Les dépèches diplomatiques françaises
concernant les religions babie et baha'ie
au temps du Bab et de Baha'u'llah (1844-1892)
Mlle Caroline DISPAGNE - Mémoire de maîtrise - Université de Paris IV, Paris-Sorbonne


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Chapitres du mémoire

I - L'état de la Perse, ses relations intérieures et extérieures au moment de l'émergence du mouvement babi

A. Etude structurelle du règne Qâjâr

La chronologie royale iranienne se divise en plusieurs dynasties. De la fin du XVIIIe siècle jusqu'au début du XXe siècle, règnent les Qâjârs. La période qâjâre débute en 1779 avec l'intronisation de Aqa Muhammad Khan et se termine en 1925 à la déposition de Ahmad Shah.

En 1779, Aqa Muhammad Khan déplace le siège du pouvoir de Ispahan (capitale des Safavides) à Téhéran en déclarant cette dernière capitale de la Perse. A cette époque, il s'agit d'une bourgade sans importance située près de Ravy. Les différentes conquêtes conjuguées à l'ambition qâjâre concourent à la chute des Zends à Chiraz et à Kirmân en 1794. Aqa Muhammad Khan conquiert ensuite le Nord-Est de l'Iran (le Khorasan), l'Azerbaïdjan, l'Arménie et la Géorgie. En 1796, il s'attribue le titre de "Grand Roi" à Téhéran.

Le XIXe siècle voit la transformation structurelle de la Perse : d'une monarchie médiévale islamique, elle devient une monarchie constitutionnelle dont les formes extérieures s'apparentent à celle d'un gouvernement occidental à caractère représentatif. A cette époque, la Perse subit l'influence grandissante des grandes puissances occidentales telles que la Russie, la France et la Grande-Bretagne. Ainsi, la propagation des idées libérales de l'Ouest et les avancées technologiques [3] participent à la transformation de la Perse, tant sur le plan économique que politique. Cependant il est à noter que ces transformations structurelles se mettent en place que très difficilement et se font jour que vers la fin du XIXe siècle. Aussi, la Perse du XIXe siècle est décrite comme une société en pleine déchéance, en proie au déclin et à l'anarchie.


1- La structure politique et militaire sous le règne Qâjâr

a) Structure politique


Les Qâjârs, comme beaucoup d'autres dynasties perses, sont d'origine turque ou sont issus de tribus turcomanes, dont en général ils sont les chefs. Leurs origines ne sont pas parfaitement connues, on les pense originaires des steppes situées au sud de la mer Caspienne. De ces origines, les princes Qâjârs conservent une attirance pour le nomadisme. Ainsi ils adoptent une vie de camp et dirigent leurs troupes dans les différentes expéditions et raids. Cavaliers hors pairs, les rois sont habitués à chasser. La plupart des membres de la famille Qâjâr préfèrent une vie nomade à une vie sédentaire, un village à une ville, une tente à un palace. La cour royale est en effet toujours en voyage, comme nous l'illustre la dépêche suivante : "Le roi vient de quitter Téhéran pour n'y plus rentrer qu'à l'automne (…) Sa majesté ira comme elle le fait chaque année, se promener et chasser dans les montagnes. Ce besoin de déplacement devient chaque jour plus impérieux et depuis six mois on pourrait presque compter les heures que le Chah a passé dans sa capitale ; les affaires s'en ressentent de la façon la plus fâcheuse." [4]
Au cours de notre étude, nous rapporterons des faits confrontant babis, baha'is et le roi. Ces rencontres s'effectuent la plupart du temps dans un campement royal, aussi, avons-nous juger pertinent de nous arrêter sur le nomadisme royal.

En 1797, après avoir établi leur souveraineté sur la Perse, les Qâjârs cessent d'être de simples chefs de tribus pour devenir, comme les souverains précédents, des monarques absolus ; les Qâjârs considèrent le souverain comme "l'ombre de dieu sur terre" [5]. Bien que ces derniers ne puissent se réclamer être des descendants des Imams, comme l'étaient les Safavides [6], ils considèrent le caractère de leur pouvoir comme quasiment sacré. En effet, pour marquer leur puissance aux yeux de leurs sujets, les Qâjârs s'attachent à exalter le caractère élevé, voire sacré, de leur domination.

Tout au long du XIXe siècle, la magnificence de la cour royale ne cesse de croître. Le faste lui permet d'asseoir sa puissance, aussi la cour organise-t-elle de somptueuses fêtes où le protocole reste prépondérant. Par ailleurs, la population est invitée à offrir au Shah de riches cadeaux. Les gouverneurs chargés d'inspecter les provinces connaissent le même cérémonial.
Ainsi, l'arrivée d'une ambassade étrangère constitue l'occasion pour le Shah d'apparaître dans toute sa grandeur.

De surcroît, le faste de ces cérémonies atteste du crédit et du respect accordé par le Shah à un gouvernement étranger. Ainsi, ces cérémonies étaient-elles très attendues des émissaires étrangers. Beaucoup de voyageurs européens évoquent la splendeur de la cour des Qâjârs et de l'importance accordée aux titres et symboles synonymes de pouvoir.

"Il n'y avait pas dans d'autres cours, une attention si rigide portée au protocole. Les regards, les mots, les mouvements du corps étaient dirigés par des formes strictes (…) Rien n'excède la splendeur de la cour de Perse dans les occasions extraordinaires. La plus grande magnificence est régulée par l'exactitude des ordres." [7].

D'après A. K. S. Lambton [8], les fastes et la grandeur de la cour, ne doivent pas en principe entraver l'accessibilité du peuple au Shah. La possibilité d'en référer au roi pour tous types de griefs permet de contrebalancer le pouvoir des fonctionnaires. Cependant, son effectivité est limitée. "Il était possible pour toute personne d'être reçu par le Shah en audience, et la plupart des suppliants soumettaient leurs pétitions au Shah en mains propres. Les membres des basses classes pouvaient obtenir facilement une audience et de présenter oralement leurs plaintes. Si le droit était de leur coté, il retournait rarement déçus." [9].

Comme nous le verrons en troisième partie, les babis et baha'is ont souvent fait appel au Shah pour défendre leur cause en demandant soutien et protection. Souvent, ces demandes sont restées vaines.

La Perse est une monarchie absolutiste et les historiens et contemporains de l'époque considèrent les souverains qâjârs comme des despotes. Dans son oeuvre Persia and the persian question [10], Lord Curzon définit le souverain comme une personne qui "possède un pouvoir illimité sur la vie et les biens de chacun de leurs sujets". En effet, le souverain nomme et révoque les ministres, les fonctionnaires, les juges.

Le roi détient les fonctions législatives, exécutives et judiciaires. De plus, le Shah possède pouvoir de vie et de mort tant sur sa propre famille que sur les fonctionnaires militaires et civils et sur la population. Au cours du XIXe siècle quatre rois vont se succéder à la tête du royaume persan [11] :
Fath 'Ali Shah, qui règne de 1797 à 1834.
Muhammad Shah qui règne de 1834 à 1848.
Nasiri'd-Din Shah qui règne de 1848 à 1896.
Muzzafar al-Din Shah qui règne de 1896 à 1907.

Les mouvements babi et baha'i sont particulièrement confrontés à deux rois que nous évoquerons dans la suite de notre étude : Muhammad Shah et Nasiri'd-Din Shah.
C'est d'ailleurs sous le règne de Muhammad Shah que naît le mouvement babi en 1844.

Il est à noter que les Qâjârs ne sont jamais parvenus à maintenir une solidarité familiale. Ainsi, en Perse, les successions sont des périodes troublées. C'est le plus souvent lors des périodes charnières, constituées par les successions et les débuts d'un règne, que l'on constate une recrudescence des conflits, notamment ceux entre les babis le clergé et les autorités.

"Un changement de règne est toujours dans l'Asie centrale, un moment fort critique. En Perse, (…) il s'établit alors une anarchie qui dure plus ou moins longtemps, qui prend un caractère plus ou moins violent et tourmenté, mais qui ne manque jamais de suspendre l'action des lois, en vertu du principe que la volonté souveraine a, pour plus ou moins de temps, disparu (…) En outre, bien des passions et des intérêts sont là pour réveiller, exciter, attiser, mettre en flamme la discorde générale. S'il y a plusieurs prétendants au trône, ceux-là veulent du désordre pour redoubler leurs chances de succès et se faire des partisans actifs." [12] Comme le relate Gobineau, la succession de chaque souverain Qâjâr donne lieu à de sérieux troubles. Le défaut d'un système stable de succession est une source de faiblesse qui conduit chaque fois à des intrigues lors de la désignation du Walu+-'ahd. En effet, une coutume perse veut que le Shah nomme un de ses fils Walu+-'ahd "prince héritier".

Lors de leur prise de pouvoir, Fath'Ali Shah, Muhammad Shah et Nasiri'd-Din Shah sont confrontés à diverses oppositions armées émanant de certains princes qâjârs. Chacun des Shah a un grand nombre d'enfants [13], ce qui entraîne une rivalité dans la fratrie et est source de conflits éventuels. Par exemple, la mort de Fath 'Ali Shah provoque des luttes entre rivaux se prétendant au trône. L'Encyclopédie de l'Islam rapporte l'antagonisme qui existe entre les fils de Fath 'Ali Shah, notamment entre 'Abbas Mirza, désigné Walu+-'ahd et Muhammad 'Ali Mirza (le futur roi Muhammad Shah). Celui-ci risquait de dégénérer en rébellion. A la mort de 'Abbas Mirza, son père, Fath 'Ali Shah, retarde la nomination de Muhammad 'Ali Mirza en tant que Walu+-'ahd. Il craint que cette nomination génère des troubles et ne se termine en guerre civile.

Dans les années 1840, à l'époque de Gobineau, les intrigues des Anglais et des Russes qui appuient le candidat le plus favorable à leurs intérêts [14], augmentent d'autant les difficultés de cette nomination.

Les membres de la famille royale, fort nombreux, ont à charge des responsabilités gouvernementales. En effet, les Qâjârs ont perpétué la coutume des premières dynasties iraniennes, politique abandonnée par les Safavides, de conférer les gouvernements provinciaux aux princes de la famille royale (les fils (shahzadas) et petit-fils du roi). Ce morcellement du pouvoir présente un avantage certain. Cela permet au Shah de maintenir un équilibre entre ces diverses forces politiques et surtout d'éviter les conspirations des princes. Cependant, cette gouvernance possède quelques inconvénients : dans sa province, loin du contrôle du gouvernement central, le prince peut nourrir des ambitions et se créer un pouvoir important. Ainsi, les princes ambitieux peuvent utiliser les ressources provinciales pour fomenter d'éventuelles rebellions. De plus, chaque province possède une capitale, copie de la cour royale de Téhéran, qui génère pour les populations locales des charges conséquentes.
Les princes gouverneurs, les Beglerbegis, possèdent leur propre cour constituée d'une administration, d'une force militaire et de revenus officiels (mustaufi). L'étendue spatiale, la situation géographique et le potentiel des ressources conditionnent la position hiérarchique de ladite province. Lors des soulèvements babis (chapitre III), les Beglerbegis vont jouer un rôle primordial. Le clergé chiite, insécure face à l'émergence de cette nouvelle religion, exhorte les foules contre ces nouveaux croyants. Lors de ces pogroms, les autorités provinciales prennent le parti des religieux chiites et de la population musulmane. De plus, elles sont à l'initiative de l'engagement étatique, en tant que représentant, dans les attaques et combats contre les babis et baha'is.

Il arrive que les Beglerbegis, lors de leur accession à la charge provinciale, soient mineurs. Aussi sont-ils assistés par un tuteur, le vizir ou pishkar, qui gouverne pour le prince. Lorsque le prince gouverne, le vizir contrôle alors les actions du prince, ceci au nom du gouvernement central.

Ainsi, dès 1818, la province de l'Azerbaïdjan est traditionnellement gouvernée par le prince héritier qui réside à Tabriz, loin de la cour. Il s'agit d'une période d'apprentissage. Les provinces sont alors dirigées par d'autres princes ou membres des classes dirigeantes.

Le Shah s'appuie sur ses ministres, qui ont la charge d'un certain nombre d'affaires ou conseillent le souverain.
Le grand vizir, le sadr-i a'zam ou Premier ministre, détient un rôle essentiel. Choisi par le souverain, il peut être plus ou moins influent et infléchir la politique royale. Il possède une ascendance certaine sur les ministres "les employés de l'Etat, civils et militaires relèvent du premier ministre qui les nomme et les destitue à son plaisir" [15]. Il a notamment pour fonction de procurer les fonds à l'administration et à la défense de l'Etat. Sa tâche dépend souvent de la faveur et de la confiance octroyée par le roi, mais aussi de la compétence du Shah. En dépit de leurs prérogatives, leur vie est constamment en péril. En effet, ils sont révocables selon les intrigues et les désirs royaux.

Tout au long de notre devoir nous évoquerons trois de ces premiers ministres qui ont joué un rôle majeur dans la lutte contre la nouvelle croyance : il s'agit de Haji Mirza Aqasi, Mirza Taqi Khan et Mirza Aqa Khan Nuri.
En 1835, Haji Mirza Aqasi devient Premier ministre. Originaire de Géorgie, il avait été le tuteur de Muhammad 'Ali Mirza, (le futur roi Muhammad Shah), en Azerbaïdjan. Grâce à sa position de sadr-i a'zam et au cumul d'un grand nombre de postes gouvernementaux et de responsabilités, il parvient à concentrer une partie du pouvoir. Cette situation entraîne la détérioration économique et politique du pays. Il devient rapidement impopulaire et à la mort du roi Muhammad Shah, en 1848, il doit, par crainte de représailles, se réfugier en Russie puis à Karbala.

"Comme il [Muhammad Shah] avait un grand besoin d'affection et qu'il ne trouvait guère de sentiments de ce genre dans sa famille, (…), il avait concentré toutes ses affections sur le vieux mollah, son précepteur. Il en avait fait son unique ami, son confident, puis son premier et tout puissant ministre (…) Dans tous les cas, il [Haji Mirza Aqasi] professait les mêmes principes généraux que le roi, et les lui avait de bonne foi inculqués. Mais cela ne l'empêchait pas de bouffonner. La bouffonnerie était le système, la règle, l'habitude de sa conduite et de sa vie." [16]

A son accession au trône en 1848, Nasiri'd-Din Shah désigne Mirza Taqi Khan au poste de Premier ministre. Ce dernier était en 1843, gouverneur adjoint de l'Azerbaïdjan. Il profite de la jeunesse du Shah et de son inexpérience, le Shah a dix-sept ans à son intronisation. Mirza Taqi Khan profite de cette situation pour accaparer le pouvoir. La sévérité de sa politique suscite la réprobation de la population et des princes qâjârs. C'est en effet sous son ministère que de nombreuses répressions sont perpétrées contre les babis, et c'est lui qui ordonne l'exécution du Bab (II). Cette désapprobation se transforme en opposition et en 1851, Mirza Taqi Khan est renversé et assassiné par ses ennemis politiques. Cependant, pour la majeure partie des historiens, il est considéré comme un grand réformateur et l'un des fondateurs de l'Iran moderne. Pourtant, les Européens résidents ou de passage à Téhéran ne rapportent pas une image très enthousiaste de cet homme.
Ferrier agent diplomatique en Perse, en témoigne dans cet extrait d'article : "Depuis 1848, le trône des Kadjar est occupé par un jeune prince ne manquant pas de bonnes intentions, mais complètement dirigé par son premier ministre, l'émir atâbek [17] Mirza tarî Kân (Taghi Khan), dont la folle vanité et l'ambition ont encore augmenté le désordre et l'anarchie dans lesquels ce malheureux pays se débat depuis tant d'années." [18]

Mirza Aqa Khan Nuri succède à Mirza Taqi Khan en qualité de Premier ministre de Nasiri'd-Din Shah. Reconnu pour son ambition, il a souhaité ardemment devenir Premier ministre. Sous le règne de Muhammad Shah, il s'oppose à Haji Mirza Aqasi et connaît l'exil à Kashan, où il rencontre les babis. Nous le verrons en troisième partie, dès son arrivée au pouvoir, il espère une réconciliation entre le gouvernement et les babis. Il est probable que Mirza Aqa Khan Nuri ait été impliqué dans la chute de Mirza Taqi Khan en 1851. En novembre de cette même année il accède au poste de Premier ministre. Au pouvoir, il annule la majeure partie des réformes de Mirza Taqi Khan et est confronté à la désastreuse guerre anglo-persanne de 1856-1857. Il est à l'origine de la vague de persécutions engagée contre les babis après la tentative d'assassinat contre le Shah en 1852. En août 1858, lors de la réorganisation du gouvernement par Nasiri'd-Din Shah, il est révoqué.

L'administration civile de l'empire Qâjâr est basée sur le modèle de l'empire Safavide. Tous les fonctionnaires sont adjoints du Shah. Le Shah, seul, détient le pouvoir exécutif. De cette façon, les fonctionnaires sont dépossédés de réelles prérogatives. Ils sont élevés ou dégradés selon la volonté du Shah. Après la fonction de Premier ministre, il existe trois offices conséquents :
- La première administration en ordre d'importance est le trésor public ou administration financière, son haut responsable est le mustawfi al-mamalik. Ce dernier a la charge des mustawfis, ceci pour chaque province ou groupe de provinces. Leur tâche consiste à préparer les revenus des taxations des provinces, contrôler les comptes de la province, vérifier et sanctionner les projets des revenus provinciaux.
- La fonction de vazir-i lashkar, le ministre de la guerre, réside dans une fonction surtout administrative et bureaucratique. Chaque régiment possède son propre fonctionnaire financier (mustawfi) et fonctionnaire de la guerre et (lashkar-nivis) qui tous sont sous la direction du vazir-i lashkar.
- Le munshi al-mamalik est une sorte de chef secrétaire.

Le service de la cour, de l'administration locale et centrale comprend un nombre important de fonctionnaires. Pour exemple : le sahib diwan dont la fonction principale consiste à signer les documents ; le mu'ayyir al-mamalik administre la monnaie ; le khatib al-mamalik lit la khutba au nom du Shah au nouvel an et lors d'autres occasions de cérémonies ; le munajjim-bashi, est astrologue.

Au milieu du XIXe siècle, Nasiri'd-Din Shah semble vouloir réformer les structures du gouvernement. Vers 1858, après le renvoi de l'office de sadr-i a'zam de Mirza Aqa Khan Nuri, le Shah crée six ministères : le ministère de l'intérieur, des affaires étrangères, de la guerre, des finances, de la justice, des appointements et awqaf. Les ministres en charge doivent agir d'une façon indépendante se référant au besoin au Shah. Ils sont tenus de se réunir en conseil de ministres. Les querelles et les ambitions personnelles vont rapidement concourir à l'échec de ce système. Plusieurs tentatives de modernisation du pouvoir sont tentées, tel l'établissement en 1859 d'un corps consultatif incluant le prince, un notable, un ouléma (membre du clergé chiite), un fonctionnaire, mais sans grand succès.

Ainsi, en 1871, Nasiri'd-Din Shah, au pouvoir et sans Premier Ministre depuis 1858, nomme Mirza Husain Khan sadr-i a'zam (Premier ministre).

Les hautes charges du royaume persan reviennent généralement aux membres des grandes familles (d'abord les membres de la famille Qâjâre, puis les chefs tribaux, enfin les propriétaires terriens). La corruption et le népotisme sont des traits caractéristiques de la bureaucratie persane ; A.K.S. Lambton, dans son ouvrage les évoque : "un poste gouvernemental était considéré comme le chemin de la fortune (…) le népotisme était un trait caractéristique de l'administration (…), l'intrigue et la corruption étaient présentes partout dans la vie publique. On obtenait ou on gardait son poste en offrant des présents au Shah ou à d'autres personnages !" [19]. Cependant, en Perse, une certaine mobilité sociale existe puisqu'il est possible pour un homme de "naissance obscure" d'accéder à une fonction à responsabilité et ainsi de parvenir à la richesse.


b) L'armée perse au XIXe siècle

L'armée perse est omniprésente dans l'histoire babie. En effet, lors de conflits armés entre la population, les oulémas et les babis, les troupes provinciales et royales sont, à plusieurs reprises, dépêchées pour mettre fin aux soulèvements. Dès lors, il est intéressant que nous nous attardions sur les forces armées persanes au XIXe siècle.

Dans les premiers temps qâjârs, le Shah dirige lui-même les armées. A partir du règne de Nasiri'd-Din Shah (1848-1896), et jusqu'en 1871, le commandement des armées revient à l'un des princes qâjârs. L'armée perse au XIXe siècle semble peu efficace comme nous le relate, de façon crue et ironique l'agent français Ferrier, adjudant général, accrédité en Perse : "Les soldats n'ont ni discipline, ni respect, ni obéissance pour leurs chefs ; ces derniers n'ont aucun sentiment de leurs droits, de leurs devoirs, de leur dignité (…) l'instruction des troupes est tout à fait nulle ; elles en savent juste assez pour se faire battre à plate couture (…) Rien ne peut donner une idée de l'ignorance des officiers(…) Sur cent bataillons d'infanterie existant, un tiers seulement est armé de fusils en si mauvais état, qu'il y a du danger à s'en servir ; leur équipement et leur habillement sont aussi délabrés. La cavalerie est toute irrégulière, et ne peut rendre aucun bon service à l'armée." [20]

Le nombre total des forces armées de Aqa Muhammad Khan, premier roi Qâjâr en 1776, est estimé entre 70 000 à 80 000 hommes. Cependant, en raison des faibles sommes allouées à l'armée, le Shah ne peut entretenir cette force que six ou sept mois maximum dans l'année. L'armement des soldats se compose principalement d'arcs, de flèches, de massues, de gourdins, de lances ainsi que de sabres. Les armes à feu se résument à des mousquets. La cavalerie porte des vêtements de maille, l'artillerie était quasiment inemployée.
A la mort de Aqa Muhammad Khan en 1797, on note une détérioration sensible des capacités des forces armées. Les militaires qâjârs sont peu performants. L'armée perse est constamment en proie au manque de discipline et au manque chronique d'effectif notamment au niveau des dirigeants.

L'armée, au XIXe siècle, s'articule autour de deux sections distinctes. Premièrement, elle se compose des forces traditionnelles qui date de Aqa Muhammad Khan. Deuxièmement, elle est constituée par les unités créées sur le modèle européen. En effet, tout au long du XIXe siècle, l'administration militaire fait appel à des conseillers occidentaux, à l'instar de Ferrier, afin de réformer l'armée perse. Il faut noter que la taille et l'effectivité de l'armée s'adaptent aux besoins et exigences fiscales.

L'armée traditionnelle peut se diviser en trois catégories. La première est constituée de la garde royale : la garde personnelle du roi, une garde bien armée avec des cavaliers efficaces. Elle est formée de ghulams (esclaves), notamment des esclaves géorgiens commandés par de jeunes nobles qâjârs. D'après l'ouvrage "Qâjâr Persia" [21], cette garde royale se compose d'environ 3000 à 4000 hommes. Au milieu du XIXe siècle, le nombre de soldats de la garde royale semble avoir diminué (il est évalué entre 1500 et 2000 hommes).

Les princes qâjârs, gouverneurs de province, détiennent une garde similaire, toutefois plus petite. Ce genre de garde est surtout présente dans les provinces instables où les soulèvements sont latents (Khorasan, Kirmanshah). Lors des soulèvements babis (chapitre III), ces derniers ont dû être confrontés à ce type de troupe provinciale.

Deuxièmement, il existe une levée de troupes tribales qui sert de réserve. Ce sont des cavaliers tribaux sous la commande de leurs chefs respectifs. En théorie, elles sont, en période de besoin, à la disposition du Shah. La principale force armée du Shah est celle formée par le contingent tribal. Une fois par an, lors de la fête du nouvel an, ces tribus doivent être présentées au roi ; si cette année là leur service n'est pas nécessaire, elles peuvent disposer et rentrer chez elles. Le gouverneur des provinces, à l'égal du roi, peut également lever des contingents de tribus.

Troisièmement, il existe des milices dont les membres sont recrutés dans la population des provinces par le gouverneur provincial ou les dirigeants des villes, notamment celles du Mazandéran et d'Asterabad. Ce sont donc des populations armées mais manquant d'entraînement et de discipline.

En 1809, l'armée recrutée dans les tribus et dans la population urbaine atteint le nombre de 12000 hommes.

Cette armée traditionnelle est efficace lors d'événements sporadiques (soulèvements, rebellions), mais elle ne peut faire face lors des guerres frontalières avec d'autres grandes puissances telles que la Grande-Bretagne ou la Turquie [22].

Dans un désir de réorganisation les souverains qâjârs s'inspirent des armées modernes occidentales pour créer un nouveau corps d'armée. Ce dernier, à la fin du XIXe siècle, comprend 12 000 cavaliers et 12 000 soldats d'infanterie. Il s'organise autour de douze bataillons de 1000 hommes regroupés en neuf régiments.

Ainsi, au cours du XIXe siècle, diverses tentatives se font jour afin de remplacer les forces irrégulières par des forces régulières ou semi-régulières, formées et disciplinées selon la mode européenne. Aussi des missions militaires provenant de diverses nations sont employées à cette fin. La première tentative sérieuse de réforme militaire s'effectue sous la direction d'officiers venus avec la mission du général Gardane (militaire français) qui arrive en Perse en 1807. Cette mission se retire en 1808. La seconde tentative d'introduction d'une discipline et des méthodes européennes va être entreprise en Perse en 1810 par des officiers anglais qui décident de passer au service de la Perse (mission de Sir John Malcom). En vertu du traité anglo-persan de 1814, le gouvernement britannique fournit des officiers afin d'assurer l'entraînement militaire et d'enseigner la discipline. Il fournit également armes et munitions. Un an après, un désaccord entre les deux pays mettra un terme à cette collaboration. Jusqu'à la fin du règne de Muhammad Shah, en 1848, plusieurs efforts de restructuration de l'armée persane sont mis en place. En effet, des officiers d'Inde et de France se rendent en Perse pour recruter et entraîner les troupes, mais sans obtenir des résultants probants. A cette époque, l'armée se trouve en réelle décadence.

Mirza Taqi Khan, le Premier ministre de Nasiri'd-Din Shah, entreprend alors la réorganisation de l'armée. Il décide de réformer notamment la solde et le recrutement. Les contingents fournis par les tribus et les habitants des villages doivent servir pour une période définie. Durant ce service, ils reçoivent des provisions et perçoivent un faible revenu annuel. Le recrutement est réorganisé et établi sur la base d'un système de quotas, chaque village, district et tribus devant fournir un nombre défini de conscrits. En 1851, la Dar al-funun, la première école à enseigner les sciences modernes, est mise en place en vue de former les officiers de la nouvelle armée. Les instructeurs civils ou militaires sont étrangers notamment autrichiens. Ces mesures ne donnent que peu de résultats immédiats et la pénurie de fonds empêche la mise en place de mesures efficaces. Aussi, ces réformes militaires sont abandonnées par le successeur de Mirza Taqi Khan. Seule la brigade cosaque (organisée par les Russes) devient réellement active dès la fin du XIXe siècle.


2- Le maillage social de la Perse

En Perse, les pouvoirs économiques et politiques se partagent principalement entre les chefs tribaux, les marchands, les propriétaires fonciers et les oulémas. Ils représentent un poids conséquent de la vie persane. Aussi il nous semble important d'étudier ces catégories de population d'autant que nous les évoquons au cour de l'évaluation du profil sociologique des membres des religions babi et baha'ie.

Ainsi, après la famille qâjâre, les membres dirigeants de la société sont les chefs tribaux, "les nombreuses tribus turkes répandues dans tout l'Empire depuis Astérabad jusqu'au fond des provinces les plus méridionales (…) Ils remplissent l'armée, et dans les rangs du clergé et des hommes d'administration et de gouvernement, ils occupent plus de la moitié des emplois. La dynastie actuelle n'est nullement la première qu'ils aient fourni au pays ; c'est incontestablement chez eux que ce trouve le nerfs de la nation" [23]. Les Bakhtiyaris, les Kurdes, les Afshars, les Qaragozlus, les Arabs, les Qashqa'i, les Baluch, les Turcomans, sont les tribus qui s'imposent dans le pays. Elles possèdent des domaines considérables.
Ces tribus sont indépendantes et autonomes. Elles organisent et conduisent leurs affaires internes et dirigent la population qui habite sur leur territoire. Au début du XIXe siècle, les tribus nomades forment près la moitié de la population persane. A la fin de ce siècle, elles constituent un quart de la population perse. Cet effectif reste stable. En effet au cours du XIXe siècle, la population de la Perse a doublé. Ainsi, la proportion des tribus est moindre tandis que l'effectif, lui, reste stable. Cependant, l'impact de ces tribus sur la vie politique et sociale en perse demeure considérable. Comme nous l'avons vu précédemment, leur pouvoir résulte de leur force militaire. A la tête des grandes tribus, il y a les chefs : les il-khanis ou il-begis, qui sont nommés par le Shah. En pratique, il revient au Shah de nommer le chef naturel de la tribu. Le chef tribal est souvent à la tête du gouvernement d'une province, surtout au début de l'ère qâjâre.

Dans la majorité des territoires reculés, ils sont officieusement les dirigeants locaux. L'inaptitude tribale à s'organiser en réel contrepoids amoindrit la crainte qu'elle peut faire peser sur le gouvernement persan. De surcroît, les rois encouragent les dissensions entre tribus augmentant, de fait, le délitement organisationnel de ces dernières.

En Perse, le pouvoir s'acquiert avec la terre. En effet, les propriétaires fonciers, même s'ils ne se rendent que très rarement sur leurs domaines, détiennent un statut considérable dans la Perse du XIXe siècle. De ces terres, ils perçoivent des rentes qui proviennent de la production et de l'exportation du coton et de l'opium.

Au début du XIXe siècle, les membres de la bureaucratie détiennent une position inférieure aux chefs tribaux et aux propriétaires fonciers. Ce sont souvent des personnes éduquées, des lettrés. Cependant, la complication du système administratif perse entraîne une augmentation des charges et titres. Ceci accroît le prestige de ces charges et titres, accentuant celui des fonctionnaires qui en possèdent. En outre, un nombre croissant de fonctionnaires accède à la propriété foncière tandis qu'un nombre croissant de propriétaires fonciers et de chefs tribaux accède au fonctionnariat, ce qui valorise d'autant cette position.

En l'absence de système bancaire, les marchands jouent un rôle fondamental dans la provision et la transmission de fonds. Effectivement, ils détiennent les liquidités nécessaires sans lesquelles les classes dirigeantes ne peuvent vivre. Ainsi, grâces à des alliances maritales et des acquisitions de terres et d'offices gouvernementales, ces deux classes restent en étroites relations. Les marchands aisés sont facilement assimilés aux classes dirigeantes. De plus, les marchands du bazar tendent à s'allier avec le clergé chiite, aussi certains marchands, à l'instigation des religieux, protestent contre des actions gouvernementales.

La société persane reste traditionnelle. La vie matérielle ne change guère depuis des siècles, ceci en raison notamment d'une difficile accessibilité du fait de sa situation géographique. Ainsi, les voyageurs étrangers et les marchandises occidentales y pénètrent rarement. Le progrès matériel reste figé. La corruption qui gangrène tous les échelons de la société, paralyse l'économie et la gestion du pays s'en trouve affectée. Le pays possède peu d'équipement moderne, pour preuve l'absence de voies de communication, ce qui aggrave les famines. Les routes sont très souvent impraticables. Cependant, deux techniques pénètrent en Perse : l'imprimerie et le télégraphe. Elles vont permettrent la diffusion des idées et des informations occidentales.
Ainsi, en Perse, les villes tendent à être isoles les unes des autres. Chacune possède sa propre culture. Un contact existe néanmoins, grâce aux activités marchandes et au sentiment religieux. De plus, le sentiment d'appartenir à une civilisation perso-islamique partagé par les classes aisées et bureaucrates sert de lien social.

On note dans les grandes villes des corporations de métiers ou encore des regroupements par quartiers. Ces groupes peuvent déclencher des hostilités contre le gouvernement, contre les oppressions (à Chiraz, Yazd) ; cependant, il ne s'agit pas de mouvements organisés.

La majorité des Persans sont des paysans. Cette masse paysanne est sans aucune influence sur les événements politiques. Elle paie les taxes et sert de recrue à l'armée.


B. Le chiisme en Perse : un pouvoir politique parallèle

En 1501, l'établissement de la dynastie Safavide, dynastie qui a précédé celle des Qâjâr, a été accompagné de l'établissement de l'imamisme ou chiisme duodécimain en tant que religion d'Etat en Perse. La Perse a progressivement adopté une forme religieuse comme religion prédominante: le chiisme. La Perse se détache de ses voisins asiatiques et de l'Empire ottoman, qui sont majoritairement sunnites.

1- Le chiisme duodécimain

Le mot shi'a, racine du terme "shi'isme", signifie en arabe "parti". A la mort du prophète en 632, la majorité des croyants considère Abu Bakr comme son successeur. Successivement de 632 à 661, Abu Bakr, 'Omar, Osmân et 'Ali [24] dirigent la communauté musulmane en qualité de calife. La communauté chiite prétend que Muhammad, de son vivant, a désigné oralement son cousin et gendre 'Ali pour lui succéder.
En effet, les chiites reconnaissent 'Ali pour seul calife légitime et lui réservent le titre de "commandeur des croyants". Selon leur tradition, son bref califat est le seul règne légitime qu'ait connu la communauté islamique, après la mort du prophète. Le chiisme regroupe les partisans de la famille de 'Ali, en restreignant celle-ci à la stricte descendance de 'Ali et de Fatima, la fille du prophète.
Il existe différentes branches du chiisme qui se définissent à partir des Imams auxquels elles se réfèrent. Les chiites se divisent sur l'établissement de la liste des Imams. Trois tendances principales peuvent être relevées : les adeptes du Zaydisme, les ismaéliens et surtout les duodécimains.

Nous nous attacherons à définir le chiisme duodécimain ou Imamat, car cette doctrine est celle qui prévaut en Perse au XIXe siècle et ce jusqu'à nos jours.

Le chiisme, comme le sunnisme, professe que Muhammad est le "Sceau de la prophétie". Cependant, à la différence du sunnisme, l'histoire religieuse de l'humanité n'est pas close. En effet, d'après Henri Corbin [25], le cycle de la walâyat (cycle de l'Initiation spirituelle) s'est ouvert quand fut clos le cycle de la prophétie. Le "Sceau de la walâyat mohammadienne" se manifestera lors de la clôture du cycle même de la walâyat, c'est-à-dire lors de la manifestation du douzième Imam. Ce sera le règne de la pure religion en esprit et en vérité. Ce Sceau sera le dernier Imam, réapparaissant au présent (parousie) comme Imam annonciateur de la Résurrection (Qâ'im al-Qiyâmat).

Le chiisme duodécimain se désigne également comme Imamisme. En effet, l'importance conférée à la notion d'imam constitue la base de la doctrine duodécimaine. Le terme d'imam possède plusieurs sens. Le mot arabe imam désigne étymologiquement "celui qui se tient en avant" : c'est le guide spirituel [26].

L'imam est d'abord celui qui est chargé de diriger la prière faite en commun. C'est aussi un homme qui a autorité dans la connaissance d'une discipline donnée : commentaire du Coran, Hadith [27]. L'imam c'est aussi le titre donné au chef de la communauté islamique. Après la mort du prophète et en attendant le jugement final, il faut, à la tête de la communauté des croyants (umma), un imam impeccable et infaillible. Ce guide est indispensable sur le plan religieux et politique. Lui seul, grâce à cette infaillibilité, peut interpréter la Loi religieuse et conduire les fidèles sur la bonne voie.

De plus par cette infaillibilité, il est le meilleur de son temps, par opposition à celui qui a été illégitimement porté au pouvoir (le souverain). On ne doit obéissance qu'au meilleur. L'imam est également le plus savant et le plus détaché des choses de ce monde. Il n'a été choisi que par Dieu, il appartient à la seule famille du prophète.

Le nombre des imams est limité, ils sont douze dans le chiisme duodécimain. 'Ali et ses deux fils al-Hasan et al-Husayn sont les trois premiers. Les neuf autres [28] descendent d'al-Husayn.

Le douzième Imam est Muhammad al-Mahdu+, né vers 629. Selon une tradition, l'imam enfant disparaît dans sa propre maison à Samarra, en 874, au moment de la mort de son père le onzième imam. Les duodécimains affirment que ce douzième imam n'est pas mort ; entré dans l'invisibilité, il est devenu l'imam caché dont ils attendent le retour. D'après les prophéties, il devait être le mahdi, c'est-à-dire le calife bien guidé, dont le retour augurera une ère de justice et de bonheur. Il porte plusieurs titres : Hujja (garant de Dieu), Qâ'im bi-amr-i-Llâh (celui qui met en pratique l'ordre de Dieu), Qâ'im Āl Muhammad (celui de la famille de Muhammad qui se dresse, se soulève ou ressuscite), al-Mahdî (le sauveur de la fin des temps, celui qui est guidé).

C'est donc dès l'année 874 que commence l'occultation (ghayba) de l'imam. L'imamisme distingue deux étapes dans cette occultation : l'occultation mineure de 874 à 940 et l'occultation majeure à partir de 940. Durant la première, l'imam communique avec les fidèles par l'intermédiaire d'un représentant (bâb : la porte ou sâfir : l'ambassadeur ou nâ'ib : le remplaçant). Durant la seconde, personne ne peut prétendre s'exprimer au nom de l'imam. Néanmoins, il appartient aux docteurs de la loi (mollahs, mujtahids), dont les aptitudes sont reconnues par l'opinion publique, d'interpréter la Loi.

Dès les premières générations, après la conquête arabe, les Persans ont été adeptes des Alides (descendants de Ali) et, très tôt des foyers chiites se sont implantés sur le sol persan.

Une partie essentielle de l'évolution de la doctrine duodécimaine résulte de la victoire d'un courant de pensée théologique : les usûlî au détriment d'un autre courant, les akhbârî. Il nous semble primordial d'évoquer cet aspect du chiisme duodécimain, d'autant qu'il explique l'importance du clergé chiite au XIXe siècle, en Perse.

La différence entre ces deux courants existe depuis les débuts de l'imamisme.

Les akhbârî-s reconnaissent la tradition comme unique autorité laissant ainsi pleins pouvoirs à l'imam caché. Les usûlî-s remplacent cette autorité par celle de personnes vivantes. L'imam perd alors son pouvoir de futur chef d'Etat et un représentant collectif le remplace. Son rôle se limite à celui d'un saint vénéré et d'un intercesseur auquel on fait appel dans les affaires quotidiennes. Pour les akhbârî-s, le croyant peut tirer de la Tradition une certitude absolue afférente à toutes les questions de foi. Ainsi, ils ne considèrent le Coran et les Traditions compréhensibles que lorsque leurs sens sont explicités par les commentaires des imams ; alors que les usûlî-s acceptent le sens littéral du Coran en prétendant qu'il est possible de comprendre son sens par la raison.

Les akhbârî-s prétendent qu'il est obligatoire de se référer aux imams même par un intermédiaire, alors que les usûlî-s sont convaincus que durant l'occultation il est nécessaire de pratiquer l'ijtihad. L'ijtihad est l'"effort" d'interprétation personnelle de la loi musulmane, couramment opposé à la soumission sans réserve à la Tradition (taqlîd).

Les akhbârî-s pensent que tout ce qui provient des sources transmises l'emporte sur tout ce qui est tiré de la faculté rationnelle. En ce qui concerne les usûlî-s, ils jugent que les doctrines ou décisions issues des Traditions ne doivent pas contredire ce qui est issu de principes rationnels.

Les usûlî-s divisent les humains en deux catégories : mujtahid (celui qui légifère), et muqallid (celui qui suit le mujtahid). Les akhbârî-s prétendent que tous les humains sont des muqalli-s de l'imam et qu'il n'est permis à personne de se dire mujtahid. Pour les usûlî-s, le mujtahid, lorsqu'il est compétent, participe à toutes les dispositions de la religion.

Les akhbârî-s affirment que promulguer un décret est blâmable, alors que les usûlî-s défendent que l'usage de l'ijtihad vaut récompense, même si la décision est incorrecte.

La victoire définitive des usûlî-s sur les akhbârî-s a lieu en Iraq. Âqâ Mohammed Bâqer Vâhed Behbehâni d'Ispahan (1705-1793) mène à Kerbela, une lutte contre les akhbârî-s. Ces derniers ne sont définitivement vaincus qu'après l'établissement de la dynastie Qâjâre en 1796. Le chef akhbârî, Mîrzâ Mohammad Akhbârî, est alors exilé à Bagdad par Fath 'Ali Shah (1797-1834). Les usûlî-s règnent en maîtres à la cour de Téhéran, l'école usûlî devient ainsi l'orthodoxie chiite en Perse au XIXe siècle.

On remarque que la polysémie du terme "imam" entraîne une confusion dans la compréhension même du concept. On comprend dès lors, la difficulté d'appréhender la terminologie dans son entière réalité par les masses laborieuses ou toutes celles étant peu lettrées. Ceci nous permet de mieux comprendre les usurpations statutaires qui émaillent le chiisme "usûlîque", ainsi que le déficit de compréhension que le Bab connut lorsqu'il se proclama douzième Imam. Nous développerons ceux-ci au cours de notre étude.


2- Expansion et structuration d'un clergé chiite propre à la Perse du XIXe siècle

La nouvelle dynastie Qâjâre se proclame dépositaire du chiisme. Cependant, les Qâjârs ne peuvent comme les Safavides prétendre descendre des imams. Cette affirmation permettait à ces derniers de détenir un rôle important face au clergé et d'exercer un contrôle religieux [29]. Comme le dit Heinz Halm [30], "l'origine turkmène de la dynastie était trop notoire pour qu'elle pût prétendre descendre des imams et profiter de ce charisme pour revendiquer le statut de guide religieux". Ainsi, le souverain qâjâr ne peut se déclarer le représentant de l'imam caché. Pour les religieux musulmans, en l'absence de l'imam caché, l'exercice de l'autorité par le Shah et ses agents est illégal. Néanmoins, pour le bon fonctionnement de la société des compromis sont nécessaires. En effet, dès le règne de Aqa Muhammad Khan, le dirigeant du royaume pouvait être accepté comme Nuu'ib-Khuuss (remplaçant) de l'imam, tant qu'il démontrait un minimum de piété et de respect. Dès le règne de Fath 'Ali Shah (1797-1834), un équilibre entre les intérêts du souverain et ceux du clergé, sorte de contrat tacite, s'établit. La Shah fait respecter la loi et l'ordre, conditions à l'application de la loi musulmane, la Shari'ah, qui elle relève de la compétence des oulémas. Cependant, dès les débuts du règne de Muhammad Shah ces compromis laissent apparaître des failles, qui ne font que grandir tout au long des successions. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les efforts faits par les souverains et les ministres, pour moderniser l'Etat sur le modèle européen, ont pour conséquence la dégradation des relations entre les oulémas et la dynastie Qâjâr. Ainsi à l'époque qâjâre, de nombreux conflits éclatent avec le clergé, on note qu'il s'oppose de façon plus ou moins violente au régime. On note également que les fonctionnaires de l'Etat, les gouverneurs et autres officiers entrent souvent en conflit avec les religieux locaux. Cependant, les oulémas et les mujtahid-s sont prêts à collaborer avec les agents gouvernementaux.

Avec l'instauration de l'orthodoxie chiite au XIXe siècle, les religieux musulmans posent les mujtahid-s comme les interprètes les plus qualifiés des voeux et désirs de l'imam caché, ceci tant légalement que socialement. Les mujtahid, et plus particulièrement les plus renommés d'entre eux, détiennent un réel pouvoir politique contre-balançant le pouvoir royal.

Au XIXe siècle on distingue, une tendance à la hiérarchisation au sein de la classe religieuse.

Dans les sociétés islamiques, l'éducation et la connaissance sont traditionnellement dominées par la religion. Ceux qui détiennent une bonne connaissance sont alors membres d'un groupe défini statutairement : les oulémas. Ce groupe n'est pas homogène. Il n'y a pas de carrière définie dans le chiisme : on y trouve des prêtres, des juristes, des professeurs. Les oulémas se distinguent par leurs vêtements, ils portent des robes et un turban distinctifs. Pour être reconnu comme membre des oulémas, il faut participer à un séminaire : la madrasa [31], seul institut de savoir religieux avancé. Après un patronage et plusieurs années d'études, les étudiants religieux obtiennent le titre de mollah dans les villages ou professeur dans les écoles religieuses ou encore fonctionnaire religieux mineur. La masse des mollahs (membres les plus bas du clergé chiite) est habilitée à appliquer les dispositions et les prescriptions du droit islamique. Un seul groupe d'élus, hautement qualifiés par leurs connaissances des fondements du droit, est capable d'une décision autonome et contraignante. Il s'agit des oulémas (les "savants" de l'islam, théologiens musulmans) et les mujtahid-s (membres des oulémas capables de pratiquer l'ijtihad). Les mujtahid-s sont des théologiens de la classe supérieure, des docteurs de la Loi islamique. Pour atteindre le plus haut niveau, c'est-à-dire le titre d'ouléma, il faut plusieurs années d'études et l'acquisition d'une solide réputation.

Au XIXe siècle, les mujtahid-s se voient octroyer une compétence particulière : l'autorité d'une compétence "absolue", universelle (ijtihad mutlaq) ceci au détriment de l'ancien concept d'une compétence partielle (ijtihad mutajazzi). Tout au long du XIXe siècle, le nombre de mujtahid-s qualifiés à cette compétence absolue augmente. D'après Heinz Halm, dans la première moitié du XIXe siècle, on dénombre plus d'une douzaine de savants qui revendiquent ce rang; il y a 175 mujtahid-s dès le règne de Nasiri'd-Din Shah (1848-1896).

Le fidèle et le mollah ordinaire sont soumis au taqlîd, la soumission à l'autorité d'un mujtahid. Le mujtahid hautement qualifié devient un marja'al taqlîd c'est-à-dire, mujtahid sur lequel le croyant se décharge de sa responsabilité relative aux questions de foi.
Il se soumet au jugement de ce dernier et suit aveuglément sa décision. En principe, tout mujtahid est marja'al taqlîd, cependant à partir du XIXe siècle, une tendance à l'existence d'un marja'al taqlîd unique, reconnu comme autorité suprême émerge. Seul le plus instruit et le plus savant peut revendiquer le statut de marja'al taqlîd suprême. Il faut néanmoins noter que ce titre n'est pas institutionnalisé et entraîne des rivalités entre mujtahids.

Progressivement, les oulémas s'approprient les prérogatives des imams. D'une part, le khums, c'est la contribution que les fidèles doivent acquitter au prophète, puis à l'Imam. Au XIXe siècle, c'est le marja'al taqlîd qui perçoit le khums auprès des fidèles. D'autre part, les oulémas se sont appropriés la conduite de la prière et de la harangue du vendredi (khutba). Depuis la fin du XVIIIe siècle, la mission divine confiée à l'imam d'instaurer le bien et d'interdire le mal, est considérée par les mujtahid-s comme leur devoir naturel. Enfin, ces derniers s'approprient le droit de déclarer et de mener la guerre sainte (jihâd) contre les infidèles ; droit qui auparavant appartenait à l'Imam seul ou à ses représentants. De plus, les oulémas s'octroient le pouvoir d'excommunication.

Les dépêches diplomatiques témoignent du pouvoir considérable dont sont dépositaires les religieux chiites en Perse au XIXe siècle. "Le gouvernement de la Perse, est un despotisme dont l'action est surveillée par le clergé et tempérée par son influence" [32], "tout le monde est religieux en Perse" [33].

Le comte de Sartiges rapporte dans une de ses dépêches adressées au ministre des affaires étrangères : "Le gouvernement de la Perse est un despotisme dont l'action est surveillée par le clergé et tempérée par son influence" [34] "l'importance du clergé se comprend, quand on observe qu'il n'y a en Perse d'autre opinion publique que l'opinion religieuse" [35]

Le clergé chiite persan possède ainsi de larges pouvoirs. Plusieurs facteurs explicatifs permettent de comprendre cette situation.

Tout d'abord, le centre de l'hégémonie chiite se trouve à l'extérieur de la Perse, notamment dans l'Empire Ottoman où demeurent les villes saintes et de nombreux tombeaux. Ces endroits accueillent diverses communautés de guides religieux, d'étudiants, notamment de Perse, dès lors ils deviennent indépendants de leur gouvernement. A l'intérieur même de la Perse, le clergé dispose de plusieurs éléments lui permettant d'étendre son pouvoir.
Nous l'avons vu précédemment, l'orthodoxie chiite s'accapare de prérogatives qui élargissent son domaine d'action et ainsi sa prépondérance. Le clergé reçoit des taxes islamiques : la zakat, le dixième des revenus (l'aumône, un des cinq piliers de la foi musulmane), les donations pieuses (vaqfs), le kums. Ces fonds amplifient le pouvoir et accroissent l'indépendance du clergé chiite. De plus, les oulémas, en raison des fonctions qu'ils remplissent pour le gouvernement perçoivent du gouvernement des pensions et des allocations. Certains membres du clergé augmentent leurs revenus par l'acquisition de terres ou grâce à leurs liens avec les marchands et artisans de Perse. Les étudiants religieux, (lutis) agissent en tant que membre de l'armée personnelle des oulémas.

La plupart des fonctions gouvernementales en Perse sont assurées par les oulémas : l'éducation, la charité, les fonctions sociales et légales et, notamment, la justice. En effet, le clergé chiite dispose d'une force considérable : l'administration de la justice. "La justice que rend le clergé se nomme le Chaar, elle est basée sur le Coran et sur ses commentaires". [36] Au XIXe siècle en Perse, il existe deux justices parallèles, la justice étatique et la justice religieuse. La loi dépendant du droit coutumier est le 'Urf, cour de justice présidée par le Shah et ses représentants. La loi religieuse, Shar' est dirigée par les mollahs, oulémas et mujtahid-s. Cette dernière est une cour de justice qui se base sur les paroles du prophète dans le Coran, ainsi que sur l'opinion des imams et les commentaires des juristes religieux. Elle traite des rites et des devoirs religieux, des contrats et obligations (lois familiales), des affaires privées, des règles somptuaires et autres procédures judiciaires. La cour des magistrats (le urf') sert lors des cas criminels et contre les rebelles. Pendant la période qâjâre, le gouvernement persan a tenté d'accroître le pouvoir de ses propres cours de justices et de leurs prérogatives s'opposant de fait au clergé chiite. "Cette rivalité de juridiction, est un sujet de tiraillement entre le gouvernement et le clergé." [37]

Sous les Qâjârs, l'institution religieuse demeure en marge de l'Etat. Certes, les oulémas remplissent certaines fonctions gouvernementales, mais le plus souvent, ils s'opposent au gouvernement. Cependant, les oulémas sont écoutés avec respect à la fois par le gouvernement et le peuple. Ils peuvent agir en pacificateurs en tempérant le gouvernement et, a contrario, peuvent exhorter les foules à la violence.


C. La diplomatie française en perse : les diplomates, la nature des documents diplomatiques et l'authencité des dépêches

Après les membres des classes indigènes (les chefs tribaux) ou traditionnelles (la famille royale entourée de sa cour et de la bureaucratie, les propriétaires fonciers et le clergé d'oulémas), ce sont les étrangers qui détiennent un pouvoir important mais cependant grandissant en Perse, au XIXe siècle. En effet, l'époque qâjâre reste le témoin de l'émancipation d'un groupe : les Occidentaux. Ce groupe accroît son pouvoir et imprègne tant l'histoire perse que la vie politique, économique et sociale de ce pays. Les Qâjârs sont soumis à des pressions extérieures exercées particulièrement par les représentants des gouvernements et les commerçants étrangers en Perse.

1- Les relations franco-persannes

Avec les débuts de l'ère industrielle, pour les puissances occidentales commence une période d'expansion coloniale et territoriale par le biais de comptoirs. Aussi, la Perse, de par ses richesses et surtout, de par sa situation géographique [38], devient un enjeu pour des puissances telles que la Grande-Bretagne, la Russie et la France. Par suite, les différentes ambassades cherchent à imposer leur point de vue au gouvernement perse.

Ainsi, la Grande-Bretagne et la Russie ont des intérêts économiques et territoriaux en Perse. Ils développent donc une politique stratégique et diplomatique. La diplomatie qâjâre se caractérise par un grand nombre de discussions entre le Shah, le Premier ministre persan et les représentants anglais ou russes. Ces derniers essayent d'obtenir des garanties politiques, ils mènent même une politique d' "ingérence" en essayant de régler des conflits internes. Comme nous l'avons étudié auparavant, les Anglais et les Russes interviennent y compris lors de la nomination du prince héritier. Grâce à plusieurs agents diplomatiques et militaires, la Russie et la Grande-Bretagne ont pénétré la Perse entière. D'après Moojan Momen [39], il semblerait que les agents diplomatiques britanniques et russes étaient parfois plus informés de ce qui se passaient dans une province que le Shah lui-même.

La France joue, quant à elle, un rôle secondaire en comparaison à la Russie et la Grande-Bretagne. Cependant, il faut savoir que la seconde alliance de la Perse avec un pays européen est signée avec la France qui devient ainsi la troisième puissance étrangère en Perse.

Après plus de soixante ans de manoeuvres diplomatiques hésitantes, des relations permanentes sont finalement établies entre la France et la Perse en 1855. Elles restent mutuellement fortes et équilibrées jusqu'en 1871, devenant ensuite modérées et tièdes. Seuls des liens culturels continuent à se développer.

Déjà sous l'ancien régime, la France et la Perse entretenaient des relations diplomatiques, mais qui n'avaient jamais pu devenir régulières. Napoléon, en 1807, envoie des missions en Perse dont la plus célèbre est celle du général Gardane. Sous la monarchie constitutionnelle, un consulat s'ouvre à Tiflis, et un Premier secrétaire d'ambassade est nommé à Constantinople (capitale de l'Empire Ottoman), symbolisant la création de liens concrets avec l'Orient.

En 1844, date à laquelle émerge la nouvelle croyance babie, après l'échec de la mission française du comte de Sercey en 1840, Le comte De Sartiges est envoyé en Perse et se lie d'amitié avec le Premier ministre Haji Mirza Aqasi. Il orchestre la nomination de Ernest Cloquet qui prend position en 1846 et devient le médecin personnel du roi. Plus tard, c'est le docteur Tholozan, également français, qui dès 1858 sera chargé de cette fonction après le décès du docteur Cloquet (1855). Sartiges obtient également la protection des écoles lazaristes françaises en Perse.

Ainsi, les Français s'installent durablement en Perse. Ils peuvent prétendre à une place et à une influence culturelle et militaire importante auprès de la cour. Les Français sont des protecteurs, des enseignants, des conseillers militaires ou des médecins du roi.

En juillet 1854, Napoléon III, empereur depuis 1852, ordonne l'établissement d'une légation française à Téhéran. A cette date, les ambitions de la Russie dans les Balkans et le Proche-Orient inquiètent les autres puissances. Nicolas Prosper Bourée est désigné comme ministre plénipotentiaire, son principal collaborateur est le comte de Gobineau. Le Baron Pichon (août 1857), Arthur de Gobineau (janvier 1862), Jacques de Massignac (octobre 1864) et R.E. de Bonnières (mars 1867) sont ensuite les ministres nommés au poste de la légation à Téhéran. Ce poste dans la capitale perse est considéré par les diplomates comme un poste subalterne. Les diplomates ne sont pas très pressés de prendre leur poste comme le montrent les longues durées de vacances et les allures tranquilles de retour de voyage des quatre chargés d'affaires : Gobineau, Henri de Bellonet, Julien de Rochechouart et le Comte de Maugny.

Leurs instructions sont en quelque sorte peu passionnantes, Téhéran est considéré comme un poste d'observation comportant des intérêts commerciaux limités. De façon non officielle, les diplomates assument la protection des catholiques, la pierre angulaire de l'influence française. A Téhéran, à Tabriz (où le consulat est ouvert en 1866) et à Isfahan, les envoyés français offrent la protection aux missionnaires lazaristes, aux chaldéens d'Azerbaïdjan et aux catholiques arméniens.

Quant à la représentation diplomatique persane en France, elle est plutôt importante. On note un attaché militaire et plusieurs consuls à Paris et dans les provinces.

En 1855, un traité commercial est noué entre la France et la Perse, incluant une clause favorable aux nations et reconnaissant le statut légal des citoyens et protégés français en Perse, ceci pour soixante-dix ans.

Malgré leur échec, les idées libérales et libertaires de la Commune de Paris, en 1870, l'émergence de la troisième République effraient les autorités perses entraînant un refroidissement des relations diplomatiques entre la Perse et la France. Ainsi, les relations franco-perse ne sont pas bloquées mais la confiance perse disparaît. Ces relations sont maintenues officiellement mais de façon modérée ou dépouillée.


2- Le ministère des Affaires Etrangères et ses diplomates accrédités en Perse

Le gouvernement français dispose d'une administration spéciale : le Ministère des Affaires Etrangères. Pour la période qui nous intéresse, au milieu du XIXe siècle, il existe une structure interne, établie en 1844, par Guizot, ministre des Affaires Etrangères français de 1840 à 1847. Il s'agit d'un cabinet, d'un secrétariat général et de sept directions, puis de trois directions sous la Seconde République. En 1853, est inauguré le quai d'Orsay.

En 1871, il existe un cabinet plus quatre grandes directions composant le Quai d'Orsay : direction politique / direction du commerce et des consulats / direction des archives et de la chancellerie / direction des fonds et de la comptabilité.

L'élite française constitue la majorité du personnel diplomatique, en effet, 65% d'entre eux sont issus de familles nobles, de plus il faut être coopté par un haut fonctionnaire.

Il est assez difficile de connaître les envoyés français en Perse. En effet, peu de documentation existe sur ceux-ci hormis pour les plus renommés tels Gobineau ou Nicolas. Au Ministère des Affaires Etrangères à Paris, il existe des annuaires diplomatiques concernant chaque envoyé, mais se limitant à leur nomination et affectation. Cependant, nous pouvons tirer quelques traits et caractéristiques généraux de ces diplomates.

Les diplomates français travaillant en Perse ont, pour la plupart, commencé leur carrière diplomatique avant leur affectation en Perse. Par exemple, le Comte de Sartiges a travaillé au sein des ambassades de Rome, de Constantinople, il était attaché à la légation du Brésil puis à celle de Grèce avant de se rendre à Téhéran. M. Bourée, quant à lui, avant d'atteindre la Perse le 9 mai 1855, débute sa carrière consulaire à Beyrouth (1840-1850), puis au Maroc (1851), en Chine(1852), il est ensuite chargé d'affaires en Turquie de 1853 à 1854. Gobineau a également débuté sa carrière diplomatique avant son affectation en Perse en 1854, en effet, il a travaillé en Suisse (Berne) et en Allemagne (Hanovre) de 1849 à 1954. A contrario, nous avons en notre possession deux exemples de diplomates qui ont commencé directement leur carrière diplomatique en Perse : De Balloy qui, le 17 octobre 1873, rejoint Téhéran et Ferrier, agent militaire qui, après avoir entraîné les troupes perses, devient agent du ministère des Affaires Etrangères françaises à Téhéran de 1849 à 1851.

On peut conclure que la majorité de ces diplomates sont assez expérimentés dans l'exercice de la rédaction de dépêches diplomatiques et surtout dans celui de l'observation d'éléments importants à relater au Quai d'Orsay. Aussi, le fait que ces diplomates rapportent à plusieurs reprises des faits ayant traits à la foi babie et baha'ie souligne l'importance de ce mouvement en Perse.

Ces diplomates ne finissent généralement pas leur carrière en Perse. Souvent, un poste à Téhéran sert de tremplin pour atteindre un plus haut grade diplomatique en Orient notamment à Constantinople. La Perse est pour la plupart une transition. Ainsi, Prosper Bourée à son retour de Perse, dirige les légations d'Athènes (1859) et de Lisbonne (1864) et est ensuite envoyé comme ambassadeur à Istanbul. Sartiges, après son échec en Perse, est directement nommé ambassadeur de France à Washington. Ferrier, lui, se retrouve en Inde, tandis que Gobineau rejoint la Grèce et le Brésil. Néanmoins, certains finissent leur carrière en Perse comme De Balloy qui reste à Téhéran jusqu'en 1898.

Les origines professionnelles des diplomates précédant leur entrée dans le monde diplomatique, sont hétérogènes. De Balloy est avocat, Ferrier est militaire, maréchal des logis en Afrique. Gobineau exerce différentes positions dans le fonctionnariat avant de devenir journaliste. Bourée, lui, entre dans la carrière consulaire après des études de droit. A.L.M Nicolas obtient à l'Université de Paris, un diplôme de l'Ecole des Hautes Etudes de Langues Orientales Vivantes. Il suit la même carrière que son père dans le département consulaire de la diplomatie française au titre de traducteur interprète officiel.

Un diplomate français qui, après Gobineau et Nicolas, est l'un de ceux qui a le plus écrit sur la religion babie, se détache des autres par sa carrière tout d'abord, mais aussi par ses récits sur la nouvelle croyance : il s'agit de Joseph Philippe Ferrier. Ferrier est un soldat français. Après une période de service dans l'armée française, il sert en Afrique et obtient le titre de maréchal des logis. En 1839, il est sélectionné parmi plusieurs autres officiers militaires français, pour former et entraîner les troupes perses de Muhammad Shah (1834-1848), (Comme nous l'avons étudié précédemment, le gouvernement persan demande aux européens de former ses troupes). Jusqu'en 1842, il est employé dans l'armée perse en tant qu'adjudant général. Il est, par la suite, renvoyé de l'armée, et connaît des contentieux financiers avec le gouvernement persan. En effet, Haji Mirza Aqasi, grand vizir du roi Muhammad Shah, refuse de donner aux officiers français ce qui leur revient. "Mirza Taghi Khan Premier ministre du chah abreuve de dégouts et d'humiliations tous les français qui sont en Perse et refuse de leur payer la somme de 170 000 francs qui leur ai due." [40] Il semblerait que Ferrier par la suite soit entré au service de Husayn Khan, gouverneur de Chiraz, jusqu'au renvoi de ce dernier en 1849. En 1849, lorsque le comte de Sartiges ferme la légation de France en Perse, Joseph Ferrier prend l'initiative d'envoyer des rapports sur la poursuite des événements en Perse. Son offre est acceptée. "Le gouvernement persan que j'ai servi 12 ans me renvoyait de son service sans même me payer une solde. Je suis aujourd'hui libre de mes actions et je viens me mettre à votre disposition, mon général si vous jugez convenable d'utiliser mes faibles capacités (…) le rapport annexe à cette lettre pourra vous éclairer sur l'utilité qu'il pourrait y avoir pour la république à entretenir un agent occulte dans la capitale de la Perse" [41]. De 1849 à 1851, Ferrier demeure à Téhéran, il y travaille en tant qu'agent français, écrivant des rapports chaque mois qu'il envoie directement au Ministère des Affaires Etrangères à Paris.
Comme Ferrier n'est pas un diplomate officiellement accrédité, il obtient peu d'informations du gouvernement persan. Aussi, est-il obligé de trouver d'autres sources d'informations telles que les bazars. On en conclut que malgré sa volonté, ses informations restent peu fiables et sont empreintes de l'opinion populaire laissant libre cours à une certaine exagération ou à la fantaisie. Ferrier semble, de plus disposer tardivement des informations puisqu'il en reçoit peu du gouvernement. Cependant, Ferrier utilise ses relations militaires afin d'obtenir des informations relatives à l'armée. Ainsi, les renseignements concernant le mouvement des troupes lors des soulèvements babis paraissent fiables.

Nous n'avons que peu d'informations concernant la connaissance des diplomates sur la langue persane, sauf pour Nicolas qui est bilingue. En effet, de nationalité française, Louis Alphonse Damil Nicolas naît à Rasht dans la province du Ghilan, sur la rive persane de la Mer Caspienne. Dans sa petite enfance, il ne parle que persan et russe. Son père a d'ailleurs écrit "Dialogues franco-persans", dictionnaire en deux volumes, publié post-mortem à Paris. Gobineau, quant à lui, tente d'apprendre le persan lors de sa première mission en Perse : "Ma grande affaire, quant à présent, c'est le persan. J'ai un mirza [42] qui vient passer des journées entières avec moi, j'ai mes domestiques qui me corrigent quand je parle mal. Je crois que d'ici deux mois, je serai de la force de Zoroastre sur cette langue, ce qui m'est indispensable pour m'occuper avec fruit des dialectes qui me semblent fort intéressants pour moi." [43]. Gobineau est l'auteur d'une ébauche d'un Dictionnaire persan-français que l'on peut trouver à la Bibliothèque Nationale de Strasbourg [44]. Il s'agit d'un registre comportant vingt-sept pages, donnant une liste de mots persans avec un seul équivalent français ; les mots sont numérotés de 1 à 2109. Parfois, à côté du mot persan figure une transcription en caractère latin. Les mots ont été enregistrés sans aucun classement. Ce dictionnaire peut représenter alors une liste d'acquisitions quotidiennes notées par Gobineau. Ferrier est susceptible également de connaître le persan, en 1845, il fait un voyage en Asie centrale, il publie d'ailleurs un ouvrage sur ce voyage. Dans un de ses rapports destinés au ministère français, il évoque sa connaissance de la langue : "Peu de personnes connaissent mieux que moi la Turquie, le Caucase, la Perse, le Turkestan, l'Afghanistan et le Sistan, je les ai parcouru et sérieusement étudié, je connais la langue qui se parle dans ces contrées et nul n'est plus à porter que moi de renseigner le gouvernement de la république sur ce qui s'y est passé et si passera dorénavant." [45]

On peut en déduire que cette connaissance plus ou moins grande de la langue persane permet à certains diplomates d'acquérir une certaine indépendance face aux informations, puisque l'aide d'un interprète ne leur est pas ou peu nécessaire.

Ces diplomates sont-ils des orientalistes, sont-ils attirés par l'Orient et notamment la Perse ? Il semble que seuls Nicolas et Gobineau le soient. Nicolas est effectivement "orientalisant", il connaît la langue, s'intéresse de près à la culture perse et à la religion babie. Gobineau, quant à lui, semble s'intéresser de près à l'Orient. Entre son arrivée à Paris et son entrée au cabinet de Tocqueville, Gobineau fréquente quelques savants orientalistes ou géographes, rédige plusieurs articles sur des poètes persans, et il adhère, en 1852, à la société asiatique [46]. Gobineau évoque l'Iran dans de nombreux récits qui font partie du cycle iranien de son oeuvre, comme L'Histoire des Perses, Trois ans en Asie, Nouvelles asiatiques, Mémoire sur l'état social de la Perse actuelle, Les religions et philosophies dans l'Asie Centrale.

Il aurait été intéressant de savoir si ces diplomates possédaient une quelconque connaissance de l'Islam et du chiisme duodécimain, mais aucune source ne nous renseigne sur ce fait. D'après Moojan Momen [47], leur savoir concernant l'Islam et la vie culturelle en Perse est généralement incomplet.

D'après Moojan Momen [48], auteur baha'i, aux premiers temps des religions babie et baha'ie, la connaissance des diplomates sur ces religions est souvent entrecoupée d'erreurs. C'est seulement à partir du XXe siècle, époque où la communauté baha'ie s'installe en Occident, que les évocations des diplomates et des occidentaux sur la nouvelle croyance, son histoire et ses enseignements, apparaissent plus fondés et sérieux. Il y a une raison à cela d'après Momen, en Perse, dans la dernière moitié du XIXe siècle, il est difficile pour les diplomates et voyageurs européens d'obtenir des informations sur ce mouvement religieux.
En effet, les nombreuses persécutions et l'illégalité de cette religion, poussent ses membres à vivre leur croyance secrètement. En outre, les termes "babi" et "baha'ie" ne peuvent être prononcés en Perse, à cette époque ; pour les occidentaux il est alors impossible de contacter les babis et baha'is. Dès lors, beaucoup d'écrivains, dont nos auteurs diplomatiques, sont forcés d'utiliser les considérations et les travaux d'autres personnes sur ces religions. Ainsi, on note un grand nombre de répétition, de fabrication d'événements devenus réalités.

Ce sont en général les persécutions et les conflits armés entre les babis et les autorités religieuses et étatiques qui suscitent vivement l'intérêt des diplomates et leur permettent de connaître cette nouvelle croyance.

Ces dépêches sont pour nous très intéressantes car elles semblent êtres indépendants des positions étatiques et cléricales face aux mouvements babi et baha'is. De plus, nous savons que ces dépêches n'ont jamais été transformées, truquées ou corrigées ; elles sont donc restées intactes, attisant notre intérêt historique. En outre, l'intérêt de ces sources est accru par l'immédiateté du récit. En effet, les faits sont relatés justes après la production des événements.

Cependant, on note de nombreuses lacunes dans le travail des diplomates. Tout d'abord, la plupart de ces protagonistes ignorent l'origine sociale et religieuse des mouvements babi et baha'i et la structure de ces mouvements. Ils sont donc parfois peu aptes à une pleine compréhension des événements qu'ils évoquent. Ainsi, de nombreuses incompréhensions doctrinales, l'exposition de leurs propres idées, souvent fantaisistes, se font jour dans leurs récits. En outre, beaucoup d'événements importants concernant la religion babie et baha'ie ne sont pas observés par les diplomates. Par exemple, aucun diplomate ne rapporte la déclaration de la mission du Bab datant de 1844.

Généralement, les dépêches diplomatiques parviennent au ministère des Affaires Etrangères un mois après leur date de rédaction. La dépêche du Marquis de la Valette datée du 25 décembre 1850 [49] est arrivée le 23 janvier 1851. Celle de Rochechouart datant du 5 mai 1864 [50] est archivée au cabinet du Quai d'Orsay le 10 juin 1864.
Dès lors, on peut en conclure, compte tenu des moyens de communication de l'époque, que les nouvelles arrivent relativement promptement. L'impact en France est donc assez rapide.

Il aurait été intéressant de savoir si la rédaction des dépêches diplomatiques devait suivre un code précis comme une priorité au sein des informations, notamment celles concernant les religions babie et baha'ie. Cependant, nous n'avons trouvé aucune note se référant à un tel code. Nous analyserons, néanmoins, dans la troisième partie, l'impact des dépêches et des diplomates évoquant les nouvelles religions sur les Français et l'Occident.

Il faut savoir tout de même que les diplomates assuraient un suivi des nouvelles concernant les deux mouvements. En effet, dans plusieurs dépêches, on note que le diplomate se réfère à ses précédentes évocations de cette religion au Ministre des Affaires Etrangères à Paris.

Après étude des dépêches diplomatiques, nous avons effectué une division sommaire afin de rendre compte de la perception de ces religions par les diplomates et le développement de leur intérêt pour celles-ci, au cours du XIXe siècle.

Ainsi, on divise ces dépêches en deux parties, suivant un ordre chronologique. La première période s'étend de 1844, la naissance du mouvement, à 1852, date à laquelle des babis ont tenté d'assassiner le Shah. La deuxième période débute en 1852, suite à cet événement.

A partir de 1844, les dépêches évoquant le mouvement babi sont pour la plupart assez succinctes. Les diplomates rendent compte grossièrement de la nouvelle croyance, se méfiant sûrement de la nouveauté du mouvement. Cependant, on note l'importance que prend ce nouveau mouvement pour les diplomates. En effet, certains évoquent les babis dès les premières lignes de leurs dépêches, conjointement à l'énonciation d'autres faits persans, ce qui montre l'impact que prend cette religion en Perse. Parallèlement à ces dépêches peu approfondies, nous détenons de nombreuses dépêches de l'agent diplomatique Ferrier datant de 1850 ; celles-ci, au contraire, analysent le mouvement babi dans sa densité, son expansion géographique, dans sa doctrine et surtout dans l'implication de ses membres dans les conflits les opposants aux autorités religieuses et gouvernementales. En effet, c'est à cette époque (1848 à 1853) qu'ont lieus les soulèvements babis dans le Mazindaran, à Nayriz ou encore à Yazd (chapitre III), soulèvements qui opposent les babis et les troupes armées. On aurait d'ailleurs pu penser que ces événements seraient plus évoqués dans les dépêches, ils le seront dans la deuxième période de notre chronologie.

Les récits de Ferrier concernant les babis sont plutôt longs, sont descriptifs et denses. En outre, il semble que Ferrier suit l'affaire des babis intensément puisque à chaque nouvelle dépêche, il informe le Ministre des Affaires Etrangères en France des derniers évènements concernant les babis.

En 1852, des babis tentent d'assassiner le Shah. Dès lors, le mouvement babi puis le mouvement baha'i vont prendre une plus grande dimension dans les dépêches diplomatiques. A l'intérieur de cette période, on peut opérer une subdivision. On note une certaine prolixité des dépêches juste après l'événement. Certaines dépêches, elles, profitent de l'événement pour développer une analyse et une description du mouvement babi. D'autres évoquent les persécutions succédant à la tentative d'assassinat du Shah. Nous possédons une dépêche de l'ambassadeur de France à Constantinople, l'auteur évoque divers événements qui se déroulent en Moldavie, en Arabie et en Perse. Lorsqu'il évoque la Perse, il ne traite que des babis.

Quelques années après 1852, les dépêches sont moins virulentes, en effet, elles sont moins passionnées et plus réfléchies. On note, néanmoins, une certaine connaissance des religions babie et baha'ie par les diplomates et par le quai d'Orsay. Ainsi, une dépêche de 1864 évoque le sort babis précédemment évoqué : "les babys dont j'avais annoncé l'arrestation à votre excellence, n'ont pas été exécutés" [51]. On note l'importance que prennent ces religions, une dépêche de Gobineau [52] évoque la "religion nouvelle" parmi les autres "sectes de l'Islamisme", il précise qu'il ne peut pas énumérer toutes ces nouvelles croyances. Ainsi la religion baha'ie fait partie des nouvelles croyances importantes pour Gobineau, puisqu'il l'évoque. Dans cette dépêche, Gobineau décrit le profil sociologique et la doctrine du mouvement. Enfin, les dépêches du dernier quart du XIXe siècle et du début du XXe siècle analysent de plus en plus les religions babie et baha'ie. Les diplomates s'étendent sur les événements passés des premiers temps babis, approfondissent la doctrine, émettent des commentaires sur les persécutions et évoquent leurs déroulements ; ils étudient la géographie et la démographie des nouvelles croyances. Des dépêches entières sont consacrées à ce sujet, alors qu'auparavant, il n'occupait qu'un paragraphe souvent mêlé à d'autres faits concernant la Perse.

Ainsi, cette première partie nous permet de mieux appréhender les contextes politiques, sociaux et religieux dans lesquels les mouvements babis et baha'is sont nés. Notre étude des dépêches diplomatiques et de leurs auteurs nous offre la possibilité de mieux saisir leur vision de la Perse. Ceci prépare la suite de notre analyse concernant la compréhension des diplomates des mouvements babis et baha'is. La seconde partie de notre étude porte ainsi sur la naissance de la nouvelle croyance et son expansion. Nous nous arrêterons également sur l'analyse faite par les diplomates des doctrines du nouveau mouvement.


II - La naissance des mouvements babi et baha'is, leurs doctrines et leur expansion vu par les diplomates français en Perse

A. le Bab, fondateur d'un nouveau mouvement religieux


Au début du XIXe siècle, l'industrialisation, les implications de la recherche scientifique, l'émergence de relations internationales vont transformer le paysage socio-religieux. Aussi, l'Islam et la chrétienté subissent-ils l'influence de ces changements. On note une forte attente messianique tant dans le monde musulman que chrétien. Soucieux de mieux appréhender ces changements, les croyants se penchent sur les Ecrits sacrés. En effet, chacun cherche une explication à ces bouleversements. Ils tentent ainsi de trouver leur place face à l'émergence d'une nouvelle société. Dès lors, les croyants de diverses religions se penchent sur les Ecrits sacrés pour essayer de comprendre l'accélération du changement. Ces lectures, cette attente messianique se caractérisent par diverses interprétations.

Ainsi, en Amérique, les adeptes de William Miller pensent trouver dans les écritures chrétiennes la preuve de la fin éminente des temps et de la résurrection de Jésus-Christ. En Europe, divers mouvements religieux tels les templiers allemands ou les adventistes du septième Jour, sont également en quête de réponses théologiques.
L'Asie et l'Afrique connaissent aussi l'émergence de tels mouvements eschatologiques : les Christs Noirs d'Afrique sud Saharienne, les mahdismes d'Afrique ou d'Asie.

Ces divers messianismes attendent un rédempteur instaurant un ordre nouveau de justice et de bonheur.

Ainsi au Moyen-Orient, on pense imminent l'accomplissement des différentes prophéties du Coran et des traditions islamiques.

Notamment en Perse, et plus particulièrement au sein de l'école Shaykhie, la croyance en la venue prochaine d'un messager divin est fortement vivace.


1- Le Shaykhisme

Le shaykhisme correspond à une école de pensée théologique dérivée du chiisme. Son essor va croître considérablement durant l'ère qâjâre. Shaykh Ahmad-i-Ahsa'i (1753-1826) en est le fondateur. Il s'agit d'un éminent érudit musulman originaire de al-Ahsuu, en Iraq, qui, au début du XIXe siècle, s'est installé en Perse, à Yazd. C'est un théologien qui a marqué sa génération, plus particulièrement en Perse. Lors de ses voyages en Perse, il est reçu avec fastes et honneurs tant par les oulémas que par les princes et le Shah en personne. En effet, sa renommée est telle que le roi, Fath-'Ali Shah [53], le sollicite afin d'obtenir des exégèses coraniques. Satisfait de ces enseignements [54], le roi invite Shaykh Ahmad à la cour qui décline l'invitation.

En dépit de cette notoriété, les principes défendus par Shaykh Ahmad sont controversés et considérés comme hérétiques par certains ulémas. En effet, les doctrines de Shaykh Ahmad-i-Ahsa'i vont à l'encontre de celles des tenants de l'orthodoxie chiite. D'une part, son interprétation du Coran relève plus d'une lecture symbolique que d'une lecture littérale. D'autre part, il refuse la division des croyants en modèles (mujtahid-s) et imitateurs. En effet, il rejette l'idée du modèle à suivre, lui préférant une seule autorité, à savoir l'Imam caché. A l'inverse des chiites, les shaykhis nient la résurrection du corps matériel et la nature matérielle de l'Ascension du Prophète. Ils font de l'Imâm 'Ali une incarnation divine et affirment que Dieu a délégué aux Imams un pouvoir de création sur le monde. En parallèle, ils proclament l'imminence du retour de l'Imam promis, successeur désigné de Mohammed. Ils confortent ces thèses en affirmant qu'à chaque époque existe un Imam unique.
Ils affirment également qu'il représente le douzième Imam et la porte (bâb) [55], celle qui justement permet d'atteindre spirituellement cet Imam. Ce dernier est l'unique guide de son temps, habilité à parler au nom de Dieu et du Prophète.

Ceci constitue le point d'achoppement avec le clergé chiite. Pour ces raisons, les ulémas le déclarent incroyant : "takfîr". Ils s'octroient un nouveau pouvoir, celui d'excommunier, préservant ainsi le rôle de gardien de l'orthodoxie musulmane chiite. L'excommunié perd son statut de musulman, il est rabaissé au statut de chrétien, juif ou zoroastrien. Bien que non institutionnalisées, les conséquences de cette excommunication sont importantes, d'autant que tout mujtahid pouvait prononcer le takfîr.

Shaykh Ahmad meurt à Médine en 1826 après avoir fondé une école de pensée et diffusé largement ses principes. Siyyid Kazim-i-Rashti, que Shaykh Ahmad avait désigné de son vivant, participe activement à développer celle-ci.

L'Encyclopedia Britannica [56] nous indique que Siyyid Kazim-i-Rashti et le Bab se sont rencontrés à Kerbela ce qui démontre la proximité du Bab avec l'école de pensée shaykhie. Il semblerait que le Bab ait fréquenté les classes de Siyyid Kazim en Iraq.

En raison de l'intensification des conflits avec ceux qui se veulent les gardiens de l'orthodoxie et sans l'aura de Shaykh Ahmad, Siyyid Kazim est fréquemment victime d'agression. Ainsi, en 1843, un de ses ennemis, Siyyid Ibrahim, rassemble une bande de conspirateurs et parvient à soulever la population contre lui. Malgré ces oppositions, le mouvement shaykhie se développe et le nombre de ses disciples augmente.

Peu avant sa mort en 1843, Siyyid Kazim exhorte ses disciples à se disperser à la recherche du Promis qui devait bientôt être révélé. Il précise que selon le calendrier islamique, l'année prédite était 1260 A.H. [57], c'est-à-dire exactement mille années lunaires après la disparition de l'Imam caché.

Or, bien souvent, les shaykhis pensaient que le Promis ou le vecteur permettant d'atteindre l'Imam caché était immanent soit à Shaykh Ahmad soit à Siyyid Kazim, bien que tous deux aient toujours nié cette éventualité.

A la mort de Siyyid Kazim, certains adeptes décident de rentrer dans une période de retraite religieuse dans l'attente d'être guidés vers le Promis, afin de suivre les recommandations du défunt.

Après avoir observé quarante jours de jeûne et de prières, Mulla Husayn-i-Bushru'i [58], l'un des plus éminent shaykhis, décide de quitter Karbila pour se rendre en Perse à la recherche du Promis.

Le 22 mai 1844, Mulla Husayn et deux de ses compagnons arrivent à Chiraz. Mulla Husayn envoie ses compagnons à travers la ville pour commencer leur recherche tandis qu'il demeure à la porte de la ville. C'est à cet endroit qu'il va rencontrer 'Ali-Muhammad. Cet homme, âgé de 25 ans, lui souhaite la bienvenue et lui offre l'hospitalité. C'est dans une modeste demeure des quartiers pauvres de la ville que se rendent les deux hommes. L'entrevue va durer jusqu'à l'aube.

Lors de cette entrevue, 'Ali-Muhammad annonce à Mulla Husayn être le Promis que les shaykhis recherchent. Il déclare être le Bab, ce qui signifie la Porte en arabe, symbolisant la voie d'accès par laquelle on peut parvenir à connaître Dieu. Ce même soir, le Bab rédige un long document intitulé Qayyumu'l-Asma [59]. Ce document identifie son auteur comme étant un messager de Dieu dans la lignée de Jésus, de Mohammed et de ceux qui les ont précédés.

Il proclame qu'il est envoyé par Dieu pour inaugurer une nouvelle ère de paix et de fraternité universelle. Le 23 mai 1844 est donc le jour de la déclaration de la mission du Bab. Aujourd'hui, chaque année, les baha'is à travers le monde, commémorent cette date.

Mulla Husayn devient le premier disciple du Bab et le premier croyant de la foi babie. Il obtient du Bab le titre de Babu'l-Bab (la porte de la porte). Selon l'histoire babie, en l'espace de quelques semaines, dix-sept autres chercheurs, dont quinze mollahs [60] et une femme, reconnaissent le Bab comme le messager promis. L'Encyclopedia Britannica évoque également ces dix-huit personnes (les dix-sept croyants et Mulla Husayn) : "ils deviennent apôtres de la nouvelle foi dans les diverses provinces de Perse." [61]
Le Bab confère à ces dix-huit premiers croyants le titre de "Lettres du Vivant" (huruf al-havy). Ainsi ces dix-huit personnes plus le Bab sont au nombre de dix-neuf, chiffre sacré dans la religion baha'ie. On pourrait les définir comme des apôtres, des ministres de la foi. Ils sont envoyés à travers la Perse pour proclamer le nouveau message.

Bien que le babisme se réclame de l'héritage shaykhie, tous les shaykhis ne deviennent pas babis. Effectivement la mort de Siyyid Kazim précipite le mouvement shaykhie dans une sérieuse crise interne mêlant tensions et rivalités. En outre, Siyyid Kazim n'est pas parvenu à désigner un successeur, et l'absence d'un moyen d'élection concret permettant de désigner un chef spirituel augmente d'autant les troubles et provoque un morcellement du mouvement. Ainsi, les shaykhis se scindent en trois branches. On trouve une branche à Tabriz, une à Kirman et une à Kerbela. D'après l'Encyclopaedia Irannica, deux écoles majeures se détachent : celle formée autour du Mollah Mohammed-Karim Khan à Kirman et l'autre autour du mouvement babi. La première tient à préserver le nom et l'identité de l'école shaykhie et s'aligne sur le chiisme duodécimain en atténuant ses aspects hétérodoxes. Quant à la deuxième, elle crée une nouvelle religion.

D'après l'Encyclopédie de l'Islam, l'école de pensée shaykhie existe toujours en Perse. Le centre de la communauté actuelle est la madrasa de Kirman. On trouve aussi de plus vastes groupes de shaykhis à Téhéran, en Azerbaïdjan et au Fars ainsi que chez les employés de l'industrie pétrolière au Khusistan.


2- Origine et jeunesse du Bab avant la déclaration de sa mission

Qui est donc cette personnalité qui a inauguré cette nouvelle religion ?

Mirza Siyyid 'Ali-Muhammad, dit plus tard le Bab, est né en Perse, à Chiraz, le 20 octobre 1819. Issu d'une famille de riches marchands, Il serait siyyid, descendant de Muhammad : "le Seïd Bab, fondateur de la secte" [62]. D'après les sources baha'ies [63], les origines de la famille du Bab remontent au prophète Muhammad.
En effet, Nabil nous apprend que le père ainsi que la mère du Bab descendaient tous deux du prophète. L'Encyclopaedia Iranica confirme ce fait. [64] Cependant, en Perse, le titre de siyyid pouvait être un titre usurpé. Le Comte de Gobineau doute de l'authenticité du titre porté par le Bab. "on a attaché beaucoup d'importance, d'une part à soutenir qu'il était descendu du Prophète par l'Imâm Husseïn, c'est à dire à lui assurer le rang et les prérogatives d'un séyd ; d'autre part, à lui nier cette qualité. Ce qui est incontestable, c'est que s'il était séyd, il l'était de cette manière obscure qui jette plus que du doute sur les prétentions des nombreuses familles persanes qui se flattent du même honneur.(…) Et si ses pères [du Bab] ont porté ou réclamé la qualification de séyd, c'était à un titre peu sûr." [65]

Au contraire Heinz Halm [66], d'après l'étude de l'historiographie, considère le Bab comme descendant du prophète : "Un jeune sayyid, 'Alî Mohammad de Chiraz…".

Le Bab serait un siyyid. En effet, le titre de siyyid apparaît dans son nom, nous continuerons à l'appeler ainsi. A l'origine, le siyyid est un chef d'une tribu arabe, puis, à l'époque islamique, c'est le titre honorifique que l'on donne aux descendants du Prophète Muhammad.

En Perse, au XIXe siècle, les siyyid portaient un turban vert signifiant leur appartenance à la descendance du prophète.

D'après La Chronique de Nabil, la famille du Bab était une famille renommée et respectée tant par leur entourage que par les habitants de la ville [67].

Siyyid 'Ali-Muhammad perd son père lorsqu'il est encore enfant. Il est alors élevé par son oncle maternel : Haji Mirza Siyyid 'Ali qui deviendra plus tard un babi et qui sera d'ailleurs martyrisé, nous le verrons en troisième partie.

L'enfance du Bab est tranquille. Pendant cinq ou six ans, il étudie dans l'école de Shaykh Abid : l'école "Qahviyih-Awliya". Shaykh Abid est un disciple de Shaykh Ahmad et de Siyyid Kazim. On peut ainsi déduire : premièrement l'étendue du mouvement shaykhi. En effet, Shaykh Abid, un disciple shaykhi, a fondé une école qui ne semble pas avoir été interdite ou contestée par les autorités.
Deuxièmement, l'influence de l'école de pensée de Shaykh Ahmad sur le Bab semble encore plus évidente. En outre, l'Encyclopaedia Iranica nous informe que de nombreux membres de la famille du Bab étaient des adhérents actifs du shaykhisme [68].

A 13 ans, son oncle le retire de l'école et décide de l'associer dans son commerce. Puis le Bab se rend à Bushihr, port du golfe persique, où il dirige le commerce de mercerie de son oncle [69].

Tout en menant sa carrière commerciale, il se consacre à la dévotion et à la prière. Sa piété lui attire respect et sympathie de la population. Plusieurs témoignages l'attestent. Gobineau déclare "Il [le Bab] se montra de bonne heure possédé par des idées religieuses très actives (…) Toujours occupé de pratiques pieuses, d'une simplicité de moeurs extrême, d'une douceur attrayante, et relevant ses dons par son extrême jeunesse et le charme merveilleux de sa figure, il attira autour de lui un certains nombres de personnes édifiées. Alors on commença à s'entretenir de sa science et de l'éloquence pénétrante de ses discours. Il ne pouvait ouvrir la bouche, assurent les hommes qui l'ont connu, qu'il ne remuât le fond du coeur." [70] "Lorsque le Bab vivait à Bushihr, il passait beaucoup de temps à prier. Chaque matin, au lever du soleil, il priait dans la direction de Téhéran et glorifiait Dieu, et chaque vendredi, il passait plusieurs heures à la prière et à la méditation."Traduction de courtoisie. [71]

Les dépêches corroborent les propos des citations précédentes : "Un jeune homme [le Bab] de cette ville, à la fois très savant et très éloquent" [72]

En 1841, sa très grande foi le décide à fermer son commerce et pérégriner à Najaf et Karbila [73]. Ces deux villes, situées en Iraq, sont considérées par les musulmans chiites comme des villes saintes. En effet, à Najaf repose la dépouille de l'Imam 'Ali, cousin et gendre du prophète. A Kerbela, les musulmans chiites se recueillent devant le tombeau de l'Imam Husayn, fils de Ali, martyrisé près de Kerbela en 680. Abbas, le frère d'Husayn est également enterré à Kerbela.
Une croyance musulmane chiite considère qu'après la réapparition du Qa'im, l'Imam Husayn et les soixante douze personnes tuées avec lui, apparaîtront également.

A son retour en Perse, en août 1842, le Bab épouse Khadija-Bagum, une parente éloignée. De cette union, né un enfant en 1843 prénommé Ahmad, qui meurt peu après sa naissance.


3- Les deux phases de la déclaration du Bab

En 1844, le Bab déclare être le Mahdi (celui qui est guidé par Dieu), l'incarnation des attentes eschatologiques des musulmans chiites. Bien que son nom soit Siyyid'Ali-Muhammad, il adopte le nom de "Bab" qui signifie en arabe "la porte". Sa venue, explique le Bab, représente la porte par laquelle doit arriver le messager universel de Dieu attendu de tous. "Les Babis (ils se nomment ainsi de la désignation de leur chef Bab, qui veut dire porte en arabe, et qui signifie que le chef Bab est la porte de la sagesse c'est l'interprétation exacte du koran" [74]

Selon les historiens, la déclaration de l'immanence du Bab est progressive : elle comporte deux phases. La première s'étend de 1844 à 1848, elle est caractérisée par une ambivalence du discours du Bab. La seconde commence à partir de 1848 jusqu'à sa mort.

D'après Peter Smith [75], historien des religions et sociologue, lui-même baha'i, il semblerait qu'au départ, le Bab se déclare titulaire du savoir ésotérique des Imams tout comme l'étaient Shaykh Ahmad et Siyyid Kazim. Il se déclare également le représentant de l'Imam sur cette terre impliquant la détention d'une position spirituelle élevée.

Plus tard en 1848, il annonce être lui-même le Qa'im, le retour de l'Imam caché. Selon Peter Smith cette seconde déclaration officielle était officieuse pour les premiers disciples babis et implicitement reconnu dans les premiers Ecrits du Bab.

Dans l'Encyclopaedia Iranica, A. Gheissari, auteur de l'article sur le babisme [76], divise le babisme en deux périodes. La première couvre la période de 1844 à 1848. le Bab proclame qu'il est la porte préparant le retour de l'Imam caché.
Le mouvement babi se caractérise par une piété islamique et par l'observation des lois islamiques et de la Shari'ah (la Loi canonique, idéale de l'Islam). La deuxième période couvre la période de 1848 à 1853. Le Bab proclame être l'Imam en personne. Aussi, il abroge certaines lois islamiques de la Shari'ah, il promulgue un nouveau code de loi pour une nouvelle religion.

Heinz Halm lui aussi démontre que le Bab déclare sa mission en deux temps : "un jeune sayyid, 'Alî Mohammad de Chiraz (né en 1819), prédit en 1843 la réapparition de l'Imam caché à Karbala pour le début de l'année Hégirienne1261 (10 janvier 1845) et il se présenta (…) comme la "porte" (bâb) de cet imam.(…) Lorsque, fin 1847, le bâb prétendit être lui-même l'imam caché et, en qualité de Mahdi et Qâ'im, déclara la loi islamique abolie." [77]

Un événement babi vient conforter ces différentes théories. En 1848, a lieu dans le village de Badasht [78], un concile de babis guidé par Mirza Husayn-'Ali, l'un des disciples éminents de la foi babie, appelé plus tard Baha'u'llah. "Les trois troupes réunies dans le hameau de Bedesht campèrent en partie dans les maisons des paysans, en partie dans les jardins. On n'était pas tout à fait sorti du Khorassan (…). Gourret oul-Ayn jugea nécessaire d'échauffer le zèle des croyants par une prêche. (…) La jeune femme débuta par rendre son auditoire attentif à cette grande vérité que les temps étaient venus où la doctrine du Bâb allait couvrir toute la surface de la terre (…). Une nouvelle lumière avait surgi, une nouvelle loi allait naître ; un livre nouveau allait remplacer l'ancien." [79]

Comme le relate Gobineau, en effet, une des Lettres du Vivant [80], Qurratu'l-'Ayn, connue sous le nom de Tahirih (la pure), expose l'étendue du message du Bab. Tahirih explicite les déclarations du Bab et sa mission. Le Bab est l'Imam Mahdi, le messager de Dieu, le fondateur d'une nouvelle révélation religieuse indépendante.

Ainsi, les babis sont appelés à se libérer des exigences de la Shari'ah islamique. Les babis doivent se tourner vers les nouveaux enseignements sociaux révélés par le Bab qui provoquent une réelle scission avec les enseignements musulmans.
Il semble que certains babis ait considéré le fondateur de la foi babie comme un simple réformateur religieux leurré par l'ambivalence de son discours et par l'ambiguïté de l'appellation "Bab" [81]. Les explications de Tahirih mettent durement à l'épreuve la foi de nombreux babis. Dès lors, certains renoncent à leur nouvelle foi. Cependant, la plupart des babis sont touchés par le discours de la jeune femme, ainsi l'ardeur de leur foi ne fait que s'intensifier. "Il paraît que ce discours fut particulièrement efficace. (…) et non seulement il produisit un grand effet sur les auditeurs, mais, répété partout et commenté (…) il amena encore beaucoup de partisans au bâbisme." [82]

Les baha'is considèrent le Bab comme le Promis, fondateur d'une nouvelle religion, mais aussi comme le précurseur de Baha'u'llah.

Pour les baha'is, la religion babie est fondée en 1844 par le Bab. La mission essentielle du Bab consiste à préparer la venue du messager universel de Dieu attendu de tous. A certains égards, on peut comparer le rôle du Bab à saint Jean-Baptiste dans l'avènement du christianisme. Cependant, à la différence de ce dernier, le Bab a fondé une religion indépendante, propre, distincte, avec ses propres livres, notamment le Bayan.

En 1863, Baha'u'llah ("Splendeur de Dieu" en arabe), déclare être formellement cette manifestation. La majorité des babis acceptent les principes de Baha'u'llah et adoptent la foi baha'ie.

Pour mieux comprendre les explications des parties à venir, nous allons brièvement évoquer l'histoire de la vie du Bab en tant que prophète. Nous nous attarderons davantage sur son exécution en 1850, car ce fait est largement relaté dans les dépêches diplomatiques.


4- Bref historique de la vie du Bab après sa rencontre avec Mulla Husayn

Dans un premier temps, l'enseignement du Bab se limite au cercle de ses dix-huit disciples. Ceux-ci se dispersent à travers la Perse apportant avec eux les premiers écrits du Bab, notamment son commentaire de la sourate de Joseph.

Le Bab, quant à lui, se rend à la Mecque et à Médine en Arabie, centre de pèlerinage du monde musulman. Le vendredi 20 décembre 1844, il déclare publiquement : "je suis le Qa'im dont vous attendez la venue" [83]. Il adresse une tablette au shérif de la Mecque [84], gardien des tombeaux, dans laquelle il réitère ses propos concernant son rang. Cependant, les autorités islamiques sunnites ne prêtent pas une attention sérieuse à ses déclarations.

Au contraire, les autorités religieuses et gouvernementales [85] persanes s'inquiètent de l'essor de ce nouveau mouvement. A Chiraz, la renommée du Bab s'étend, propageant de fait le nouveau message dans toute la Perse. Dès lors, le Premier ministre Haji Mirza Aqasi [86], ordonne l'emprisonnement du Bab. L'été 1847 ce dernier est envoyé à Mah-Ku dans une forteresse de la province de l'Azerbaïdjan. Le 10 avril 1848, il est ensuite transféré dans la prison de Chiriq située dans la même province. Le récit de Nabil, ainsi que des épîtres du Bab [87], évoquent les douleurs de l'emprisonnement. Le ministre russe Dolgorukov accrédité en Perse, demande que le Bab soit libéré de la prison de Mah-Ku [88]. En effet, cette dernière se situe à la frontière russe, près du Caucase, région qui connaît déjà des perturbations religieuses. Cette demande nous laisse supposer que le ministre tente d'éviter la propagation de tous problèmes religieux dans son pays. Cette demande peut également supposer qu'il se pose en défenseur du Bab et de la religion babie. En effet, en 1852, ce ministre offre l'exil à la nouvelle croyance, comme nous le verrons dans notre troisième partie.

A la demande du clergé, le Premier ministre ordonne que le jugement du Bab se déroule à Tabriz, devant le futur roi Nasiri'd-Din Shah et devant une assemblée d'ecclésiastiques. Au cours du procès qui a lieu en 1848 le Bab déclare à nouveau qu'il est le Promis. "Dès qu'il se déclara le Promis, un sentiment de terreur s'empara de l'assistance" [89].


5- L'exécution du Bab le 9 juillet 1850

Le 9 juillet 1850, le Bab est exécuté. Il existe cependant des ambiguïtés quant à la date de cette exécution. En effet, dans une dépêche, il ne s'agirait pas de l'année 1850 mais de l'année 1851 "le Seïd Bab, fondateur de la secte, incarcéré depuis 1847, a été fusillé à Tauris dans l'automne de 1851" [90]. Cette source semble totalement erronée, les historiens de l'époque et contemporains, ainsi que d'autres écrivains attestent que la mort du Bab est survenue en 1850. L'histoire baha'ie considère que l'exécution du Bab a eu lieu le 9 juillet. Cependant, Moojan Momen dans son ouvrage [91] envisage une erreur quant au jour de l'exécution. Il indique que le Bab aurait été exécuté le 8 juillet 1850. Il s'appuie, entre autre [92], sur une dépêche du consul Richard Stevens écrite à Sheil, le 24 juillet 1850, qui date le martyre du Bab au 8 juillet 1850.

Des récits concernant cette exécution existent, mais d'après l'Encyclopaedia Iranica [93] il ne s'agit pas de témoignages oculaires directs. En revanche, il existe de nombreux témoignages retranscrits. Le récit d'un diplomate bien que bref se fait l'écho d'un phénomène mystérieux au cours de l'exécution.

"Votre excellence se souvient de l'apparition du Babysme (…) du supplice appliqué au Bâb peu de temps après à Tauris [94], du quasi miracle qui s'en suivit - une première décharge dirigée contre lui n'avait eu pour effet que de le délivrer de ses liens" [95]

"Le fondateur de cette secte a été exécuté à Tabriz. Il a été tué par une salve de tirs au fusil. (…) Quand la fumée et la poussière s'effacèrent après la décharge, le Bab n'était pas visible, et la population clamait qu'il avait accompli une ascension vers le ciel." [96].

On peut se demander pourquoi les diplomates français ont occulté cet événement, au contraire des dépêches diplomatiques d'autres pays. En effet, les circonstances extraordinaires qui ont entouré sa mort aurait pu susciter une vague d'intérêt. Seule la dépêche de Mellinet en fait état. Il évoque un "quasi miracle" sans donner plus de détails.

On peut échafauder plusieurs hypothèses. Tout d'abord, la France en pleine révolution industrielle connaît les prémices de ce que Max Weber appelle le désenchantement du monde.

Ainsi, la population française, notamment les élites éclairées, sont moins en proie au mysticisme. Aussi, comprend-on mieux le manque d'adhésion des diplomates français à cet événement mystérieux. En outre, ces derniers craignent d'engager leur crédibilité auprès des institutions françaises ou plus particulièrement le Quai d'Orsay.

Pour une meilleure compréhension, nous pensons utile de nous attarder sur l'exécution controversée du Bab. Aussi, relatons nous les faits, rapportés par les dépêches diplomatiques ainsi que par notre source baha'ie principale : La Chronique de Nabil.

Alors que le siège de Zanjan (chapitre III) se poursuivait, Mirza Taqi Khan [97] ordonne au gouverneur de l'Azerbaïdjan, Hamzih Mirza, de conduire le Bab à Tabriz et d'y organiser son exécution publique.

D'après William Hatcher [98], ainsi que Moojan Momen [99], tous deux baha'is, le Premier ministre ne possédait pas l'autorité suffisante pour ordonner un tel acte, d'autant qu'il n'avait consulté aucun membre du gouvernement. Aussi le gouverneur de l'Adhirbayjan refuse l'exécution car il ne souhaite pas tuer un descendant du prophète Muhammad, innocent de tous crimes. C'est alors le frère de Mirza Taqi Khan, Mirza Hasan Khan qui doit se charger d'effectuer les démarches nécessaires à l'exécution.

Ferrier, l'un de nos diplomates, indique une raison différente. En effet, pour lui, Mirza Taqi Khan doit, faute d'incompréhension, ordonner à deux reprises qu'on exécute le Bab. "Le chah (…) il y a trois semaines pour les faire tuer à coups de bayonette sur la place publique de Tauris. L'ordre de cette exécution ayant été mal compris par le gouverneur de l'Azerbaïdjan, n'a pas encore été exécuté, mais un second très impératif, est parti ces jours derniers afin qu'elle ne fut plus (…) d'un instant." [100]
Ainsi, le Bab est emmené à Tabriz. C'est le pouvoir religieux qui se charge de cette exécution. Le clergé signe un arrêt de mort officiel [101] et le Bab est condamné à mort pour hérésie.
Le Bab et l'un de ses disciples, pour l'exécution, sont suspendus à des cordes contre le mur d'une caserne militaire [102].

Un régiment de sept cent cinquante soldats arméniens chrétiens est amené pour former le peloton d'exécution. Voici comment Nabil relate l'événement : "Dès qu'on eut fini de les attacher, un régiment de soldats s'aligna en trois files (…) elles reçurent l'ordre d'ouvrir le feu l'une après l'autre jusqu'à ce que le détachement tout entier eut tiré sa salve. La fumée provoquée par la décharge (…) se changea en ténèbres. (…) environ dix milles personnes assistèrent à ce triste et émouvant spectacle. Dès que le nuage de fumée se fut dissipé, une multitude ébahie vit une scène à laquelle ses yeux pouvaient à peine croire. Devant elle, debout et indemne, se tenait le compagnon du Bab, alors que celui-ci avait disparu, sain et sauf, de sa vue. Bien que les cordes au moyen desquelles ils étaient suspendus fussent déchiquetées par les balles, leurs corps avaient miraculeusement échappé à la salve." [103]

Nicolas également témoigne de l'épisode étonnant qui se produit : "Par un hasard extraordinaire, les balles ne touchèrent que les cordes qui tenaient Bab attaché ; elles se rompirent et il se sentit libre. Du bruit, des éclats de voix retentirent de tous les côtés sans qu'on comprît d'abord de quoi il s'agissait." [104]

"On se mit activement à la recherche du Bab, et on le trouva finalement assis dans la chambre même qu'il avait occupé la nuit précédente."j'ai fini ma conversation interrompue (…)" dit le Bab "à présent, tu peux te mettre à exécuter ton dessein." [105]
Un régiment de musulmans est formé à la hâte, le Bab et son compagnon une nouvelle fois sont suspendus. Une seconde décharge est tirée sur eux. Cette fois les deux corps sont criblés de balles.


B. Les incompréhensions doctrinales des diplomates

Les diplomates dans leurs dépêches évoquent la doctrine de la nouvelle croyance et selon les auteurs, plusieurs opinions sont données. Les dépêches révèlent des incompréhensions doctrinales. On note également un vocabulaire et un ton spécifique aux auteurs diplomatiques. Il serait donc intéressant d'analyser et de comprendre ces éléments.

1- La méconnaissance des diplomates du mouvement baha'i

Le premier fait notoire que l'on retrouve dans nos sources diplomatiques est l'absence de l'évocation de Baha'u'llah, fondateur de la religion baha'ie. En effet, les diplomates évoquent tous le Bab, mais il semble qu'ils n'ont pas perçu l'existence d'un autre prophète. Il est souvent question du Bab alors que celui-ci est déjà mort. On évoque alors le chef de la religion babie, bien que le Bab soit déjà mort. Dès lors, hormis les diplomates du début du XXe siècle, les auteurs diplomatiques n'ont pas pris en compte la nouvelle religion baha'ie remplaçant la religion babie.

"Les habitants d'une petite localité des environs, Sédeh, soupçonnés de Babisme étaient depuis longtemps molestés par les prêtres (…) Il n'en est pas de même du Babisme qui prend ici chaque jour un développement plus considérable" [106]. L'extrait de cette dépêche date de 1890. A cette date, le Bab est mort depuis quarante ans. Baha'u'llah, quant à lui, a déclaré sa mission en 1863, les babis sont devenus baha'is.

En 1869, un jeune baha'ie apporte au roi une lettre provenant de Baha'u'llah : "Il déclara qu'il était chargé de présenter une requête au Schah. (…) Elle émane, a dit la personne qui la portait, du Bab, ou chef des Babys, qui est en prison, en ce moment à St Jean d'Acre." [107]. Une fois de plus, on note une erreur. En effet, en 1869, le Bab a déjà été exécuté. En outre, le Bab n'a jamais été emprisonné à St Jean d'Acre [108]. C'est au contraire Baha'u'llah qui dès le 31 août 1868 est enfermé dans la prison de St-Jean-d'Acre.
De plus, cette dépêche, évoque une requête adressée au roi, apportée par un croyant. En 1869, Baha'u'llah a bien envoyé, par l'intermédiaire de Badi, une épître au Shah. Ce jeune croyant a été torturé et exécuté. La dépêche évoque également cette torture et sa mort. Ainsi, tous les faits prouvent qu'il ne s'agit pas du Bab mais bien de Baha'u'llah.

Ces deux exemples choisis montrent que certains diplomates n'ont pas assimilé ou n'ont simplement pas eu connaissance de la deuxième révélation succédant à la religion babie.
Nous avons cependant en notre possession deux dépêches qui évoquent l'existence d'un autre prophète après le Bab. Or, aucun nom n'est mentionné, et les auteurs semblent avoir peu d'informations sur ce dernier.

"Avant de mourir, l'hérésiarque avait désigné son successeur éventuel que personne, sauf les hauts dignitaires de la secte, ne connaît. On croit le voir partout, on ne peut le saisir nulle part. Cependant ses ordres circulent d'une extrémité de la Perse à l'autre." [109]
"Le Bab avait été promptement remplacé et le mot d'ordre de son successeur était d'attendre que le temps fut venu. Lui même se réfugiant à Bagdad d'où il faisait entendre ses prédications aux nombreux fidèles qui viennent chaque année à Kirmancha et à Kerbela. Le tombeau des saint Imams servait de lieu de propagande à la nouvelle religion." [110]

La seule dépêche que nous avons trouvée et qui évoque Baha'u'llah a été écrite par Nicolas. Il s'agit de la traduction d'un article de journal persan concernant la tentative d'attentat contre la vie du Shah perpétrée par des babis (chapitre III). Baha'u'llah à cette époque est babi, il se nomme Mirza Husayn-'Ali.

"Un de ces misérables conspirateurs, Mirza hussein Ali, s'était réfugié à zerguendé, résidence d'été de la Légation de Russie" [111]. Effectivement, condamnant le geste des babis qui ont tenté d'assassiner le Shah, Baha'u'llah se rend au campement royal. En chemin, il séjourne à Zarkandih, dans la résidence de la légation de Russie.
Comment pouvons-nous expliquer ces erreurs de compréhension et ce manque d'informations ?

Tout d'abord, il semble évident que les diplomates aient beaucoup plus évoqué la croyance babie et donc par-là même le Bab en raison de forts nombreux évènements concernant ce dernier et ses disciples. En effet, la période babie est une période forte en rebondissements, avec des soulèvements, des massacres. La religion babie prend une connotation politique et sociale. C'est un mouvement nouveau qui connaît une vive ampleur. Nous le verrons en troisième sous partie, le nombre des adeptes babis augmente. Cette croissance est remarquée par les diplomates.

L'histoire de la foi baha'ie étant moins agitée que celle de la foi babie, on peut penser que Baha'u'llah et les baha'is ont été moins connus des diplomates. En effet, bien que les baha'is aient été victimes de violentes persécutions, au contraire de certains babis, ils n'ont pas répondu à ces attaques. Ainsi il n'y a pas eu de soulèvements demandant le concours des forces armées.

Il faut noter également qu'à l'époque les baha'is étaient appelés par la plupart des Européens et des musulmans persans les babis.

De plus, Baha'u'llah a connu un exil pendant près de quarante années et a été emprisonné en Perse, mais surtout hors de la Perse, dans l'Empire Ottoman. Ainsi, cela peut justifier le fait que Baha'u'llah soit moins connu des diplomates accrédités en Perse, que ne l'ont été le Bab et ses disciples.

Tout laisse supposer que les diplomates aient cru à l'éradication du mouvement babi au début des années 1850. En effet, après la tentative d'assassinat du Shah en 1852, les autorités perses, en représailles, ont massacré une grande partie de la population babie. La communauté babie a été partiellement détruite et s'est retrouvée numériquement amoindrie. "Il est évident que cet événement se rattache à des projets secrets de la secte des Babys, que le roi croyait avoir exterminée dans les sanglantes et barbares exécutions de 1854, à la suite d'un attentat commis par un baby contre sa personne" [112]
De plus, une partie des membres piliers de la foi babie, tels les dix huit premiers disciples ont péri dans les nombreux soulèvements babis ou persécutions, tout comme de nombreux babis. Selon l'Encyclopaedia Iranica [113], environ 3000 babis sont morts lors des différents soulèvements (Shaykh Tabarsi, Zanjan, Nayriz) et lors de persécutions et pogroms perpétrés contre les babis. (chapitre III).

Les diplomates, mais aussi une partie des Perses, ont cru à la fin du mouvement. "Les Babys, qui n'avaient plus fait parler d'eux depuis les évènements de 1852, viennent de se relever tout à coup au moment où personne ne soupçonnait même plus leur existence (…)La secte semble vouloir renaître de ses cendres ?" [114]

Ainsi, alors que le mouvement babi semble menacer d'extinction, Baha'u'llah perpétue le mouvement en prenant sa direction.
Mirza Husayn-'Ali [115], né le 12 novembre 1817 est issu d'une famille des plus illustres et anciennes de Nur, localité du Mazindaran. Son père, Mirza 'Abbas, appelé dans le cercle de la cour Mirza Buzurg, est ministre à la cour du Shah.
En 1844, à 27 ans, Mirza Husayn-'Ali épouse la foi du Bab et devient un fervent adepte du babisme. Comme nous l'avons vu précédemment, il a d'ailleurs été l'un des principaux acteurs de la rencontre à Badasht [116]. A la mort de son père [117], Mirza Husayn-'Ali décline l'offre de fonction de ministre.

D'après Hatcher [118], Mirza Husayn-'Ali voyage beaucoup, il est responsable de la conversion d'un grand nombre de personnes. Bien qu'il n'ait jamais rencontré le Bab, il entretient avec lui une relation épistolaire. Mirza Husayn-'Ali influence ses coreligionnaires qui le considèrent comme un guide spirituel de la foi babie.

Au cours de l'été 1852, lorsque des babis attentent à la vie du Shah, Baha'u'llah est arrêté, emmené à Téhéran et incarcéré dans une célèbre prison : le Siyah-Chal (la fosse noire ou trou noir), prison connue pour son insalubrité. Après quatre mois d'emprisonnement dans le Siyah-Chal, Baha'u'llah est exilé de son pays natal dans l'Empire Ottoman. En 1853, il est exilé à Bagdad en Iraq où il reste dix ans avant d'être à nouveau banni vers Constantinople (capitale de l'Empire Ottoman) puis, en 1868, vers la ville-prison de Saint-Jean-d'Acre, en Palestine.

C'est le 21 avril 1863, que Baha'u'llah déclare être "celui que Dieu rendra manifeste" [119], le messager universel de Dieu promis par le Bab et par les Ecrits des précédentes religions. Dans un jardin près de Bagdad, le jardin de Ridvan, Baha'u'llah annonce à ses compagnons qu'il est celui dont la venue avait été prédite par le Bab, il est le Promis de toutes les religions. Il complète la mission du Bab. La grande majorité des babis finiT par accepter les principes de Baha'u'llah, le mouvement se structure et devient "la foi de Baha'u'llah", donc la foi baha'ie [120]. L'anniversaire des douze jours que Baha'u'llah a passé dans le jardin de Ridvan est célébré dans le monde baha'i comme la plus joyeuse de toutes les fêtes.

A partir du mois de septembre 1867, Baha'u'llah écrit une série de lettres adressées aux rois et aux dirigeants de la terre [121]. Il y déclare être le promis de la Torah, des Evangiles et du Coran.

Vers les années 1870, Baha'u'llah est autorisé à se déplacer librement hors des remparts de la ville de St-Jean-d'Acre et ses disciples le rencontrent dans une liberté relative. Il meurt à soixante-quinze ans, le 29 mai 1892, succombant à une brève période de maladie. Aujourd'hui, la religion baha'ie est une religion indépendante au même titre que l'Islam ou le christianisme et se veut apolitique. Elle compte près de six millions de membres. D'après l'Encyclopedia Britannica, elle représente la deuxième religion la plus répandue géographiquement après le christianisme. Cette religion ne connaît ni clergé, ni dogme. Ses trois principes fondamentaux sont : l'unité de Dieu, l'unité des religions et l'unité du genre humain. Depuis 1948, les Nations Unies reconnaissent la communauté baha'ie comme une organisation non gouvernementale (O.N.G). De plus, elle a un statut consultatif auprès de l'UNESCO et de l'ECOSOC (conseil économique et social). Malgré la reconnaissance de l'O.N.U, certains pays du Maghreb et l'Iran interdisent aujourd'hui la pratique de cette croyance.

Avec l'avènement de la république islamique en 1979, près de deux cents baha'is ont été exécutés, cent autres ont été emprisonnés. Des milliers d'entre eux ont été privés de leur travail. Ils ne peuvent poursuivre d'études universitaires. Les structures administratives baha'ies ont été bannies par le gouvernement ; Les lieus saints ou de sépultures ont été profanées ou confisquées. Aujourd'hui, la communauté baha'ie compte près de trois cent dix mille membres en Perse. En France, on en dénombre près de deux mille.

Ainsi, d'après les croyances baha'ies, le Bab et Baha'u'llah ont tous deux fondé des religions indépendantes, la foi babie et la foi baha'ie. Cependant la mission du Bab était de préparer la venue de Baha'u'llah. C'est pourquoi la fondation de la foi babie symbolise pour les baha'is, l'origine de la foi baha'ie.

Le mouvement babi est plus souvent référencé que le mouvement baha'i, compte-tenu de son histoire agitée et du bouleversement qu'il provoque, aussi est-il normal que notre devoir s'attarde sur cette religion.


2- Le vocabulaire et les incompréhensions des diplomates

Lorsqu'ils évoquent les religions babie et baha'ie, les diplomates emploient un ton et un vocabulaire spécifiques.

Tout d'abord, les diplomates assimilent cette nouvelle croyance à une secte. Le mot secte vient du latin "secta", manière de vivre, ligne de conduite politique, école philosophique ou religieuse. Ce terme dérive du mot "sequi", suivre, au propre et au figuré. Secte a d'abord eu le sens de doctrine religieuse ou philosophique. D'après le dictionnaire historique de la langue française, le mot secte avait la même connotation que nous l'avons aujourd'hui.

"On annonce qu'il a été pris des mesures d'une extrême rigueur contre la secte des Babis." [122],
"Et peut-être cette secte des Babis(…)" [123], "La nouvelle arrivait à Téhéran que la petite ville de Zinguin située à mi-chemin, entre la capitale et tauris, était devenue le théâtre de sanglants désordres. Sa population, dont la majorité appartiennent à la secte des babis, s'entregorgeait pour [124]des différends religieux." [125]

Dans la Perse du XIXe siècle, les mouvements babis et baha'is sont perçus comme schismatiques par le clergé chiite et une partie de la population. Aussi sont-ils identifiés comme secte. Ces derniers figurent sur la liste des sectes de l'Islam, ils sont davantage considérés comme un mouvement réformateur musulman qu'une religion.
En effet, dans les premiers temps du babisme (1844-1848), les babis restent principalement islamiques et la religion babie apparaît comme une réforme de l'Islam ou l'expression d'une religiosité sectaire. Ainsi, les diplomates perçoivent le mouvement babi au travers du prisme chiite et le considèrent comme sectaire.

Les écrits du Bab, dans un premier temps, sont diffusés rapidement, unifiant ainsi le mouvement. Cependant, une fois le Bab emprisonné, l'autorité charismatique disparaît et l'unité du mouvement est amoindrie. De plus, certains babis n'ayant pas assimilé tous les enseignements du Bab, continuent d'observer les coutumes islamiques. Ceci accroît l'idée d'un mouvement réformateur islamique chez les diplomates en poste.

De plus, ce mouvement est également perçu comme révolutionnaire ou insurrectionnel (chapitre III). Il est alors identifié non plus à une religion mais à une secte.
Néanmoins, pour qualifier ce mouvement, certains diplomates utilisent à la fois le terme religion et secte démontrant ainsi leur confusion face à l'émergence d'un mouvement religieux. "Le tombeau des saints Imams servait de lieu de propagande à la nouvelle religion" [126]
Aussi les diplomates considèrent-ils le Bab comme un "chef", le chef de la "secte" babie.
Les diplomates parlent également de "fanatisme" [127], terme souvent associé aux sectes. Ils sont confortés par les non-abjurations des babis violentés, victimes d'affreuses persécutions et l'énergie qu'ils déploient pour défendre leurs convictions religieuses.

Les auteurs des dépêches diplomatiques se sont penchés sur la question doctrinale des croyances babie et baha'ie mais leurs sources d'informations apparaissent peu fiable. Par exemple, chaque diplomate développe une version particulière de la doctrine babie entraînant des incompréhensions doctrinales.

A contrario leurs récits des événements politiques et notamment ceux concernant les babis apparaissent précis. "(…) est affiliée à cette secte, dont il est difficile de connaître la forme et les tendances exactes." [128]

"Et peut-être cette secte des Babis n'est elle qu'un rejeton de celle des Ismaïliens" [129]. Illustrant nos précédents propos, ce diplomate compare les babis aux ismaéliens qu'il associe à une secte de l'Islam.
Le nom ismâ'îliya fait référence à Ismâ'il [130], fils de Ja'far al-Sâdiq. En première partie, nous avons vu que les chiites duodécimains croient en douze Imams. Le premier est 'Alî. Chez les ismaéliens, 'Alî tient une place à part, et le premier des Imams est pour eux Al-Hasan. Chiites et ismaéliens reconnaissent Ismâ'il comme le sixième Imam. Cependant, le groupe ismaélien continue la lignée des Imams en passant par Ismâ'il et non par son frère, Mûsâ al-Kâzim, comme le font les chiites duodécimains. Le fils d'Ismâ'il est le septième Imam. A l'origine, la série des Imams, chez les ismaéliens, s'arrêtait au septième Imam, mais plus tard, d'autres groupes ont continué la lignée des Imams. Ainsi, la dénomination de chiisme septimain (sept) apparaît fallacieuse.

La dénomination la plus ancienne utilisée par les ismaéliens pour désigner leur croyance est "religion de la vérité".
Dans la théorie d'origine, les ismaéliens attendent le retour du septième Imam, Muhammad Ibn Ismâ'îl, le Mahdi qui doit marquer le début d'une nouvelle ère. Au milieu du IXe siècle, au Khouzistan, (en Iran actuel), 'Abd Allâh se fait le défenseur de cette doctrine et devient ainsi le dirigeant de ce mouvement. Pour les ismaéliens c'est un alide [131] et le descendant de Ja'far al-Sâdiq. Quant à ses adversaires, ils le considèrent comme un imposteur. Dès le début du Xe siècle, la rumeur pose ce mouvement comme une pseudo-religion créée pour détruire l'Islam. Au XIXe siècle, des auteurs et écrivains critiquent le fondateur de cette croyance. En voici un exemple : "un homme dont le but était de propager le matérialisme, l'athéisme et l'immoralité." [132]. Ainsi les critiques qui ont été portées sur l'ismaélisme au XIXe siècle peuvent avoir influencé l'auteur. Nous savons aussi que chez les ismaéliens, le titre "bâb" (disciple de l'Imam au rang le plus élevé) occupe un rang élevé dans la hiérarchie. De surcroît, nous savons que les ismaéliens attendaient l'établissement du royaume de Dieu sur terre et ont des tendances messianiques, comme pour les babis. Aussi, la comparaison entre le Bab, fondateur de la religion babie et les ismaéliens semble être évidente.
L'auteur de la dépêche n'est d'ailleurs pas le seul à assimiler les babis aux ismaéliens, en témoigne cet extrait de l'Encyclopédie de l'Islam : "La métaphysique du Bab se rapproche par certains cotés à celle des ismaéliens. Elle propose en substance, (…), une division de l'être en trois parties : Monde de l'Essence de Dieu absolument impossible à atteindre et transcendant, Monde de la Nature et de l'Homme et Monde de la Manifestation, miroir très pur dans lequel seul Dieu peut se regarder" [133].

"Cette secte a pour chef un fanatique appelé Bab qui se dit être l'incarnation de Dieu sur la terre ; un de ses compagnons se fait passer pour l'Anté Christ". [134] En analysant cette dépêche, on peut penser que son auteur a distingué la base doctrinale babie. Or il se limite au superficiel et a mal interprété les propos du Bab. Le compagnon, dont il est question dans l'extrait, peut être Baha'u'llah. Cependant en analysant la dépêche qui figure en annexe, il semblerait qu'elle date de 1851 au plus tard [135] or, Baha'u'llah n'est pas encore connu de la population. De plus le Bab et Baha'u'llah ne se sont jamais rencontrés. On peut dès lors supposer que son compagnon est Mulla Husayn [136]. Cependant, un problème philologique se pose à nous. Si le compagnon dont il est fait mention est effectivement Mulla Husayn, il ne peut être l'antéchrist. En effet, l'antéchrist [137] s'oppose au Christ et par voie de conséquence à Dieu. Le Bab "qui se dit être l'incarnation de Dieu" devient donc son adversaire. Or, Mulla Husayn est le premier à reconnaître le Bab et est l'un des plus fervents croyants. On s'aperçoit dès lors d'un déficit de compréhension de la part de ce diplomate ou alors d'une vision déformée du discours du Bab.
Nous n'avons pas trouvé dans une source historique contemporaine ou dans des écrits baha'is des arguments qui pouvaient confirmer les propos de l'auteur.

"Ces fanatiques matérialistes (niant ouvertement l'existence de Dieu, et refusant de se soumettre aux lois du pays)" [138].
M. De Clairambault évoque l'aspect insurrectionnel du mouvement. Bien que le Bab ait demandé à ses disciples de ne pas répondre aux attaques de la population, des soulèvements ont lieu en Perse (chapitre III). Les babis, agressés par le clergé ou par la population, entrent en conflit armé.

Les babis affirment leur foi en un seul Dieu, le même que les musulmans, les chrétiens et les juifs.

La doctrine du Bab encourage l'apprentissage des sciences et des arts et toutes formes d'éducation. Aussi nous pensons que Mr de Clairambault peut assimiler cette quête de connaissance à une forme de matérialisme. D'autant que le Bab avait promulgué des lois relatives à l'économie. De plus, pour les diplomates, la communauté babie se compose d'un nombre élevé d'élites. Notons que l'assimilation du terme "fanatique" au terme "matérialiste" semble paradoxal. Ainsi deux visions des diplomates émergent quant à cette croyance : une foi religieuse nouvelle fanatique ou une foi à caractère social.

"Les Bâbis (…) sont des descendants transformés de cet hérétique zoroastrien du V siècle, mazdac, qui prêchait la communauté des femmes et des biens. Cette doctrine n'est jamais morte en perse et, dans les mauvais jours, elle se reproduit sans cesse sous de nouveaux costumes qui la déguisent mal. Il y a dix ans à peine qu'elle a fait encore son apparition à Schyraz par l'organe d'un jeune homme de cette ville, à la fois très savant et très éloquent. Il se mit à précher contre la légalité de la polygamie proscrivit l'usage du jeûne religieux et du Ramadan, interdit de fumer, déclara l'aumône insuffisante et ordonna aux fidèles de donner la totalité de leurs biens à la communauté ; défendit l'usage des riches vêtemens et des meubles précieux et, pour couronnement enseigna que la souveraineté légitime inséparable du don de prophétie, la dynastie actuelle était usurpatrice et n'avait aucun droit à l'obéissance." [139]

Dans notre étude, nous pensons intéressant la comparaison des dépêches diplomatiques avec d'autres sources contemporaines. Cependant, nous n'avons trouvé principalement que des sources baha'ies, aussi au travers de ces deux types de sources historiques, tenterons nous d'atteindre la vérité historique.
Selon Peter Smith [140], dans les premiers temps du babisme [141], le Bab demande à ses disciples d'adhérer strictement à la loi musulmane. Pour la plupart des dévots musulmans, l'observance de la Shari'ah est la clef de voûte de l'identité islamique. Le Bab promulgue ses propres lois et des principes spécifiques de piété. Ainsi, les premiers babis récitent des prières spéciales en plus des prières musulmanes. De plus, ils s'abstiennent de fumer, se prosternent d'une façon spécifique sur la tombe de l'Imam Husayn. Les premiers babis sont très pieux, certains, dans leur recherche spirituelle, entament des jeûnes de trois mois consécutifs, alors que le jeûne musulman, le ramadan, ne dure qu'un mois. De telles pratiques distinguent les babis ; ils forment un groupe à part. Plus tard [142], le Bab abroge la Shari'ah et y substitue son propre code de lois consigné dans le Bayan. Le Bab s'exprime sur des formes spécifiques de prières, de jeûne, de pèlerinage, et de la guerre sainte (chapitre III). L'idée de pureté spirituelle est concomitante à l'idée de propreté physique. Le pèlerinage doit s'effectuer dans la maison du Bab à Chiraz, plutôt qu'à la Mecque. La polygamie est découragée, le concubinage interdit, et le divorce permis après avoir patienté un an.

Ces dernières ordonnances diffèrent des lois islamiques chiites qui permettent à l'époque la polygamie, le concubinage et le divorce à l'instar seulement du mari. Concernant les affaires économiques, les lois babies critiquent la pratique iranienne. Le Bab exigeait la confidentialité de la correspondance mercantile, le besoin d'une monnaie stable, le prêt à intérêt était permis et les dettes devaient être réglées. Un calendrier spécifique babi est mis en place, remplaçant le calendrier islamique lunaire. Il comporte 19 mois de 19 jours, l'année commence le jour du traditionnel nouvel an iranien (naw-ruz), le jour de l'équinoxe du printemps : le 21 mars.

D'après l'Encyclopédie de l'Islam : Le contenu du Bayan peut être résumé à quatre points fondamentaux :
- Abrogation des diverses lois et abrogations de la Shari'ah coranique concernant la prière, le jeûne, le mariage, le divorce et les successions, en soutenant, néanmoins la véracité de la mission prophétique de Muhammad, dont le cycle prophétique se termine en 1844.
- Interprétation spiritualiste des termes eschatologiques qui apparaissent dans le Coran et autres livres sacrés, comme "paradis", "Enfer", "Mort", "résurrection" qui font tous allusion non point à la fin du monde physique, mais à celle du cycle prophétique.
- Etablissement d'institutions nouvelles : nouvelle Qibla (vers la demeure du Bab).
- Tension eschatologique vers "celui que Dieu manifestera" "man yuzhiru-hu llah", le futur prophète. On pourrait ainsi soutenir que l'attente du "promis" est l'essence même du Bayan.

Parmi les nombreux livres du Bab, on peut tout spécialement présenter les suivants :
Le célèbre commentaire sur la sourate de Joseph, le Qayyumu'l-Asma.
Le Bayan, oeuvre principale du Bab. Cet ouvrage abroge certaines lois islamiques et les remplace par de nouvelles lois. Il insiste sur les valeurs morales, rehausse le rang des femmes. L'éducation et les sciences utiles sont encouragées et valorisées. Le thème central du Bayan est l'imminence de la venue d'un deuxième messager de Dieu qui serait plus grand que le Bab.
Les écrits destinés à Muhammad Shah et aux différents dignitaires.

Notons que les enseignements de Baha'u'llah ont abrogé certaines lois du Bab. Ces principes concernent divers aspects tels la spiritualité, les valeurs morales, l'administration baha'ie, les aspects socio-économiques etc…

Baha'u'llah énonce les principes suivants : l'unité de l'humanité dans le respect de sa diversité, l'égalité des droits de l'homme et de la femme, l'abandon de toute forme de préjugés, l'élimination des extrêmes de richesse et de pauvreté, la recherche personnelle et indépendante de toute forme de vérité (y compris religieuse…), accès de tous à l'éducation, l'harmonie entre la science et la religion, l'adoption d'une langue auxiliaire universelle.

Les écrits de Baha'u'llah sont nombreux. Le livre qui est considéré par les baha'is comme le centre de la révélation de Baha'u'llah est Le Kitab-i-Aqdas (le Plus Saint Livre) [143]. Ce livre contient les lois et ordonnances essentielles de la foi baha'ie et il pose les bases de l'administration baha'ie. Le Kitab-i-Aqdas remplace à la fois les lois islamiques qui n'avait pas été abrogées par le Bab ainsi que certaines lois du code établi par le Bab.


C. Démographie et profil sociologique des mouvements babi et baha'i

1- Démographie des mouvements babi et baha'i


"Il n'était plus besoin désormais de montrer que l'opinion publique recevait avec faveur la doctrine nouvelle : le fait était évident de lui-même, et non seulement à Chîraz, à Ispahan, à Kâchân, à Téhéran même, le bâbisme faisait chaque jour des progrès dans toutes les classes de la société, mais on savait encore qu'il en était de même à Hamadhân, à Kazvîn, à Zendjân, à Kermân, à Yezd." [144] Cet extrait de Gobineau confirme l'extension à travers la Perse de la nouvelle religion babie. Les dépêches diplomatiques ont, elles aussi, évoqué le fort accroissement des mouvements babi et baha'is. En effet, ces deux religions comptent un nombre croissant d'adeptes.

On examine tout d'abord la foi babie :
"On estime le nombre de babis à cinquante mille environ, et je ne serais pas éloigné de croire ce chiffre exact." [145] "On estime qu'il y a six mille Babis dans la ville même de Zinguian et qu'un nombre triple habite les villages environnants." [146]
"Je n'ai pu connaître encore les dogmes de cette nouvelle religion ; il faut qu'il soit fort séduisant, puisque Bab compte déjà un nombre considérable de prosélytes" [147]

Puis la religion baha'ie :
"Du babisme qui prend ici chaque jour un développement plus considérable (…) On prétend que la moitié presque de la Perse est affiliée cette secte…" [148]

Tout comme les diplomates, on possède peu de sources sur la démographie du mouvement babi. D'après Peter Smith, à l'apogée de la foi babie, celle-ci comptait 100 000 membres. Si ce chiffre est correct, sachant que la population persane à cette époque était de six millions environ (population dont un tiers était nomade), les babis formaient dès lors 2,5% de la population sédentaire. Ce chiffre fait des babis une minorité significative.

Quant aux premiers baha'is [149], jusqu'à la fin du XIXe siècle, les sources nous informent du nombre grandissant des adeptes, mais aucun chiffre n'est fourni. Nous pouvons alors nous tourner vers les Européens qui, à travers leurs témoignages, notent la rapide diffusion de cette religion.

Selon Peter Smith, durant les années 1860 les derniers babis et donc les premiers baha'is maintenaient une existence secrète. Une voyageuse européenne raconte que "en Perse, il est impossible de parler des babis ou d'apprendre quelque chose à propos d'eux." [150]. Au contraire, le Dr Bruce, missionnaire et membre de l'Eglise Missionnaire d'Ispahan en 1874, note tout d'abord la conversion de la communauté babie à la religion baha'ie, il évoque la rapide expansion de cette dernière [151]. En 1889, un diplomate anglais en Iran écrit à E.G.Browne (Orientaliste anglais, 1862-1926) en se référant à la "croissante multitude" des baha'is et "l'extraordinaire développement" du mouvement [152].

Les diplomates témoignent donc dans leurs dépêches du succès des mouvements babi et baha'i : "Le nombre de ses adeptes est assez grand pour faire réfléchir le gouvernement" [153] "de ces gens que l'on nomme les Bâbis et qui ne sont que trop célèbres en ce moment." [154] "Tout cela recrute continuellement des adeptes à la secte des Bâbys." [155]

En effet, le nombre des babis augmentent relativement rapidement et le Bab est de plus en plus connu à travers la Perse, comme le témoignent les différentes dépêches qui évoquent ce dernier. Dès lors on peut supposer que le nombre croissant des babis dérangent les ennemis de cette nouvelle croyance : l'Etat, le clergé et une partie de la population. Nous avons en notre possession une dépêche qui tente d'expliquer de façon anecdotique le succès babi.
"Sur cette affaire le gouverneur du fars a aussi demandé l'envoi d'une cassette contenant une espèce de confiture trouvée à Niris, et considérée pour les babis comme étant substance miraculeuse, dont on ne peut gouter la plus petite parcelle sans devenir babi. Firouz mirza ajoute que trois soldats de la division du fars en ayant malheureusement mangé, ont effectivement embrassé la nouvelle croyance et que, les ayant fait bâtonner jusqu'à la mort, il n'a pu obtenir qu'il se rétractassent Le chah attend, ces … mystérieux avec impatience dans l'intention de faire l'épreuve de la vertu." [156]

Un autre document relate également cette anecdote: c'est un extrait de rapport de Mirza Mahmud destiné à Sheil [157]. Mirza Mahmud est agent anglais à Chiraz jusqu'en novembre 1850. "On rapporte que Syed Yahyah, a quatre ou cinq récipients de sirop de grenade, une seule goutte de ce sirop serait suffisant à faire d'un homme un babi et de rejoindre Syed Yahyah . Quatre sbires en ont bu une bouteille et instantanément ils sont devenus babis et entèrent en conflit avec leur commandant. Ce sirop fut emmené au Prince." [158] Traduction de courtoisie.

D'après Momen [159], auteur baha'i, l'anecdote du sirop est typique des rumeurs "ridicules" qui circulaient sur les babis, explications surnaturelles propagées par leurs ennemis pour de fait, mieux dénigrer leur succès.
Aucune source baha'ie ou non-baha'ie ne fait référence à de tels procédés.

Les premiers babis voyageant constamment pour propager leur foi, cette religion est connue dans la majorité des villes de Perse. Malgré les contacts noués en zone rurale, l'expansion de la religion est plus faible dans ces régions. Les babis connaissent un plus grand succès dans le nord du pays [160]. Les diplomates citent un grand nombre de villes touchées par le babisme : "De nombreux écrits ont été saisis à Zendjan chez des personnes qu'on n'aurait jamais soupçonnées d'appartenir à cette secte. Des faits analogues se sont produits simultanément à Ispahan, Chiraz, Kirman et sur d'autres points du royaume." [161] "La secte des Babis s'accroît chaque jour de nouveaux et nombreux partisans. On en compte maintenant dans toutes les provinces, ils ont eu plus de succès que de revers pendant le cours de ce mois ; leur portion est bonne dans l'erat, le guilan, Le mazendéran, le yezd et le kerman, mais ils ont subi un echec dans le fars, où seïd yaya, un de leurs chefs, qui s'était emparé de la forteresse de niris située à l'ouest de cette province" [162]


2-Le profil sociologique des membres de la nouvelle croyance

D'après Peter Smith, la composition sociologique des babis exacte reste incertaine. Néanmoins des traits principaux se dégagent. Les dépêches diplomatiques constituent des sources intéressantes.

Dans les premiers temps du babisme, les premiers convertis sont principalement les shaykhis, ces derniers étant en quête d'un guide, les chiites duodécimains proches par la doctrine sont nombreux à se convertir au babisme. Sunnites kurdes et juifs sensibles aux discours du Bab forment un petit contingent de convertis. Le babisme intéresse peu la minorité des Chrétiens et Zoroastriens ou encore la majorité des sunnites. On dégage également un profil linguistique des convertis. En effet, la majorité des babis est de langue persane ou de langue turque Azéris, une minorité est de langue arabe. Le babisme est très peu implanté dans les tribus nomades en raison de leur position géographique difficile à atteindre (les montagnes de l'Ouest, le Sud Est et la côte sud).

En conséquence, la nouvelle population babie était socialement très hétérogène.
Les oulémas constituent une importante proportion de la communauté babie, de plus, ils en sont les membres actifs. "Il est remarquable que ceux qui ont adopté la nouvelle doctrine soit surtout des mollahs et des séyids." [163] D'après l'histoire baha'ie, Muhamad Shah décide de se renseigner sur le Bab. Il délègue pour cela un Siyyid : Yahya-i-Darabi, celui-ci embrasse la religion babie. Selon Peter Smith, lors du soulèvement babi de Shaykh Tabarsi (chapitre III), 37% des participants identifiés étaient des oulémas.

Après les oulémas, les plus grandes conversions provenaient des marchands et des artisans du bazar, conséquences des activités missionnaires des babis dans les grandes villes. On peut également expliquer ces conversions par les liens forts qui existaient entre marchands et clergé. Dès lors les bazaris deviennent rapidement un élément majeur dans la communauté babie, des familles entières de marchands se convertissent. Du fait de leurs activités nomades, les marchands participent grandement à la propagation du message. Nous n'avons pas d'informations concernant la main d'oeuvre urbaine, mais il semble qu'une partie de cette classe se soit convertie lors des soulèvements babis.

La société perse est une société de paysans, cependant très peu d'entre eux acceptent le nouveau message. Sauf dans certaines localités, les masses paysannes suivent les chefs religieux ou les propriétaires terriens locaux convertis à la religion babie et deviennent eux-mêmes babis.

Les diplomates, ont pour la plupart, souligné un fait spécifique : les babis avaient de nombreux adeptes dans les élites de la société. Nous allons analyser l'intérêt des diplomates sur ce sujet. Tout d'abord, il s'agit pour eux d'un fait atypique. En effet, pour eux un mouvement considéré comme sectaire ne peut se diffuser au sein de l'élite. Cependant, il est à noter que les diplomates tentent de démontrer que l'élite perse ou française est empreinte à l'ouverture d'esprit, au changement. Ils ne considèrent pas les classes supérieures comme fanatiques, au contraire des masses, pouvant être séduite par les idées nouvelles du Bab. "L'on assure qu'il y a même des Babys dans l'entourage du Roi et des ministres." [164]
"Du Babisme qui prend ici chaque jour un développement considérable, et qui compte assure-t on des adhérants jusque dans l'entourage même du Châh." [165]
"Les Bâbis se sont principalement recrutés dans les classes supérieures et l'on prétend en reconnaître les adeptes parmi les hommes qui se montrent les plus favorables aux idées européennes." [166]

Cependant, d'après Peter Smith, les grands propriétaires terriens, et les membres de l'administration qajare étaient peu nombreux à s'être convertis.

Dans sa diffusion initiale, la religion babie était une religion où prédominaient les hommes. La plupart des femmes babies sont devenues adeptes par l'intermédiaire de leur mari.

Bien que ces femmes soient peu impliquées dans l'organisation de la religion, elles participent nombreuses aux soulèvements et sont comptées dans le rang des martyrs.
"Tous avaient subi les tortures les plus cruelles plutôt que d'abjurer leur foi, les femmes et les enfants avaient montré autant de courage et de résignation que les hommes." [167]

Il est intéressant de noter le silence des diplomates quant à l'évocation de la célèbre femme babie Tahirih, martyrisée en 1852, à trente six ans. Celle-ci ôte son voile devant une assemblée d'hommes en 1848. Aussi, on aurait pu imaginer que les diplomates étudient la question. En effet, 1848 est une année de grande effervescence idéologique en France, elle connaît aussi le printemps des peuples, et l'espoir d'une amélioration de la condition féminine, comme l'atteste l'engagement politique de George Sand. Seul Gobineau évoque cette femme Qurratu'l-Ayn plus tard appelée Tahirih.

C'était la seule femme "Lettre du Vivant". Elle faisait partie des dix-huit premiers disciples du Bab, bien que n'ayant jamais rencontré ce dernier. Tahirih est une poétesse célèbre, disciple de Siyyid Kazim. Après avoir lu des versets du Bab, elle reconnaît en celui-ci le messager divin et se consacre à sa cause.

"Cette femme, donc, s'appelait de son vrai nom Zerrin Tadj, "la Couronne d'or", et était surnommée Gourret oul-Ayn, "la Consolation des yeux" (…) mais on l'appelle aussi Hezret-é-Taherêt, "Son Altesse la Pure" (…) Elle était de kazvîn et appartenait à une famille sacerdotale. (…) Bien que musulmans et bâbîs se répandent aujourd'hui en éloges extraordinaires sur la beauté de la Consolation des yeux, il est incontestable que l'esprit et le caractère de cette jeune femme étaient beaucoup plus remarquable encore. (…) Non seulement elle poussa la connaissance de l'arabe jusqu'à une perfection inusitée, mais elle devint encore éminente dans la science des traditions et celle des sens divers que l'on peut appliquer aux passages discutés du Coran et des grands auteurs. Enfin, elle passait à Kazvîn, et à bon droit, pour un prodige. (…) Elle se mit à correspondre avec le Bab, et bientôt embrassa toutes ses idées. Elle ne se contenta pas d'une sympathie passive ; elle confessa en public la foi de son maître ; elle s'éleva non seulement contre la polygamie, mais contre l'usage du voile." [168]

Il faut savoir qu'à l'époque, les femmes persanes étaient particulièrement cloîtrées. Lors de la fameuse conférence de Badasht, en 1848, Tahirih explicite les nouveaux enseignements sociaux du Bab. Lors d'une session de la conférence, elle apparaît sans le voile requis par la tradition islamique. Devant un tel événement, les condisciples sont saisis de colère crainte et stupéfaction, certains abandonnent la conférence et renient leur foi.

Comme nous l'avons dit précédemment, les diplomates connaissent peu la doctrine et les principes des deux nouvelles religions. Ils sont également dépourvus d'informations concernant le prophète Baha'u'llah, qu'ils ne citent que très rarement.

Ainsi, ils se limitent à la simple évocation du Bab et des "babis". Cependant, dans leurs récits, ils évoquent des membres de la religion, sans citer leurs noms. Parfois ils les comparent à des membres éminents de la croyance babie, parfois comme des "chefs" : "Les chefs exigent des affiliés l'obéissance la plus absolue et le secret le plus inviolable" [169]

On pourrait supposer que ces personnes sont en fait les membres piliers, premiers disciples de la foi babie : les Lettres du Vivant.
En effet, la propagation de la doctrine babie dans un grand nombre de villes et de provinces revient aux fervents premiers disciples de cette foi, ainsi qu'aux ulémas nouvellement convertis. L'encyclopaedia Iranica cite ces personnes : "Molla Mohammad-Hosayn (…), Sayyed Yahya Darabi, (Vahid) (…), Molla Mohammad-'Ali Zanjani (Hujjat), Molla Jalil Orumi (…), Qorrat-al-'Ayn."

Concernant les baha'is, nous ne possédons pas d'études sur la composition sociale de la communauté baha'ie à la fin du XIX siècle. D'après Peter Smith, la plupart des babis sont devenus baha'is, on peut alors supposer que le réseau de classe sociale existant pour les babis est identique à celui des baha'is. On suppose que ces derniers sont donc des oulémas, des marchands, des artisans et membres des classes urbaines. Ces groupes socioprofessionnels représentent une base pour l'expansion baha'ie. Parmi les groupes sociaux les marchands apparaissent comme des éléments significatifs dans le développement des communautés baha'ies. Les marchands baha'is assumaient des positions éminentes dans la croyance. Au contraire les ulémas deviennent moins importants. Cependant, ils continuent à jouer un rôle significatif (piliers de la foi…) mais les conversions d'oulémas à la foi baha'ie sont moindres. On enregistre également des conversions parmi les élites civiles qui font la distinction entre les militants babis et la quiétude baha'ie. A la fin de l'époque qâjâre, un nombre éminent de baha'is était incorporé à l'élite urbaine, ceux ci en qualité de vizirs, administrateurs financiers ou même gouverneurs. Ceci corrobore les propos des diplomates lorsqu'ils évoquaient le nombre des babis parmi l'élite de la société. Des activités missionnaires ont crée un réseau de communauté baha'ie dans la population rurale. Cependant, les tribus nomades n'ont pas été touchées, tout comme à l'époque du babisme. Des juifs [170] et des zoroastriens se sont convertis à la religion baha'ie, mais les minorités chrétiennes perses sont restées à l'écart.

En revanche, les femmes deviennent un élément important dans la communauté baha'ie bien que les conversions soient encore dues aux liens familiaux. Cependant, une fois baha'ie, les femmes assurent l'éducation religieuse de leurs enfants.

Enfin, d'un point de vue géographique, les villages, villes et provinces qui comptaient un grand nombre de babis sont devenus des foyers pour la religion baha'ie.

La principale source d'information pour les diplomates, concernant les mouvements babis et baha'is, sont les rapports évoquant les persécutions relatives à cette croyance. Aussi, les soulèvements babis, les persécutions dont ils sont victimes, constituent le premier sujet relaté par les diplomates concernant la nouvelle croyance. Les soulèvements babis poussent les diplomates à entrevoir la nouvelle religion comme un mouvement révolutionnaire ou insurrectionnel. Dans notre troisième partie nous tenterons d'évoquer la politisation du mouvement par les diplomates et l'impact de ces événements en France et sur les diplomates eux-mêmes.


III. La politisation de la nouvelle croyance par les diplomates et leurs positionnements face aux persécutions

A. Les persécutions et massacres à l'encontre des babis et des baha'is, d'après l'étude comparée de nos sources diplomatiques à notre historiographie et bibliographie

Plus que d'autres aspects de l'histoire babie et baha'ie, ce sont les persécutions des babis et des baha'is qui ont attiré particulièrement l'attention des diplomates.
En effet, les correspondances diplomatiques françaises concernant ces mouvements relatent essentiellement les massacres affectant les adeptes de ces nouvelles religions.

Sur la vingtaine de dépêches que nous possédons, dix-huit au moins évoquent les vexations, les persécutions, les massacres perpétrés contre les babis et baha'is, ainsi que les soulèvements babis.

Les diplomates ont distingué deux types d'évènements qui marquent l'histoire de cette nouvelle croyance, et donc par conséquent, l'histoire perse elle-même.
En effet, ils différencient les soulèvements des massacres. Les diplomates n'assimilent pas les soulèvements des membres de la nouvelle croyance à des massacres ; ils considèrent ces soulèvements comme de véritables prises d'armes soulignant à leurs yeux l'aspect insurrectionnel et révolutionnaire du mouvement. Par contre, les massacres dont sont victimes les babis et baha'is, apparaissent comme de purs actes de barbaries [171], c'est du moins la vision qu'ils répandent dans leurs dépêches. "Il paraît que l'on a pris quelques babys environ, dans la ville d'Ispahan et qu'on les amène ici pour les soumettre à toutes sortes de tortures" [172]. La considération des diplomates sur le mouvement religieux en tant que mouvement politique et la prise de position des agents diplomatiques face aux persécutions seront analysées dans nos parties B et C.

Avant de commencer notre analyse et pour une meilleure compréhension, il est indispensable d'évoquer le terme de "soulèvement" ainsi que son implication dans l'histoire babie et dans l'histoire perse.

La terminologie baha'ie parle de soulèvement [173] babi, en effet, dans La chronique de Nabil [174], l'auteur évoque dans le chapitre XIX "Le soulèvement de Mazindaran", dans le chapitre XXIV : "Le soulèvement de Zanjan". Moojan Momen, auteur baha'i, divise le temps des persécutions en trois phases distinctes.
La première phase (1844-1853) est celle des "soulèvements babis" [175], la deuxième phase est celle des persécutions à l'encontre des baha'is (1853-1921), la troisième phase concerne l'attaque contre les institutions baha'ies (1921-1944). Dans l'Encyclopaedia Iranica [176], l'auteur D.M.MacEoin, utilise le terme anglais "uprisings" qui signifie soulèvement ou insurrection. Comme dernier exemple, on peut citer l'ouvrage The Cambridge History of Iran, qui fait référence à des révoltes babis . Les diplomates n'utilisent majoritairement pas le terme de "soulèvement", cependant, ils considèrent ces évènements comme des actes de rébellion troublant la Perse, les assimilant à des soulèvements. Ils rappellent que les babis "Ont soutenu un siège de plusieurs mois dans la ville de Zendjan" [177].

Nous avons décidé d'intégrer les soulèvements babis à notre étude des massacres à l'encontre des nouveaux croyants. En effet, ces soulèvements provoquent, parallèlement à la mort d'un grand nombre de soldats royaux, des représailles mortelles qui frappent la communauté babie. Une dépêche de Mellinet datant de 1875 corrobore cette analyse, il parle : "du massacre de tous les sectaires pris les armes à la main dans les cendres de l'infortuné ville de zendjan" [178]


1- Chronologie des massacres

Les persécutions contre les mouvements babi et baha'i se divisent en deux catégories. En effet, il existe des spécificités quant à la chronologie, aux causes et au déroulement de celles-ci.

La première catégorie de persécutions concerne uniquement les babis. En effet, Baha'u'llah, initiateur du mouvement baha'i, déclare sa mission qu'à dater de 1863. Ces soulèvements s'étendent de 1848 à 1853. Cette première catégorie se caractérise par des pogroms à l'encontre des babis. Répondant à ces pogroms, les babis décident [179], comme nous le verrons ultérieurement, de prendre les armes contre les assaillants. Dès lors, les babis s'engagent dans des conflits armés assimilés à des soulèvements.
La seconde catégorie se caractérise par des persécutions dont sont victimes les babis et baha'is de la part des autorités et ceci tout au long du XIXe siècle. Les auteurs diplomatiques témoignent "Un dernier fait enfin est venu augmenter le troubles des esprits ; il paraît que l'on a pris quelques babys, une douzaine environ, dans la ville d'Ispahan et qu'on les amène ici pour les soumettre à toutes sortes de tortures…" [180]

Face à ces deux catégories de persécutions, il existe différents types de réactions de la part des oulémas, de la population et du gouvernement.


2- Le rôle efficient des autorités religieuses et politiques ainsi que de la population dans les persécutions

a) Le clergé, premier instigateur des massacres


Les oulémas, membres éminents du clergé chiite, identifient les doctrines de la nouvelle religion à une infraction à l'Islam. Aussi, un fort sentiment religieux motive les oulémas à combattre ce mouvement "dissident". Certains récits de diplomates illustrent notre propos : "les habitants d'une petite localité des environs de Sédeh, soupçonnés de babisme étaient depuis quelques temps molestés par les prêtres du chef lieu" [181].

Dans l'orthodoxie musulmane, les minorités non-musulmanes sont appelées les dhimmis. Elles possèdent un statut de sujet minoritaire protégé. On les nomme également "Ahl al-Kitab", ce qui signifie littéralement "les gens du livre". Ce nom est attribué par la tradition musulmane, aux détenteurs d'une religion révélée, juive et chrétienne principalement mais encore Sabéens et Zoroastriens. Sous couvert du paiement d'une redevance (jizya), les Ahl al-Kitab conservent le droit de pratiquer leur religion.

La Perse sous les Qâjârs a érigé l'inégalité entre musulmans et non-musulmans. Après la dynastie Safavide, la dynastie Qâjâr entre dans une ère de forte intolérance chiite. En effet, le statut légal de non-musulman est remplacé ; de minoritaire il devient impur. En Perse, la loi chiite de l'impureté (najis) concerne tous les non-musulmans (les juifs, les zoroastriens, les chrétiens, les babis, les baha'is…).
Cependant, ce statut n'explique pas, à lui seul, l'intensité des persécutions à l'encontre des babis et baha'is. En effet, l'affirmation du Bab de détenir l'autorité du Qa'im promis, le fait qu'il abroge certaines lois islamiques au profit d'un nouveau code de lois contenu dans le Bayan , focalise l'hostilité du clergé chiite. Ceci provoque une large controverse dans tout le pays. Le Bab se proclame Mahdi, ce qui constitue un réel défi à l'ordre politique, social et surtout religieux. Pour le clergé chiite, cette déclaration, qu'il considère hérétique, menace les fondements de l'Islam. En effet, l'Islam orthodoxe affirme que Muhammad est le Sceau des prophètes, le dernier messager de la révélation de Dieu aux hommes jusqu'au jour du jugement. Le dogme chiite avait accordé une autorité illimitée à la personne de l'imam caché. Le clergé constitue la force d'opposition la plus violente. Il craint de perdre son ascendance sur la masse et l'affaiblissement de son monopole.

Le clergé chiite est un haut lieu de pouvoir puisque, comme nous l'avons vu précédemment, il s'est installé en système de pouvoir parallèle au pouvoir royal. Aussi, s'arroge t-il le droit de posséder une sorte d'armée régulière ou milice composée de brigands [182]. Nous pensons que ces milices servaient d'outils de persécutions à l'encontre des babis et des baha'is.

b) Le positionnement de la population face aux persécutions

En Perse, le comportement des oulémas face à la nouvelle croyance, conditionne en partie celui de la population. Pour exemple, l'extrait d'une de nos dépêches : "Les idées de tolérance, et pour parler plus exactement de scepticisme, font ici de grands progrès dans l'élite de la population, mais les masses n'en sont pénétrées encore et subissent toujours fortement l'influence des prêtres qui bien que peu convaincus eux-mêmes, se sentent menacés par l'esprit et redoublent d'efforts pour faire obstacle à sa marche en avant" [183].
En effet, d'après l'histoire baha'ie [184], les membres du clergé exhortent les populations à combattre le babisme. Les diplomates relatent les révoltes de la population qui assaillent les babis "Mais à peine la petite troupe [de babis] avait-elle franchi le seuil de la maison anglaise que la foule se rua sur elle (…) en tuèrent ou blessèrent une vingtaine et en brulèrent trois tout vivants" [185]. D'après les diplomates, ceci est significatif du "fanatisme" des membres du clergé et surtout des masses populaires. "Au point de vue intérieur l'incident est également suggestif et montre quels levains de fanatisme fermentent toujours parmi les basses classes de la population persane, que bien peu de choses suffirait à déchainer" [186]. On suppose un déficit d'objectivité de la part des diplomates. Il nous semble utile de rappeler que le corps diplomatique français en poste en Perse se compose principalement de l'élite de la société française. Elite, qui associe tout nouveau mouvement religieux se développant dans les masses populaires ou nouvelle croyance, à du fanatisme qu'il soit chrétien, islamique ou autre. Cependant, nous pensons que le mouvement religieux chiite fait preuve d'une certaine forme d'intolérance, du moins à l'époque qâjâre, puisque comme nous l'avons évoqué, on note une radicalisation illustrée par l'instauration du statut d'impureté.

Nous possédons une dépêche qui relate l'opposition de la population perse face aux violences à l'encontre les babis et baha'is. "La population, bien plus avancée que son gouvernement, voit avec dégoût et répulsion ces massacres que rien ne rend nécessaires" [187]. Cependant, il faut replacer cette dépêche dans son contexte, nous sommes en 1864, les babis sont maintenant des baha'is. Ces derniers ne se sont jamais soulevés ou ne sont jamais entrés en conflit avec une partie de la population. Nous étudierons ce phénomène ultérieurement. Selon Momen [188], après les massacres de babis en 1852, une grande partie du peuple change d'attitude à l'évocation des actes de bravoure et d'héroïsme des babis : ceci entraîne des sympathies. Cependant, jusqu'à la fin du XIX siècle, la population reste sous l'influence des oulémas qui les poussent à des actes barbares.

c) L'ambivalence de l'attitude du gouvernement perse face au nouveau mouvement religieux

Les dépêches diplomatiques témoignent de l'ambivalence des autorités gouvernementales face aux babis et baha'is. "Les babys dont j'avais annoncé l'arrestation à Votre Exellence, n'ont pas été exécutés, le Roi a secrétement blâmé le gouverneur d'Ispahan de son zèle et lui a recommandé de s'arranger de façon à les laisser s'enfuir de la prison où on les retenait." [189]

La responsabilité des atrocités commises contre les membres de la nouvelle croyance incombe non seulement au clergé chiite mais aussi aux autorités gouvernementales qui tentent d'éradiquer les mouvements babi et baha'i. Elles craignent, en effet, que ceux-ci nuisent à leur autorité. Or, le roi ne semble parfois pas vouloir agir ou se positionner. Muhammad Shah (1834-1848) et Nasiri'd-Din Shah (1848-1896), comme nous l'avons étudié en première partie, s'installent dans la dépendance de leur Premier ministre vis à vis du pouvoir politique. Ces derniers ont, en effet, manoeuvré afin de s'accaparer les rênes de l'Etat. Ces premiers ministres sont hostiles au nouveau mouvement religieux et prennent des mesures sévères à l'encontre des croyants babis et baha'is s'opposant à la tempérance des Shah. Gobineau nous dit que "Mohammed schâh était donc d'une prodigieuse indifférence pour le succès ou les revers de telle ou telle doctrine religieuse ; il lui plaisait, au contraire, de voir s'élever des conflits d'opinions qui témoignaient à ses yeux de l'aveuglement universel" [190]. Il faut savoir que Muhammad Shah était attiré par la confession soufie [191]. On peut supposer alors qu'il accordait peu de crédit aux craintes des religieux chiites face au babis. On aurait pu espérer un changement de comportement ou l'éveil d'un intérêt spécifique des autorités lorsqu'un éminent ouléma, habitué de la cour, Siyyid Yahya Darabi [192], se convertit à cette nouvelle religion [193]. Muhammad Shah lui-même, lors d'une cérémonie, aurait adressé ces paroles à Haji Mirza Aqasi sans pour autant leur donner suite : "Nous avons été récemment informé que Siyyid Yahya-i- Darabi est devenu babi. Si cela est vrai, il est de notre devoir de cesser de mépriser la cause de ce siyyid" [194].

En 1847, Muhammad Shah est très malade. Aussi Haji Mirza Aqasi assure la régence du royaume. Les historiens le décrivent comme superficiel, indécis et incompétent, "La perse ne se trouvait pas cependant dans un état satisfaisant, car Haji Mirza Aqasi, qui le gouvernait virtuellement depuis treize ans, ignorait totalement l'art de gouverner ainsi que le génie militaire ; pourtant, il était trop vaniteux pour se laisser instruire et trop jaloux pour admettre un coadjuteur" [195]. "Haji Mirza Aqasi, le vieux Premier ministre à demi-fou, avait l'entière administration dans ses mains et un contrôle complet sur le Shah. Le mauvais gouvernement du pays empira de plus en plus" [196].

La position de Haji Mirza Aqasi est changeante face à l'émergence de la nouvelle religion. Ainsi, parfois, il soutient le verdict des oulémas, parfois il condamne leur agressivité ou bien encore se moque de la gravité de la situation. Nous n'avons pas trouvé d'exemple probant, cette analyse n'est que le résultat de recoupements. Cependant, nous pouvons attester de l'influence du Premier ministre sur son roi au sujet des babis. En effet, Muhammad Shah reste favorable à une rencontre avec le Bab, cependant Haji Mirza Aqasi s'interpose et empêche la rencontre. En effet, en 1847, le Shah convoque le Bab en vue d'une audience dans la capitale. Daprès les sources baha'ies [197], Haji Mirza Aqasi craignant l'influence du Bab sur son souverain fait en sorte de l'éloigner. Par ses intrigues, le ministre réussit à faire échouer le plan de la visite du Bab dans la capitale. Il l'exile dans les montagnes de l'Azerbaïdjan, au Nord du pays et l'emprisonne à Mah-ku puis à Chihriq.

Ainsi, la citation suivante extraite de l'ouvrage de Nicolas Siyyid 'Ali Muhammad dit le Bab [198] confirme nos précédents propos. "Un jour, alors que je (le prince Farha Mirza) me promenais avec lui dans le jardin et qu'il semblait de bonne humeur (Haji Mirza Aqasi), je me hasardai à lui demander : "Haji, pourquoi as-tu envoyé le Bab à Mah-Ku ?" et il me répondit : "Tu es encore jeune et il est des choses que tu ne peux comprendre, mais ce dont tu peux être certain c'est que, s'il était venu à Téhéran, nous ne serions pas en train de marcher ensemble en ce moment, libres, sous ces ombrages." On retrouve dans l'étude de Nicolas, Les Béhahis et le Bâb [199], une réponse de Muhammad Shah à une lettre que lui fait parvenir le Bab. D'après La Chronique de Nabil [200], il semble ici que Nicolas possède la réponse formulée non pas par le Shah mais par le grand vizir. Celui-ci désire vivement éviter la rencontre des deux protagonistes "Votre lettre a été lue par des gens pleins de bienveillance et j'ai pris connaissance de ce que tu dis, que tu pries pour le Tout Puissant Gouvernement de la Perse…Quant à l'audience que vous avez demandée, comme ces jours-ci le camp auguste est sur le point de se mettre en route, on ne pourra recevoir Votre Excellence comme elle le mérite. Que Votre Excellence aille donc à Makou ; qu'elle y séjourne quelques temps, s'y repose et passe le temps à prier pour le Gouvernement. J'ai ordonné à Ali khan qu'en tout état de cause il traite Votre Excellence avec le respect qu'il lui doit, jusqu'à ce qu'il plaise à Dieu que le camp Impérial revienne. Alors nous ferons revenir Votre Excellence…" [201]

En 1848, le décès de Muhammad Shah précipite la Perse dans une période de convulsions politiques. Une période anarchique s'installe ; le renversement de Haji Mirza Aqasi par ses ennemis politiques, en est une preuve. Les mollahs profitent du désordre pour intensifier leur campagne contre "l'hérésie" babie.

Nasiri'd-Din Shah a dix sept ans lorsqu'il monte sur le trône en 1848. L'Amir Niz #am [202], Mirza Taqi Khan prend la direction des affaires. Il est résolu à châtier les babis et ceci sans consulter les ministres. Lorsque les gouverneurs provinciaux se présentent à Téhéran pour rendre hommage au souverain, Mirza Taqi Khan leur recommande de mettre un terme au mouvement babi. Comme le relate Gobineau, les représentants de l'Etat (gouverneurs, magistrats, fonctionnaires) de chaque province entament une traque des babis "l'émir-nizam avisa bien vite aux affaires du Mazendérân, et, quand les grands de cette province, venus à Téhéran pour faire leur cour au roi, furent au moment de leur départ, on leur commanda de prendre de telles mesures que la sédition des bâbîs ne se prolongeât pas davantage. Ils promirent d'agir pour le mieux. En effet, aussitôt de retour, ces chefs se mirent en mouvement afin de réunir leurs forces et de se concerter" [203]. Notons que dans cet extrait, Gobineau évoque les représentants de la province du Mazandéran.

Le roi, habituellement en proie à l'influence de son Premier ministre, peut aussi subir celle des religieux. "Le chah qui bien que superstitieux est personnellement très indifférent en matière de foi, est fort préoccupé de la situation. Pris entre le fanatisme des mollahs orthodoxes, et les aspirations révolutionnaires des Babis (…) il ne sait auxquels entendre." [204]
D'après les diplomates, le Shah sait se détacher de son premier ministre pour mener une politique agressive contre les babis, notamment après la tentative de son assassinat. "On annonce qu'il a été pris des mesures d'une extrême rigueur contre la secte des Babis ; ces fanatiques inspirent au souverain les plus vives appréhensions, afin de s'assurer le dévouement de ses ministres, il les a tous contraint à mettre à mort, chacun de sa main un Babis sois avec des armes blanches sois avec des armes à feu ; un avis officiel annonce qu'ils se sont tous conformés à l'ordre du schah." [205]

Durant les trois années de son ministère Mirza Taqi Khan (1848-1851), tente d'anéantir cette nouvelle foi. Le ministre comprend que la stabilité générale du régime implique l'oppression des babis. Ainsi, il est l'un des instigateurs d'un grand nombre de persécutions. Les forces du clergé et de l'Etat s'unissent pour lutter contre les babis et baha'is à travers la Perse. Cette unification des forces cléricales et gouvernementales s'oppose à un mouvement grandissant qui remet en cause les fondements religieux et politiques de la Perse. Le clergé chiite s'est progressivement attribué le pouvoir de l'Imam caché. Par une conduite religieuse rigoureuse, le Shah Qâjâr, bien que n'étant pas descendant du prophète, pouvait prétendre être Nuu'ib-Khuuss c'est-à-dire remplaçant de l'Imam caché. Or, le Bab prétend être le Qa'im, le douzième Imam. Bien qu'il ne l'ait pas revendiqué, le Bab serait, selon sa déclaration, le seul dépositaire du pouvoir politique ou religieux en Perse, remettant ainsi en cause la totalité du système existant.

D'après Momen, à partir de 1853, les oulémas sont les principaux instigateurs des persécutions. Le gouvernement est opposé aux désordres civils causés par ces dernières. Cependant, craignant la puissance des mujtahids, le gouvernement donne son aval.


3- La description des soulèvements et massacres : caractéristiques et exemples

a) Caractéristiques des soulèvements


Plusieurs soulèvements marquent l'époque babie. Mojan Moomen [206], en accord avec l'historiographie baha'ie en dénombre quatre:
- Le soulèvement dans le Mazandéran, de 1848 à 1849.
Le soulèvement de Nayriz, dans la province du Fars, en 1850.
Le soulèvement de Zanjan de 1850 à 1851.
Le second soulèvement de Nayriz en 1853.

Les diplomates ont majoritairement relaté ces évènements. Les soulèvements reconnus par l'historiographie baha'ie ne sont pas tous cités. En effet, la plupart des diplomates s'attachent à évoquer les trois premiers soulèvements qui se sont déroulés dans le Mazandéran, à Zendjan et dans le Fars. "En 1848-1849, les Babis se sont déclarés en révolte ouverte dans le Mazendéran : on a eu beaucoup de peine à les réduire. En 1848-50, ils ont agités la province de Khamseh et ont soutenu un siège de plusieurs mois dans la ville de Zendjan" [207]"Depuis la prise de Zinguian on n'entend plus parler des Babis. Les troupes assiégeantes sont, pour la plupart rentrées à Téhéran avec une très grande quantité de blessés" [208]. "La secte des Babis s'accroît chaque jour (…) mais ils ont subi un échec dans le fars, où seïd yaya, un de leurs chefs, qui s'était emparé de la forteresse de niris située à l'ouest de cette province a été attaqué, battu et fait prisonnier par les troupes envoyées contre lui par firouz mirza" [209]

Les diplomates sont généralement peu informés de ces soulèvements. Ils se contentent d'évoquer brièvement les faits. Cependant, cela nous est suffisant pour comprendre combien ces évènements ont marqué la Perse. Ferrier est le seul diplomate a étudier ceux-ci de façon approfondie.

D'après Momen [210], ces soulèvements se déroulent de façon similaire. Des babis peu armés répondent aux attaques de la masse populaire exhortée par les oulémas. Les troupes royales sont alors requises. Après de longues batailles, les babis sont vaincus et massacrés en raison des trahisons et ruses des autorités royales.

Pour mieux comprendre et illustrer notre argumentation, nous avons choisi d'étudier l'un des soulèvements le plus connu. C'est aussi le plus relaté par les diplomates. Il s'agit du siège de Shaykh Tabarsi.

b) Le soulèvement de Shaykh Tabarsi dans le Mazandéran, (1848-1849)

Plusieurs diplomates ont évoqué l'événement du soulèvement dans le Mazandéran, cependant, l'un d'entre eux seulement a été assez précis. A l'inverse d'autres diplomates, il ne s'est pas contenté d'annoncer le fait mais l'a décrit dans sa réalité. Il s'agit de l'agent Ferrier qui, nous l'avons expliqué en première partie, est l'un de ceux qui s'intéressent le plus au mouvement babi. Il détient de nombreuses informations sur les mouvements des troupes royales puisque c'est un ancien militaire attaché à l'armée perse. Ce récit demeure pour nous une source importante. Il constitue une preuve de l'existence de cet événement.

"…A l'avènement au trône de nasser eddin chah ils se réunirent en armée au nombre de1,200 et vinrent occuper dans le mazenderan une position fortifiée située à quatre farsangs [211] au sud balafrauch. Là ils décrétèrent la déchéance de la dynastie des kadjars et la royauté du Bab, qu'ils avaient délivrés de sa prison - en peu de temps la population presque entière de cette province ont adopté la nouvelle doctrine, le danger devient imminent, et le gouvernement persan fut obligé d'envoyer 10,000 hommes pour les réduire, exaltés par la … les babis se retranchèrent et résistèrent pendant neuf mois à toutes les attaques faisant chaque jour les sorties les plus meurtrièrent qui enlevèrent bientôt aux assiègeans un bon tiers de leur effectif, mais des renforts leur arrivèrent le siège reprit une nouvelle vigueur et après avoir mangé jusqu'au cuir de leurs souliers, ils écoutèrent les propositions d'accomodement qu'on leur faisait depuis l'ouverture des hostilités. - Le prince ali kouli mirza généralissime du chah dans le mazenderan leur promit la vie sauve et la liberté s'ils consentaient à évacuer leur position et à rendre leurs armes, et pour donner plus de solennité à sa promesse, il jura sur la cour de la tenir religieusement. - les Babis se rendirent mais à peine avaient ils déposé leurs armes qu'ils furent massacrés bien peu parvinrent à échapper. - cette déloyale boucherie…" [212]

Face à une crise fiscale et à une rébellion dans le Nord-Est, le gouvernement connaît des difficultés sérieuses. En septembre 1848, Muhammad Shah meurt laissant le pays dans le chaos. Même après l'intronisation du nouveau Shah (Nasiri'd-Din Shah) en octobre, la situation s'enlise. En effet, lorsqu'un roi décède, des problèmes de succession se font jour, le pays se retrouve dans une période de troubles et de désordres. Ce n'est qu'au printemps 1849 que le régime se stabilise. C'est au milieu de cette situation confuse en 1848 qu'éclate le conflit armé du Mazandéran.

Le Mazandéran est une province située au nord de la Perse, aux limites de la Mer Caspienne. La richesse de son agriculture, le commerce florissant, sa situation géographique favorable aux échanges commerciaux font du Mazandéran une province essentielle pour l'économie de la Perse. C'est dans cette province désignée également par le terme "d'île verdoyante", (Jaziriy-i-Khadrà), que se produit le soulèvement du fort de Shaykh Tabarsi. Les troubles débutent dans la province voisine du Khorasan et gagnent le Mazandéran. L'exil des protagonistes babis expliquent cela. Afin de valider notre source diplomatique, nous avons utilisé les principaux éléments bibliographiques qui traitent de ce soulèvement. Il s'agit d'un ouvrage baha'i, La Chronique de Nabil, l'article de l'encyclopaedia Iranica sur le "babisme", ainsi que les chapitres VIII et IX de l'ouvrage de Gobineau [213] : "Combats et succès des Bâbîs dans le Mazendérân" et "Chute du château du Cheikh-Tebersi, troubles à Zendjân" .

Les deux principaux acteurs de ce conflit sont Mulla Husayn (première personne à avoir reconnu le Bab), et Quddus (membre éminent de la religion babie, Lettre du Vivant [214]). Au début des troubles, Mulla Husayn et Quddus résident dans la province du Khorasan. En raison de la diffusion des enseignements babis, cette province connaît une certaine ébullition religieuse.
Dans certains villages la nouvelle foi est fort bien acceptée. Au contraire, dans d'autres endroits, elle déclenche haine et opposition, incitant les autorités gouvernementales à agir. Ces dernières ordonnent l'arrêt des activités de Mulla Husayn dans le Khorasan. Dès lors, ce dernier est contraint de séjourner dans le campement du gouverneur de la province du Khorasan à Mashad. Celui-ci l'accueille avec beaucoup de courtoisie en lui offrant sa propre tente. Ceci démontre une certaine ambivalence des autorités face au babisme, sujet que nous avons abordé. De Mashhad, Mulla Husayn décide de se rendre dans le Mazandéran. D'après Nabil [215], c'est parce qu'il reçoit un message du Bab lui demandant de se rendre au Mazandéran. D'après l'Encyplopaedia Iranica, il est possible que Mulla Husayn et plusieurs autres babis se soient rendu en Azerbaïdjan pour sortir le Bab de prison [216]. Face aux oppositions qu'ils rencontrent en chemin, ils se dirigent alors vers le Mazandéran en septembre. L'information de Ferrier concernant une éventuelle libération du Bab par les babis semble totalement erronée. En effet, selon les écrits historiques et baha'is, il n'a jamais été question de la libération du Bab des prisons de l'Azerbaïdjan par d'autres babis.

La nouvelle de l'arrivée imminente du groupe de Mulla Husayn dans la ville de Barfurush alarme les mujtahid-s de la ville. L'un des principaux mujtahid, Sa'idu'l-ulama s'inquiète de la popularité croissante des babis. Sa'idu'l-ulama exhorte les habitants à prendre les armes contre les babis qu'il considère comme des ennemis. D'après Nabil [217], à l'arrivée des babis, la population excitée, armée de fusils, de sabres et d'épées, se rue hors de la ville pour les attaquer et un grand nombre de babis sont massacrés. Cependant, dans l'obligation de se défendre, les babis saisissent eux-aussi les armes. Le 12 octobre 1848 les babis arrivent au sanctuaire de Shaykh Tabarsi [218], dans le Mazandéran. Ce tombeau était visité par les habitants des alentours. Le jour même de leur arrivée, les babis construisent un fort autour du sanctuaire [219]. D'après Gobineau, "La muraille dont il [le fort] été entouré avait environ dix mètres de hauteur. Elle était en grosses pierres. Sur cette base, on éleva des constructions en bois faites avec des troncs d'arbres énormes (…) ; puis on ceignit le tout d'un fossé profond. En somme c'était une espèce de grosse tour, ayant le soubassement en pierres et les étages supérieurs en bois, garni de trois rangs superposés de meurtrières." [220]

Notons que dans la plupart des soulèvements babis, ces derniers se réfugient dans des forts ou dans des forteresses.
Selon Ferrier, auteur de notre dépêche, il y a 1200 babis demeurant dans le fort. D'après les auteurs baha'is (notamment Nabil), on ne dénombre que 313 babis. On note donc une différence importante du nombre des protagonistes, ce qui nous amène à tenter de chercher la vérité historique. Il semble que les informations baha'ies soient plus près de la vérité historique. D'après Momen [221], toutes les sources baha'ies s'accordent pour affirmer qu'il y avait 313 défenseurs dans le fort. Cependant, selon lui, un nombre incertain de babis s'arrange pour passer la défense royale et rejoindre les babis. Gobineau nous indique qu'il y avait 300 hommes qui un soir s'exilent du fort afin de se battre contre l'armée royale "Il [Mulla Husayn] était suivi de trois cents hommes, sans plus" [222]. De surcroît, plus loin dans son récit, Gobineau évoque la fin du siège et la sortie du fort des babis qui sont peu nombreux "les Bâbîs parurent ; il n'en restait plus que deux cent quatorze, dont un certain nombre de femmes" [223]. MacEion dans l'Encyclopaedia Iranica parle d'un nombre qu'il évalue à 500 hommes. Nous possédons également une source, celle du capitaine Mackensie, délégué au consulat anglais de Rasht (dans la province du Ghilan, près du Mazandéran) qui, dans un de ses rapports évoque le nombre de babis augmentant de "quarante ou cinquante hommes à quatre cent ou cinq cent" [224]. Selon Momen, cela est faux, puisque Mulla Husayn et les babis arrivent au nombre de 300 dans le Khorasan.

Ainsi, il y a donc eu une exagération de l'agent diplomatique. Celle-ci peut se comprendre comme une tentative pour masquer l'humiliation des troupes royales tenues en échec par un petit nombre d'hommes. Du fait de son déficit d'informations et du manque de fiabilité de ses sources, on peut supposer qu'il gonfle le chiffre afin de présenter ce mouvement sous un aspect insurrectionnel. Il est à noter que Ferrier, comme nous l'avons déjà évoqué, avait des informations certaines sur les troupes royales. On peut alors supposer que ses renseignements sur le nombre de babis soient justes. Cependant, on peut émettre plusieurs hypothèses : premièrement, Ferrier, proche de l'armée pouvait subir son influence, l'influence d'une armée mise en défaite et qui préfère grossir le nombre de ses ennemis. Deuxièmement, nous ne savons pas précisément si Ferrier avait des informations sur les troupes tant royales que provinciales, lors de ce conflit en effet, ce sont d'abord les troupes provinciales et la population qui font face aux babis.

Le mujtahid, Sa'idu'l-ulama, qui avait déjà exhorté les populations contre les babis en appelle au Shah, Nasiri'd-Din Shah à peine intronisé. Il insiste sur les dangers menaçant la dynastie et la monarchie. "L'étendard de la révolte, a été hissé par la méprisable secte des babis. Ce vil groupe d'agitateurs irresponsables a osé s'attaquer aux fondements mêmes de l'autorité dont Votre Majesté Impériale a été investie. Les habitants de certains villages situés dans le voisinage immédiat de leur quartier général ont déjà rallié leur étendard et prêté serment d'allégeance à leur cause. Ils sont eux-mêmes campagne contre vous." [225]

Le Shah, jeune et inexpérimenté, donne l'ordre de prendre toutes les mesures nécessaires à l'éradication des babis de son royaume. On recrute dans toutes les régions les forces nécessaires. Dans le village d'Afra, village dominant le fort, une armée de 12000 hommes établit son camp. Dès lors, les ravitaillements sont interceptés. Le prince Mihdi-Quli Mirza s'avance vers le fort à la tête d'une grande armée ( 3 régiments d'infanterie et plusieurs régiments de cavalerie). Malgré l'épuisement des assiégés, affaiblis par la faim et la soif, ils résistent à cinq batailles. Ceci illustre la ténacité des protagonistes. "Le prince Mehdi Kouli mirza, nommé lieutenant du roi dans la province menacée, partit avec des pouvoirs extraordinaires (…) la vielle ville vit arriver dans ses jardins une quantité de tentes noires : tribus turques, tribus persanes, ou, comme on dit, kurdes, et, en peu de temps, une petite armée se trouva sur pied" [226]. La mise en place des forces tribales, forces généralement utilisées en cas de besoin important montre bien le caractère sérieux du conflit.

Comme le relate Ferrier et les renseignements trouvés dans les écrits baha'is, les babis se nourrissent des chevaux de leurs ennemis abandonnés sur le champ de bataille. Puis ils doivent se contenter de l'herbe ramassée dans les champs avoisinant lors des quelques moments de répit. Ensuite, ils sont contraints de consommer l'écorce des arbres, le cuir de leur selle, de leur ceinture et de leur chaussure.

Durant ce siège qui dure d'octobre 1848 à mai 1849, les babis ne sont à l'origine d'aucune offensive contre leur adversaire ; comme le font tous les protagonistes lors de siège, ils répondent seulement aux attaques.

D'après le récit de Nabil, qui corrobore les propos de Ferrier sur la trahison du prince, après de vaines tentatives pour éliminer les adeptes du Bab, le prince envoie à Quddus une promesse signée sur le Coran. Il jure de ne causer aucun tort aux occupants du fort en cas de reddition. Quddus et ses deux cent compagnons se dirigent vers la tente réservée par le prince.

Doutant des paroles du prince et de sa sincérité, Quddus demande à ses compagnons de se disperser au cours de la nuit. Pendant ce temps, il se rendrait à Barfurush. Il est appelé au quartier général du prince. Les sbires royaux montent une ruse : ils font croire aux babis que Quddus leur demande de le rejoindre. Ceux qui y ont cru sont capturés et vendus comme esclaves. Les autres sont mis à mort. Quddus, lui, est conduit à Barfurush par le prince, le 11 mai 1849. Après avoir été publiquement torturé, il est dépouillé de ses vêtements, pendu à la croupe d'un cheval et traîné dans la rue, son cadavre est percé, mutilé et jeté aux flammes.

Comme nous l'avons précédemment abordé, les persécutions babies et baha'ies n'entraînent pas systématiquement des soulèvements. Certains babis ne répondent pas à la violence par la violence et ces persécutions se transforment en vrais massacres, ainsi l'illustre l'exemple suivant.

c) Les sept martyrs de Téhéran

Lors de l'examen des dépêches diplomatiques, nous observons de constantes références aux martyrs de sept babis de Téhéran. Ce fait se déroule les 19 et 20 février 1850. Celui ci est présenté comme référent des horreurs subies par les babis.

Selon la dépêche de Palmerson [227], diplomate anglais, la raison officielle de ce martyre est la suspicion d'une conspiration visant à assassiner le Premier ministre persan. Cependant cette dernière n'a pu être prouvée, ni par les contemporains, ni par les historiens.
Une forte agitation et un climat politique délétère régnaient à Téhéran occasionnant un profond climat de suspicion. En outre, dans un tel environnement, les pressions à l'encontre de la communauté babie s'intensifient. Aussi couvent des agitations et mouvements populaires.

D'après Nabil [228], un Siyyid de Kashan infiltre les croyants babis pendant un certain temps. Cet homme dresse une liste de noms et d'adresses d'environ cinquante croyants. Celle-ci est remise aux mains des autorités. Mahmukd Khan-i-Kalantar, un officier du gouvernement, donne l'ordre de tous les arrêter. Quatorze d'entre eux sont saisis et emprisonnés pendant un mois. La poétesse Thahirih appartient à ce contingent de prisonniers. On les torture afin d'obtenir des informations. Cependant aucun des bourreaux n'obtient de réponse, comme la phrase de Nabil l'illustre : "malgré les plus cruelles tortures, l'un d'eux refusa de prononcer un seul mot, de sorte qu'il pensait qu'il était muet." [229]

Face à l'impuissance de leurs actes, les autorités se tournent vers Mirza Taqi Khan, grand vizir de Nasiri'd-Din Shah, sachant qu'à cette époque le souverain s'abstient de toute ingérence dans les affaires de la communauté babie. Au contraire, le grand vizir est investi des pleins pouvoirs pour agir contre eux. Mirza Taqi Khan, dès lors, décrète un arrêté péremptoire menaçant de mort quiconque parmi ces quatorze prisonniers refuserait de renier sa foi. Sept d'entre eux cèdent à la pression, les sept autres sont exécutés.

Haji Mirza Siyyid „Ali, l'oncle du Bab, est l'un des martyrs. Il était l'un des principaux marchands de Shiraz. Il avait élevé le Bab à la mort de son père. Un nombre considérable de marchands, parmi les plus influents, décident de payer une rançon pour sa liberté, mais Haji Mirza Siyyid „Ali refuse leur offre. Voici ce qu'il déclare au grand vizir : "Refuser de reconnaître la mission de Siyyid-i- Bab signifierait rejeter la foi de mes ancêtres et renier le caractère divin du message que Muhammad, Jésus, Moïse et tous les prophètes du passé ont révélé." [230]

Cet événement est intéressant à plusieurs titres. D'une part, à l'instar de l'oncle du Bab, les six autres martyrs appartiennent aux classes supérieures de Perse :
Haji Mulla Isma'il-i-Qumi était un théologien de grande renommée.
Mirza Qurban-'Ali était un derviche.
Aqa Siyyid Husayn-i- Turshizi était un mujtahid.
Haji Muhammad-Taqiy-i- Kirmani était un marchand.
Siyyid Murtida était un marchant de Zanjan.
Muhammad-Husayn-i-Maraghi'i, était un fonctionnaire.

Issus de la haute société, ces hommes avaient obtenu le respect et la considération de tous. D'autre part, ces sept hommes, comme le démontrent les divers témoignages, sont morts sans renier leur foi malgré les terribles tortures subies. Cela s'oppose au principe musulman de la Taqiya (reniement apparent et dissimulation de sa croyance en cas de danger ou de contrainte). La population de Téhéran a été témoin d'un acte de grande dévotion de la part de ces sept martyrs, ainsi que de la cruauté gouvernementale. Ceci a fortement troublé et influencé ses habitants. En outre, les sept martyrs ont été tués en présence de la foule, sur la place publique de la capitale de Perse [231]. Durant trois jours et trois nuits, les sept hommes ont été abandonnés sur le sol du palais royal. Des milliers de chiites se sont réunis autour de leur cadavre, leur ont donné des coups de pieds et leur ont craché au visage. Ils ont également été lapidés. Il n'y eut aucune protestation populaire.

Exécuter les criminels en présence du Shah ou de l'un de ses gouverneurs était une pratique courante à cette époque. Beaucoup de Qâjârs prenaient d'ailleurs plaisir à participer à ces scènes de tueries [232]. Bernadette Salesse, dans l'introduction de son ouvrage explique que "Les supplices corporels sont appliqués avec rigueur et peuvent être ordonnés également par les gouverneurs de province : bastonnade, oreilles et nez coupés, yeux arrachés, têtes tranchées et strangulation sont choses habituelles" [233].

Au contraire, les exécutions publiques étaient exceptionnelles. En effet, les criminels étaient exécutés dans les donjons, sous la seule présence du Shah ou d'un gouverneur. Après cet épisode, les exécutions sont devenues publiques à Téhéran. C'est d'ailleurs dans cette ville que, deux ans plus tard, les babis ont subis les plus grandes persécutions après la tentative d'assassinat du Shah. Ces exécutions publiques, paradoxalement, participent à l'expansion de la foi babie. En effet, la démonstration d'une grande dévotion tient un rôle déterminé dans la conversion d'un grand nombre de persans. Le courage et la foi de ces babis attirent l'attention des auteurs européens qui dès lors écrivent avec enthousiasme sur cette nouvelle foi.
Le Bab fort attristé par la nouvelle des sept martyrs, révèle alors une tablette en leur honneur. Il parle d'eux comme des "sept chèvres" en relation avec les traditions islamiques qui au jour du jugement "précéderont le Qa'im". D'après le Bab, ce martyr précède le sien, celui du Qa'im "qui est leur berger". Ce que le Bab avait prédit se réalise puisque quatre mois plus tard, il fut exécuté à Tabriz.


B. La nouvelle religion comprise par les diplomates comme un mouvement politique à tendance révolutionnaire

1- approche des nouvelles idéologies socialistes émergeant en europe


Au XIXe siècle, le monde subit de fortes transformations structurelles tant sur le plan social, économique que politique. En effet, comme nous l'avons évoqué précédemment, l'Europe connaît en 1848 le printemps des peuples, symbolisé en France par la révolution de 1848 amenant à la seconde République. De ces transformations émanent différents courants idéologiques plus ou moins antithétiques dont les auteurs charismatiques sont Karl Marx (1818-1883) et Adam Smith (1723-1790). Ce dernier, vers la fin du XVIIIe siècle, théorise sur la Recherche sur la nature et les causes des richesses des nations (ouvrage paru en 1776). Adam Smith et les classiques pensent que le progrès est inéluctable à l'avènement du capitalisme. C'est à cette notion que Karl Marx s'oppose. Ce dernier rédige ses oeuvres essentielles entre 1840 et 1870. Il est contemporain du développement industriel synonyme des conditions de travail déplorables pour une nouvelle classe sociale : les ouvriers.

Karl Marx et Friedrich Engels posent les bases du socialisme. Ils arrivent à imposer le concept de socialistes utopistes pour notamment décrire le mouvement socialiste français dont Saint-Simon, Proudhon et Fourier sont les auteurs emblématiques. La France est une terre fertile pour le socialisme. En effet, Gracchus Babeuf (1760-1799), Etienne Cabet (1788-1856) ou encore Flora Tristan (1803-1844), sont quelques-uns des nombreux noms qui marquent la genèse du mouvement socialiste. Le mouvement ouvrier prend réellement forme avec la révolte des canuts de Lyon au début des années 1830.
Saint-Simon, premier théoricien français du socialisme entreprend de réfléchir et d'agir en faveur des classes laborieuses. Cependant, son action relève davantage de l'ordre spirituel que de l'ordre pragmatique, il est à l'origine de l'érection d'une nouvelle science : la sociologie. Il érige aussi les bases d'un mouvement qui se veut être un nouveau christianisme (1825). Il espère une régénération de la religion chrétienne au service du prolétariat. Pierre Leroux, disciple de Saint Simon, invente en 1831 le terme de "socialisme". Il est pourtant dissident de l'église saint-simonienne.

Fourrier est le deuxième théoricien français du socialisme. Tout comme Saint Simon, il est imprégné d'une forme de scientisme. Aussi, développe-t-il une philosophie sociale dont la clef de voûte réside en la manifestation au sein de la société humaine de la loi universelle de Newton.

Les écrits de Proudhon constituent la troisième base théorique du socialisme français. Il refuse le progrès technique et lui préfère l'artisanat. Il s'oppose aux utopistes en prônant une philosophie mutuelliste et une émancipation de la classe ouvrière par la justice et la capacité politique. Pour lui, "la propriété c'est le vol" [234], s'opposant ainsi à l'organisation de cette propriété par le droit napoléonien.

Ces digressions sociologiques nous permettent de mieux appréhender la vision des diplomates français. En effet, ils perçoivent les mouvements babis et baha'is à travers le prisme de ces nouvelles idéologies socialistes qui connaissent un fort engouement. A l'époque, les idées opèrent une restructuration de la société française.

"Il est visible que les babis persans ont les mêmes tendances que les socialistes français ; la religion pour leurs chefs n'est qu'un prétexte et leurs vues politiques se dévoilent suffisamment dans les opérations" [235] Ainsi, les diplomates imaginent que les idées socialistes s'étendent jusqu'en Orient. La preuve l'interrogation qui suit : "La Perse a donc elle aussi ses socialistes ?" [236].


2- Une vision des mouvements babi et baha'i marquée par l'Occident : la vision des diplomates français en Perse

Les diplomates perçoivent les mouvements babis et baha'is comme des mouvements d'ordre révolutionnaire. "Les aspirations révolutionnaires des babis qui rêvent assez volontiers d'une sorte de république hiératique et mystique" [237].

L'illégalité de la nouvelle croyance en Perse entrave la quête d'informations des diplomates. Comme nous l'avons étudié en première partie, les soulèvements babis constituent pour eux les principaux vecteurs d'informations. Cependant, ce déficit de renseignements n'explique pas entièrement l'univocité de l'évocation du caractère conflictuel du mouvement religieux. En effet, les conflits en eux-même suscitent aussi l'intérêt des diplomates pour cette cause. Ainsi, on comprend mieux les nombreuses références à ces soulèvements ainsi que l'analyse de ces événements : l'analogie avec un mouvement insurrectionnel apparaît évident. Certains considèrent le message du Bab comme la base d'un mouvement révolutionnaire puisque sa déclaration d'être le Qa'im, la promulgation d'un nouveau code religieux ébranle la structure politique et religieuse au XIX siècle. Nous nous permettons une comparaison schématique avec l'émergence du protestantisme en France. Ce mouvement religieux n'avait pas de réelles aspirations politiques ou du moins, ne désirait pas destituer par la force, les Valois. Cependant, ce nouveau discours religieux effraie les forces politiques et religieuses dont les exhortations conduisent au massacre de la St Barthélemy (1572). Ainsi, nous tentons de démontrer que, bien qu'il n'y ait pas d'aspiration à la prise de pouvoir politique, la naissance d'un mouvement religieux, remettant en cause les bases d'une religion d'Etat, entraîne inéluctablement des conflits affiliés à une insurrection.

Les autorités persanes et certains diplomates attribuent l'émergence des mouvements religieux babi et baha'i à l'influence occidentale "des progrès que les idées occidentales peuvent faire en Perse. Celles ci trouvent également dans l'autre secte [babie] dont je vais parler des fauteurs plutôt que des contradicteurs" [238]
A l'instar des auteurs diplomatiques, les historiens contemporains assimilent l'événement babi à un mouvement politique ou même encore méssianique [239] : "Le mouvement babi, qui avaient des tendances à la fois sociale et messianique." [240]. "le babisme était un mouvement messianique dans l'Iran et l'Iraq du XIX siècle sous l'autorité charismatique de sayyid 'Ali-Muhammad, le Bab (1819-1850). Le babisme était le seul mouvement millénariste significatif dans l'Islam chiite, et son intérêt particulier, à la différence d'autres mouvements messianiques islamiques à la même période, est qu'il engendrait une coupure avec l'Islam et tend à établir un nouveau système religieux" [241].


3- Le mouvement babi : un mouvement insurrectionnel ?

a) L'instabilité politique et cléricale de la Perse propice aux rébellions


Peter Smith [242], professeur de sociologie et historien des religions, lui-même de confession baha'ie, considère inutile, en Perse au XIXe siècle, le recours à l'idéologie religieuse pour comploter contre l'Etat. Aussi, il n'adhère pas à l'idée que les babis et baha'is soient un mouvement insurrectionnel. Pour Smith, l'idéologie religieuse n'est pas concomitante à l'exécution d'une révolte. De plus, comme abordé en première partie, les princes qâjars pouvaient, à tout moment, fomenter une rébellion contre le pouvoir royal. Ainsi, Les princes qâjârs ne constituent pas le seul groupe susceptible de fomenter des troubles. En effet, des soulèvements de militaires et de populations se déroulent fréquemment. Nous possédons une dépêche qui corrobore nos propos : "Des troubles sérieux ont éclaté sur divers points de la Perse. A Khounsar, les révoltés ont mis les troupes royales en déroute et tué le colonel qui les commandait. Ces séditions sont tellement dans les moeurs…" [243]. Cependant, la religion interfère dans les conflits opposant le clergé chiite au gouvernement. Ces oppositions déstabilisent fortement l'ordre politique au profit du clergé chiite. L'Etat recule le plus souvent devant les oppositions faites par les religieux. La réussite du boycott du tabac organisé par le clergé confirme nos propos. Le 8 mars 1890, Nasiri'd-Din Shah accorde pour cinquante ans le monopole du contrôle de la culture du tabac ainsi que de la vente et de l'exportation des tabacs iraniens au britannique Gerald Talbot. Celui-ci, en échange, verserait à l'Etat iranien un fixe annuel de quinze milles livres, plus 25% de ses profits. Ce monopole étranger sur le tabac touche en particulier les marchands du bazar et les préteurs dont les revenus sont alors menacés. Le clergé chiite, nous l'avons vu, est très proche justement de cette classe moyenne urbanisée, de par ses origines, ses alliances et son intérêt. Les oulémas se posent donc en représentants du peuple iranien contre l'influence étrangère et l'absolutisme du roi. L'agitation contre le monopole, fomentée par le clergé chiite, part de Chiraz et de Tabriz et s'étend rapidement aux villes d'Isfahan, Mashhad et Téhéran. Au début de 1891, circule à Téhéran un avis juridique (fatwâ) qui interdit la consommation de tabac, l'assimilant à une guerre sainte faite à l'Imam caché. Les bureaux de tabacs des bazars ferment et les narghilés disparaissent. Le boycott général de tout tabac ôte dès lors toute valeur à la concession. Le 28 décembre 1891, le gouvernement cède et dénonce la concession. Le 26 janvier 1892, le marja'al-taqlîd [244] d'Iraq autorise la consommation de tabac et met fin au boycott.

b) Le djihad et les babis

L'association à un mouvement insurrectionnel se comprend uniquement lorsque l'on se réfère aux prises d'armes des babis. En effet, lors de l'emprisonnement du Bab, sans réel guide, les babis prennent les armes pour assurer leur défense. Le Bab est retenu dans la forteresse de Mah-ku puis celle de Chihriq (1847-1848), laissant les babis sans véritable autorité spirituelle. La foule, exhortée par les mollahs chiites, les violente de plus en plus. Dès lors, se pose à eux la question de l'autodéfense. En effet, élevés dans les moeurs et valeurs musulmanes, les babis sont sensibles à la doctrine islamique du djihad. "Djihuud", étymologiquement, signifie "effort tendu vers un but déterminé" ou encore, effort sur soi-même en vue du perfectionnement moral et religieux. Juridiquement, d'après la doctrine classique et générale et dans la tradition islamique, le djihad consiste dans l'action armée en vue de l'expansion de l'Islam, et, éventuellement de sa défense. Il procède du principe fondamental d'universalisme de l'Islam : cette religion, et ce qu'elle implique de puissance temporelle, doit s'étendre à tout l'univers, au besoin par la force.
Mais ce principe doit se combiner partiellement avec un autre qui tolère l'existence, au sein de la communauté islamique, des adeptes des "religions à livres saints". Pour ceux là, le djihad s'arrête dès lors qu'ils acceptent de se soumettre à l'autorité politique de l'Islam et au paiement du tribut. Dans la doctrine générale chiite, étant donné son dogme de "l'absence de l'Imam", lequel, a seul qualité pour ordonner la guerre, l'exercice du djihad se trouve suspendu jusqu'à sa réapparition ou l'institution d'un mandataire délégué par lui à cet effet. Le djihad devient légitime et nécessaire en raison du but auquel il tend. Le djihad est un acte de dévotion pure, il est l'une des portes du paradis. L'obligation du djihad "perdure jusqu'à la fin du monde" disent les adages musulmans.

Le djihad a principalement un caractère offensif ; cependant, c'est aussi un djihad que de défendre l'Islam contre les agressions.

Ainsi, les babis empreints de cette idéologie se sentent en droit de se défendre contre les attaques des mollahs. Certains, même s'attendent à ce que le Bab révèle sa propre loi du djihad. Après analyse des principes [245] coraniques du djihad, le Bab ne souhaite pas émettre les principes d'une guerre sainte babie dans son ouvrage, le Qayyumu'l-Asma' [246]. En conséquence, il demande à ses disciples d'observer les lois du gouvernement et que toute forme de djihad agressive soit d'abord soumise à son approbation ; approbation qu'il ne donnera jamais. En outre, dans le Bayan (livre contenant les lois de la religion du Bab), aucune doctrine de loi du djihad n'apparaît. Les babis se trouvaient libres de se défendre en cas d'attaque. Cependant, il leur est interdit de proclamer le message babi au moyen d'une épée.

Les moyens de propagation de la foi babie sont les activités missionnaires non militantes.

Bien que le Bab ait interdit toute forme de violence pour proclamer son message, certains babis attendent toujours un djihad final contre les forces musulmanes : d'après Peter Smith, Hadi Farhadi [247], illustre cet exemple. En effet, membre d'une famille babie, marchand renommé de Qazvin, il stocke épées et glaives dans sa manufacture dans l'attente d'une guerre sainte babie. D'autres encore s'arment ouvertement afin de se défendre et dans l'espoir d'une offensive religieuse, augmentant d'autant les risques de confrontations violentes.

c) Recherche d'une relative conciliation

Le Bab et Baha'u'llah ont tous deux prêché dans leur commandement religieux, le respect des autorités. Selon les principes babis et baha'is, il est illégitime de recourir aux armes contre les autorités. Bien que le tout nouveau mouvement religieux génère des bouleversements sociaux plus ou moins importants, le Bab n'espéraient pas usurper les pouvoirs politiques en Perse, puisqu'il demande le respect des lois existantes. Aussi, dans cette optique, ce mouvement perd tout aspect insurrectionnel.

Par la suite, les nouveaux croyants évitent tout acte pouvant laisser penser à une rébellion ou à une offensive religieuse. Les babis et baha'is nient toute intention de s'immiscer dans les affaires civiles du royaume ou d'affaiblir l'autorité légitime du souverain. La première action de Baha'u'llah a été de recommander à ses adeptes de ne s'engager dans aucune résistance, même s'ils sont persécutés.

A plusieurs reprises, les deux prophètes en ont appelé aux Shah afin de défendre les communautés babis et baha'ies, de faire connaître leurs nouvelles religions aux autorités, ainsi que d'émettre des réserves quant à la direction gouvernementale. Le Bab et Baha'u'llah en en appelant au Shah pour la défense de leur communauté, suivent le principe que le roi se doit d'être accessible à tous dans tous types de conflits. Leurs lettres rédigées en vue de faire connaître les nouvelles religions s'entendent de la façon suivante : un prophète se doit d'éclairer les dirigeants étatiques. Ces deux aspects de leurs correspondances n'appellent aucunement à la dissidence voire à l'insurrection. Seul, le troisième aspect paraît tendancieux. En effet, on peut le comprendre comme un appel à la sédition ou du moins comme un appel à une réforme, ce qui a pu effrayer les autorités. Cependant, si l'on se place sur un plan religieux, il est légitime pour un prophète de donner son avis sur la gestion politique, économique ou sociale du pays où il réside.

Malgré les tentatives infructueuses de rencontrer le roi, le Bab écrit trois épîtres à Muhammad Shah. Dans ces lettres, il évoque les afflictions qui s'abattent sur lui et sur sa communauté. Il met en garde le Shah contre le fait qu'il n'accepte pas son message. Plus l'emprisonnement dans les forteresses de l'Azerbaïdjan se prolonge, plus le ton du Bab devient de plus en plus condamnatoire. Il tient pour particulièrement responsable de sa condition le Premier ministre Haji Mirza Aqasi comme nous le démontre les citations suivantes.

"En cette même année [1844], je t'ai envoyé un messager avec un livre, afin que tu puisses agir envers la cause de celui qui est le témoignage de Dieu comme il convient à l'état de la souveraineté. Mais…le livre - sur l'instigation de ceux qui se considèrent comme des amis du gouvernement - ne te fut pas présenté. Jusqu'à ce jour, alors que près de quatre années se sont écoulées, ils ne l'ont pas encore présenté à ta Majesté…Je le jure par Dieu ! Si tu savais ce qui m'est advenu entre les mains de ton peuple et de ton armée au cours de ces quatre années, la peur de Dieu te couperait le souffle."
"Depuis le premier jour où je t'ai averti de ne pas t'enorgueillir devant Dieu et jusqu'à maintenant, quatre années se sont écoulées et, durant cette période, je n'ai rien observé, de ta part ou de celle de tes soldats, qu'une implacable oppression et une dédaigneuse arrogance". "Penses-tu que celui que tu as désigné comme chancelier de ton royaume est le meilleur guide et le meilleur soutien ? Non, je le jure par ton Seigneur ! Il t'entraînera vers de douloureuses afflictions à cause de ce que Satan instille dans son coeur, et il est vérité, lui-même Satan."
"Je n'ai aucun désir de m'emparer de tes biens, ne serait-ce que dans la mesure d'un grain de moutarde, ni ne souhaite occuper ta place. Si tu ne me suis point, alors à toi les choses que tu possèdes et à moi le pays de la sécurité infaillible" [248]

Baha'u'llah écrit lui aussi au roi de Perse, mais dans un contexte différent de celui du Bab. Le 31 août 1868, Baha'u'llah, sa famille et soixante-dix exilés parviennent à St-Jean-d'Acre où ils sont tous emprisonnés. C'est au cours de cette période que Baha'u'llah rédige des messages adressés aux chefs religieux de l'islam, de la chrétienté, aux souverains des pays d'Occident et d'Orient. Ces lettres ont pour but de propager un message de paix, d'amour et de reconstruction. Une de ces épîtres est envoyée à Nasiri'd-Din Shah (1848-1896). Baha'u'llah évoque les souffrances qu'il endure avec ses compagnons : "O Roi de notre temps ! Les yeux de ces exilés sont tournés vers le Très-Miséricordieux et fixés sur sa clémence. Nul doute que ces épreuves ne soient suivies d'une effusion de grâce infinie, et qu'à ces terribles afflictions ne succède une débordante prospérité. Nous voulons espérer pourtant que Sa majesté le Shah examinera personnellement ces questions et apportera l'espoir au coeur de ces exilés. Tout ce que Nous avons soumis à ta Majesté est réellement pour ton plus grand bien." [249].

Cette lettre fut apportée au roi par le jeune Badi (jeune adepte baha'i de 17 ans). Le Shah ordonna son arrestation et sa mise à mort. Il semblerait que nous avons des traces de cet événement dans les archives diplomatiques. La dépêche datée du 10 juillet 1869, figurant en annexe, évoque une requête amenée au Roi par un baha'i. Une correspondance au niveau des dates et des faits nous laisse supposer qu'il s'agit effectivement du même événement. "Il y a quelques jours, Sa Majesté rentrait à son campement quand un homme portant un costume étrange ce montra sur sa route(…) Le roi donna l'ordre d'arrêter cet homme de lui demander ce qu'il voulait. Il déclara qu'il était chargé de présenter une requête au Schah. On trouva, en effet, sur lui un pli qui contenait une longue lettre en persan sur parchemin(…) elle contenait beaucoup de mots arabes et la phraséologie particulière à la secte des babys, elle émane, a dit la personne qui la portait, du Bab." [250]

La tentative d'assassinat du Shah du 15 août 1852, orchestrée par un groupe de babis, est la pierre angulaire de l'argumentaire des historiens et des contemporains, considérant le babisme comme un mouvement insurrectionnel d'ordre politique.


4- L'attentat à la vie du Shah en 1852

Cet événement entraîne d'importantes répercussions pour la nouvelle religion. Dans un premier temps il engage la communauté babie dans une ère de massacres. Baha'u'llah est contraint à l'exil (1853). Dans un deuxième temps, l'ombre de cet acte pèse sur la communauté baha'ie pour le reste du siècle. Effectivement, l'hostilité du Shah et du gouvernement perse est décuplé. Cet attentat alimente l'hostilité et pour les opposants constitue une preuve de l'aspect révolutionnaire de ce mouvement. De plus, cela confirme les accusations des oulémas aux yeux de la population.

Cet acte criminel est commis le 15 août 1852 par un groupe de jeunes babis inconnus résidant à Téhéran. Les sources historiques diffèrent sur leur nombre : le groupe est composé de deux à six membres. D'après les récits de Gobineau et de Nabil, nous connaissons trois identités :
Sadiq-i-tabrizi originaire de Tabriz, un pâtissier.
Fathu'llah-i-Qumi, originaire de Qum qui était graveur.
Haji Qasim originaire de Nayriz.

Nous pouvons déduire qu'ils appartiennent à la classe artisanale urbaine.
Le récit de Nabil n'évoque que deux de ces personnages, Sadiq et Fathu'llah.

Il semblerait que Haji Qasim ait beaucoup souffert des violences perpétrées par les adversaires de la foi babie. Aux yeux de ces trois babis, le jeune Shah est considéré comme responsable de ces calamités. Ils décident d'organiser un mortel complot contre le Shah et ainsi de venger leurs coreligionnaires victimes de massacres et le martyre du Bab survenu en 1850. Nabil les présente comme "des fanatiques farouches à l'esprit débile" [251]. Cet acte semble mal organisé puisque les pistolets sont chargés de plomb, or ce moyen est totalement inefficace pour un tel geste. Ceci semble totalement incohérent pour une telle action. Bien que ce soit un geste isolé, toute la communauté babie est rendue responsable. Elle endure ainsi un grand nombre de persécution et de massacres. Leur ampleur est beaucoup plus importante que les persécutions et massacres précédents.

Pourtant, à cette époque, Mirza Aqa Khan-i-Nuri remplaçant de Mirza Taqi Khan au poste de grand vizir, s'efforce de réconcilier son gouvernement et Baha'u'llah. Malheureusement, cet événement va bloquer toutes formes de relations bien que Baha'u'llah ait fermement condamné ce geste.

Notre prochain paragraphe relate l'événement.
C'est dans un campement à Niyavaran [252], dans le district de Shimiran, au nord de Téhéran, où a été perpétré l'attentat.

D'après, le comte de Gobineau il y avait trois auteurs. Voici comment ils pénètrent dans le campement du Shah. "Ces trois hommes étaient des bâbîs. Ils avaient été envoyés avec l'ordre de s'introduire près du roi et de la frapper à mort. Ils s'étaient donc fait engager pour travailler aux jardins, et guettaient le moment de remplir ce qu'ils considéraient comme leur devoir." [253]
L'un des diplomates relate les faits avec beaucoup de précision :

"…Le 15 août, vers huit heures du matin, le Shah, venait de monter à cheval, avec sa suite ordinaire, lorsqu'un individu se jeta à la bride de son cheval, en criant qu'il avait une pétition à remettre. Avant qu'on pût l'arrêter, il déchargea un coup de pistolet qui n'atteignit pas Sa Majesté, le cheval effrayé s'étant cabré au même instant.
Pendant qu'on arrêtait le coupable, et qu'on le hachait à coups de sabre et de poignard, un autre individu accourt du côté droit, le pistolet au poing. Le chef des Chaters (coureurs) le saisit mais le coup part et la balle, sans toucher le Shah, va se loger dans un mur voisin. Un troisième assassin s'était approché par derrière ; on aperçoit son mouvement ; mais pendant qu'on le terrasse, il trouve le moyen de décharger à son tour un pistolet.
Le Shah s'étant écrié qu'il sentait une douleur dans le côté, quelques serviteurs s'empressent de l'enlever de son cheval et de le porter dans un jardin qui était proche.
Disposé à suivre la chasse suivant l'usage, Mr Ernest Cloquet médecin particulier du Shah de Perse se trouvait à quelques minutes du lieu où la tentative de meurtre avait été effectuée, lorsqu'on accourut le prévenir Mr Cloquet se rendit immédiatement auprès de Sa Majesté, et il eut la satisfaction de constater que la blessure était extrêmement légère. Le troisième pistolet était chargé de plomb de chasse, et le coup ayant porté obliquement, la charge n'avait fait qu'effleurer la peau, sans qu'un seul grain eût pénétré. Une demie heure après le pansement, Sa Majesté se rendait à pied dans ses appartements, et recevait les sincères félicitations de toute la Cour.
A la date du 21 août le Shah se trouvait parfaitement rétabli et l'on pensait que le lendemain, le pansement deviendrait même inutile.
Le second et le troisième assassin avaient été mis sous bonne garde. Ils avouèrent de suite et hautement qu'ils étaient Babis et qu'ils étaient six, déterminés à attendre le passage du Shah pour l'assaciner ; trois d'entre eux s'étaient échappés après la tentative qui venaait d'avorter.
On comprit qu'ils devaient avoir des complices dans la ville de Téhéran et les perquisitions de la police ont déjà permis de saisir une trentaine d'individus parmi lesquels se trouvent plusieurs chefs ; on a découvert aussi des papiers importants et des listes d'affiliés qui malheureusement ne sont désignés que par des surnoms. Leur projet après la mort du Shah, était de mettre la ville à feu et à sang.…" [254]

Une menace aussi sérieuse pour le gouvernement et pour les institutions du royaume suscite très rapidement l'indignation du clergé. Il fallait, pour eux, répliquer avec la plus grande sévérité pour arrêter ces hommes. La mère du Shah dénonce ouvertement Baha'u'llah devant la cour et le peuple comme commanditaire de l'assassinat.

Baha'u'llah, malgré le danger, décide de se rendre au quartier général impérial. En chemin, il réside chez son beau-frère Mirza Majid secrétaire du ministre russe Dolgorouki, ce qui lui assure plus tard le soutien de l'ambassadeur russe.

Nasiri'd-Din Shah une fois informé que Baha'u'llah est présent demande à ce que celui-ci lui soit livré. Cependant, le ministre russe s'interpose en exigeant qu'aucun préjudice ne soit porté à la personne du prophète. Les précautions du ministre russe et ses avertissements restent sans effet. Baha'u'llah apparaît aux yeux du roi comme le pire ennemi à saisir depuis la mort du Bab. Il est torturé. D'après Nabil [255], on l'oblige à parcourir la distance de Shimiran et Téhéran nus pieds, tête nue, en plein été. Tout au long de ce parcours, il est soumis à la vindicte populaire : le peuple l'injurie et lui lance des pierres. Il est par la suite emprisonné dans le Siyah-Chal (trou noir, fosse noire), ce cachot souterrain où l'on détient les criminels de la pire espèce. On enserre le cou de Baha'u'llah aux chaînes de Qara-Guhar connues dans toute la Perse pour leur poids imposant.

Les deux jeunes gens qui ont tenté d'assassiner le Shah sont mis à mort. Quiconque est reconnu comme disciple du Bab est mis à mort sans aucune forme de justice. En effet, cette atteinte à la vie du monarque déclenche une nouvelle vague de persécutions à une échelle de loin supérieure à tout ce dont le pays avait été témoin. Les babis sont mutilés jusqu'à la mort. Or, "Il était devenu certain qu'on avait simplement affaire à un assassinat, et non pas à une insurrection. Les deux bâbîs arrêtés, conduits presque immédiatement devant le conseil des ministres, avaient déclarés qu'ils étaient seuls, qu'ils n'avaient pas de complices…" [256]

La mère du Shah désirait toujours la mort de Baha'u'llah. L'ambassadeur de Russie s'y oppose. Il use de toute son influence afin que le prophète retrouve sa liberté. En outre, il lui offre même l'asile en Russie. Baha'u'llah refuse cette offre. Il est libéré après que son innocence soit établie.

Cet événement, terrible pour la communauté babie de Téhéran, réduit fortement le nombre de ses adeptes.
Les sauvageries et cruautés perpétrées contre les babis l'été de 1852 sont largement dénoncés par les diplomates. L'extrait d'une dépêche illustre notre propos : "L'attentat dirigé en 1852 contre la personne même du Roi et finalement l'exécution des assassins et de 40 de leurs prétendus complices. Tous avaient subi les tortures les plus cruelles plutôt que d'abjurer leur foi." [257]

Cet événement connut un grand retentissement, au-delà des sphères diplomatiques, comme nous le démontre l'article du Trombinoscope, journal français, datant de juillet 1873. En effet, un journal populaire relate ces faits soulignant ainsi leur importance. "En 1850, Nasser ed-din, pour couper court à cet état de choses, fit tout simplement fusiller Ali Mohammed ; mais les babis ne se contentèrent pas de cette concession et demeurèrent en état de révolte presque permanente. En 1852, ils tentèrent même d'assassiner Nasser-ed-Din…". [258]

En 1896, Nasiri'd-Din Shah est assassiné, les soupçons se portent immédiatement sur la communauté babie comme nous le montre une dépêche diplomatique "(8 heures) …Le meurtrier, arrêté immédiatement, serait un Seyyed ou un Bâby, l'on ne sait pas encore au juste. L'on assure que cet homme qui aurait déjà mis en prison à plusieurs reprises et tout dernièrement relâché par le Chah sur la demande des mouchteheds de téhéran…" "(10 heures) Le meurtrier du Chah n'est ni un Seyyed, ni un Bâby, comme on l'avait cru d'abord." [259]

L'immédiateté des soupçons portés sur la communauté baha'ie nous démontre que l'opprobre que connaît cette dernière est restée vivace. La nouvelle religion reste associée à l'idée d'insurrection et de révolution. Cependant certains diplomates n'adhèrent pas à ce courant de pensée. "Il est fâcheux que dès le premier moment l'on ait inexactement rangé l'assassin parmi les membres de cette secte. Les babis répudient absolument la violence comme un moyen d'action." [260]


C. La position des diplomates face aux massacres et l'impact de leurs dépêches en Europe

Les correspondances diplomatiques françaises nous offrent trois axes d'intérêt. Premièrement, elles constituent une source historique de première importance. Deuxièmement, elles nous permettent de confirmer ou d'infirmer les propos sur la communauté babie et baha'ie. Troisièmement, nous pouvons saisir l'impact des récits diplomatiques concernant ce nouveau mouvement religieux en France et en Europe.

Les agents diplomatiques en Perse relatent avec stupéfaction les persécutions et massacres. Les cruautés et les actes de barbaries les scandalisent. Les actes de bravoure les émeuvent, "Tous avaint subi les tortures les plus cruelles plutôt que d'abjurer leur foi. Les femmes et les enfants avaient montré autant de courage et de résignation que les hommes." [261] L'indignation des diplomates ne s'arrête pas aux massacres babis puisqu'ils dénoncent les persécutions subies par les baha'is, tout au long du XIXe siècle.

1- La situation politique des minorités religieuses en Perse

Les diplomates n'ont pas été sensibles à la seule souffrance des babis et baha'is, ils dénoncent vivement les persécutions perpétrées contre les autres minorités religieuses (lazaristes : membres de l'ordre religieux fondé par St Vincent de Paul en 1625, catholiques arméniens…). L'extrait suivant illustre notre propos : "A Tauris une partie de la population musulmane s'est tout à coup soulevée contre la population arménienne de cette ville sur la simple accusation portée devant l'Imam Djumay par une femme musulmane que sa fille avait été outragée par un arménien. Le Vehliad qui, dans cette circonstance, n'a fait preuve ni de sang froid, ni de résolution, a eu grand peine à appaiser le mouvement qui pouvait amener le massacre de la population chrétienne de Tauris". [262]

Aussi, nous permettons-nous d'aborder brièvement ce que subissent certaines minorités religieuses. Cependant, nous tenons à souligner que les persécutions subies par ces minorités religieuses ne sont en rien comparables à celles subies par les babis et les baha'is. Ces minorités religieuses sont issues de communautés installées depuis de nombreuses années en Perse. Elles ont souvent différents statuts.

La plupart de ces minorités sont issues des religions du Livre bénéficiant ainsi d'une certaine tolérance. Aussi, leur affiliation aux religions du Livre, leur enracinement en terre perse, leur accorde une relative tranquillité. Néanmoins, elles sont victimes de comportement discriminatoire. En effet, les dépêches diplomatiques nous relatent des incidents relevant de l'ordre de la vexation ou parfois de l'humiliation. Par contre, il est très rarement question de tueries, de massacres ou de tortures concernant ces minorités. De surcroît, les dénonciations diplomatiques n'ont pas la même tonalité. La virulence, l'horreur, la condamnation sans appel se retrouvent dans presque toutes les dépêches rapportant les persécutions à l'encontre des babis et des baha'is. Alors que le ton devient plus posé, puisque moins horrifié par les vexations et humiliations subies par les autres minorités.

En outre, nous devons ajouter que les diplomates occidentaux notamment français sont présents en Perse afin d'assurer en partie les intérêts nationaux. Ces intérêt sont liés à la sécurité de leur interlocuteur à savoir la communauté religieuse de rites latin (catholiques, etc.)

Cependant, la minorité religieuse composée des juifs subit nombre de persécutions. Aussi nous arrêtons nous sur le sort de ces derniers en Perse.

L'état de la communauté juive d'Iran, au XIXe siècle résulte de quatre siècles de ségrégation religieuse de la part du pouvoir impérial. Les synagogues sont soit détruites soit transformées en mosquée. On assiste à des conversions forcées à l'Islam. Les juifs doivent obligatoirement porter un signe distinctif. Au XIXe siècle, on recense deux exemples violents de conversions forcées : premièrement celui de Meshed en 1840, deuxièmement celui d'Ispahan en 1903. l'antisémitisme grandit sous la période qâjâre. Il conduit à une pratique presque systématique de conversions forcées. De fait, les juifs eux aussi étaient considérés comme najis (impurs). La communauté juive vers la fin du XIX siècle reste confinée dans des ghettos (les mahaleh), formés de rues étroites et de façades aveugles. Voici ce que M. J.F. Faü, auteur d'un exposé sur les "juifs baha'is" en Iran [263] relate : "Ainsi, les communautés juives iraniennes vivaient dans les limites imposées par leurs quartiers, suivant le schéma classique de la société non-musulmane en Perse : un prolétariat urbain survivant grâce à des petits métiers aux revenus incertains, rongé par un chômage endémique et caractérisé par une triple aliénation : la précarité, l'indigence et la pauvreté".

Durant les émeutes de 1875 à Hamadân, les Juifs sont attaqués et leurs maisons sont pillées. Elles ont commencé par le massacre d'un Juif accusé de blasphème contre l'Islam.
En 1890, dans la même ville, les autorités religieuses, indignées par les nouvelles mesures royales protégeant les Juifs, exigent qu'ils soient soumis à un certain nombre de prescriptions : obligation de porter un morceau d'étoffe rouge sur la poitrine, défense de parler haut au Musulman, défense de quitter la ville.

Quant à eux, les Zoroastriens pratiquent l'ancienne religion préislamique de l'Iran dont les origines remontent aux croyances des immigrants indo-européens des premiers millénaires avant J-C, religion d'Etat sous les Sassanides [264]. Ils subissent eux aussi des persécutions mais de moindre intensité.

Sous la période Qâjâr, Les Chrétiens (Arméniens ou Assyriens) pouvaient accéder à une position éminente dans le gouvernement ou dans le commerce. Ils jouent le rôle d'intermédiaires entre la Perse musulmane et l'Ouest chrétien. Ils sont interprètes, agent d'entreprises commerciales européennes. Des missions (catholiques, anglicanes, presbytériennes) prolifèrent en Perse au XIXe siècle. Ils connaissent cependant de régulières vexations comme nous le montre la lecture des dépêches diplomatiques : "Mr l'abbé Darnis est arrivé à Téhéran m'apportant ses plaintes et celles de Mr Cluzel contre le gouverneur du district de Salmay. Ce gouverneur de son coté avait, par l'intermédiaire de l'imam Djumé de Tauris, adressé au premier ministre une plainte en forme contre les deux Lazaristes français…les accusant entre autre, de faire des prosélytes arméniens et musulmans…Ils dénonçait surtout la résistance passive qu'auraient opposée les paysans catholiques…à verser entre ses mains une somme de 300 tomans…" [265]

"MR de sercey rend compte, dans sa correspondance des avantages suivans accordés par le gouvernement Persan en faveur de nos nationaux, au point de vue commercial et religieux…Au retour de Mr Sercey, les évêques de Mossul et Diarbekir vinrent le supplier de faire connaître au gouvernement du Roi la tyrannie sous laquelle ils gémissaient." [266]

Ainsi, par les dépêches diplomatiques, nous avons constaté que les différentes communautés religieuses en Perse subissent des persécutions. Cependant, elles ne peuvent être comparées aux persécutions dont sont objets les babis et baha'is. En effet, les nouveaux croyants doivent faire face à une campagne de dénigrement et de discrimination, du à la nouveauté du mouvement et à la crainte qu'il suscite.


2-Les diplomates face aux massacres

a) L'indignation des diplomates


Cependant, on note dans les dépêches diplomatiques une véritable compassion et une réelle virulence lors de leur dénonciation des actes de barbarie commis contre les babis et les baha'is. Certains même se présentent en défenseur de cette nouvelle cause.

Lors d'une dépêche, un diplomate dénonce comme "évènements regrettables" [267] la ségrégation dont sont victimes les babis et les baha'is. C'est pour eux"rompre tout lien avec le monde civilisé que de commettre de pareilles infamies" [268]. Dans l'extrait suivant, l'agent diplomatique s'ingère dans la politique perse en prenant parti pour la cause baha'ie en dénonçant en haut lieu les atrocités commises contre ces derniers. Les atrocités représentent à ses yeux le symbole de la brutalité du régime. "Si contre mon attente ces faits étaient vrais, je ferais tous mes efforts pour empêcher une boucherie, qui n'aurait même pas pour excuse l'entraînement d'un premier mouvement de colère, je ferais observer que c'est exposer à de terribles représailles et vouloir rompre tout lien avec le monde civilisé que de commettre pareilles infamies." [269]

Une dépêche diplomatique rapporte la vive indignation du Dr Tholozan, médecin particulier du roi, s'adressant au Shah à propos d'un acte de torture commis à l'encontre d'un baha'i . "Un baha'i avait remis une lettre au shah provenant de baha'u'llah, dès que le roi eut connaissance de cette requête il voulut soumettre ce jeune homme à la torture. Le Dr tholozan, qui accompagne le Roi a conseillé la clémence, il a représenté que la torture n'était qu'un usage barbare et qui n'était plus appliqué depuis longtemps chez les nations civilisées" [270] . La référence du Dr Tholozan au concept de nation civilisée est propre à l'élite européenne du milieu du XIX siècle ; élites prônant la colonisation de l'Afrique et de l'Asie comme acte civilisateur. Ainsi, par cette dépêche nous constatons l'opposition française aux actes de tortures, notamment pour les babis et baha'is.

Nous avons également trace d'ambassadeurs étrangers, russes et anglais qui s'insurgent contre les excès de barbaries du gouvernement persan contre les babis. Effectivement, le diplomate anglais Sheil demande au premier ministre d'arrêter ces persécutions qui pour lui "sont attribuées aux plus basses classes de l'humanité" [271]

Le capitaine Alfred von Guomöens, attaché militaire autrichien au service du Shah, a laissé un récit des évènements de 1852. Horrifié par les cruautés dont on l'obligeait à être témoin, il présente sa démission, puis écrit une lettre qu'il publie dans le journal de Vienne "Oesterreichischer Soldatenfreund" (L'ami du soldat autrichien). "Mais suis-ami, ami, toi qui te réclames des sentiments et des usages européens, suis-moi vers le lieu où ces infortunés, les yeux crevés, sont contraints à manger toutes crues leurs propres oreilles qu'on vient de couper. Ou alors, suis-moi vers ceux à qui la main du sbire, avec une violence inhumaine, a arraché les dents ; suis-moi aussi vers ceux à qui on se contente, à coups de marteau, de réduire en bouillie le crâne ras. Ou encore suis-moi là où l'on éclaire le bazar avec des malheureux, en excavant profondément leur poitrine et leurs épaules, tant d'un coté que de l'autre, et en fichant dans ces plaies des chandelles allumées…Il n'est pas rare que l'inlassable imagination des Orientaux n'invente quelques nouveautés : on écorche la plante des pieds des babis, ranime la blessure sanglante avec de l'eau bouillante, ferre le pied comme le sabot d'un cheval et l'on oblige finalement la victime à courir". Sa missive datée du 29 août 1852 est sans conteste une source très intéressante puisque écrite quinze jours après l'attentat manqué.

b) L'éveil d'un intérêt pour les babis et baha'is en France

Le sort des babis et baha'is n'émeut pas seulement les diplomates en Perse, puisque le ministre français des affaires étrangères s'inquiète de leur situation en 1918. "pourriez-vous informer que sont devenus béhais persans groupés antérieurement à Saint-Jean d'Acre" [272]. Ce télégramme nous prouve que les précédentes dépêches diplomatiques ont connus quelques répercutions en France, notamment au Quai d'Orsay. Cette missive reçut une réponse de G. Picot, diplomate français nous renseignant de fait de l'état de la communauté baha'ie.
"Abdul Beha [273] est en bonne santé, il continue à résider (à) Acre avec ses partisans qui n'ont pas été inquiétés par la guerre." [274]

La lettre de M. Auguste Forel [275] au président du conseil Mr Edouard Herriot témoigne de l'intérêt de certains français pour cette cause. Dans cette lettre il demande à "mettre un terme à ces indicibles cruautés ou du moins à les limiter le plus tôt possible" [276].

L'exemple antérieur de la conversion à la foi baha'ie de César Catafago, vice-consul de France à Saint-jean D'acre, illustre les bonnes dispositions françaises envers cette nouvelle croyance. César Catafago a embrassé cette nouvelle cause suite à la réception de l'épître de Baha'u'llah adressée à Napoléon III, dont il est l'émissaire et le traducteur. Baha'u'llah adresse une épître à chaque roi et dirigeant de son époque.

Malgré l'opprobre et les persécutions dont les babis et baha'is sont victimes, les diplomates français ne marquent d'opposition à entretenir des relations avec eux, notamment, nous le supposons, des relations d'ordre commercial. "les babys sont une secte très inoffensive (…) ils sont très bien disposés pour les Européens en général et pour nous en particulier" [277].


3- Les prémisses incertaines d'une correspondance diplomatique entre la communauté baha'ie et les diplomates européens : des sources non authentifiées

En raison de leur émotion et de leur bonne disposition envers la religion baha'ie, il semblerait que les diplomates aient tenu un rôle plus ou moins actif dans l'histoire baha'ie. En effet, des membres éminents de la communauté baha'ie ont demandé leur soutien. C'est lors de son exil en Turquie, que Baha'u'llah aurait fait appel aux consuls, afin qu'ils interviennent en sa faveur auprès de leurs souverains ou dirigeants. Nous pensons utile de nous arrêter sur le contexte de la rédaction de ces lettres.
A cette époque Baha'u'llah est réfugié à Bagdad. Cependant le sultan 'Abdu'l-Aziz par peur de la contamination des idées, exile le prophète à Andrinople. Baha'u'llah et ses compagnons restent dans cette ville de 1863 à 1868, et c'est à la fin de cette période que ceux ci seraient entrés en contact avec les autorités européennes. Ainsi, les agents diplomatiques résidant à Andrinople reçoivent une pétition de la part de Baha'u'llah. On retrouve cette lettre accompagnée d'une note du ministre accrédité en Turquie, dans les archives du Ministère des Affaires Etrangères Françaises [278]. Au contraire, les archives anglaises n'ont gardé aucune trace de cette requête. C'est donc, pour nous, une source de première importance. La lettre écrite par "Houssein-Ali", c'est à dire Baha'u'llah, datant du 9 août 1868, s'adresse aux "souverains de l'époque". Dans cette lettre, il relate ses différents exils, les avanies de la part du gouvernement turc, ainsi que les diverses entraves à ses libertés individuelles. De plus, il regrette le fait que le gouvernement ottoman désire l'exiler hors de l'Empire. [279].

Cependant l'origine de cette lettre reste incertaine et présente des problèmes d'identification. En effet l'écriture et la signature semblent différentes de celles de Baha'u'llah. Cette opinion a été vérifiée par le département de recherche du Centre Mondial Baha'i à Haïfa (lettre du 17 février 1975). Nous n'avons trouvé aucune autre source affirmant ou infirmant la véracité de cette lettre.

Pourtant, le consul d'Andrinople, M. Ronzevalle, réfère de cette lettre au Ministre des Affaires Etrangères français, M. Bourrée. Ce dernier répond de manière plus ou moins négative puisque pour lui il s'agit d'affaires internes, d'où une complète abstention de l'Etat français. Ainsi, on s'aperçoit du retentissement du mouvement baha'i par l'intermédiaire de ces correspondances diplomatiques. On peut noter qu'il s'agit d'une des rares interventions du ministre des Affaires Etrangères français sur ce sujet.

Il existe similairement dans le fonds Gobineau, à la Bibliothèque Universitaire de Strasbourg, cinq lettres de Baha'u'llah. Une fois de plus, l'écriture de Baha'u'llah, le style des lettres ne sont pas identifiables avec certitude, (Cf. en annexe).


4- L'engouement de certains diplomates pour les religions babie et baha'ie : l'étude approfondie de ces religions par Gobineau et Nicolas

Lors de leur séjour en Perse, certains diplomates français ont cherché à découvrir les mouvements babi et baha'i. Aussi à leur retour rédigent-ils des études sur l'émergence de cette nouvelle spiritualité, à l'instar de Gobineau et Nicolas.

En 1865, deux ans après son retour de Perse, Gobineau [280] publie Religions et philosophies de l'Asie centrale. Lors de la tragédie babie, l'auteur est chargé d'affaires à la légation française à Téhéran en 1856. Horrifié par les massacres, il consacre plusieurs chapitres (six chapitres sur seize) [281] de son livre au mouvement babi. L'opinion française découvre alors l'existence de la religion nouvelle. Moins d'un an après sa publication, le livre est réédité, ce qui paraît inhabituel pour un livre de cette nature à cette époque. A partir de 1865, l'ouvrage de Gobineau est édité et réédité près de sept fois et cela même à titre posthume. Il se produit alors une certaine effervescence dans les milieux littéraires. En Russie, la poétesse Isabel Grinewskaia écrit et fait jouer une pièce de théâtre sur les babis. A Paris, Sarah Bernhard demande à l'auteur Catulle Mendès de lui écrire une pièce sur ces évènements, ce qu'il ne fait pas. Plusieurs journalistes en France dont Jules Bois, publient de nombreux articles. Même si l'on peut porter des critiques quant au travail et aux explications historiques de Gobineau sur ce sujet, il est à l'époque l'auteur évoquant les babis, le plus important de sa génération. Il se détache des autres auteurs sur l'assimilation et les résumés effectués sur la doctrine babie.

Gobineau entretient des relations épistolaires avec comte de Prokesch-Osten (1854-1876), un autrichien, agent diplomatique. Les extraits suivants démontrent l'accueil favorable des ouvrages de Gobineau par la société occidentale.

Constantinople le 5 janvier 1866, de Prokesch-Osten :"Je suis P 336 de votre livre au milieu de la doctrine des babys et sur le point de me faire baby moi-même. Tout est merveilleux dans l'histoire de ce phénomène historique et humanitaire."

Constantinople le 10 janvier 1866, de Prokesch-Osten: "Ali-Pacha m'a parlé avec grande vénération du bab, interné à Andrinople qu'il dit d'un homme de grande distinction, d'une conduite exemplaire, d'une grande modération et de formes les plus dignes. Il m'a parlé du Babysme comme d'une doctrine qui mérite une haute estime" [282]

Un historien, interprète officiel de la légation française à l'étranger, A.L.M Nicolas, vérifie les écrits de Gobineau. Il en rectifie certains. Ensuite il traduit les écrits du Bab et devient le premier babi occidental. C'est aujourd'hui un auteur reconnu dans sa spécification babie. Il existe un fonds Nicolas à l'Institut des Etudes Iraniennes, à l'université de la Sorbonne Nouvelle III, Paris.

Nicolas a traduit de nombreux ouvrages et documents du Bab :
Le livre des sept preuves, éd. Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien Maisonneuve, Paris, 1902.
Le Bayan arabe, éd. Ernest Leroux, Paris, 1902.
le Bayan persan, éd. Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris 1911-1914.

Nicolas (1864-1939) est également l'auteur d'oeuvres approfondies sur la nouvelle croyance tels que :
Seyyed Ali-Muhammad dit le Bâb, éd. Dujaric, Paris, 1905.
Qui est le successeur du Bâb, éd. Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien Maisonneuve, Paris 1933.
Les Béhahis et le Bâb, éd. Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1933.
Quelques documents relatifs au Babisme, éd. Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1934.
Massacres de babis en Perse, éd. Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien Maisonneuve, Paris 1936.

Il est à noter que Nicolas contestait la succession du Bab et donc l'avènement de Baha'u'llah en tant que prophète. Il pense que dans la doctrine baha'ie, la position du Bab est amoindrie. A la fin de sa vie, après lecture de certains ouvrages baha'is tels que La Chronique de Nabil il accepte le rang du Bab dans la religion baha'ie : c'est-à-dire le précurseur de Baha'u'llah mais néanmoins, un messager de Dieu, prophète qui a créé sa religion indépendante.

L'émergence des religions babie et baha'ie constitue un fait majeur de l'histoire perse. En effet, la naissance du babisme instaure le plus grand bouleversement religieux qu'ait connu la Perse au XIXe siècle. Comme nous l'avons précédemment abordé, le babisme remet en cause les fondations de la société religieuse perse. Le clergé chiite craint un ralliement massif de la population à ce mouvement religieux, qui lui ôterait toute légitimité. En effet, ce mouvement s'étend rapidement. En référence à la tradition chiite duodécimaine, le Bab et Baha'u'llah en se réclamant respectivement être, le Qa'im et "Celui que Dieu rendra manifeste", se présentent comme dépositaires de la légitimité divine s'opposant de fait aux oulémas. Si la population s'était massivement converti à cette nouvelle religion, le pouvoir clérical chiite aurait perdu toute légitimité. Le pouvoir royal, bien qu'il ait tenté de limiter le pouvoir du clergé, nécessitait l'appui de ce dernier, afin d'asseoir son autorité. Un compromis avec les oulémas est en effet nécessaire pour que la famille Qâjâr, ne descendant pas du prophète Muhammad, puisse s'asseoir sur le trône perse.

Les enjeux politiques et religieux, liés à l'émergence de cette nouvelle religion, nous démontre l'enchevêtrement du clergé et du pouvoir royal en Perse au XIXe siècle. Nous comprenons, ainsi, que cette situation conduit à de violents antagonismes qui façonnent l'association des mouvements religieux à des mouvements révolutionnaires. Cependant, on ne peut nier que l'émergence de ces religions engendre l'une des plus grandes crises religieuses. Le mouvement babi ne pouvait naître qu'en Perse puisqu'il se réfère à la doctrine duodécimaine. Peut-être la décadence politique et religieuse dans laquelle se trouve la Perse au XIXe siècle ont favorisé l'émergence d'un nouveau mouvement religieux qui se veut plus proche de la population, plus spirituel et non attaché au pouvoir politique corrompu. Ce bouleversement religieux achève la déstructuration de l'Etat perse du XIXe siècle. Les fréquents soulèvements religieux babi, auxquels nous pouvons ajouter les mouvements ismaélien et shaykhi, déstabilisent la politique intérieure. Nous pensons cependant utile de rappeler que les mouvements babi et baha'ie se veulent apolitiques.
Le clergé chiite, constatant la limitation de ses prérogatives par l'autorité royale, devient plus orthodoxe en développant une certaine intolérance envers les autres mouvements religieux comme nous le prouve l'établissement d'un nouveau statut concernant les minorités religieuses. Le mouvement babi est considéré comme une autre menace à son pouvoir

Le fait que les diplomates français exposent les événements relatifs aux communautés babie et baha'ie dans leurs dépêches diplomatiques, prouve l'importance de ces mouvements religieux en Perse. Nous percevons, aussi, grâce à ces dépêches la rapide extension de ces mouvements religieux.

Elles nous permettent de connaître une vision européenne du mouvement religieux naissant. Les diplomates décrivent principalement les soulèvements, les massacres et les persécutions que connaissent les membres de ces religions. Ils concluent à l'émergence d'un mouvement insurrectionnel ou révolutionnaire. L'imbrication du pouvoir politique et du pouvoir religieux favorise cette conclusion. Ces diplomates perçoivent pourtant le modernisme de ces idéologies religieuses (égalité des sexes par exemple). Il l'oppose, parfois, au fanatisme de l'islam chiite. Il remarque une forme d'idée occidentale dans ces mouvements puisqu'ils les pensent favorable à l'Europe. On constate, par cette vision, l'influence des idées nouvelles libérales sur les diplomates.

Nous constatons un impact relatif des religions babie et baha'ie sur les diplomates puisque certains, comme Nicolas et Catafalgo se sont convertis respectivement à la religion babie et baha'ie. Par contre, nous ne pouvons constater un réel impact sur la société française du XIXe siècle.

Nous pouvons conclure de nos lectures des dépêches que les diplomates en poste en Perse donnaient une grande importance à ces mouvements religieux. Leurs dépêches relatent abondamment et avec engagement les événements concernant ces nouvelles religions, bien qu'ils manquent d'information sur ce sujet. L'islam chiite occupe une place moins importante dans leurs récits alors qu'il s'agit de la religion d'Etat.
En 1906, l'opposition nationaliste, libérale et religieuse, avec le clergé chiite à sa tête, obtient l'octroie d'une constitution. La révolution constitutionaliste de 1906 signe le déclin du règne Qâjâr, l'anarchie s'impose en Perse. Le clergé chiite s'oppose de plus en plus violemment à l'Etat. Le boycott du tabac en 1890-1891, illustre l'opposition politique du clergé. Ce dernier s'arroge de plus en plus de droit et de pouvoir au cours de cette période. L'aboutissement de la croissance du pouvoir clérical est la révolution islamique de 1979.


BIBLIOGRAPHIE

I - Sources

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MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 23.

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- De Ferrier à De La Hitte, le 25 mars 1850.
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MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 24.

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MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 24.

- Ferrier, Situation de la Perse en 1851.
MAE, Mémoires et Documents, Perse, Vol.9.

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MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 30.

- De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 5 mai 1864. Direction Politique n°10.
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- De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 1er juin 1864. Direction Politique n°12.
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- De Bonnières au Marquis de La Vallette, Campement de Teojrich, le 10 juillet 1869. Direction Politique n°40.
MAE, Correspondance Politique de Perse, Vol. 35.

- De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran, le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44.
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- De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller, Téhéran, le 17 mars 1890. Direction Politique n°14.
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- De De Balloy à hanotaux, Téhéran, le 2 mai 1896. Direction Politique n°18.
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- De Auguste Forel à Edouard Herriot, 10 avril 1925.
MAE, Asie, 1918-1940, sous-série Perse.

2) Dépêches diplomatiques, réserve personnelle de Mme Lucrèce Reynaud :

- De Clairambault à De La Hitte, Trébizonde, le 25 décembre 1850. Direction Politique n°19.
MAE, Consulat de France à Trébizonde.

- Trois dépêches figurant en annexe, auteur et date inconnus.

3) Dépêches diplomatiques, fonds Gobineau, Bibliothèque nationale Universitaire de Strasbourg :

Fonds Gobineau, Ms 3534, 6. Cf. Annexes.
Fonds Gobineau, Ms 3516. Cf. Annexes.


4) Sources imprimées :

- Le Trombinoscope, juillet 1873. éd, F. Debons et Ce, Paris, 1873.

- A.-L.-M. Nicolas, Siyyid 'Ali Muhammad dit le Bâb, éd. Dujaric, Paris, 1905.

- A.-L.-M. Nicolas, Qui est le successeur du Bâb, éd. Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien Maisonneuve, Paris 1933.

- A.-L.-M. Nicolas, Les Béhahis et le Bâb, librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1933.

- A.-L.-M. Nicolas, Quelques documents relatifs au Babisme, éd. Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1934.

- A.-L.-M. Nicolas, Massacres de babis en Perse, éd. Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien Maisonneuve, Paris 1936.

- J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983.

- Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La Chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages.


II- Ouvrages

a) Instruments de travail :

Duby (G), Atlas historique mondial, Larousse, 2000.

Encyclopedia Britannica.

Encyclopédie de l'Islam.

Encyclopaedia Iranica : Article "Bab", "Babism", "France", Bibliotheca Persica Press, New york, 2000.

Ouvrages généraux :

Amanat (A), Pivot of The Universe Nasir Al-Din Shah Qâjâr and the Iranian Monarchy, 1831-1896, University of California Press, Californie, 1997.

Ramazani (R), The Foreign Policy of Iran 1500-1941, University Press of Virginia, 1966.

Lambton (A.K.S), Qâjâr Persia, Lb. Tauris and Co LTD, Londres, 1987.

The Cambridge History of Islam, Vol. I : The Central Islamic Lands, Cambridge University Press, Grande-Bretagne, 1970.

The Cambridge History of Iran, Vol. 7, University Press, Grande-Bretagne, 1970.


b) Ouvrages spécialisés :

Hytier (A), Les dépêches diplomatiques du comte de Gobineau en Perse, éd. Droz, 1959.

"Les créations de postes diplomatiques et consulaires français de 1815 à 1870", Revue d'Histoire Diplomatique, éd. A. Pedone, 100ème année, 1986.

"Le ministère des affaires étrangères après 1848", Revue d'Histoire Diplomatique, éd. A. Pedone, 203ème année, 1989.

Traduction et introduction de Salesse (B), Journal de Voyage en europe (1873) du shâh de Perse, éd. Actes Sud, 2000.

Momen (M), An Introduction to Shi'i Islam, éd. George Ronald, 1985.

Richard (Y), L'islam chi'ite, éd. Fayard, 1991.

Gobillot (G), Les chiites, éd. Brepols, 1998.

Laoust (H), Les schismes dans l'Islam, éd. Payot, Paris, 1965.

Richard (Y), Le shi'isme en Iran, imam et révolution, éd. Librairie d'Amérique et d'Orient Jean Maisonneuve, Paris, 1980.

Corbin (H), En islam iranien, Tome I et IV, éd. Gallimard, 1972.

Halm (H), Le chiisme, PUF, Paris, 1995, 275 pages.

Sélections des Ecrits du Bab, éd. Maison d'Editions Baha'ies, Bruxelles, 1984.

La proclamation de Baha'u'llah, éd. Maison d'Editions Baha'ies, Bruxelles, 1967.

Hakim (C), Les Baha'is ou victoire sur la violence, éd. Favre, paris, 1982.

Hatcher (W), Martin (J.D.), La foi Baha'ie, l'émergence d'une religion mondiale, éd. Maison d'Editions Baha'ies, Bruxelles, 1997.

Smith (P), The Babi and Baha'i Religions, Cambridge University Press, 1987. 243 pages.

Momen (M), The Babi and Baha'i Religions, George ronald, Oxford, 1981. 572 pages.


Notes

[1] La Perse devient l'Iran, en 1935. Cette nouvelle dénomination est imposée par les Iraniens au monde, notamment à l'Occident.

[2] The Cambridge History of Islam, Vol. I : The Central Islamnic Lands, Cambridge University Press, Grande-Bretagne, 1970.

[3] L'Europe connaît une véritable effervescence idéologique : le printemps des peuples en 1848 est une manifestation de ce bouillonnement. A la fin du XIXe siècle, sous l'impulsion de Jules Ferry, la France offre la gratuité de la scolarité primaire. La révolution industrielle s'accompagne d'un mouvement ouvrier symbolisé par le manifeste de Karl Marx.

L'Europe, prétextant une mission civilisatrice, part à la conquête de l'Afrique et de l'Asie, ce qui permet ainsi, à ces idées qualifiées de libérales de se propager lentement par l'intermédiaire des élites occidentales et ou autochtones.

[4] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 5 mai 1864. Direction Politique n° 10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.

[5] "the Shadow of God upon earth", The Cambridge History of Islam, Vol. I, Cambridge University Press, Grande Bretagne, 1970, Page 436.

[6] Le premier Shah Safavide, Ismâ'il descend prétendument du prophète Muhammad.

[7] Lambton (A.K.S), Qâjâr Persia, LB. Tauris and Co LTD, Londres, 1987. p.94.

[8] Ibid. p.95.

[9] Ibid. p.95.

[10] Curzon (N), Persia and the Persian Questions, Vol. I, Frank Cass and Co. Ltd., Londres, 1966, p.391.

[11] Cf. annexes, tableau généalogique de la dynastie qâjâre.

[12] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. p.529-530.

[13] Gobineau évalue le nombre des agnats de la tribu qâjâre plus ou moins ambitieux du pouvoir à 1100. Hytier (A.-D), Les dépêches diplomatiques du comte de Gobineau en Perse, E.Droz, 1959. p. 101. Dépêche du 9 juin 1857.

[14] Le traité du Gulistan entre la Russie et la Perse, stipule que le tsar de Russie s'engage à reconnaître le prince qui serait désigné comme héritier et lui accorder l'assistance qu'il demanderait afin d'annihiler toute opposition. Fath 'Ali Shah meurt le 23 octobre 1834. La succession de Muhammad 'Ali Mirza est disputé par plusieurs princes qâjârs. Dès lors, les Russes offrent des troupes et des provisions à Muhammad 'Ali Mirza en quantité nécessaire afin qu'il puisse monter sur le trône. La désignation de 'Abbas Mirza comme Wali-'ahd est reconnue par les gouvernements britannique et russe pour la paix intérieure, l'indépendance et de l'intégrité de la Perse.

[15] Auteur diplomate inconnu. Cf. Annexes.

[16] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 519.

[17] Atabeg vient de l'arabe : ata = père / beg = commandant. A l'époque seljoukide, l'atabeg était le tuteur chargé de l'éducation des enfants du sultan. Il était envoyé avec le prince mineur à la tête d'une province de l'Empire. L'atabeg gouvernait donc à la place du prince. Dans beaucoup de cas, il s'arrogeait le pouvoir effectif.

[18] L'adjudant général Ferrier, Situation de la perse en 1851. MAE, Mémoires et Documents Perse, Vol. 9.

[19] Lambton (A.K.S.), Qâjâr Persia, LB. Tauris and Co. LTD, Londres 1987, p. 100.

[20] Ferrier, Situation de la Perse en 1851, extrait d'un article écrit pour la "Revue Orientale". MAE, Mémoires et Documents, Perse, Vol.9.

[21] Lambton (A.K.S), Qâjâr Persia, LB. Tauris and Co LTD, Londres, 1987. p. 97.

[22] La guerre entre la Turquie et la Perse est déclarée en 1821 et s'achève en 1823, date à laquelle les deux pays signent le traité d'Erzeroum.

[23] Comte de Gobineau, Téhéran le 20 mars 1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.

[24] Muhammad n'avait pris aucune disposition écrite concernant la direction future de la communauté. Le "successeur" ou khalîfa du prophète est Abu Bakr, premier calife, il dirige la communauté de 632 à 634. Le second calife est 'Omar qui règne de 634 à 644. Puis en 644, 'Uthmân est élu troisième calife par un collège composé de six éminents compagnons du prophète. En 656, il est assassiné et c'est 'Ali, cousin et gendre du prophète qui accède au califat jusqu'à sa mort en 661. C'est par la suite les Omeyyades qui prennent la tête de la communauté.

[25] Corbin (H), En islam iranien, Tome I, Gallimard, 1971, 332 pages. p. 41-42.

[26] En Iran on emploie aussi couramment le mot Pîshvâ.

[27] Tradition relative aux actes, paroles ou attitudes du prophète. Le hadith commence à se constituer à partir du VIIIe siècle.

[28] 4 : 'Ali b. al-Husayn / 5 : Muhammad al-baqir / 6 : Ga'far al-Sadiq / 7 : Musa al-Kasim / 8 : 'Ali al-Rida 9 : Muhammad al-Gawad / 10 : 'Ali al-Hadi / 11 : Al-Hasan al-'Askari / 12 : Muhammad al-Mahdi.

[29] Parent et seul représentant légitime de l'imam caché, le Shah Safavide est l'autorité religieuse suprême du chiisme. Cependant, à la fin du XIXe siècle, les religieux déclarent le roi Safavide non pieux et semblent contester sa légitimité.

[30] Halm (H), Le chiisme, PUF, Paris, 1995, 276 pages. p. 119-120.

[31] La madrasa est un collège. Au Moyen-Age, c'est celui qui est installé dans une mosquée et dispense un enseignement sunnite.

[32] Auteur inconnu. Cf. annexes.

[33] Ibid.

[34] Ibid. Nous supposons ici, que c'est le Comte de Sartiges après comparaison du style calligraphique.

[35] Ibid.

[36] Ibid.

[37] Ibid.

[38] la Perse est traversée par la "route de la soie".

[39] Momen (M), The babi and baha'i religions, 1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages.

[40] De Ferrier au Général De La Hitte, Le 21 février 1850. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.

[41] Ibid.

[42] Le mot "mirza" est la contraction du terme Amir-Zadih, signifiant "fils d'amir". Placé après un nom propre, cela signifie "prince" ; en préfixe à un nom, cela signifie simplement "monsieur". L'Amir est un "seigneur", "prince", "gouverneur", "commandeur". il semblerait qu'ici il s'agisse d'un "Monsieur".

[43] Lettre de Gobineau datant du 6 août 1855 à Prokesch-Osten, diplomate autrichien. Bibliothèque Universitaire Nationale de Strasbourg. Fonds Gobineau, MS 3524 (Gobineau 41).

[44] Bibliothèque Universitaire Nationale de Strasbourg. Fonds Gobineau, MS 3515 (Gobineau 37).

[45] De Ferrier au Général De La Hitte, Le 21 février 1850. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.

[46] Cf . annexes, biographie de Gobineau.

[47] Momen (M), The babi and baha'i religions, 1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages.

[48] Momen (M), The babi and baha'i religions, 1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages.

[49] Du Marquis de la Valette au Général De La Hitte, le 25 décembre 1850. Direction Politique n°19. MAE, Consulat de France à Trébizonde.

[50] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 5 mai 1864. Direction Politique n°10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.

[51] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 1er juin 1864. Direction Politique n°12. MAE, C.P. Perse, Vol.33.

[52] Comte de Gobineau, Téhéran le 20 mars 1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.

[53] Fath-'Ali Shah règne en Perse de 1798 à 1834.

[54] Le recueil contenant les réponses au Shah se nomme : "Risaliy-i-Sultanniyih".

[55] Le terme "bâb" est le titre donné, dans le chiisme primitif et dans l'ismaélisme, au disciple de l'imam de rang le plus élevé.

[56] Article "The Bab", Encyclopaedia Iranica, volume III, Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.

[57] 1844 ap J.C.

[58] (1814-1849).

[59] Commentaire sur la sourate de Joseph (Coran). Pour les baha'is, il constitue une des preuves les plus importantes de l'authenticité du Bab en tant que prophète.

D'après l'Encyclopedia Britannica, "Ali Mohammad (…) entonne et écrit simultanément un commentaire, le Qayyumu'l-Asma, sur la sourate de Joseph du Coran". Article "The Bab", Encyclopaedia Iranica, volume III, Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.

La sourate de "Joseph" Yûsuf , est la douzième du Coran. Le thème en est l'épisode de la légende de Joseph, tel qu'il est raconté dans la Genèse (XXXVII), avec des détails provenant de traditions rabbiniques. Joseph est présenté dans le Coran comme un homme juste, doué de sagesse et de beauté merveilleuse. C'est le nouveau prophète qui déjoue les machinations des incroyants. De plus le thème de Joseph tenté par une Egyptienne est un thème popularisé par de nombreux poètes persans. Ainsi avec l'explication de cette sourate, le Bab éveillait la curiosité des persans, mais aussi, il s'appuyait sur ce texte pour proclamer ses prétentions.

[60] Membres du clergé, prêtres musulmans.

[61] Article "The Bab", Encyclopaedia Iranica, volume III, Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.

[62] Auteur inconnu. Cf. annexes.

[63] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 68.

Hatcher (W.S.), Martin (J. D.), La foi baha'ie, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1997, 315 pages. p. 9.

[64] "Il [le Bab] appartenait à une famille de sayyeds". Article "The Bab", Encyclopaedia Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.

[65] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983.p.505-506.

[66] Halm (H), Le chiisme, coll. Islamiques, PUF, Paris, 1995, 275 pages. p. 126.

[67] "Dans sa tendre enfance, (le Bab) perdit son père, Siyyid Muhammad Rida, un homme connu à travers la province de Fars pour sa piété et sa vertu, et qui était très estimé et honoré. Son père et sa mère étaient tous deux descendants du prophète ; tous deux étaient aimés et respectés par le peuple." Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La Chronique de Nabil,, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p.68.

[68] Article "The Bab", Encyclopaedia Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.

[69] "Devenu orphelin de bonne heure, il fut placé sous la tutelle de son oncle maternel (…) et s'occupa, sous sa direction, du même commerce que son père (c'est à dire de mercerie)."

A.-L.-M. Nicolas, Siyyid 'Ali-Muhammad dit le bab. éd. Dujaric, Paris, 1905.

[70] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 506-507.

[71] Perkins (M), Hour of the dawn, the life of the Bab, George Ronald, Oxford, 1987, 211 pages. P. 19-20.

[72] Mémoires et Documents, Perse, Tome 11. Téhéran le 20 mars 1856, Comte de Gobineau.

[73] cf. cartes en annexes.

[74] De Sartiges à Drouyn de Lhuys, Téhéran le 19 février 1849, Direction Politique n°13. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.

[75] Smith (P), The Babi and Baha'i Religions, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. P. 14.

[76] Article "Babism", Encyclopaedia Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.

[77] Halm (H), Le chiisme, coll. Islamiques, PUF, Paris, 1995, 275 pages. p. 126.

[78] Badasht se trouve près de la province du Mazandéran, cf. cartes en annexe.

[79] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 534.

[80] Nom donné aux dix-huit premiers disciples du Bab.

[81] A l'époque, des personnes appelées "bab" déclarent pouvoir amener la population à l'Imam caché. D'après l'Encyclopédie de l'Islam, "Bab" est le nom donné dans le chiisme primitif au disciple de l'Imam de rang le plus élevé. Chez les ismaéliens, le Bab occupait un rang élevé dans la hiérarchie.

[82]J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 535.

[83] Hatcher, Martin, La foi baha'ie, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1997, 315 pages, p.10.

[84] Des extraits de la tablette au shérif de la Mecque se trouvent dans l'ouvrage Sélections des écrits du Bab, Maisons d'Editions Baha'ies, Bruxelles, 1984, 224 pages. p. 26-27.

[85] Haji Mirza Aqasi est le premier ministre de Muhammad Shah (au pouvoir de 1835 à 1848).

[86] Il est premier Premier ministre sous Muhammad Shah (au pouvoir de 1835 à 1848).

[87] Extraits d'une épître adressée à Muhammad Shah, Sélections des écrits du Bab, Maisons d'Editions Baha'ies, Bruxelles, 1984, 224 pages. p. 10 à 15.

[88] Momen (M), The babi and baha'i religions, 1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages. p. 72.

[89] Le récit du procès se trouve dans Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 299 à 304.

[90] Auteur inconnu, cf. en annexe.

[91] Momen (M), The babi and baha'i religions, 1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages. p. 78.

[92] Moojan Momen parle de "plusieurs sources" qui évoquent le 8 juillet mais il n'indique pas lesquelles.

[93] Article "The Bab", Encyclopaedia Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.

[94] C'est ainsi que l'on nommait la ville de Tabriz à l'époque.

[95] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, CP Perse, Tome 37.

[96] Sheil à Palmerson, N° 88, 22 juillet 1850. Foreign Office : 60 152.

[97] Mirza Taqi Khan est le Premier ministre en Perse de 1848 à 1853, sous le règne de Nasiri'd-Din Shah (au pouvoir de 1848 à 1896). Il est exécuté par le Shah jaloux de son pouvoir grandissant.

[98] Hatcher, Martin, La foi baha'ie, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1997, 315 pages. p. 22.

[99] "le gouverneur de l' Adhirbayjan (…) refusa de mettre à exécution l'ordre, ne désirant pas être l'instrument de mise à mort d'un descendant du prophète." Traduction de courtoisie. Momen (M), The babi and baha'i religions, 1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages. p. 76.

[100] Ferrier à De La Hitte, Téhéran, 25 juillet 1850. MAE, CP Perse N°24.

[101] La copie de la sentence de mort prononcée contre le Bab par les religieux se trouve dans l'ouvrage de Nicolas : Les Béhahis et le Bâb, Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1933. Cf. annexes.

Il semblerait par ailleurs que l'original ou une copie fictive se trouve à L'Institut d'Etudes Iraniennes (IEI, CNRS Monde Iranien). Ce document fait sûrement partie du fonds Nicolas.

[102] "Lorsqu'on fusille, en Perse, les condamnés sont attachés à un poteau, le dos tourné aux spectateurs de sorte qu'ils ne puissent voir les signes du commandement." Journal Asiatique, 1866, Tome VII, p. 377.

[103]Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 477 et 478.

[104] A.-L.-M. Nicolas, Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab, éd. Dujaric, Paris, 1905.

[105] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 477 et 478.

[106] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller, Téhéran, le 17 mars 1890. direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol. 42.

[107] De De Bonnières au Marquis de La Valette, Campement de Teojrich, 10 juillet 1869. Direction Politique n° 40. MAE, C.P. Perse, Vol. 35.

[108] St-Jean-d'Acre faisait partie à l'époque de l'Empire Ottoman. Cette ville est appelée aujourd'hui Akka ou Acre. Elle se trouve en Israël, sur les bords de la Mer Méditerranée, au sud de la frontière du Liban.

[109] Comte de Gobineau, Téhéran, le 20 mars 1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.

[110] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran, le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37.

[111] Ambassade de France à Constantinople, Thérapia, le 25 octobre 1852. Traduction d'un article du journal officiel de Téhéran relatif à l'attentat commis sur la personne du roi. Nicolas, attaché à l'ambassade de Constantinople, la capitale de l'Empire Ottoman à l'époque.

[112] De De Bonnières au Marquis de La Valette, Campement de Teojrich, 10 juillet 1869. Direction Politique n° 40. MAE, C.P. Perse, Vol. 35.

[113] Article "Babism", Encyclopaedia Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.

[114] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, CP Perse, Tome 37.

[115] Plus tard appelé Baha'u'llah (12 novembre 1817 - 29 mai 1892).

[116] Concile de babis qui avait eu lieu près de la province du Mazandéran où le rang du Bab et son message avait été explicité. C'est lors de cette conférence que Mirza Husayn-'Ali se donne le titre de Baha (splendeur ou gloire en arabe). Baha'u'llah veut dire en arabe, "la gloire de Dieu" ou "splendeur de Dieu".

[117] Son père meurt en 1839.

[118] Hatcher, Martin, La foi baha'ie, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1997, 315 pages. Page 36.

[119] "Baha'i faith", Encyclopedia Britannica / Hatcher, Martin, La foi baha'ie, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1997, 315 pages. p. 47.

[120] "Dix neuf babis sur vingt sont maintenant devenus, semble t-il, des baha'is convaincus." Curzon en 1889.

[121] La proclamation de Baha'u'llah aux rois et aux dirigeants du monde, Maison d'Editions Baha'ie, Bruxelles, 1967, 115 Pages.

[122] Ambassade de France à Constantinople. Thérapia, le 3 octobre 1852. Direction Politique n°21. MAE.

[123] Auteur inconnu. Cf. annexes.

[124] Rey, Dictionnaire historique de la langue française, ed Dictionnaires le Robert, paris 1994, 2 volumes. p. 1905.

[125] De Ferrier au Général de la Hitte, 25 juin 1850. MAE, C.P. Perse, Vol. n°24.

[126] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, CP Perse, Tome 37.

[127] "Les Bâbis (…) ces fanatiques" Consulat de France à Trébizonde, Trébizonde, le 25 décembre 1850, De Clairambault à De La Hitte. Direction Politique n°19. / "Ces fanatiques inspirent au souverain les plus vives appréhensions" Ambassade de Constantinople, Thérapia le 3 octobre 1852.

[128] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller, Téhéran, le 17 mars 1890. Direction Politique n°14. MAE, C.P. Perse, Vol. N°42.

[129] Auteur inconnu. Cf. annexes.

[130] Mort en 755.

[131] Descendant de Ali.

[132] Silvestre de Sacy dans Halm (H), Le chiisme, coll. Islamiques, PUF, Paris, 1995, 276 pages. p. 173.

[133] Encyclopédie de l'Islam, "Bab".

[134] Auteur inconnu. Cf. annexes.

[135] En effet, la dépêche analyse des faits divers concernant les babis jusqu'en 1850, mais n'évoque pas l'attentat sur la vie du Shah perpétré par des babis en 1852.

[136] Première personne à avoir reconnu le Bab, premier croyant babi.

[137] L'antéchrist est l'adversaire du Christ qui, selon saint Jean, doit venir avant la fin du monde pour s'opposer à l'établissement du royaume de Dieu.

[138] Consulat de France à Trébizonde, Trébizonde, le 25 décembre 1850, De Clairambault à De La Hitte. Direction Politique n°19.

[139] Comte de Gobineau, Téhéran le 20 mars 1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.

[140] Smith (P), The Babi and Baha'i Religions, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. p. 33.

[141] 1844 -1848, avant la proclamation publique du Bab qu'il était le Promis.

[142] Dès 1848.

[143] Livre achevé en 1873 à Saint-Jean-D'Acre.

[144] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. Page 521.

[145] Auteur inconnu. Cf. annexes.

[146] De Ferrier à de la Hitte, le 25 juin 1850. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.

[147] Auteur inconnu. Cf. annexes.

[148] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller, Téhéran, le 17 mars 1890. Direction Politique n°14. MAE, C.P. Perse, Vol. N°42.

[149] 1863.

[150] Smith (P), The Babi and Baha'i Religions, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. p. 88.

[151] Momen (M), The babi and baha'i religions, 1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages. p. 244.

[152] Smith (P), The Babi and Baha'i Religions, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. p. 88.

[153] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 1 juin 1864. Direction Politique n°12. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.

[154] Comte de Gobineau, Téhéran le 20 mars 1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.

[155] Téhéran, le 20 juin 1863, J.A. de Gobineau au ministre des affaires étrangères. Adrienne Doris Hytier, Les dépêches diplomatiques du Comte de Gobineau en Perse, Librairie E. Droz, 1959. Pages 250 et 251.

[156] De Ferrier à De La Hitte, Le 25 juillet 1850. MAE, C.P. Perse, vol n° 24.

[157] Lieutenant Colonel Sheil (1803-1871), soldat et diplomate anglais. Il est membre de la légation anglaise à Téhéran dès 1836.

[158] Rapport de Mirza Mahmud intégré dans la dépêche de Hennell à Sheil, Bushihr, le 16 juillet 1850, n° 315. Foreign Office : 248 : 138.

[159] Momen (M), The babi and baha'i religions, 1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages. Page 111.

[160] Le Nord du pays est la région la plus riche, la plus peuplée de la Perse. Ceci explique les adhésions massives du Nord au mouvement babi.

[161] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran, le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37.

[162] De Ferrier à De la Hitte, le 25 juillet 1850. MAE, C.P. Perse, Vol 24.

[163] De Ferrier à de la Hitte Le 25 juillet 1850. MAE, C.P. Perse, Vol. N° 24.

[164] De De Bonnières au marquis de la Valette, Campement de Teojrich, 10 juillet 1869. Direction Politique n°40. MAE, C.P. Perse, Vol. 35.

[165] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller, Téhéran, le 17 mars 1890. Direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol. 42.

[166] Comte de Gobineau, Téhéran le 20 mars 1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.

[167] De Mellinet au Duc Decazes Téhéran, le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37.

[168] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 523-524.

[169] Auteur inconnu, Cf. annexes.

[170] Cf. annexes, Tableau comparatif des conversions juives à la religion baha'ie en 1880.

[171] "Une boucherie, qui n'aurait même pas pour excuse l'entrainement d'un premier mouvement de colère (…) vouloir rompre tout lien avec le monde civilisé que de commettre de pareilles infamies." De Rochechouart à Drouyn de Lhuys Téheran, le 5 mai 1864. Direction Politique n° 10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.

[172] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys Téheran, le 5 mai 1864. Direction Politique n° 10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.

[173] Définition : un soulèvement est un mouvement de révolte collective, d'insurrection. C'est l'action de se soulever : susciter des sentiments, déclencher, pousser à la révolte.

[174] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages.

[175] "The babi Upheavals", Momen (M), The Babi and Baha'i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, Georges Ronald, 1981, 572 pages. Introduction, page 17.

[176] Article "Babism", Encyclopaedia Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.

[177] Auteur inconnu. Cf. annexes.

[178]De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran, le 15 mai 1875. Direction politique n°44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37. MAE.

[179] La partie B. de notre troisième partie évoquera le principe de djihad dans la doctrine babie.

[180] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 5 mai 1864. MAE, CP Perse, vol 33.

[181] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller, Téhéran, le 17 mars 1890. Direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol 42.

[182] En effet, les luti's soutenaient le pouvoir clérical en bravant l'Etat et en imposant les fatwas. En échange de quoi, ils étaient autorisés à piller et voler, trouvant asile dans des refuges (bast) : les mosquées ou résidences des oulémas.

[183] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller, Téhéran le 17 mars 1890. Direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol. 42,

[184] "La popularité croissante de Mulla Husayn, (…) la discipline et l'enthousiasme de ses compagnons provoquèrent la haine implacable de ce mujtahid cruel et arrogant. Il ordonna au crieur d'appeler les habitants (…) "Réveillez vous", hurla t-il du haut de sa chaire, "car nos ennemis se trouvent à nos portes, prêts à balayer tout ce que nous chérissons de plus pur et de plus saint dans l'Islam ! si nous ne leur résistons pas, personne ne survivra à leur assaut" Mulla Husayn est la première personne à avoir reconnu le Bab. Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 310.

[185] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller, Téhéran le 17 mars 1890. Direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol. 42,

[186] Ibid.

[187] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 5 mai 1864, Direction Politique n°10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.

[188] The Babi and Baha'i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts , Georges Ronald, 1981, 572 pages. Introduction, page 17.

[189] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys Téhéran, le 1er juin 1864. Direction Politique n°12. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.

[190] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 519.

[191] Le Soufisme est le courant mystique de l'Islam né au VIII siècle.

[192] "Le gouvernement lui-même rendit hommage à sa science [ de Siyyid Yahya Darabi] et à son mérite et il fut consulté plus d'une fois dans les circonstances difficiles. Ce fut à lui que pensèrent Muhammad Shah et Haji Mirza Aqasi quand ils voulurent trouver un émissaire honnête et dont la fidélité ne fût pas douteuse" Nicolas (A.-L.-M.), Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab, Pages 387-388.

[193] Il se convertit probablement en 1846 ou 1847.

[194] Muhammad-i-Zarandi dit Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maisons d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 167.

[195] Sykes (P.M.), Une histoire de la Perse, Vol. II, Page 439-440.

[196] Markham (C.R.), A General sketch of the history of Persia, Ed. Longmans, Green and Co., Londres, 1874. pages 486-487.

[197] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages.

[198] A.-L.-M. Nicolas, Siyyid 'Ali Muhammad dit le Bab, éd. Dujaric, Paris, 1905.

[199] A.-L.-M. Nicolas, Les Béhahis et le Bâb, librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1933.

[200] "Haji Mirza Aqasi était sans aucun doute responsable des circonstances qui avaient incité le shah à envoyer une telle lettre au Bab." Ibid. Page 216.

[201] Nicolas, Les Béhahis et le Bâb, Librairie Orientaliste Paul Geuthner, paris, 1933, 7 pages, P 5.

[202] Titre que s'octroie Mirza Taqi Khan.

[203] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. Page 544.

[204] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller, Téhéran le 17 mars 1890. Direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol. 42,

[205] Ambassade de Constantinople, Thérapia le 3 octobre 1852. Direction Politique n°21.

[206] Momen (M), The Babi and Baha'i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, Georges Ronald, 1981, 572 pages.

[207] Auteur inconnu. Cf. annexes.

[208] De Ferrier à De La Hitte le 24 février 1851. MAE, C.P. Perse, Vol 24.

[209] De Ferrier à De La Hitte le 25 juillet 1850. MAE, C.P. Perse, Vol 24.

[210] Momen (M), The Babi and Baha'i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, Georges Ronald, 1981, 572 pages. p. 91.

[211] Le Farsakh est une unité de mesure. Sa longueur diffère, dans les différentes régions du pays, selon la nature du sol. L'interprétation du terme est généralement la distance parcourue en une heure par une mule bâtée, distance qui varie de 4,8 km à 6,4 Km.

[212] Ferrier au général de la Hitte, 21 fev 1850. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.

[213] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 543 à 573.

[214] Titres portés par les dix huit premiers disciples du Bab, (Cf. II).

[215] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 308-309.

[216] L'été 1847, le Bab est emprisonné dans la forteresse de Mah-Ku, dans la province de l'Adhirbayjan. Le 10 avril 1848, il est ensuite transféré dans la prison de Chiriq située dans la même province

[217] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 312.

[218] Il s'agit du sanctuaire de Shaykh Ahmad Ibn Abî-Tâleb Tabarsi.

[219] Cf. annexes, la construction du fort.

[220] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983.

[221] Momen (M), The Babi and Baha'i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, Georges Ronald, 1981, 572 pages. p. 91.

[222] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 548.

[223] Ibid. p. 568.

[224] Momen (M), The Babi and Baha'i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, Georges Ronald, 1981, 572 pages. p. 96.

[225] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 355.

[226] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 546-547.

[227] Palmerson à Sheil, FO 60 150, n° 23, 22 février 1850.

[228] Muhammad-i-Zarandi dit Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maisons d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages.

[229]Ibid. Page 418.

[230] Ibid, page 420.

[231] Cf. annexes.

[232] [232] Momen (M), The Babi and Baha'i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, Georges Ronald, 1981, 572 pages. p. 101.

[233] Salesse (B), Journal de voyage en Europe (1873) du shâh de Perse, Sindbad, Actes Sud , 2000, 314 pages. p. 15.

[234] Proudhon (P.J), Qu'est-ce la propriété ? , A. Lacroix, Verboeckhoven and Co, Paris, 1867. Page 13-15.

[235] De Ferrier à De La Hitte, 25 juin 1850. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.

[236] Auteur inconnu.

[237] De Mellinet au Duc Decazes Téhéran, le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37.

[238] Comte de Gobineau Téhéran le 20 mars 1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.

[239] Le messianisme est l'attente et l'espérance du Messie dans la Bible. C'est aussi la croyance dans la venue d'un libérateur ou d'un sauveur qui mettra fin à l'ordre présent, considéré comme mauvais, et instaurera un ordre nouveau dans la justice et le bonheur.

[240] Traduction de courtoisie, Ann. K.S. Lambton, Qajar Persia, LB. Tauris and Co LTD, Londre, 1987.

[241] Article "Babism", Encyclopaedia Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.

[242] Smith (P), The Babi and Baha'i Religions, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. Page 51.

[243] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran, le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37.

[244] Le fidèle et le mollah ordinaire sont soumis au taqlîd, la soumission à l'autorité d'un mujtahid. Le mujtahid hautement qualifié devient un marja'al taqlîd c'est-à-dire, mujtahid sur lequel le croyant se décharge de sa responsabilité relative aux questions de foi. En principe, tout mujtahid est marja'al taqlîd, cependant à partir du XIX siècle, une tendance à l'existence d'un marja'al taqlîd unique, reconnu comme autorité suprême émerge. Seul le plus instruit et le plus savant peut revendiquer le statut de marja'al taqlîd suprême.

[245] Smith (P), The Babi and Baha'i Religions, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. p. 22.

[246] Commentaire sur la sourate de Joseph (Coran) par le Bab. C'est l'un des ouvrages les plus importants de la doctrine babie, après le Bayan, code de lois babies.

[247] Nous ne connaissons pas les dates de vie et de mort de ce protagoniste, ni la date des faits.

[248] Sélections des écrits du Bab, Maison d'Editions Baha'ie, Belgique, 1984, 224 pages, pages 10 à 25.

[249] La Proclamation de Baha'u'llah aux rois et aux dirigeants du monde, Maison d'Edition Baha'ie, Belgique, 1967, 115 pages, P 55

[250] Campement de Teojrich, 10 juillet 1869. Direction politique n° 40. Correspondance Politique et Consulaire 1869.

[251] Muhammad-i-Zarandi dit Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maisons d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 562.

[252] Cf. Annexes.

[253] J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 605.

[254] Auteur inconnu.

[255] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 565.

[256] Gobineau Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale P 607.

[257] Mellinet au Duc Decazes, Téhéran, le 15 mai 1875,. Direction Politique n°44. MAE, CP perse, Vol N°37.

[258] Le Trombinoscope, juillet 1873, F. Debons et Ce, Paris. Cf. annexes.

[259] CP Perse Vol 46, Téhéran le 2 mai 1896, de De Baloy à Hanotaux. Direction des Affaires Politique N° 18. MAE.

[260] CP Perse Vol 46, Téhéran le 12 juin 1896, de De Baloy à Hanotaux. Direction des Affaires Politique N°28. MAE.

[261] CP perse, Vol N°37, Téhéran, le 15 mai 1875, de Mellinet au Duc Decazes. Direction Politique n°44. MAE.

[262] campement de Tedgeriche, le 28 juin 1848, Direction Politique n°10, Mémoires et Documents, Perse, Vol 23.

[263] Extrait de l'intervention de Mr Faü lors du séminaire sur les conversions religieuses à l'EHESS, Paris, le mardi 5 décembre 2000, de 16H00 à 18H00.

[264] Dynastie perse qui règne de 224 à 226 jusqu'à la conquête arabe en 651.

[265] De Sartiges a Guizot. Téhéran, le 29 janvier 1848, direction politique n° 46. CP. Perse, Vol. 23.

[266] De Sercey au Ministère des Affaires etrangères. Pas de date. MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 23.

[267] de Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller, Téhéran, le 17 mars 1890. Direction Politique n°14. MAE,C.P. Perse, Vol. 42.

[268] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 5 mai 1864.Direction Politique n°10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.

[269] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran le 5 mai 1864. Direction Politique n°10. MAE, CP Perse vol n° 33.

[270] C.P. Perse, Vol. 35. Campement de Téojrich, le 10 juilet 1869, de Bonnières au marquis de la Valette. Direction Politique n°40. MAE.

[271] Sheil à palmerson, N° 7, 15 janvier 1850, FO 60 150.

[272] Mr Le ministre des affaires étrangères français le 14 décembre 1918 au haut commissaire français à Beyrouth.

[273] Abdu'l-Baha, est le fils de Baha'u'llah, et est à la tête de la communauté baha'ie, à la mort de son père.

[274] Le Caire, Le 17 décembre 1918, Mr Picot au Quai d'Orsay.

[275] Auguste Forel est un scientifique suisse. Il est professeur à l'université de Zurich, puis est directeur de l'asile du Burghölzi de 1879 à 1898. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur les sciences naturelles et la sociologie.

[276] Asie, 1918-1940, Perse, Vol.22, France le 10 avril 1925, Auguste Forel à Edouard Herriot. MAE.

[277] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 5 mai 1864. Direction Politique n°10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.

[278] Cf. Annexe.

[279] Lettre figurant en annexes.

[280] Gobineau : 1816-1882.

[281] Chapitre VI : Commencement du bâbisme. / Chapitre VII : Développement du bâbisme. / Chapitre VIII : Combats et succès des bâbîs dans le Mazendérân. / Chapitre IX : Chute du château du Cheïkh-Tebersi. Troubles à Zendjan. / Chapitre X : Insurrection de Zendjan. Captivité et mort du Bâb. / Chapitre XI : Attentat contre le roi. / Chapitre XII : les Livres et la Doctrine des bâbîs.

[282] Clément Serpeille de Gobineau, Correspondance entre le comte de Gobineau et le comte de Prokesch-Osten (1854-1876), éd. Plon, Paris.

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