Le pouvoir de l'Alliance
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3. TROISIEME PARTIE : Le Visage de l'Opposition
Cette
troisième d'une série de quatre études sur l'Alliance de Baha'u'llah examine
le sujet des attaques contre la Foi baha'ie. Il est clair que la communauté
baha'ie elle-même peut légitimement faire l'objet de critiques au sens technique
de ce terme. Ni en tant qu'individus, ni en tant que communauté, les Baha'is
prétendent-ils être des miroirs parfaits de la Révélation de Baha'u'llah. C'est
là la fonction d''Abdu'l-Baha à titre de Centre de l'Alliance de Baha'u'llah.
Que ce soit en tant qu'individus ou en tant que communauté, les Baha'is ne prétendent
pas non plus posséder quelque chose comme une compréhension faisant autorité
des Enseignements de Baha'u'llah. Seules les Institutions du Gardiennat et de
la Maison Universelle de Justice sont assurées d'une direction parfaite à ce
sujet.
Les adeptes de la Foi baha'ie reconnaissent donc qu'ils seront toujours, et
à divers degrés, en deçà des normes que leur fixe leur Foi. Ces manquements
attireront inévitablement un certain nombre de sondages critiques de la part
des chercheurs sincères attirés par les Enseignements et qui se soucient de
la condition humaine. Les Baha'is ont appris à estimer profondément ce type
de discussion.
Le terme "opposition" est utilisé dans le titre de cette étude dans son
sens strict. Il réfère, non pas à ceux qui cherchent une compréhension plus
profonde de la Cause baha'ie, mais plutôt aux individus qui, pour une raison
ou pour une autre, tentent de contrecarrer l'oeuvre de la Foi, de nuire à son
nom ou de la supprimer tout à fait. Ces gens ne sont pas des Briseurs de l'Alliance
(voir la Deuxième Partie de cette série) puisqu'ils ne se sont jamais considérés
comme Baha'is, mais leurs activités présentent un type spécial de défi et de
possibilité aux membres de la Foi. Le but de la présente étude est de réunir
la direction pertinente des Ecrits baha'is afin d'aider les membres de la Foi
à y répondre.
3.1. L'Opposition : Pourquoi l'étudier ?
La plupart des Baha'is répugnent à s'engager à fond dans une discussion des
attaques contre la Foi. Ce n'est pas parce qu'ils craignent ces attaques. Tout
au contraire. L'histoire des cent trente-trois années écoulées offre un compte-rendu
continu, qui doit être unique dans les annales de la religion, de triomphes
remportés sur l'opposition de toutes sortes.
Tous ceux qui se sont levés pour s'interposer entre le Message de Baha'u'llah
et les masses de l'humanité - dynasties régnantes, systèmes ecclésiastiques,
régimes totalitaires - ont, sans exception, échoué dans leur objectif et, dans
la plupart des cas, sont disparus de la scène historique. Entre-temps, la Cause
de Baha'u'llah a constamment crû en force, étendant le champ de ses opérations
à travers le globe, consolidant ses institutions et démontrant combien elle
est pertinente aux questions fondamentales qui confrontent la race humaine.
En fait, les persécutions et le succès semblent si étroitement liés dans l'histoire
baha'ie que, en considérant ses registres, personne ne peut longtemps éviter
les implications soulignées par Shoghi Effendi, le Gardien de la Cause:
"Je suis... assuré et soutenu par la conviction, jamais atténuée dans mon
esprit, que tout ce qui arrive dans la Cause de Dieu, quelque troublants qu'en
soient les effets immédiats, est rempli d'une Sagesse infinie et tend ultimement
à promouvoir ses intérêts dans le monde. En effet, nos expériences du passé
lointain, tout comme les événements récents, sont trop nombreux et variés pour
permettre la méfiance ou un doute quelconque concernant la vérité de ce principe
de base - un principe que, à travers les vicissitudes de notre mission sacrée
dans ce monde, nous ne devons jamais abandonner ou oublier". 3-1
Une bonne part de la répugnance qu'éprouvent les Baha'is à considérer la question
de l'opposition, vient de l'emphase que les Enseignements baha'is mettent sur
une approche positive et optimiste aux défis de la vie. Le mal, insiste 'Abdu'l-Baha,
n'a aucune existence objective. C'est l'absence de bien :
"Le mal est le néant : ainsi, la mort est le néant de la vie; lorsque le
secours de la vie ne parvient plus à l'homme, il meurt. L'obscurité est le néant
de la lumière, quand il n'y a pas de lumière, l'obscurité règne : la lumière
existe, mais l'obscurité n'existe pas, c'est un néant". 3-2
Ainsi est-il que les Enseignements baha'is censurent fortement les conflits
de toutes sortes, sans égard aux circonstances. 'Abdu'l-Baha dit à ce sujet
:
"O vous, bien-aimés du Seigneur ! En cette Dispensation sacrée, les conflits
et les discordes sont rigoureusement interdits. Tout agresseur se prive de la
grâce de Dieu. Il incombe à chacun de faire preuve d'affection, de droiture,
de franchise extrêmes et de bonté sincère envers tous les peuples et tribus
de la terre, amis ou étrangers. L'esprit d'amour et de bonté doit atteindre
un tel degré que l'étranger puisse se sentir comme un ami et l'ennemi comme
un véritable frère, aucune différence ne les séparant plus. Car l'universalité
vient de Dieu et toutes les limitations appartiennent à la terre". 3-3
'Abdu'l-Baha indique clairement que ce principe s'applique au traitement non
seulement des personnes dont les vues sont différentes des nôtres, mais même
de celles qui tout à fait délibérément s'appliquent à causer du tort :
"Considérez vos ennemis comme des amis et ceux qui vous veulent du mal comme
s'ils vous voulaient du bien. Il ne faut pas voir le mal en tant que tel et
faire ensuite un compromis avec votre conscience, car traiter avec douceur et
bienveillance quelqu'un que vous trouvez mauvais et que vous croyez un ennemi,
ce serait de l'hypocrisie qu'on ne peut ni louer ni permettre. Non ! Vous devez
regarder vos ennemis comme des amis, et ceux qui vous veulent du mal comme s'ils
vous voulaient du bien, et il faut les traiter en conséquence. Agissez de telle
sorte que votre coeur soit dépouillé de toute haine". 3-4
Une autre raison pour laquelle les Baha'is trouvent difficile de s'engager à
fond dans une discussion des attaques contre leur Foi provient des sentiments
que produit une telle discussion. Ultimement, la foi en Dieu est une affaire
d'amour. Ceux qui reconnaissent le Messager de Dieu en viennent à l'aimer; à
obéir à ses Enseignements parce que ce sont les siens; à chérir la moindre trace
de sa vie. Ses compagnons, bien que depuis longtemps partis au monde de l'esprit,
deviennent des amis familiers pour les millions qui sont touchés et émus par
le pouvoir de leur exemple. Dans une telle association, non seulement notre
esprit et notre âme sont impliqués, mais aussi nos coeurs.
C'est cet héritage d'amour et de noblesse qui est attaqué par les ennemis de
la Foi. Les remarques de Shoghi Effendi sur ce sujet suggèrent les sentiments
de douleur et d'indignation qu'une contemplation de ces attaques doit soulever
dans tout Baha'i qui en fait l'expérience :
"Nombreux et puissants ont été ses ennemis qui, dès qu'ils ont découvert
les preuves de l'ascendance croissante de ses supporteurs, ont rivalisé les
uns avec les autres pour lancer à sa face les plus viles allégations et déchaîner
sur l'Objet de sa dévotion leur colère la plus féroce.
Combien souvent ceux-ci se sont moqués de l'insuffisance de ses ressources et
de l'apparente stagnation de sa vie ! Combien âprement ils ont ridiculisé ses
origines et, concevant mal son but, l'ont écartée comme un appendice inutile
d'une croyance expirante ! N'ont-ils pas, dans leurs attaques écrites, stigmatisé
la personne héroïque du Précurseur d'une Révélation aussi sainte comme un lâche
abjureur, un apostat perverti, et dénoncé tous ses volumineux écrits comme le
discours oiseux d'un étourdi ? N'ont-ils pas choisi d'attribuer à son divin
Fondateur les motifs les plus bas qu'un conspirateur sans scrupules et un usurpateur
puisse concevoir et considéré le Centre de son Alliance comme l'incarnation
d'une tyrannie impitoyable, un fauteur de troubles et un tenant notoire de l'opportunisme
et de la fraude ?
Ces ennemis impuissants d'une Foi grandissante ont maintes fois dénoncé ses
principes d'unification de l'humanité comme fondamentalement défectueux, ils
ont prononcé complètement fantaisiste son programme compréhensif et ils ont
considéré sa vision de l'avenir comme chimérique et positivement mensongère.
Les vérités fondamentales qui constituent sa doctrine ont été représentées par
ses détracteurs insensés comme un manteau de vains dogmes; ils ont refusé de
différencier sa machine administrative de l'âme de la Foi elle-même et ils ont
identifié les mystères qu'elle révère et soutient à la pure superstition.
Ils ont faussement conçu le principe d'unification qu'elle préconise et avec
lequel elle s'identifie comme une tentative superficielle d'uniformité; ils
ont condamné ses affirmations répétées de la réalité des agents surnaturels
comme une folle croyance en la magie, et ils ont rejeté la gloire de son idéalisme
comme une simple utopie. Chaque processus de purification, par lequel une Sagesse
inscrutable a choisi à diverses périodes de purger l'ensemble de ses disciples
élus de la souillure de l'indésirable et de l'indigne, a été salué par ces victimes
d'une jalousie implacable comme un symptôme des forces envahissantes du schisme
qui bientôt saperaient sa force, vicieraient sa vitalité et compléteraient sa
ruine". 3-5
Cependant, à un nombre incalculable d'endroits dans les Ecrits baha'is, les
Baha'is sont incités à "méditer profondément", à "peser et réfléchir"
sur le sujet de l'opposition au Message de Dieu. Tout récemment, la Maison Universelle
de Justice a dit que le temps était venu pour les Baha'is de partout de saisir
clairement ce qu'implique l'opposition à la Cause de Dieu. Ici, comme à tant
d'endroits dans les Enseignements, le Baha'i est appelé à discipliner ses réactions
morales et émotives en même temps qu'il cherche à approfondir sa compréhension.
La longanimité et la bonté qui ne tiennent pas compte de la douleur réelle de
la vie et de ses défis sont peu profitables à quiconque. Ainsi est-il que Baha'u'llah
nous assure:
"Si vous vous familiarisez avec les indignités qui ont été accumulées sur
les Prophètes de Dieu, et comprenez les causes véritables des objections exprimées
par leurs oppresseurs, vous apprécierez certainement la signification de leur
position. De plus, plus vous observerez étroitement les dénégations de ceux
qui se sont opposés aux Manifestations des attributs divins, plus ferme sera
votre foi dans la Cause de Dieu". 3-6
Donc, pour les Baha'is, une considération honnête du sujet des attaques contre
la Cause de Dieu exige à la fois la volonté de faire face aux faits de l'histoire
religieuse et aux circonstances actuelles et une détermination de détourner
de l'animosité les énergies soulevées par cet examen et de les mettre au service
de Dieu et du genre humain.
C'est donc dans cet esprit et avec ce but en vue que nous relevons la question
de l'opposition au Message de Baha'u'llah.
3.2. La Source de l'Opposition dans le Passé
Dans beaucoup de ses Écrits, Baha'u'llah attire l'attention sur l'opposition
soulevée très tôt dans l'histoire de chaque grande Révélation religieuse par
les gens chez qui elle est apparue. L'un de ses livres les plus importants,
le Kitab-i-Iqan, revoit l'histoire des attaques qui ont été faites contre des
personnages comme Abraham, Moïse, Jésus et Muhammad. Baha'u'llah prie ses lecteurs.
"Considérez les épreuves et l'amertume de la vie de ces Révélateurs de la
Beauté divine. Réfléchissez comment, seuls et isolés, ils ont affronté le monde
et tous ses peuples et ont promulgué la Loi de Dieu ! Peu importe combien graves
ont été les persécutions infligées à ces âmes saintes, ces âmes précieuses et
tendres, elles sont quand même restées patientes dans la plénitude de leur pouvoir
et, en dépit de leur ascendance, elles ont souffert et enduré". 3-7
Il y a deux milles ans, Jésus lui-même a déclaré que les personnes responsables
de cette persécution des Messagers de Dieu dans chaque âge ont été les membres
du clergé de la religion dominante du jour. Le jugement qu'il a passé sur eux
était sévère :
"Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes
le Royaume des Cieux ! Vous n'entrez certes pas vous-même, et vous ne laissez
même pas entrer ceux qui le voudraient !
Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui bâtissez les sépulcres
des prophètes et décorez les tombeaux des justes, …tout en disant : "Si nous
avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour
verser le sang des prophètes".
Ainsi, vous en témoignez contre vous-mêmes, vous êtes les fils de ceux qui ont
assassiné les prophètes !
Eh bien ! vous comblez la mesure de vos pères !
Serpents, engeance de vipères ! comment pourrez-vous échapper à la condamnation
de la géhenne ?" 3-8
Sans aucun doute, la sévérité de ce jugement a aidé à préparer les premiers
Chrétiens aux abus dont ils devaient faire eux-mêmes l'expérience aux mains
des clergés juif et païen. Pendant deux siècles après le Christ, le monde civilisé
du temps a été exposé aux calomnies contre la foi chrétienne qui étaient une
dérision de la vérité. Dans ces histoires, Jésus était présenté comme le rejeton
illégitime d'un mercenaire de passage.
A mesure que le temps s'est écoulé, de nouveaux détails ont été ajoutés, y compris
un nom pour ce parent tout à fait fictif. Les disciples étaient présentés comme
une bande de coupe-gorges fanatiques qui mêlaient la conspiration politique
au vol de grand chemin et aux voies de fait fortuites. L'entrée de Jésus dans
Jérusalem était décrite comme un dessein lunatique pour saisir le pouvoir politique.
Les métaphores innocentes des Évangiles ont été extirpées de leur contexte et
utilisées pour insinuer des pratiques obscènes et cruelles se tenant au coeur
de la nuit.
"L'évidence documentaire" a délibérément été fabriquée pour convaincre
l'autorité civile que la nouvelle foi était une menace à la sécurité publique.
Enfin, l'on a prétendu que cette misérable conspiration de bas-fonds avait été
transformée par des hommes habiles en une religion universelle qui plairait
aux "Occidentaux" éduqués d'alors, les Grecs et les Romains.
C'est un indice de l'efficacité de cette campagne diffamatoire qu'un historien
romain aussi respecté et informé que Tacitus ait parlé des Chrétiens comme de
personnes "qui sont haïes pour leurs abominations" De leur foi, Tacitus
dit :
"Réprimée pour l'instant (sous Néron), cette superstition détestable a de
nouveau éclaté, non plus seulement en Judée, où le mal a débuté, mais à Rome,
dans laquelle afflue tout ce qui est horrible et honteux dans le monde entier,
et de nombreuses gens l'appuient". 3-9
Il ne fait aucun doute que les calomnies inventées par une prêtrise antagoniste
ont été responsables, non seulement de la persécution des premiers Chrétiens,
mais aussi du long et tragique délai intervenu avant que le message du Christ
puisse influencer de façon décisive le cours de l'histoire mondiale. La souffrance
causée par ce délai nous aide considérablement à comprendre la véhémence avec
laquelle le Christ et les autres Manifestations de Dieu ont condamné ceux qui
en étaient responsables.
De même, le Bab, se référant à l'échec des nations chrétiennes à profiter de
la Révélation du saint Qur'an, dit :
"Le blâme retombe sur leurs docteurs, car si ceux-ci avaient cru, ils auraient
été suivis par la masse de leurs compatriotes. Voyez, alors, ce qui est arrivé
! Les hommes savants de la Chrétienté sont tenus pour savants en vertu de leur
préservation de l'enseignement du Christ; pourtant, considérez comment ils ont
eux-mêmes été la cause de l'échec des hommes à accepter la Foi et à atteindre
au salut !" 3-10
Baha'u'llah attire notre attention sur les moyens par lesquels les membres du
clergé ont exercé leur influence néfaste. Dans de nombreux cas, ils ont été
considérés par la masse de la population comme les porte-parole de Dieu sur
terre. Quand ils se sont détournés du Message divin, les congrégations ont suivi
leur exemple, et quand ils ont fait appel aux efforts pour oblitérer la nouvelle
religion, très souvent des foules se sont levées et ont exécuté leurs ordres
:
"Et les hommes, les prenant pour guides au lieu de Dieu, se placent entièrement
sous l'autorité de ces chefs prétentieux et hypocrites, car ils n'ont ni oreilles,
ni yeux, ni coeurs pour reconnaître le vrai du faux". 3-11
Au-delà de cette influence sur la population en général, l'histoire contient
de nombreux exemples du succès des chefs religieux à manipuler ou à provoquer
l'autorité civile à entreprendre des persécutions. Le rapport entre les Pharisiens
du temps de Jésus et Ponce Pilate, le gouverneur romain, est une illustration
de ce processus qui nous vient aisément à l'esprit. Baha'u'llah a dit sur ce
sujet :
"La source et l'origine de la tyrannie se trouvent chez les membres du Clergé.
C'est en suivant les sentences prononcées par ces hommes volontaires et hautains
que les souverains de la terre ont commis ces actions dont vous avez entendu
parler... Dieu, en vérité, se retire d'eux, et Nous aussi, Nous Nous retirons
d'eux..." 3-12
En incitant les étudiants en religion à méditer soigneusement sur l'opposition
que les chefs religieux ont lancée contre chaque nouvelle Révélation de Dieu,
Baha'u'llah centre notre attention sur les motifs sous-jacents à cette opposition
:
"Pesez un moment, et réfléchissez à ce qui a été la cause d'une telle dénégation
de la part de ceux qui ont cherché avec tant d'avidité et de désir". 3-13
"Quelle a pu être la raison d'une telle dénégation et d'un tel écart de leur
part ? Qu'est-ce qui a pu les induire à refuser de mettre de côté le vêtement
de la dénégation et se parer de la robe de l'acceptation ?" 3-14
"Et maintenant, pesez ces choses. Qu'est-ce qui a pu causer tant de dispute
et de conflit ? Pourquoi la venue de chaque véritable Manifestation de Dieu
a-t-elle été accompagnée de tant de lutte et de tumulte, par tant de tyrannie
et d'émeute ? Qu'est-ce qui a pu provoquer un tel comportement envers les Révélateurs
de la beauté du Très-Glorieux ?" 3-15
Dans le Kitab-i-Iqan, Baha'u'llah identifie quelques-uns de ces motifs chez
les adversaires ecclésiastiques :
"Certains par soif de mener, d'autres par manque de connaissance et de compréhension,
ont été la cause de la privation du peuple... Satisfaits d'un empire transitoire,
ils se sont privés d'une souveraineté éternelle". 3-16
et plus loin dans le même Livre :
"Parmi ces grands voiles qui empêchent les hommes de voir, il faut compter
les prêtres et les docteurs du temps des Manifestations qui, manquant de compréhension,
et tout à leur amour du pouvoir matériel, ne se rendent pas à la Cause de Dieu;
que dis-je, ils refusent d'écouter la divine Mélodie, "ils se bouchent les oreilles."
3-17
Dans une autre Tablette, il ajoute :
"Les prêtres insensés ont rejeté le Livre de Dieu, et ils portent toute leur
attention sur ce qu'ils ont eux-mêmes imaginé. L'Océan de la Connaissance est
révélé... et cependant, ainsi que des vers de terre, ils sont plongés dans la
boue de leurs chimères et de leurs inventions". 3-18
Les motifs de l'opposition à la Révélation divine sont donc de deux sortes :
l'ambition, la jalousie et l'orgueil d'une part et, d'autre part, l'ignorance,
l'erreur et le préjugé. Le patron s'est répété chaque fois qu'une Manifestation
de Dieu est apparue. Beaucoup trop de chefs religieux dans chaque âge ont vu
le nouveau Message comme une menace au contrôle qu'ils exerçaient sur les esprits
et les affaires de l'humanité et au prestige qui accompagnait ce contrôle. Le
nouveau Message a aussi contredit les significations que ce même clergé a attachées
aux Écrits antérieurs et les systèmes clos de théologie qu'il a érigés sur ces
interprétations humaines.
3.3. L'Opposition à Baha'u'llah
Baha'u'llah nous aide à considérer les attaques contre sa propre Révélation
et celle du Bab dans le cadre de cette longue histoire d'opposition à la révélation
progressive de la Volonté de Dieu :
"En tout temps, les hommes ont considéré tout Réformateur du Monde comme
un fomentateur de discorde et ont référé à Lui dans des termes familiers à tous.
Chaque fois que l'Étoile du Jour de la Révélation divine a scintillé à l'horizon
de la Volonté de Dieu un grand nombre d'hommes l'ont reniée, d'autres se sont
détournés d'elle, et d'autres encore l'ont calomniée, écartant ainsi les serviteurs
de Dieu de la rivière de l'aimante providence de Celui qui est le Roi de la
création. De même, ceux qui en ce jour n'ont pas rencontré cet Opprimé et ne
se sont pas associés à lui ont dit, et même maintenant continuent à dire, les
choses que tu as entendues..." 3-19
Dans une Tablette adressée à l'un des ecclésiastiques musulmans qui avait pris
la première place pour inciter la populace à la violence, d'abord contre les
martyrs babis et plus tard contre les disciples de Baha'u'llah lui-même, il
dit :
"Juge équitablement, je t'adjure par Dieu. Quelle preuve les docteurs juifs
ont-ils alléguée par laquelle condamner Celui qui était l'Esprit de Dieu (Jésus
Christ), quand il vint à eux avec la vérité ?... En fait, tu as produit, en
ce jour, les mêmes preuves que les prêtres insensés ont avancées en cet âge-là...
Tu as vraiment marché sur leurs traces; que dis-je ! tu les as surpassés dans
leur cruauté, et tu as estimé que tu aidais la Foi et défendais la Loi de Dieu".
3-20
Shoghi Effendi décrit ainsi la réception accordée au Bab par ceux qui étaient
les chefs civils et religieux de son temps :
"Arrestation soudainement opérée et emprisonnement dès la première année
de Sa courte et spectaculaire carrière; affront public, délibérément infligé
en la présence des dignitaires religieux de Shiraz; incarcération rigoureuse
et prolongée dans les forteresses désolées des montagnes d'Adhirbayjan; dédain
méprisant et lâche jalousie manifestée par le Magistrat suprême du Royaume,
aussi bien que par le Premier Ministre de son gouvernement; interrogatoire dérisoire
effectué en présence de l'Héritier du Trône et des Chefs religieux les plus
distingués de Tabriz, et soigneusement élaboré pour la circonstance; humiliation
de la bastonnade infligée dans la Maison de prière sur l'ordre de Shaykhu'1-Islam
de Tabriz; finalement, pendaison dans la cour de la caserne de cette ville.
La décharge d'une salve de plus de sept cents balles sur sa jeune poitrine,
sous les yeux d'une populace endurcie de plus de dix milles individus, et pour
couronner le tout, l'ignominieuse exposition de ses restes mutilés sur le bord
du fossé, hors des murs de la ville, voilà les étapes progressives du Ministère
tumultueux et tragique de Celui dont l'Âge inaugura la consommation de tous
les Âges, et dont la Révélation accomplit la Promesse de toutes les autres Révélations".
3-21
Dans le cas de Baha'u'llah, Shoghi Effendi raconte son incarcération "en
la compagnie des plus vils criminels, chargé de chaînes écorchantes" dans
un "cachot souterrain de Tihran, infesté de vermine"; la "violence
sauvage" avec laquelle il a été lapidé par la foule; son assujettissement
à la bastonnade "par l'ordre, et en présence des siyyids et mujtahids assemblés,
aux mains desquels il avait été livré par les autorités civiles", les "outrages"
et les "abus" accumulés sur lui quand il fut conduit "à pied et enchaîné,
tête-nue et pieds nus" de Niyavaran au "Trou Noir" de Tihran; "l'avidité
avec laquelle des fonctionnaires prévaricateurs pillèrent sa demeure et saisirent
tous ses biens"; son bannissement, sans procès ou condamnation "au coeur
de l'hiver, dépouillé et diffamé," 3-22
de l'Empire persan en 'Iraq avoisinante; et enfin, après une série d'exils,
son emprisonnement à la colonie pénitencière pestilentielle d' 'Akka.
A compter de huit ans, 'Abdu'l-Baha a fait l'expérience de mauvais traitements
similaires pendant la plus grande partie de sa vie. Une part de son travail
le plus important a en fait été exécutée sous la menace imminente de mort, une
menace qui fut finalement levée seulement quand la Palestine est sortie des
mains des Turcs ottomans en 1918.
Enfin, plusieurs milliers de ceux qui ont suivi la nouvelle Révélation ont subi
le massacre, le pillage, la torture, le dénigrement, l'exil et l'incarcération.
Le Gardien estime que ceux qui ont péri au cours de la persécution de la Foi
babie se chiffraient à quelques 20,000 âmes, y compris plusieurs des esprits
les plus fins du temps.
Les persécutions, comme celles du Bab, de Baha'u'llah et d''Abdu'l-Baha, étaient
l'oeuvre des gouvernements et peuples des pays à prédominance musulmane et,
comme dans les âges antérieurs, l'influence principale derrière les attaques
était celle du clergé de la foi dominante: "Après d'attentives observations,"
remarque Baha'u'llah, "Nous avons découvert que Nos ennemis sont, pour la
plupart, des Ministres de la religion". 3-23
La suppression de la Foi baha'ie dans un nombre de pays musulmans se poursuit
encore de nos jours. Bien que les massacres sur une grande échelle qui ont épouvanté
les observateurs occidentaux du XIXième siècle ne se produisent plus, un résidu
de préjugé populaire et de mauvaise grâce continue à tourmenter les Baha'is.
Dans plusieurs pays, les institutions baha'ies sont proscrites et les communautés
baha'ies sont sévèrement limitées dans la liberté dont elles jouissent. Dans
d'autres, la violence de la populace continue à être une menace toujours présente.
Une grande part des énergies de la communauté baha'ie est vouée à tenter d'assurer
les autorités civiles de ces pays de la loyauté des Baha'is envers le gouvernement
et à clarifier les malentendus et préjugés si assidûment cultivés par une génération
précédente d'ennemis ecclésiastiques.
Le feu matériel, comme l'a souligné Baha'u'llah, "ne dure qu'un moment,"
mais l'effet du "feu de la langue... persiste durant un siècle." 3-24
A l'occasion, quand tous les efforts de ce genre aux niveaux local et national
ont échoué, il s'est prouvé nécessaire de faire appel à l'intervention, d'abord
de la Ligue des Nations et plus tard des Nations Unies.
Face à une hostilité aussi âpre et datant d'aussi loin de la part d'adversaires
qui semblaient jouir de tous les avantages du pouvoir arbitraire tout comme
de l'appui aveugle des ignorants et violents parmi la population, l'émergence
de la communauté mondiale baha'ie semble vraiment miraculeuse.
Car la Cause de Baha'u'llah n'a pas seulement survécu, mais elle a triomphé
au-delà même des plus brillants espoirs de ses tout premiers disciples et des
craintes les plus folles de ses ennemis ecclésiastiques du XIXième siècle. Personne
chez ces derniers n'aurait pu concevoir qu'un temps viendrait où le mouvement
qu'ils avaient harcelé presque jusqu'à l'extinction deviendrait une communauté
religieuse mondiale, jouissant du statut consultatif avec les membres non-gouvernementaux
des Nations Unies, établie dans plus de 350 pays et principaux territoires,
opérant par l'intermédiaire de plusieurs milliers d'institutions élues localement
et nationalement, embrassant des personnes de toutes origines raciales, sociales,
culturelles et religieuses de la terre, et ayant passé sans anicroche le premier
siècle critique de son existence, son unité fermement intacte.
Ni, non plus, ces membres du clergé auraient-ils pu anticiper qu'en ce même
temps leur propre pouvoir leur échapperait, leurs institutions se dissoudraient,
leurs doctrines les plus sacrées seraient tournées en dérision et eux-mêmes
deviendraient des figures raillées dans une société séculière et irrévérencieuse.
3.4. L'Opposition des Régimes Totalitaires
En Occident, l'opposition à la Foi baha'ie a, la plupart du temps, pris une
forme beaucoup moins violente. La persécution physique des Baha'is s'est presqu'entièrement
limitée à la Russie soviétique et à l'Allemagne nazie.
Shoghi Effendi a résumé les événements de Russie, au cours des années de 1920
et 1930, comme étant une "crise" qui "amena peu à peu des restrictions
à l'égard de ces communautés, limitant leur liberté, entraînant l'interrogatoire
et l'arrestation de leurs représentants élus, la dissolution de leurs assemblées
locales et de leurs comités correspondants, à Moscou 'Ishqabad, Bakou et autres
localités des provinces ci-dessus mentionnées, ainsi que la cessation de toutes
les activités de la jeunesse baha'ie. Cette crise conduisit même à fermer les
écoles baha'ies, les jardins d'enfants, les bibliothèques et salles de lecture
publiques, à intercepter toute communication avec les centres baha'is étrangers,
confisquer les presses à imprimer les livres et documents, défendre toutes les
activités enseignantes, annuler la constitution baha'ie, supprimer tous les
fonds nationaux et locaux, et interdire aux non-croyants d'assister aux réunions
baha'ies".
"... En 1938, la situation s'aggrava rapidement au Turkestan et dans le Caucase,
conduisant à l'emprisonnement de plus de cinq cents croyants - dont beaucoup
moururent - ainsi que d'un certain nombre de femmes, et à la confiscation de
leurs propriétés; ces mesures furent suivies par l'exil de plusieurs membres
éminents de ces communautés, en Sibérie, dans les forêts polaires et autres
lieux situés au voisinage de l'Océan Arctique, puis, par l'expulsion, en Perse,
de la plupart des derniers membres de ces communautés, vu leur nationalité persane,
et enfin par l'expropriation complète du temple lui-même qui fut transformé
en musée des arts". 3-25
Une opposition similaire à la Foi s'est rapidement développée en Allemagne,
en 1933, à la suite de l'instauration du parti nazi comme gouvernement :
"En Allemagne également, la naissance et l'établissement de l'Ordre administratif
de la Foi, que les croyants allemands contribuaient de plus en plus, et d'une
manière remarquable, à développer et à établir solidement, furent bientôt suivis
par des mesures de répression qui, moins graves que les tourments infligés aux
Baha'is du Turkestan et du Caucase, aboutirent quand même à faire cesser pratiquement
toute activité baha'ie organisée à travers ce pays, pendant les années qui précédèrent
immédiatement le conflit actuel. L'enseignement public de la Foi, mettant ouvertement
l'accent sur la paix et l'universalité et rejetant le racisme, fut officiellement
interdit, les assemblées baha'ies et leurs comités furent dissous, les réunions
en conventions défendues, les Archives de l'Assemblée Spirituelle Nationale
saisies, l'école d'été abolie et la publication de toute littérature baha'ie
suspendue". 3-26
Le fait que, dans ces deux cas, l'État qui a persécuté la Foi s'identifiait
à une idéologie qui avait assumé dans les affaires humaines la place normalement
occupée par les systèmes religieux, est significatif. C'est-à-dire que l'État
lui-même cherchait non seulement à contrôler les actions des hommes, mais aussi
à dominer leurs esprits et leurs cerveaux. Bien que les deux idéologies aient
été athées, ceux qui en occupaient les postes de commande, comme le clergé avant
eux, se considéraient comme les porte-paroles de la vérité universelle et justifiés
dans l'utilisation de tout moyen à leur disposition pour supprimer les croyances
contraires.
Ailleurs, en Occident, la Foi n'a jusqu'à maintenant eu que peu de problèmes
avec les autorités civiles. La plupart du temps dans les nations occidentales,
l'Église et l'Etat sont séparés. Ce fait, en même temps que l'éducation publique
largement répandue, rend plus difficile à un groupe sectaire d'utiliser le gouvernement
civil à des fins ecclésiastiques.
Toutefois, il est vital que, dans toutes les situations, les Baha'is évitent
toute trace d'implication dans les affaires politiques. A ce sujet, la Maison
Universelle de Justice dit :
"L'Armée de la Cause, s'avançant sur l'ordre du Seigneur pour conquérir les
coeurs des hommes, ne peut jamais être vaincue, mais le rythme de son avance
peut être ralenti par des actes manquant de sagesse et ignorants de la part
de ses supporteurs... L'une de ces questions, et de loin la plus importante,
est le manque d'appréciation des implications du principe baha'i de non-interférence
dans les affaires politiques. Nous trouvons qu''Abdu'l-Baha et Shoghi Effendi
nous ont donné des raisons claires et convaincantes pour lesquelles nous devons
soutenir ce principe...."
La Communauté baha'ie est un organisme mondial qui cherche à établir la paix
véritable et universelle sur la terre. Si un Baha'i travaille pour un parti
politique en vue d'en vaincre un autre, c'est une négation de l'esprit même
de la Foi. L'appartenance à tout parti politique entraînant donc nécessairement
la répudiation de certains ou de tous les principes de paix et d'unité proclamés
par Baha'u'llah. Comme 'Abdu'l-Baha l'a déclaré : "Notre parti est le parti
de Dieu; nous n'appartenons à aucun parti"....
Si les institutions de la Foi, Dieu les en préserve, devaient s'impliquer dans
la politique, les Baha'is se retrouveraient soulevant l'antagonisme au lieu
de l'amour. S'ils prenaient parti dans un pays, ils seraient obligés de changer
les vues du peuple d'un autre pays sur les buts et fins de la Foi. En s'impliquant
dans les disputes politiques, les Baha'is, au lieu de changer le monde ou de
l'aider, seraient eux-mêmes perdus et détruits. La situation mondiale est si
confuse et les questions morales, auparavant claires, si confondues avec les
factions égoïstes et en lutte, que la meilleure façon pour les Baha'is de servir
les plus hauts intérêts de leur pays et de la cause du véritable salut du monde,
c'est de sacrifier leurs poursuites et affiliations politiques et d'appuyer
de tout coeur et pleinement le système divin de Baha'u'llah. 3-27
3.5. Opposition du Clergé Chrétien
A part les deux ou trois situations totalitaires mentionnées, les attaques contre
la Foi baha'ie en Occident ont consisté en grande partie en littérature hostile
et assauts verbaux. Comme dans les pays musulmans, les meneurs de cette campagne
ont été des membres du clergé, pour la plupart des missionnaires protestants
ayant oeuvré dans les missions du Proche-Orient. Ces attaques méritent d'être
considérées parce qu'elles illustrent les motivations identifiées par Baha'u'llah
dans ses Ecrits.
Aucun champ de travail missionnaire chrétien n'a été aussi stérile et aussi
décourageant que celui du Proche-Orient et du Moyen-Orient islamiques. Dans
le message du Qur'an, des éléments majeurs de la vérité chrétienne ont été incorporés
aux doctrines sophistiquées et très universelles de l'Islam. Il est donc compréhensible
que les missions chrétiennes aient échoué à convertir un nombre significatif
de gens en Iran ou dans les pays arabes, comme elles ont réussi à le faire en
Extrême-Orient et dans de grandes régions de l'Afrique. En outre, c'est dans
cette même région du monde que la foi chrétienne, originalement la religion
dominante de la partie est de la Méditerranée, a été remplacée par l'Islam.
Vers la fin du XIXième siècle, les missionnaires anglicans et presbytériens
de cette région ont été témoins, d'une part, de la nature désespérante de leur
propre tâche et, d'autre part, de l'expansion constante de la Foi baha'ie.
Edward Granville Browne, (un orientaliste de Cambridge qui, par sa recherche,
est devenu une autorité sur certains aspects de l'histoire et des enseignements
de la Foi babie) réfère à la détresse exprimée par les missionnaires chrétiens
"au succès extraordinaire des missionnaires babis, en comparaison de leur
propre échec presque complet". 3-29
Le Professeur Browne a offert comme raisons de ce contraste les enseignements
plus compréhensifs de la Foi baha'ie qui, comme l'Islam, ont incorporé les messages
des religions antérieures, et le fait que "le Christianisme occidental, sauf
dans les cas les plus rares, est plus occidental que chrétien, plus racial que
religieux, et... devient constamment de plus en plus, plutôt que moins, matériel".
Le Professeur Browne voyait le Christianisme du Proche-Orient comme inextricablement
associé aux buts impérialistes et commerciaux des nations européennes. Il a
souligné, d'autre part, que la Foi baha'ie ne devait allégeance qu'à ses propres
objectifs universels, et rendait hommage à la "sincérité complète", à
la "courageuse indifférence à la mort et à la torture", à la "conviction
ferme" et à "la conduite généralement admirable envers l'humanité"
des porteurs du Message du Bab et de Baha'u'llah.
L'antagonisme missionnaire était exacerbé quand la Foi baha'ie commença à faire
du progrès en Occident même. Les membres du clergé protestant, qui l'avait vue
uniquement comme un nouveau rejeton de l'Islam et s'irritaient de son succès
chez les Musulmans, la trouvaient maintenant attirant un nombre toujours croissant
d'adhérents tant en Europe qu'en Amérique.
En même temps, le clergé et les églises montraient toujours des preuves du déclin
rapide qui depuis les a rendus virtuellement sans importance dans le cours suivi
par la civilisation occidentale. La réaction d'un nombre de ces missionnaires
à la nouvelle menace à leur rôle de meneurs a été de se joindre à leurs contreparties
musulmanes pour attaquer la Foi. Une religion qui avait été l'objet de persécutions
barbares en Orient, se retrouva maintenant, comme 'Abdu'l-Baha l'avait prévu,
gratuitement calomniée et dénoncée en Occident :
"Nous ne pouvons croire que, à mesure que le Mouvement croît en force, en
autorité et en influence, les perplexités et les souffrances avec lesquelles
il a dû lutter par le passé décroîtront et s'évanouiront de façon correspondante.
Non, à mesure qu'elle croît de force en force, les défenseurs fanatiques des
châteaux-forts de l'orthodoxie, quelle que soit leur dénomination, se rendant
compte de l'influence pénétrante de cette Foi croissante, se lèveront et tendront
chaque nerf pour éteindre sa lumière et décrier son nom. Car, notre bien-aimé
'Abdu'l-Baha n'a-t-il pas envoyé sa prophétie brillante de l'intérieur des murs
de la prison de la citadelle d' 'Akka - des paroles tellement significatives
par leur prédiction du désordre mondial approchant, et pourtant Si riches par
leur promesse d'une victoire éventuelle..." 30
Shoghi Effendi a donné l'avertissement que ce que Baha'u'llah a appelé "l'appétit
de mener" est toujours une force puissante à l'intérieur des principaux
systèmes ecclésiastiques d'Occident :
"Car, que chaque supporteur fervent de la Cause de Baha'u'llah se rende compte
que... dès que la pleine mesure de l'immense réclamation de la Foi de Baha'u'llah
viendra à être reconnue par ces puissants châteaux forts de l'orthodoxie depuis
longtemps honorés, dont le but délibéré est de maintenir leur emprise sur les
pensées et les consciences des hommes, cette Foi infante devra lutter contre
des ennemis plus puissants et plus insidieux que les plus cruels marchands de
torture et les clercs les plus fanatiques qui l'ont affligée par le passé".
3-31
3.6. Ivraie et Blé
Toutefois, Baha'u'llah lui-même a été le premier à démontrer que la jalousie
du droit de direction spirituelle n'était pas le seul facteur qui ait produit
l'opposition à sa religion. Il a attribué une grande part du problème à l'ignorance
de la nature réelle de la nouvelle Foi de la part de nombreux membres du clergé.
Ceci à son tour découlait d'une connaissance très superficielle de ses croyances,
doublée d'un attachement aux dogmes de l'église. Dans un bon nombre des principaux
domaines de croyance, les Enseignements de Baha'u'llah représentent un brusque
écart des attitudes envers la religion découlant de la théologie chrétienne.
Les théologiens chrétiens, comme ceux de la plupart des autres religions, ont
éprouvé une extrême répugnance à considérer sérieusement tout enseignement en
contradiction des présomptions et interprétations familières. Trois exemples
suggèrent la magnitude du fossé.
Le premier a trait au rapport de l'homme avec Dieu. Les trois grandes religions
"sémitiques": le Judaïsme, le Christianisme et l'Islam, sont toutes basées
sur la croyance en une Révélation divine, c'est-à-dire l'intervention directe
de Dieu dans l'histoire humaine. Dans le cas du Christianisme, la Révélation
était centrée dans la personne de Jésus-Christ. Très tôt dans l'histoire chrétienne,
cependant, une seconde source d'inspiration divine s'est ouverte dans la théologie
chrétienne, en venant éventuellement à être personnifiée par la figure d'un
"Saint-Esprit", troisième personne d'un Dieu trin. N'ayant aucune réalité
objective, soit dans les Écritures chrétiennes ou dans l'histoire chrétienne,
3-32 la doctrine
a ouvert toute grande la porte aux tendances sectaires qui avaient fait leur
apparition tôt dans l'histoire du Christianisme. Si une église pouvait prétendre
que l'Esprit Saint avait inspiré ses interprétations et lui avait donné l'autorité,
toutes les autres églises pouvaient aussi y prétendre. En fait, chaque individu
pouvait aussi le prétendre.
Le résultat fut de créer dans les esprits de la plupart des Chrétiens une vague
présomption que, quand l'individu prie Dieu directement, il reçoit l'inspiration
par sa propre conscience. Bien souvent, les suggestions de la conscience contredisent
la signification apparente des Ecritures chrétiennes (comme dans le cas des
déclarations de saint Paul concernant le célibat) ou des enseignements explicites
d'une église particulière (comme dans le cas des rapports raciaux). De plus
en plus, toutefois, c'est la conscience qui est considérée comme le guide fiable,
un guide qui n'a aucune contrainte. Très peu demeure maintenant de la conviction
que le seul canal fiable entre Dieu et ses disciples était la révélation historique
pourvue par l'intermédiaire de Jésus Christ. L'énoncé même de Jésus sur le sujet:
"Je suis la Voie, la Vérité et la Vie; personne ne va au Père sauf par Moi,"
est interprété, non comme une expression des limites de l'âme humaine, mais
uniquement comme une sorte de défi à la prétention des autres grandes religions.
D'autre part, les Baha'is ne croient pas que l'homme puisse communiquer directement
avec Dieu qui est totalement inconnaissable. 3-33
Dieu communique plutôt avec l'homme par l'intermédiaire de ses Messagers qui
viennent comme des personnes vivantes, accomplissent de grandes actions, donnent
des enseignements qui guident l'humanité dans tous les aspects de la vie, donnent
un exemple moral, et révèlent des prières et des enseignements par lesquels
les hommes peuvent immerger leurs esprits dans l'Esprit et la Volonté de Dieu.
"Dieu passe près de nous" et, en tout temps, Il le fait sous les pleins
feux de l'histoire, non pas comme une présence invisible et désincarnée. Il
laisse derrière lui, enseigne Baha'u'llah, tout ce dont les hommes auront besoin
pour renouveler la civilisation et pour développer leurs plus hautes facultés.
C'est en établissant le rapport avec cet héritage que les hommes en viennent
à communier avec l'Esprit de Dieu qui l'inspire. Baha'u'llah dit sur le sujet:
"Le Saint Esprit Lui-même a été engendré par l'intermédiaire d'une seule
lettre de cet Esprit Suprême Si vous êtes de ceux qui comprennent". 3-34
"Ayant créé le monde et tout ce qui y vit et s'y meut, Dieu a voulu conférer
à l'homme, en privilège unique, par l'opération directe de Sa Volonté libre
et souveraine, la capacité de Le connaître et de L'aimer, le dotant ainsi d'une
faculté dont l'exercice doit être regardé comme la raison d'être, la fin principale
et dernière de toute la création..."
"Mais ces énergies dont l'Étoile du Matin de la bonté Divine et la Source
de la direction Divine ont doté l'essentielle réalité de l'homme ne sont que
latentes en lui, comme la flamme est latente dans la bougie et comme les rayons
de la lumière sont en puissance dans la lampe... Il est évident que, tant que
le feu n'y aura pas été mis, la lampe n'éclairera pas, et que, jusqu'à ce que
soit enlevée la poussière qui le recouvre, le miroir ne pourra refléter le soleil".
"Et comme il ne saurait y avoir de lien direct entre le seul vrai Dieu et
Sa création... Dieu a ordonné qu'à tout âge et à chaque dispensation, une Âme
pure et sans tache soit manifestée dans les royaumes du ciel et de la terre…"
35
"Par les Enseignements de cette Étoile du Matin de la Vérité, tout homme
progressera et se développera jusqu'à ce qu'il parvienne à ce stade où il pourra
manifester tout le potentiel des forces dont son être intime et essentiel a
été doté". 3-36
Il existe un second concept qui exige aussi un ajustement substantiel de la
pensée religieuse d'une personne aux antécédents chrétiens qui approche le Message
de Baha'u'llah. C'est le caractère social et institutionnel de la Foi que Baha'u'llah
a fondée. Dans le Christianisme traditionnel, l'individu était sauvé seul. Essentiellement,
c'était un être indépendant dont le but principal dans la vie était le salut
de son âme, soit par des bonnes oeuvres et des rites sacra-mentels (comme dans
le Catholicisme), soit par la foi personnelle (comme dans le Protestantisme),
ou par les deux. La société dans laquelle l'individu vivait pouvait être améliorée
de diverses manières et à divers âges mais, essentiellement, elle ne pouvait
pas être rachetée. L'espoir chrétien de transformation sociale se centrait sur
l'éventuel Retour du Christ et l'établissement sur la terre du Royaume de Dieu
. 3-37
Ce système de croyance a eu de nombreux résultats admirables dans la vie spirituelle
individuelle. Toutefois, son influence sans contraintes sur l'histoire sociale
révèle de nombreuses limitations. Il a permis la conviction de plus en plus
profonde, non seulement que la conscience personnelle est l'autorité ultime
dans la vie, mais aussi que la liberté personnelle est le plus grand bien. L'avènement
d'une philosophie politique démocratique et du processus démocratique en Occident
a accordé la bénédiction finale à cette doctrine de l'individualisme. Avec le
temps, "Christianisme" et "Démocratie" se sont fusionnés dans
l'esprit du public comme un culte populaire vaguement défini mais immensément
influent, englobant les gens de toutes les dénominations religieuses. Un tel
culte diffère de plusieurs façons importantes des Enseignements de Baha'u'llah.
La réclamation centrale de Baha'u'llah, c'est qu'il est le Messager universel
de Dieu, depuis longtemps attendu, dont la mission n est rien moins que l'établissement
du Royaume de Dieu sur terre. Il a révélé non pas uniquement des enseignements
qui se rapportent à la vie de l'individu, mais aussi ceux qui sont destinés
à façonner la vie sociale de l'humanité; enseignements qui ont trait à l'économique,
la paix mondiale, les rapports raciaux, l'égalité des sexes, l'éducation universelle,
pour ne nommer que quelques-uns des sujets discutés dans les Ecrits baha'is.
Baha'u'llah résume l'exigence que la venue du Royaume impose aux personnes d'antécédents
chrétiens qui le reconnaissent :
"…en vérité, il a dit (Jésus) : "Suivez-Moi et Je vous ferai pêcheurs d'hommes".
En ce jour cependant, Nous disons: "Suivez-Moi afin que Nous fassions de vous
des revivificateurs du genre humain". 3-38
Le Gardien explique le rapport entre la transformation de la société et la vie
éternelle de l'âme :
"Pour un Baha'i, l'objet de la vie est de promouvoir l'unité du genre humain.
Tout l'objet de nos vies est lié aux vies de tous les êtres humains; nous ne
cherchons pas un salut personnel mais universel... notre but est de produire
une civilisation mondiale qui à son tour agira sur le caractère de l'individu".
3-39
En outre, Baha'u'llah a établi des institutions pour l'administration des affaires
de sa communauté, institutions qui reposent carrément sur ses propres énoncés
écrits. Ces institutions sont démocratiques en ce qui a trait aux processus
par lesquels elles viennent à l'existence et sont renouvelées, mais elles possèdent
aussi d'autres dimensions tout aussi importantes. Baha'u'llah affirme que, avec
le temps, cet Ordre embrassera la grande majorité des peuples de la terre :
"L'équilibre du monde s'est trouvé rompu par la vibrante influence de ce
très grand, de ce nouvel Ordre mondial. L'ordre sur lequel reposait jusque-là
l'humanité a été révolutionné par cet unique et merveilleux Système, dont les
yeux des mortels n'avaient jamais vu l'équivalent". 3-40
"Priez le seul vrai Dieu de vous assister de Sa grâce dans l'accomplissement
de ce qui est recevable à Nos yeux. Bientôt le présent ordre de choses viendra
à sa fin, et un nouveau le remplacera. Ainsi la vérité parle par la bouche de
Ton Seigneur, 1'Omniscient" 3-41
Un troisième secteur où le Message de Baha'u'llah défie les vues chrétiennes
traditionnelles, c'est celui de la nature et de l'opération de la Révélation
divine elle-même. Le Christianisme a été présenté comme "la foi livrée une
fois pour toutes aux saints". Une poignée de ses premiers disciples, suprêmement
confiants qu'ils avaient pleinement compris les concepts essentiels enseignés
par le Christ et, en fait, que son retour était imminent, ont figé les vues
chrétiennes concernant la nature de Dieu et de l'homme dans des concepts et
attitudes culturels communs au monde méditerranéen du premier siècle dans lequel
ils vivaient. Des lettres, exposant les opinions de saint Paul et d'autres inconnus,
en vinrent à être considérées comme divinement inspirées et furent incorporées
au canon des Écritures, étant éventuellement confondues avec la Parole même
de Dieu.
Comme le retour du Christ continuait à se faire attendre et comme la communauté
chrétienne croissait, de grandes divergences d'opinion sont apparues sur le
sens de ce dépôt original. De très nombreux efforts furent artificiellement
faits pour imposer une autorité d'interprétation aux églises mais, en aucun
temps, la communauté chrétienne dans l'ensemble ne consentit-elle à accepter
une quelconque autorité unique, que ce soit celle des papes, des théologiens,
des conseils ecclésiastiques ou des empereurs chrétiens.
Les changements inévitables qui ont suivi ne furent donc, en aucun sens du mot,
un développement mais plutôt une série de convulsions spasmodiques, chacune
produisant une nouvelle secte ou dénomination. Ce point est très important.
L'histoire chrétienne n'est pas, et n'a pas été, vue, même par la majeure partie
des Chrétiens, comme un processus évolutif dans lequel les enseignements de
Jésus se sont lentement épanouis comme l'exigeait une civilisation toujours
en évolution.
La vérité spirituelle chrétienne a essentiellement été un phénomène statique.
Théoriquement, un Chrétien du XXième siècle devrait voir les fondements essentiels
de sa foi à peu près de la même façon que les croyants de l'église du premier
siècle. Chaque église a tout simplement insisté que sa propre version était
la plus vraie ou même l'expression authentique de la foi des premiers croyants.
C'est cette attitude qui a permis aux églises de réduire l'Évangile à des articles
de foi et des dogmes qui, parce qu'ils semblaient énoncer si explicitement les
éléments de croyance, ont eu tendance à devenir encore plus importants que le
Message original de Jésus dans les secteurs critiques de la vie et de la pensée
chrétiennes. 3-42
Cette longue histoire a laissé certaines présomptions non vérifiées dans les
esprits des croyants chrétiens (et, comme question de fait, dans les esprits
de nombreux agnostiques et athées dont elle a formé les attitudes émotives).
Ces présomptions comprennent la croyance qu'un système religieux qui n'est pas
statique doit s'être écarté de l'intention de son Fondateur.
L'un des traits distinctifs de la Révélation de Baha'u'llah, c'est qu'elle n'est
pas du tout statique. On ne peut la décrire que comme évolutive. En fait, même
pour la comprendre nous devons employer un vocabulaire qui n'a vu le jour que
depuis la naissance de Baha'u'llah. Shoghi Effendi réfère à l'administration
baha'ie actuelle comme "un Ordre mondial embryonnaire", et tant ses écrits
que ceux d' 'Abdu'l-Baha sont parsemés d'analogies biologiques : "efflorescence",
"évolution", "germe", "graine", "développement organique",
"noyau", "influence génératrice", "assimilation".
Parlant de la Foi baha'ie comme d'un "organisme vivant", Shoghi Effendi
a souligné qu'elle est passée par une série de stades et qu'elle passera par
d'autres encore avant d'atteindre à la maturité. Ce qui rend ce processus évolutif
possible, c'est la création par Baha'u'llah de l'autorité institutionnelle pour
interpréter ses Enseignements et guider sa communauté, une autorité clairement
énoncée et acceptée par tous ses disciples. Comme il en est du foetus dans la
matrice ou de l'enfant qui grandit, il y a donc un long programme ordonné par
lequel les divers organes et facultés de la Cause baha'ie se développent. Shoghi
Effendi indique toutefois que, comme il en est de toute vie, les institutions
et les lois de la Foi "sont enchâssées dans les Enseignements eux-mêmes,
non falsifiées et non obscurcies par les influences injustifiables ou les interprétations
non autorisées de sa Parole". 3-43
Donc, de ces trois importantes façons, et de bien d'autres, les Enseignements
de Baha'u'llah ne rencontrent pas les catégories traditionnelles de la théologie
chrétienne. Ils traitent de l'homme dans la société, plutôt que comme une âme
isolée; ils envisagent un processus ordonné d'évolution par lequel les lois,
concepts et institutions implantés par le Fondateur s'épanouissent graduellement
dans l'esprit et la vie de sa communauté; ils insistent surtout que la Révélation
explicite sortie des lèvres de la Manifestation de Dieu est l'unique source
de direction divine pour l'homme et la société.
La raison pour laquelle ces nouvelles dimensions sont difficiles à saisir pour
quiconque d'entre-nous a des antécédents chrétiens, c'est, au moins en partie,
que l'Occident a été privé du pont que le message de Muhammad aurait été. Les
Chrétiens ont depuis longtemps insisté que les Juifs ont été sérieusement privés
par leur rejet du Christ. Les Musulmans pourraient sans doute affirmer la même
chose en ce qui a trait aux handicaps évidents sous lesquels les sociétés chrétiennes
ont oeuvré pendant de nombreux siècles et qui furent rendus dramatiquement apparents
par la supériorité morale, intellectuelle et culturelle dont l'Islam a joui
avant l'émergence du monde séculier modeme. 3-44
Du point de vue baha'i, il est clair que si l'Europe avait accepté l'Islam,
les Occidentaux auraient été spirituellement prêts à considérer les dimensions
de la Volonté divine au-delà de celles contenues dans les théologies des églises.
La succession des prophètes aurait préparé le monde occidental à l'idée de la
révélation progressive; le rôle de Muhammad comme Fondateur d'un État islamique
aurait rendu plus compréhensible le lien entre la vie spirituelle et l'ordre
social; le Qur'an lui-même aurait développé chez les Occidentaux un appétit
pour la Révélation divine, qui ne consiste que de l'oeuvre authentique de Dieu
sortie de la bouche de son Messager.
Par conséquent, les Baha'is devraient être prêts à reconnaître que l'influence
de la malice et de la jalousie ne représente pas toute l'opposition que leur
Foi rencontre de la part des ecclésiastiques chrétiens. Les demandes intellectuelles
faites par les Enseignements de Baha'u'llah sont aussi grandes que les demandes
spirituelles. La formation professionnelle en théologie n'est pas d'une plus
grande aide aujourd'hui pour sauter le fossé de la compréhension qu'elle l'était
au temps de la venue de l'un ou l'autre des précédents Messagers de Dieu. Elle
semble plutôt constituer un obstacle majeur puisqu'elle centre les esprits de
ses adhérents sur des croyances et "explications" sorties des écoles
primitives et superficielles de la pensée semi-païenne.
L'on pense à la parabole du Christ sur l'ivraie :
"Il en va du Royaume des Cieux comme d'un homme qui a semé du bon grain dans
son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi est venu, il a semé
à son tour de l'ivraie, au beau milieu du blé, et il s'en est allé. Quand le
blé est monté en herbe, puis en épis, alors l'ivraie est apparue aussi. Les
serviteurs sont allés trouver le propriétaire pour lui dire: "Maître, n'est-ce
pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D'où vient donc qu'il s'y trouve
de l'ivraie ?" "C'est quelque ennemi qui a fait cela," leur répond-il. "Veux-tu
donc que nous allions la ramasser ?" reprennent les serviteurs. "Non," dit-il,
"vous risqueriez, en ramassant l'ivraie, d'arracher en même temps le blé. Laissez
l'un et l'autre croître ensemble jusqu'à la moisson, et au moment de la moisson
je dirai aux moissonneurs : Ramassez d'abord l'ivraie et liez-la en bottes que
l'on fera brûler, et puis vous recueillerez le blé dans mon grenier". 3-46
Et aux paroles qui concluent la Tablette adressée par Baha'u'llah au Pape Pie
IX :
"Le jour de la moisson est certainement venu. Et le Moissonneur a trié les
produits de la récolte, rangeant ceux qu'Il avait choisis dans les greniers
de la justice, et jetant au feu ceux qui ne lui convenaient pas". 3-47
C'est sans doute par respect de la magnitude des épreuves spirituelles et intellectuelles
que Baha'u'llah a dit des membres du clergé qui reconnaissent la Manifestation
de Dieu dès sa venue :
"Bienheureux est cet ecclésiastique qui n'a pas permis que la connaissance
s'interpose comme un voile entre lui et Celui qui est l'Objet de toute science
et qui, lorsque Celui qui subsiste par Lui-même apparut, tourna vers Lui un
visage rayonnant de bonheur : Il est en vérité au nombre des hommes instruits...
3-48
3.7. Fins et Moyens
Le but de la présente étude ne consiste pas à examiner en détails les diverses
attaques que les ecclésiastiques chrétiens ont lancées contre la Foi baha'ie
au cours des années. il suffira de considérer quelques-uns des traits fondamentaux
de ces attaques, qui révèlent à la fois les motifs qui leur sont sous-jacents
et les faiblesses inhérentes qu'elles contiennent. Des critiques plus élaborées
sont disponibles ailleurs. 3-49
Dans un nombre de ses Tablettes, Baha'u'llah incite les ecclésiastiques auxquels
il s'adresse à mettre de côté les dogmes et les interprétations des écritures
du passé et à examiner la Révélation universelle de Dieu qui ouvre les esprits
:
"O Assemblée des Théologiens !... Abandonnez ce que vous possédez, gardez
le silence et prêtez alors l'oreille à ce que dit la Langue de Grandeur et de
Majesté". 3-50
"O Assemblée des Théologiens ! Chassez loin de vous les folles chimères et
imaginations et tournez-vous ensuite vers l'Horizon de la Certitude. Je le jure
par Dieu ! Rien de ce que vous possédez ne vous profitera, non plus que tous
les trésors de la terre, ni le pouvoir que vous avez usurpé. Craignez Dieu et
ne soyez pas de ceux qui sont perdus".
"Dis : O Assemblée des Théologiens ! Dépouillez-vous de tous vos voiles et
de ce qui vous enveloppe. Prêtez l'oreille à ce à quoi vous appelle la Très
Sublime Plume... Le monde est recouvert de poussière en raison de vos vaines
imaginations…" 3-51
"Il convient à chacun d'effacer de la tablette de son coeur toute trace de
vaines paroles, et de considérer d'un esprit ouvert et exempt de préjugés les
signes de Sa révélation, les preuves de Sa Mission et les gages de Sa gloire".
52
Le trait le plus évident des attaques que les ecclésiastiques aient faites contre
la Foi baha'ie, c'est leur négligence de ce conseil de mettre de côté les dogmes.
Il n'y a presque rien qui ait été écrit sur la Foi par les ecclésiastiques chrétiens
où divers thèmes de théologie chrétienne ne soient pas introduits, hors de propos,
et vigoureusement disputés. Les dogmes chrétiens comme la Trinité, la Pénitence,
etc., deviennent la pierre de touche de la vérité spirituelle et une mesure
de la Révélation de Dieu, tout à fait comme les Pharisiens ont utilisé des dogmes
similaires au temps de Jésus. Heureusement, il existe maintenant un vaste ensemble
de littérature baha'ie qui dégage les enseignements de Jésus Christ des dogmes
qui sont apparus plus tard et qui démontre l'harmonie qui existe entre ces enseignements
et les vérités révélées par Baha'u'llah.
Un problème connexe, toutefois, c'est l'effet que produisent sur leur oeuvre
les présomptions théologiques inconscientes dans les esprits des missionnaires
qui ont écrit les livres attaquant la Foi. Nous avons remarqué plus haut, par
exemple, que le point de vue traditionnel, qu'il soit admis ou non, c'est que
la religion est essentiellement statique. Il a été presque impossible aux écrivains
ecclésiastiques, dont les esprits sont formés par de semblables attitudes sur
la nature de la religion, de se concentrer sur un sujet comme l'Aqdas. Parlant
de l'histoire de l'épanouissement de la Cause, le Gardien bien-aimé dit que
ses diverses périodes :
"doivent être considérées non seulement comme les composantes ou parties
inséparables d'un seul tout prodigieux, mais encore comme les phases progressives
d'un vaste processus d'évolution unique, continue et irrésistible. Car lorsqu'on
contemple toute l'étendue de l'oeuvre accomplie par une foi âgée de cent ans,
on ne peut s'empêcher de conclure que, quel que soit l'angle sous lequel on
regarde ce spectacle démesuré, les événements qui ont eu lieu en ces périodes
donnent les preuves absolues d'un lent mûrissement…". 3-54
En ce qui a trait aux lois et Enseignements du Kitab-i-Aqdas, Shoghi Effendi
ajoute :
"On remarque une évolution non moins apparente dans la forme de ses enseignements,
tout d'abord, à dessein, rigides, compliqués et sévères, qui, par la suite,
furent refondus, élargis et assouplis dans la dispensation suivante, puis, plus
tard, expliqués, réaffirmés et amplifiés par un interprète désigné, et enfin
arrangés d'une manière méthodique afin de les appliquer universellement aux
particuliers et aux institutions". 3-55
La promulgation d'une loi comme la loi du mariage présente donc l'image fascinante
d'une immense vérité relative au bonheur humain et à la fin de l'homme, émergeant
lentement par la Volonté de Baha'u'llah, à mesure que les instruments par lesquels
elle peut s'exprimer viennent à l'existence, et à mesure que ceux qui doivent
la recevoir deviennent graduellement capables d'en supporter les implications.
Lentement, avec amour et patience, - comme avec des enfants, - la Manifestation
de Dieu mène l'homme hors des vieilles habitudes défectueuses à la réalisation
de la Volonté de Dieu et à la capacité de répondre à cette Volonté.
Une telle approche à l'enseignement moral dépasse tout simplement la portée
des esprits confinés par la théologie traditionnelle de l'église. Si une ordonnance
universelle, comme la loi baha'ie du mariage, est graduellement expliquée et
appliquée par stades, d'abord par 'Abdu'l-Baha, puis par le Gardien, et finalement
par la Maison Universelle de Justice, les adversaires chrétiens interprètent
ceci comme un indice que la Foi baha'ie a quelque peu "changé" ses Enseignements
"réels", présumément afin d'apaiser les différents auditoires. Ils appliquent
ce même "raisonnement" à la façon dont le texte de l'Aqdas est en voie
d'être patiemment codifié, arguant qu'il devrait plutôt être tout simplement
traduit et publié comme si c'était une sorte de catéchisme ou de manuel. Le
monde de Baha'u'llah est incompréhensible pour de tels esprits, tout comme l'univers
révélé par la science moderne dépasse la compréhension de l'érudition médiévale.
Baha'u'llah suggère la magnitude du défi que représente l'Aqdas quand il en
parle comme d'un "ciel que nous avons orné des étoiles de Nos commandements",
et quand il conseille :
"Considérez le soleil. Combien faibles sont ses rayons au moment où il apparaît
à l'horizon. Combien graduellement sa chaleur et sa puissance s accroissent
à mesure qu'il approche de son zénith permettant, entre-temps, à toutes les
choses créées de s'adapter à l'intensité croissante de sa lumière... S'il devait
soudainement manifester les énergies latentes en lui, il nuirait sans doute
à toutes les choses créées... De même, si le Soleil de Vérité devait soudainement,
dès les premiers stades de sa manifestation, révéler la pleine mesure des forces
dont la providence du Tout-Puissant l'a doté, la terre de la compréhension humaine
dépérirait et serait consumée; car les coeurs des hommes ne supporteraient ni
l'intensité de sa Révélation, ni ne pourraient réfléchir l'éclat de sa lumière".
3-56
Une omission flagrante dans pratiquement tous les livres écrits sur la Foi baha'ie
par les membres du clergé chrétien, c'est une admission honnête de l'accomplissement
moral que représente la communauté baha'ie elle-même. Pourtant, c'est cet aspect
de la Foi baha'ie, après les vies et l'oeuvre des Fondateurs eux-mêmes, qui a
attiré l'admiration et les plus grands éloges de la part des observateurs indépendants
depuis le Professeur Browne.
Il est clair que c'est le succès de la communauté baha'ie à donner un exemple
vivant des vérités que Baha'u'llah a enseignées qui est responsable, dans une
grande mesure, du respect et de la reconnaissance formelle que la Foi s'est
attirés de la part des gouvernements civils, des personnages éminents et de
diverses agences internationales. Les implications des déclarations de Baha'u'llah
relativement au rôle que joue l'exemple moral, apparaissent plus clairement
avec chaque année qui passe :
"O serviteurs de Dieu ! Renoncez à vos propres soucis, et que toutes vos
pensées se concentrent sur ce qui est propre à rétablir les affaires de l'humanité
et à sanctifier les âmes et les coeurs. A cette tâche doivent pourvoir les oeuvres
saintes et une vertueuse conduite. La vaillance des actes assurera le triomphe
de cette Cause, et leur sainteté en renforcera le pouvoir. Attachez-vous à la
justice, ô peuples de Baha. Tel est le commandement que vous donne cette Innocente
Victime, et la part qu'a d'abord choisie pour chacun de vous Sa Volonté incoercible".
3-57
Quelque inconfortable qu'il puisse être pour ses adversaires, un examen honnête
de cet aspect de l'histoire baha'ie et de la communauté baha'ie actuelle ne
peut être ignoré. De ce faire, pour un écrivain, c'est de se convaincre, dès
le départ, de préjugé. Tenter d'écrire un livre sur la Foi baha'ie sans traiter
adéquatement un sujet considéré par les observateurs indépendants comme l'un
des traits les plus frappants de la Foi, indique que l'écrivain craint les effets
qu'une telle discussion aurait sur ses lecteurs.
Une quatrième caractéristique de toutes les attaques des ecclésiastiques chrétiens
contre la Foi baha'ie a été l'abus des sources historiques. D'un point de vue
purement baha'i, une direction infaillible est disponible, non seulement concernant
le sens des Écritures, mais aussi dans le domaine de l'histoire. L'une des fonctions
du Gardiennat, c'est de fournir une direction précise et faisant autorité sur
les questions majeures de l'histoire babie et baha'ie; Shoghi Effendi a donc
écrit son livre monumental : Dieu Passe Près de Nous, pour servir de norme.
Du rôle d'interprétation de Shoghi Effendi, le Testament d' 'Abdu'l-Baha dit
:
"…quiconque se dispute avec lui s'est disputé avec Dieu; quiconque le renie,
a renié Dieu; quiconque ne croit pas en lui, n'a pas cru en Dieu; quiconque
s'écarte, se sépare ou se détourne de lui s'est, en vérité, écarté, séparé et
détourné de Dieu". 3-58
Bien entendu, l'on ne s'attend pas à ce que les ecclésiastiques chrétiens commencent
par accepter l'autorité d'interprétation du Gardien. Toutefois, ne possédant
pas cette autorité, il est d'autant plus important pour eux de présenter scrupuleusement
toute l'évidence historique disponible et de considérer soigneusement la meilleure
opinion des observateurs indépendants qualifiés. C'est-à-dire : ils doivent
observer les normes acceptées d'érudition. En cet âge de justice universelle,
la loi de l'investigation indépendante de la vérité est obligatoire pour l'humanité
toute entière, qu'on ait ou non reconnu la Manifestation de Dieu:
"O Fils de l'Esprit ! Pour Moi la chose préférée c'est l'Equité. Ne témoigne
pas d'éloignement pour elle, Si tu as du penchant pour Moi; ne l'abandonne pas
Si tu M'es fidèle. Par là tu réussiras à voir les choses par tes propres yeux
et non par ceux d'autrui, à les comprendre par ta propre intelligence et non
par celle du premier venu. Réfléchis à cela comme il convient; c'est un don
que je t'ai fait, une de mes faveurs pour toi; aies là donc toujours devant
tes yeux". 3-59
Dans toute l'histoire humaine, il n'y a jamais eu une Révélation qui ait offert
à l'étudiant indépendant une fraction même de la richesse d'évidence historique
que pourvoit la mission de Baha'u'llah. L'un des handicaps les plus sérieux
à une étude scientifique du phénomène de la Révélation, c'est que l'impulsion
d'origine de chacune des religions précédentes s'est enfoncée si loin dans l'histoire
qu'elle n'est accessible à l'humanité qu'à un degré limité et insatisfaisant.
La nature réelle des enseignements originaux de Bouddha, les événements de la
vie de Jésus, l'ère dans laquelle Zoroastre a vécu; et même l'existence historique
de Krishna - tout cela présente des problèmes insolubles à l'étudiant en histoire
des religions. La vie et la personne de Muhammad, tout comme le Qur'an, sont
plus accessibles mais, même ici, des désaccords si sérieux qu'ils produisent
de nombreuses écoles divergentes de pensée témoignent de la magnitude du problème
que les sources représentent.
C'est tout à fait le contraire en ce qui a trait à l'oeuvre de Baha'u'llah. Les
détails de sa vie et de celle du Bab sont documentés abondamment, comme le sont
les contributions de ceux qu'ils ont inspirés et guidés. Les Enseignements spirituels
et sociaux de Baha'u'llah sont disponibles dans le texte original, sous son
propre sceau et souvent de sa propre main. L'on peut dire la même chose des
provisions qu'il a faites en vue de l'organisation de sa Cause. La séquence
d'événements par laquelle ces concepts, ces lois et ces institutions ont façonné
le développement de la communauté baha'ie est aussi ouverte à un examen minutieux,
non obscurcie par le temps, les mythes ou les scories des écoles divergentes
d'interprétation.
C'est donc une faille fatale de l'oeuvre de tous ces ecclésiastiques chrétiens
qui ont attaqué la Cause que leurs livres aient ignoré les preuves qui, dans
tout autre domaine de recherche, seraient considérées comme des découvertes
inestimables. La plupart des attaques contre la Foi baha'ie, par exemple, sont
écrites comme si le narratif de Nabil, The Dawn-Breakers, n 'existait pas. Pourtant,
nous y trouvons la seule histoire complète de la période babie, écrite par une
personne qui fut à la fois un observateur de première instance et un écrivain
historique compétent. Le Gardien l'a salué, cela se comprend facilement, comme
le "manuel indisputable" 3-60
de la première histoire de la Cause.
Dans le cas des événements dont il n'a pas été personnellement témoin, Nabil
fournit dans les plus grands détails l'identité des observateurs dont il a reçu
le compte-rendu et très souvent les circonstances qui en ont entouré la transmission.
Pour comprendre le sens d'une telle oeuvre, l'on devrait imaginer l'importance
qu'aurait pour l'histoire chrétienne un compte-rendu similaire, méticuleusement
annoté, rédigé par l'un des proches compagnons de Jésus-Christ et couvrant tous
les événements significatifs du ministère de ce dernier.
Plutôt qu'à de telles sources, les adversaires ecclésiastiques se sont fiés
à des écrits obscurs, dont ils n'ont pu établir l'authenticité après des décades
de tentatives en ce sens, et aux oeuvres d'ennemis avoués de la Foi, qui sont
souvent présentés comme des érudits et des observateurs "indépendants".
En outre, manquant de formation professionnelle en historiographie ou en études
orientales, ces mêmes missionnaires ont traité de l'oeuvre de savants responsables
comme le Professeur Browne d'une façon qui ne serait pas acceptable pour toute
étude académique sérieuse.
L'on doit dire enfin que les livres écrits par le clergé chrétien en attaque
contre la Foi baha'ie sont criblés de distorsions grossières des faits. Typiquement,
celles-ci sont de deux sortes. Là où même les sources préjugées manquent, plusieurs
écrivains ont tout simplement fabriqué l'histoire de toutes pièces en décrivant
des événements comme ils ont cru eux-mêmes qu'ils auraient dû ou ont dû se passer,
introduisant leurs déclarations par des expressions comme "sans doute",
"probablement", "il semble probable", "l'on dit". Dans
un cas après l'autre, des sources responsables existent dont l'évidence contredit
carrément ces assertions.
La seconde façon dont les faits sont déformés, c'est par la révision sélective
de la documentation que le rédacteur trouve inacceptable dans sa forme originale.
Des phrases et des paragraphes tirés de documents originaux sont cités hors
de contexte et de façon incomplète afin de suggérer que l'écrivain original
partageait les vues du missionnaire qui a ainsi fait usage de son oeuvre. Puisque
les documents originaux et les commentaires savants sont souvent difficiles
ou impossibles à obtenir pour le profane moyen, l'abus se poursuit sans être
relevé sauf quand un écrivain baha'i se donne la peine de l'exposer.
Lire des livres composés de la sorte, c'est se demander si les écrivains se
considèrent d'une façon quelconque comme au-dessus des considérations morales
normales, quelles soient chrétiennes, savantes ou autres. Ils semblent considérer
la Foi baha'ie comme mauvaise ou dangereuse, ou les deux, et croire qu'une attaque
contre elle est en soi un acte méritoire. L'histoire de l'opposition à Baha'u'llah
est une illustration classique de la philosophie qui veut que la fin justifie
les moyens. En fait, ni les moyens ni les fins ne sont acceptables aux yeux
de Dieu.
Il n'y a pas que l'histoire qui soit maltraitée de cette sorte. Initialement,
avec la "première génération" de missionnaires qui ont attaqué la Foi
à la fin du siècle, il y avait une atmosphère belligérante et confiante de défense
de la "vraie religion" contre ce que l'on considérait l'erreur.
Toutefois, à mesure que la civilisation occidentale s'est progressivement déchristianisée,
et particulièrement à mesure que le clergé est devenu l'objet de la suspicion,
des moqueries et même du ressentiment de nombreux cercles, cette approche a
perdu une grande part de sa puissance.
Ces circonstances modifiées sont sans doute responsables d'un changement qui
s'est produit dans la manière dont certaines attaques contre la Foi sont entreprises.
Au lieu de se présenter d'abord comme membres du clergé et défenseurs de l'église,
les adversaires actuels de la Cause baha'ie écrivent souvent sous le déguisement
de "savants" désintéressés qui ne se proposent que de partager les résultats
d'une "recherche indépendante" dans le champ des études orientales modernes.
De nos jours, leurs livres ne sont pas publiés sous des titres comme Bahaism
and Its Claims 3-61
mais plutôt comme des manuels sur "les enseignements et l'histoire de la
Foi baha'ie". Le lecteur non prévenu est encouragé à voir un tel livre non
comme partie d'une vendetta vieille d'un siècle de la part de sectaires partisans,
mais comme une source d'information neutre et fiable.
C'est à la lumière de ces faits pitoyables que nous pouvons quelque peu comprendre
la colère des Manifestations de Dieu contre ceux qui ont assumé un rôle de chef
en matière de religion :
"O vous qui êtes insensés et qui cependant passez pour être sages ! Pourquoi
vous comportez-vous comme des bergers tandis que dans vos coeurs vous n'êtes
que des loups, avides de dévorer Mon troupeau ? Vous êtes comme l'étoile qui
se lève avant l'aube et qui, toute rayonnante et lumineuse qu'elle paraisse,
égare le voyageur de Ma cité vers les sentiers de la perdition... Vous êtes
comme une eau limpide mais amère, tandis qu'extérieurement vous paraissez un
pur cristal; mais aucune goutte de cette eau n'est acceptée par le divin Essayeur".
3-62
3.8. Opposition à l'Ordre Administratif
Outre le sens des Écritures et l'interprétation de l'histoire, il existe un
autre sujet sur lequel la Foi baha'ie peut anticiper bien des critiques de la
part de ses adversaires du clergé chrétien. C'est l'ordre administratif de Baha'u'llah
et les principes sur lesquels il se fonde. Le Gardien nous a avertis, par exemple
:
"Que des puissances d'irréligion, de philosophie matérialiste, de paganisme
évident soient déchaînées, qui chaque jour s'étendent, se consolident et commencent
à envahir quelques-unes des puissantes institutions de la Chrétienté, aucun
observateur non averti ne saurait manquer de l'admettre. Que, d'autre part,
ces institutions résistent de plus en plus au dynamisme général qui entraîne
l'humanité, que quelques-unes s'inquiètent de l'influence pénétrante de la Cause
de Baha'u'llah et que, à mesure que leur force s'effritera et que leur discipline
se relâchera, elles n'en viennent à s'effrayer de plus en plus de l'avènement
de son Nouvel Ordre Mondial et se résolvent peu à peu à le combattre, et qu'enfin
une telle opposition n'accentue leur déclin, pour bien peu, si même pour quelques-uns,
parmi ceux qui suivent avec attention le développement de notre Foi, la question
reste douteuse". 3-63
De plus, le Gardien nous avertit que les adversaires ecclésiastiques de la Foi
feront tout en leur pouvoir pour transmettre leur propre hostilité au public,
et même aux institutions d'autorité civile :
"On peut découvrir une gradation non moins nette dans le caractère de l'opposition
que cette foi a rencontrée - ... opposition qui, actuellement, par l'établissement
d'un ordre divinement institué dans l'Occident chrétien et son premier choc
avec les institutions civiles et ecclésiastiques, promet d'inclure, parmi ses
représentants, des gouvernements établis et des organisations associées aux
ordres sacerdotaux les plus anciens et les plus solidement retranchés de la
chrétienté". 3-64
"Les peuples, les nations, les adhérents de diverses fois, se lèveront conjointement
et successivement pour détruire son unité, saper sa force, et avilir son saint
nom. Ils s'attaqueront non seulement à l'esprit qu'elle inculque, mais à l'administration
qui est le canal, l'instrument, l'incarnation de cet esprit. Car, à mesure que
l'autorité dont Baha'u'llah a investi l'avenir du Commonwealth baha'i deviendra
de plus en plus apparente, plus féroces seront les défis qui de tous côtés seront
lancés aux vérités qu'elle enchâsse". 3-65
Il est probable que, directement, les Baha'is ne peuvent accomplir que relativement
peu pour contrecarrer la suspicion et le ressentiment que l'avènement de l'Ordre
administratif soulèvera inévitablement, tant dans les cercles ecclésiastiques
que dans d'autres secteurs de la société. Dire que l'Alliance de Baha'u'llah,
qui donne son autorité à cet Ordre, est le trait distinctif de la Foi baha'ie,
c'est souligner avec emphase combien il est difficile à notre génération de
le comprendre de façon appropriée. Baha'u'llah l'appelle "cet unique et merveilleux
Système, dont les yeux des mortels n'avaient jamais vu l'équivalent". 3-66
Par lui, un nouvel élément est introduit dans la vie religieuse de l'homme et
des générations, et peut-être des siècles, passeront avant que l'ensemble de
l'humanité l'ait accepté.
A un des tout premiers stades de l'évolution du genre humain sur cette planète,
la religion était principalement une question de magie. Ce n'est que par l'oeuvre
des grandes religions historiques : le Judaïsme, l'Hindouisme, et les fois missionnaires
universelles comme le Bouddhisme, le Christianisme et l'Islamisme, que l'homme
a graduellement accepté que la religion soit l'autorité dans les questions de
moeurs. Ce n'est que dans ces grandes cultures religieuses relativement récentes
que l'homme en est venu à comprendre que les questions de "bien et de mal"
se rapportent primordialement à la vie éthique et que le guide dans ce secteur
de l'expérience humaine est la Révélation de Dieu :
"On t'a fait savoir, homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi
: rien d'autre que d'accomplir la justice, d'aimer avec tendresse et de marcher
humblement avec ton Dieu". 3-67
Aujourd'hui donc, par la Révélation de Baha'u'llah, encore un autre élément
entièrement nouveau a pénétré l'expérience religieuse de l'homme; un élément
que la société non-baha'ie considère comme n'étant pas relié aux questions spirituelles.
Ce nouvel élément, c'est l'ordre social.
Dans presque toutes les parties du monde, la société actuelle n'accepte pas
qu'une Révélation de Dieu puisse ou doive déterminer la façon dont la vie sociale,
économique et administrative de notre monde doit être conduite. La communauté
baha'ie est appelée à faire oeuvre de pionnière dans cette vérité renversante.
Nous pouvons nous attendre à ce que cet effort attire vastement l'attention
et, éventuellement, l'intérêt le plus intense de tous les éléments de la société.
Il y a de nombreuses personnes qui, déçues des échecs répétés des alternatives
développées par l'effort humain, seront attirées à la Foi principalement à cause
de ce trait même. Malheureusement, il y en a de nombreuses autres qui, comprenant
tout à fait mal ses buts et sa nature, le considéreront avec suspicion :
"L'Âge Héroïque de la Foi, né dans l'angoisse, nourri dans l'adversité et
se terminant dans des épreuves aussi déplorables que celles qui ont accueilli
sa naissance, a été suivi par cette Période de Formation qui doit être témoin
de la cristallisation graduelle des énergies créatrices que la Foi a libérées
et l'émergence consécutive de cet Ordre Mondial en vue duquel ces forces ont
été mises en opération".
"Féroce et implacable sera l'opposition que cette cristallisation et cette
émergence doivent provoquer. On ne fait que commencer à percevoir vaguement
l'alarme qu'elle doit éveiller et qu'elle éveillera; l'envie qu'elle soulèvera
certainement; les travestissements auxquels elle sera soumise sans remords;
les revers qu'elle doit, tôt ou tard, subir; les commotions qu'elle doit éventuellement
soulever; les fruits qu'elle doit ultimement recueillir; les bénédictions qu'elle
doit inévitablement répandre et le glorieux Âge d'Or qu'elle doit irrésistiblement
introduire; et, à mesure que le vieil ordre s'effondrera sous le poids d'une
Révélation aussi prodigieuse, ceux-ci deviendront de plus en plus évidents et
impressionnants". 3-68
Ayant ces considérations, entre autres, à l'esprit, nous devrions réfléchir
à la référence que fait le Gardien a "un sens élevé de rectitude morale dans
les activités sociales et administratives (baha'ies)" comme premier "prérequis
spirituel" au succès de la Cause. Écrivant aux croyants nord-américains,
en 1938, Shoghi Effendi a parlé de l'esprit et des normes qui doivent particulièrement
gouverner l'opération des institutions administratives baha'ies :
"Cette rectitude de conduite avec ses implications de justice, d'équité,
de véracité, d'honnêteté, d'impartialité, de loyauté et d'exactitude doivent
distinguer chaque phase de la vie de la communauté baha'ie. "Les compagnons
de Dieu," a déclaré Baha'u'llah lui-même, "sont, en ce jour, le levain qui doit
faire lever les peuples du monde. Ils doivent montrer une telle loyauté, une
telle sincérité et une telle persévérance, des actes et un caractère tels que
toute l'humanité bénéficiera de leur exemple."...
Une telle droiture de conduite doit se manifester avec une puissance toujours
accrue, dans chaque verdict que les représentants élus de la communauté baha'ie,
en n'importe quelle qualité, seront appelés à prononcer... Elle doit être la
marque distinctive de ce corps qui est réduit en nombre et pourtant intensément
dynamique et hautement responsable, des représentants nationaux élus de chaque
communauté baha'ie, qui constitue le pilier de soutien et l'unique instrument
de l'élection, dans chaque communauté, de la Maison Universelle dont le nom
et le titre, ainsi que Baha'u'llah l'a ordonné, symbolise la droiture de conduite
dont la plus haute mission est de sauvegarder et de mettre en vigueur les lois".
3-69
3.9. Les Effets de I 'Opposition
Quel effet ont eu plus de 130 années d'opposition à la Foi de Baha'u'llah ?
De toute évidence, l'opposition n'a pas atteint ses objectifs d'arrêter l'avènement
de la Foi, de détruire l'unité de ses adhérents ou de ralentir plus que temporairement
son progrès dans une quelconque partie du monde. Vue superficiellement, l'opposition
à la Foi baha'ie, qu'elle soit ecclésiastique, gouvernementale ou plus générale,
peut sembler simplement sans importance dans son histoire.
Toutefois, tout examen plus approfondi des événements de l'histoire baha'ie
montre clairement que ceci n'est pas le cas. Singulièrement, le résultat net
de telles attaques a été décidément bénéfique. Bien que ce fait n'excuse en
rien le comportement des responsables, il permet aux Baha'is de considérer ces
personnes d'un oeil beaucoup plus détaché et de traiter plus intelligemment et
avec plus d'assurance les attaques qui viendront encore. 'Abdu'l-Baha a dit
à ce sujet :
"Par conséquent, ô aimés de Dieu, ne soyez pas attristés quand les gens se
lèvent contre vous, vous persécutent, vous affligent et vous troublent et disent
toutes sortes de choses mauvaises contre vous. La noirceur disparaîtra et la
lumière des signes manifestes apparaîtra, le voile sera retiré et la Lumière
de Réalité resplendira de l'invisible (Royaume) d'El-Abha. Nous vous en informons
avant que ceci se produise afin que lorsque, pour mon amour, les armées du peuple
se lèveront contre vous, vous ne soyez pas ébranlés ou troublés; non, plutôt,
soyez fermes comme une montagne car cette persécution et ces injures du peuple
contre vous sont préordonnées. Bénie soit l'âme qui est ferme dans le sentier
!" 3-70
De quelles façons l'opposition a-t-elle été bénéfique à la Cause de Baha'u'llah
? Quatre résultats bénéfiques ressortent particulièrement, dont deux se rapportent
à l'expansion extérieure de la Cause et deux à son développement intérieur.
L'un des premiers effets des attaques contre la Foi, c'est de soulever l'intérêt.
Ceci a été vrai de la croissance de la religion depuis les débuts des temps
et est particulièrement évident dans l'histoire du mouvement babi. Les persécutions
épouvantables dont le Bab et ses disciples ont fait l'expérience au milieu du
XIXième siècle ont engendré un registre d'héroïsme qui n'a pas de parallèle
dans l'histoire religieuse du genre humain.
A cette date tardive, il est presque impossible de comprendre l'impact que les
vies incandescentes du Bab, de Quddus, de Tahirih, de Mulla Husayn et de leurs
compagnons ont eu, il y a cent ans, sur le conscient d'Européens sensibles.
Ce sont ces vies qui ont attiré l'attention du Comte de Gobineau et ont inspiré
son étude influente du mouvement à ses débuts. Similairement, c'est cette histoire
extraordinaire qui a non seulement attiré mais captivé Edward Granville Browne,
et qui a été responsable des décades de travail qu'il a vouées à l'étude de
la Foi babie et à sa publicité. Des personnes aussi différentes que Léon Tolstoy,
Ernest Renan, Lord Curzon et Sarah Bernhardt ont été profondément touchées.
Les attaques contre la communauté baha'ie auront les mêmes résultats. Aucunement
ébranlés par leur nombre relativement restreint et les ressources limitées dont
ils disposent, les Baha'is du monde sont aujourd'hui engagés dans une lutte
épique contre les ennemis séculaires du bonheur humain : le préjugé, l'aliénation,
l'égoïsme, l'injustice, l'ignorance, l'orgueil et la peur. De plus, ils le font
sans critiquer ou s 'interposer dans les intérêts d'un autre groupe quelconque.
La lutte mérite vraiment le qualificatif d'héroïque. Les attaques contre une
telle communauté, particulièrement quand elles sont introduites par les représentants
d'un ordre ecclésiastique discrédité et moribond, ne peuvent que réussir à attirer
l'attention sur la lutte et à soulever l'intérêt quant à la source de son inspiration
:
"Voyez comment, en cette Dispensation, vauriens et insensés ont follement
imaginé que par des moyens tels que le massacre, le pillage et le bannissement,
ils pourraient éteindre la lampe allumée par la Main du Divin pouvoir. Ils semblent
ignorer entièrement que cette adversité même dont ils sont les instruments est
l'huile qui nourrit la flamme de cette Lampe. Tel est le pouvoir Divin de transmutation.
Il change tout ce qu'il Lui plaît de changer. Il a en vérité pouvoir sur toutes
choses..." 3-71
Le deuxième effet qu'a l'opposition, c'est de rendre possible une distinction
claire, dans l'esprit du public, entre la condition morale de la communauté
baha'ie et celle de ses ennemis. Un tel contraste aide à clarifier les questions
en cause et met en relief les aspects spirituels de la Foi avec lesquels ceux
qui sont sincères, dans toutes les sphères de la vie, peuvent beaucoup plus
aisément s'identifier. A ce sujet, le Gardien a dit :
"Que l'invincible armée de Baha'u'llah, cependant, qui doit livrer l'une
de ses batailles les plus acharnées et les plus glorieuses à l'Ouest et dans
un de ses foyers de troubles latents, n'ait crainte d'aucune critique qui puisse
la prendre pour cible. Qu'elle ne se laisse point décourager par des condamnations
quelconques par lesquelles la langue du calomniateur pourrait essayer d'avilir
ses motifs. Qu'elle ne recule pas devant la progression menaçante des forces
du fanatisme, de l'orthodoxie, de la corruption et du préjugé qui pourraient
se liguer contre elle. La voix de la critique est une voix qui, indirectement,
renforce la proclamation de sa cause. Mais l'impopularité ne sert qu'à accentuer
encore le contraste avec ses adversaires; tandis que l'ostracisme est lui-même
une force magnétique qui doit, finalement, gagner dans son camp les ennemis
les plus vociférants et les plus invétérés". 3-72
L'opposition produit aussi des bénéfices très importants à l'intérieur de la
communauté baha'ie. L'un d'eux est la purification de la vie de la Cause. Le
monde est le milieu dans lequel la Révélation de Dieu s'épanouit et où le Royaume
de Dieu doit ultimement être érigé. Au cours de ce processus, des éléments indignes
sont inévitablement incorporés à la fibre de la communauté baha'ie. Ceux-ci
comprennent des attitudes, des modes de comportement, des idées et des préjugés
inconscients qui, bien qu'en contradiction avec les normes de Baha'u'llah, sont
difficiles à reconnaître parce qu'ils sont si subtils et caractéristiques de
la société qui nous entoure.
Les attaques contre la Cause ont pour effet de mettre l'emphase sur les choses
qui lui sont étrangères et de forcer les croyants à se tourner plus pleinement
vers les vérités révélées par Baha'u'llah. En effet, comme l'histoire de la
Cause l'a démontré, ces périodes de tension séparent aussi de la vie de la Cause
les individus qui ne sont pas prêts à relever le défi que ses normes représentent
ou qui, dans de rares cas, tentent consciemment de pervertir son cours :
"Considéré à la lumière de l'expérience passée, le résultat inévitable de
ces tentatives futiles, quelque persistantes et malicieuses qu'elles puissent
être, c'est de contribuer à une reconnaissance plus étendue et plus profonde,
tant par les croyants que par les non-croyants, des traits distinctifs de la
Foi proclamée par Baha'u'llah.
Ces critiques provocantes, qu'elles soient ou non dictées par la malice, ne
peuvent que servir à galvaniser les âmes de ses ardents partisans et à consolider
les rangs de ses propagateurs fidèles. Elles purgeront la Foi des éléments pernicieux
dont l'association constante avec les croyants tend à discréditer le bon renom
de la Cause et à ternir la pureté de son esprit.
Nous devrions donc, non seulement bien accueillir les attaques ouvertes que
ses ennemis avoués lancent contre elle avec persistance, mais nous devrions
aussi considérer comme une bénédiction déguisée chaque orage de méchanceté par
lequel ceux qui apostasient leur foi ou prétendent être ses interprètes fidèles
l'assaillent de temps en temps. Au lieu de miner la Foi, ces assauts, tant de
l'intérieur que de l'extérieur, renforcent ses fondations et avivent l'intensité
de sa flamme. Destinés à voiler son éclat, ils proclament au monde entier le
caractère exalté de ses préceptes, la plénitude de son unité, l'unicité de sa
position et la puissance de pénétration de son influence". 3-73
Enfin, l'opposition a un effet tonifiant sur l'unité des amis. Notre identité
en tant que Baha'is, notre sentiment de travailler ensemble en vue d'un but
commun d'une importance suprême, notre respect de nos capacités réciproques
et notre appréciation du pouvoir protecteur de l'Alliance deviennent les considérations
primordiales de nos vies spirituelles. Les différences de personnalité, d'opinion
et de culture sont soudainement réduites â leurs justes proportions :
"La marche irrésistible de la Foi de Baha'u'llah… mue par les influences
stimulantes que le manque de sagesse de ses ennemis et la force latente en elle
engendrent tous deux, se résout en une série de pulsations rythmiques, précipitées,
d'une part, par les sorties violentes de ses ennemis et, d'autre part, par les
vibrations du Pouvoir divin qui l'expédient d'un mouvement toujours plus rapide
sur le cours prédestiné tracé pour elle par la Main du Tout-Puissant". 3-74
"Les épreuves qui accompagnèrent le développement progressif de la Foi de
Baha'u'llah ont certes dépassé en gravité celles que les religions précédentes
ont endurées. A la différence de celles-ci, cependant, ces épreuves ne réussirent
aucunement à entamer son unité ni à créer, même momentanément, une brèche dans
les rangs des croyants. Non seulement elle a survécu à ces rudes expériences,
mais elle en est sortie purifiée et inviolée, douée d'une capacité plus grande
pour affronter et surmonter toute crise que Sa marche irrésistible pourrait
engendrer dans l'avenir". 3-75
3.10. Réponse à l'Opposition
Le temps viendra où la campagne persistante de travestissement des faits, à
laquelle la Foi a été soumise depuis sa naissance, commencera à affecter les
attitudes de bien des gens. 'Abdu'l-Baha nous avertit que dans les pays occidentaux
: "... une grande multitude de gens se lèveront contre vous, faisant preuve
d'oppression, exprimant l'insolence et la dérision, évitant votre société et
accumulant sur vous le ridicule". 3-76
Il est donc clair que partout la persécution de la Foi commencera éventuellement
à empiéter sur la vie personnelle des croyants. Un passage a été cité au début
de cette étude dans lequel le Gardien a schématisé certains des thèmes baha'is
qui deviendront de plus en plus la cible des abus et du ridicule. 3-77
Les attaques déjà faites par les missionnaires ont commencé à se centrer sur
ces sujets. Il fut un temps où dans la plupart des nations occidentales, il
aurait été difficile d'imaginer quelque concours de circonstances où une telle
campagne aurait pu se développer au point où les Baha'is deviendraient en fait
l'objet de l'ostracisme de leurs voisins et concitoyens. Toutefois, l'écroulement
rapide de la société et les développements bizarres et inattendus qui se sont
produits dans de nombreux secteurs de la vie sociale de l'homme ont radicalement
transformé la situation. Il n'est plus possible de prédire avec un quelconque
degré d'exactitude quelles circonstances peuvent se présenter alors que l'échec
de la discipline sociale s'accroît, l'angoisse devient l'état d'esprit normal
et la vulnérabilité publique aux préjugés et aux illusions augmente rapidement.
Le Gardien a dit à ce sujet :
"Comment les prémices d'un bouleversement mondial peuvent-elles, déchaînant
des forces qui troublent si gravement l'équilibre social, religieux, politique
et économique des sociétés organisées, plongeant dans le chaos et la confusion
des systèmes politiques, des doctrines raciales, des idéologies sociales, des
normes culturelles, des communautés religieuses et des relations commerciales,
- comment ces agitations - peuvent-elles, à une échelle inouïe, manquer de produire
des répercussions sur les institutions de la foi d'un âge si tendre dont les
enseignements ont une portée directe et vitale dans chacune des sphères de la
vie et du comportement humain ?"
"Il n'est pas étonnant, par conséquent, que ceux qui portent haut les bannières
d'une foi si pénétrante, d'une cause lançant un tel défi, se trouvent eux-mêmes
affectés par l'impact de ces forces bouleversant le monde entier. il n'est pas
étonnant qu'au centre d'un tourbillon de passions en lutte constante, ils trouvent
que leur liberté a été atteinte, leurs principes méprisés, leurs institutions
assaillies, leurs motifs diffamés, leur autorité compromise et leur prétention
rejetée". 3-78
Comment les Baha'is devraient-ils réagir à l'opposition ? 'Abdu'l-Baha nous
fournit la direction fondamentale à ce sujet :
"Combien grande, combien immensément grande est la Cause ! Combien féroce
est l'assaut de tous les peuples et nations de la terre... Tous et chacun se
lèveront de tout leur pouvoir pour résister à sa Cause. Puis les chevaliers
du Seigneur, assistés par sa grâce venue du ciel, affermis par la foi, aidés
par le pouvoir de compréhension et renforcés par les légions de l'Alliance,
se lèveront et rendront manifeste la vérité du verset : "Voyez la confusion
qui s'est abattue sur les tribus des vaincus !" 3-79
Il est clair que la fermeté dans l'Alliance, l'adhérence stricte aux normes
de la Cause, l'intégrité dans nos vies personnelles et dans l'opération de nos
institutions et une compréhension claire des processus en oeuvre, - tout cela
est essentiel à l'élaboration d'un ensemble de réponses mûres. Toutefois, 'Abdu'l-Baha
donne en outre un autre conseil très critique :
"Au moment où ces épreuves transpirent, vous devez affermir vos pas et démontrer
de la longanimité et de la patience. Vous devez leur résister avec le plus grand
amour et la plus grande bonté; considérez leur oppression et leur persécution
comme le caprice d'enfants, et n'accordez aucune importance à quoi qu'ils fassent".
3-80
Que veut dire 'Abdu'l-Baha par "caprice d'enfants", et comment un adulte
répond-il à un tel caprice ? Les enfants sont souvent opiniâtres et, s'ils sont
dépourvus de la formation spirituelle et morale nécessaire, cette opiniâtreté
tend à s'accroître. Les Baha'is ne croient pas que laissés à l'état de la nature,
les êtres humains développeront, en quelque sorte "spontanément", leurs
capacités humaines : "Nous observons aussi chez les enfants les signes d'agression
et d'anarchie et si un enfant est privé de l'enseignement d'un Maître, ces manifestations
indésirables s'amplifient d'un moment à l'autre". 3-81
Voilà précisément la condition présente de la race humaine. Privées de l'éducation
divine par les chefs de la pensée qui, dit Baha'u'llah, "se sont interposés"
entre l'humanité et le divin Médecin, les masses du genre humain font l'expérience
d'une amplification rapide du comportement opiniâtre, agressif et irrationnel.
Ce sont ces conditions qui ont instigué les attaques contre les Messagers de
Dieu et contre ceux qui luttent pour mettre en oeuvre leurs Enseignements.
Presque tout être humain adulte a vécu l'expérience de l'assaut irrationnel
d'un enfant entêté et colérique. Peut-être avons-nous reçu un coup de pied au
tibia, ou été frappés avec un objet quelconque à portée de la main, ou reçu
un bol de céréales sur les genoux. Nous avons peut-être, à l'occasion, été témoins
d'actes de cruauté enfantins envers d'autres enfants. De telles expériences
sont déplaisantes, parfois douloureuses, et peuvent occasionnellement avoir
des conséquences très nuisibles et onéreuses.
Mais parce que nous sommes des adultes, nous faisons notre possible pour contrôler
notre colère et notre impatience et nous essayons de déterminer si un problème
réel ou une simple frustration infantile est à la base de ce comportement. Si
le problème n'est que la mauvaise humeur et la folie de l'enfant même, nous
n'en assumons pas la responsabilité. Nous n'assumons pas personnellement ses
actions, nous ne nous sentons pas coupables et sur la défensive et nous ne nous
replions pas sur nous-mêmes. En tant qu'adultes, nous faisons ce que nous pouvons
pour aider l'enfant à comprendre sa situation et à corriger son comportement.
S'il refuse de répondre, il devra apprendre par l'expérience les conséquences
d'un mauvais caractère, de l'obstination et de l'insouciance. Notre succès à
confronter ces crises mineures varie grandement d'un adulte à un autre, et d'un
jour à l'autre, mais tous nous apprenons, jusqu'à un certain point, à être à
la hauteur.
Voilà comment 'Abdu'l-Baha nous conseille de traiter l'opposition. Pour les
Baha'is, l'opposition à la Cause est pénible de bien des façons, et particulièrement
quand elle est instigatrice de calomnie, de ridicule et d'ostracisme. Toutefois,
elle est aussi irrationnelle et, ultimement, elle porte en soi sa propre défaite.
Si les Baha'is devaient prendre au sérieux les efforts des ennemis de la Cause
pour la miner ou s'ils devaient être sur la défensive et blessés, ils gaspilleraient
leur temps et leurs énergies.
En tant qu'entité, la communauté peut corriger les fausses représentations que
l'on fait de la Foi. Le Gardien explique :
"La question de réfuter les attaques et les critiques dirigées contre la
Cause par la presse... en est une qu'il appartient à l'Assemblée Spirituelle
Nationale de considérer. Cet organisme, que ce soit directement ou par l'entremise
de ses comités, doit décider s'il est souhaitable de répondre à ces attaques
et, aussi, examiner soigneusement et revoir toute déclaration que les amis désirent
envoyer à la presse à cet effet. Ce n'est que par cette surveillance et ce contrôle
de toutes les activités de presse baha'ies que les amis peuvent espérer éviter
la confusion et les malentendus..." 3-82
A titre d'individus, les Baha'is peuvent souligner ces corrections aux chercheurs
sincères qui posent des questions dans le cours de leur recherche. Au-delà de
ceci, toutefois, l'opposition à la Cause de Dieu est l'expression d'âmes sans
maturité, désespérément attachées au pouvoir, à la position et aux préjugés
dans un monde depuis longtemps mort qui les entraîne avec lui.
"Dis : O peuples de Dieu ! Prenez garde de ne vous laisser effrayer par les
forces de la terre ou de ne vous laisser affaiblir par la puissance des nations
ou de ne vous laisser décourager par le tumulte des gens de discorde ou de ne
vous laisser attrister par la gloire terrestre. Soyez comme une montagne dans
la cause de votre Seigneur, le Tout-Puissant, le Tout-Glorieux, l'Incontrôlable".
3-83
"Quand viendra la victoire, tout homme se dira croyant et se hâtera vers
l'unique refuge de la Foi de Dieu. Heureux ceux qui, dans les jours d'épreuves
mondiales, seront restés fermes dans la Cause et auront refusé de dévier tant
soit peu de sa vérité". 3-84
Au début de cette étude, nous étions soucieux de la façon dont nous pourrions
relier dans notre conscient deux commandements différents de notre Foi. D'un
côté, on nous incite à "méditer profondément" sur les persécutions infligées
par les ennemis de la Cause; de l'autre, on nous demande de "reconnaître
vos ennemis comme vos amis". Il est clair que ces deux enseignements sont
deux aspects différents d'un unique défi. Mis à part le Bris de l'Alliance,
si les ennemis extérieurs de la Cause se rendaient compte de ce qu'ils attaquent,
ils cesseraient ces attaques. Baha'u'llah dit que s'ils comprenaient ce qu'ils
font, ils "retiendraient leur souffle par crainte de Dieu". Ils donnent
libre cours à leurs impulsions parce qu'ils sont ignorants des circonstances
et des conséquences pour leurs propres âmes immortelles.
Quand un Baha'i se rend compte de ceci, et qu'il considère soigneusement la
façon dont les attaques contre la Cause ont contribué à sa purification et à
sa croissance, il voit alors les ennemis de la Foi d'un oeil différent. C'est
sans doute d'un tel oeil que Shoghi Effendi a considéré l'une des nombreuses
crises qu'il a été appelé à affronter quand il a écrit :
"Certes, cette épreuve toute fraîche qui, à la suite des dispensations mystérieuses
de la Providence, a affligé la Foi à cette heure inattendue, loin de porter
un coup fatal à ses institutions ou à son existence, devrait être considérée
comme une bénédiction déguisée, non pas une "calamité" mais une "providence"
de Dieu, non pas une inondation dévastatrice mais une "douce pluie" sur
un "vert pâturage", une "mèche" et de "l'huile" pour la
"lampe" de sa Foi, une "nourriture" pour sa Cause, "de l'eau
pour ce qui a été planté dans les coeurs des hommes", une "couronne placée
sur la tête" de son Messager pour ce jour". 3-85
Les questions spirituelles au coeur de l'opposition à la Cause de Dieu - les
questions de vie ou de mort spirituelles - ne sont nulle part aussi clairement
exposées que dans la Tablette immortelle que Baha'u'llah a adressée sur ce sujet
à ses disciples persécutés, il y a un siècle :
"O toi qui a tourné ton visage vers les splendeurs de ma Face ! Les vagues
chimères ont entouré les habitants de la terre et les ont empêchés de se tourner
vers l'Horizon de Certitude, son éclat, ses manifestations et ses lumières.
Les vaines imaginations les ont retenus loin de Celui qui subsiste par Lui-même.
Ils parlent suivant les impulsions de leurs caprices et ne comprennent pas".
"Parmi eux sont ceux qui ont dit : "Les versets ont-ils été envoyés ?" Dis
: "Oui, par Celui qui est le Seigneur des cieux !" "L'Heure est-elle venue ?"
"Bien plus; elle est passée, par Celui qui est le Révélateur des signes clairs
! En vérité, l'Inévitable est venu, et Lui, le Véritable, est apparu avec la
preuve et le témoignage. L'Évident est dévoilé, et l'humanité est grandement
troublée et craintive. Les tremblements de terre se sont déchaînés et les tribus
se sont lamentées, par crainte de Dieu, le Seigneur de puissance, l'Irrésistible."
Dis : "Le coup de trompette étourdissant a résonné, et ce Jour est celui de
Dieu, l'Unique, l'Incontrôlé." "La Catastrophe s'est-elle produite ?" Dis :
"Oui, par le Seigneur des Seigneurs !" "La Résurrection est-elle arrivée ?"
"Bien plus; Celui qui subsiste par Lui-même est apparu avec le Royaume de ses
signes." "Vois-tu des hommes terrassés ?" "Oui, par mon Seigneur, l'Exalté,
le Très-Haut !" "Les souches ont-elles été déracinées ?" "Oui, bien plus; les
montagnes ont été réduites en poussière; par Lui, le Seigneur des attributs
!""
"Ils disent : "Où est le Paradis, et où est l'Enfer ?" Dis: "L'un est l'union
avec Moi; l'autre ton propre moi, ô toi qui t'associes en partenaire avec Dieu
et doute." Ils disent: "Nous ne voyons pas la Balance." Dis : "Sûrement, par
mon Seigneur, le Dieu de Miséricorde ! Personne ne peut la voir que ceux qui
sont doués de perception." "Les étoiles sont-elles tombées ?" Dis : "Oui, quand
Celui qui subsiste par Lui-même habitait la Terre des Mystères (Andrinople).
Tenez-en compte, vous qui êtes doués de discernement !""
"Tous les signes sont apparus quand nous avons tiré la Main du Pouvoir du
sein de la majesté et de la puissance. En vérité, le Crieur a crié, quand le
temps promis est arrivé, et ceux qui ont reconnu les splendeurs du Sinaï se
sont évanouis dans le désert de l'hésitation devant l'effroyable majesté de
ton Seigneur, le Seigneur de la création".
"La trompette demande : "Le Clairon a-t-il sonné ?" Dis: "Oui, par le Roi
de la Révélation ! Quand Il est monté sur le trône de son Nom, le Très-Miséricordieux."
Les ténèbres ont été dispersées par les lueurs de l'aurore de la miséricorde
de ton Seigneur, la Source de toute lumière. La brise du Très-Miséricordieux
a soufflé, et les âmes ont été animées dans les tombeaux de leurs corps. Ainsi,
le décret a-t-il été rempli par Dieu, le Puissant, le Bienfaisant".
"Ceux qui se sont égarés ont dit : "Quand les cieux ont-ils été déchirés
?" Dis : "Pendant que vous reposiez dans les tombes de l'obstination et de l'erreur."
Parmi les insouciants est celui qui se frotte les yeux et regarde à droite et
à gauche. Dis : "Tu es aveuglé. Tu n'as aucun refuge où fuir." Et parmi eux
est celui qui dit : "Les hommes ont-ils été rassemblés ?" Dis : "Oui, par mon
Seigneur ! Pendant que tu reposais dans le berceau des folles chimères." Et
parmi eux est celui qui dit : "Le Livre a-t-il été envoyé par le pouvoir de
la vraie Foi ?" Dis: "La vraie Foi elle-même est étonnée. Craignez, ô hommes
au coeur compréhensif !" Et parmi eux est celui qui dit : "Ai-je été réuni avec
les autres, aveugle ?" Dis: "Oui, par Celui qui est porté par les nuages !""
"Le Paradis est paré des roses mystiques et l'enfer a été embrasé du feu
des impies. Dis : "La lumière a resplendi de l'horizon de la Révélation et toute
la terre a été illuminée à la venue de Celui qui est le Seigneur du Jour de
l'Alliance !" Ceux qui ont douté ont péri, tandis que celui qui s'est tourné,
guidé par la lumière de l'assurance, vers la Source de Certitude a prospéré".
"Béni sois-tu, qui as fixé ton regard sur Moi, pour cette Tablette qui a
été envoyée pour toi - une Tablette qui a fait prendre leur envol aux âmes des
hommes. Mémorise-là, et récite-là. Par ma vie ! C'est une porte ouverte sur
la miséricorde de ton Seigneur. Il est bon de la réciter le soir et à l'aube".
"En vérité, nous entendons ta louange de cette Cause, par laquelle la montagne
du savoir a été écrasée et les pieds des hommes ont glissé. Ma gloire soit sur
toi et sur quiconque s'est tourné vers le Tout-Puissant, le Très-Généreux. La
Tablette est terminée, mais le thème n'est pas épuisé. Sois patient, car ton
Seigneur est patient". 3-86