La perle inestimable
Par Ruhiyyih Rabbani


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Chapitre 11. Le développement des institutions internationales de la foi

Le développement du Centre mondial de la foi sous l'égide du Gardien, représente une des plus importantes réalisations de sa vie. On peut seulement le comparer a la consolidation de la cause elle-même sur toute la surface du globe. Au sujet de la signification unique de ce centre, Shoghi Effendi écrivait: "C'est la Terre Sainte, le Qiblih d'une communauté mondiale, le coeur d'où partent, en un flot continuel, les influences énergétiques d'une foi vivifiante, et le siège ainsi que le centre autour desquels évoluent les diverses activités d'un Ordre administratif divinement désigné."

En 1921 lorsque Shoghi Effendi commença a assumer les responsabilités qui lui étaient conférées par le Testament d'Abdu'l-Baha, les propriétés baha'ies a Haïfa et a 'Akka se composaient du Tombeau de Baha'u'llah a Bahji appartenant a Afnan, héritiers de la fille de Baha'u'llah, dans la maison de qui il avait été inhumé; du tombeau du Bab sur le Mont Carmel, entouré de quelques lopins de terre achetés pendant la vie d'Abdu'l-Baha et sur l'un desquels fut construit la Maison des Pèlerins orientaux; de la maison d'Abbud, a 'Akka, où Baha'u'llah avait vécu pendant quelques années et où il avait révélé le Kitab-i-Aqdas; du jardin de Ridvan; et de la maison d'Abdu'l-Baha a Haïfa. Le manoir de Baha'u'llah près de son tombeau était occupé par l'archi-briseur du Covenant, Muhammad 'Alf. Les titres de presque toutes les propriétés baha'ies étaient enregistrés soit au nom de divers membres de la famille, soit au nom de certains baha'is. L'insécurité de la position légale de la foi et de ses propriétés était telle que l'oeuvre accomplie par Shoghi Effendi pour sauvegarder et développer ces Lieux saints en augmentant les terrains qui les entouraient, en enregistrant ces terrains au nom des branches locales palestiniennes des diverses Assemblées Nationales baha'ies, et en obtenant l'exonération pour ces mêmes propriétés d'impôts municipaux et gouvernementaux, cette oeuvre n'est rien de moins que miraculeuse.

Quand on se rappelle que la position du Gardien était si précaire en 1922, que Muhammad 'Ali s'était enhardi jusqu'à saisir les clefs du tombeau saint de Baha'u'llah, que de nombreux musulmans et chrétiens jaloux de la valeur universelle dont avait joui 'Abdu'l-Baha vers la fin de sa vie, n'étaient que trop impatients de discréditer son jeune successeur aux yeux des autorités, et que Shoghi Effendi était lui-même écrasé par les problèmes de toute nature venant de l'intérieur et de l'extérieur de la cause, on ne peut alors que s'émerveiller, une fois encore, de la sagesse et de la qualité d'homme d'Etat qui caractérisait sa conduite des affaires au Centre mondial.

L'âge héroïque de la foi était passé. Ce que Shoghi Effendi appelait l'âge de Formation avait commencé avec son ministère et fut façonné, pour toujours par lui. Se rendant pleinement compte que ni son rang, ni ses capacités, n'étaient identiques a ceux du bien-aimé Maître, Shoghi Effendi refusa de l'imiter, de quelque manière que ce soit, dans ses vêtements, dans ses habitudes et manières. Une telle imitation, pensait-il, traduirait un manque complet de jugement et de respect. Un jour nouveau se levait pour la cause, des méthodes nouvelles étaient nécessaires. C'était le jour de l'émancipation de la foi, de la reconnaissance de son statut indépendant, de l'établissement de son Ordre, de l'érection de ses institutions. 'Abdu'l-Baha était venu en Terre Sainte en tant que prisonnier et exilé. Tout en proclamant au cours de ses voyages en Occident et dans ses lettres ' le caractère indépendant de la cause de son Père, il ne pouvait cependant pas, vers la fin de sa vie, briser les chrysalides des coutumes populaires qui l'avaient lié depuis si longtemps a la communauté musulmane prédominante. Agir avec discourtoisie et de manière blessante ne faisait pas partie des enseignements baha'is. Mais Shoghi Effendi, revenant de ses études en Angleterre, jeune, occidental par son éducation et ses habitudes, étaient en mesure de proclamer localement le caractère indépendant de la foi. Quelque aimé et estimé qu'ait été 'Abdu'l-Baha, il n'était cependant pas considéré comme le chef d'une religion mondiale indépendante mais plutôt comme un saint protagoniste d'une philosophie spirituelle de la fraternité universelle, un notable distingué parmi tant d'autres en Palestine. Il avait dominé ceux qui l'entouraient par une véritable force de personnalité.

Mais Shoghi Effendi savait qu'il ne pourrait jamais faire de même dans les circonstances qui prévalaient au début de son Gardiennat et ne voulait pas le faire. Sa fonction consistait a gagner partout, et en particulier au Centre mondial la reconnaissance de la cause en tant que religion mondiale, au même titre, jouissant des mêmes statuts et prérogatives, que les autres religions: le christianisme, l'islamisme et le judaïsme.

Dès le commencement, il apprécia a sa juste valeur le fait que s'il voulait et devait établir le Centre mondial sur des bases solides, pendant que la foi devait inévitablement s'étendre a l'étranger, sa position locale, qui n'était pas celle d'un chef local ou national mais celle de chef de cette foi, devrait être fondée sur une base entièrement différente. La Palestine, bien que terre sacrée pour ces trois religions mondiales, n'étaient pour aucune d'entre elles a la fois et en même temps le coeur spirituel et administratif et par conséquent, aucune personne dans le pays n'avait une position comparable a la sienne.

Il devait donc, lui, le chef d'une telle foi et résidant a son centre spirituel et administratif, jouir d'un droit de préséance sur les autres chefs du pays. Tout en étant conscient de ce fait dès le commencement de son ministère, Shoghi Effendi était assez sage pour se rendre compte qu'il n'y avait, a cette époque aucun espoir de faire partager cette opinion aux autres. Il fit un éclat en n'entrant pas dans les activités du Maître et en évitant volontairement de se mêler aux nombreuses fonctions sociales, officielles ou non. Il savait très bien que, parmi les pontifes locaux, il ne pouvait espérer recevoir le droit de préséance que sa position méritait et qu'il serait relégué dans une position secondaire, en tant que représentant baha'i, a cause de sa jeunesse et de la puissance de la grande communauté musulmane. La situation serait alors cristallisée sur un précédent et il lui serait impossible, plus tard, de reprendre sa vraie place en tant que chef d'une religion mondiale.

C'est principalement pour cette raison que, pendant trente six ans, a une ou deux exceptions près, Shoghi Effendi évita toutes réceptions municipales ou gouvernementales, et ne prit aucune part a la vie sociale tout en insistant constamment mais avec tact, pour que lui ou tout autre personne qu'il enverrait devait recevoir la préséance. Vers la fin de sa vie, il avait pratiquement gagné cette longue bataille et, bien que le représentant baha'i n'ait pas toujours reçu la préséance que Shoghi Effendi désirait, il évita efficacement que son représentant reçoive une position mineure a des réceptions officielles.

Il assista lui-même, quelques rares fois, a des réceptions étatiques en Israël et reçut son dû en tant que chef d'une foi mondiale. Abandonner toute vie sociale n'était pas une grande privation pour lui constamment préoccupé par son travail et par les crises répétées, et dont le temps était pris par les demandes des pèlerins. Mais cela ajouta a son isolement et le priva effectivement de tout contact intellectuel et de tout encouragement qu'il aurait pu recevoir en rencontrant des hommes de sa valeur et de son importance.

Pendant les deux premières décennies de son ministère, cependant, Shoghi Effendi eut plus ou moins des contacts privés et personnels avec les différents Hauts-Commissaires et avec les Commissaires de District. C'est ainsi qu'il put reprendre les clés du tombeau de Baha'u'llah et affirmer son droit indiscuté de gardiennage de ce lieu sacré, obtenir la possession du Manoir de Baha'u'llah, recevoir l'autorisation d'inhumer les proches parents d'Abdu'l-Baha dans le voisinage du Mausolée du Bab, au centre du quartier résidentiel sur le Mont Carmel, de faire accepter le certificat de mariage baha'i par le gouvernement sur la même base que ceux des juifs, des chrétiens et des musulmans et par-dessus tout, grâce a ses efforts persévérants, réussir a imposer aux autorités britanniques la nature des propriétés et obtenir d'eux l'exonération des taxes municipales et gouvernementales.

La première préoccupation de Shoghi Effendi fut toujours Bahji. Il était décidé a sauvegarder non seulement le tombeau de Baha'u'llah, mais aussi la dernière demeure qu'il avait occupée en ce monde ainsi que les bâtiments et les terrains attenants. Depuis l'ascension de Baha'u'llah et jusqu'en 1929, Muhammad 'Ali et sa famille étaient en possession de cette demeure appelée "Qasr" ou "Palais" de 'Udi Khammar. C'était une construction unique en Palestine par son style architectural majestueux. Elle avait été achetée pour Baha'u'llah vers la fin de sa vie. Ce manoir tombait maintenant en ruines, dans un pitoyable état de délabrement: sale, prenant la pluie, le toit qui s'effondre, les pièces, jadis belles, utilisées comme débarras ou abandonnées. En novembre 1927, Shoghi Effendi écrivait a un de ses amis: "le Qasr est encore occupé par Muhammad 'Ali et Majdiddin (son cousin) a envoyé un message demandant la réparation du toit qui risque de s'effondrer a tout moment.

On lui a répondu énergiquement que nous ne procéderons a aucune réparation tant qu'ils n'ont pas évacué tout le bâtiment". Finalement, semble-t-il, l'état du manoir atteignit un tel degré de délabrement que les briseurs du Covenant n'eurent d'autres choix que de complaire a la demande de Shoghi Effendi. Le 27 novembre 1929, la veille du huitième anniversaire de l'ascension d'Abdu'l-Baha, Shoghi Effendi télégraphiait a un membre de sa famille:

"... Qasr évacué. Restauration commencée" et le 5 décembre il écrivait a un de ses amis: "... Le manoir de Baha'u'llah, occupé pendant près de quarante ans par Muhammad 'Ali et ses disciples, a été finalement évacué et la photographie ci-jointe indiquera dans quel état ils l'ont laissé. Les travaux de restauration ont commencé; et déjà, les pèlerins visitent la chambre où décéda Baha'u'llah et où il passa les jours les plus paisibles et les plus heureux de sa vie." Deux ans plus tard les travaux étaient terminés. Shoghi Effendi avait fait venir un des baha'is qui avait été souvent a Bahji pendant sa jeunesse, et qui était capable et consciencieux, pour superviser les travaux. Le toit, l'ébénisterie, les fresques du balcon, les décorations enchevêtrées imprimées sur les murs de toutes les pièces du premier étage, les belles poutres du plafond, tout fut restauré dans son état originel.

Puis, Shoghi Effendi fit mettre des précieux tapis et carpettes envoyés par les baha'is d'Iran, suspendit aux murs des enluminures rares écrites par le fameux calligraphes baha'i, Mishkin Qalam, meubla le manoir avec des bibliothèques pleines des traductions en différentes langues de la littérature baha'ie et plaça dans les différentes pièces des bâtiments des photos et des documents d'intérêt historique. Il invita ensuite le Haut-Commissaire britannique a venir voir et il l'accompagna dans sa tournée d'inspection. A la fin de la visite, Shoghi Effendi demanda a Son Excellence si elle ne trouvait pas qu'un tel lieu, si sacré pour les baha'is du monde entier, dépasse de loin le droit d'être

considéré comme la résidence d'une personne privée et devrait être conservé comme un lieu de pèlerinage et comme un musée historique. Son Excellence, sans doute autant impressionné par l'avocat que par le témoignage, donna son accord et le manoir resta dans les mains de Shoghi Effendi. En avril 1932, les pèlerins avaient le privilège de passer une nuit dans ce lieu sacré et historique dont les portes étaient également ouvertes aux visiteurs non baha'is qui erraient dans ses belles pièces, regardaient l'étalage impressionnant des témoignages de l'universalité de la cause, les nombreuses photocopies des titres d'incorporation des Assemblées baha'ies, des licences de mariage et autres documents historiques tels que les photos des martyrs et des pionniers de la foi.

Je me rappelle combien, en dépit du fait qu'il possédait le manoir, Shoghi Effendi était constamment contrarié, et ce jusqu'à la fin de sa vie, par le fait que les briseurs du Covenant occupaient encore la maison attenant au manoir. La nuit de l'Ascension de Baha'u'llah, lorsque le Gardien a la tête des hommes baha'is, allait au tombeau après avoir visité la chambre du manoir où Baha'u'llah était décédé, il était obligé de passer devant la pièce où les briseurs du Covenant tenaient leur propre veillée. Souvent, ils faisaient des commentaires audibles sur lui, a son passage, ajoutant ainsi au chagrin d'une nuit suffisamment triste par les souvenirs qu'elle évoquait. Ce ne fut qu'en juin 1957, qu'il put télégraphier au monde baha'i: "Avec sentiments joie profonde exultation remerciements annonce lendemain soixante cinquième anniversaire ascension Baha'u'llah victoire signalée, faisant date remportée sur bande ignoble briseurs son Covenant qui au cours plus six décennies s'était retranchée enceinte plus Saint Mausolée monde baha'i."

Depuis l'époque où, en janvier 1923, il avait écrit au fils aîné de la fille de Baha'u'llah lui demandant de déclarer catégoriquement que quelques soient les droits des Aghsans, le Mausolée de Bahji, de par sa nature même, appartenait au Mouvement baha'i; jusqu'à la fin de sa vie, Shoghi Effendi ne cessa de lutter afin de mettre sur des bases solides la position légale de ce lieu sacré. En dépit de l'opposition de cette bande corrompue de la parenté qui résista a tous ses efforts pendant plus de quarante ans, grâce a l'intervention mystérieuse de la Providence, après la Guerre de l'Indépendance et l'exode massif des Arabes comprenant de nombreux ennemis de la foi, Shoghi Effendi sortit finalement victorieux de cette longue lutte. En 1952, le Gardien acquit quelque 145000 m2 de terrains entourant le tombeau et le manoir de Baha'u'llah. En 1931; il avait déjà essayé d'obtenir du gouvernement la réquisition d'une partie de ces terrains qui avait appartenu, originellement, au manoir et qui avait été usurpée par les ennemis musulmans de la foi et par les partisans de Muhammad 'Ali. Le. gouvernement de l'époque avait refusé d'intervenir et le prix demandé était dix fois plus que la valeur réelle du terrain.

Le Gardien attendit donc plus de vingt ans jusqu'à ce que le sort de la guerre rendit ce terrain a son propriétaire légitime. Durant les dernières années de sa vie, Shoghi Effendi acquit la Maison des Pèlerins, a 'Akka, (qui avait été sous le contrôle d'Abdu'l-Baha après l'ascension de Baha'u'llah) et un bâtiment, appelé la Maison de thé du Maître, où il recevait les croyants dont le premier groupe de pèlerins venant de l'Ouest. En 1952, le gouvernement d'Israël, arguant que c'était une affaire religieuse, dessaisit la cour civile de Haïfa du cas porté devant elle par les briseurs du Covenant concernant la démolition d'une maison a Bahji. Cela permit au Gardien de triompher une nouvelle fois dans sa lutte contre les ennemis retranchés d'Abdu'l-Baha qui avaient gardé une base près du mausolée sacré de Baha'u'llah. En 1957, avec la coopération des autorités gouvernementales, il obtint un ordre d'expropriation des maisons de ceux qu'il appelait "les misérables restes" des briseurs du Covenant, ordre motivé par la proximité de ces maisons d'un lieu sacré de pèlerinage. Cette expropriation permettait enfin ce qu'il appelait la purification de Haram-i-Aqdas de cette souillure spirituelle. Ils protestèrent vivement contre cet ordre qui impliquait leur éviction définitive de Bahji. Ils portèrent l'affaire devant la Cour Suprême d'Israël et perdirent leur procès. Ils furent donc obligés de partir une fois pour toutes.

Le Gardien désirait superviser la démolition de ces maisons limitrophes du manoir et contiguës au mausolée; mais il ne retourna jamais en Terre Sainte. Lorsque, quelques mois après son ascension, ces maisons furent détruites on vit que le grand jardin qu'il avait fait devant elles était si exactement mesuré et projeté qu'on pouvait le continuer, je suis tentée de dire le dérouler comme un tapis, sur leur emplacement et venir jusqu'au mur même du manoir.

Se souvenant toujours des volontés et instructions du Maître qu'il considérait comme le plus précieux dépôt de son Gardiennat, et désirant les suivre a la lettre, dans la mesure du possible, la seconde préoccupation importante de Shoghi Effendi au Centre mondial était le Mausolée du Bab. Le travail concernant ce second tombeau sacré de la foi baha'ie, avait deux aspects: l'achèvement de la construction elle-même, et la protection et la préservation de son environnement.

Le premier impliquait la construction des trois pièces supplémentaires et d'une superstructure, qui est indubitablement un des plus beaux édifices du bord de la Méditerranée; quant au second aspect, il consistait en l'achat graduel, durant un tiers de siècle, d'une grande ceinture protectrice de terrains entourant le mausolée et allant du sommet au pied du Mont Carmel. Ce domaine de plus de cinquante arpents (20 Hectares) est mieux visible la nuit car il dessine un immense "V" non éclairé au coeur de la ville. En son centre apparaît, épinglé comme une broche en or, le Mausolée du Bab baignant dans la lumière, reposant majestueusement sur le flanc de la montagne et se détachant du noir de velours de ses jardins. Pendant trente-six ans Shoghi Effendi se dévoua au développement de ce lieu sacré sur la montagne de Dieu. Son oeuvre, en ce domaine, fut si impressionnant, unique et d'une telle grandeur qu'il me semble que quelque chose de l'essence du Gardien est incorporé a ses pierres et a cette terre.

Il fallut plus de cent ans a Baha'u'llah, 'Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi pour s'acquitter du dépôt sacré des restes du Bab. Ce dépôt commença le jour de son martyre, en 1850, et dura jusqu'à l'achèvement complet du mausolée, en 1953. Depuis l'instant où il apprit l'exécution du Bab jusqu'à son ascension, en 1892, Baha'u'llah veilla sur ces cendres sacrées, supervisant ses déplacements d'une cachette a l'autre. Lors d'une visite au Mont Carmel, il désigna du doigt a 'Abdu'l-Baha le lieu où le corps du Bab devait reposer pour toujours et lui ordonna d'acheter ce morceau de terrain et de faire venir a 'Akka les restes cachés en Iran. 'Abdu'l-Baha, encore prisonnier, réussit a faire venir, en caravane et en bateau, une petite caisse en bois contenant les restes du Bab et de son compagnon martyr. Lorsque le premier groupe de pèlerins occidentaux lui rendit visite, pendant l'hiver 1898-99, ce précieux cercueil était déjà caché dans la maison d'Abdu'l-Baha et sa présence était gardée soigneusement secrète.

Un jour, en 1915, alors qu'il se tenait sur les marches de sa maison et regardait le tombeau du Bab, 'Abdu'l-Baha fit remarquer a un de ses compagnons: "Le Mausolée sublime n'a pas été bâti. Dix, vingt mille pounds sont nécessaires. Ce sera fait si Dieu le veut. Nous avons poursuivi sa construction jusqu'à ce stade". A un pèlerin, il avait dit: "Le Mausolée du Bab sera bâti dans un style des plus majestueux et des plus beaux." Il ordonna même a un Turc de Haïfa de faire un croquis de ce que sera le tombeau une fois terminé. Mais, malgré l'idée claire qu'il avait de la nature du mausolée qu'il voulait tant construire pour le Précurseur de la foi, la tâche finale incomba a Shoghi Effendi.

En 1928, le Gardien avait déjà commencé les travaux d'excavation dans la roche dure de la montagne, derrière le bâtiment existant afin de dégager la place nécessaire aux trois pièces massives, voûtées et hautes de plafond, supplémentaires du rez-de-chaussée. Le 14 février 1929, il câblait a un des Afnans: "Travaux de Maqam commencés" (Maqam est le terme persan employé pour désigner le mausolée du Bab), et en décembre de la même année, il informait un ami: "La construction des trois pièces supplémentaires contiguës au tombeau sur le Mont Carmel sera bientôt terminée et le projet du Maître d'avoir neuf chambres au rez-de-chaussée du mausolée du Bab sera réalisé." Il est intéressant de noter que l'achèvement de la structure originelle d'Abdu'l-Baha, une entreprise importante en elle-même, et la restauration coûteuse et exacte du manoir de Baha'u'llah furent commencés la même année et durèrent a peu près le même temps.

Shoghi Effendi suivait en tout, les travaux, ce qu'il savait être le désir du Maître. En 1907, 'Abdu'l-Baha n'avait pu terminer que six des neuf pièces qui devaient former un carré au centre duquel reposerait le corps du Bab et déjà, durant cette année, les réunions se tenaient dans cette pièce face a la mer. En 1909, il avait inhumé, de ses propres mains, les restes du héraut-martyr de la foi. L'année suivante, il entreprit ses voyages en Occident, puis survint la Guerre et il décéda peu après. Il avait cependant exprimé sa conception sur la structure finale du mausolée: il devait avoir une arcade entourant les neuf pièces originelles qu'il avait projetées, et serait surmonté d'un dôme. Shoghi Effendi n'abandonna jamais ce projet du Maître, mais sa réalisation restait indéfinie. Quand et comment trouverait-il l'architecte capable de faire les plans d'un tel mausolée et l'argent nécessaire a sa construction?

La réponse a ces questions vint d'une façon mystérieuse. En 1940, ma mère mourut a Buenos-Ayres. Comme j'étais leur unique enfant, mon père restait tout a fait seul. Shoghi Effendi me dit un jour, avec son incomparable gentillesse, que la place de mon père était désormais auprès de nous. Il invita donc mon père a se joindre a nous. Pendant des années, tous les travaux de constructions que Shoghi Effendi avait entrepris sur les propriétés baha'ies avaient été faits avec l'aide occasionnelle d'architecte ou d'ingénieur locaux.

En plus des trois pièces qu'il avait ajoutées au tombeau du Bab, de l'érection de grands monuments dignes sur les tombes de la famille immédiate d'Abdu'l-Baha, de la restauration du manoir, Shoghi Effendi avait construit une élégante entrée au tombeau de la plus Sainte Feuille, avait démoli la maison de Dumit quand il put l'acheter et avait utilisé ses portes, encadrements de fenêtres et pierres, pour construire une annexe a la Maison des Pèlerins orientaux. Il avait aussi construit un pont sur une rue qui traversait les terrasses devant le mausolée. En 1937, mon père avait fait les plans de quelques pièces supplémentaires pour augmenter celles occupées par le Gardien sur le toit de la demeure d'Abdu'l-Baha. A l'exception de ces travaux qui avaient exigé l'aide d'un professionnel,

Shoghi Effendi faisait invariablement tout lui-même, mesurant les dimensions des marches et les entrées mineures qu'il plaça dans les jardins. Je n'avais jamais eu d'expériences personnelles en ces choses et je me rappelle quand il voulut construire une rampe d'escaliers plus prétentieuse, flanquée de deux jetées, menant au mausolée du Bab, au fond d'un nouveau sentier, nous travaillâmes pendant des heures sur les dimensions et je lui fis, finalement, un modèle a l'échelle sur papier que nous regardâmes avec inquiétude! Cependant, le résultat ne fut pas seulement intéressant mais aussi satisfaisant. Le fait est que le Gardien n'était pas un professionnel, mais ne voulait pas non plus dépenser inutilement en engageant un architecte, pour une petite chose qui lui posait un problème et qui prenait de son temps. Un jour qu'il revenait des jardins du mausolée, il me demanda ce que je pensais de telle ou telle dimension pour la rampe d'escalier.

Je lui demandai alors pourquoi, quand il avait un des meilleurs architectes du Canada vivant de l'autre côté de la rue, dans la Maison des Pèlerins occidentaux, pourquoi ne demanderait-il pas a Papa de travailler pour lui? je me rappelle, il me regarda avec surprise et me demanda s'il pouvait le faire. Je lui assurai que pour mon père c'était un jeu d'enfant que de faire des plans d'une telle chose et qu'il le ferait tout de suite. Ce n'était pas que Shoghi Effendi n'avait pas confiance en lui comme architecte, il lui avait envoyé a Montréal les photos d'une porte en fer forgé qu'il avait commandée pour la dernière terrasse du mausolée et lui avait demandé d'incorporer cette porte dans un plan d'ensemble et, en fait, il avait beaucoup aimé le projet de mon père; mais il ne put avoir l'agrément de la ville concernant la conjonction de cette terrasse avec la propriété municipale et ce projet ne fut pas réalisé.

C'était simplement parce qu'il ne lui était jamais venu a l'idée, après tant d'années de luttes sur ces problèmes, qu'il avait maintenant quelqu'un qui pouvait faire ces choses pour lui; cela marqua le commencement d'une belle coopération. Je n'ai jamais connu deux personnes qui aient un sens des proportions aussi parfait que Shoghi Effendi et mon père, et des deux le Gardien était le plus fin.

En revoyant la vie du Gardien, il me semble que mise a part la grande envergure de la foi dont les victoires lui étaient si chères, Martha Root d'une certaine façon et Sutherland Maxwell d'une autre lui apportèrent plus de satisfaction personnelle que tout autre croyant. Ils se ressemblaient beaucoup par certain côtés: c'étaient des âmes saintes et modestes qui adoraient Shoghi Effendi et qui lui donnaient avec joie ce qu'ils avaient de mieux comme service et loyauté. Bien que les services de Martha aient été et de loin, plus importants pour la cause, néanmoins le talent de Sutherland fut l'instrument par lequel Shoghi Effendi put exprimer finalement avec facilité le grand côté créateur et artistique de sa nature et cela lui donna beaucoup de bonheur et de satisfaction. Jusqu'à la fin de sa vie, mon père fit des plans pour les escaliers, les murs, les piliers, les lumières et les différentes entrées des jardins du Mont Carmel. Tout en étant architecte expérimenté, il dessinait et peignait très bien et pouvait modeler et sculpter tout ce qu'il avait en main. Je me rappelle une nuit où je portai a Shoghi Effendi le plan qu'il avait demandé pour l'entrée principale de la propriété du mausolée comprenant la porte en fer forgé déjà exécutée pour la terrasse susmentionnée. Il était assis et je lui tendis le dessin colorié. Il le regarda fixement, en silence, et dit: "Ce n'est pas juste." J'étais complètement abasourdie et lui demandai ce qu'il voulait dire. "Comment" dit-il "peut-on résister a quelque chose d'aussi beau?" Il construisit l'entrée et fit encadrer le dessin et le suspendit au mur a côté de son lit.

Ayant testé mon père sur des petits projets et l'ayant jugé parfait, il lui dit soudain, je crois que c'était vers la fin de 1942, qu'il désirait qu'il lui fasse un plan pour la superstructure du mausolée du Bab. Le bâtisseur avait enfin trouvé le moyen de réaliser le projet d'Abdu'l-Baha.

En revoyant les mois qui suivirent, je m'émerveille que Shoghi Effendi, complètement absorbé par son oeuvre Dieu Passe près de nous, ouvrage qu'il était si pressé de terminer avant le centenaire de la foi, ait pu prêter quelque attention a cet autre important projet.

Au commencement, Shoghi Effendi avait donné a Sutherland quelques indications: le mausolée devait avoir une arcade et un dôme, son style ne devait être ni purement occidental, ni purement oriental, il ne devait ressembler ni a une mosquée ni a une église. Et, il le laissa libre de concevoir son propre plan. Le premier dessin qu'il fit montrait une arcade avec une section en claire-voie surmontée d'un dôme de type pyramidal que Shoghi Effendi n'aima pas. Il discuta avec Sutherland au sujet du dôme et lui dit qu'il aimerait que cela ressemble a celui de St-Pierre de Rome qu'il considérait comme le plus beau dôme du monde. Dieu avait fourni a Shoghi Effendi un architecte. Il avait aussi dans sa bonté infinie, accordé a l'architecte non seulement une bénédiction spirituelle incalculable, mais également une occasion rare, dans la vie professionnelle d'un homme, la chance de concrétiser le fruit mûr de son talent et d'une longue vie d'expériences dans une expression digne de son génie.

Le second projet de mon père, quoique satisfaisant dans ses proportions, fut considéré comme trop européen et mon père, heureux de cette suggestion revint au style du dôme qu'il avait employé dans son projet du temple baha'i d'Amérique, quand il avait participé au concours de cette construction, et qui montrait une influence indienne marquée dans quelques uns de ses détails. Ce plan plut au Gardien, a l'exception de la partie supérieure de la claire-voie qui devait avoir quelque hauteur au niveau des huit angles. Pendant des semaines et des semaines, Sutherland lui soumit croquis sur croquis, finalement les hauts minarets originaux actuels furent approuvés le 25 décembre 1943. Ses suggestions concernant les quatre angles de l'arcade qui devaient être mis plus en valeur furent également approuvées et les plans furent modifiés en conséquence. Shoghi Effendi aima beaucoup le projet dans sa forme finale telle qu'elle apparaissait dans l'élévation coloriée dessinée par mon père. Il dit, néanmoins, qu'il désirait une maquette, avant de prendre la décision finale sur un projet d'une telle importance; car de cette façon, il pourrait mieux voir ce que serait l'édifice. Il avait l'intention, si cette maquette recevait son approbation, de la dévoiler a l'occasion du centième anniversaire de la déclaration du Bab, lors des festivités du Centenaire qui devaient avoir lieu a Haïfa.

A cette époque il était extrêmement difficile de trouver quelqu'un capable d'exécuter une telle maquette.

Bien que nominalement quelqu'un était chargé de la faire, néanmoins dans la pratique la plus grande partie du travail incombait a mon père lui-même qui était très pressé pour la terminer a temps. La maquette fut délivrée en mai. Après l'avoir soigneusement étudiée, Shoghi Effendi prit sa décision et la presse fut informée le 22 mai, que le plan pour terminer le mausolée du Bab avait été choisi et que le tombeau serait construit aussitôt que les circonstances le permettraient. Au cours de l'après-midi du 23 mai, lorsque les baha'is hommes et les visiteurs venus des pays voisins furent réunis en présence du Gardien, pour commémorer le centenaire de l'aube de leur foi, Shoghi Effendi fit apporter la maquette et la plaça sur une table pour que tout le monde la vit. Deux jours plus tard il télégraphiait a l'Amérique: "... Annoncez amis joyeuse bonne nouvelle centième anniversaire Déclaration Mission Héraut Martyr Foi marqué par décision historique compléter structure son sépulcre érigé par 'Abdu'l-Baha site choisi par Baha'u'llah. Maquette dôme récemment dessiné dévoilée présence croyants assemblés. Prie disparition prochaine obstacles consommation plan prodigieux conçu par Fondateur et espérance chérie Centre son Covenant".

Quand cette annonce fut faite, le monde approchait de la fin de la plus terrible guerre de l'histoire. Les baha'is de l'Hémisphère occidental s'efforçaient de remporter les buts de leur premier Plan de Sept Ans. Les croyants étaient affectés par les restrictions économiques qui sévissaient dans de nombreux pays. C'est, sans doute, pour cette raison et parce que le Gardien ne fit aucun effort pour ouvrir un fonds du mausolée, que ce projet vit le jour furtivement et presque sans bruit et qu'on n'en entendit plus parler jusqu'au 11 avril 1946, où Shoghi Effendi ordonna a M. Maxwell de prendre ses dispositions afin de construire le premier étage du Mausolée et écrivit lui-même, un peu plus tard, la lettre suivante aux autorités municipales:

"Haïfa 7 decembre 1947
La commission de la construction locale et de la Planification de la Ville de Haifa.
Au Président

Cher Monsieur, Concernant les plans et la demande du permis de construire ci-joints, j'aimerais ajouter un mot d'explication.

La tombe du Bab et d'Abdu'l-Baha, très bien connue par le peuple de Haifa comme 'Abbas Effendi, existe déjà sur le Mont Carmel sous une forme inachevée. Dans son état actuel, en dépit des grands jardin qui l'entourent, c'est une construction modeste et ressemble, en apparence a une forteresse.

J'ai maintenant l'intention d'achever cette construction en préservant la structure originelle tout en l'embellissant par un monument de grande beauté, ajoutant ainsi a l'amélioration générale de l'apparence des pentes du Mont Carmel.

L'objectif de cet édifice, lorsqu'il sera terminé, reste ce qu'il est a présent. En d'autres termes il servira comme un mausolée contenant les restes du Bab.

Comme vous le verrez sur les plans ci-joints, la structure complète comprendra au premier étage ou rez-de-chaussée une arcade de vingt quatre colonnes en marbre ou autre monolithe surmontée d'une balustrade ornementale. C'est cette partie de la construction dont nous désirons commencer les travaux ' en premier, laissant la section intermédiaire et le dôme qui surmontera l'édifice quand il sera terminé, a plus tard et si possible a une date prochaine après l'achèvement de l'arcade du rez-de-chaussée.

L'architecte de cet édifice monumental est M.W.S. Maxwell, F.R.I.B.A.; F.R.A.I.C.; R.C.A., l'architecte canadien bien connu dont la firme a construit le grand hôtel "Château Frontenac" a Québec, la "House of Parliament" a Régina, la "Art Gallery", la "Church of Messiah" et divers bâtiments bancaires etc, a Montréal. Je pense que la beauté de son plan pour achever le tombeau du Bab ajoutera grandement a l'aspect de notre ville et sera une attraction supplémentaire pour les visiteurs.

Sincèrement vôtre,
Shoghi Rabbani
"

J'ai cité cette lettre in extenso car elle démontre la manière magistrale, pleine de tact mais claire, avec laquelle Shoghi Effendi agissait avec les autorités et qui lui assura l'indispensable permis de construire. Le 15 décembre, Shoghi Effendi télégraphiait a l'Amérique: "Heureux annoncer achèvement des Plans et spécifications pour érection arcade entourant le sépulture du Bab constituant première étape du processus destiné a culminer par construction dôme anticipé par 'Abdu'l-Baha et marquant consommation entreprise commencée par lui il y a cinquante ans selon instructions données a lui par Baha'u'llah."

Les premiers pas historiques avaient été faits. Mais les obstacles parsemés sur la route de la réalisation de ce grand projet s'élevaient a des hauteurs paraissant infranchissables. Le Mandat britannique touchait a sa fin. La Palestine était secouée par une lutte civile et engloutie bientôt dans une guerre locale. Les recherches montrèrent que les carrières pouvant fournir les pierres convenables pour le tombeau étaient situées près de la frontière libanaise et que les propriétaires n'avaient aucune idée sur la date a laquelle ils pourraient commencer a livrer.

En outre l'énorme matériel taillé pour la construction exigeait de nombreux travailleurs qualifiés pratiquement introuvables dans le pays. En conséquence, Shoghi Effendi vint a prendre une autre décision, typique de son esprit pratique et audacieux: il verrait si une partie de ce travail pouvait être faite en Italie.

Il est impossible d'entrer dans le détail du récit fascinant de la construction du mausolée. Une lettre du 6 avril 1948 que j'écrivis de la part du Gardien au Dr. Ugo Giachery montre clairement la situation de cette époque: " ... M. Maxwell... a cause de nombreuses difficultés... n'a pu placer aucun contrat pour un travail effectif a faire ici, en Palestine. Toutefois, il a été en contact avec une firme italienne de Carrare en vue de conclure des contrats pour les colonnes en granit qui entoureront l'édifice du premier étage. Il part maintenant pour l'Italie, premièrement pour conclure ces contrats et, si l'on peut trouver des pierres convenables égalant les pierres dont on se sert ici, de conclure également des contrats pour les plus importantes de ces pierres et certaines pièces sculptées d'ornementation... M. Benjamin Weeden... accompagnera M. Maxwell afin de veiller sur lui et de faciliter l'expédition du travail la-bas... Comme la situation de ce pays est extrêmement troublée et le futur immédiat paraît des plus incertains, le Gardien désire que les contrats soient conclus en Italie le plus rapidement possible et que M. Maxwell et M. Weeden soient de retour ici, avant qu'ils ne soient coupés de nous temporairement.
En conséquence, il apprécierait beaucoup si vous consacriez tout le temps qui vous est possible, a les aider, a leur servir d'interprète et a veiller a ce qu'ils soient en contact avec des sociétés italiennes sérieuses travaillant honnêtement... Malheureusement, toutes les communications étant rompues avec Jérusalem, M. Weeden n'a pu contacter le Consul italien et obtenir un visa. Il devra aller avec le même vol a Genève (a moins que vous, ou lui, ne puissiez obtenir un visa a Rome) ... et revenir joindre M. Maxwell... M. Maxwell ayant maintenant 74 ans, quoique en très bonne santé, nous espérons que vous prendrez grand soin de lui... La situation ici est si aiguë, qu'il est extrêmement important qu'ils terminent leurs affaires et reviennent en Palestine...

Le 15 du même mois, j'écrivais a Horace Holley, secrétaire de l'Assemblée Nationale américaine, de la part du Gardien, l'informant en détail de ce voyage en Italie et du fait que les fonds du Gardien étaient bloqués en Palestine a cause d'un contrôle strict des changes.

"En conséquence, il envisage de lancer un emprunt aux amis, ceux dont la situation financière le leur permet, afin de conclure ces contrats... Il désire qu'il soit considéré lui-même comme le garant en cette matière et il remboursera cet emprunt le plus tôt possible. Il désire qu'il n'y ait point de malentendu a ce sujet. Il finance ces travaux du fonds international de la Cause et considérera seulement un arrangement par lequel il remboursera cette dette temporaire... Comme la situation, ici, est très incertaine, et a tout moment, le courrier et même le télégramme peuvent être suspendus temporairement, il se hâte de vous donner ces informations... Si des arrangements convenables peuvent être trouvés et des contrats signés, M. Giachery agira en tant que son représentant en cette matière. Il recevra les sommes que vous lui enverrez des Etats-Unis, surveillera les travaux en Italie et assumera généralement les responsabilités la-bas, si nous sommes tous coupés les uns des autres... Il a insisté pour que M. Maxwell et M. Weeden soient de retour en Palestine dans trois semaines, si possible, car il craint que nous soyons entièrement coupés d'eux... Il est magnifique de penser que le travail effectif du tombeau est maintenant avancé et de voir que les opérations de constructions vont, probablement commencer bientôt. Mais d'énormes obstacles doivent être surmontés et, il en est certain, ils seront surmontés."

Par un tel orage, une autre étape de l'histoire incroyablement troublée des restes du Bab et de la construction de sa tombe fut franchie. Ce n'était pas rassurant de voir, le lendemain, 16 avril, mon père et M. Weeden partir dans un taxi entièrement couvert de tôle de blindage, une fente de la largeur d'un demi pouce constituant la visibilité du chauffeur. Nous n'avions aucune idée sur leur sort, jusqu'à la réception de leur télégramme d'Italie. A mi-chemin, sur la route de l'aéroport, ils avaient été obligés de descendre du taxi, de marcher sur une centaine de mètres en portant leurs lourdes valises et prendre un autre taxi. Une épreuve tout a fait inutile mais typique de ce que les gens du pays devaient subir a cette époque. Ils prirent l'un des derniers avions a partir de Lydda Airport avant que celui-ci ne soit attaqué et pris et que tous les vols ne soient suspendus pour un temps. Pendant leur absence, la guerre de l'Indépendance avait commencé et le pays traversait les jours difficiles d'une trêve armée.

En 1948, Shoghi Effendi entreprit, pour la deuxième fois en vingt ans, l'excavation des roches de la montagne, derrière le tombeau afin d'élargir suffisamment le domaine pour la construction de l'arcade.

C'était un travail énorme. Il fallait enlever de grandes quantités de pierres sur des centaines de mètres carrés. L'ingéniosité de Shoghi Effendi éclata continuellement avec l'avancement de ces travaux: il avait acheté, en seconde main, des rails et un fourgon et les avaient placés en bas du sentier, parallèle au tombeau et devant celui-ci. La matière enlevée était dirigée vers le bas par une glissière en bois, portée en fourgon, vers l'extrémité orientale de la terrasse et jetée la pour étendre la surface de la terrasse elle-même. Tôt le matin jusqu'à tard dans la soirée, restant souvent plus de huit heures sur pieds, jour après jour et mois après mois, il dirigea ce travail. Ce n'était pas nécessairement a lui de le faire, mais il était décidé non seulement a s'assurer de la rapidité du travail, mais encore a ce qu'il soit fait de façon économique. Il n'y avait personne d'autre, ayant la puissance de volonté et la résistance physique nécessaires pour prendre sa place. C'est par des moyens tels que ceux-ci, avec une détermination infatigable et une persévérance inlassable, que Shoghi Effendi fit des Lieux Saints du Centre mondial, ce que nous voyons aujourd'hui.

J'ai noté dans mon journal daté du 24 février 1949 ce qui suit: "Dimanche M.- (l'entrepreneur) commence les fondations des angles sud-est et de l'ouest. Une semaine après la mise en place des pierres du seuil. Ainsi, le travail va enfin réellement commencer." Les longs mois de peine de Shoghi Effendi touchaient a leur fin et l'édifice pouvait maintenant s'élever! Avec acharnement, Shoghi Effendi construisit le mausolée qui, disait il, était "la consommation du dessein irrésistible de Baha'u'llah d'ériger un mémorial convenable et permanent a son Héraut Divin et au Co-Fondateur de sa Foi". Non seulement il le construisit, mais encore il dramatisa cette construction a un tel point que cela devint une expérience vivante pour tous les baha'is. Un projet auquel leur coeur, comme le coeur du Gardien, étaient attachés. Il rendit enthousiasmant les travaux ordinaires de la construction d'un édifice. Lorsqu'il annonçait l'arrivée d'une cargaison de pierres d'Italie et donnait le nombre de tonnes reçues; lorsqu'il annonçait l'érection d'une nouvelle partie, ou nous informait que le dôme avait une surface de deux cent cinquante mètres carrés; lorsqu'il décrivait la beauté de quelques détails, son verbe magique et l'enthousiasme qu'il révélait nous submergeaient d'une marée de joie et nous sortaient de nous mêmes. Il nous faisait sentir que nous partagions avec lui quelque chose de grand et d'enthousiasmant.

Ce qui était normalement un fait morne dans un monde morose rapporté a des gens ternes, embrasait notre imagination et nous faisait nous identifier profondément a notre foi. Peu de gens s'étonnent que les croyants, préoccupés par leurs affaires nationales dans le monde de l'après-guerre, se soient ralliés autour de lui et l'aient aidé a achever, en cinq ans, une "entreprise vraiment universelle" d'un montant de trois quarts de millions de dollars.

Initialement, Shoghi Effendi avait envisagé la possibilité de n'ériger que l'arcade du mausolée et de laisser la superstructure proprement dite a une date ultérieure. Mais la réponse remarquable des baha'is de partout dans le monde se ralliant a supporter financièrement l'édifice sacré, l'aggravation générale de la situation internationale, les tendances économiques allant vers une augmentation des prix, et le fait que les mêmes travailleurs hautement qualifiés et habiles qui avaient exécuté les travaux de l'arcade avec perfection, étaient encore disponibles pour la société italienne qui avait passé les contrats de la taille des pierres, le décidèrent de continuer sans interruption la construction.

Une telle entreprise s'étendant sur plusieurs années était accaparante et fertile en peines et difficultés. Dans les négociations avec l'ingénieur qui supervisait les travaux et avec l'entrepreneur, je représentais le Gardien. Souvent, elles étaient excessivement difficiles, car personne ne pouvait abuser ou tromper Shoghi Effendi. Chaque fois que le prix estimé était trop élevé, il refusait tout net et même a une occasion, il affirma qu'il arrêterait les travaux indéfiniment. Il n'avait pas l'intention de payer un prix qu'il trouvait exorbitant. Il fraya son chemin a travers tous les obstacles et je trouvais souvent, a ma grande surprise, que j'étais son épée! Non seulement toutes les pierres taillées furent importées d'Italie mais aussi, pendant un certain temps, le ciment et l'acier devaient venir de la bas a cause de la grande pénurie locale. C'était une nouvelle source de complications et d'inquiétudes.

En plus des problèmes de cette nature, il y eut un autre qui préoccupa Shoghi Effendi longtemps et entraîna même un retard dans la construction de la superstructure a proprement parler du mausolée. Il faut se rappeler que l'arcade entoure simplement le bâtiment originel et n'est pas construite sur elle.

(Photo)

Afin de construire le reste du mausolée, huit piliers en béton armé devaient être coulés dans huit murs intérieurs et atteindre la roche du fond. C'était la source d'un grand souci pour le Gardien: les dimensions exactes du caveau où les restes d'Abdu'l-Baha sont inhumés ne sont pas connues et il y avait un danger réel qu'en descendant on viole la tombe elle-même.

J'ai plus appris sur la révérence, la dignité et la sainteté par l'attitude du Gardien a cette occasion que durant toute ma vie. Shoghi Effendi disait que si on devait violer le caveau, le corps du Maître devait être enlevé. Pour moi cela paraissait simple: il l'aurait transféré temporairement ailleurs. Comme il parlait alors merveilleusement! J'aimerais me rappeler ses paroles exactes. Il disait que les restes du Maître ne pouvaient être traités avec un tel sans gêne. Ils doivent être convenablement exhumés, en grande cérémonie, et déposés avec dignité dans un autre lieu et être inhumés a nouveau avec un égal respect après. Où trouvera-t-il, se demandait Shoghi Effendi, les personnes qui seraient présentes a une occasion si solennelle et sacrée, avec une communauté locale tiède comprenant principalement des serviteurs, et toutes les frontières vers les pays voisins fermées. Et par dessus tout, où trouvera-t-il un lieu convenable pour garder les restes sacrés d'Abdu'l-Baha temporairement en attendant l'achèvement des travaux a l'intérieur du mausolée? Sa voix même exhalait le respect. J'appris beaucoup de chose au sujet de la religion après cet événement. Finalement, après de multiples sondages des murs et des planchers faits par mon père et par l'ingénieur, après avoir écouté plusieurs baha'is anciens raconter leurs souvenirs sur l'endroit où se trouvait le caveau, il apparut très invraisemblable qu'un pilier, coulé aussi près que possible des murs puisse violer la tombe effective et le travail put commencer.

En mars 1952, Sutherland Maxwell mourut après deux ans de maladie. Sa mort ne pouvait plus empêcher l'achèvement des plans qu'il avait conçus pour le mausolée, mais elle priva la section du dôme du bénéfice des plans a grande échelle faits par lui jusqu'ici et de cette touche d'ultra-perfection que produisait son traitement détaillé du travail. En reconnaissance des services que lui et le Dr. Giachery avaient rendu au mausolée du Bab Shoghi Effendi donna leur nom aux deux portes encore sans appellation du bâtiment originel d'Abdu'l-Baha et a une date ultérieure il donna a la porte donnant sur l'octogone le nom de M. Ioas qui supervisa la construction du cylindre intermédiaire et du dôme.

Lorsque le mausolée qu'il avait construit avec tant d'amour et de soucis fut terminé, Shoghi Effendi voyant en lui une qualité essentiellement féminine de beauté et de pureté, l'appela "La Reine du Carmel". Il l'a décrite comme "intronisée sur la Sainte Montagne de Dieu, couronnée d'or brillant, habillée de blanc et ceinte d'émeraude verte, une vue qui enchante les yeux, qu'elle soit regardée du ciel, de la mer, de la plaine ou de la colline". Des nombreux passages où Shoghi Effendi exalte et explique la signification profonde et spirituelle de ce lieu, nul n'est plus frappant ni plus puissant que celui où il visualise les restes du Héraut Martyr de la foi comme le centre d'un tourbillon spirituel.

Le Bab que Baha'u'llah a décrit comme "Le Point autour duquel gravitent les réalités des prophètes et des messagers", dans le royaume de l'esprit, est, a dit Shoghi Effendi, dans les cendres sacrées de sa forme physique laissées sur terre, le centre et le coeur de neuf cercles concentriques: le cercle le plus extérieur est la planète elle-même, a l'intérieur de laquelle s'étend la Terre-Sainte, décrite par 'Abdu'l-Baha comme "le Nid des Prophètes" a l'intérieur de ce nid, se trouve la Montagne de Dieu, le Vignoble du Seigneur, la Retraite d'Elie dont le Bab symbolise le retour; contenus sur cette montagne, ce sont les enceintes sacrées et les terrains des dotations internationales de la foi; ce sont leurs jardins et leurs terrasses qui constituent la cour la plus Sainte; a l'intérieur de cette cour, debout dans toute sa splendeur exquise, est le mausolée du Bab, la Coquille; a l'intérieur de cette coquille est la perle de grand prix, le Saint des Saints, la tombe originelle construite par le Maître lui-même; et préservée a l'intérieur de ce Saint des Saints le Caveau ou le Tabernacle, la pièce centrale du mausolée; a l'intérieur de ce caveau est le sarcophage d'albâtre, le cercueil le plus sacré "dans lequel", a écrit Shoghi Effendi, "est déposé cet inestimable joyau, les cendres sacrées du Bab".

Le mausolée, disait encore Shoghi Effendi, est une "institution". On ne saurait trop insister sur le rôle que cette institution devrait jouer dans le "développement du Centre mondial administratif de la foi de Baha'u'llah et dans l'efflorescence de ses plus hautes institutions constituant l'embryon de son futur Ordre mondial". Alors que la superstructure s'élevait dans toute sa majesté, Shoghi Effendi révélait de plus en plus la vraie signification du mausolée.

Il était, écrivit-il, non seulement le premier et le plus sacré édifice établi au Centre mondial de la foi, mais aussi "la première institution internationale annonçant l'établissement du corps législatif suprême du Centre administratif mondial..."

Les cendres de Baha'u'llah, le "Point d'adoration" ou "Qiblih" du fidèle, étaient trop sacrées par leur essence, infiniment trop exaltées par leur rang, pour servir de dynamo spirituelle aux institutions de son ordre mondial. Les cendres du Bab, cependant, (le Bab qui a décrit son propre rang par rapport a Baha'u'llah comme celui d'une "bague dans la main de Celui que Dieu rendra manifeste", qui "la tourne comme il lui plaît, pour ce qu'il lui plaît") ont été désignées par Baha'u'llah lui-même pour être le centre autour duquel ses institutions administratives seront rassemblées et sous l'ombre duquel elles fonctionneront. En effet, il a choisi le site du Mont Carmel, où les restes du Bab devaient reposer et il a ordonné a 'Abdu'l-Baha d'acheter ce lieu et de faire venir les restes de l'Iran et de les inhumer a cet endroit. Nous devons nous souvenir que ce fut le Bab qui lança l'appel de clairon du "Nouvel Ordre". Quoi donc de plus approprié et de plus significatif que le choix de ses restes dans ce but? Shoghi Effendi expliquait clairement cette distinction quand il se référait a la double nature des nombreux édifices du Centre mondial, aux deux mausolées et aux deux centres administratif et spirituel de la foi.

Il est presque certain qu'en lisant le Testament d'Abdu'l-Baha, la première pensée de Shoghi Effendi fut d'établir rapidement le Corps administratif suprême de la foi baha'ie, la Maison Universelle de Justice. Un de ses premiers actes, en 1922, fut de convoquer a Haïfa des croyants anciens et éminents afin de discuter avec eux sur ce sujet. Il en parlait de façon répétée, dans ses communications et, en fait, dans sa première lettre a l'Iran, écrite en janvier 1922, il s'y réfère et affirme qu'il annoncera aux amis, plus tard, les arrangements préliminaires pour cette élection. Dans son esprit, la question de la fonction et de l'importance de la Maison Universelle de justice ne se posa jamais. En mars 1922, il la décrivait comme "le conseil suprême qui guidera, organisera et unifiera les affaires du Mouvement a travers le monde". En ces premiers jours de son ministère, deux forces travaillaient indubitablement dans le Gardien: la première c'était son impatience juvénile de mener rapidement a bien toutes les instructions de son bien-aimé Maître dont l'établissement de la Maison Universelle de Justice.

La seconde c'était la direction divine et la protection que le Testament lui promettait. Cette dernière force modifia la première. Plus d'une fois Shoghi Effendi essaya d'entreprendre ne serait-ce que les préliminaires nécessaires a l'élection de ce Corps suprême, et plus d'une fois la main de la Providence manipula les événements de telle sorte que toute action prématurée fut impossible. Lors des consultations tenues en 1922, il dut soudain se rendre compte du danger que représentait, a une telle époque, même une étape préliminaire vers la formation de la Maison Universelle de justice, quelque hautement désirable qu'une telle étape puisse être en soi. La ferme fondation administrative exigée pour élire et supporter cette institution manquait, ainsi qu'un réservoir de croyants qualifiés et bien informés pour l'animer.

Ayant trouvé que la porte pour la formation de la Maison Universelle de justice était fermée, Shoghi Effendi essaya d'établir au moins une forme préliminaire qui pourrait procéder a son élection. Lorsqu'il chercha, dans les premières années de son ministère, a attirer a Haïfa des gens pouvant l'aider dans son travail, il avait en vue la formation d'un corps défini au Centre mondial. Cela ressort de ses propres paroles. Le 30 août 1926, il écrivait a un baha'i: "J'étudie sérieusement les voies et les moyens pour la formation d'un secrétariat efficace et compétent a Haïfa... J'y ai beaucoup pensé et j'explore encore, cherchant un associé compétent, de confiance, méthodique et expérimenté qui puisse, sans contrainte et sans malaise se consacrer des mois durant a une tâche aussi importante et responsable. Quand cela sera réalisé, je chéris de plus grands espoirs pour renforcer les liens vitaux qui lient le Centre de Haïfa a toutes les Assemblées du monde Baha'i. Le 7 décembre de la même année, il informait un membre de sa parenté que deux baha'is l'avaient rejoint a Haïfa et que "nous espérons former une sorte de Secrétariat International baha'i..." Toutefois, la vraie signification de ce Secrétariat qu'envisageait Shoghi Effendi, est explicitement affirmée dans une lettre écrite deux semaines plus tard a M. Abramson, le Commissaire du District Nord de la Palestine. Après avoir mentionné leur nom Shoghi Effendi écrivait que ces "deux représentants baha'is... Je leur ai demandé de venir ici afin de considérer avec moi et avec d'autres baha'is venant de l'Est la formation d'un Secrétariat International baha'i comme une étape préliminaire a l'établissement du Conseil International baha'i".

Un pèlerin indien note dans une lettre a un ami, lettre écrite le 15 juin 1929: "Shoghi Effendi dit... tant que les différentes Assemblées Nationales ne sont pas stabilisées, avec des positions bien organisées, il serait impossible d'établir même une Maison de Justice officieuse. Il nous demande de terminer d'abord la constitution de l'Assemblée Nationale dans la même ligne que celle de l'Amérique et de l'enregistrer auprès du Gouvernement indien, si possible comme un corps religieux, sinon comme un corps commercial... Shoghi Effendi a insisté dans ses récentes lettres aux pays orientaux pour que les Assemblées soient reconnues comme des tribunaux religieux par les gouvernements locaux..."

Il est intéressant de noter que dans une lettre a Mme Stannard qui avait la charge du Bureau International baha'i a Genève, un bureau qui devait promouvoir en Europe les affaires de la foi et stimuler ses fonctions internationales et qui était constamment encouragé et dirigé par le Gardien dans son travail, Shoghi Effendi écrivait, en août 1926, qu'il désirait que le bulletin baha'i publié par ce bureau le soit "dans les trois langues dominantes de l'Europe c'est-a-dire l'anglais, le français et l'allemand... J'ai exprimé dans mon télégramme a vous, ma disponibilité de vous apporter une aide régulière et financière afin que la circulaire proposée soit publiée dans les trois langues officielles reconnues de la partie occidentale du monde baha'i... Votre centre en Suisse et le Baha'i Espéranto Magazine publié a Hambourg sont tous deux destinés a épauler certaines des fonctions et des responsabilités qui seront a l'avenir entreprises par l'Assemblée Internationale Baha'ie quand elle sera formée".

De nombreux passages tels que ceux-ci, particulièrement pendant les dix premières années de son ministère, révèlent que Shoghi Effendi anticipe constamment sur la formation d'une sorte de Secrétariat ou de conseil International, en attendant l'élection de la Maison Universelle de justice, dont les fonctions, l'importance et la signification grandissaient dans son esprit. Durant l'été 1929, le Gardien conçut un temps l'idée de convoquer une conférence internationale baha'ie où les amis s'assembleraient, de manière non-officielle, et discuteraient des voies et moyens nécessaires a hâter la formation des Assemblées nationales en Orient ainsi que de l'Administration en général, afin de hâter le jour où la Maison de justice pourrait être élue comme envisagée par 'Abdu'l-Baha.

Mais quelques baha'is anciens avaient une conception différente de ce qui devait se faire a cette conférence: ils désiraient l'élection d'une sorte de corps intérimaire. Ayant appris ce fait, Shoghi Effendi télégraphia immédiatement, le 12 décembre 1929, aux deux personnes engagées dans l'organisation de cette conférence et l'annula péremptoirement. Elle serait, dit il, "une source de confusion, de malentendus et même de controverses". Il recula devant le danger qu'il prévoyait: voir des gens peu mûrs, non encore trempés dans la compréhension de l'Ordre administratif qu'il développait et érigeait, assumer un rang et un pouvoir qu'ils étaient certainement incapables de tenir sainement. Il laissa dans l'ombre pendant plus de vingt ans l'ensemble de cette idée. Il cessa de mentionner la formation de la Maison Universelle de justice, jusqu'à la création du Conseil International Baha'i, composé des membres qu'il nomma lui-même. Pour moi, il n'y a aucun doute, d'après ce qu'il me dit a différentes reprises, qu'il sentit, dans les premières années de son Gardiennat, que quelques croyants éminents désiraient être membres de la Maison Universelle de Justice ou de quelque institution intérimaire. Shoghi Effendi voyait dans ses personnes une dépréciation de ses capacités et de son jugement et une tentative de saisir les rênes de la cause; ces hommes étaient suffisamment âgés pour être son père et, quels qu'aient pu être leur sentiment envers le Testament du Maître, ils regardaient le Gardien comme une jeune homme inexpérimenté.

Shoghi Effendi, dès le commencement, se concentra a multiplier, a renforcer "les différentes Assemblées nationales et locales". Dès 1924, il affirmait qu'elles constituaient "la roche de fond sur la solidité de laquelle, la Maison Universelle devait être solidement établie et érigée dans l'avenir". Plus tard, chaque fois que le Gardien appelait pour la formation de nouvelles institutions nationales, il employait presque invariablement des phrases telles que celle de son télégramme a la quatrième Conférence Européenne d'Enseignement de 1951: "'... Edifice future Maison Universelle de justice dépend pour sa stabilité de solidité soutien piliers érigés communautés diversifiées Est-Ouest, devant tirer puissance supplémentaire par émergence trois Assemblées nationales... attend érection établissement institutions similaires principaux pays européens

Par anticipation sur l'élection de ce corps auguste, Shoghi Effendi fit des déclarations qui, ajoutées aux Paroles de son Fondateur, Baha'u'llah, et aux pouvoirs et prérogatives nets et clairs que lui confère 'Abdu'l-Baha dans son Testament, ne peuvent qu'étayer le pouvoir et faciliter les tâches de cette Maison Universelle pour au moins mille ans. Shoghi Effendi dit que la Maison Universelle de justice sera '"le noyau et le précurseur" du nouvel Ordre mondial; il dit "que la future Maison" était une Maison "que la postérité regardera comme le dernier refuge d'une civilisation chancelante"; qu'elle serait "la dernière partie couronnant la structure embryonnaire de l'Ordre Mondial de Baha'u'llah"; qu'elle était "le corps législatif suprême dans la hiérarchie de la foi" et son "institution élective suprême". Il affirma qu' "aux mandataires de la Maison de Justice", Baha'u'llah "assigne le devoir de légiférer sur les matières non expressément fournies dans ses Ecrits, et promet que Dieu les inspirera de ce qu'il veut"; et il écrivit que "... les pouvoirs et les prérogatives de la Maison Universelle de justice, possédant le droit exclusif de légiférer sur les matières non explicitement révélées dans le livre le plus saint; l'ordonnance dispensant ses membres de toute responsabilité envers ceux qu'ils représentent, et de toute obligation de se conformer a leurs vues, convictions ou sentiments; les clauses spécifiques exigeant l'élection libre et démocratique, par la masse des croyants, du Corps qui constitue le seul organe législatif de la Communauté Universelle baha'ie; ce sont la des traits parmi d'autres qui tendent a distinguer l'Ordre qui s'identifie a la Révélation de Baha'u'llah de tout système existant de gouvernement humain".

Soudain, un jour de novembre 1950, en Suisse, a l'époque où mon père avait, comme l'annonça Shoghi Effendi, "miraculeusement" recouvré la santé après une sérieuse maladie, le Gardien s'assit et, a mon grand étonnement, envoya des câbles invitant a Haïfa le premier groupe de ceux qui devinrent plus tard les membres du Conseil International Baha'i Comme dans toutes les choses qu'il faisait, cela commença a poindre, puis le soleil de son concept finit par se lever a l'horizon. A notre retour en Terre Sainte, lorsque Lotfullah Hakim (le premier arrivé), Jessie et Ethel Revell, suivis de Amélia Collins et Mason Remey étaient tous réunis, un jour, a la table de la Maison des Pèlerins occidentaux, avec Gladys Weeden et son mari Ben qui y vivaient déjà, le Gardien nous annonça son intention de constituer, parmi ce groupe, un Conseil International, Nous étions tous paralysés par la nature sans précédent de ce pas qu'il franchissait et par la grâce infinie qu'il conférait a ceux présents ainsi qu'au monde baha'i dans son ensemble.

Cependant, il n'annonça cette nouvelle que le 9 janvier 1951 dans un télégramme historique: "Proclame Assemblées Nationales Est-Ouest décision faisant fortement époque formation premier Conseil International Baha'i précurseur institution administrative suprême destinée émerger plénitude temps intérieur enceinte sous ombre Centre spirituel mondial foi déjà établi cités jumelles 'Akka Haïfa."

L'accomplissement des prophéties de Baha'u'llah et d'Abdu'l-Baha par l'établissement d'un Etat juif indépendant après deux mille ans, le développement de cette prodigieuse entreprise historique qu'était la construction de la superstructure du mausolée du Bab, la maturité adéquate des neufs Assemblée,., Nationales fonctionnant vigoureusement, tout était combiné a l'induire a prendre cette décision historique qui était la borne importante jalonnant l'évolution de l'Ordre administratif depuis trente ans. Dans ce télégramme Shoghi Effendi disait que cette nouvelle institution avait trois fonctions: forger les liens avec les autorités de l'Etat nouvellement formé, l'aider dans la construction du mausolée ( seule l'arcade était alors terminée) et mener les négociations avec les autorités civiles concernant le statut personnel. D'autres fonctions seraient ajoutées a celles-ci lorsque cette première "Institution Internationale embryonnaire" évoluera vers une cour de justice baha'ie officiellement reconnue, sera transformée en un corps élu et atteindra son épanouissement final dans la Maison Universelle de Justice; celle-ci, en retour, verra sa fructification dans l'érection des nombreuses institutions auxiliaires constituant le Centre mondial administratif. Ce message, si palpitant par sa portée, éclata dans le monde baha'i comme un coup de tonnerre. Shoghi Effendi, comme un ingénieur habile enclavant ensemble les parties composantes de sa machine, avait maintenant mis en place l'ossature qui finalement supportera la couronne: la Maison Universelle de Justice.

Le 8 mars 1952, quatorze mois plus tard, Shoghi Effendi annonça au monde baha'i dans un long télégramme, l'élargissement du Conseil International Baha'i: "Membres présents comprenant maintenant Amatu'l-Baha Ruhiyyih choisie liaison entre moi et Conseil - Mains Cause Mason Remey, Amelia Collins, Ugo Giachery, Leroy loas, respectivement, Président, Vice-Président, Membre a l'extérieur, Secrétaire Général - Jessie Revell, Ethel Revell, Lotfullah Hakim, trésorière, Assistants Secrétaires occidental et oriental."

Les membres d'origine étaient changés par le départ de Mr et Mme Weeden, pour raison de santé, l'arrivée de M. loas qui avait offert ses services au Gardien, et l'inclusion du Dr. Giachery qui continuait a résider en Italie et a superviser la construction du mausolée, dont chaque pierre était extraite de la carrière, coupée, taillée et sculptée dans ce pays et envoyée par bateau a Haïfa et dont les tuiles dorées du dôme étaient commandées en Hollande. M. Giachery agissait comme l'agent de Shoghi Effendi et commandait et achetait les nombreuses choses nécessaires en Terre Sainte. En mai 1955, le Gardien annonça qu'il avait élevé le nombre des membres du Conseil International Baha'i a neuf par la désignation de Sylvia Ioas. Dans ses fonctions, le Conseil International Baha'i agissait comme ce Secrétariat que, bien des années auparavant, le Gardien désirait former; ses membres recevaient leurs instructions individuellement de Shoghi Effendi, dans l'ambiance non officielle des dîners a la Maison des Pèlerins et non en tant qu'un corps officiel. Les réunions du Conseil étaient rares car tous les membres étaient constamment occupés par les nombreuses tâches que leur allouait le Gardien lui-même, Très habilement, Shoghi Effendi utilisait cette nouvelle institution pour créer dans l'esprit des autorités l'image d'un corps international ayant en mains les affaires administratives du Centre mondial. Le public ne se demandait pas si l'autorité de ce corps était grande ou petite; mais nous qui en faisions partie, nous savions que Shoghi Effendi était tout; cependant le public commença a voir une image qui pouvait évoluer ultérieurement vers la Maison Universelle de Justice.

Entre les deux messages de Shoghi Effendi informant le monde baha'i de la formation et de la composition du Conseil International Baha'i, le Gardien franchissait un nouveau pas dans le développement du Centre mondial de la foi en annonçant officiellement, le 24 décembre 1951 la désignation du premier contingent au nombre de douze, des Mains de la Cause de Dieu, réparties également entre la Terre Sainte et les continents asiatique, américain et européen. Les personnes élevées a ce rang illustre, a cette époque, étaient: Sutherland Maxwell, Mason Remey et Amélia Collins, en Terre Sainte; Valiyu'Ilah Varqa Tarazu'Ilah Samandari et 'Ali-Akbar Furiîtan en Asie; Horace Holley, Dorothy Baker et Leroy loas en Amérique; George Townshend, Herman Grossman et Ugo Giachery, en Europe.

Deux mois plus tard, le 29 février 1952, Shoghi Effendi annonçait aux amis de l'Est et de l'Ouest qu'il avait porté le nombre des Mains de la Cause de Dieu a dix-neuf par la nomination de Fred Schoflocher au Canada, Corinne Truc aux Etats-Unis, Zikrullah Khadem et Shuaullah Alaï en Iran, Adelbert Mühlschlegel en Allemagne, Musa Banani en Afrique et Clara Dunn en Australie. En désignant ces Mains de la Cause, Shoghi Effendi dit que l'heure était venue pour lui de franchir ce nouveau pas selon les clauses du Testament d'Abdu'l-Baha et que cela allait de pair avec les mesures préliminaires de la formation du Conseil International Baha'i destiné a culminer par l'émergence de la Maison Universelle de justice. Il annonça que ce corps auguste des Mains était investi, conformément au Testament d'Abdu'l-Baha, des deux fonctions sacrées de la propagation de la foi et de la préservation de son unité.

Dans son dernier message au monde baha'i, daté d'octobre 1957, Shoghi Effendi annonçait qu'il avait nommé '"un autre contingent de Mains de la Cause de Dieu... Les huit personnes nouvellement élevées a ce rang sont: Enoch Olinga, William Sears et John Robarts en Afrique d'Ouest et du Sud; Hassan Balyuzi et John Ferraby aux Iles Britanniques; Collis Featherstone et Rahmatullah Mahajir, dans les régions du Pacifique et Abul-Qasim Faizi dans la Péninsule arabique, un groupe choisi dans les quatre continents du globe et représentant les Afnan ainsi que les races blanche et noire et dont les membres sont issus des origines chrétienne, musulmane et païenne."

Le Gardien, en 1952, sur une période de deux mois, créa un corps d'un Vahid (dix-neuf ) de Mains de la Cause de Dieu et garda ce nombre jusqu'en 1957 quand il ajouta huit autres Mains portant ainsi leur nombre a trois fois neuf. Chaque fois qu'un des dix-neuf premiers décédait, Shoghi Effendi désignait une autre Main. Deux des Mains ainsi nommées furent élevées a la position occupée par leur père, le "manteau" de mon père tomba ainsi sur mes épaules, en mars 1952, après la mort de Sutherland Maxwell; et Ali Muhammad Varqa fut désigné pour succéder a son père en novembre 1955 et devint aussi le dépositaire de Huqùq a sa place. Après la mort accidentelle de Dorothy Baker, Paul Haney fut fait Main de la Cause le 19 mars 1954 et après le décès de Fred Schopflocher, Jalal Khazeh fut élevé au même rang le 7 décembre 1953; peu après la mort de George Towshend, le Gardien désigna Aghès Alexander le 17 mars 1957.

Ainsi donc le nombre de dix-neuf fut maintenu jusqu'à la désignation du troisième contingent de Mains dans son dernier Message celui de mi-parcours de la Croisade mondiale.

Entre le 9 janvier 1951 et le 8 mars 1952 des transformations remarquables et profondes eurent lieu dans l'Ordre administratif de la foi et a son Centre mondial; des, transformations qui, écrivit Shoghi Effendi, signifiaient a long terme l'érection de "tous les rouages de ses plus hautes institutions", "les organes suprêmes de son Ordre en marche" qui se développaient maintenant, dans "leur forme embryonnaire", autour des mausolées sacrés. Shoghi Effendi avait souligné dans ses écrits que les progrès et le développement de l'Ordre mondial de Baha'u'llah étaient guidés par les puissances spirituelles dégagées par trois puissantes "Chartes". La première nous était donnée par Baha'u'llah lui même dans la Tablette du Carmel; les deux autres étant de la plume du Maître, nommément, son Testament et ses Tablettes du Plan divin. La première opérait "dans une terre", affirma Shoghi Effendi, "qui, géographiquement, spirituellement et administrativement constitue le coeur de la planète entière", "la Terre Sainte, le centre et le pivot autour desquels gravitent les institutions divinement désignées et rapidement croissantes d'une foi avançant sans répit et encerclant le monde", "la Terre Sainte, le Qiblih d'une communauté mondiale, le coeur d'où coulent continuellement les influences énergétiques d'une foi vivifiante, et le siège et le centre autour desquels les activités diversifiées d'un Ordre administratif désigné gravitent". Le moyeu de cette Tablette du Carmel était ces paroles de Baha'u'llah: "Avant longtemps Dieu conduira Son Arche sur toi et manifestera le peuple de Baha, qui a été mentionné dans le Livre des Noms". Le "peuple de Baha" expliqua Shoghi Effendi, signifiait les membres de la Maison Universelle de justice.

Tandis que la Charte du Testament du Maître opérait partout dans le monde par l'érection de ces institutions administratives qu'il avait si clairement définies, et la Charte de ses Tablettes du Plan divin concernait la conquête spirituelle de la planète entière par les enseignements de Baha'u'llah. La Tablette du Carmel jeta littéralement son illumination et ses grâces sur le Mont Carmel, sur Il ce lieu consacré qui," écrivit Shoghi Effendi, Il sous les ombrages et la protection du sépulcre du Bab,... est destiné a évoluer vers le centre local de ces institutions administratives qui secouent le monde, embrassent le monde et dirigent le monde, ordonnées par Baha'u'llah et anticipées par 'Abdu'l-Baha et qui doivent fonctionner en concordance avec les principes qui gouvernent les deux institutions jumelles du Gardiennat et de la Maison Universelle de Justice".

L'importance de la "gloire grandissante" de ces institutions du Centre mondial se reflétaient dans les nombreux messages envoyés par Shoghi Effendi pendant les dernières années de sa vie. Ces messages émurent un homme comme George Townshend a tel point qu'il écrivit au Gardien le 14 janvier 1952, en le remerciant pour la grâce d'être nommé Main de la Cause: "Permettez-moi de vous rendre un humble hommage de la plus grande admiration et gratitude, pour avoir rapproché, presque par votre seul pouvoir, la vision de la victoire de Dieu que vous avez propagée devant un monde baha'i étonné".

Au cours de ces messages Shoghi Effendi révéla a la fois le rang et quelques unes des fonctions de ce corps des Mains nouvellement créé. Il salua le développement de cette "auguste institution" pendant les "années d'ouverture" de la seconde époque de l'âge de formation de cette Dispensation. Cette institution que Baha'u'llah avait annoncée, dont quelques membres avaient été nommés durant sa vie, et qu'Abdu'l-Baha avait fermement établie dans son Testament. Les Mains de la Cause de Dieu en Terre Sainte aidaient le Gardien dans l'érection du mausolée du Bab, le renforcement des liens avec l'Etat d'Israël, l'extension des Dotations internationales en Terre Sainte et en prenant les mesures préliminaires a l'établissement du Centre administratif mondial baha'i.

Elles assistèrent également aux quatre grandes Conférences Internationales d'enseignement, tenues durant l'Année Sainte, d'octobre 1952 a octobre 1953, en tant que représentants du Gardien de la foi. Après ces conférences, sur les instructions de Shoghi Effendi, ces Mains voyagèrent en Amérique du Nord, en Europe, en Asie et en Australie. En avril 1954, Shoghi Effendi déclara que ce Corps des Mains entrait maintenant dans la seconde phase de son évolution, marquée par la formation des liens entre les Mains et les Assemblées spirituelles nationales engagées dans la poursuite du Plan de Dix Ans. Les quinze Mains qui résidaient en dehors de la Terre Sainte devaient désigner, pendant la période de Ridvan, dans chaque continent, des Corps Auxiliaires dont les membres agiraient comme les "délégués", les "assistants" et les "conseillers" des Mains et les aideraient de manière croissante dans la promotion du Plan de Dix ans.

Ces corps devaient comprendre neuf membres chacun en Amérique, en Europe et en Afrique, sept membres en Asie et deux en Australie. Ces Corps étaient responsables devant les Mains de leurs continents respectifs. Les Mains, pour leur part étaient également en étroit contact avec les Assemblées nationales de leur région et informaient ces dernières des activités de leurs Corps Auxiliaires. Les Mains étaient également en contact étroit avec les Mains de la Cause en Terre Sainte qui devaient agir comme agent de liaison entre elles et le Gardien. A cette époque, Shoghi Effendi inaugura les Fonds continentaux baha'is pour le travail des Mains, en contribuant lui-même pour mille pounds a chacun d'eux.

Un an plus tard, Shoghi Effendi désigna les treize Mains de la Cause qui devaient le représenter aux treize Conventions nouvelles se tenant en 1957. Depuis l'époque où il désigna formellement les Mains, jusqu'à sa mort il les utilisa constamment a cette fin. En 1957, exactement quatre mois avant son ascension, Shoghi Effendi dans un long câble informa les croyants que "Consommation triomphale séries entreprises historiques" et les "évidences croissantes hostilités extérieures" et les "machinations persistantes intérieures" annonçant "terribles luttes destinées ranger Armée Lumière forces ténèbres a la fois séculières religieuses" nécessitaient une association plus étroite entre les Mains des cinq continents et les Assemblées Nationales pour rechercher conjointement "activités scélérates ennemis internes adoption mesures sages efficaces contrecarrer leurs combinaisons perfides" afin de protéger la masse des croyants et d'arrêter la propagation des influences néfastes de ces ennemis.

Au commencement de ce câble, Shoghi Effendi souligne qu'en plus de leurs responsabilités nouvelles d'aider les Assemblées spirituelles nationales dans l'exécution de la Croisade spirituelle mondiale, les Mains doivent maintenant accomplir "leur obligation première" de surveiller et de protéger la Communauté mondiale baha'ie, en étroite collaboration avec les Assemblées Nationales. Il termine ce prodigieux message par ces mots: "Appelle Mains Assemblées Nationales chaque continent séparément établit désormais contact direct délibérer chaque fois faisable aussi fréquemment possible échanger rapports devant être soumis par leurs Corps Auxiliaires Comités nationaux exercer vigilance sans relâche poursuivre sans fléchir devoirs inéluctables sacrés - Sécurité précieuse foi préservation santé spirituelle communautés baha'ies - vitalité foi ses membres - individuels - fonctionnement correct ses institutions laborieusement érigées - fructification ses entreprises mondiales - accomplissement sa destinée ultime - tout dépend directement exécution convenable lourdes responsabilités maintenant reposant membres ces deux institutions occupant avec Maison Universelle de Justice, juste après institution Gardiennat, plus haut rang hiérarchie administrative divinement ordonné Ordre mondial Baha'u'llah".

Le dernier grand message de Shoghi Effendi, daté d'octobre mais effectivement conçu en août, insiste encore sur la signification et l'importance de l'institution des Mains de la Cause. Shoghi Effendi y désigne non seulement le dernier contingent des Mains, mais franchit également un nouveau pas en inaugurant un nouveau Corps Auxiliaire dans chaque continent: "Cette dernière addition au groupe des officiers de haut rang d'un Ordre administratif évoluant rapidement, impliquant une plus grande expansion de l'institution auguste des Mains de la Cause de Dieu, pour pouvoir assumer leur responsabilité récente et sacrée comme protecteurs de la foi, la désignation par ces Mains dans chaque continent séparément, d'un Corps Auxiliaire supplémentaire, égal en nombre a celui déjà existant, et chargé du devoir spécifique de veiller a la sécurité de la foi, complétant ainsi la fonction du Corps originel dont le devoir sera désormais exclusivement d'aider a l'exécution du Plan de Dix ans."

Il est presque inconcevable d'imaginer l'état dans lequel le monde baha'i aurait été plongé, après la mort de Shoghi Effendi, s'il n'avait pas parlé en ces termes des Mains de la Cause de Dieu et s'il n'avait pas clairement chargé les Assemblées nationales de collaborer avec les Mains dans leur fonction première de protecteurs de la foi. Ne pouvons-nous discerner, dans ces derniers messages, un nuage noir de la dimension d'une main d'homme a l'horizon?

C'était le devoir et le droit de Shoghi Effendi, explicitement 1ffirmés dans le Testament du Maître, de désigner les Mains de la Cause. A une exception près, il fit des désignations posthumes pendant les trente premières années de son ministère. C'était le plus grand honneur qu'il pouvait conférer a un croyant, vivant ou mort. Il nomma ainsi de nombreux baha'is de l'Est et de l'Ouest après leur mort.

La plus éminente de ces Mains fut Martha Root, qu'il qualifia de première en rang des Mains du premier siècle baha'i, depuis le commencement de l'âge de formation. La seule exception fut Amélia Collins. Il lui télégraphia le 22 novembre 1946: "Vos magnifiques services internationaux dévotion exemplaire et maintenant ce service insigne me poussent vous informer votre élévation rang Main Cause Baha'u'llah. Vous êtes première recevoir vivante cet honneur. Quant au moment annonce laissez-le a ma discrétion". Shoghi Effendi avait l'habitude d'informer chaque Main de son élévation a ce rang au moment où il rendait public son choix. A Fred Schopflocher et Musa Banani, qui étaient en pèlerinage et a moi même, il nous l'apprit de vive voix. Il est impossible d'essayer de décrire les sentiments de stupéfaction, d'indignité et. de crainte des récipiendaires. Chaque coeur reçut cet honneur comme une flèche soulevant en lui un plus grand amour et une plus grande loyauté envers le Gardien.

Les longues années de préparation (a l'extérieur de la Terre Sainte, dans le corps du monde baha'i par l'érection de la machinerie de l'Ordre administratif, et a l'intérieur, par l'érection de la superstructure du mausolée du Bab et par la consolidation générale du Centre mondial) avaient impliqué la création d'un lieu digne du "Centre focal' , comme le qualifia Shoghi Effendi, des plus importantes institutions de la foi. Ce lieu n'était rien de moins que les tombes de la mère, de la soeur et du frère d'Abdu'l-Baha. Ces "trois âmes incomparablement précieuses", comme il les appela, "qui, près des trois figures Centrales de notre foi, dominent en rang au-dessus de la vaste multitude des héros, des Lettres, des martyrs, des Mains, des enseignants et des administrateurs de la Cause de Baha'u'llah".

La plus Sainte Feuille avait toujours désiré reposer près de sa mère qui était enterrée a 'Akka, de même que son frère Mihdi. Mais quand Bahiyyih Khanum décéda, en 1932, elle fut dignement inhumée sur le Mont Carmel près du mausolée du Bab. Shoghi Effendi conçut alors l'idée de transférer les restes de la mère et du frère de la plus Sainte Feuille, inhumés de manière si peu digne a 'Akka. En 1939, il commanda en Italie deux monuments en marbre, similaires en style a celui érigé sur la tombe de la plus Sainte Feuille. Fort heureusement, ces monuments arrivèrent sans dommages a Haïfa, malgré la guerre. Loin d'être une simple procédure, "la consommation de cet espoir ancien et profondément chéri" fut extrêmement difficile. Je citerai un extrait de mon propre récit publié sur ces événements, car j'étais naturellement présente a Haïfa a cette époque:

"Alors qu'on était en train de creuser leur tombe dans la roche dure de la montagne, Shoghi Effendi apprit que les briseurs du Covenant avaient protesté contre le droit des baha'is de transférer les restes de la mère et du frère d'Abdu'l-Baha a leurs nouvelles tombes, ayant la témérité effective de représenter au gouvernement leur soi-disant droit en tant que parents des défunts. Toutefois, aussitôt que les autorités civiles apprirent la vérité sur l'état des faits, que ces mêmes parents avaient été les pires ennemis du Maître et de sa famille, qu'ils avaient abandonné la vraie cause de Baha'u'llah pour suivre leur propre inclination et qu'ils avaient été dénoncés par 'Abdu'l-Baha dans son Testament, ces mêmes autorités approuvèrent le plan du Gardien et délivrèrent immédiatement les papiers nécessaires a l'exhumation des corps... Sans autre délai, Shoghi Effendi, deux jours plus tard, transféra lui-même la Branche la Plus Pure et sa mère sur le Mont Carmel".


A l'aube, accompagné de quelques baha'is, Shoghi Effendi partit pour 'Akka, ouvrit une tombe après l'autre et ramena les corps a Haïfa. Il me dit plus tard, que cela avait été une expérience éprouvante pour ses nerfs. Il y avait d'abord le risque réel de voir les briseurs de Covenant venir avec une partie de leurs partisans au cimetière et essayer d'empêcher par la force l'exhumation; en cela ils auraient eu la sympathie des musulmans qui considèrent l'ouverture des tombes comme une grande profanation. Ils n'ouvrent en effet la tombe que pour infliger la plus grande insulte aux gens. Ce danger mis a part, voir ouvrir une tombe, quelque soit la noblesse de l'intention, est une expérience terrifiante, et combien plus pour une personne aussi sensible que Shoghi Effendi. Quand la terre fut enlevée de dessus du cercueil de la mère du Maître, il découvrit que le bois était encore intact, sauf pour le fond qui était pourri. Aussi ordonna t'il de soulever le cercueil doucement. Il me dit que le visage de la mère d'Abdu'l-Baha, enveloppé dans son linceul, y reposait avec des contours si nets qu'on pouvait presque discerner ses traits; mais au premier toucher il tomba en poussière ainsi que les os. Il descendit dans la tombe et de ses propres mains il aida a mettre le squelette dans le nouveau cercueil préparé a cet effet. Le cercueil fut alors fermé et chargé sur un véhicule qui attendait. On se rendit alors au second cimetière arabe où la Branche la plus Pure était inhumé.

Comme il avait été enterré deux décennies avant sa mère et que l'inhumation avait été faite a la hâte, pendant les jours où Baha'u'llah était strictement confiné dans la Caserne Prison d'Akka, le cercueil avait été complètement désintégré. Shoghi Effendi ramassa, encore une fois, les os et les poussières restants et les plaça dans le second cercueil. Tout fut mené a bien, mais cela prit des heures terribles de tension et d'inquiétude. Je citerai encore une fois un extrait de ce que j'écrivais a l'époque, car c'est beaucoup plus vivant que tout ce que je pourrais réécrire aujourd'hui sur ces événements:
"Le crépuscule est tombé sur le Mont Carmel et le voile de l'obscurité s'est épaissi sur le baie d'Akka. Un groupe d'hommes attend, debout vers la porte, en bas des escaliers. Soudain, il y a un mouvement. Le jardinier court allumer l'entrée et au milieu des rayons blancs de la lumière, une procession apparaît. Un homme habillé de noir porte un lourd cercueil sur ses épaules. C'est le Gardien de la Cause. Il porte les restes mortels de la Branche la plus Pure, le fils bien-aimé de Baha'u'llah. Lentement, lui et les autres porteurs montent l'étroit sentier et s'approchent, en silence, de la maison contiguë au tombeau de la plus Sainte Feuille. Un serviteur dévoué court devant et avec un tapis et un candélabre des mausolées saints prépare rapidement la pièce. Le visage aimable et puissant du Gardien apparaît, alors qu'il entre par la porte, le précieux poids toujours sur ses épaules. Le cercueil est posé temporairement dans une humble pièce, face a Bahji, le Qiblih de la foi. De nouveau, ces serviteurs dévoués, conduits par leur Gardien, retournent vers la porte et remontent a nouveau le sentier portant une autre charge sacrée, cette fois le corps de la femme de Baha'u'llah, la mère du Maître".

Le 5 décembre lorsque cette tâche fut accomplie en toute sécurité, l'Assemblée de l'Amérique recevait le câble suivant de Shoghi Effendi: "Restes bénis Branche plus Pure et mère du Maître transférés sécurité enceinte sacrée Mausolées Mont Carmel. Humiliation longtemps affligée balayée. Machinations briseurs Covenant échouées; plan déjoués. Désir chéri Feuille Plus Sainte accompli. Soeur, frère, mère, femme, 'Abdu'l-Baha réunis un lieu destiné constituer centre focal institutions administratives baha'ies au centre mondial de foi. Communiquer joyeuse nouvelle corps croyants Américains. Shoghi Rabbani". Le Gardien avait dû signer de son nom en entier, car nous étions en guerre et toutes les correspondances étaient censurées.

Le goût exquis et le sens des proportions, caractéristiques de tout ce que le Gardien créa, se révèlent plus que jamais dans les monuments en marbre érigés sur les quatre tombes des proches parents d'Abdu'l-Baha. Dessinés en Italie selon les instructions du Gardien et exécutés la-bas dans le marbre blanc de Carrare, ils furent envoyés par bateau a Haïfa et érigés entre 1932 et 1942. Autour de ces tombes; il créa les magnifiques jardins que nous appelons communément les "jardins des Monuments" et qui entourent le centre de cet arc sur le Mont Carmel aux abords duquel devront être réunis dans l'avenir les Institutions internationales de la foi.

Pendant trois semaines ces restes précieux demeurèrent dans cette pièce, jusqu'au 26 décembre où Shoghi Effendi télégraphia: "Veille Noël restes bien-aimées Branche plus Pure et mère 'Abdu'l-Baha exposés. Mausolée sacré du Bab. Jour Noël confiées sol sacré Carmel. Cérémonie profondément émouvante présence représentants croyants Proche-Orient. Poussé associer grande entreprise américaine Sept Ans mémoire impérissable ces deux âmes saintes qui près fondateurs jumeaux foi et Parfait Exemple dominent ensemble avec Plus Sainte Feuille au-dessus assemblée entière fidèles. Me réjouis privilège engager mille pounds ma contribution Fonds Bahiyyih Khanum destiné inauguration issue finale assurer conclusion contrat avril prochain dernier étage restant construction Mashriqu'l-Adhkar. Temps presse occasion précieuse puissante aide providentiellement promise indéfectible".

Le génie du Gardien pour faire les choses convenablement, suivant toujours fidèlement les traces de son grand-père bien-aimé, est encore mieux démontré ici: il accomplit l'inhumation de ces deux âmes saintes qui avaient été tant aimées par Baha'u'llah avec un honneur et une révérence extrêmes. Cet événement est unique dans l'histoire religieuse; et je sens qu'il faut qu'il reçoive son dû. Je me rapporte encore une fois a l'article susmentionné: "la dernière pierre est posée dans les deux caveaux, les fonds sont pavés de marbre, les plaques de nom fixées pour marquer les têtes, la terre enlevée, le sentier qui mène a leur tombeau construit... Et maintenant, une nouvelle fois sur les épaules du Gardien ils sont portés pour être exposés dans la tombe Sacrée du Bab. Côte a côte, bien plus grands que les grands de ce monde, ils sont posés sur ce seuil sacré, face a Bahji, avec des cierges brûlant a la tête et des fleurs aux pieds...

Le lendemain, au coucher du soleil nous nous réunissons, une nouvelle fois, au Mausolée sacré... Lentement, soulevés par les mains des fidèles, conduits par Shoghi Effendi qui n'abandonne jamais sa précieuse charge... ils tournent une fois autour du mausolée. Le cercueil du bien-aimé Mihdi porté par le Gardien, suivi par celui de la mère d'Abdu'l-Baha, passe lentement près de nous. Gravitant autour du mausolée, avançant dans le jardin illuminé, descendant le sentier blanc, sortant et traversant la route éclairée par la lune, cette procession solennelle passe. Hauts, paraissant se mouvoir seuls, au-dessus de la tête des fidèles les cercueils s'acheminent... Ils passent devant nous, se profilant contre le ciel nocturne... Ils s'approchent, le visage du Gardien contre cette charge précieuse qu'il porte. Ils vont vers les caveaux qui attendent. Ils posent maintenant la Branche la Plus Pure, glissant doucement le cercueil vers sa place prédestinée. Il répand sur lui des fleurs, sa main est la dernière a le caresser. La mère du Maître est alors placée de la même façon par le Gardien dans le caveau voisin... Les maçons sont appelés pour sceller les tombes... des fleurs sont jetées sur les caveaux et le Gardien les asperge d'essence de rose... Et maintenant la voix de Shoghi Effendi s'élève: il chante des Tablettes révélées par Baha'u'llah et destinées par lui a être lues sur leurs tombes".

Quand on se rappelle que ces événements d'une nature si délicate, créateurs de tant d'attente et d'anxiété et agissant, chaque jour sur les nerfs eurent lieu deux mois a peine après que le Gardien ait quitté le lit a la suite d'une de ses plus graves maladies, nous ne pouvons que nous émerveiller, une fois encore, sur sa vie pathétique et sa détermination de fer et sur le courage et la dévotion qui l'animaient dans toutes les choses qu'il faisait.

Enfin, Shoghi Effendi, si puissamment guidé d'en haut, avait réussi a établir son "centre focal". Mais ce ne fut que quatorze ans plus tard, qu'il put informer le monde baha'i qu'il franchissait maintenant le pas qui "inaugurerait l'établissement du Centre administratif mondial de la foi sur le Mont Carmel, l'Arche a laquelle fait allusion Baha'u'llah dans les passages terminant sa Tablette de Carmel". Ce pas ne fut autre que l'érection des Archives internationales baha'ies.

Peu après la construction des trois pièces supplémentaires du mausolée du Bab, au commencement des années trente, Shoghi Effendi avait établi les Archives du Centre mondial, dans ces lieux.

Il s'agissait des reliques précieuses de Baha'u'llah et d'Abdu'l-Baha qui étaient déjà en possession de la famille du Maître et des nombreux anciens baha'is vivant en Palestine. Les visiter, c'était une expérience émouvante et profonde. "Si on pouvait marcher dans un musée de reliques authentiques de l'époque et de la vie du Christ", ai-je écrit en 1937, après les avoir vues pour la première fois, "qu'auraient-elles signifié pour les chrétiens croyants? S'ils avaient vu ses sandales, poussiéreuses par la route entre Bethléem et Jérusalem, ou le manteau couvrant ses épaules ou l'habit protégeant sa tête du soleil, quelle atmosphère de certitude, d'étonnement et même d'adoration aurait remué les héritiers de sa foi. Si leurs yeux pouvaient se poser sur une ligne même fragmentaire écrite par sa main... pour la plupart des gens du monde la signification de ces choses est au dela de leur imagination, mais pour les baha'is, croyant dans la plus récente révélation de la volonté de Dieu jusqu'ici révélée a toute l'humanité sur la planète, cet inestimable privilège a été sauvegardé".

Au fur et a mesure que les croyants apprenaient davantage sur ces archives et que les pèlerins, en nombre toujours croissant, les visitaient et voyaient de quelle manière ces objets historiques et sacrés étaient préservés, avec quelle beauté ils étaient exposés, avec quelle vénération disposés, ils commençaient a envoyer d'Iran des articles vraiment précieux associés aux figures centrales de la foi, ainsi qu'a ces martyrs et héros. Parmi ces objets supplémentaires, fortement bienvenus, il y avaient ceux appartenant au Bab, offerts par les Afnans qui enrichirent grandement la collection. Ces archives prirent une telle dimension, qu'il fallut transformer la petite maison où les restes de la Branche la plus Pure et de sa mère furent déposés avant leur inhumation, en une annexe de musée. Les deux endroits furent appelés, pour la facilité de l'expression "Grande" et '"Petite" Archives ou encore "l'Ancienne" et "la Nouvelle".

Ce fut en 1954, durant la première année de la Croisade mondiale que Shoghi Effendi décida de commencer ce qu'il appela "le premier et le principal édifice destiné a constituer le siège du Centre administratif mondial baha'i qui devrait s'établir sur le Mont Carmel". Son choix se porta sur un bâtiment qu'il considérait nécessaire, urgent et faisable, nommément, un bâtiment pour héberger les reliques historiques et sacrées réunies en Terre Sainte et qui étaient dispersées jadis dans six pièces et deux bâtiments séparés. Avec Naw Ruz 1954, l'excavation des fondations commença.

Shoghi Effendi était guidé dans le choix des plans pour les édifices de l'importance de celui qu'il avait en vue, par trois considérations: Il devait être beau, il devait être digne et il devait avoir une valeur perpétuelle et ne pas refléter le style transitoire (et selon lui en général très laid) des édifices modernes construits dans un temps d'expérimentation et de recherche de formes nouvelles. 11 était un grand admirateur de l'architecture grecque et considérait le Panthéon d'Athènes comme un des plus beaux édifices jamais construits. Il choisit les proportions du Panthéon comme modèle mais transforma l'ordre dorique des chapiteaux en chapiteaux ioniques. Il approuva le plan final lorsque ses nombreuses suggestions y furent incorporées; et "cet édifice imposant et saisissant fut terminé en 1957. Cela coûta approximativement un quart de million de dollars. Comme pour le mausolée du Bab, il fut entièrement sculpté en Italie et envoyé par bateau a Haïfa. Non seulement chaque pierre était numérotée, mais des cartes montrant l'emplacement de chacune d'elles, facilitait la mise en place. Sauf pour les fondations, le ciment armé, les murs et le plafond il ne serait pas incorrect de dire que c'est un bâtiment fabriqué entièrement a l'étranger et monté localement,

Aucun travail entrepris par le Gardien ne peut mieux illustrer son originalité, son indépendance envers les idées reçues et les conseils des autres et sa détermination de faire les choses rapidement. Il passa d'abord beaucoup de temps a étudier sur le terrain, avec des ficelles tendues, les dimensions du bâtiment, la position exacte qu'il voulait pour l'édifice. Cette position changea de nombreuses fois jusqu'à ce qu'il soit satisfait. Il s'occupa ensuite du paysage, traçant les sentiers, plantant des arbres et des gazons. Il informa Leroy Ioas, qui devait superviser le travail localement (comme Ugo Giachery supervisait l'autre partie des travaux en Italie) que l'édifice devait être construit par l'arrière. Il ajusta la façade avec les jardins qui entouraient pratiquement le bâtiment de trois côtés, ne laissant qu'une marge de cinq mètres pour les travaux! Il en résulta que l'édifice s'élevait dans un jardin planté qui avait poussé et mûri lorsque le bâtiment fut terminé, et le site loin d'avoir cet aspect désolé de terre tassée habituel aux chantiers, paraissait avoir toujours été la. Ce que le Gardien fit la était vraiment providentiel, car sous sa direction, avec son goût impeccable, son sens parfait des proportions, tout était terminé a sa mort. En fait, il avait si bien préparé et terminé tout, que lorsqu'il fallut placer les meubles et les objets d'art' (en français dans le texte)qu'il avait choisis et achetés, tout ce qui était nécessaire était sous la main et les reliques et les objets d'intérêt historique rassemblés si assidûment dans les grande et petite archives furent placés a l'emplacement qu'il avait désigné pour eux, plus ou moins comme il l'aurait fait lui-même.

Dans son dernier message de Ridvan au monde baha'i, la satisfaction de Shoghi Effendi en ce qui concerne le bâtiment des Archives qu'il avait choisi et érigé apparaît clairement. Après avoir annoncé la fin des travaux, il écrivait que cet édifice "contribue, a un degré sans précédent, par sa couleur, son style classique et ses proportions gracieuses, et en conjonction avec le mausolée majestueux et couronné d'or qui s'élève plus loin, a la gloire grandissante des institutions centrales d'une foi mondiale tapies au coeur de la Montagne sacrée de Dieu".

Dans un message adressé au monde baha'i, le 27 novembre 1954, une nouvelle fois a l'occasion de l'ascension de son bien-aimé Maître, Shoghi Effendi insiste sur l'importance de cet édifice, affirmant que la possession d'un morceau de terrain longtemps désiré et qu'il avait enfin acquis rendait possible de procéder a l'érection des Archives internationales baha'ies. "L'érection de cet édifice, poursuivait-il, annoncera en retour, la construction, au cours des époques successives de l'âge de formation de la foi, plusieurs autres structures qui serviront de sièges administratifs et des institutions divinement ordonnées telles que le Gardiennat, les Mains de la Cause, la Maison Universelle de Justice. Ces édifices, sur un grand arc élancé, et suivant un style architectural harmonieux, entoureront les tombeaux de la Plus Sainte Feuille, dont le rang est plus élevé parmi les membres de son sexe dans la Dispensation baha'ie, de son frère, qui fut offert comme rançon par Baha'u'llah pour l'animation du monde et son unification, et leur mère, proclamée par Baha'u'llah comme son 'épouse dans tous les mondes de Dieu'. L'achèvement final de cette prodigieuse entreprise marquera le sommet du développement d'un Ordre administratif mondial, divinement désigné, dont le commencement peut être tracé aussi loin que les années clôturant l'âge héroïque de la foi."

Si grande était l'importance que Shoghi Effendi attachait a cet "arc", dont il avait étudié soigneusement les lignes sur le terrain et qui s'étend sur la montagne sous la forme d'un gigantesque arc de cercle, ceinturant les tombes des plus proches parents d'Abdu'l-Baha et sur le côte droit duquel se tient maintenant le bâtiment des Archives, qu'il annonça son achèvement dans son dernier message de Ridvan, en 1957: "Le plan destiné a assurer l'extension et l'achèvement de l'arc servant comme base a l'érection des édifices futurs du Centre administratif mondial baha'i, a été mené avec succès."


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