Le courage
d'aimer
Shoghi Ghadimi
9. La mesure de l'amour est l'amour
sans mesure
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9.6. L'homme face à la Nature
Lors d'une entrevue entre `Abdu'l-Baha
et Bergson, ce dernier demanda si l'homme faisait partie de la Nature ainsi
qu'il le croyait, et si ce n'était pas le cas, quelle en était la preuve?
Voilà en substance ce qu'a répondu `Abdu'l-Baha:
Comment procédez-vous en science pour voir si une chose fait partie d'un tout?
C'est par les caractéristiques d'une partie que vous portez votre jugement sur
le tout.
Ainsi, par exemple, vous prenez un verre d'eau de mer et vous l'analysez, vous
déterminez ce que contient cet échantillon d'eau et vous en déduisez ce que
contient la mer elle-même.
Donc ce que possède la partie, le tout doit forcément le posséder.
Partant de là, si on admet que l'homme fait partie de la Nature, tout ce que
l'homme possède, la Nature doit également le posséder. Or ce n'est pas le cas.
L'homme sait raisonner, la Nature ne sait pas raisonner. L'homme possède la
volonté. La Nature n'a pas de volonté ...
Devant une telle argumentation simple et brève Bergson ne fit que garder le
silence.
En effet à propos de l'intelligence humaine notons qu'elle se manifeste de différentes
façons dont l'une est le pouvoir inventif, grâce auquel l'homme progresse dans
tous les domaines.
Remarquons que l'animal n'a pas ce pouvoir inventif. Si l'oiseau fait magistralement
son nid, c'est grâce à son instinct.
La preuve c'est qu'il est incapable d'y apporter la moindre amélioration avec
le temps l'oiseau d'aujourd'hui fait son nid exactement comme il le faisait
au temps de Noé. Mais l'homme d'aujourd'hui fait son nid d'une manière bien
plus parfaite qu'au temps de Noé et ceci grâce à son intelligence.
Concernant la volonté que possède l'homme notons qu'elle est telle qu'elle lui
permet de transgresser les lois de la Nature.
Dans ses Écrits et dans bien de ses causeries `Abdu'l-Baha explique ce point
d'une manière détaillée pour montrer que l'homme est le maître de la Nature.
A ce propos permettez moi de vous réciter un extrait de sa Lettre au Professeur
Forel (Professeur suisse renommé en médecine et en philosophie. Récemment en
son honneur on a émis en Suisse des billets de 1000 F.S. avec son image. IL
adhéra à la foi baha'ie en 1920).
"L'homme, bien qu'il soit par son corps captif de la Nature, a l'esprit et l'intelligence
libres et demeure maître de la Nature. Veuillez remarquer que selon les lois
de la Nature l'homme est un être qui se meut sur terre, mais l'esprit et l'intelligence
de l'homme brisent la loi de la Nature, et il devient un oiseau qui s'envole
dans les airs, il court les mers à toute vitesse et tel un poisson il évolue
dans les profondeurs des ondes et fait des découvertes océanographiques, et
cela constitue une infraction importante aux lois de la Nature.
IL en est de même pour l'énergie électrique, cette force violente et indomptée
qui parvient à fendre les montagnes, l'homme l'enferme dans un verre, et cela
est une infraction à la loi de la Nature.
Egalement les secrets cachés de la Nature, conformément à ses lois devraient
demeuré cachés ; l'homme parvient à les découvrir, et du domaine de l'invisible,
il les amène à l'évidence.
Parallèlement les propriétés des choses sont parmi les secrets de la Nature
et l'homme les découvre. IL en est des événements à venir que l'homme découvre
par induction alors qu'ils font encore défaut au monde de la Nature.
Les communications selon les lois de la Nature sont limitées à des distances
rapprochées, tandis que l'homme, par cette puissance intellectuelle qui découvre
les réalités des choses entretient des relations de l'Orient à l'Occident ;
ceci est aussi une infraction à la loi de la Nature ; de même selon la loi de
la Nature, l'ombre est fugace, mais l'homme fixe cette ombre sur le verre, et
c'est une infraction à la loi de la Nature.
Remarquez que les sciences, les arts, les métiers, les inventions, les découvertes,
tout cela constituait les secrets de la Nature qui, par la loi de la Nature,
auraient dû rester cachés, mais l'homme par la puissance révélatrice a transgressé
la loi de la Nature, il a amené, du monde invisible à l'évidence, ces secrets
cachés. C'est encore une contravention à la loi de la Nature.
En résumé, cette force spirituelle de l'homme, qui demeure invisible, prend
l'arme tranchante aux mains de la Nature et lui en assène des coups terribles.
Tout le reste des créatures - malgré l'importance de certaines - est privé de
ces avantages.
L'homme a une puissance de volonté et de sensibilité, mais la Nature en est
privée. La Nature est contrainte, mais l'homme est libre de choisir.
La Nature est inconsciente, l'homme est conscient. La Nature est sans connaissance
des événements passés, l'homme les connaît. La Nature ignore les événements
à venir, l'homme par sa puissance révélatrice les connaît. La Nature n'a aucune
idée d'elle-même, l'homme a connaissance de toutes choses.
Et si quelqu'un vient à penser que l'homme fait partie du monde de la Nature
et que, puisqu'il réunit en lui tant de perfections, ces perfections doivent
être un reflet du monde de la Nature, que la Nature doit être la créatrice de
ces perfections au lieu d'en être privée, nous disons en réponse que la partie
dépend du tout. !l n'est pas possible que dans la partie se trouve des perfections
dont le tout est privé.
Mais en parlant de l'homme face à la Nature `Abdu'l-Baha tire une autre conclusion,
cette fois plutôt spirituelle. Il en a parlé à plusieurs occasions et plus particulièrement
à l'Université de Stanford de Palo Alto en 1912 devant un millier de professeurs
et d'élèves de cet établissement (A propos de cette conférence le journal "The
Palo Alto" du 1/11/1912 écrivait un long article à la fin duquel l'auteur disait
que si en science on découvre une vérité celle-ci n'appartient pas à un pays
mais au monde entier et qu'il en est de même en religion. Si le message baha'i
vient de la Perse, le berceau de la race humaine. et le plus ancien, ce message
de paix concerne également "le jeune et le plus puissant géant de l'Ouest" -
Amérique).
Après avoir rendu hommage aux mérites de la science `Abdu'l-Baha développa la
question de l'harmonie existant dans la Nature.
Au point de vue physique dit-il, tous les êtres qu'ils soient du monde minéral,
végétal, animal ou humain se composent des mêmes éléments qui passent d'un monde
à l'autre. Ainsi, par exemple, tous les éléments qui composent le corps humain,
à un moment donné se trouvaient dans le monde minéral, d'où ils sont passés
au monde végétal, ensuite au monde animal et enfin au monde humain. Ce cycle
terminé le mouvement de ces mêmes éléments se fait dans le sens inverse du monde
humain vers les autres mondes en exerçant dans chacun de ces mondes une fonction
spécifique ; la cohésion dans le monde minéral, la croissance en plus dans le
monde végétal et les cinq sens qui s'y ajoutent dans les mondes animal et humain.
Ces passages des éléments d'un monde à l'autre se fait sans cesse et perpétuellement.
On peut donc dire que dans tout être il y a tous les autres êtres.
La composition de tous les êtres étant une et une seule, tous les êtres, physiquement
ne font qu'un.
S'il y a une telle unité dans les mondes inférieurs à celui de l'homme serait
ce convenable que cette unité n'existe pas dans le monde humain, ce monde qui
est supérieur à tous les autres et qui est le sommet de la création - conclut
`Abdu'l-Baha pour mettre en évidence la nécessité de l'application du principe
de base de la foi baha'ie, le principe de l'unité du genre humain.
Est-ce la diversité et la différence de caractère qui empêcheraient cette unité,
comme certains le prétendent. Non, et là nous n'avons qu'à voir ce qui se passe
dans les mondes inférieurs, et plus particulièrement dans le monde le plus bas:
le monde minéral.
Prenons, par exemple, deux éléments, l'hydrogène et l'oxygène, ils ont des caractères
opposés, l'un brûle lui-même, l'autre contribue à la combustion. Ce qui n'empêche
qu'ils s'unissent pour donner naissance à l'eau, autrement dit pour assurer
la vie, car sans eau il n'y a pas de vie.
Est-il alors convenable que sous prétexte de diversité on s'imagine que les
hommes ne puissent pas s'unir. Bien au contraire, c'est cette diversité qui
donne plus de charme quand l'unité est réalisée.
Si dans un jardin toutes les fleurs ont la même couleur, le jardin est bien
moins attrayant que lorsqu'il y a des fleurs de couleurs différentes.
Puis `Abdu'l-Baha parle de l'harmonie qui existe dans les différents mondes,
une harmonie sans laquelle la vie serait impossible.
Prenons comme exemple le soleil qui donne la lumière et la chaleur à la terre
avec les êtres qui y vivent. L'harmonie entre les deux astres est parfaite.
Ainsi, pour ne citer qu'un petit détail, si le soleil ne donnait à la terre
que la moitié de ses radiations, nous gèlerions. S'il nous en donnait une fois
et demi plus qu'il en donne, nous serions grillés. Mais le soleil envoie ses
radiations autant qu'il en faut, en harmonie parfaite avec les besoins de la
terre.
IL en est de même en ce qui concerne le mouvement de la terre autour de son
axe, mouvement dont résultent le jour et la nuit. Si la terre tournait dix fois
plus lentement les jours deviendraient dix fois plus longs et la chaleur du
soleil brûlerait notre végétation. La vie deviendrait alors impossible. Mais
la terre harmonise son mouvement avec les besoins des êtres qui y vivent.
Le soleil et la terre sont en harmonie et en paix.
Cette harmonie existe non seulement dans les infiniment grands mais également
dans les infiniment petits, les cellules, par exemple.
Qu'est-ce que la tumeur cancéreuse? C'est lorsqu'un certain nombre de cellules
ne fonctionnent plus en harmonie avec l'ensemble des cellules du corps.
Si le manque d'harmonie dans les êtres bien inférieurs à l'homme entraîne de
telles conséquences néfastes, inévitablement le manque d'harmonie doit entraîner
des conséquences bien plus néfastes dans le monde humain, ce monde qui est infiniment
plus parfait par rapport aux autres.
C'est comme dans le fonctionnement d'une machine, plus celle-ci est parfaite,
plus le manque d'harmonie entre les différentes parties devient catastrophique.
L'homme d'aujourd'hui, grâce au progrès de la science, est plus que jamais le
maître de la Nature, et la Nature plus que jamais est le serviteur de l'homme.
Est-il logique que le serviteur ait des qualités et que le maître en soit privé?
Chez le "serviteur" (la Nature) il y a unité, harmonie et la paix. Il faut qu'il
en soit de même chez le "maître" (le monde humain).
De ce qui vient d'être dit on peut conclure qu'au stade actuel de l'évolution
de l'humanité l'unité est son fondement, l'harmonie et la paix son couronnement.
Et c'est précisément L'UNITÉ DU GENRE HUMAIN qui est le fondement de tous les
principes baha'is et la paix mondiale en est le couronnement.