Médiathèque baha'ie

Chemins de croyants vers la foi

GUEUDRE Alain
sepideh.alain @ wanadoo.fr



      J'ai grandi au sein d'une famille que je qualifierais de "traditionnelle", sans histoires, avec mes parents et une soeur aînée. Ma mère étant croyante et pratiquante, j'ai donc suivi la "carrière" classique d'un enfant catholique : la messe à partir de six ans, le catéchisme, la communion, les scouts de France ... Ces derniers m'ont laissé plutôt de bons souvenir, mais pour le reste, je dirais que j'ai plutôt subi cette éducation religieuse qu'autre chose. Dès que j'ai été en âge de dire non, je ne suis plus allé à la messe, et j'ai totalement coupé les ponts avec toute forme de religiosité.

Après bien des années, j'ai fini par comprendre ce qui m'avais tant rebuté. Avant tout le manque de sens de tout cela, sens que personne n'a jamais su me faire appréhender : pourquoi se lever tôt le dimanche pour entendre toujours les mêmes paroles incompréhensibles et accomplir les mêmes rituels ? qu'est-ce que l'amour de Dieu ? Pourquoi soulever les jupes des filles à la récré est-il un péché ? ...Je n'ai jamais non plus entrevu le côté spirituel (mystique ?) de ces activités : la prière se résumait pour moi à ânonner des mots vides de sens car si je ne le faisais pas, ma mère ne serais pas contente et je risquais d'aller en enfer plus tard ... Et puis cette différence (certes discrète) que l'on faisait entre ceux qui vont à la messe et ceux qui n'y vont pas. Les premiers ne me paraissaient pas meilleurs que les deuxièmes, ni en paroles, ni en actes.

La vraie éducation morale que j'ai reçue, est en définitive celle qui m'a été transmise par ma mère, au travers des mille petites et grandes choses de la vie de tous les jours. Elle a su m'inculquer, entre autres, la notion fondamentale du respect de l'autre. En définitive, quoi de plus religieux que d'aimer son prochain comme soi-même ?

En ce qui me concerne, répondre à la question "comment avez-vous connu la foi baha'ie ?" est particulièrement simple : ... en même temps que ma femme qui était baha'ie ! Mais comme je ne crois pas beaucoup au hasard, la vraie question serait plutôt pour moi : pourquoi j'ai rencontré la Foi à ce moment et de cette manière. La réponse devient alors nettement moins simple ...

En fait, cette rencontre a eu lieu à un moment où je venais de prendre conscience du besoin de donner un sens à ma vie. Après avoir vécu quelques "galères" affectives dont la dernière m'avait heureusement poussé à me remettre sérieusement en question; après avoir finalement surmonté pas mal de blocages, je me trouvais au seuil d'une "nouvelle vie" qui m'offrait tellement de possibilités que je ne savais pas trop où aller.

J'avais quand même une certitude : celle de vouloir me fixer sur le plan affectif, car j'avais enfin pris conscience qu'une vie entière ne me suffirait pas pour faire le tour de la population féminine de cette planète ! La vraie histoire d'amour, on la construit, on décide de la vivre avec quelqu'un : il suffit d'être prêt, sans préjugés et l'amour arrive généralement là où l'on ne l'attend pas. Donc, fini les angoisses et de courir dans tous les sens !
Effectivement, j'ai rencontré Sepideh à cette époque. Et en même temps que ma Femme, je rencontrais une forme de spiritualité qui, je le sentais confusément, pourrait apporter une réponse à mes questions existentielles.


      Mais le chemin qui me restait à parcourir était quand même long.

Il fallait d'abord que je surmonte les sentiments profondément antireligieux que m'avait finalement laissée ma bonne éducation catholique, puis que j'admette l'existence d'une dimension spirituelle dans l'humain, qui jusque là se limitait pour moi à l'intellectuel essayant en permanence de gérer avec plus ou moins de succès ses pulsions.
Enfin, et surtout, il fallait que je finisse par m'asseoir sur mon ego qui avait beaucoup de mal à admettre l'existence d'une entité supérieure et omnisciente qui savait tout et gouvernait tout. Mais où allait donc passer mon libre arbitre, cette faculté unique qu'a l'être humain de décider de son propre sort ? Qu'il est long le chemin qui conduit d'une vision matérialiste à la compréhension (encore bien partielle !) de ce que la vraie liberté réside justement dans le détachement des choses de ce monde.

Le dernier obstacle à mon acceptation de la Foi était la prière : je ne me voyais vraiment pas agenouillé, en train de demander à Dieu de m'aider ou d'être clément avec telle ou telle personne. Jusque là, la prière était pour moi au mieux une distraction anodine pour grenouilles de bénitiers et au pire un moyen d'aliénation du plus grand nombre par certains.

Heureusement, la tranquille confiance en Dieu que Sepideh m'a montré en exemple, et le comportement vrai des amis que j'ai appris à mieux connaître m'ont été d'un grand secours pour surmonter tout cela.


      Alors, pourquoi donc me suis-je déclaré chez Mehnaz ce 14 Février 1995 ?

Si je me suis déclaré là, ce n'est pas non plus par hasard. Au départ c'est la communauté du 12éme que j'ai le plus fréquenté et j'ai toujours été ravi par l'accueil que j'y ai reçu. L'ambiance que j'y ai découvert a beaucoup fait pour m'attirer vers les baha'is : un mélange de gentillesse, de joie de vivre et de respect de l'autre que je n'avais jamais connu jusqu'à présent.
D'autre part, ce soir là, Farhad était présent et je crois que c'est lui qui a participé d'une manière décisive à mon choix - en tout cas sur le plan intellectuel - en m'ayant donné plusieurs mois auparavant la réponse à une question fort embarrassante : mais qu'est-ce donc que la Foi ? Sa réponse avait été à la fois tellement simple et tellement profonde : "c'est une histoire d'Amour entre toi et Dieu".

Ce moment correspondait aussi à notre retour de Terre Sainte. J'avais en fait pris ma décision là-bas après consultation avec mon épouse qui m'avait encouragé dans cette voie sans essayer aucunement - comme à son habitude - de m'influencer.
En fait, je crois qu'avant d'entreprendre ce voyage, j'étais mûr pour me déclarer. Il ne me manquait plus qu'une petite impulsion pour oser franchir le pas. Les 3 jours passés à Haïfa m'ont apporté plus que je n'espérais : voir la communauté en marche, ces lieux magnifiques, rencontrer ces gens extraordinaires pleins d'enthousiasme et d'humilité : tout cela aurait suffit à me décider. Mais j'ai eu en plus la chance de ressentir une grande émotion lors de la visite du tombeau de Baha'u'llah et pour la première fois de ma vie, je l'ai laissée m'envahir. Bref, je venais d'apprendre à écouter mon coeur et j'en suis sûr, la douce voix Divine à travers lui.


      Je ne pense pas qu'il y ait eu un enseignement bahà'i qui m'aie plus particulièrement attiré. C'est pour moi un ensemble de choses, que je suis loin d'avoir encore découvert en totalité aujourd'hui !
Cependant, sur le plan intellectuel, je dois dire que la notion de révélation progressive me fournit une explication claire et rationnelle de l'histoire et de l'évolution de l'humanité. Cela fait partie pour moi de ces idées qui émergent un beau jour et qui sont immédiatement évidentes, pour lesquelles on se dit "mais comment ai-je pu vivre jusqu'à présent sans cela ?"
Sur un plan plus mystique, spirituel ? (décidément ce mot m'embarrasse toujours ...) les Paroles Cachées de Baha'u'llah me touchent beaucoup. Je crois qu'on y trouve effectivement "l'essence profonde recouverte du vêtement de brièveté", les injonctions les plus terrifiantes et les plus belles paroles d'amour de Dieu envers sa création, dans une écriture d'une grande beauté.


      Avec maintenant trois ans de recul, je pense que pour moi l'apport essentiel de la foi baha'ie est la quasi disparition de cette angoisse existentielle, car maintenant j'ai acquis une réelle certitude sur le sens de ma vie : je suis là pour connaître et aimer Dieu. Vaste programme ! Et quelle grande responsabilité !
Mais aussi quelle ouverture sur la Vie : savoir que toutes les portes sont ouvertes, que rien n'est impossible dans le chemin de Dieu.
Evidemment, il y a bien quelques inconvénients, ces interminables réunions de comité, ces travaux administratifs (du boulot en plus du boulot !), ces baha'is dont on aimerait bien qu'ils soient comme ceci ou comme cela ... C'est probablement notre (petite) part de martyr dans le service à l'humanité, le chemin n'est pas des plus faciles, Il nous l'a bien dit.

Mais en définitive, quoi de plus motivant que de pouvoir prendre sa vie en main et aller de l'avant ?

Alain Gueudre

Retour à la bibliothèque