La perle
inestimable
Par Ruhiyyih Rabbani
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Chapitre 11. Le développement des institutions internationales
de la foi
Le développement du Centre mondial de la
foi sous l'égide du Gardien, représente une des plus importantes réalisations
de sa vie. On peut seulement le comparer a la consolidation de la cause elle-même
sur toute la surface du globe. Au sujet de la signification unique de ce centre,
Shoghi Effendi écrivait: "C'est la Terre Sainte, le Qiblih d'une communauté
mondiale, le coeur d'où partent, en un flot continuel, les influences énergétiques
d'une foi vivifiante, et le siège ainsi que le centre autour desquels évoluent
les diverses activités d'un Ordre administratif divinement désigné."
En 1921 lorsque Shoghi Effendi commença a assumer les responsabilités qui lui
étaient conférées par le Testament d'Abdu'l-Baha, les propriétés baha'ies a
Haïfa et a 'Akka se composaient du Tombeau de Baha'u'llah a Bahji appartenant
a Afnan, héritiers de la fille de Baha'u'llah, dans la maison de qui il avait
été inhumé; du tombeau du Bab sur le Mont Carmel, entouré de quelques lopins
de terre achetés pendant la vie d'Abdu'l-Baha et sur l'un desquels fut construit
la Maison des Pèlerins orientaux; de la maison d'Abbud, a 'Akka, où Baha'u'llah
avait vécu pendant quelques années et où il avait révélé le Kitab-i-Aqdas; du
jardin de Ridvan; et de la maison d'Abdu'l-Baha a Haïfa. Le manoir de Baha'u'llah
près de son tombeau était occupé par l'archi-briseur du Covenant, Muhammad 'Alf.
Les titres de presque toutes les propriétés baha'ies étaient enregistrés soit
au nom de divers membres de la famille, soit au nom de certains baha'is. L'insécurité
de la position légale de la foi et de ses propriétés était telle que l'oeuvre
accomplie par Shoghi Effendi pour sauvegarder et développer ces Lieux saints
en augmentant les terrains qui les entouraient, en enregistrant ces terrains
au nom des branches locales palestiniennes des diverses Assemblées Nationales
baha'ies, et en obtenant l'exonération pour ces mêmes propriétés d'impôts municipaux
et gouvernementaux, cette oeuvre n'est rien de moins que miraculeuse.
Quand on se rappelle que la position du Gardien était si précaire en 1922, que
Muhammad 'Ali s'était enhardi jusqu'à saisir les clefs du tombeau saint de Baha'u'llah,
que de nombreux musulmans et chrétiens jaloux de la valeur universelle dont
avait joui 'Abdu'l-Baha vers la fin de sa vie, n'étaient que trop impatients
de discréditer son jeune successeur aux yeux des autorités, et que Shoghi Effendi
était lui-même écrasé par les problèmes de toute nature venant de l'intérieur
et de l'extérieur de la cause, on ne peut alors que s'émerveiller, une fois
encore, de la sagesse et de la qualité d'homme d'Etat qui caractérisait sa conduite
des affaires au Centre mondial.
L'âge héroïque de la foi était passé. Ce que Shoghi Effendi appelait l'âge de
Formation avait commencé avec son ministère et fut façonné, pour toujours par
lui. Se rendant pleinement compte que ni son rang, ni ses capacités, n'étaient
identiques a ceux du bien-aimé Maître, Shoghi Effendi refusa de l'imiter, de
quelque manière que ce soit, dans ses vêtements, dans ses habitudes et manières.
Une telle imitation, pensait-il, traduirait un manque complet de jugement et
de respect. Un jour nouveau se levait pour la cause, des méthodes nouvelles
étaient nécessaires. C'était le jour de l'émancipation de la foi, de la reconnaissance
de son statut indépendant, de l'établissement de son Ordre, de l'érection de
ses institutions. 'Abdu'l-Baha était venu en Terre Sainte en tant que prisonnier
et exilé. Tout en proclamant au cours de ses voyages en Occident et dans ses
lettres ' le caractère indépendant de la cause de son Père, il ne pouvait cependant
pas, vers la fin de sa vie, briser les chrysalides des coutumes populaires qui
l'avaient lié depuis si longtemps a la communauté musulmane prédominante. Agir
avec discourtoisie et de manière blessante ne faisait pas partie des enseignements
baha'is. Mais Shoghi Effendi, revenant de ses études en Angleterre, jeune, occidental
par son éducation et ses habitudes, étaient en mesure de proclamer localement
le caractère indépendant de la foi. Quelque aimé et estimé qu'ait été 'Abdu'l-Baha,
il n'était cependant pas considéré comme le chef d'une religion mondiale indépendante
mais plutôt comme un saint protagoniste d'une philosophie spirituelle de la
fraternité universelle, un notable distingué parmi tant d'autres en Palestine.
Il avait dominé ceux qui l'entouraient par une véritable force de personnalité.
Mais Shoghi Effendi savait qu'il ne pourrait jamais faire de même dans les circonstances
qui prévalaient au début de son Gardiennat et ne voulait pas le faire. Sa fonction
consistait a gagner partout, et en particulier au Centre mondial la reconnaissance
de la cause en tant que religion mondiale, au même titre, jouissant des mêmes
statuts et prérogatives, que les autres religions: le christianisme, l'islamisme
et le judaïsme.
Dès le commencement, il apprécia a sa juste valeur le fait que s'il voulait
et devait établir le Centre mondial sur des bases solides, pendant que la foi
devait inévitablement s'étendre a l'étranger, sa position locale, qui n'était
pas celle d'un chef local ou national mais celle de chef de cette foi, devrait
être fondée sur une base entièrement différente. La Palestine, bien que terre
sacrée pour ces trois religions mondiales, n'étaient pour aucune d'entre elles
a la fois et en même temps le coeur spirituel et administratif et par conséquent,
aucune personne dans le pays n'avait une position comparable a la sienne.
Il devait donc, lui, le chef d'une telle foi et résidant a son centre spirituel
et administratif, jouir d'un droit de préséance sur les autres chefs du pays.
Tout en étant conscient de ce fait dès le commencement de son ministère, Shoghi
Effendi était assez sage pour se rendre compte qu'il n'y avait, a cette époque
aucun espoir de faire partager cette opinion aux autres. Il fit un éclat en
n'entrant pas dans les activités du Maître et en évitant volontairement de se
mêler aux nombreuses fonctions sociales, officielles ou non. Il savait très
bien que, parmi les pontifes locaux, il ne pouvait espérer recevoir le droit
de préséance que sa position méritait et qu'il serait relégué dans une position
secondaire, en tant que représentant baha'i, a cause de sa jeunesse et de la
puissance de la grande communauté musulmane. La situation serait alors cristallisée
sur un précédent et il lui serait impossible, plus tard, de reprendre sa vraie
place en tant que chef d'une religion mondiale.
C'est principalement pour cette raison que, pendant trente six ans, a une ou
deux exceptions près, Shoghi Effendi évita toutes réceptions municipales ou
gouvernementales, et ne prit aucune part a la vie sociale tout en insistant
constamment mais avec tact, pour que lui ou tout autre personne qu'il enverrait
devait recevoir la préséance. Vers la fin de sa vie, il avait pratiquement gagné
cette longue bataille et, bien que le représentant baha'i n'ait pas toujours
reçu la préséance que Shoghi Effendi désirait, il évita efficacement que son
représentant reçoive une position mineure a des réceptions officielles.
Il assista lui-même, quelques rares fois, a des réceptions étatiques en Israël
et reçut son dû en tant que chef d'une foi mondiale. Abandonner toute vie sociale
n'était pas une grande privation pour lui constamment préoccupé par son travail
et par les crises répétées, et dont le temps était pris par les demandes des
pèlerins. Mais cela ajouta a son isolement et le priva effectivement de tout
contact intellectuel et de tout encouragement qu'il aurait pu recevoir en rencontrant
des hommes de sa valeur et de son importance.
Pendant les deux premières décennies de son ministère, cependant, Shoghi Effendi
eut plus ou moins des contacts privés et personnels avec les différents Hauts-Commissaires
et avec les Commissaires de District. C'est ainsi qu'il put reprendre les clés
du tombeau de Baha'u'llah et affirmer son droit indiscuté de gardiennage de
ce lieu sacré, obtenir la possession du Manoir de Baha'u'llah, recevoir l'autorisation
d'inhumer les proches parents d'Abdu'l-Baha dans le voisinage du Mausolée du
Bab, au centre du quartier résidentiel sur le Mont Carmel, de faire accepter
le certificat de mariage baha'i par le gouvernement sur la même base que ceux
des juifs, des chrétiens et des musulmans et par-dessus tout, grâce a ses efforts
persévérants, réussir a imposer aux autorités britanniques la nature des propriétés
et obtenir d'eux l'exonération des taxes municipales et gouvernementales.
La première préoccupation de Shoghi Effendi fut toujours Bahji. Il était décidé
a sauvegarder non seulement le tombeau de Baha'u'llah, mais aussi la dernière
demeure qu'il avait occupée en ce monde ainsi que les bâtiments et les terrains
attenants. Depuis l'ascension de Baha'u'llah et jusqu'en 1929, Muhammad 'Ali
et sa famille étaient en possession de cette demeure appelée "Qasr" ou "Palais"
de 'Udi Khammar. C'était une construction unique en Palestine par son style
architectural majestueux. Elle avait été achetée pour Baha'u'llah vers la fin
de sa vie. Ce manoir tombait maintenant en ruines, dans un pitoyable état de
délabrement: sale, prenant la pluie, le toit qui s'effondre, les pièces, jadis
belles, utilisées comme débarras ou abandonnées. En novembre 1927, Shoghi Effendi
écrivait a un de ses amis: "le Qasr est encore occupé par Muhammad 'Ali et Majdiddin
(son cousin) a envoyé un message demandant la réparation du toit qui risque
de s'effondrer a tout moment.
On lui a répondu énergiquement que nous ne procéderons a aucune réparation tant
qu'ils n'ont pas évacué tout le bâtiment". Finalement, semble-t-il, l'état du
manoir atteignit un tel degré de délabrement que les briseurs du Covenant n'eurent
d'autres choix que de complaire a la demande de Shoghi Effendi. Le 27 novembre
1929, la veille du huitième anniversaire de l'ascension d'Abdu'l-Baha, Shoghi
Effendi télégraphiait a un membre de sa famille:
"... Qasr évacué. Restauration commencée" et le 5 décembre il écrivait a un
de ses amis: "... Le manoir de Baha'u'llah, occupé pendant près de quarante
ans par Muhammad 'Ali et ses disciples, a été finalement évacué et la photographie
ci-jointe indiquera dans quel état ils l'ont laissé. Les travaux de restauration
ont commencé; et déjà, les pèlerins visitent la chambre où décéda Baha'u'llah
et où il passa les jours les plus paisibles et les plus heureux de sa vie."
Deux ans plus tard les travaux étaient terminés. Shoghi Effendi avait fait venir
un des baha'is qui avait été souvent a Bahji pendant sa jeunesse, et qui était
capable et consciencieux, pour superviser les travaux. Le toit, l'ébénisterie,
les fresques du balcon, les décorations enchevêtrées imprimées sur les murs
de toutes les pièces du premier étage, les belles poutres du plafond, tout fut
restauré dans son état originel.
Puis, Shoghi Effendi fit mettre des précieux tapis et carpettes envoyés par
les baha'is d'Iran, suspendit aux murs des enluminures rares écrites par le
fameux calligraphes baha'i, Mishkin Qalam, meubla le manoir avec des bibliothèques
pleines des traductions en différentes langues de la littérature baha'ie et
plaça dans les différentes pièces des bâtiments des photos et des documents
d'intérêt historique. Il invita ensuite le Haut-Commissaire britannique a venir
voir et il l'accompagna dans sa tournée d'inspection. A la fin de la visite,
Shoghi Effendi demanda a Son Excellence si elle ne trouvait pas qu'un tel lieu,
si sacré pour les baha'is du monde entier, dépasse de loin le droit d'être
considéré comme la résidence d'une personne privée et devrait être conservé
comme un lieu de pèlerinage et comme un musée historique. Son Excellence, sans
doute autant impressionné par l'avocat que par le témoignage, donna son accord
et le manoir resta dans les mains de Shoghi Effendi. En avril 1932, les pèlerins
avaient le privilège de passer une nuit dans ce lieu sacré et historique dont
les portes étaient également ouvertes aux visiteurs non baha'is qui erraient
dans ses belles pièces, regardaient l'étalage impressionnant des témoignages
de l'universalité de la cause, les nombreuses photocopies des titres d'incorporation
des Assemblées baha'ies, des licences de mariage et autres documents historiques
tels que les photos des martyrs et des pionniers de la foi.
Je me rappelle combien, en dépit du fait qu'il possédait le manoir, Shoghi Effendi
était constamment contrarié, et ce jusqu'à la fin de sa vie, par le fait que
les briseurs du Covenant occupaient encore la maison attenant au manoir. La
nuit de l'Ascension de Baha'u'llah, lorsque le Gardien a la tête des hommes
baha'is, allait au tombeau après avoir visité la chambre du manoir où Baha'u'llah
était décédé, il était obligé de passer devant la pièce où les briseurs du Covenant
tenaient leur propre veillée. Souvent, ils faisaient des commentaires audibles
sur lui, a son passage, ajoutant ainsi au chagrin d'une nuit suffisamment triste
par les souvenirs qu'elle évoquait. Ce ne fut qu'en juin 1957, qu'il put télégraphier
au monde baha'i: "Avec sentiments joie profonde exultation remerciements annonce
lendemain soixante cinquième anniversaire ascension Baha'u'llah victoire signalée,
faisant date remportée sur bande ignoble briseurs son Covenant qui au cours
plus six décennies s'était retranchée enceinte plus Saint Mausolée monde baha'i."
Depuis l'époque où, en janvier 1923, il avait écrit au fils aîné de la fille
de Baha'u'llah lui demandant de déclarer catégoriquement que quelques soient
les droits des Aghsans, le Mausolée de Bahji, de par sa nature même, appartenait
au Mouvement baha'i; jusqu'à la fin de sa vie, Shoghi Effendi ne cessa de lutter
afin de mettre sur des bases solides la position légale de ce lieu sacré. En
dépit de l'opposition de cette bande corrompue de la parenté qui résista a tous
ses efforts pendant plus de quarante ans, grâce a l'intervention mystérieuse
de la Providence, après la Guerre de l'Indépendance et l'exode massif des Arabes
comprenant de nombreux ennemis de la foi, Shoghi Effendi sortit finalement victorieux
de cette longue lutte. En 1952, le Gardien acquit quelque 145000 m2 de terrains
entourant le tombeau et le manoir de Baha'u'llah. En 1931; il avait déjà essayé
d'obtenir du gouvernement la réquisition d'une partie de ces terrains qui avait
appartenu, originellement, au manoir et qui avait été usurpée par les ennemis
musulmans de la foi et par les partisans de Muhammad 'Ali. Le. gouvernement
de l'époque avait refusé d'intervenir et le prix demandé était dix fois plus
que la valeur réelle du terrain.
Le Gardien attendit donc plus de vingt ans jusqu'à ce que le sort de la guerre
rendit ce terrain a son propriétaire légitime. Durant les dernières années de
sa vie, Shoghi Effendi acquit la Maison des Pèlerins, a 'Akka, (qui avait été
sous le contrôle d'Abdu'l-Baha après l'ascension de Baha'u'llah) et un bâtiment,
appelé la Maison de thé du Maître, où il recevait les croyants dont le premier
groupe de pèlerins venant de l'Ouest. En 1952, le gouvernement d'Israël, arguant
que c'était une affaire religieuse, dessaisit la cour civile de Haïfa du cas
porté devant elle par les briseurs du Covenant concernant la démolition d'une
maison a Bahji. Cela permit au Gardien de triompher une nouvelle fois dans sa
lutte contre les ennemis retranchés d'Abdu'l-Baha qui avaient gardé une base
près du mausolée sacré de Baha'u'llah. En 1957, avec la coopération des autorités
gouvernementales, il obtint un ordre d'expropriation des maisons de ceux qu'il
appelait "les misérables restes" des briseurs du Covenant, ordre motivé par
la proximité de ces maisons d'un lieu sacré de pèlerinage. Cette expropriation
permettait enfin ce qu'il appelait la purification de Haram-i-Aqdas de cette
souillure spirituelle. Ils protestèrent vivement contre cet ordre qui impliquait
leur éviction définitive de Bahji. Ils portèrent l'affaire devant la Cour Suprême
d'Israël et perdirent leur procès. Ils furent donc obligés de partir une fois
pour toutes.
Le Gardien désirait superviser la démolition de ces maisons limitrophes du manoir
et contiguës au mausolée; mais il ne retourna jamais en Terre Sainte. Lorsque,
quelques mois après son ascension, ces maisons furent détruites on vit que le
grand jardin qu'il avait fait devant elles était si exactement mesuré et projeté
qu'on pouvait le continuer, je suis tentée de dire le dérouler comme un tapis,
sur leur emplacement et venir jusqu'au mur même du manoir.
Se souvenant toujours des volontés et instructions du Maître qu'il considérait
comme le plus précieux dépôt de son Gardiennat, et désirant les suivre a la
lettre, dans la mesure du possible, la seconde préoccupation importante de Shoghi
Effendi au Centre mondial était le Mausolée du Bab. Le travail concernant ce
second tombeau sacré de la foi baha'ie, avait deux aspects: l'achèvement de
la construction elle-même, et la protection et la préservation de son environnement.
Le premier impliquait la construction des trois pièces supplémentaires et d'une
superstructure, qui est indubitablement un des plus beaux édifices du bord de
la Méditerranée; quant au second aspect, il consistait en l'achat graduel, durant
un tiers de siècle, d'une grande ceinture protectrice de terrains entourant
le mausolée et allant du sommet au pied du Mont Carmel. Ce domaine de plus de
cinquante arpents (20 Hectares) est mieux visible la nuit car il dessine un
immense "V" non éclairé au coeur de la ville. En son centre apparaît, épinglé
comme une broche en or, le Mausolée du Bab baignant dans la lumière, reposant
majestueusement sur le flanc de la montagne et se détachant du noir de velours
de ses jardins. Pendant trente-six ans Shoghi Effendi se dévoua au développement
de ce lieu sacré sur la montagne de Dieu. Son oeuvre, en ce domaine, fut si
impressionnant, unique et d'une telle grandeur qu'il me semble que quelque chose
de l'essence du Gardien est incorporé a ses pierres et a cette terre.
Il fallut plus de cent ans a Baha'u'llah, 'Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi pour
s'acquitter du dépôt sacré des restes du Bab. Ce dépôt commença le jour de son
martyre, en 1850, et dura jusqu'à l'achèvement complet du mausolée, en 1953.
Depuis l'instant où il apprit l'exécution du Bab jusqu'à son ascension, en 1892,
Baha'u'llah veilla sur ces cendres sacrées, supervisant ses déplacements d'une
cachette a l'autre. Lors d'une visite au Mont Carmel, il désigna du doigt a
'Abdu'l-Baha le lieu où le corps du Bab devait reposer pour toujours et lui
ordonna d'acheter ce morceau de terrain et de faire venir a 'Akka les restes
cachés en Iran. 'Abdu'l-Baha, encore prisonnier, réussit a faire venir, en caravane
et en bateau, une petite caisse en bois contenant les restes du Bab et de son
compagnon martyr. Lorsque le premier groupe de pèlerins occidentaux lui rendit
visite, pendant l'hiver 1898-99, ce précieux cercueil était déjà caché dans
la maison d'Abdu'l-Baha et sa présence était gardée soigneusement secrète.
Un jour, en 1915, alors qu'il se tenait sur les marches de sa maison et regardait
le tombeau du Bab, 'Abdu'l-Baha fit remarquer a un de ses compagnons: "Le Mausolée
sublime n'a pas été bâti. Dix, vingt mille pounds sont nécessaires. Ce sera
fait si Dieu le veut. Nous avons poursuivi sa construction jusqu'à ce stade".
A un pèlerin, il avait dit: "Le Mausolée du Bab sera bâti dans un style des
plus majestueux et des plus beaux." Il ordonna même a un Turc de Haïfa de faire
un croquis de ce que sera le tombeau une fois terminé. Mais, malgré l'idée claire
qu'il avait de la nature du mausolée qu'il voulait tant construire pour le Précurseur
de la foi, la tâche finale incomba a Shoghi Effendi.
En 1928, le Gardien avait déjà commencé les travaux d'excavation dans la roche
dure de la montagne, derrière le bâtiment existant afin de dégager la place
nécessaire aux trois pièces massives, voûtées et hautes de plafond, supplémentaires
du rez-de-chaussée. Le 14 février 1929, il câblait a un des Afnans: "Travaux
de Maqam commencés" (Maqam est le terme persan employé pour désigner le mausolée
du Bab), et en décembre de la même année, il informait un ami: "La construction
des trois pièces supplémentaires contiguës au tombeau sur le Mont Carmel sera
bientôt terminée et le projet du Maître d'avoir neuf chambres au rez-de-chaussée
du mausolée du Bab sera réalisé." Il est intéressant de noter que l'achèvement
de la structure originelle d'Abdu'l-Baha, une entreprise importante en elle-même,
et la restauration coûteuse et exacte du manoir de Baha'u'llah furent commencés
la même année et durèrent a peu près le même temps.
Shoghi Effendi suivait en tout, les travaux, ce qu'il savait être le désir du
Maître. En 1907, 'Abdu'l-Baha n'avait pu terminer que six des neuf pièces qui
devaient former un carré au centre duquel reposerait le corps du Bab et déjà,
durant cette année, les réunions se tenaient dans cette pièce face a la mer.
En 1909, il avait inhumé, de ses propres mains, les restes du héraut-martyr
de la foi. L'année suivante, il entreprit ses voyages en Occident, puis survint
la Guerre et il décéda peu après. Il avait cependant exprimé sa conception sur
la structure finale du mausolée: il devait avoir une arcade entourant les neuf
pièces originelles qu'il avait projetées, et serait surmonté d'un dôme. Shoghi
Effendi n'abandonna jamais ce projet du Maître, mais sa réalisation restait
indéfinie. Quand et comment trouverait-il l'architecte capable de faire les
plans d'un tel mausolée et l'argent nécessaire a sa construction?
La réponse a ces questions vint d'une façon mystérieuse. En 1940, ma mère mourut
a Buenos-Ayres. Comme j'étais leur unique enfant, mon père restait tout a fait
seul. Shoghi Effendi me dit un jour, avec son incomparable gentillesse, que
la place de mon père était désormais auprès de nous. Il invita donc mon père
a se joindre a nous. Pendant des années, tous les travaux de constructions que
Shoghi Effendi avait entrepris sur les propriétés baha'ies avaient été faits
avec l'aide occasionnelle d'architecte ou d'ingénieur locaux.
En plus des trois pièces qu'il avait ajoutées au tombeau du Bab, de l'érection
de grands monuments dignes sur les tombes de la famille immédiate d'Abdu'l-Baha,
de la restauration du manoir, Shoghi Effendi avait construit une élégante entrée
au tombeau de la plus Sainte Feuille, avait démoli la maison de Dumit quand
il put l'acheter et avait utilisé ses portes, encadrements de fenêtres et pierres,
pour construire une annexe a la Maison des Pèlerins orientaux. Il avait aussi
construit un pont sur une rue qui traversait les terrasses devant le mausolée.
En 1937, mon père avait fait les plans de quelques pièces supplémentaires pour
augmenter celles occupées par le Gardien sur le toit de la demeure d'Abdu'l-Baha.
A l'exception de ces travaux qui avaient exigé l'aide d'un professionnel,
Shoghi Effendi faisait invariablement tout lui-même, mesurant les dimensions
des marches et les entrées mineures qu'il plaça dans les jardins. Je n'avais
jamais eu d'expériences personnelles en ces choses et je me rappelle quand il
voulut construire une rampe d'escaliers plus prétentieuse, flanquée de deux
jetées, menant au mausolée du Bab, au fond d'un nouveau sentier, nous travaillâmes
pendant des heures sur les dimensions et je lui fis, finalement, un modèle a
l'échelle sur papier que nous regardâmes avec inquiétude! Cependant, le résultat
ne fut pas seulement intéressant mais aussi satisfaisant. Le fait est que le
Gardien n'était pas un professionnel, mais ne voulait pas non plus dépenser
inutilement en engageant un architecte, pour une petite chose qui lui posait
un problème et qui prenait de son temps. Un jour qu'il revenait des jardins
du mausolée, il me demanda ce que je pensais de telle ou telle dimension pour
la rampe d'escalier.
Je lui demandai alors pourquoi, quand il avait un des meilleurs architectes
du Canada vivant de l'autre côté de la rue, dans la Maison des Pèlerins occidentaux,
pourquoi ne demanderait-il pas a Papa de travailler pour lui? je me rappelle,
il me regarda avec surprise et me demanda s'il pouvait le faire. Je lui assurai
que pour mon père c'était un jeu d'enfant que de faire des plans d'une telle
chose et qu'il le ferait tout de suite. Ce n'était pas que Shoghi Effendi n'avait
pas confiance en lui comme architecte, il lui avait envoyé a Montréal les photos
d'une porte en fer forgé qu'il avait commandée pour la dernière terrasse du
mausolée et lui avait demandé d'incorporer cette porte dans un plan d'ensemble
et, en fait, il avait beaucoup aimé le projet de mon père; mais il ne put avoir
l'agrément de la ville concernant la conjonction de cette terrasse avec la propriété
municipale et ce projet ne fut pas réalisé.
C'était simplement parce qu'il ne lui était jamais venu a l'idée, après tant
d'années de luttes sur ces problèmes, qu'il avait maintenant quelqu'un qui pouvait
faire ces choses pour lui; cela marqua le commencement d'une belle coopération.
Je n'ai jamais connu deux personnes qui aient un sens des proportions aussi
parfait que Shoghi Effendi et mon père, et des deux le Gardien était le plus
fin.
En revoyant la vie du Gardien, il me semble que mise a part la grande envergure
de la foi dont les victoires lui étaient si chères, Martha Root d'une certaine
façon et Sutherland Maxwell d'une autre lui apportèrent plus de satisfaction
personnelle que tout autre croyant. Ils se ressemblaient beaucoup par certain
côtés: c'étaient des âmes saintes et modestes qui adoraient Shoghi Effendi et
qui lui donnaient avec joie ce qu'ils avaient de mieux comme service et loyauté.
Bien que les services de Martha aient été et de loin, plus importants pour la
cause, néanmoins le talent de Sutherland fut l'instrument par lequel Shoghi
Effendi put exprimer finalement avec facilité le grand côté créateur et artistique
de sa nature et cela lui donna beaucoup de bonheur et de satisfaction. Jusqu'à
la fin de sa vie, mon père fit des plans pour les escaliers, les murs, les piliers,
les lumières et les différentes entrées des jardins du Mont Carmel. Tout en
étant architecte expérimenté, il dessinait et peignait très bien et pouvait
modeler et sculpter tout ce qu'il avait en main. Je me rappelle une nuit où
je portai a Shoghi Effendi le plan qu'il avait demandé pour l'entrée principale
de la propriété du mausolée comprenant la porte en fer forgé déjà exécutée pour
la terrasse susmentionnée. Il était assis et je lui tendis le dessin colorié.
Il le regarda fixement, en silence, et dit: "Ce n'est pas juste." J'étais complètement
abasourdie et lui demandai ce qu'il voulait dire. "Comment" dit-il "peut-on
résister a quelque chose d'aussi beau?" Il construisit l'entrée et fit encadrer
le dessin et le suspendit au mur a côté de son lit.
Ayant testé mon père sur des petits projets et l'ayant jugé parfait, il lui
dit soudain, je crois que c'était vers la fin de 1942, qu'il désirait qu'il
lui fasse un plan pour la superstructure du mausolée du Bab. Le bâtisseur avait
enfin trouvé le moyen de réaliser le projet d'Abdu'l-Baha.
En revoyant les mois qui suivirent, je m'émerveille que Shoghi Effendi, complètement
absorbé par son oeuvre Dieu Passe près de nous, ouvrage qu'il était si pressé
de terminer avant le centenaire de la foi, ait pu prêter quelque attention a
cet autre important projet.
Au commencement, Shoghi Effendi avait donné a Sutherland quelques indications:
le mausolée devait avoir une arcade et un dôme, son style ne devait être ni
purement occidental, ni purement oriental, il ne devait ressembler ni a une
mosquée ni a une église. Et, il le laissa libre de concevoir son propre plan.
Le premier dessin qu'il fit montrait une arcade avec une section en claire-voie
surmontée d'un dôme de type pyramidal que Shoghi Effendi n'aima pas. Il discuta
avec Sutherland au sujet du dôme et lui dit qu'il aimerait que cela ressemble
a celui de St-Pierre de Rome qu'il considérait comme le plus beau dôme du monde.
Dieu avait fourni a Shoghi Effendi un architecte. Il avait aussi dans sa bonté
infinie, accordé a l'architecte non seulement une bénédiction spirituelle incalculable,
mais également une occasion rare, dans la vie professionnelle d'un homme, la
chance de concrétiser le fruit mûr de son talent et d'une longue vie d'expériences
dans une expression digne de son génie.
Le second projet de mon père, quoique satisfaisant dans ses proportions, fut
considéré comme trop européen et mon père, heureux de cette suggestion revint
au style du dôme qu'il avait employé dans son projet du temple baha'i d'Amérique,
quand il avait participé au concours de cette construction, et qui montrait
une influence indienne marquée dans quelques uns de ses détails. Ce plan plut
au Gardien, a l'exception de la partie supérieure de la claire-voie qui devait
avoir quelque hauteur au niveau des huit angles. Pendant des semaines et des
semaines, Sutherland lui soumit croquis sur croquis, finalement les hauts minarets
originaux actuels furent approuvés le 25 décembre 1943. Ses suggestions concernant
les quatre angles de l'arcade qui devaient être mis plus en valeur furent également
approuvées et les plans furent modifiés en conséquence. Shoghi Effendi aima
beaucoup le projet dans sa forme finale telle qu'elle apparaissait dans l'élévation
coloriée dessinée par mon père. Il dit, néanmoins, qu'il désirait une maquette,
avant de prendre la décision finale sur un projet d'une telle importance; car
de cette façon, il pourrait mieux voir ce que serait l'édifice. Il avait l'intention,
si cette maquette recevait son approbation, de la dévoiler a l'occasion du centième
anniversaire de la déclaration du Bab, lors des festivités du Centenaire qui
devaient avoir lieu a Haïfa.
A cette époque il était extrêmement difficile de trouver quelqu'un capable d'exécuter
une telle maquette.
Bien que nominalement quelqu'un était chargé de la faire, néanmoins dans la
pratique la plus grande partie du travail incombait a mon père lui-même qui
était très pressé pour la terminer a temps. La maquette fut délivrée en mai.
Après l'avoir soigneusement étudiée, Shoghi Effendi prit sa décision et la presse
fut informée le 22 mai, que le plan pour terminer le mausolée du Bab avait été
choisi et que le tombeau serait construit aussitôt que les circonstances le
permettraient. Au cours de l'après-midi du 23 mai, lorsque les baha'is hommes
et les visiteurs venus des pays voisins furent réunis en présence du Gardien,
pour commémorer le centenaire de l'aube de leur foi, Shoghi Effendi fit apporter
la maquette et la plaça sur une table pour que tout le monde la vit. Deux jours
plus tard il télégraphiait a l'Amérique: "... Annoncez amis joyeuse bonne nouvelle
centième anniversaire Déclaration Mission Héraut Martyr Foi marqué par décision
historique compléter structure son sépulcre érigé par 'Abdu'l-Baha site choisi
par Baha'u'llah. Maquette dôme récemment dessiné dévoilée présence croyants
assemblés. Prie disparition prochaine obstacles consommation plan prodigieux
conçu par Fondateur et espérance chérie Centre son Covenant".
Quand cette annonce fut faite, le monde approchait de la fin de la plus terrible
guerre de l'histoire. Les baha'is de l'Hémisphère occidental s'efforçaient de
remporter les buts de leur premier Plan de Sept Ans. Les croyants étaient affectés
par les restrictions économiques qui sévissaient dans de nombreux pays. C'est,
sans doute, pour cette raison et parce que le Gardien ne fit aucun effort pour
ouvrir un fonds du mausolée, que ce projet vit le jour furtivement et presque
sans bruit et qu'on n'en entendit plus parler jusqu'au 11 avril 1946, où Shoghi
Effendi ordonna a M. Maxwell de prendre ses dispositions afin de construire
le premier étage du Mausolée et écrivit lui-même, un peu plus tard, la lettre
suivante aux autorités municipales:
"Haïfa 7 decembre 1947
La commission de la construction locale et de la Planification de la Ville de
Haifa.
Au Président
Cher Monsieur, Concernant les plans et la demande du permis de construire ci-joints,
j'aimerais ajouter un mot d'explication.
La tombe du Bab et d'Abdu'l-Baha, très bien connue par le peuple de Haifa comme
'Abbas Effendi, existe déjà sur le Mont Carmel sous une forme inachevée. Dans
son état actuel, en dépit des grands jardin qui l'entourent, c'est une construction
modeste et ressemble, en apparence a une forteresse.
J'ai maintenant l'intention d'achever cette construction en préservant la structure
originelle tout en l'embellissant par un monument de grande beauté, ajoutant
ainsi a l'amélioration générale de l'apparence des pentes du Mont Carmel.
L'objectif de cet édifice, lorsqu'il sera terminé, reste ce qu'il est a présent.
En d'autres termes il servira comme un mausolée contenant les restes du Bab.
Comme vous le verrez sur les plans ci-joints, la structure complète comprendra
au premier étage ou rez-de-chaussée une arcade de vingt quatre colonnes en marbre
ou autre monolithe surmontée d'une balustrade ornementale. C'est cette partie
de la construction dont nous désirons commencer les travaux ' en premier, laissant
la section intermédiaire et le dôme qui surmontera l'édifice quand il sera terminé,
a plus tard et si possible a une date prochaine après l'achèvement de l'arcade
du rez-de-chaussée.
L'architecte de cet édifice monumental est M.W.S. Maxwell, F.R.I.B.A.; F.R.A.I.C.;
R.C.A., l'architecte canadien bien connu dont la firme a construit le grand
hôtel "Château Frontenac" a Québec, la "House of Parliament" a Régina, la "Art
Gallery", la "Church of Messiah" et divers bâtiments bancaires etc, a Montréal.
Je pense que la beauté de son plan pour achever le tombeau du Bab ajoutera grandement
a l'aspect de notre ville et sera une attraction supplémentaire pour les visiteurs.
Sincèrement vôtre,
Shoghi Rabbani"
J'ai cité cette lettre in extenso car elle démontre la manière magistrale, pleine
de tact mais claire, avec laquelle Shoghi Effendi agissait avec les autorités
et qui lui assura l'indispensable permis de construire. Le 15 décembre, Shoghi
Effendi télégraphiait a l'Amérique: "Heureux annoncer achèvement des Plans et
spécifications pour érection arcade entourant le sépulture du Bab constituant
première étape du processus destiné a culminer par construction dôme anticipé
par 'Abdu'l-Baha et marquant consommation entreprise commencée par lui il y
a cinquante ans selon instructions données a lui par Baha'u'llah."
Les premiers pas historiques avaient été faits. Mais les obstacles parsemés
sur la route de la réalisation de ce grand projet s'élevaient a des hauteurs
paraissant infranchissables. Le Mandat britannique touchait a sa fin. La Palestine
était secouée par une lutte civile et engloutie bientôt dans une guerre locale.
Les recherches montrèrent que les carrières pouvant fournir les pierres convenables
pour le tombeau étaient situées près de la frontière libanaise et que les propriétaires
n'avaient aucune idée sur la date a laquelle ils pourraient commencer a livrer.
En outre l'énorme matériel taillé pour la construction exigeait de nombreux
travailleurs qualifiés pratiquement introuvables dans le pays. En conséquence,
Shoghi Effendi vint a prendre une autre décision, typique de son esprit pratique
et audacieux: il verrait si une partie de ce travail pouvait être faite en Italie.
Il est impossible d'entrer dans le détail du récit fascinant de la construction
du mausolée. Une lettre du 6 avril 1948 que j'écrivis de la part du Gardien
au Dr. Ugo Giachery montre clairement la situation de cette époque: " ... M.
Maxwell... a cause de nombreuses difficultés... n'a pu placer aucun contrat
pour un travail effectif a faire ici, en Palestine. Toutefois, il a été en contact
avec une firme italienne de Carrare en vue de conclure des contrats pour les
colonnes en granit qui entoureront l'édifice du premier étage. Il part maintenant
pour l'Italie, premièrement pour conclure ces contrats et, si l'on peut trouver
des pierres convenables égalant les pierres dont on se sert ici, de conclure
également des contrats pour les plus importantes de ces pierres et certaines
pièces sculptées d'ornementation... M. Benjamin Weeden... accompagnera M. Maxwell
afin de veiller sur lui et de faciliter l'expédition du travail la-bas... Comme
la situation de ce pays est extrêmement troublée et le futur immédiat paraît
des plus incertains, le Gardien désire que les contrats soient conclus en Italie
le plus rapidement possible et que M. Maxwell et M. Weeden soient de retour
ici, avant qu'ils ne soient coupés de nous temporairement.
En conséquence, il apprécierait beaucoup si vous consacriez tout le temps qui
vous est possible, a les aider, a leur servir d'interprète et a veiller a ce
qu'ils soient en contact avec des sociétés italiennes sérieuses travaillant
honnêtement... Malheureusement, toutes les communications étant rompues avec
Jérusalem, M. Weeden n'a pu contacter le Consul italien et obtenir un visa.
Il devra aller avec le même vol a Genève (a moins que vous, ou lui, ne puissiez
obtenir un visa a Rome) ... et revenir joindre M. Maxwell... M. Maxwell ayant
maintenant 74 ans, quoique en très bonne santé, nous espérons que vous prendrez
grand soin de lui... La situation ici est si aiguë, qu'il est extrêmement important
qu'ils terminent leurs affaires et reviennent en Palestine...
Le 15 du même mois, j'écrivais a Horace Holley, secrétaire de l'Assemblée Nationale
américaine, de la part du Gardien, l'informant en détail de ce voyage en Italie
et du fait que les fonds du Gardien étaient bloqués en Palestine a cause d'un
contrôle strict des changes.
"En conséquence, il envisage de lancer un emprunt aux amis, ceux dont la
situation financière le leur permet, afin de conclure ces contrats... Il désire
qu'il soit considéré lui-même comme le garant en cette matière et il remboursera
cet emprunt le plus tôt possible. Il désire qu'il n'y ait point de malentendu
a ce sujet. Il finance ces travaux du fonds international de la Cause et considérera
seulement un arrangement par lequel il remboursera cette dette temporaire...
Comme la situation, ici, est très incertaine, et a tout moment, le courrier
et même le télégramme peuvent être suspendus temporairement, il se hâte de vous
donner ces informations... Si des arrangements convenables peuvent être trouvés
et des contrats signés, M. Giachery agira en tant que son représentant en cette
matière. Il recevra les sommes que vous lui enverrez des Etats-Unis, surveillera
les travaux en Italie et assumera généralement les responsabilités la-bas, si
nous sommes tous coupés les uns des autres... Il a insisté pour que M. Maxwell
et M. Weeden soient de retour en Palestine dans trois semaines, si possible,
car il craint que nous soyons entièrement coupés d'eux... Il est magnifique
de penser que le travail effectif du tombeau est maintenant avancé et de voir
que les opérations de constructions vont, probablement commencer bientôt. Mais
d'énormes obstacles doivent être surmontés et, il en est certain, ils seront
surmontés."
Par un tel orage, une autre étape de l'histoire incroyablement troublée des
restes du Bab et de la construction de sa tombe fut franchie. Ce n'était pas
rassurant de voir, le lendemain, 16 avril, mon père et M. Weeden partir dans
un taxi entièrement couvert de tôle de blindage, une fente de la largeur d'un
demi pouce constituant la visibilité du chauffeur. Nous n'avions aucune idée
sur leur sort, jusqu'à la réception de leur télégramme d'Italie. A mi-chemin,
sur la route de l'aéroport, ils avaient été obligés de descendre du taxi, de
marcher sur une centaine de mètres en portant leurs lourdes valises et prendre
un autre taxi. Une épreuve tout a fait inutile mais typique de ce que les gens
du pays devaient subir a cette époque. Ils prirent l'un des derniers avions
a partir de Lydda Airport avant que celui-ci ne soit attaqué et pris et que
tous les vols ne soient suspendus pour un temps. Pendant leur absence, la guerre
de l'Indépendance avait commencé et le pays traversait les jours difficiles
d'une trêve armée.
En 1948, Shoghi Effendi entreprit, pour la deuxième fois en vingt ans, l'excavation
des roches de la montagne, derrière le tombeau afin d'élargir suffisamment le
domaine pour la construction de l'arcade.
C'était un travail énorme. Il fallait enlever de grandes quantités de pierres
sur des centaines de mètres carrés. L'ingéniosité de Shoghi Effendi éclata continuellement
avec l'avancement de ces travaux: il avait acheté, en seconde main, des rails
et un fourgon et les avaient placés en bas du sentier, parallèle au tombeau
et devant celui-ci. La matière enlevée était dirigée vers le bas par une glissière
en bois, portée en fourgon, vers l'extrémité orientale de la terrasse et jetée
la pour étendre la surface de la terrasse elle-même. Tôt le matin jusqu'à tard
dans la soirée, restant souvent plus de huit heures sur pieds, jour après jour
et mois après mois, il dirigea ce travail. Ce n'était pas nécessairement a lui
de le faire, mais il était décidé non seulement a s'assurer de la rapidité du
travail, mais encore a ce qu'il soit fait de façon économique. Il n'y avait
personne d'autre, ayant la puissance de volonté et la résistance physique nécessaires
pour prendre sa place. C'est par des moyens tels que ceux-ci, avec une détermination
infatigable et une persévérance inlassable, que Shoghi Effendi fit des Lieux
Saints du Centre mondial, ce que nous voyons aujourd'hui.
J'ai noté dans mon journal daté du 24 février 1949 ce qui suit: "Dimanche M.-
(l'entrepreneur) commence les fondations des angles sud-est et de l'ouest. Une
semaine après la mise en place des pierres du seuil. Ainsi, le travail va enfin
réellement commencer." Les longs mois de peine de Shoghi Effendi touchaient
a leur fin et l'édifice pouvait maintenant s'élever! Avec acharnement, Shoghi
Effendi construisit le mausolée qui, disait il, était "la consommation du dessein
irrésistible de Baha'u'llah d'ériger un mémorial convenable et permanent a son
Héraut Divin et au Co-Fondateur de sa Foi". Non seulement il le construisit,
mais encore il dramatisa cette construction a un tel point que cela devint une
expérience vivante pour tous les baha'is. Un projet auquel leur coeur, comme
le coeur du Gardien, étaient attachés. Il rendit enthousiasmant les travaux
ordinaires de la construction d'un édifice. Lorsqu'il annonçait l'arrivée d'une
cargaison de pierres d'Italie et donnait le nombre de tonnes reçues; lorsqu'il
annonçait l'érection d'une nouvelle partie, ou nous informait que le dôme avait
une surface de deux cent cinquante mètres carrés; lorsqu'il décrivait la beauté
de quelques détails, son verbe magique et l'enthousiasme qu'il révélait nous
submergeaient d'une marée de joie et nous sortaient de nous mêmes. Il nous faisait
sentir que nous partagions avec lui quelque chose de grand et d'enthousiasmant.
Ce qui était normalement un fait morne dans un monde morose rapporté a des gens
ternes, embrasait notre imagination et nous faisait nous identifier profondément
a notre foi. Peu de gens s'étonnent que les croyants, préoccupés par leurs affaires
nationales dans le monde de l'après-guerre, se soient ralliés autour de lui
et l'aient aidé a achever, en cinq ans, une "entreprise vraiment universelle"
d'un montant de trois quarts de millions de dollars.
Initialement, Shoghi Effendi avait envisagé la possibilité de n'ériger que l'arcade
du mausolée et de laisser la superstructure proprement dite a une date ultérieure.
Mais la réponse remarquable des baha'is de partout dans le monde se ralliant
a supporter financièrement l'édifice sacré, l'aggravation générale de la situation
internationale, les tendances économiques allant vers une augmentation des prix,
et le fait que les mêmes travailleurs hautement qualifiés et habiles qui avaient
exécuté les travaux de l'arcade avec perfection, étaient encore disponibles
pour la société italienne qui avait passé les contrats de la taille des pierres,
le décidèrent de continuer sans interruption la construction.
Une telle entreprise s'étendant sur plusieurs années était accaparante et fertile
en peines et difficultés. Dans les négociations avec l'ingénieur qui supervisait
les travaux et avec l'entrepreneur, je représentais le Gardien. Souvent, elles
étaient excessivement difficiles, car personne ne pouvait abuser ou tromper
Shoghi Effendi. Chaque fois que le prix estimé était trop élevé, il refusait
tout net et même a une occasion, il affirma qu'il arrêterait les travaux indéfiniment.
Il n'avait pas l'intention de payer un prix qu'il trouvait exorbitant. Il fraya
son chemin a travers tous les obstacles et je trouvais souvent, a ma grande
surprise, que j'étais son épée! Non seulement toutes les pierres taillées furent
importées d'Italie mais aussi, pendant un certain temps, le ciment et l'acier
devaient venir de la bas a cause de la grande pénurie locale. C'était une nouvelle
source de complications et d'inquiétudes.
En plus des problèmes de cette nature, il y eut un autre qui préoccupa Shoghi
Effendi longtemps et entraîna même un retard dans la construction de la superstructure
a proprement parler du mausolée. Il faut se rappeler que l'arcade entoure simplement
le bâtiment originel et n'est pas construite sur elle.
(Photo)
Afin de construire le reste du mausolée, huit piliers en béton armé devaient
être coulés dans huit murs intérieurs et atteindre la roche du fond. C'était
la source d'un grand souci pour le Gardien: les dimensions exactes du caveau
où les restes d'Abdu'l-Baha sont inhumés ne sont pas connues et il y avait un
danger réel qu'en descendant on viole la tombe elle-même.
J'ai plus appris sur la révérence, la dignité et la sainteté par l'attitude
du Gardien a cette occasion que durant toute ma vie. Shoghi Effendi disait que
si on devait violer le caveau, le corps du Maître devait être enlevé. Pour moi
cela paraissait simple: il l'aurait transféré temporairement ailleurs. Comme
il parlait alors merveilleusement! J'aimerais me rappeler ses paroles exactes.
Il disait que les restes du Maître ne pouvaient être traités avec un tel sans
gêne. Ils doivent être convenablement exhumés, en grande cérémonie, et déposés
avec dignité dans un autre lieu et être inhumés a nouveau avec un égal respect
après. Où trouvera-t-il, se demandait Shoghi Effendi, les personnes qui seraient
présentes a une occasion si solennelle et sacrée, avec une communauté locale
tiède comprenant principalement des serviteurs, et toutes les frontières vers
les pays voisins fermées. Et par dessus tout, où trouvera-t-il un lieu convenable
pour garder les restes sacrés d'Abdu'l-Baha temporairement en attendant l'achèvement
des travaux a l'intérieur du mausolée? Sa voix même exhalait le respect. J'appris
beaucoup de chose au sujet de la religion après cet événement. Finalement, après
de multiples sondages des murs et des planchers faits par mon père et par l'ingénieur,
après avoir écouté plusieurs baha'is anciens raconter leurs souvenirs sur l'endroit
où se trouvait le caveau, il apparut très invraisemblable qu'un pilier, coulé
aussi près que possible des murs puisse violer la tombe effective et le travail
put commencer.
En mars 1952, Sutherland Maxwell mourut après deux ans de maladie. Sa mort ne
pouvait plus empêcher l'achèvement des plans qu'il avait conçus pour le mausolée,
mais elle priva la section du dôme du bénéfice des plans a grande échelle faits
par lui jusqu'ici et de cette touche d'ultra-perfection que produisait son traitement
détaillé du travail. En reconnaissance des services que lui et le Dr. Giachery
avaient rendu au mausolée du Bab Shoghi Effendi donna leur nom aux deux portes
encore sans appellation du bâtiment originel d'Abdu'l-Baha et a une date ultérieure
il donna a la porte donnant sur l'octogone le nom de M. Ioas qui supervisa la
construction du cylindre intermédiaire et du dôme.
Lorsque le mausolée qu'il avait construit avec tant d'amour et de soucis fut
terminé, Shoghi Effendi voyant en lui une qualité essentiellement féminine de
beauté et de pureté, l'appela "La Reine du Carmel". Il l'a décrite comme "intronisée
sur la Sainte Montagne de Dieu, couronnée d'or brillant, habillée de blanc et
ceinte d'émeraude verte, une vue qui enchante les yeux, qu'elle soit regardée
du ciel, de la mer, de la plaine ou de la colline". Des nombreux passages où
Shoghi Effendi exalte et explique la signification profonde et spirituelle de
ce lieu, nul n'est plus frappant ni plus puissant que celui où il visualise
les restes du Héraut Martyr de la foi comme le centre d'un tourbillon spirituel.
Le Bab que Baha'u'llah a décrit comme "Le Point autour duquel gravitent les
réalités des prophètes et des messagers", dans le royaume de l'esprit, est,
a dit Shoghi Effendi, dans les cendres sacrées de sa forme physique laissées
sur terre, le centre et le coeur de neuf cercles concentriques: le cercle le
plus extérieur est la planète elle-même, a l'intérieur de laquelle s'étend la
Terre-Sainte, décrite par 'Abdu'l-Baha comme "le Nid des Prophètes" a
l'intérieur de ce nid, se trouve la Montagne de Dieu, le Vignoble du Seigneur,
la Retraite d'Elie dont le Bab symbolise le retour; contenus sur cette montagne,
ce sont les enceintes sacrées et les terrains des dotations internationales
de la foi; ce sont leurs jardins et leurs terrasses qui constituent la cour
la plus Sainte; a l'intérieur de cette cour, debout dans toute sa splendeur
exquise, est le mausolée du Bab, la Coquille; a l'intérieur de cette coquille
est la perle de grand prix, le Saint des Saints, la tombe originelle construite
par le Maître lui-même; et préservée a l'intérieur de ce Saint des Saints le
Caveau ou le Tabernacle, la pièce centrale du mausolée; a l'intérieur de ce
caveau est le sarcophage d'albâtre, le cercueil le plus sacré "dans lequel",
a écrit Shoghi Effendi, "est déposé cet inestimable joyau, les cendres sacrées
du Bab".
Le mausolée, disait encore Shoghi Effendi, est une "institution". On ne saurait
trop insister sur le rôle que cette institution devrait jouer dans le "développement
du Centre mondial administratif de la foi de Baha'u'llah et dans l'efflorescence
de ses plus hautes institutions constituant l'embryon de son futur Ordre mondial".
Alors que la superstructure s'élevait dans toute sa majesté, Shoghi Effendi
révélait de plus en plus la vraie signification du mausolée.
Il était, écrivit-il, non seulement le premier et le plus sacré édifice établi
au Centre mondial de la foi, mais aussi "la première institution internationale
annonçant l'établissement du corps législatif suprême du Centre administratif
mondial..."
Les cendres de Baha'u'llah, le "Point d'adoration" ou "Qiblih" du fidèle, étaient
trop sacrées par leur essence, infiniment trop exaltées par leur rang, pour
servir de dynamo spirituelle aux institutions de son ordre mondial. Les cendres
du Bab, cependant, (le Bab qui a décrit son propre rang par rapport a Baha'u'llah
comme celui d'une "bague dans la main de Celui que Dieu rendra manifeste", qui
"la tourne comme il lui plaît, pour ce qu'il lui plaît") ont été désignées par
Baha'u'llah lui-même pour être le centre autour duquel ses institutions administratives
seront rassemblées et sous l'ombre duquel elles fonctionneront. En effet, il
a choisi le site du Mont Carmel, où les restes du Bab devaient reposer et il
a ordonné a 'Abdu'l-Baha d'acheter ce lieu et de faire venir les restes de l'Iran
et de les inhumer a cet endroit. Nous devons nous souvenir que ce fut le Bab
qui lança l'appel de clairon du "Nouvel Ordre". Quoi donc de plus approprié
et de plus significatif que le choix de ses restes dans ce but? Shoghi Effendi
expliquait clairement cette distinction quand il se référait a la double nature
des nombreux édifices du Centre mondial, aux deux mausolées et aux deux centres
administratif et spirituel de la foi.
Il est presque certain qu'en lisant le Testament d'Abdu'l-Baha, la première
pensée de Shoghi Effendi fut d'établir rapidement le Corps administratif suprême
de la foi baha'ie, la Maison Universelle de Justice. Un de ses premiers actes,
en 1922, fut de convoquer a Haïfa des croyants anciens et éminents afin de discuter
avec eux sur ce sujet. Il en parlait de façon répétée, dans ses communications
et, en fait, dans sa première lettre a l'Iran, écrite en janvier 1922, il s'y
réfère et affirme qu'il annoncera aux amis, plus tard, les arrangements préliminaires
pour cette élection. Dans son esprit, la question de la fonction et de l'importance
de la Maison Universelle de justice ne se posa jamais. En mars 1922, il la décrivait
comme "le conseil suprême qui guidera, organisera et unifiera les affaires du
Mouvement a travers le monde". En ces premiers jours de son ministère, deux
forces travaillaient indubitablement dans le Gardien: la première c'était son
impatience juvénile de mener rapidement a bien toutes les instructions de son
bien-aimé Maître dont l'établissement de la Maison Universelle de Justice.
La seconde c'était la direction divine et la protection que le Testament lui
promettait. Cette dernière force modifia la première. Plus d'une fois Shoghi
Effendi essaya d'entreprendre ne serait-ce que les préliminaires nécessaires
a l'élection de ce Corps suprême, et plus d'une fois la main de la Providence
manipula les événements de telle sorte que toute action prématurée fut impossible.
Lors des consultations tenues en 1922, il dut soudain se rendre compte du danger
que représentait, a une telle époque, même une étape préliminaire vers la formation
de la Maison Universelle de justice, quelque hautement désirable qu'une telle
étape puisse être en soi. La ferme fondation administrative exigée pour élire
et supporter cette institution manquait, ainsi qu'un réservoir de croyants qualifiés
et bien informés pour l'animer.
Ayant trouvé que la porte pour la formation de la Maison Universelle de justice
était fermée, Shoghi Effendi essaya d'établir au moins une forme préliminaire
qui pourrait procéder a son élection. Lorsqu'il chercha, dans les premières
années de son ministère, a attirer a Haïfa des gens pouvant l'aider dans son
travail, il avait en vue la formation d'un corps défini au Centre mondial. Cela
ressort de ses propres paroles. Le 30 août 1926, il écrivait a un baha'i: "J'étudie
sérieusement les voies et les moyens pour la formation d'un secrétariat efficace
et compétent a Haïfa... J'y ai beaucoup pensé et j'explore encore, cherchant
un associé compétent, de confiance, méthodique et expérimenté qui puisse, sans
contrainte et sans malaise se consacrer des mois durant a une tâche aussi importante
et responsable. Quand cela sera réalisé, je chéris de plus grands espoirs pour
renforcer les liens vitaux qui lient le Centre de Haïfa a toutes les Assemblées
du monde Baha'i. Le 7 décembre de la même année, il informait un membre de sa
parenté que deux baha'is l'avaient rejoint a Haïfa et que "nous espérons former
une sorte de Secrétariat International baha'i..." Toutefois, la vraie signification
de ce Secrétariat qu'envisageait Shoghi Effendi, est explicitement affirmée
dans une lettre écrite deux semaines plus tard a M. Abramson, le Commissaire
du District Nord de la Palestine. Après avoir mentionné leur nom Shoghi Effendi
écrivait que ces "deux représentants baha'is... Je leur ai demandé de venir
ici afin de considérer avec moi et avec d'autres baha'is venant de l'Est la
formation d'un Secrétariat International baha'i comme une étape préliminaire
a l'établissement du Conseil International baha'i".
Un pèlerin indien note dans une lettre a un ami, lettre écrite le 15 juin 1929:
"Shoghi Effendi dit... tant que les différentes Assemblées Nationales ne sont
pas stabilisées, avec des positions bien organisées, il serait impossible d'établir
même une Maison de Justice officieuse. Il nous demande de terminer d'abord la
constitution de l'Assemblée Nationale dans la même ligne que celle de l'Amérique
et de l'enregistrer auprès du Gouvernement indien, si possible comme un corps
religieux, sinon comme un corps commercial... Shoghi Effendi a insisté dans
ses récentes lettres aux pays orientaux pour que les Assemblées soient reconnues
comme des tribunaux religieux par les gouvernements locaux..."
Il est intéressant de noter que dans une lettre a Mme Stannard qui avait la
charge du Bureau International baha'i a Genève, un bureau qui devait promouvoir
en Europe les affaires de la foi et stimuler ses fonctions internationales et
qui était constamment encouragé et dirigé par le Gardien dans son travail, Shoghi
Effendi écrivait, en août 1926, qu'il désirait que le bulletin baha'i publié
par ce bureau le soit "dans les trois langues dominantes de l'Europe c'est-a-dire
l'anglais, le français et l'allemand... J'ai exprimé dans mon télégramme a vous,
ma disponibilité de vous apporter une aide régulière et financière afin que
la circulaire proposée soit publiée dans les trois langues officielles reconnues
de la partie occidentale du monde baha'i... Votre centre en Suisse et le Baha'i
Espéranto Magazine publié a Hambourg sont tous deux destinés a épauler certaines
des fonctions et des responsabilités qui seront a l'avenir entreprises par l'Assemblée
Internationale Baha'ie quand elle sera formée".
De nombreux passages tels que ceux-ci, particulièrement pendant les dix premières
années de son ministère, révèlent que Shoghi Effendi anticipe constamment sur
la formation d'une sorte de Secrétariat ou de conseil International, en attendant
l'élection de la Maison Universelle de justice, dont les fonctions, l'importance
et la signification grandissaient dans son esprit. Durant l'été 1929, le Gardien
conçut un temps l'idée de convoquer une conférence internationale baha'ie où
les amis s'assembleraient, de manière non-officielle, et discuteraient des voies
et moyens nécessaires a hâter la formation des Assemblées nationales en Orient
ainsi que de l'Administration en général, afin de hâter le jour où la Maison
de justice pourrait être élue comme envisagée par 'Abdu'l-Baha.
Mais quelques baha'is anciens avaient une conception différente de ce qui devait
se faire a cette conférence: ils désiraient l'élection d'une sorte de corps
intérimaire. Ayant appris ce fait, Shoghi Effendi télégraphia immédiatement,
le 12 décembre 1929, aux deux personnes engagées dans l'organisation de cette
conférence et l'annula péremptoirement. Elle serait, dit il, "une source de
confusion, de malentendus et même de controverses". Il recula devant le danger
qu'il prévoyait: voir des gens peu mûrs, non encore trempés dans la compréhension
de l'Ordre administratif qu'il développait et érigeait, assumer un rang et un
pouvoir qu'ils étaient certainement incapables de tenir sainement. Il laissa
dans l'ombre pendant plus de vingt ans l'ensemble de cette idée. Il cessa de
mentionner la formation de la Maison Universelle de justice, jusqu'à la création
du Conseil International Baha'i, composé des membres qu'il nomma lui-même. Pour
moi, il n'y a aucun doute, d'après ce qu'il me dit a différentes reprises, qu'il
sentit, dans les premières années de son Gardiennat, que quelques croyants éminents
désiraient être membres de la Maison Universelle de Justice ou de quelque institution
intérimaire. Shoghi Effendi voyait dans ses personnes une dépréciation de ses
capacités et de son jugement et une tentative de saisir les rênes de la cause;
ces hommes étaient suffisamment âgés pour être son père et, quels qu'aient pu
être leur sentiment envers le Testament du Maître, ils regardaient le Gardien
comme une jeune homme inexpérimenté.
Shoghi Effendi, dès le commencement, se concentra a multiplier, a renforcer
"les différentes Assemblées nationales et locales". Dès 1924, il affirmait qu'elles
constituaient "la roche de fond sur la solidité de laquelle, la Maison Universelle
devait être solidement établie et érigée dans l'avenir". Plus tard, chaque fois
que le Gardien appelait pour la formation de nouvelles institutions nationales,
il employait presque invariablement des phrases telles que celle de son télégramme
a la quatrième Conférence Européenne d'Enseignement de 1951: "'... Edifice future
Maison Universelle de justice dépend pour sa stabilité de solidité soutien piliers
érigés communautés diversifiées Est-Ouest, devant tirer puissance supplémentaire
par émergence trois Assemblées nationales... attend érection établissement institutions
similaires principaux pays européens
Par anticipation sur l'élection de ce corps auguste, Shoghi Effendi fit des
déclarations qui, ajoutées aux Paroles de son Fondateur, Baha'u'llah, et aux
pouvoirs et prérogatives nets et clairs que lui confère 'Abdu'l-Baha dans son
Testament, ne peuvent qu'étayer le pouvoir et faciliter les tâches de cette
Maison Universelle pour au moins mille ans. Shoghi Effendi dit que la Maison
Universelle de justice sera '"le noyau et le précurseur" du nouvel Ordre mondial;
il dit "que la future Maison" était une Maison "que la postérité regardera comme
le dernier refuge d'une civilisation chancelante"; qu'elle serait "la dernière
partie couronnant la structure embryonnaire de l'Ordre Mondial de Baha'u'llah";
qu'elle était "le corps législatif suprême dans la hiérarchie de la foi" et
son "institution élective suprême". Il affirma qu' "aux mandataires de la Maison
de Justice", Baha'u'llah "assigne le devoir de légiférer sur les matières
non expressément fournies dans ses Ecrits, et promet que Dieu les inspirera
de ce qu'il veut"; et il écrivit que "... les pouvoirs et les prérogatives
de la Maison Universelle de justice, possédant le droit exclusif de légiférer
sur les matières non explicitement révélées dans le livre le plus saint; l'ordonnance
dispensant ses membres de toute responsabilité envers ceux qu'ils représentent,
et de toute obligation de se conformer a leurs vues, convictions ou sentiments;
les clauses spécifiques exigeant l'élection libre et démocratique, par la masse
des croyants, du Corps qui constitue le seul organe législatif de la Communauté
Universelle baha'ie; ce sont la des traits parmi d'autres qui tendent a distinguer
l'Ordre qui s'identifie a la Révélation de Baha'u'llah de tout système existant
de gouvernement humain".
Soudain, un jour de novembre 1950, en Suisse, a l'époque où mon père avait,
comme l'annonça Shoghi Effendi, "miraculeusement" recouvré la santé après une
sérieuse maladie, le Gardien s'assit et, a mon grand étonnement, envoya des
câbles invitant a Haïfa le premier groupe de ceux qui devinrent plus tard les
membres du Conseil International Baha'i Comme dans toutes les choses qu'il faisait,
cela commença a poindre, puis le soleil de son concept finit par se lever a
l'horizon. A notre retour en Terre Sainte, lorsque Lotfullah Hakim (le premier
arrivé), Jessie et Ethel Revell, suivis de Amélia Collins et Mason Remey étaient
tous réunis, un jour, a la table de la Maison des Pèlerins occidentaux, avec
Gladys Weeden et son mari Ben qui y vivaient déjà, le Gardien nous annonça son
intention de constituer, parmi ce groupe, un Conseil International, Nous étions
tous paralysés par la nature sans précédent de ce pas qu'il franchissait et
par la grâce infinie qu'il conférait a ceux présents ainsi qu'au monde baha'i
dans son ensemble.
Cependant, il n'annonça cette nouvelle que le 9 janvier 1951 dans un télégramme
historique: "Proclame Assemblées Nationales Est-Ouest décision faisant fortement
époque formation premier Conseil International Baha'i précurseur institution
administrative suprême destinée émerger plénitude temps intérieur enceinte sous
ombre Centre spirituel mondial foi déjà établi cités jumelles 'Akka Haïfa."
L'accomplissement des prophéties de Baha'u'llah et d'Abdu'l-Baha par l'établissement
d'un Etat juif indépendant après deux mille ans, le développement de cette prodigieuse
entreprise historique qu'était la construction de la superstructure du mausolée
du Bab, la maturité adéquate des neufs Assemblée,., Nationales fonctionnant
vigoureusement, tout était combiné a l'induire a prendre cette décision historique
qui était la borne importante jalonnant l'évolution de l'Ordre administratif
depuis trente ans. Dans ce télégramme Shoghi Effendi disait que cette nouvelle
institution avait trois fonctions: forger les liens avec les autorités de l'Etat
nouvellement formé, l'aider dans la construction du mausolée ( seule l'arcade
était alors terminée) et mener les négociations avec les autorités civiles concernant
le statut personnel. D'autres fonctions seraient ajoutées a celles-ci lorsque
cette première "Institution Internationale embryonnaire" évoluera vers une cour
de justice baha'ie officiellement reconnue, sera transformée en un corps élu
et atteindra son épanouissement final dans la Maison Universelle de Justice;
celle-ci, en retour, verra sa fructification dans l'érection des nombreuses
institutions auxiliaires constituant le Centre mondial administratif. Ce message,
si palpitant par sa portée, éclata dans le monde baha'i comme un coup de tonnerre.
Shoghi Effendi, comme un ingénieur habile enclavant ensemble les parties composantes
de sa machine, avait maintenant mis en place l'ossature qui finalement supportera
la couronne: la Maison Universelle de Justice.
Le 8 mars 1952, quatorze mois plus tard, Shoghi Effendi annonça au monde baha'i
dans un long télégramme, l'élargissement du Conseil International Baha'i: "Membres
présents comprenant maintenant Amatu'l-Baha Ruhiyyih choisie liaison entre moi
et Conseil - Mains Cause Mason Remey, Amelia Collins, Ugo Giachery, Leroy loas,
respectivement, Président, Vice-Président, Membre a l'extérieur, Secrétaire
Général - Jessie Revell, Ethel Revell, Lotfullah Hakim, trésorière, Assistants
Secrétaires occidental et oriental."
Les membres d'origine étaient changés par le départ de Mr et Mme Weeden, pour
raison de santé, l'arrivée de M. loas qui avait offert ses services au Gardien,
et l'inclusion du Dr. Giachery qui continuait a résider en Italie et a superviser
la construction du mausolée, dont chaque pierre était extraite de la carrière,
coupée, taillée et sculptée dans ce pays et envoyée par bateau a Haïfa et dont
les tuiles dorées du dôme étaient commandées en Hollande. M. Giachery agissait
comme l'agent de Shoghi Effendi et commandait et achetait les nombreuses choses
nécessaires en Terre Sainte. En mai 1955, le Gardien annonça qu'il avait élevé
le nombre des membres du Conseil International Baha'i a neuf par la désignation
de Sylvia Ioas. Dans ses fonctions, le Conseil International Baha'i agissait
comme ce Secrétariat que, bien des années auparavant, le Gardien désirait former;
ses membres recevaient leurs instructions individuellement de Shoghi Effendi,
dans l'ambiance non officielle des dîners a la Maison des Pèlerins et non en
tant qu'un corps officiel. Les réunions du Conseil étaient rares car tous les
membres étaient constamment occupés par les nombreuses tâches que leur allouait
le Gardien lui-même, Très habilement, Shoghi Effendi utilisait cette nouvelle
institution pour créer dans l'esprit des autorités l'image d'un corps international
ayant en mains les affaires administratives du Centre mondial. Le public ne
se demandait pas si l'autorité de ce corps était grande ou petite; mais nous
qui en faisions partie, nous savions que Shoghi Effendi était tout; cependant
le public commença a voir une image qui pouvait évoluer ultérieurement vers
la Maison Universelle de Justice.
Entre les deux messages de Shoghi Effendi informant le monde baha'i de la formation
et de la composition du Conseil International Baha'i, le Gardien franchissait
un nouveau pas dans le développement du Centre mondial de la foi en annonçant
officiellement, le 24 décembre 1951 la désignation du premier contingent au
nombre de douze, des Mains de la Cause de Dieu, réparties également entre la
Terre Sainte et les continents asiatique, américain et européen. Les personnes
élevées a ce rang illustre, a cette époque, étaient: Sutherland Maxwell, Mason
Remey et Amélia Collins, en Terre Sainte; Valiyu'Ilah Varqa Tarazu'Ilah Samandari
et 'Ali-Akbar Furiîtan en Asie; Horace Holley, Dorothy Baker et Leroy loas en
Amérique; George Townshend, Herman Grossman et Ugo Giachery, en Europe.
Deux mois plus tard, le 29 février 1952, Shoghi Effendi annonçait aux amis de
l'Est et de l'Ouest qu'il avait porté le nombre des Mains de la Cause de Dieu
a dix-neuf par la nomination de Fred Schoflocher au Canada, Corinne Truc aux
Etats-Unis, Zikrullah Khadem et Shuaullah Alaï en Iran, Adelbert Mühlschlegel
en Allemagne, Musa Banani en Afrique et Clara Dunn en Australie. En désignant
ces Mains de la Cause, Shoghi Effendi dit que l'heure était venue pour lui de
franchir ce nouveau pas selon les clauses du Testament d'Abdu'l-Baha et que
cela allait de pair avec les mesures préliminaires de la formation du Conseil
International Baha'i destiné a culminer par l'émergence de la Maison Universelle
de justice. Il annonça que ce corps auguste des Mains était investi, conformément
au Testament d'Abdu'l-Baha, des deux fonctions sacrées de la propagation de
la foi et de la préservation de son unité.
Dans son dernier message au monde baha'i, daté d'octobre 1957, Shoghi Effendi
annonçait qu'il avait nommé '"un autre contingent de Mains de la Cause de
Dieu... Les huit personnes nouvellement élevées a ce rang sont: Enoch Olinga,
William Sears et John Robarts en Afrique d'Ouest et du Sud; Hassan Balyuzi et
John Ferraby aux Iles Britanniques; Collis Featherstone et Rahmatullah Mahajir,
dans les régions du Pacifique et Abul-Qasim Faizi dans la Péninsule arabique,
un groupe choisi dans les quatre continents du globe et représentant les Afnan
ainsi que les races blanche et noire et dont les membres sont issus des origines
chrétienne, musulmane et païenne."
Le Gardien, en 1952, sur une période de deux mois, créa un corps d'un Vahid
(dix-neuf ) de Mains de la Cause de Dieu et garda ce nombre jusqu'en 1957 quand
il ajouta huit autres Mains portant ainsi leur nombre a trois fois neuf. Chaque
fois qu'un des dix-neuf premiers décédait, Shoghi Effendi désignait une autre
Main. Deux des Mains ainsi nommées furent élevées a la position occupée par
leur père, le "manteau" de mon père tomba ainsi sur mes épaules, en mars 1952,
après la mort de Sutherland Maxwell; et Ali Muhammad Varqa fut désigné pour
succéder a son père en novembre 1955 et devint aussi le dépositaire de Huqùq
a sa place. Après la mort accidentelle de Dorothy Baker, Paul Haney fut fait
Main de la Cause le 19 mars 1954 et après le décès de Fred Schopflocher, Jalal
Khazeh fut élevé au même rang le 7 décembre 1953; peu après la mort de George
Towshend, le Gardien désigna Aghès Alexander le 17 mars 1957.
Ainsi donc le nombre de dix-neuf fut maintenu jusqu'à la désignation du troisième
contingent de Mains dans son dernier Message celui de mi-parcours de la Croisade
mondiale.
Entre le 9 janvier 1951 et le 8 mars 1952 des transformations remarquables et
profondes eurent lieu dans l'Ordre administratif de la foi et a son Centre mondial;
des, transformations qui, écrivit Shoghi Effendi, signifiaient a long terme
l'érection de "tous les rouages de ses plus hautes institutions", "les organes
suprêmes de son Ordre en marche" qui se développaient maintenant, dans "leur
forme embryonnaire", autour des mausolées sacrés. Shoghi Effendi avait souligné
dans ses écrits que les progrès et le développement de l'Ordre mondial de Baha'u'llah
étaient guidés par les puissances spirituelles dégagées par trois puissantes
"Chartes". La première nous était donnée par Baha'u'llah lui même dans la Tablette
du Carmel; les deux autres étant de la plume du Maître, nommément, son Testament
et ses Tablettes du Plan divin. La première opérait "dans une terre", affirma
Shoghi Effendi, "qui, géographiquement, spirituellement et administrativement
constitue le coeur de la planète entière", "la Terre Sainte, le centre et le
pivot autour desquels gravitent les institutions divinement désignées et rapidement
croissantes d'une foi avançant sans répit et encerclant le monde", "la Terre
Sainte, le Qiblih d'une communauté mondiale, le coeur d'où coulent continuellement
les influences énergétiques d'une foi vivifiante, et le siège et le centre autour
desquels les activités diversifiées d'un Ordre administratif désigné gravitent".
Le moyeu de cette Tablette du Carmel était ces paroles de Baha'u'llah: "Avant
longtemps Dieu conduira Son Arche sur toi et manifestera le peuple de Baha,
qui a été mentionné dans le Livre des Noms". Le "peuple de Baha" expliqua Shoghi
Effendi, signifiait les membres de la Maison Universelle de justice.
Tandis que la Charte du Testament du Maître opérait partout dans le monde par
l'érection de ces institutions administratives qu'il avait si clairement définies,
et la Charte de ses Tablettes du Plan divin concernait la conquête spirituelle
de la planète entière par les enseignements de Baha'u'llah. La Tablette du Carmel
jeta littéralement son illumination et ses grâces sur le Mont Carmel, sur Il
ce lieu consacré qui," écrivit Shoghi Effendi, Il sous les ombrages et la protection
du sépulcre du Bab,... est destiné a évoluer vers le centre local de ces institutions
administratives qui secouent le monde, embrassent le monde et dirigent le monde,
ordonnées par Baha'u'llah et anticipées par 'Abdu'l-Baha et qui doivent fonctionner
en concordance avec les principes qui gouvernent les deux institutions jumelles
du Gardiennat et de la Maison Universelle de Justice".
L'importance de la "gloire grandissante" de ces institutions du Centre mondial
se reflétaient dans les nombreux messages envoyés par Shoghi Effendi pendant
les dernières années de sa vie. Ces messages émurent un homme comme George Townshend
a tel point qu'il écrivit au Gardien le 14 janvier 1952, en le remerciant pour
la grâce d'être nommé Main de la Cause: "Permettez-moi de vous rendre un humble
hommage de la plus grande admiration et gratitude, pour avoir rapproché, presque
par votre seul pouvoir, la vision de la victoire de Dieu que vous avez propagée
devant un monde baha'i étonné".
Au cours de ces messages Shoghi Effendi révéla a la fois le rang et quelques
unes des fonctions de ce corps des Mains nouvellement créé. Il salua le développement
de cette "auguste institution" pendant les "années d'ouverture" de la seconde
époque de l'âge de formation de cette Dispensation. Cette institution que Baha'u'llah
avait annoncée, dont quelques membres avaient été nommés durant sa vie, et qu'Abdu'l-Baha
avait fermement établie dans son Testament. Les Mains de la Cause de Dieu en
Terre Sainte aidaient le Gardien dans l'érection du mausolée du Bab, le renforcement
des liens avec l'Etat d'Israël, l'extension des Dotations internationales en
Terre Sainte et en prenant les mesures préliminaires a l'établissement du Centre
administratif mondial baha'i.
Elles assistèrent également aux quatre grandes Conférences Internationales d'enseignement,
tenues durant l'Année Sainte, d'octobre 1952 a octobre 1953, en tant que représentants
du Gardien de la foi. Après ces conférences, sur les instructions de Shoghi
Effendi, ces Mains voyagèrent en Amérique du Nord, en Europe, en Asie et en
Australie. En avril 1954, Shoghi Effendi déclara que ce Corps des Mains entrait
maintenant dans la seconde phase de son évolution, marquée par la formation
des liens entre les Mains et les Assemblées spirituelles nationales engagées
dans la poursuite du Plan de Dix Ans. Les quinze Mains qui résidaient en dehors
de la Terre Sainte devaient désigner, pendant la période de Ridvan, dans chaque
continent, des Corps Auxiliaires dont les membres agiraient comme les "délégués",
les "assistants" et les "conseillers" des Mains et les aideraient de manière
croissante dans la promotion du Plan de Dix ans.
Ces corps devaient comprendre neuf membres chacun en Amérique, en Europe et
en Afrique, sept membres en Asie et deux en Australie. Ces Corps étaient responsables
devant les Mains de leurs continents respectifs. Les Mains, pour leur part étaient
également en étroit contact avec les Assemblées nationales de leur région et
informaient ces dernières des activités de leurs Corps Auxiliaires. Les Mains
étaient également en contact étroit avec les Mains de la Cause en Terre Sainte
qui devaient agir comme agent de liaison entre elles et le Gardien. A cette
époque, Shoghi Effendi inaugura les Fonds continentaux baha'is pour le travail
des Mains, en contribuant lui-même pour mille pounds a chacun d'eux.
Un an plus tard, Shoghi Effendi désigna les treize Mains de la Cause qui devaient
le représenter aux treize Conventions nouvelles se tenant en 1957. Depuis l'époque
où il désigna formellement les Mains, jusqu'à sa mort il les utilisa constamment
a cette fin. En 1957, exactement quatre mois avant son ascension, Shoghi Effendi
dans un long câble informa les croyants que "Consommation triomphale séries
entreprises historiques" et les "évidences croissantes hostilités extérieures"
et les "machinations persistantes intérieures" annonçant "terribles luttes destinées
ranger Armée Lumière forces ténèbres a la fois séculières religieuses" nécessitaient
une association plus étroite entre les Mains des cinq continents et les Assemblées
Nationales pour rechercher conjointement "activités scélérates ennemis internes
adoption mesures sages efficaces contrecarrer leurs combinaisons perfides" afin
de protéger la masse des croyants et d'arrêter la propagation des influences
néfastes de ces ennemis.
Au commencement de ce câble, Shoghi Effendi souligne qu'en plus de leurs responsabilités
nouvelles d'aider les Assemblées spirituelles nationales dans l'exécution de
la Croisade spirituelle mondiale, les Mains doivent maintenant accomplir "leur
obligation première" de surveiller et de protéger la Communauté mondiale baha'ie,
en étroite collaboration avec les Assemblées Nationales. Il termine ce prodigieux
message par ces mots: "Appelle Mains Assemblées Nationales chaque continent
séparément établit désormais contact direct délibérer chaque fois faisable aussi
fréquemment possible échanger rapports devant être soumis par leurs Corps Auxiliaires
Comités nationaux exercer vigilance sans relâche poursuivre sans fléchir devoirs
inéluctables sacrés - Sécurité précieuse foi préservation santé spirituelle
communautés baha'ies - vitalité foi ses membres - individuels - fonctionnement
correct ses institutions laborieusement érigées - fructification ses entreprises
mondiales - accomplissement sa destinée ultime - tout dépend directement exécution
convenable lourdes responsabilités maintenant reposant membres ces deux institutions
occupant avec Maison Universelle de Justice, juste après institution Gardiennat,
plus haut rang hiérarchie administrative divinement ordonné Ordre mondial Baha'u'llah".
Le dernier grand message de Shoghi Effendi, daté d'octobre mais effectivement
conçu en août, insiste encore sur la signification et l'importance de l'institution
des Mains de la Cause. Shoghi Effendi y désigne non seulement le dernier contingent
des Mains, mais franchit également un nouveau pas en inaugurant un nouveau Corps
Auxiliaire dans chaque continent: "Cette dernière addition au groupe des officiers
de haut rang d'un Ordre administratif évoluant rapidement, impliquant une plus
grande expansion de l'institution auguste des Mains de la Cause de Dieu, pour
pouvoir assumer leur responsabilité récente et sacrée comme protecteurs de la
foi, la désignation par ces Mains dans chaque continent séparément, d'un Corps
Auxiliaire supplémentaire, égal en nombre a celui déjà existant, et chargé du
devoir spécifique de veiller a la sécurité de la foi, complétant ainsi la fonction
du Corps originel dont le devoir sera désormais exclusivement d'aider a l'exécution
du Plan de Dix ans."
Il est presque inconcevable d'imaginer l'état dans lequel le monde baha'i aurait
été plongé, après la mort de Shoghi Effendi, s'il n'avait pas parlé en ces termes
des Mains de la Cause de Dieu et s'il n'avait pas clairement chargé les Assemblées
nationales de collaborer avec les Mains dans leur fonction première de protecteurs
de la foi. Ne pouvons-nous discerner, dans ces derniers messages, un nuage noir
de la dimension d'une main d'homme a l'horizon?
C'était le devoir et le droit de Shoghi Effendi, explicitement 1ffirmés dans
le Testament du Maître, de désigner les Mains de la Cause. A une exception près,
il fit des désignations posthumes pendant les trente premières années de son
ministère. C'était le plus grand honneur qu'il pouvait conférer a un croyant,
vivant ou mort. Il nomma ainsi de nombreux baha'is de l'Est et de l'Ouest après
leur mort.
La plus éminente de ces Mains fut Martha Root, qu'il qualifia de première en
rang des Mains du premier siècle baha'i, depuis le commencement de l'âge de
formation. La seule exception fut Amélia Collins. Il lui télégraphia le 22 novembre
1946: "Vos magnifiques services internationaux dévotion exemplaire et maintenant
ce service insigne me poussent vous informer votre élévation rang Main Cause
Baha'u'llah. Vous êtes première recevoir vivante cet honneur. Quant au moment
annonce laissez-le a ma discrétion". Shoghi Effendi avait l'habitude d'informer
chaque Main de son élévation a ce rang au moment où il rendait public son choix.
A Fred Schopflocher et Musa Banani, qui étaient en pèlerinage et a moi même,
il nous l'apprit de vive voix. Il est impossible d'essayer de décrire les sentiments
de stupéfaction, d'indignité et. de crainte des récipiendaires. Chaque coeur
reçut cet honneur comme une flèche soulevant en lui un plus grand amour et une
plus grande loyauté envers le Gardien.
Les longues années de préparation (a l'extérieur de la Terre Sainte, dans le
corps du monde baha'i par l'érection de la machinerie de l'Ordre administratif,
et a l'intérieur, par l'érection de la superstructure du mausolée du Bab et
par la consolidation générale du Centre mondial) avaient impliqué la création
d'un lieu digne du "Centre focal' , comme le qualifia Shoghi Effendi, des plus
importantes institutions de la foi. Ce lieu n'était rien de moins que les tombes
de la mère, de la soeur et du frère d'Abdu'l-Baha. Ces "trois âmes incomparablement
précieuses", comme il les appela, "qui, près des trois figures Centrales de
notre foi, dominent en rang au-dessus de la vaste multitude des héros, des Lettres,
des martyrs, des Mains, des enseignants et des administrateurs de la Cause de
Baha'u'llah".
La plus Sainte Feuille avait toujours désiré reposer près de sa mère qui était
enterrée a 'Akka, de même que son frère Mihdi. Mais quand Bahiyyih Khanum décéda,
en 1932, elle fut dignement inhumée sur le Mont Carmel près du mausolée du Bab.
Shoghi Effendi conçut alors l'idée de transférer les restes de la mère et du
frère de la plus Sainte Feuille, inhumés de manière si peu digne a 'Akka. En
1939, il commanda en Italie deux monuments en marbre, similaires en style a
celui érigé sur la tombe de la plus Sainte Feuille. Fort heureusement, ces monuments
arrivèrent sans dommages a Haïfa, malgré la guerre. Loin d'être une simple procédure,
"la consommation de cet espoir ancien et profondément chéri" fut extrêmement
difficile. Je citerai un extrait de mon propre récit publié sur ces événements,
car j'étais naturellement présente a Haïfa a cette époque:
"Alors qu'on était en train de creuser leur tombe dans la roche dure de la montagne,
Shoghi Effendi apprit que les briseurs du Covenant avaient protesté contre le
droit des baha'is de transférer les restes de la mère et du frère d'Abdu'l-Baha
a leurs nouvelles tombes, ayant la témérité effective de représenter au gouvernement
leur soi-disant droit en tant que parents des défunts. Toutefois, aussitôt que
les autorités civiles apprirent la vérité sur l'état des faits, que ces mêmes
parents avaient été les pires ennemis du Maître et de sa famille, qu'ils avaient
abandonné la vraie cause de Baha'u'llah pour suivre leur propre inclination
et qu'ils avaient été dénoncés par 'Abdu'l-Baha dans son Testament, ces mêmes
autorités approuvèrent le plan du Gardien et délivrèrent immédiatement les papiers
nécessaires a l'exhumation des corps... Sans autre délai, Shoghi Effendi, deux
jours plus tard, transféra lui-même la Branche la Plus Pure et sa mère sur le
Mont Carmel".
A l'aube, accompagné de quelques baha'is, Shoghi Effendi partit pour 'Akka,
ouvrit une tombe après l'autre et ramena les corps a Haïfa. Il me dit plus tard,
que cela avait été une expérience éprouvante pour ses nerfs. Il y avait d'abord
le risque réel de voir les briseurs de Covenant venir avec une partie de leurs
partisans au cimetière et essayer d'empêcher par la force l'exhumation; en cela
ils auraient eu la sympathie des musulmans qui considèrent l'ouverture des tombes
comme une grande profanation. Ils n'ouvrent en effet la tombe que pour infliger
la plus grande insulte aux gens. Ce danger mis a part, voir ouvrir une tombe,
quelque soit la noblesse de l'intention, est une expérience terrifiante, et
combien plus pour une personne aussi sensible que Shoghi Effendi. Quand la terre
fut enlevée de dessus du cercueil de la mère du Maître, il découvrit que le
bois était encore intact, sauf pour le fond qui était pourri. Aussi ordonna
t'il de soulever le cercueil doucement. Il me dit que le visage de la mère d'Abdu'l-Baha,
enveloppé dans son linceul, y reposait avec des contours si nets qu'on pouvait
presque discerner ses traits; mais au premier toucher il tomba en poussière
ainsi que les os. Il descendit dans la tombe et de ses propres mains il aida
a mettre le squelette dans le nouveau cercueil préparé a cet effet. Le cercueil
fut alors fermé et chargé sur un véhicule qui attendait. On se rendit alors
au second cimetière arabe où la Branche la plus Pure était inhumé.
Comme il avait été enterré deux décennies avant sa mère et que l'inhumation
avait été faite a la hâte, pendant les jours où Baha'u'llah était strictement
confiné dans la Caserne Prison d'Akka, le cercueil avait été complètement désintégré.
Shoghi Effendi ramassa, encore une fois, les os et les poussières restants et
les plaça dans le second cercueil. Tout fut mené a bien, mais cela prit des
heures terribles de tension et d'inquiétude. Je citerai encore une fois un extrait
de ce que j'écrivais a l'époque, car c'est beaucoup plus vivant que tout ce
que je pourrais réécrire aujourd'hui sur ces événements:
"Le crépuscule est tombé sur le Mont Carmel et le voile de l'obscurité s'est
épaissi sur le baie d'Akka. Un groupe d'hommes attend, debout vers la porte,
en bas des escaliers. Soudain, il y a un mouvement. Le jardinier court allumer
l'entrée et au milieu des rayons blancs de la lumière, une procession apparaît.
Un homme habillé de noir porte un lourd cercueil sur ses épaules. C'est le Gardien
de la Cause. Il porte les restes mortels de la Branche la plus Pure, le fils
bien-aimé de Baha'u'llah. Lentement, lui et les autres porteurs montent l'étroit
sentier et s'approchent, en silence, de la maison contiguë au tombeau de la
plus Sainte Feuille. Un serviteur dévoué court devant et avec un tapis et un
candélabre des mausolées saints prépare rapidement la pièce. Le visage aimable
et puissant du Gardien apparaît, alors qu'il entre par la porte, le précieux
poids toujours sur ses épaules. Le cercueil est posé temporairement dans une
humble pièce, face a Bahji, le Qiblih de la foi. De nouveau, ces serviteurs
dévoués, conduits par leur Gardien, retournent vers la porte et remontent a
nouveau le sentier portant une autre charge sacrée, cette fois le corps de la
femme de Baha'u'llah, la mère du Maître".
Le 5 décembre lorsque cette tâche fut accomplie en toute sécurité, l'Assemblée
de l'Amérique recevait le câble suivant de Shoghi Effendi: "Restes bénis Branche
plus Pure et mère du Maître transférés sécurité enceinte sacrée Mausolées Mont
Carmel. Humiliation longtemps affligée balayée. Machinations briseurs Covenant
échouées; plan déjoués. Désir chéri Feuille Plus Sainte accompli. Soeur, frère,
mère, femme, 'Abdu'l-Baha réunis un lieu destiné constituer centre focal institutions
administratives baha'ies au centre mondial de foi. Communiquer joyeuse nouvelle
corps croyants Américains. Shoghi Rabbani". Le Gardien avait dû signer de son
nom en entier, car nous étions en guerre et toutes les correspondances étaient
censurées.
Le goût exquis et le sens des proportions, caractéristiques de tout ce que le
Gardien créa, se révèlent plus que jamais dans les monuments en marbre érigés
sur les quatre tombes des proches parents d'Abdu'l-Baha. Dessinés en Italie
selon les instructions du Gardien et exécutés la-bas dans le marbre blanc de
Carrare, ils furent envoyés par bateau a Haïfa et érigés entre 1932 et 1942.
Autour de ces tombes; il créa les magnifiques jardins que nous appelons communément
les "jardins des Monuments" et qui entourent le centre de cet arc sur le Mont
Carmel aux abords duquel devront être réunis dans l'avenir les Institutions
internationales de la foi.
Pendant trois semaines ces restes précieux demeurèrent dans cette pièce, jusqu'au
26 décembre où Shoghi Effendi télégraphia: "Veille Noël restes bien-aimées Branche
plus Pure et mère 'Abdu'l-Baha exposés. Mausolée sacré du Bab. Jour Noël confiées
sol sacré Carmel. Cérémonie profondément émouvante présence représentants croyants
Proche-Orient. Poussé associer grande entreprise américaine Sept Ans mémoire
impérissable ces deux âmes saintes qui près fondateurs jumeaux foi et Parfait
Exemple dominent ensemble avec Plus Sainte Feuille au-dessus assemblée entière
fidèles. Me réjouis privilège engager mille pounds ma contribution Fonds Bahiyyih
Khanum destiné inauguration issue finale assurer conclusion contrat avril prochain
dernier étage restant construction Mashriqu'l-Adhkar. Temps presse occasion
précieuse puissante aide providentiellement promise indéfectible".
Le génie du Gardien pour faire les choses convenablement, suivant toujours fidèlement
les traces de son grand-père bien-aimé, est encore mieux démontré ici: il accomplit
l'inhumation de ces deux âmes saintes qui avaient été tant aimées par Baha'u'llah
avec un honneur et une révérence extrêmes. Cet événement est unique dans l'histoire
religieuse; et je sens qu'il faut qu'il reçoive son dû. Je me rapporte encore
une fois a l'article susmentionné: "la dernière pierre est posée dans les deux
caveaux, les fonds sont pavés de marbre, les plaques de nom fixées pour marquer
les têtes, la terre enlevée, le sentier qui mène a leur tombeau construit...
Et maintenant, une nouvelle fois sur les épaules du Gardien ils sont portés
pour être exposés dans la tombe Sacrée du Bab. Côte a côte, bien plus grands
que les grands de ce monde, ils sont posés sur ce seuil sacré, face a Bahji,
avec des cierges brûlant a la tête et des fleurs aux pieds...
Le lendemain, au coucher du soleil nous nous réunissons, une nouvelle fois,
au Mausolée sacré... Lentement, soulevés par les mains des fidèles, conduits
par Shoghi Effendi qui n'abandonne jamais sa précieuse charge... ils tournent
une fois autour du mausolée. Le cercueil du bien-aimé Mihdi porté par le Gardien,
suivi par celui de la mère d'Abdu'l-Baha, passe lentement près de nous. Gravitant
autour du mausolée, avançant dans le jardin illuminé, descendant le sentier
blanc, sortant et traversant la route éclairée par la lune, cette procession
solennelle passe. Hauts, paraissant se mouvoir seuls, au-dessus de la tête des
fidèles les cercueils s'acheminent... Ils passent devant nous, se profilant
contre le ciel nocturne... Ils s'approchent, le visage du Gardien contre cette
charge précieuse qu'il porte. Ils vont vers les caveaux qui attendent. Ils posent
maintenant la Branche la Plus Pure, glissant doucement le cercueil vers sa place
prédestinée. Il répand sur lui des fleurs, sa main est la dernière a le caresser.
La mère du Maître est alors placée de la même façon par le Gardien dans le caveau
voisin... Les maçons sont appelés pour sceller les tombes... des fleurs sont
jetées sur les caveaux et le Gardien les asperge d'essence de rose... Et maintenant
la voix de Shoghi Effendi s'élève: il chante des Tablettes révélées par Baha'u'llah
et destinées par lui a être lues sur leurs tombes".
Quand on se rappelle que ces événements d'une nature si délicate, créateurs
de tant d'attente et d'anxiété et agissant, chaque jour sur les nerfs eurent
lieu deux mois a peine après que le Gardien ait quitté le lit a la suite d'une
de ses plus graves maladies, nous ne pouvons que nous émerveiller, une fois
encore, sur sa vie pathétique et sa détermination de fer et sur le courage et
la dévotion qui l'animaient dans toutes les choses qu'il faisait.
Enfin, Shoghi Effendi, si puissamment guidé d'en haut, avait réussi a établir
son "centre focal". Mais ce ne fut que quatorze ans plus tard, qu'il put informer
le monde baha'i qu'il franchissait maintenant le pas qui "inaugurerait l'établissement
du Centre administratif mondial de la foi sur le Mont Carmel, l'Arche a laquelle
fait allusion Baha'u'llah dans les passages terminant sa Tablette de Carmel".
Ce pas ne fut autre que l'érection des Archives internationales baha'ies.
Peu après la construction des trois pièces supplémentaires du mausolée du Bab,
au commencement des années trente, Shoghi Effendi avait établi les Archives
du Centre mondial, dans ces lieux.
Il s'agissait des reliques précieuses de Baha'u'llah et d'Abdu'l-Baha qui étaient
déjà en possession de la famille du Maître et des nombreux anciens baha'is vivant
en Palestine. Les visiter, c'était une expérience émouvante et profonde. "Si
on pouvait marcher dans un musée de reliques authentiques de l'époque et de
la vie du Christ", ai-je écrit en 1937, après les avoir vues pour la première
fois, "qu'auraient-elles signifié pour les chrétiens croyants? S'ils avaient
vu ses sandales, poussiéreuses par la route entre Bethléem et Jérusalem, ou
le manteau couvrant ses épaules ou l'habit protégeant sa tête du soleil, quelle
atmosphère de certitude, d'étonnement et même d'adoration aurait remué les héritiers
de sa foi. Si leurs yeux pouvaient se poser sur une ligne même fragmentaire
écrite par sa main... pour la plupart des gens du monde la signification de
ces choses est au dela de leur imagination, mais pour les baha'is, croyant dans
la plus récente révélation de la volonté de Dieu jusqu'ici révélée a toute l'humanité
sur la planète, cet inestimable privilège a été sauvegardé".
Au fur et a mesure que les croyants apprenaient davantage sur ces archives et
que les pèlerins, en nombre toujours croissant, les visitaient et voyaient de
quelle manière ces objets historiques et sacrés étaient préservés, avec quelle
beauté ils étaient exposés, avec quelle vénération disposés, ils commençaient
a envoyer d'Iran des articles vraiment précieux associés aux figures centrales
de la foi, ainsi qu'a ces martyrs et héros. Parmi ces objets supplémentaires,
fortement bienvenus, il y avaient ceux appartenant au Bab, offerts par les Afnans
qui enrichirent grandement la collection. Ces archives prirent une telle dimension,
qu'il fallut transformer la petite maison où les restes de la Branche la plus
Pure et de sa mère furent déposés avant leur inhumation, en une annexe de musée.
Les deux endroits furent appelés, pour la facilité de l'expression "Grande"
et '"Petite" Archives ou encore "l'Ancienne" et "la Nouvelle".
Ce fut en 1954, durant la première année de la Croisade mondiale que Shoghi
Effendi décida de commencer ce qu'il appela "le premier et le principal édifice
destiné a constituer le siège du Centre administratif mondial baha'i qui devrait
s'établir sur le Mont Carmel". Son choix se porta sur un bâtiment qu'il considérait
nécessaire, urgent et faisable, nommément, un bâtiment pour héberger les reliques
historiques et sacrées réunies en Terre Sainte et qui étaient dispersées jadis
dans six pièces et deux bâtiments séparés. Avec Naw Ruz 1954, l'excavation des
fondations commença.
Shoghi Effendi était guidé dans le choix des plans pour les édifices de l'importance
de celui qu'il avait en vue, par trois considérations: Il devait être beau,
il devait être digne et il devait avoir une valeur perpétuelle et ne pas refléter
le style transitoire (et selon lui en général très laid) des édifices modernes
construits dans un temps d'expérimentation et de recherche de formes nouvelles.
11 était un grand admirateur de l'architecture grecque et considérait le Panthéon
d'Athènes comme un des plus beaux édifices jamais construits. Il choisit les
proportions du Panthéon comme modèle mais transforma l'ordre dorique des chapiteaux
en chapiteaux ioniques. Il approuva le plan final lorsque ses nombreuses suggestions
y furent incorporées; et "cet édifice imposant et saisissant fut terminé en
1957. Cela coûta approximativement un quart de million de dollars. Comme pour
le mausolée du Bab, il fut entièrement sculpté en Italie et envoyé par bateau
a Haïfa. Non seulement chaque pierre était numérotée, mais des cartes montrant
l'emplacement de chacune d'elles, facilitait la mise en place. Sauf pour les
fondations, le ciment armé, les murs et le plafond il ne serait pas incorrect
de dire que c'est un bâtiment fabriqué entièrement a l'étranger et monté localement,
Aucun travail entrepris par le Gardien ne peut mieux illustrer son originalité,
son indépendance envers les idées reçues et les conseils des autres et sa détermination
de faire les choses rapidement. Il passa d'abord beaucoup de temps a étudier
sur le terrain, avec des ficelles tendues, les dimensions du bâtiment, la position
exacte qu'il voulait pour l'édifice. Cette position changea de nombreuses fois
jusqu'à ce qu'il soit satisfait. Il s'occupa ensuite du paysage, traçant les
sentiers, plantant des arbres et des gazons. Il informa Leroy Ioas, qui devait
superviser le travail localement (comme Ugo Giachery supervisait l'autre partie
des travaux en Italie) que l'édifice devait être construit par l'arrière. Il
ajusta la façade avec les jardins qui entouraient pratiquement le bâtiment de
trois côtés, ne laissant qu'une marge de cinq mètres pour les travaux! Il en
résulta que l'édifice s'élevait dans un jardin planté qui avait poussé et mûri
lorsque le bâtiment fut terminé, et le site loin d'avoir cet aspect désolé de
terre tassée habituel aux chantiers, paraissait avoir toujours été la. Ce que
le Gardien fit la était vraiment providentiel, car sous sa direction, avec son
goût impeccable, son sens parfait des proportions, tout était terminé a sa mort.
En fait, il avait si bien préparé et terminé tout, que lorsqu'il fallut placer
les meubles et les objets d'art' (en français dans le texte)qu'il avait choisis
et achetés, tout ce qui était nécessaire était sous la main et les reliques
et les objets d'intérêt historique rassemblés si assidûment dans les grande
et petite archives furent placés a l'emplacement qu'il avait désigné pour eux,
plus ou moins comme il l'aurait fait lui-même.
Dans son dernier message de Ridvan au monde baha'i, la satisfaction de Shoghi
Effendi en ce qui concerne le bâtiment des Archives qu'il avait choisi et érigé
apparaît clairement. Après avoir annoncé la fin des travaux, il écrivait que
cet édifice "contribue, a un degré sans précédent, par sa couleur, son style
classique et ses proportions gracieuses, et en conjonction avec le mausolée
majestueux et couronné d'or qui s'élève plus loin, a la gloire grandissante
des institutions centrales d'une foi mondiale tapies au coeur de la Montagne
sacrée de Dieu".
Dans un message adressé au monde baha'i, le 27 novembre 1954, une nouvelle fois
a l'occasion de l'ascension de son bien-aimé Maître, Shoghi Effendi insiste
sur l'importance de cet édifice, affirmant que la possession d'un morceau de
terrain longtemps désiré et qu'il avait enfin acquis rendait possible de procéder
a l'érection des Archives internationales baha'ies. "L'érection de cet édifice,
poursuivait-il, annoncera en retour, la construction, au cours des époques successives
de l'âge de formation de la foi, plusieurs autres structures qui serviront de
sièges administratifs et des institutions divinement ordonnées telles que le
Gardiennat, les Mains de la Cause, la Maison Universelle de Justice. Ces édifices,
sur un grand arc élancé, et suivant un style architectural harmonieux, entoureront
les tombeaux de la Plus Sainte Feuille, dont le rang est plus élevé parmi les
membres de son sexe dans la Dispensation baha'ie, de son frère, qui fut offert
comme rançon par Baha'u'llah pour l'animation du monde et son unification, et
leur mère, proclamée par Baha'u'llah comme son 'épouse dans tous les mondes
de Dieu'. L'achèvement final de cette prodigieuse entreprise marquera le sommet
du développement d'un Ordre administratif mondial, divinement désigné, dont
le commencement peut être tracé aussi loin que les années clôturant l'âge héroïque
de la foi."
Si grande était l'importance que Shoghi Effendi attachait a cet "arc", dont
il avait étudié soigneusement les lignes sur le terrain et qui s'étend sur la
montagne sous la forme d'un gigantesque arc de cercle, ceinturant les tombes
des plus proches parents d'Abdu'l-Baha et sur le côte droit duquel se tient
maintenant le bâtiment des Archives, qu'il annonça son achèvement dans son dernier
message de Ridvan, en 1957: "Le plan destiné a assurer l'extension et l'achèvement
de l'arc servant comme base a l'érection des édifices futurs du Centre administratif
mondial baha'i, a été mené avec succès."