Le courage
d'aimer
Shoghi Ghadimi
8. Vivre et aimer ne font qu'un
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8.6. La récompense de la persévérance
Un vieillard et son fils décident de vendre
leur âne, et dans ce but le conduisent à la foire. Dépassant des gens sur leur
route, ils entendent dire:
"Regardez ces deux imbéciles qui vont à pied, quand ils pourraient voyager assis
sur leur âne?"
Le vieillard trouve l'idée juste. Lui et son fils montent sur l'âne et continuent
leur route. Bientôt ils dépassent un autre groupe.
"Regardez ces paresseux" dit quelqu'un, "ils brisent le dos de ce pauvre animal".
Le vieillard réfléchit un instant et trouvant qu'il est plus sage que le fils
descende et que seulement lui-même reste sur l'âne.
"Quel égoïste qu'il est ce père", entendent-ils remarquer un troisième groupe.
"Il laisse son fils marcher à pied au lieu de lui céder sa place".
Là-dessus le père descend et cède sa place à son fils. Ils continuent leur route.
"Et voilà un père qui ne sait pas apprendre à son fils le respect de ses parents",
dit un spectateur qu'ils rencontrent sur leur chemin.
Là-dessus le vieil homme et le jeune garçon réfléchissent et trouvent une autre
solution. Ils lient les sabots de l'âne et le suspendent à une perche qu'ils
portent sur leurs épaules. A la fin de l'après-midi, ils arrivent épuisés à
un pont. Tandis qu'ils traversent la rivière les liens de l'âne se rompent et
l'animal tombe dans l'eau et se noie.
Cette histoire est instructive en ce sens que dans la vie quand on se fixe un
but et l'on fait son choix sur le moyen à suivre on ne doit pas attacher d'importance
aux " qu'en dira-t-on " ni vouloir absolument contenter tout le monde.
Quelqu'un a dit non sans raison: "Je ne connais pas la formule du succès, mais
je connais la formule de l'échec, c'est d'essayer de contenter tout le monde".
Indiscutablement il est bien plus facile dans la vie d'échouer que de réussir.
Mais ce serait une exagération de prétendre qu'il n'y a pas de formule pour
réussir. Cette formule existe. Elle se résume en un seul mot: PERSEVERANCE.
Et c'est vrai dans tous les cas, aussi bien dans l'accomplissement des tâches
ordinaires pour gagner sa vie, que lorsqu'on vise très haut.
Le président directeur d'une société disait à un agent d'assurance
"J'espère que vous appréciez l'honneur que je vous fais, jeune homme. Savez-vous
qu'avant de vous recevoir j'ai refusé de voir aujourd'hui sept courtiers comme
vous".
"Je le sais", répondit l'a n t. "C'est la huitième fois que je me présente".
Grâce à sa persévéra e le jeune homme a réussi à être reçu par le président.
C'est une anecdote , maintenant je vais vous raconter un fait historique:
C'est l'histoire d'un homme qui en 1831, lancé dans les affaires, subit un échec.
En 1832 lancé dans la politique, il échoue également. En 1834 il échoua dans
une entreprise. En 1841 il est atteint de dépression nerveuse. En 1843 il présente
sa candidature à l'Assemblée Législative, et il échoue. En 1855 il se présente
à la Chambre Haute, et il échoue. En 1858 il est battu de nouveau. En 1860 il
est élu Président des Etats-Unis.
Cet homme c'est Abraham Lincoln qui était destiné à abolir l'esclavage dans
son pays.
Mais c'est surtout dans le domaine de la religion et de la science que la persévérance
joue un rôle vital. Vital, étant donné que c'est uniquement par la persévérance
dans ces deux domaines que l'homme peut garantir son bien-être matériel et spirituel.
Voyons d'abord le rôle de la persévérance dans la science.
Un homme après des années d'étude et estimant qu'il a échoué et qu'il n'a pas
appris grand chose a tout abandonné et a pris le chemin du désert. Arrivé au
pied d'une montagne il aperçoit une grosse pierre où les gouttes d'eau avaient
creusé un petit trou. Il s'est dit alors: si avec la persévérance, une goutte
d'eau perce la pierre, comment la lumière du savoir n'aurait-elle pas d'effet
sur mon esprit. Et il retourna sur ses pas et reprit ses études.
Les plus grandes découvertes en science sont dues à la persévérance des savants.
Un jour, on demanda à Edison ce qu'il apprenait avec le millier d'échecs qu'il
rencontrait.
Et le savant de répondre:
"J'apprends un millier de façons de ne pas procéder".
Et il a poursuivi ses expériences pour arriver à offrir à l'humanité plus de
deux mille inventions.
Dans le domaine de la science, la persévérance récompense même ceux qui n'ont
pas d'instruction scientifique.
Le Hollandais Anton Van Leevennoer n'avait aucune instruction - il était balayeur
de rues à Delft, mais dès qu'il avait une heure de liberté, il s'exerçait à
tailler de petites lentilles de verre qui ouvrirent à l'homme le terrible et
merveilleux univers des microbes. Ce fut la plus grande découverte de toute
l'histoire de la biologie.
Puisqu'on parle de la biologie rappelons-nous la persévérance de Dr. Koch dans
sa recherche du bacille de la tuberculose.
Il travaillait dans son laboratoire parfois dix-huit heures par jour, n'autorisant
personne à s'exposer aux risques d'infection. Au bout de six mois, en examinant
la 271e préparation microscopique il identifia le bacille qui maintenant porte
son nom.
Je vous ai cité quelques exemples du domaine de la technique et de la médecine.
Voulez-vous un exemple du domaine de la littérature?
Du temps où il terminait ses études à l'Université de Yale, Sinclair Lewis confia
à un professeur de littérature que son rêve était d'écrire.
"Mais vous mourrez de faim", s'exclama le professeur.
"Voilà ce qui m'est parfaitement égal " , répondit Lewis.
"En ce cas, mon ami, vous réussirez."
Et il a réussi grâce à sa persévérance, sans que celle-ci lui coûte le prix
de sa vie.
Ce ne fut pourtant pas le cas des fondateurs de religion qui ont dû payer le
prix de leur vie. J'entends par là les messagers de Dieu ; la plupart ont accepté
le martyre parce qu'ils avaient décidé de persévérer jusqu'à l'accomplissement
d leur mission.
Prenons comme exemple Jésus-Christ. Il vivait dans un monde injustice, de cruauté,
d'orgueil, de tromperie, de mensonge et de tout ce qui est appelé péché. Il
reçoit la mission de débarrasser l'homme de ces péchés et, par conséquent, de
lui faire obtenir le pardon.
L réussite dans l'accomplissement de cette mission impliquait une persévérance
qui devait lui coûter la vie. Il a persévéré et il a payé de sa vie. C'est au
prix de ce sacrifice qu'il parvint à ce que l'homme se débarrasse de ses péchés
et, par conséquent, se faire pardonner.
C'est ainsi qu'il faut comprendre le sens du pardon de nos péchés par le sacrifice
de Jésus.
Rappelons à ce propos que dans le langage des Écritures, le péché c'est la mort
(II Ephés. 2/6) et la délivrance des péchés, c'est la résurrection. Or étant
donné que le sang est le symbole de la force vitale, on assimile la force spirituelle
de Jésus au sang, et l'on dit que Jésus par son sang nous a délivrés de nos
péchés. Autrement dit c'est grâce à la force spirituelle de Jésus que ses vrais
disciples parvinrent à se délivrer des péchés.
La grandeur de la force spirituelle de Jésus était telle que Baha'u'llah dit:
"La plus profonde sagesse qu'aient exprimée les plus sages des hommes, les plus
hautes connaissances qu'aient acquises les plus savants d'entre eux, les arts
que les mains les plus habiles aient produits, l'influence qu'ont pu exercer
les plus puissants monarques ne sont que des manifestations du pouvoir vivifiant
dégagé par son Esprit transcendant omnipénétrant et resplendissant" (Extrait
des Écrits de Baha'u'llah).
Si Jésus n'avait pas persévéré jusqu'au sacrifice de sa vie on n'aurait pas
eu cette civilisation sans précédent, connue à juste titre sous le nom de la
civilisation chrétienne.
Dès le début de sa mission, il fut soumis aux épreuves, sous différentes formes.
D'abord l'incroyance de ses frères (Jean 7/3) puis les reproches des pharisiens
"Pourquoi mange-t-il avec des gens de mauvaise vie". (Mat. 9/11).
A quoi il a répondu:
"Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin" (Mat. 9/12).
Ajoutez à cela les souffrances qu'il a subies de la part de ses ennemis, tout
en exhortant ses disciples à persévérer comme lui-même:
"Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé" (Mat. 9/12), ne cessait-il
pas de répéter.
Et il a sauvé le monde de son époque par sa persévérance.
Un autre exemple de la persévérance c'est le cas de la révélation Baha'ie dont
le précurseur était le Bab. Ce messager de Dieu ayant entrepris une guerre sans
merci contre l'hypocrisie, le fanatisme et la superstition de son époque savait
parfaitement que pour triompher il devait persévérer jusqu'au sacrifice de sa
vie. Et il a persévéré, ce qui finalement lui a coûté la vie. Et pourtant il
lui suffisait d'abandonner sa mission pour avoir la vie sauve, mission dont
le but ultime était de sauver l'humanité.
Quant au fondateur de la foi Baha'ie, Baha'u'llah lui-même, afin d'avoir une
idée de sa persévérance dans l'accomplissement de sa mission, il faut pouvoir
s'imaginer un demi-siècle de souffrances sans précédent dans l'histoire, un
demi-siècle durant lequel prisonnier dans les ans, il pouvait être exécuté à
tout moment. Ce qui est le ' e des supplices pour tout condamné à mort. Car
c'est surtout l'attente du moment d'être exécuté qui est atroce. Et ce " moment
" pour Baha'u'llah n'a pas duré un instant, mais toute sa vie.
Dans son cas aussi, il suffisait qu'il cesse de persévérer dans l'accomplissement
de sa mission pour être libéré et jouir de tous les honneurs et plaisirs que
la cour impériale pouvait lui accorder en tant que fils de l'un de ses ministres.
Mais non, lui aussi comme tous les prédécesseurs a sacrifié tout dans son amour
pour l'humanité.
Un autre exemple de la persévérance c'est son fils aîné, interprète de ses enseignements,
`Abdu'l-Baha. Lui aussi a eu une vie de martyr. Il est entré en prison tout
jeune et il en est sorti vieillard: une soixantaine d'années d'exil et d'emprisonnement.
Et à aucun moment il ne manqua de persévérer dans l'accomplissement de sa mission
de montrer par son exemple que l'homme est capable d'aimer tout le monde d'un
amour parfait, grâce à l'amour qu'il a pour Dieu.
Rares sont les pages de l'histoire qui nous parlent d'une telle persévérance.
Un jour on lui a demandé comment il se faisait qu'en tout ce qu'il entreprenait
il réussissait toujours et brillamment. Et il a dit:
"Je tire bien fort les voiles du voilier, j'attache solidement les cordes, je
me fixe une destination. Alors je prends en main le gouvernail, avec une forte
volonté et je me mets en route. Que la tempête soit forte je ne m'inquiète nullement,
je ne change pas mon itinéraire, je continue ma route jusqu'à ce que j'arrive
à destination". Voilà quelques exemples de la persévérance dans la poursuite
du but qu'on se fixe. Nous devons avoir ces exemples toujours présents à l'esprit
afin de nous en inspirer comme nos ancêtres l'ont fait, avec cette différence
que eux ont payé de leur vie la défense des principes qui à leur époque étaient
considérés par le monde comme une utopie, tandis qu'aujourd'hui les mêmes principes
sont l'esprit même de notre temps.
Ce n'est plus le sacrifice de notre vie qui nous est demandé, mais, par contre,
nous devons profiter de chaque moment de notre existence pour la mettre au service
de l'unité de l'humanité, ce qui inévitablement entraînera notre propre salut.
Voilà le but sublime que chacun de nous a tout intérêt de se fixer.
Et une fois ce but futé nous devons le poursuivre avec persévérance sans attacher
la moindre importance à ces " qu'en dira-t-on", toujours si nombreux.
En voulez-vous quelques exemples?
Si je suis juif, que j'accepte, comme le demande la foi Baha'ie, de mettre sur
le pied d'égalité Moïse et Jésus? Mais voyons qu'en dira-t-on chez nous, puisqu'il
n'y a jamais eu un prophète aussi grand que Moïse.
Si je suis chrétien, que j'accepte, comme le demande la foi Baha'ie, de mettre
sur le pied d'égalité Jésus avec les autres prophètes? Mais voyons qu'en dira-t-on
à l'Église, pour qui Jésus n'est pas un prophète, mais le Fils de Dieu.
Si je suis musulman, que j'accepte, comme le demande la foi Baha'ie, qu'après
Muhammad il y a eu d'autres prophètes, et il y en aura d'autres encore? Mais
voyons qu'en dira-t-on chez nous, puisqu'il est admis que Muhammad est le dernier
prophète.
Et dire que l'acceptation sans réserve de l'unité de base de toutes les religions
et l'unité de leurs fondateurs est la première condition pour la réalisation
de l'unité de l'humanité, cette unité sans laquelle son salut est impossible,
cette unité que nous nous sommes fixé comme but à atteindre.
Si je suis juif, chrétien ou musulman, que j'accepte comme le demande la foi
Baha'ie que la femme est l'égale de l'homme? Mais voyons qu'en dira-t-on, puisque
la loi de l'Etat ne lui accorde pas les mêmes droits, et que les Écritures disent
clairement que la femme est inférieure à l'homme.
Et dire que sans la mise en application du principe de l'égalité des droits
de l'homme et de la femme, la paix universelle est impossible, cette paix à
laquelle nous aspirons tous.
Si je suis juif, chrétien ou musulman, que j'accepte de " changer " de religion,
ou que mon fils " change " de religion? Mais voyons qu'en dira-t-on?
Et dire qu'au point de vue spirituel, on ne change pas de religion. Tout ce
qu'on fait c'est qu'on évolue spirituellement en suivant la loi de l'évolution
religieuse de l'humanité, comme on évolue scientifiquement en suivant les lois
de l'évolution scientifique.
Cette évolution spirituelle n'est-elle pas une nécessité pour la réalisation
de l'unité et de la paix?
Il y a encore bien d'autres " qu'en dira-t-on " qu'on ne peut pas éviter quand
on accepte les principes Baha'is. Dans tous les cas si j'ai eu le courage de
faire fi de ces " qu'en dira-t-on " et que j'accepte ces principes, que je ne
fasse pas partie des trois premières catégories d'adhérents, mais de la quatrième
catégorie dont parle Jésus dans sa parabole du semeur:
"Un semeur sortit pour semer. Comme il semait, une partie de la semence tomba
le long du chemin, les oiseaux vinrent et la mangèrent. Une autre partie tomba
dans les endroits pierreux où elle n'avait pas beaucoup de terre. Elle leva
aussitôt, parce qu'elle ne trouva pas un sol profond, mais quand le soleil parut
elle fut brûlée et sécha faute de racines. Une autre partie tomba parmi les
épines. Les épines montèrent et l'étouffèrent. Une autre partie tomba dans la
bonne terre: elle donna du fruit, un grain cent, un autre soixante, un autre
trente". (Mat. 13/9).
Et Jésus d'expliquer sa parabole.
"Vous donc, écoutez ce que signifie la parabole du semeur. Lorsqu'un homme écoute
la parole du royaume et ne la comprend pas, le malin vient et enlève ce qui
a été semé dans son coeur: cet homme est celui qui a reçu la semence le long
du chemin.
Celui qui a reçu la semence dans les endroits pierreux, c'est celui qui entend
la parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n'a pas de racine en lui-même,
il manque de persévérance et, dès que survient une tribulation ou une persécution
à cause de la parole, il y trouve une occasion de chute. Celui qui a reçu la
semence parmi les épines, c'est celui qui entend la parole, mais en qui les
soucis du siècle et de la séduction des richesses étouffent cette parole, et
la rendent infructueuse. Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c'est
celui qui entend la parole et la comprend, il porte du fruit et un grain en
donne cent, un autre soixante, un autre trente". (Mat. 13/18/23).
Que signifie " un grain en donne cent " si ce n'est qu'à partir du moment où
celui qui comprend la nécessité des principes tels que l'unité du genre humain,
la recherche individuelle de la vérité, l'unité des prophètes, l'unité, comme
but de la religion, l'accord de la religion avec la science, l'abandon des préjugés,
l'égalité des droits de la femme et de l'homme etc., etc., tous ces principes
et bien d'autres enseignements résumant la Parole de Dieu pour aujourd'hui ;
qu'à partir du moment ou celui qui s'engage à les mettre en pratique et à les
propager il y en ait grâce à ses efforts cent comme lui.
C'est ainsi que l'humanité peut s'acheminer vers un monde meilleur que celui
d'aujourd'hui.