'Abdu'l-Baha's first visit to London (in the autumn of 1911) were drawing to a close, his friends, Monsieur and Madame Dreyfus-Barney, found an apartment for His residence whilst in the French capital. It was charmingly furnished, sunny, spacious, situated in the Avenue de Camoens (No.4), whence a flight of steps led into the Trocadero Gardens; here the Master often took solitary, restful walks. Sheltered in this modern, comfortable, Paris flat, He Whom we revered, with a secretary, servitors, and a few close friends, sojourned for an unforgettable nine weeks."

(208) Le mariage de Hippolyte Dreyfus et de Laura Clifford Barney eut lieu en juillet 1911, juste trois mois avant la venue de ‘Abdu'l-Baha à Paris. Ils s’installèrent 15 rue Greuze, dans le secteur du Trocadéro, où plusieurs baha'is habitaient également.

(209) ZARQANI (Mahmud), Badayiu’l-Athar, vol.II, [Le récit des voyages de ‘Abdu'l-Baha en Occident], Karimi
Presse, Inde, 1921, 392 p.

(210) BLOMFIELD (Sara Louisa dite Lady), The chosen highway,[notes écrites à partie de 1911], The Baha'i Publishing Trust, Londres, 1940, 265 p ; p.180.
Traduction de courtoisie: "Every morning, according to His custom, the Master expounded the principles of the Teaching of Baha'u'llah to those who gathered round Him"

(211) Ibid.p.180.
Traduction de courtoisie: " the learned and the unlearned [...] They were of all nationalities and creeds, from the East and from the West"

(212) Archives privées de Lucrèce Reynaud, Extrait du manuscrit intitulé «‘Abdu'l-Baha et Paris», conservées à la section historique des archives baha'ies de France.

(213) Se reporter à la partie III C 2.

(214) Statistiques trouvées dans un document «Liste des baha'is début du siècle» dans Archives privées de Laura Dreyfus Barney, conservées à la section historique des archives baha'ies de France.

(215) Victor et Fanny Ponsonaille

(216) Star of the West, vol. II fascicule 18, p.7-12.

(217) Aujourd’hui correspond à Porte des Lilas.

(218) Au n°2 bis chemin de la zône, angle de la rue Ledru Rollin au pré Saint Gervais.

(219) Star of the West, vol. II fascicule 18, p.7-12.

(220)Idem.

(221) Pour les baha'is le «Plus Grand Nom» est «Allah’u’Abha» qui signifie Dieu est le plus Glorieux. Il est représenté de manière symbolique ou calligraphique.

(222) Star of the West, vol. II fascicule 18, p.7-12.

(223)Idem.

(224)Idem.

(225) Une des premières baha'ies françaises d’origine catholique. Elle devint baha'ie vers 1903 ou 1904.

(226) Revue: Star of the West- Octotobre 1911/ Février 1913 – Article du 23 novembre 1911, George Ronald, Oxford, 1978, p.15.

(227) Idem.

(228) Idem.

(229) ‘ABDU’L-BAHA, Les causeries de ‘Abdu’l-Baha à Paris [datant de 1911], Maison d’éditions baha’ies, Bruxelles, 1987, 210 p., p.148-151.

(230) AIREL (Myrtil), «Le Bahaïsme: chez le chef de la Religion Universelle», dans La Liberté, n° 16.667, Paris, 13 octobre 1911, p.2, col.1-2.

(231) Nous pouvons supposer qu’il s’agit de M. Dreyfus.

(232) GOURMONT (Rémy de), «Le Béhaïsme», Rubrique Les idées du Jour, dans La France, n°263, Paris, 21 octobre 1911, p.1, col.4.

(233) Causerie donnée le vendredi soir 20 octobre 1911 à Paris, dans ABDU’L-BAHA, Les causeries de ‘Abdu’l-Baha à Paris [datant de 1911], Maison d’éditions baha’ies, Bruxelles, 1987, 210 p., p.20.

(234) Causerie donnée le vendredi 20 octobre 1911, dans Ibid, p.22.

(235) ANDRE-GEDALGE (Amélie), «Causerie sur la Littérature mystique musulmane», dans Annales théosophiques, Recueil trimestriel de Conférences et de Travaux originaux, Quatrième année, 1911, n°3, Publications théosophiques, Paris, 1911, p.164.

(236) Arrivée au port de Marseille, puis court séjour à Thonon-les-Bains avant d’aller en Angleterre le 4 septembre 1911.

(237) Toutefois, des notes furent prises au jour le jour dans un ouvrage en persan, encore non traduit: ZARQANI (Mahmud), Badayiu’l-Athar, vol.II, [Le récit des voyages de ‘Abdu'l-Baha en Occident], Karimi Presse, Inde, 1921, 392 p.

(238) Voire le détail de cette causerie partie III C 2.

(239) Sur les pas de ‘Abdu'l-Baha à Paris, Paris deviendra un jardin de roses, Librairie baha'ie, Paris, 1998, 111 p, ill., p.52.

(240) Information dans ZARQANI (Mahmud), Badayiu’l-Athar, vol.II, [Le récit des voyages de ‘Abdu'l-Baha en Occident], Karimi Presse, Inde, 1921, 392 p.

(241) Causerie du 9 mars 1913, dans ZARQANI (Mahmud), Badayiu’l-Athar, vol.II, [Le récit des voyages de ‘Abdu'l-Baha en Occident], Karimi Presse, Inde, 1921, 392 p.

(242) Causerie du 18 mars 1913, dans ZARQANI (Mahmud), Badayiu’l-Athar, vol.II, [Le récit des voyages de ‘Abdu'l-Baha en Occident], op.cit.

(243) Nouvel an: naw ruz en persan.

(244) L’histoire mondiale de la photographie en couleur, Hachette-Réalité, Paris 1981, Voire annexe n°22.

(245) Le 14 février selon le fonds d’archives de Lucrèce Reynaud et le 8 février selon ZARQANI (Mahmud), Badayiu’l-Athar, vol.II, [Le récit des voyages de ‘Abdu'l-Baha en Occident, op.cit. Voire photographie en page de garde.

(246) Voir annexe n° 17, n°23.

(247) Sur les pas de ‘Abdu'l-Baha à Paris, Paris deviendra un jardin de roses, Librairie baha'ie, Paris, 1998, 111 p, ill., p.52. Les disques alors enregistrés n’ont pas encore été retrouvés.

(248) Ici également la source principale est le livre en persan de ZARQANI (Mahmud), Badayiu’l-Athar, vol.II, [Le récit des voyages de ‘Abdu'l-Baha en Occident], Karimi Presse, Inde, 1921, 392 p.

(249) Aujourd’hui Hôtel Baltimore.

(250) Du 1er au 27 mai: Hôtel California, et du 27 mai au 12 juin: Hôtel Pension de la rue Lauriston.

(251) ‘ABDU’L-BAHA, Les causeries de ‘Abdu’l-Baha à Paris [datant de 1911], Maison d’éditions baha’ies, Bruxelles, 1987, 210 p.

(252) Mornings spent with ‘Abdu'l-Baha in London (1911), p.1, dans LEMAITRE (Solange), Une grande figure de l’Unité: ‘Abdu'l-Baha, Librairie d’Amérique et d’Orient, Adrien-Maisonneuve, Paris, 1952, 66 p., p.23.

(253) Idem.

(254) Archives privées de Laura Dreyfus Barney, conservées à la section historique des archives baha'ies de France ; la date de cette Tablette n’apparaissait pas sur le document.

(255) Il s’agit ici de M. Bernard, qui a été tué pendant la Première guerre Mondiale.

(256) Lettre de ‘Abdu'l-Baha à Hippolyte Dreyfus, le 7 février 1919, traduite du persan en anglais par Shoghi Effendi ; Archives privées de Laura Dreyfus Barney, conservées à la section historique des archives baha'ies de France ; traduction de courtoisie de l’anglais au français: "Convey, on my behalf, utmost kindness to the respectable lady, Laura and likewise to the rest of the friends who are in Paris and among them Mr. and Mrs. Scot, Mr. Boutaric and Mirza Ali Akbar and particularly to the maid-servant of God Mrs. Bernard convey my longing greeting. I have been grieved at the loss of her respectable husband."

(257) Voir annexes n°27, n°34.

(258) Voir annexe n°36

(259) Voir annexe n°33.

(260) Voir annexe n°30, n°31.

(261) Voir annexe n°35, n°38.

(262) DARES (Guy), «Abdou’l-Baha», dans Le Figaro, n°279, Paris, vendredi 6 octobre 1911, p.4, col.3.

(263) AIREL (Myrtil), «Le Bahaïsme: chez le chef de la Religion Universelle», dans La Liberté, n° 16.667, Paris, 13 octobre 1911, p.2, col.1-2.

(264) COURMES (Dominique-Albert), «Réception du chef du mouvement babiste au siège théosophique de Paris», dans Revue Théosophique Française, Le Lotus Bleu, n°9, fondée par H.P. Blavatsky, Librairie de l’Art Indépendant, Paris, 27 novembre 1911 pp. 320-322.

(265) AIREL (Myrtil), «Le Bahaïsme: chez le chef de la Religion Universelle», dans La Liberté, n° 16.667, Paris, 13 octobre 1911, p.2, col.1-2.

(266) GOURMONT de (Rémy), «Le Béhaïsme», Rubrique Les idées du Jour, dans La France, n°263, Paris, 21 octobre 1911, p.1, col.4.

(267) LEFRANC (Jean), «Le Bahaïsme et son prophète», dans Le Temps, n°18386, Paris, 3 novembre 1911, p. 4, col.2-3.

(268) «Le Baha’ïsme fera-t-il la conquête de Paris ?», dans Excelsior, Journal Illustré Quotidien, n°357, Paris, mardi 7 novembre 1911, p.1, col.3.

(269) En général c’était Hippolyte Dreyfus

(270) GOURMONT de (Rémy), «Le Béhaïsme», Rubrique Les idées du Jour, dans La France, n°263, Paris, 21 octobre 1911, p.1, col.4.

(271) DARES (Guy), «Abdou’l-Baha», dans Le Figaro, n°279, Paris, vendredi 6 octobre 1911, p.4, col.3.

(272) AIREL (Myrtil), «Le Bahaïsme: chez le chef de la Religion Universelle», dans La Liberté, n° 16.667, Paris, 13 octobre 1911, p.2, col.1-2.

(273) GOURMONT de (Rémy), «Le Béhaïsme», Rubrique Les idées du Jour, dans La France, n°263, Paris, 21 octobre 1911, p.1, col.4.

(274) LEFRANC (Jean), «Le Bahaïsme et son prophète», dans Le Temps, n°18386, Paris, 3 novembre 1911, p. 4, col.2-3.

(275) SAINTE-CROIX de (Camille), «Abdoul Beha, du babisme au béhaisme», dans Paris-Journal, n°1129, Paris, mercredi 8 novembre 1911, p.1, col. 1-2.

(276) «Mahomet complète sa doctrine à l’Athénée Saint-germain par la voix de Abdoul-Baha, fils de la Splendeur de Dieu», (avec croquis), dans La Petite République, Paris, 10 novembre 1911, p.1, col.1.

(277) Idem.

(278) WEBER (Max), Sociologie des religions, textes réunis et traduits par J-P Grossein, coll. «Bibliothèque des sciences humaines», Editions Gallimard, Paris, 1996, 550 p, index , p. 370.

(279) BALYUZI (H. M)., Abdu’l-Baha, The Centre of the covenant of Baha’u’llah, George Ronald, London, 1971, 560 p, p.160. Traduction de courtoisie: "It was natural that His apparence should attract attention. But even more, He commanded reverence. A cabman, noticing Him, stopped his fiacre and took off his cap, betokening his respect. His gesture was acknowledged by ‘Abdu'l-Baha with great courtesy. One Sunday, ‘Abdu'l-Baha went to a shabby district of Paris which was rather contemptuous of convention. He had been invited to address a congregation of the poor in a mission hall. On His way back He came upon a noisy crowd. There was a giant of a man, waving about a large loaf of bread. As soon as his eyes lighted upon ‘Abdu'l-Baha he became calm and silent. Then waving once again his loaf of bread, he hastened to clear a passage for ‘Abdu'l-Baha. "Make way, make way! He is my father, make way", he told his compatriots. The boisterous, roysting crowd parted, stood aside, espectful, saluting. Smiling at those men and women, ‘Abdu'l-Baha called them His dear friends and thanks them profoundly.»

(280) LEFRANC (Jean), «Le Bahaïsme et son prophète», dans Le Temps, n°18386, Paris, 3 novembre 1911, p. 4, col.2-3.

(281) AIREL (Myrtil), «Le Bahaïsme: chez le chef de la Religion Universelle», dans La Liberté, n° 16.667, Paris, 13 octobre 1911, p.2, col.1-2.

(282) Voir annexe n°35.

(283) «Le Baha’ïsme fera-t-il la conquête de Paris ?», dans Excelsior, Journal Illustré Quotidien, n°357, Paris, mardi 7 novembre 1911, p.1, col.3.

(284) DARES (Guy), «Abdou’l-Baha», dans Le Figaro, n°279, Paris, vendredi 6 octobre 1911, p.4, col.3.

(285) GOURMONT de (Rémy), «Le Béhaïsme», Rubrique Les idées du Jour, dans La France, n°263, Paris, 21 octobre 1911, p.1, col.4.

(286) «Le Baha’ïsme fera-t-il la conquête de Paris ?», dans Excelsior, Journal Illustré Quotidien, n°357, Paris, mardi 7 novembre 1911, p.1, col.3.

(287) AIREL (Myrtil), «Le Bahaïsme: chez le chef de la Religion Universelle», dans La Liberté, n° 16.667, Paris, 13 octobre 1911, p.2, col.1-2.

(288) Voir annexe n°36.

(289) Voir annexe n°38.

(290) Voir annexe n°37.

(291) DARES (Guy), «Abdou’l-Baha», dans Le Figaro, n°279, Paris, vendredi 6 octobre 1911, p.4, col.3.

(292) BOISSON (Alban), «Le nouveau prophète de l’Islam, ‘Abdu'l-Baha prêchant l’apaisement et la fraternité dans une mosquée à Constantinople», dans Le Petit Journal, Paris, 4 mai 1913, pp. 1-2, col.1 et 2

(293) GOURMONT de (Rémy), «Le Béhaïsme», Rubrique Les idées du Jour, dans La France, n°263, Paris, 21 octobre 1911, p.1, col.4.

(294) SAINTE-CROIX de (Camille), «Abdoul Beha, du babisme au béhaisme», dans Paris-Journal, n°1129, Paris, mercredi 8 novembre 1911, p.1, col. 1-2.

(295) «Le Baha’ïsme fera-t-il la conquête de Paris ?», dans Excelsior, Journal Illustré Quotidien, n°357, Paris, mardi 7 novembre 1911, p.1, col.3.

(296) DARES (Guy), «Abdou’l-Baha», dans Le Figaro, n°279, Paris, vendredi 6 octobre 1911, p.4, col.3.

(297) AIREL (Myrtil), «Le Bahaïsme: chez le chef de la Religion Universelle», dans La Liberté, n° 16.667, Paris, 13 octobre 1911, p.2, col.1-2.

(298) «Le Chef du Bahaïsme fait une conférence» [avec photographie (Central Photo)], dans Excelsior, n°360, Paris, 10 novembre 1911, p.1, col.1.

(299) Souvenirs de Vali’u’llah Varqa, qui était présent lorsque ‘Abdu'l-Baha se rendit à Paris, traduction non officielle dans Star of the West, volumes 32 et 34, de mars 1910 à mars 1924, George Ronald, Oxford, 1978.

(300) Malheureusement ledit article n’a pas été retrouvé.

(301) Idem.

(302) Ces informations ont été recueillies dans «La mère, héritière spirituelle de Sri Aurobindo» dans Le courrier, un bulletin de l’Unesco, octobre 1972 (XXVème année).

(303) Cette rencontre avec la Mère n’est pas recoupée par d’autres sources baha'ies.

(304) LA MERE, Paroles d’autrefois, témoignage du 9 juin 1913, p.128.

(305) Ibid, p.120.

(306) Lettre de Henry de Farémond à Edwin Scott, Fontainebleau, le 26 mai 1913, Archives privées.

(307) Lettre de Henry De Farémond à ‘Abdu'l-Baha, Fontainebleau, le 26 mai 1913, Archives privées.

(308) Abdul Baha on Divine Philosophy. Comp. Isabel F. Chamberlain. Boston: Tudor Press, 1916, chapter V: "Abdul Baha Answers Many Questions asked by Theologians of Paris" ; le texte original est en persan dans Khitabat (Causeries de ‘Abdu'l-Baha).

(309) BALYUZI (H. M)., Abdu’l-Baha, The Centre of the covenant of Baha’u’llah, George Ronald, London, 1971, 560 p., p.377.

(310) Abdul Baha on Divine Philosophy. Comp. Isabel F. Chamberlain. Boston: Tudor Press, 1916, chapter V: "Abdul Baha Answers Many Questions asked by Theologians of Paris" ; le texte original est en persan dans Khitabat (Causeries de ‘Abdu'l-Baha)

(311) Ibid., chapitre VI.

(312) Idem.

(313) Les Congres Internationaux de 1900 a 1919: Liste Complète. Vol. II. Bruxelles: Union des Associations Internationales, 1964, p. 95.

(314) COURMES (Dominique-Albert), «Réception du chef du mouvement babiste au siège théosophique de Paris», dans Revue Théosophique Française, Le Lotus Bleu, n°9, fondée par H.P. Blavatsky, Librairie de l’Art Indépendant, Paris, 27 novembre 1911 pp. 320-322.

(315) Idem.

(316) Ibid., p. 321.

(317) Idem.

(318) Il s’agit vraisemblablement de Hippolyte Dreyfus. (Monsieur Dreyfus-Barney)

(319) «Discours de ‘Abdu'l-Baha-Oul-Baha à la Société Théosphique», dans Annales théosophiques, Recueil trimestriel de Conférences et de Travaux originaux, Quatrième année, 1911, n°3, Publications théosophiques, Paris, 1911, p.213.

(320)Ibid., pp.213-220.

(321) ANDRE-GEDALGE (Amélie), «Causerie sur la Littérature mystique musulmane», dans Annales théosophiques, Recueil trimestriel de Conférences et de Travaux originaux, Quatrième année, 1911, n°3, Publications théosophiques, Paris, 1911, pp.129-165

(322) Revue Théosophique Française, Le Lotus Bleu, n°11, fondée par H.P. Blavatsky, Librairie de l’Art Indépendant, Paris, 29 janvier 1912 pp. 385.

(323) Discours de Annie Besant dans Le Vahan, Revue Théosophique Française, Le Lotus Bleu, n°6, fondée par H.P. Blavatsky, Librairie de l’Art Indépendant, Paris, 27 août 1912, p.199.

(324) S.T.: Société Théosophique

(325) Idem.

(326) Dans: Vahan, Revue Théosophique Française, Le Lotus Bleu, fondée par H.P. Blavatsky, Librairie de l’Art Indépendant, Paris, 27 mars 1913, p.27.

(327) Une petite différence de dates existe entres les sources protestantes et les sources théosophes. Chez les protestants le congrès s’est déroulé du 16 au 23 juillet 1913 et chez les théosophes, il s’est déroulé du 16 au 21 juillet 1913.

(328)Ibid., p.183-184.

(329) ZARQANI (Mahmud), Badayiu’l-Athar, vol.II, [Le récit des voyages de ‘Abdu'l-Baha en Occident], Karimi Presse, Inde, 1921, 392 p.

(330) Mme d’Ange d’Astre était la première baha'ie française d’origine catholique.

(331) Star of the west, vol.II, fascicule 14, 23 novembre 1911, p.15.

(332) Idem.

(333) 21, rue du Vieux Colombier. Depuis 1913, la salle de l’Athénée Saint-Germain est devenu théâtre du Vieux Colombier.

(334) Idem.

(335) Idem.

(336) Idem.

(337) Idem.

(338) «Le Chef du Bahaïsme fait une conférence» [avec photographie (Central Photo)], dans Excelsior, n°360, Paris, 10 novembre 1911, p.1, col.1.Voire annexe n°38.

(339) Voir partie III C 1.

(340) BLOMFIELD (Sara Louisa dite Lady), The chosen highway,[notes écrites à partie de 1911], The Baha'i Publishing Trust, Londres, 1940, 265 p ; p.186.
Traduction de courtoisie: "One day, a certain man, a Persian of high degree, came to 'Abdu'l-Baha: "I have been exiled from my country. I pray you intercede for me that I may be permitted to return."

(341) Causerie du 29 janvier 1913, dans ZARQANI (Mahmud), Badayiu’l-Athar, vol.II, [Le récit des voyages de ‘Abdu'l-Baha en Occident], Karimi Presse, Inde, 1921, 392 p.

(342) ACHRAF (A.), Extrait de Payam-i-baha'i [revue persane], dans Sur les pas de ‘Abdu'l-Baha à Paris, Paris deviendra un jardin de roses, Librairie baha'ie, Paris, 1998, 111 p, ill., p.55-56.

(343) La principale source utilisée est BLOMFIELD (Sara Louisa dite Lady), The chosen highway, [notes écrites à partie de 1911], The Baha'i Publishing Trust, Londres, 1940, 265 p., qui a donné lieu à un recueil: ‘Abdu'l-Baha à Londres, Maisons d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1998, 118 p.

(344) ‘Abdu'l-Baha à Londres, Maisons d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1998, 118 p., p.5.

(345)Ibid., p.5.

(346)Ibid.. p.11.

(347)Ibid., p.278.

(348) WARD (Allan L.), 239 days, ‘Abdu'l-Baha’s journey in America, Baha'i Publishing Trust, 1979, 218 p., p.15-17.

(349) Ibid.: «Prophet of baha'is here.»

(350) Ibid.: «Banished fifty years, leader of baha'is here: persian philosopher favors woman suffrage and will talk peace.»

(351)Ibid.: «‘Abdu'l-Baha Abbasis here to preach brotherly love.»

(352) Ibid.: «‘Abdu'l-Baha here ton convert america to his peace doctrine. »

(353) Ibid.: «‘Abdu'l-Baha’ s here.»

(354) Maronite: catholique de rite syrien.

(355) BUSHRUI (Soheil) et JENKINS (Joe), Khalil Gibran: l’homme et le poète, Editions Vega, Paris, 2001, 403 p, p.327.

(356) Abraham Lincoln, (1809-1865), Président des Etats-Unis de 1860 à 1865.

(357) Woodrow Wilson (1856-1924), Président des Etats-Unis de 1912-1919.

(358) Il s’agit de Juliet Thomson ; GIBRAN, A self portrait, 1972, p. 84, dans BUSHRUI (Soheil) et JENKINS (Joe), Khalil Gibran: l’homme et le poète, Editions Vega, Paris, 2001, 403 p, p.84.

(359) YOUNG, This man from Lebanon, 1945, p. 102-103., dans Ibid., p. 102-103.

(360) BUSHRUI (Soheil) et JENKINS (Joe), Khalil Gibran: l’homme et le poète, Editions Vega, Paris, 2001, 403 p, p. 168.

(361) GIBRAN (Khalil), Jesus, The son of Man, p. 42-43, dans BUSHRUI (Soheil) et JENKINS (Joe), Khalil Gibran: l’homme et le poète, Editions Vega, Paris, 2001, 403 p, p. 165-168.

(362) Idem.

(363) IVES (Howard Colby), Les voies de la liberté, [notes datant de 1912-1913], Editions du Calame, Paris, 2000, 230 p.

(364) Ibid., p.11.

(365) Ibid., p.28.

(366) Ibid., p. 24-25.

(367) Il existe plusieurs «maisons d’adoration» ou temples baha'is dans le monde. Il y en a un par continent ; en Europe, il se trouve à côté de Francfort en Allemagne.

(368) C’est un baha'i canadien français qui fut l’architecte de ce premier temple en Occident. La première Maison d’adoration dans le monde baha'i fut construite à Ishqabad dans le Turkistan russe: dans EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p., p.337.

(369) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 435 p., p.285.

(370) Ibid. p.276.

(371) Ibid. p.277.

(372) ‘Abdu'l-Baha in Canada (Forest: National Spiritual Assembly of Canada, 1962), p.51, dans MAISON UNIVERSELLE DE JUSTICE, Le siècle de Lumière, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 2004, 193 p., p.34.

(373) La Palestine est sous mandat britannique à partir de 1922.

(374) Télégramme du général Allenby, le 23 septembre 1918, dans BALYUZI (H. M)., Abdu’l-Baha, The Centre of the covenant of Baha’u’llah, George Ronald, London, 1971, 560 p., p.426.

(375) Le Ministre des Affaires Etrangères français Stéphen Pichon au Haut commissaire français à Beyrouth George Picot, le 14 décembre 1918, n°500: MAE dossier E368 I Asie Perse.

(376) Le Haut commissaire français à Beyrouth George Picot au Ministre des Affaires étrangères Stéphen Pichon, le 17 décembre 1918: MAE dossier E368 I Asie Perse.

(377) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’édition baha'ie, Bruxelles, 1976, 435 p, index, p.294.

(378) Voir annexe n°26.

(379) Voir annexe n°56.

(380) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’édition baha'ie, Bruxelles, 1976, 435 p, index, p.301.

(381) MAISON UNIVERSELLE DE JUSTICE, Le siècle de Lumière, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 2004, 193 p., p.51.

(382) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’édition baha'ie, Bruxelles, 1976, 435 p, index, p.302.

(383) Sir Ronald Storrs, novembre 1921, dans EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’édition baha'ie, Bruxelles, 1976, 435 p, index, p.302.

(384) Il s’agirait du Temps du 19 décembre 1921.

(385) EFFENDI (Shoghi), Dieu passe près de nous, Maison d’édition baha'ie, Bruxelles, 1976, 435 p, index, p.302.

(386) Une erreur est survenue dans la date car la lettre de condoléances est datée du 10 novembre 1921 alors que le décès de ‘Abdu'l-Baha ne survient que le 28 novembre 1921.

(387) Lettre du Pasteur Marnier de l’Eglise Réformée de l’Etoile, à Edith Sanderson, novembre 1921, Lettre conservée à la section historique des archives baha'ies de France.

(388) ‘ABDU’L-BAHA, Le Testament de ‘Abdu'l-Baha [écrit en 1921], Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1970, 60 p.p.59.

(389) Chiffres selon la Revue «Les baha'is», Librairie baha'ie, Paris, 1993, pour l’édition en langue française, 80 p. ; p. 57.

(390) Voir annexe n°44.

(391) Un baha'i qui a l’âge de vingt et un ans peut voter ou se faire élire car il est considéré comme ayant atteint la majorité administrative.

(392) Dans ce cas bien précis, c’est à l’Assemblée spirituelle nationale de décider d’ôter «les droits administratifs» d’un croyant.

(393) Les Ecrits de Baha'u'llah dans: Revue: «Les baha'is», Librairie baha'ie, Paris, 1993, pour l’édition en langue française, 80 p.

(394) Il n’en reste qu’une seule, qui réside aujourd’hui en Terre Sainte.

(395) Ces institutions ont été créés à partir de 1968 c’est pourquoi nous ne rentrerons pas dans les détails.

(396) Idem.

(397) Idem.

(398) Recueil: «Les principes de l’administration baha'ie», Traduction et publication par l’Assemblée spirituelle nationale des baha'is de France, Paris, 1968, 102 p ; p.11.

(399) Jeanne Stannard était une baha'ie anglaise qui a servi la cause baha'ie en France. Elle est décédée en France, en novembre 1944.

(400) Lettre de ‘Abdu'l-Baha à la communauté de Paris, par l’entremise de Jeanne Stannard, le 23 juillet 1919, dans: Archives privées de Laura Dreyfus Barney, conservées à la section historique des archives baha'ies de France.

(401) Lettre de Shoghi Effendi aux baha'is de Paris, le 7 décembre 1923, Section historique des archives baha'ies de France, dans le dossier «Lettres du Gardien adressées à la France». Traduction de courtoisie: "It would give me genuine satisfaction and pleasure to learn of the establishment of a local Spiritual Assembly, properly constitued, efficiently functionning, and officially recognized by the members of the great baha’i family. I would strongly urge you if such an assembly has not yet been founded to establish such a definite and fixed centre for the Cause."

(402) Lettre de Shoghi Effendi aux membres de l’Assemblée Spirituelle de Paris, le 24 janvier 1924, Haïfa, Palestine, Section historique des archives baha'ies de France, dans dossier «Lettres du Gardien adressées à La France». Traduction de courtoisie: " I welcome with genuine satisfaction the long-awaited news of the establishment of a baha’i spiritual Assembly in Paris, and have read your first official communication."

(403) Rapport du 7 mai 1934, Archives communautaires, répertoire des rapports et comptes-rendus de l’Assemblée spirituelle de Paris, 1925-1958.

(404) Rapport du 30 juin 1934, dans Idem.

(405) Croyante baha'ie résidant à Paris. Son nom apparaît de nombreuses fois dans les rapports de la communauté.

(406) BLOMFIELD (Sara Louisa dite Lady), The chosen highway,[notes écrites à partie de 1911], The Baha'i Publishing Trust, Londres, 1940, 265 p.Traduction de courtoisie: " In 1939 Talks of 'Abdu'l-Baha in Paris was translated into French by Madame Hesse. With the assistance of Mrs. Lynch and of Madame Dreyfus-Barney the book was published in Geneva. It is found to be of great use in teaching the various seekers in Paris and other towns in France."

(407) Rapport du 7 avril 1940, dans Archives communautaires, répertoire des rapports et comptes-rendus de l’Assemblée spirituelle de Paris, 1925-1958.

(408) Lettre n° 18 de Shoghi Effendi, le 22 février 1947, Section historique des archives baha'ies de France, dans le dossier «Lettres du Gardien adressées à la France».

(409) Rapport du 27 octobre 1929, dans Archives communautaires, répertoire des rapports et comptes-rendus de l’Assemblée spirituelle de Paris, 1925-1958.

(410) Rapport de l’Union des Etudiants baha'is, de février 1937, dans dossier 1AC, Section historique des archives baha'ies de France, dans le dossier «jeunesse étudiants».

(411) Rapport de l’Union des Etudiants baha'is, du 9 février 1936, dans dossier 1AC, Section historique des archives baha'ies de France, dans le dossier «jeunesse étudiants».

(412) Nombre retrouvé dans les archives communautaires, dossier «liste baha'is»

(413) Voir page de garde du Journal baha’i, Annexe n°45.

(414) Rapport du jeudi 31 octobre 1929, Archives communautaires, répertoire des rapports et comptes-rendus de l’Assemblée spirituelle de Paris, 1925-1958.

(415) Rapport du 4 août 1946, Archives communautaires, répertoire des rapports et comptes-rendus de l’Assemblée spirituelle de Paris, 1925-1958.

(416) Rapport d’août 1946, Archives communautaires, répertoire des rapports et comptes-rendus de l’Assemblée spirituelle de Paris, 1925-1958.

(417) Rapport du 4 juin 1949, Archives communautaires, répertoire des rapports et comptes-rendus de l’Assemblée spirituelle de Paris, 1925-1958.

(418) Formée le 25 avril 1922.

(419) Plus de trente pionniers américains furent envoyés entre 1954 et 1957.

(420) Rapport du 13 avril 1953, Archives communautaires, répertoire des rapports et comptes-rendus de l’Assemblée spirituelle de Paris, 1925-1958.

(421) Rapport de septembre 1946, Archives communautaires, répertoire des rapports et comptes-rendus de l’Assemblée spirituelle de Paris, 1925-1958.

(422) Rapport du 7 février 1950, Ibid.

(423) Rapport du 30 septembre 1950, Ibid.

(424) Il se trouvait au 11rue de la Pompe, Paris XVIème.

(425) Lettre de Shoghi Effendi aux baha'is de France, Août 1955, Section historique des archives baha'ies de France, dans le dossier «Lettres du Gardien adressées à la France».

(426) L’ «Ecole d’été» est une forme d’université d’été de la communauté baha'ie.

(427) APOLLINAIRE (Guillaume), Chroniques et échos, [écrit en octobre 1917], dans Oeuvres en prose complètes, Tome III, «Bibliothèque de la Pléïade», Editions Gallimard, Paris, 1993, 1617p, p.508.

(428) Titre d’un manifeste qu’il écrivit pendant la Première Guerre mondiale.

(429) Lettre de Romain Rolland à Jeanne Stannard, directrice du bureau International baha'i de Genève, le 2 août 1925, à Villeneuve. Section historique des archives baha'ies de France, dans le dossier «Lettres de Romain Rolland».

(430) Idem.

(431) Nous ne possédons pas les références.

(432) Ici Romain Rolland a placé lui-même une note en bas de page qui précise: «Les Leçons de Saint jean d’Acre, par Abd-Oul-Béha, recueillies dans sa prison par Laura Clifford Barney. Ce grand esprit universaliste, apparenté à celui de Tolstoy, dont il était le contemporain, fut le troisième chef du Bâbisme persan, ou Béhaïsme.»

(433) ROLLAND (Romain), Les chefs-d’oeuvre de Romain Rolland, Pierre et Luce, Clérambault [écrit entre 1916 et 1920], Editions Albin Michel, Paris, 1971, 367 p., p. 364.

(434) Lettre de Romain Rolland à Jeanne Stannard, directrice du bureau International baha'i de Genève, le 2 août 1925, à Villeneuve. Section historique des archives baha'ies de France, dans le dossier «Lettres de Romain Rolland».

(435) Lettre de Romain Rolland à Jeanne Raoul Montefiore, le 31 mai 1930, à Villeneuve, Section historique des archives baha'ies de France, dans le dossier «Lettres de Romain Rolland».

(436) Lettre de Romain Rolland à Charles Baudouin, le 11 juin 1917, à Villeneuve, dans Monsieur le Comte: Romain Rolland et Léon Tolstoy, Cahiers Romain Rolland, n° 24, Paris, Editions Albin Michel, 1978, p. 124. (ISBN 2-226-00717-2).

(437) Lettre de Romain Rolland à Auguste Forel, le 21 février 1923, Institut d'histoire de la médecine, Université de Zurich, MHIZ Archive PN 31.

(438) Lettre de Romain Rolland à Jeanne Raoul Montefiore, le 31 mai 1930, à Villeneuve, Section historique des archives baha'ies de France, dans le dossier «Lettres de Romain Rolland».

(439) «La pensée baha'ie ; Auguste Forel (1848-1931)», Bulletin trimestriel, n°77, édité par l’Assemblée spirituelle des baha'is de Suisse, Nyon, septembre 1981, p.17.

(440) Tablette de ‘Abdu'l-Baha au Professeur Auguste Forel, dans: «La pensée baha'ie ; Auguste Forel (1848-1931)», Bulletin trimestriel, n°77, édité par l’Assemblée spirituelle des baha'is de Suisse, Nyon, septembre 1981, p.20.

(441) Sonne der Wahreit, septembre 1928 dans Revue: «La pensée baha'ie ; Auguste Forel (1848-1931)», Bulletin trimestriel, n°77, édité par l’Assemblée spirituelle des baha'is de Suisse, Nyon, septembre 1981.

(442) FOREL (Auguste), Mensonge ou erreur chez l’homme normal, L’Eglantine, Bruxelles, 1925, p.109 et 146.

(443) FOREL (Auguste), Jésus et La Bible, Editions de la Libre Pensée Internationale, Lausanne, 1927.

(444) Toronto Daily Star, du 4 mai 1926, dans RABBANI (Ruhiyyih), La perle inestimable, Maisons d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 558 p. ill., p.131.

(445) Lettre de Marie de Roumanie à Shoghi Effendi, le 27 août 1926, dans RABBANI (Ruhiyyih), La perle inestimable, Maisons d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 558 p. ill, p. 130.

(446) Lettre de Marie de Roumanie, dans Ibid. Voir annexe n°52 et 53.

(447) Ibid. p.131.

(448) Iléana est la plus jeune fille de Marie de Roumanie.

(449) Lettre de Marie de Roumanie à Martha Root, le 28 juin 1931, dans RABBANI (Ruhiyyih), La perle inestimable, Maisons d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1976, 558 p. ill, p. 138.

(450) BAHA’U’LLAH, Les tablettes de Baha'u'llah [écrites avant 1892], Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 1994, 321p ; p.132.

(451) MAISON UNIVERSELLE DE JUSTICE, Le siècle de Lumière, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 2004, 193 p., pp. d’introduction.

(452) Avec Londres et Vienne.

(453) MAISON UNIVERSELLE DE JUSTICE, Le siècle de Lumière, Maison d’éditions baha'ies, Bruxelles, 2004, 193 p., p.34.

(454) Commission des droits de l’homme de l’ONU.

(455) «Communauté internationale baha'ie: Cent ans au service de l’unité dans la diversité», Exposition au Parlement européen, 2003-2004, Librairie baha'ie, Paris 2003.

(456) Idem.

(457) Pour ces magazines, c’est le modèle anglo-saxon qui est utilisé: chaque volume comprenant environ dix-neuf numéros (qui paraissaient chaque mois baha’i)