Les dépèches
diplomatiques françaises
concernant les religions babie et baha'ie
au temps du Bab et de Baha'u'llah (1844-1892)
Mlle Caroline DISPAGNE - Mémoire de maîtrise
- Université de Paris IV, Paris-Sorbonne
Sommaire du mémoire
Chapitres du mémoire
I
- L'état de la Perse, ses relations intérieures et extérieures au moment de
l'émergence du mouvement babi
A. Etude structurelle du règne Qâjâr
La chronologie royale iranienne se divise en plusieurs dynasties. De la fin
du XVIIIe siècle jusqu'au début du XXe siècle, règnent les Qâjârs. La période
qâjâre débute en 1779 avec l'intronisation de Aqa Muhammad Khan et se termine
en 1925 à la déposition de Ahmad Shah.
En 1779, Aqa Muhammad Khan déplace le siège du pouvoir de Ispahan (capitale
des Safavides) à Téhéran en déclarant cette dernière capitale de la Perse. A
cette époque, il s'agit d'une bourgade sans importance située près de Ravy.
Les différentes conquêtes conjuguées à l'ambition qâjâre concourent à la chute
des Zends à Chiraz et à Kirmân en 1794. Aqa Muhammad Khan conquiert ensuite
le Nord-Est de l'Iran (le Khorasan), l'Azerbaïdjan, l'Arménie et la Géorgie.
En 1796, il s'attribue le titre de "Grand Roi" à Téhéran.
Le XIXe siècle voit la transformation structurelle de la Perse : d'une monarchie
médiévale islamique, elle devient une monarchie constitutionnelle dont les formes
extérieures s'apparentent à celle d'un gouvernement occidental à caractère représentatif.
A cette époque, la Perse subit l'influence grandissante des grandes puissances
occidentales telles que la Russie, la France et la Grande-Bretagne. Ainsi, la
propagation des idées libérales de l'Ouest et les avancées technologiques [3] participent à la transformation de la Perse,
tant sur le plan économique que politique. Cependant il est à noter que ces
transformations structurelles se mettent en place que très difficilement et
se font jour que vers la fin du XIXe siècle. Aussi, la Perse du XIXe siècle
est décrite comme une société en pleine déchéance, en proie au déclin et à l'anarchie.
1- La structure politique et militaire sous le règne
Qâjâr
a) Structure politique
Les Qâjârs, comme beaucoup d'autres dynasties perses, sont d'origine turque
ou sont issus de tribus turcomanes, dont en général ils sont les chefs. Leurs
origines ne sont pas parfaitement connues, on les pense originaires des steppes
situées au sud de la mer Caspienne. De ces origines, les princes Qâjârs conservent
une attirance pour le nomadisme. Ainsi ils adoptent une vie de camp et dirigent
leurs troupes dans les différentes expéditions et raids. Cavaliers hors pairs,
les rois sont habitués à chasser. La plupart des membres de la famille Qâjâr
préfèrent une vie nomade à une vie sédentaire, un village à une ville, une tente
à un palace. La cour royale est en effet toujours en voyage, comme nous l'illustre
la dépêche suivante : "Le roi vient de quitter Téhéran pour n'y plus rentrer
qu'à l'automne (…) Sa majesté ira comme elle le fait chaque année, se promener
et chasser dans les montagnes. Ce besoin de déplacement devient chaque jour
plus impérieux et depuis six mois on pourrait presque compter les heures que
le Chah a passé dans sa capitale ; les affaires s'en ressentent de la façon
la plus fâcheuse." [4]
Au cours de notre étude, nous rapporterons des faits confrontant babis, baha'is
et le roi. Ces rencontres s'effectuent la plupart du temps dans un campement
royal, aussi, avons-nous juger pertinent de nous arrêter sur le nomadisme royal.
En 1797, après avoir établi leur souveraineté sur la Perse, les Qâjârs cessent
d'être de simples chefs de tribus pour devenir, comme les souverains précédents,
des monarques absolus ; les Qâjârs considèrent le souverain comme "l'ombre de
dieu sur terre" [5]. Bien que ces derniers ne puissent se réclamer
être des descendants des Imams, comme l'étaient les Safavides [6], ils considèrent le caractère de leur pouvoir comme quasiment
sacré. En effet, pour marquer leur puissance aux yeux de leurs sujets, les Qâjârs
s'attachent à exalter le caractère élevé, voire sacré, de leur domination.
Tout au long du XIXe siècle, la magnificence de la cour royale ne cesse de croître.
Le faste lui permet d'asseoir sa puissance, aussi la cour organise-t-elle de
somptueuses fêtes où le protocole reste prépondérant. Par ailleurs, la population
est invitée à offrir au Shah de riches cadeaux. Les gouverneurs chargés d'inspecter
les provinces connaissent le même cérémonial.
Ainsi, l'arrivée d'une ambassade étrangère constitue l'occasion pour le Shah
d'apparaître dans toute sa grandeur.
De surcroît, le faste de ces cérémonies atteste du crédit et du respect accordé
par le Shah à un gouvernement étranger. Ainsi, ces cérémonies étaient-elles
très attendues des émissaires étrangers. Beaucoup de voyageurs européens évoquent
la splendeur de la cour des Qâjârs et de l'importance accordée aux titres et
symboles synonymes de pouvoir.
"Il n'y avait pas dans d'autres cours, une attention si rigide portée au protocole.
Les regards, les mots, les mouvements du corps étaient dirigés par des formes
strictes (…) Rien n'excède la splendeur de la cour de Perse dans les occasions
extraordinaires. La plus grande magnificence est régulée par l'exactitude des
ordres." [7].
D'après A. K. S. Lambton [8], les fastes et la grandeur de la cour,
ne doivent pas en principe entraver l'accessibilité du peuple au Shah. La possibilité
d'en référer au roi pour tous types de griefs permet de contrebalancer le pouvoir
des fonctionnaires. Cependant, son effectivité est limitée. "Il était possible
pour toute personne d'être reçu par le Shah en audience, et la plupart des suppliants
soumettaient leurs pétitions au Shah en mains propres. Les membres des basses
classes pouvaient obtenir facilement une audience et de présenter oralement
leurs plaintes. Si le droit était de leur coté, il retournait rarement déçus."
[9].
Comme nous le verrons en troisième partie, les babis et baha'is ont souvent
fait appel au Shah pour défendre leur cause en demandant soutien et protection.
Souvent, ces demandes sont restées vaines.
La Perse est une monarchie absolutiste et les historiens et contemporains de
l'époque considèrent les souverains qâjârs comme des despotes. Dans son oeuvre
Persia and the persian question [10], Lord Curzon définit le souverain comme
une personne qui "possède un pouvoir illimité sur la vie et les biens de chacun
de leurs sujets". En effet, le souverain nomme et révoque les ministres, les
fonctionnaires, les juges.
Le roi détient les fonctions législatives, exécutives et judiciaires. De plus,
le Shah possède pouvoir de vie et de mort tant sur sa propre famille que sur
les fonctionnaires militaires et civils et sur la population. Au cours du XIXe
siècle quatre rois vont se succéder à la tête du royaume persan [11] :
Fath 'Ali Shah, qui règne de 1797 à 1834.
Muhammad Shah qui règne de 1834 à 1848.
Nasiri'd-Din Shah qui règne de 1848 à 1896.
Muzzafar al-Din Shah qui règne de 1896 à 1907.
Les mouvements babi et baha'i sont particulièrement confrontés à deux rois que
nous évoquerons dans la suite de notre étude : Muhammad Shah et Nasiri'd-Din
Shah.
C'est d'ailleurs sous le règne de Muhammad Shah que naît le mouvement babi en
1844.
Il est à noter que les Qâjârs ne sont jamais parvenus à maintenir une solidarité
familiale. Ainsi, en Perse, les successions sont des périodes troublées. C'est
le plus souvent lors des périodes charnières, constituées par les successions
et les débuts d'un règne, que l'on constate une recrudescence des conflits,
notamment ceux entre les babis le clergé et les autorités.
"Un changement de règne est toujours dans l'Asie centrale, un moment fort critique.
En Perse, (…) il s'établit alors une anarchie qui dure plus ou moins longtemps,
qui prend un caractère plus ou moins violent et tourmenté, mais qui ne manque
jamais de suspendre l'action des lois, en vertu du principe que la volonté souveraine
a, pour plus ou moins de temps, disparu (…) En outre, bien des passions et des
intérêts sont là pour réveiller, exciter, attiser, mettre en flamme la discorde
générale. S'il y a plusieurs prétendants au trône, ceux-là veulent du désordre
pour redoubler leurs chances de succès et se faire des partisans actifs." [12] Comme le relate Gobineau, la succession
de chaque souverain Qâjâr donne lieu à de sérieux troubles. Le défaut d'un système
stable de succession est une source de faiblesse qui conduit chaque fois à des
intrigues lors de la désignation du Walu+-'ahd. En effet, une coutume perse
veut que le Shah nomme un de ses fils Walu+-'ahd "prince héritier".
Lors de leur prise de pouvoir, Fath'Ali Shah, Muhammad Shah et Nasiri'd-Din
Shah sont confrontés à diverses oppositions armées émanant de certains princes
qâjârs. Chacun des Shah a un grand nombre d'enfants [13], ce qui entraîne une rivalité dans la
fratrie et est source de conflits éventuels. Par exemple, la mort de Fath 'Ali
Shah provoque des luttes entre rivaux se prétendant au trône. L'Encyclopédie
de l'Islam rapporte l'antagonisme qui existe entre les fils de Fath 'Ali Shah,
notamment entre 'Abbas Mirza, désigné Walu+-'ahd et Muhammad 'Ali Mirza (le
futur roi Muhammad Shah). Celui-ci risquait de dégénérer en rébellion. A la
mort de 'Abbas Mirza, son père, Fath 'Ali Shah, retarde la nomination de Muhammad
'Ali Mirza en tant que Walu+-'ahd. Il craint que cette nomination génère des
troubles et ne se termine en guerre civile.
Dans les années 1840, à l'époque de Gobineau, les intrigues des Anglais et des
Russes qui appuient le candidat le plus favorable à leurs intérêts [14], augmentent d'autant les difficultés
de cette nomination.
Les membres de la famille royale, fort nombreux, ont à charge des responsabilités
gouvernementales. En effet, les Qâjârs ont perpétué la coutume des premières
dynasties iraniennes, politique abandonnée par les Safavides, de conférer les
gouvernements provinciaux aux princes de la famille royale (les fils (shahzadas)
et petit-fils du roi). Ce morcellement du pouvoir présente un avantage certain.
Cela permet au Shah de maintenir un équilibre entre ces diverses forces politiques
et surtout d'éviter les conspirations des princes. Cependant, cette gouvernance
possède quelques inconvénients : dans sa province, loin du contrôle du gouvernement
central, le prince peut nourrir des ambitions et se créer un pouvoir important.
Ainsi, les princes ambitieux peuvent utiliser les ressources provinciales pour
fomenter d'éventuelles rebellions. De plus, chaque province possède une capitale,
copie de la cour royale de Téhéran, qui génère pour les populations locales
des charges conséquentes.
Les princes gouverneurs, les Beglerbegis, possèdent leur propre cour constituée
d'une administration, d'une force militaire et de revenus officiels (mustaufi).
L'étendue spatiale, la situation géographique et le potentiel des ressources
conditionnent la position hiérarchique de ladite province. Lors des soulèvements
babis (chapitre III), les Beglerbegis vont jouer un rôle primordial. Le clergé
chiite, insécure face à l'émergence de cette nouvelle religion, exhorte les
foules contre ces nouveaux croyants. Lors de ces pogroms, les autorités provinciales
prennent le parti des religieux chiites et de la population musulmane. De plus,
elles sont à l'initiative de l'engagement étatique, en tant que représentant,
dans les attaques et combats contre les babis et baha'is.
Il arrive que les Beglerbegis, lors de leur accession à la charge provinciale,
soient mineurs. Aussi sont-ils assistés par un tuteur, le vizir ou pishkar,
qui gouverne pour le prince. Lorsque le prince gouverne, le vizir contrôle alors
les actions du prince, ceci au nom du gouvernement central.
Ainsi, dès 1818, la province de l'Azerbaïdjan est traditionnellement gouvernée
par le prince héritier qui réside à Tabriz, loin de la cour. Il s'agit d'une
période d'apprentissage. Les provinces sont alors dirigées par d'autres princes
ou membres des classes dirigeantes.
Le Shah s'appuie sur ses ministres, qui ont la charge d'un certain nombre d'affaires
ou conseillent le souverain.
Le grand vizir, le sadr-i a'zam ou Premier ministre, détient un rôle essentiel.
Choisi par le souverain, il peut être plus ou moins influent et infléchir la
politique royale. Il possède une ascendance certaine sur les ministres "les
employés de l'Etat, civils et militaires relèvent du premier ministre qui les
nomme et les destitue à son plaisir" [15]. Il a notamment pour fonction de procurer
les fonds à l'administration et à la défense de l'Etat. Sa tâche dépend souvent
de la faveur et de la confiance octroyée par le roi, mais aussi de la compétence
du Shah. En dépit de leurs prérogatives, leur vie est constamment en péril.
En effet, ils sont révocables selon les intrigues et les désirs royaux.
Tout au long de notre devoir nous évoquerons trois de ces premiers ministres
qui ont joué un rôle majeur dans la lutte contre la nouvelle croyance : il s'agit
de Haji Mirza Aqasi, Mirza Taqi Khan et Mirza Aqa Khan Nuri.
En 1835, Haji Mirza Aqasi devient Premier ministre. Originaire de Géorgie, il
avait été le tuteur de Muhammad 'Ali Mirza, (le futur roi Muhammad Shah), en
Azerbaïdjan. Grâce à sa position de sadr-i a'zam et au cumul d'un grand nombre
de postes gouvernementaux et de responsabilités, il parvient à concentrer une
partie du pouvoir. Cette situation entraîne la détérioration économique et politique
du pays. Il devient rapidement impopulaire et à la mort du roi Muhammad Shah,
en 1848, il doit, par crainte de représailles, se réfugier en Russie puis à
Karbala.
"Comme il [Muhammad Shah] avait un grand besoin d'affection et qu'il ne trouvait
guère de sentiments de ce genre dans sa famille, (…), il avait concentré toutes
ses affections sur le vieux mollah, son précepteur. Il en avait fait son unique
ami, son confident, puis son premier et tout puissant ministre (…) Dans tous
les cas, il [Haji Mirza Aqasi] professait les mêmes principes généraux que le
roi, et les lui avait de bonne foi inculqués. Mais cela ne l'empêchait pas de
bouffonner. La bouffonnerie était le système, la règle, l'habitude de sa conduite
et de sa vie." [16]
A son accession au trône en 1848, Nasiri'd-Din Shah désigne Mirza Taqi Khan
au poste de Premier ministre. Ce dernier était en 1843, gouverneur adjoint de
l'Azerbaïdjan. Il profite de la jeunesse du Shah et de son inexpérience, le
Shah a dix-sept ans à son intronisation. Mirza Taqi Khan profite de cette situation
pour accaparer le pouvoir. La sévérité de sa politique suscite la réprobation
de la population et des princes qâjârs. C'est en effet sous son ministère que
de nombreuses répressions sont perpétrées contre les babis, et c'est lui qui
ordonne l'exécution du Bab (II). Cette désapprobation se transforme en opposition
et en 1851, Mirza Taqi Khan est renversé et assassiné par ses ennemis politiques.
Cependant, pour la majeure partie des historiens, il est considéré comme un
grand réformateur et l'un des fondateurs de l'Iran moderne. Pourtant, les Européens
résidents ou de passage à Téhéran ne rapportent pas une image très enthousiaste
de cet homme.
Ferrier agent diplomatique en Perse, en témoigne dans cet extrait d'article
: "Depuis 1848, le trône des Kadjar est occupé par un jeune prince ne manquant
pas de bonnes intentions, mais complètement dirigé par son premier ministre,
l'émir atâbek [17] Mirza tarî Kân (Taghi Khan), dont la
folle vanité et l'ambition ont encore augmenté le désordre et l'anarchie dans
lesquels ce malheureux pays se débat depuis tant d'années." [18]
Mirza Aqa Khan Nuri succède à Mirza Taqi Khan en qualité de Premier ministre
de Nasiri'd-Din Shah. Reconnu pour son ambition, il a souhaité ardemment devenir
Premier ministre. Sous le règne de Muhammad Shah, il s'oppose à Haji Mirza Aqasi
et connaît l'exil à Kashan, où il rencontre les babis. Nous le verrons en troisième
partie, dès son arrivée au pouvoir, il espère une réconciliation entre le gouvernement
et les babis. Il est probable que Mirza Aqa Khan Nuri ait été impliqué dans
la chute de Mirza Taqi Khan en 1851. En novembre de cette même année il accède
au poste de Premier ministre. Au pouvoir, il annule la majeure partie des réformes
de Mirza Taqi Khan et est confronté à la désastreuse guerre anglo-persanne de
1856-1857. Il est à l'origine de la vague de persécutions engagée contre les
babis après la tentative d'assassinat contre le Shah en 1852. En août 1858,
lors de la réorganisation du gouvernement par Nasiri'd-Din Shah, il est révoqué.
L'administration civile de l'empire Qâjâr est basée sur le modèle de l'empire
Safavide. Tous les fonctionnaires sont adjoints du Shah. Le Shah, seul, détient
le pouvoir exécutif. De cette façon, les fonctionnaires sont dépossédés de réelles
prérogatives. Ils sont élevés ou dégradés selon la volonté du Shah. Après la
fonction de Premier ministre, il existe trois offices conséquents :
- La première administration en ordre d'importance est le trésor public ou administration
financière, son haut responsable est le mustawfi al-mamalik. Ce dernier a la
charge des mustawfis, ceci pour chaque province ou groupe de provinces. Leur
tâche consiste à préparer les revenus des taxations des provinces, contrôler
les comptes de la province, vérifier et sanctionner les projets des revenus
provinciaux.
- La fonction de vazir-i lashkar, le ministre de la guerre, réside dans une
fonction surtout administrative et bureaucratique. Chaque régiment possède son
propre fonctionnaire financier (mustawfi) et fonctionnaire de la guerre et (lashkar-nivis)
qui tous sont sous la direction du vazir-i lashkar.
- Le munshi al-mamalik est une sorte de chef secrétaire.
Le service de la cour, de l'administration locale et centrale comprend un nombre
important de fonctionnaires. Pour exemple : le sahib diwan dont la fonction
principale consiste à signer les documents ; le mu'ayyir al-mamalik administre
la monnaie ; le khatib al-mamalik lit la khutba au nom du Shah au nouvel an
et lors d'autres occasions de cérémonies ; le munajjim-bashi, est astrologue.
Au milieu du XIXe siècle, Nasiri'd-Din Shah semble vouloir réformer les structures
du gouvernement. Vers 1858, après le renvoi de l'office de sadr-i a'zam de Mirza
Aqa Khan Nuri, le Shah crée six ministères : le ministère de l'intérieur, des
affaires étrangères, de la guerre, des finances, de la justice, des appointements
et awqaf. Les ministres en charge doivent agir d'une façon indépendante se référant
au besoin au Shah. Ils sont tenus de se réunir en conseil de ministres. Les
querelles et les ambitions personnelles vont rapidement concourir à l'échec
de ce système. Plusieurs tentatives de modernisation du pouvoir sont tentées,
tel l'établissement en 1859 d'un corps consultatif incluant le prince, un notable,
un ouléma (membre du clergé chiite), un fonctionnaire, mais sans grand succès.
Ainsi, en 1871, Nasiri'd-Din Shah, au pouvoir et sans Premier Ministre depuis
1858, nomme Mirza Husain Khan sadr-i a'zam (Premier ministre).
Les hautes charges du royaume persan reviennent généralement aux membres des
grandes familles (d'abord les membres de la famille Qâjâre, puis les chefs tribaux,
enfin les propriétaires terriens). La corruption et le népotisme sont des traits
caractéristiques de la bureaucratie persane ; A.K.S. Lambton, dans son ouvrage
les évoque : "un poste gouvernemental était considéré comme le chemin de la
fortune (…) le népotisme était un trait caractéristique de l'administration
(…), l'intrigue et la corruption étaient présentes partout dans la vie publique.
On obtenait ou on gardait son poste en offrant des présents au Shah ou à d'autres
personnages !" [19]. Cependant, en Perse, une certaine mobilité sociale
existe puisqu'il est possible pour un homme de "naissance obscure" d'accéder
à une fonction à responsabilité et ainsi de parvenir à la richesse.
b) L'armée perse au XIXe siècle
L'armée perse est omniprésente dans l'histoire babie. En effet, lors de conflits
armés entre la population, les oulémas et les babis, les troupes provinciales
et royales sont, à plusieurs reprises, dépêchées pour mettre fin aux soulèvements.
Dès lors, il est intéressant que nous nous attardions sur les forces armées
persanes au XIXe siècle.
Dans les premiers temps qâjârs, le Shah dirige lui-même les armées. A partir
du règne de Nasiri'd-Din Shah (1848-1896), et jusqu'en 1871, le commandement
des armées revient à l'un des princes qâjârs. L'armée perse au XIXe siècle semble
peu efficace comme nous le relate, de façon crue et ironique l'agent français
Ferrier, adjudant général, accrédité en Perse : "Les soldats n'ont ni discipline,
ni respect, ni obéissance pour leurs chefs ; ces derniers n'ont aucun sentiment
de leurs droits, de leurs devoirs, de leur dignité (…) l'instruction des troupes
est tout à fait nulle ; elles en savent juste assez pour se faire battre à plate
couture (…) Rien ne peut donner une idée de l'ignorance des officiers(…) Sur
cent bataillons d'infanterie existant, un tiers seulement est armé de fusils
en si mauvais état, qu'il y a du danger à s'en servir ; leur équipement et leur
habillement sont aussi délabrés. La cavalerie est toute irrégulière, et ne peut
rendre aucun bon service à l'armée." [20]
Le nombre total des forces armées de Aqa Muhammad Khan, premier roi Qâjâr en
1776, est estimé entre 70 000 à 80 000 hommes. Cependant, en raison des faibles
sommes allouées à l'armée, le Shah ne peut entretenir cette force que six ou
sept mois maximum dans l'année. L'armement des soldats se compose principalement
d'arcs, de flèches, de massues, de gourdins, de lances ainsi que de sabres.
Les armes à feu se résument à des mousquets. La cavalerie porte des vêtements
de maille, l'artillerie était quasiment inemployée.
A la mort de Aqa Muhammad Khan en 1797, on note une détérioration sensible des
capacités des forces armées. Les militaires qâjârs sont peu performants. L'armée
perse est constamment en proie au manque de discipline et au manque chronique
d'effectif notamment au niveau des dirigeants.
L'armée, au XIXe siècle, s'articule autour de deux sections distinctes. Premièrement,
elle se compose des forces traditionnelles qui date de Aqa Muhammad Khan. Deuxièmement,
elle est constituée par les unités créées sur le modèle européen. En effet,
tout au long du XIXe siècle, l'administration militaire fait appel à des conseillers
occidentaux, à l'instar de Ferrier, afin de réformer l'armée perse. Il faut
noter que la taille et l'effectivité de l'armée s'adaptent aux besoins et exigences
fiscales.
L'armée traditionnelle peut se diviser en trois catégories. La première est
constituée de la garde royale : la garde personnelle du roi, une garde bien
armée avec des cavaliers efficaces. Elle est formée de ghulams (esclaves), notamment
des esclaves géorgiens commandés par de jeunes nobles qâjârs. D'après l'ouvrage
"Qâjâr Persia" [21], cette garde royale se compose d'environ
3000 à 4000 hommes. Au milieu du XIXe siècle, le nombre de soldats de la garde
royale semble avoir diminué (il est évalué entre 1500 et 2000 hommes).
Les princes qâjârs, gouverneurs de province, détiennent une garde similaire,
toutefois plus petite. Ce genre de garde est surtout présente dans les provinces
instables où les soulèvements sont latents (Khorasan, Kirmanshah). Lors des
soulèvements babis (chapitre III), ces derniers ont dû être confrontés à ce
type de troupe provinciale.
Deuxièmement, il existe une levée de troupes tribales qui sert de réserve. Ce
sont des cavaliers tribaux sous la commande de leurs chefs respectifs. En théorie,
elles sont, en période de besoin, à la disposition du Shah. La principale force
armée du Shah est celle formée par le contingent tribal. Une fois par an, lors
de la fête du nouvel an, ces tribus doivent être présentées au roi ; si cette
année là leur service n'est pas nécessaire, elles peuvent disposer et rentrer
chez elles. Le gouverneur des provinces, à l'égal du roi, peut également lever
des contingents de tribus.
Troisièmement, il existe des milices dont les membres sont recrutés dans la
population des provinces par le gouverneur provincial ou les dirigeants des
villes, notamment celles du Mazandéran et d'Asterabad. Ce sont donc des populations
armées mais manquant d'entraînement et de discipline.
En 1809, l'armée recrutée dans les tribus et dans la population urbaine atteint
le nombre de 12000 hommes.
Cette armée traditionnelle est efficace lors d'événements sporadiques (soulèvements,
rebellions), mais elle ne peut faire face lors des guerres frontalières avec
d'autres grandes puissances telles que la Grande-Bretagne ou la Turquie [22].
Dans un désir de réorganisation les souverains qâjârs s'inspirent des armées
modernes occidentales pour créer un nouveau corps d'armée. Ce dernier, à la
fin du XIXe siècle, comprend 12 000 cavaliers et 12 000 soldats d'infanterie.
Il s'organise autour de douze bataillons de 1000 hommes regroupés en neuf régiments.
Ainsi, au cours du XIXe siècle, diverses tentatives se font jour afin de remplacer
les forces irrégulières par des forces régulières ou semi-régulières, formées
et disciplinées selon la mode européenne. Aussi des missions militaires provenant
de diverses nations sont employées à cette fin. La première tentative sérieuse
de réforme militaire s'effectue sous la direction d'officiers venus avec la
mission du général Gardane (militaire français) qui arrive en Perse en 1807.
Cette mission se retire en 1808. La seconde tentative d'introduction d'une discipline
et des méthodes européennes va être entreprise en Perse en 1810 par des officiers
anglais qui décident de passer au service de la Perse (mission de Sir John Malcom).
En vertu du traité anglo-persan de 1814, le gouvernement britannique fournit
des officiers afin d'assurer l'entraînement militaire et d'enseigner la discipline.
Il fournit également armes et munitions. Un an après, un désaccord entre les
deux pays mettra un terme à cette collaboration. Jusqu'à la fin du règne de
Muhammad Shah, en 1848, plusieurs efforts de restructuration de l'armée persane
sont mis en place. En effet, des officiers d'Inde et de France se rendent en
Perse pour recruter et entraîner les troupes, mais sans obtenir des résultants
probants. A cette époque, l'armée se trouve en réelle décadence.
Mirza Taqi Khan, le Premier ministre de Nasiri'd-Din Shah, entreprend alors
la réorganisation de l'armée. Il décide de réformer notamment la solde et le
recrutement. Les contingents fournis par les tribus et les habitants des villages
doivent servir pour une période définie. Durant ce service, ils reçoivent des
provisions et perçoivent un faible revenu annuel. Le recrutement est réorganisé
et établi sur la base d'un système de quotas, chaque village, district et tribus
devant fournir un nombre défini de conscrits. En 1851, la Dar al-funun, la première
école à enseigner les sciences modernes, est mise en place en vue de former
les officiers de la nouvelle armée. Les instructeurs civils ou militaires sont
étrangers notamment autrichiens. Ces mesures ne donnent que peu de résultats
immédiats et la pénurie de fonds empêche la mise en place de mesures efficaces.
Aussi, ces réformes militaires sont abandonnées par le successeur de Mirza Taqi
Khan. Seule la brigade cosaque (organisée par les Russes) devient réellement
active dès la fin du XIXe siècle.
2- Le maillage social de la Perse
En Perse, les pouvoirs économiques et politiques se partagent principalement
entre les chefs tribaux, les marchands, les propriétaires fonciers et les oulémas.
Ils représentent un poids conséquent de la vie persane. Aussi il nous semble
important d'étudier ces catégories de population d'autant que nous les évoquons
au cour de l'évaluation du profil sociologique des membres des religions babi
et baha'ie.
Ainsi, après la famille qâjâre, les membres dirigeants de la société sont les
chefs tribaux, "les nombreuses tribus turkes répandues dans tout l'Empire depuis
Astérabad jusqu'au fond des provinces les plus méridionales (…) Ils remplissent
l'armée, et dans les rangs du clergé et des hommes d'administration et de gouvernement,
ils occupent plus de la moitié des emplois. La dynastie actuelle n'est nullement
la première qu'ils aient fourni au pays ; c'est incontestablement chez eux que
ce trouve le nerfs de la nation" [23]. Les Bakhtiyaris, les Kurdes, les Afshars, les Qaragozlus,
les Arabs, les Qashqa'i, les Baluch, les Turcomans, sont les tribus qui s'imposent
dans le pays. Elles possèdent des domaines considérables.
Ces tribus sont indépendantes et autonomes. Elles organisent et conduisent leurs
affaires internes et dirigent la population qui habite sur leur territoire.
Au début du XIXe siècle, les tribus nomades forment près la moitié de la population
persane. A la fin de ce siècle, elles constituent un quart de la population
perse. Cet effectif reste stable. En effet au cours du XIXe siècle, la population
de la Perse a doublé. Ainsi, la proportion des tribus est moindre tandis que
l'effectif, lui, reste stable. Cependant, l'impact de ces tribus sur la vie
politique et sociale en perse demeure considérable. Comme nous l'avons vu précédemment,
leur pouvoir résulte de leur force militaire. A la tête des grandes tribus,
il y a les chefs : les il-khanis ou il-begis, qui sont nommés par le Shah. En
pratique, il revient au Shah de nommer le chef naturel de la tribu. Le chef
tribal est souvent à la tête du gouvernement d'une province, surtout au début
de l'ère qâjâre.
Dans la majorité des territoires reculés, ils sont officieusement les dirigeants
locaux. L'inaptitude tribale à s'organiser en réel contrepoids amoindrit la
crainte qu'elle peut faire peser sur le gouvernement persan. De surcroît, les
rois encouragent les dissensions entre tribus augmentant, de fait, le délitement
organisationnel de ces dernières.
En Perse, le pouvoir s'acquiert avec la terre. En effet, les propriétaires fonciers,
même s'ils ne se rendent que très rarement sur leurs domaines, détiennent un
statut considérable dans la Perse du XIXe siècle. De ces terres, ils perçoivent
des rentes qui proviennent de la production et de l'exportation du coton et
de l'opium.
Au début du XIXe siècle, les membres de la bureaucratie détiennent une position
inférieure aux chefs tribaux et aux propriétaires fonciers. Ce sont souvent
des personnes éduquées, des lettrés. Cependant, la complication du système administratif
perse entraîne une augmentation des charges et titres. Ceci accroît le prestige
de ces charges et titres, accentuant celui des fonctionnaires qui en possèdent.
En outre, un nombre croissant de fonctionnaires accède à la propriété foncière
tandis qu'un nombre croissant de propriétaires fonciers et de chefs tribaux
accède au fonctionnariat, ce qui valorise d'autant cette position.
En l'absence de système bancaire, les marchands jouent un rôle fondamental dans
la provision et la transmission de fonds. Effectivement, ils détiennent les
liquidités nécessaires sans lesquelles les classes dirigeantes ne peuvent vivre.
Ainsi, grâces à des alliances maritales et des acquisitions de terres et d'offices
gouvernementales, ces deux classes restent en étroites relations. Les marchands
aisés sont facilement assimilés aux classes dirigeantes. De plus, les marchands
du bazar tendent à s'allier avec le clergé chiite, aussi certains marchands,
à l'instigation des religieux, protestent contre des actions gouvernementales.
La société persane reste traditionnelle. La vie matérielle ne change guère depuis
des siècles, ceci en raison notamment d'une difficile accessibilité du fait
de sa situation géographique. Ainsi, les voyageurs étrangers et les marchandises
occidentales y pénètrent rarement. Le progrès matériel reste figé. La corruption
qui gangrène tous les échelons de la société, paralyse l'économie et la gestion
du pays s'en trouve affectée. Le pays possède peu d'équipement moderne, pour
preuve l'absence de voies de communication, ce qui aggrave les famines. Les
routes sont très souvent impraticables. Cependant, deux techniques pénètrent
en Perse : l'imprimerie et le télégraphe. Elles vont permettrent la diffusion
des idées et des informations occidentales.
Ainsi, en Perse, les villes tendent à être isoles les unes des autres. Chacune
possède sa propre culture. Un contact existe néanmoins, grâce aux activités
marchandes et au sentiment religieux. De plus, le sentiment d'appartenir à une
civilisation perso-islamique partagé par les classes aisées et bureaucrates
sert de lien social.
On note dans les grandes villes des corporations de métiers ou encore des regroupements
par quartiers. Ces groupes peuvent déclencher des hostilités contre le gouvernement,
contre les oppressions (à Chiraz, Yazd) ; cependant, il ne s'agit pas de mouvements
organisés.
La majorité des Persans sont des paysans. Cette masse paysanne est sans aucune
influence sur les événements politiques. Elle paie les taxes et sert de recrue
à l'armée.
B. Le chiisme en Perse : un pouvoir
politique parallèle
En 1501, l'établissement de la dynastie Safavide, dynastie qui a précédé celle
des Qâjâr, a été accompagné de l'établissement de l'imamisme ou chiisme duodécimain
en tant que religion d'Etat en Perse. La Perse a progressivement adopté une
forme religieuse comme religion prédominante: le chiisme. La Perse se détache
de ses voisins asiatiques et de l'Empire ottoman, qui sont majoritairement sunnites.
1- Le chiisme duodécimain
Le mot shi'a, racine du terme "shi'isme", signifie en arabe "parti". A la mort
du prophète en 632, la majorité des croyants considère Abu Bakr comme son successeur.
Successivement de 632 à 661, Abu Bakr, 'Omar, Osmân et 'Ali [24] dirigent la communauté musulmane en
qualité de calife. La communauté chiite prétend que Muhammad, de son vivant,
a désigné oralement son cousin et gendre 'Ali pour lui succéder.
En effet, les chiites reconnaissent 'Ali pour seul calife légitime et lui réservent
le titre de "commandeur des croyants". Selon leur tradition, son bref califat
est le seul règne légitime qu'ait connu la communauté islamique, après la mort
du prophète. Le chiisme regroupe les partisans de la famille de 'Ali, en restreignant
celle-ci à la stricte descendance de 'Ali et de Fatima, la fille du prophète.
Il existe différentes branches du chiisme qui se définissent à partir des Imams
auxquels elles se réfèrent. Les chiites se divisent sur l'établissement de la
liste des Imams. Trois tendances principales peuvent être relevées : les adeptes
du Zaydisme, les ismaéliens et surtout les duodécimains.
Nous nous attacherons à définir le chiisme duodécimain ou Imamat, car cette
doctrine est celle qui prévaut en Perse au XIXe siècle et ce jusqu'à nos jours.
Le chiisme, comme le sunnisme, professe que Muhammad est le "Sceau de la prophétie".
Cependant, à la différence du sunnisme, l'histoire religieuse de l'humanité
n'est pas close. En effet, d'après Henri Corbin [25], le cycle de la walâyat (cycle de l'Initiation spirituelle)
s'est ouvert quand fut clos le cycle de la prophétie. Le "Sceau de la walâyat
mohammadienne" se manifestera lors de la clôture du cycle même de la walâyat,
c'est-à-dire lors de la manifestation du douzième Imam. Ce sera le règne de
la pure religion en esprit et en vérité. Ce Sceau sera le dernier Imam, réapparaissant
au présent (parousie) comme Imam annonciateur de la Résurrection (Qâ'im al-Qiyâmat).
Le chiisme duodécimain se désigne également comme Imamisme. En effet, l'importance
conférée à la notion d'imam constitue la base de la doctrine duodécimaine. Le
terme d'imam possède plusieurs sens. Le mot arabe imam désigne étymologiquement
"celui qui se tient en avant" : c'est le guide spirituel [26].
L'imam est d'abord celui qui est chargé de diriger la prière faite en commun.
C'est aussi un homme qui a autorité dans la connaissance d'une discipline donnée
: commentaire du Coran, Hadith [27]. L'imam c'est aussi le titre donné au
chef de la communauté islamique. Après la mort du prophète et en attendant le
jugement final, il faut, à la tête de la communauté des croyants (umma), un
imam impeccable et infaillible. Ce guide est indispensable sur le plan religieux
et politique. Lui seul, grâce à cette infaillibilité, peut interpréter la Loi
religieuse et conduire les fidèles sur la bonne voie.
De plus par cette infaillibilité, il est le meilleur de son temps, par opposition
à celui qui a été illégitimement porté au pouvoir (le souverain). On ne doit
obéissance qu'au meilleur. L'imam est également le plus savant et le plus détaché
des choses de ce monde. Il n'a été choisi que par Dieu, il appartient à la seule
famille du prophète.
Le nombre des imams est limité, ils sont douze dans le chiisme duodécimain.
'Ali et ses deux fils al-Hasan et al-Husayn sont les trois premiers. Les neuf
autres [28] descendent d'al-Husayn.
Le douzième Imam est Muhammad al-Mahdu+, né vers 629. Selon une tradition, l'imam
enfant disparaît dans sa propre maison à Samarra, en 874, au moment de la mort
de son père le onzième imam. Les duodécimains affirment que ce douzième imam
n'est pas mort ; entré dans l'invisibilité, il est devenu l'imam caché dont
ils attendent le retour. D'après les prophéties, il devait être le mahdi, c'est-à-dire
le calife bien guidé, dont le retour augurera une ère de justice et de bonheur.
Il porte plusieurs titres : Hujja (garant de Dieu), Qâ'im bi-amr-i-Llâh (celui
qui met en pratique l'ordre de Dieu), Qâ'im Āl Muhammad (celui de la famille
de Muhammad qui se dresse, se soulève ou ressuscite), al-Mahdî (le sauveur de
la fin des temps, celui qui est guidé).
C'est donc dès l'année 874 que commence l'occultation (ghayba) de l'imam. L'imamisme
distingue deux étapes dans cette occultation : l'occultation mineure de 874
à 940 et l'occultation majeure à partir de 940. Durant la première, l'imam communique
avec les fidèles par l'intermédiaire d'un représentant (bâb : la porte ou sâfir
: l'ambassadeur ou nâ'ib : le remplaçant). Durant la seconde, personne ne peut
prétendre s'exprimer au nom de l'imam. Néanmoins, il appartient aux docteurs
de la loi (mollahs, mujtahids), dont les aptitudes sont reconnues par l'opinion
publique, d'interpréter la Loi.
Dès les premières générations, après la conquête arabe, les Persans ont été
adeptes des Alides (descendants de Ali) et, très tôt des foyers chiites se sont
implantés sur le sol persan.
Une partie essentielle de l'évolution de la doctrine duodécimaine résulte de
la victoire d'un courant de pensée théologique : les usûlî au détriment d'un
autre courant, les akhbârî. Il nous semble primordial d'évoquer cet aspect du
chiisme duodécimain, d'autant qu'il explique l'importance du clergé chiite au
XIXe siècle, en Perse.
La différence entre ces deux courants existe depuis les débuts de l'imamisme.
Les akhbârî-s reconnaissent la tradition comme unique autorité laissant ainsi
pleins pouvoirs à l'imam caché. Les usûlî-s remplacent cette autorité par celle
de personnes vivantes. L'imam perd alors son pouvoir de futur chef d'Etat et
un représentant collectif le remplace. Son rôle se limite à celui d'un saint
vénéré et d'un intercesseur auquel on fait appel dans les affaires quotidiennes.
Pour les akhbârî-s, le croyant peut tirer de la Tradition une certitude absolue
afférente à toutes les questions de foi. Ainsi, ils ne considèrent le Coran
et les Traditions compréhensibles que lorsque leurs sens sont explicités par
les commentaires des imams ; alors que les usûlî-s acceptent le sens littéral
du Coran en prétendant qu'il est possible de comprendre son sens par la raison.
Les akhbârî-s prétendent qu'il est obligatoire de se référer aux imams même
par un intermédiaire, alors que les usûlî-s sont convaincus que durant l'occultation
il est nécessaire de pratiquer l'ijtihad. L'ijtihad est l'"effort" d'interprétation
personnelle de la loi musulmane, couramment opposé à la soumission sans réserve
à la Tradition (taqlîd).
Les akhbârî-s pensent que tout ce qui provient des sources transmises l'emporte
sur tout ce qui est tiré de la faculté rationnelle. En ce qui concerne les usûlî-s,
ils jugent que les doctrines ou décisions issues des Traditions ne doivent pas
contredire ce qui est issu de principes rationnels.
Les usûlî-s divisent les humains en deux catégories : mujtahid (celui qui légifère),
et muqallid (celui qui suit le mujtahid). Les akhbârî-s prétendent que tous
les humains sont des muqalli-s de l'imam et qu'il n'est permis à personne de
se dire mujtahid. Pour les usûlî-s, le mujtahid, lorsqu'il est compétent, participe
à toutes les dispositions de la religion.
Les akhbârî-s affirment que promulguer un décret est blâmable, alors que les
usûlî-s défendent que l'usage de l'ijtihad vaut récompense, même si la décision
est incorrecte.
La victoire définitive des usûlî-s sur les akhbârî-s a lieu en Iraq. Âqâ Mohammed
Bâqer Vâhed Behbehâni d'Ispahan (1705-1793) mène à Kerbela, une lutte contre
les akhbârî-s. Ces derniers ne sont définitivement vaincus qu'après l'établissement
de la dynastie Qâjâre en 1796. Le chef akhbârî, Mîrzâ Mohammad Akhbârî, est
alors exilé à Bagdad par Fath 'Ali Shah (1797-1834). Les usûlî-s règnent en
maîtres à la cour de Téhéran, l'école usûlî devient ainsi l'orthodoxie chiite
en Perse au XIXe siècle.
On remarque que la polysémie du terme "imam" entraîne une confusion dans la
compréhension même du concept. On comprend dès lors, la difficulté d'appréhender
la terminologie dans son entière réalité par les masses laborieuses ou toutes
celles étant peu lettrées. Ceci nous permet de mieux comprendre les usurpations
statutaires qui émaillent le chiisme "usûlîque", ainsi que le déficit de compréhension
que le Bab connut lorsqu'il se proclama douzième Imam. Nous développerons ceux-ci
au cours de notre étude.
2- Expansion et structuration d'un clergé chiite propre
à la Perse du XIXe siècle
La nouvelle dynastie Qâjâre se proclame dépositaire du chiisme. Cependant, les
Qâjârs ne peuvent comme les Safavides prétendre descendre des imams. Cette affirmation
permettait à ces derniers de détenir un rôle important face au clergé et d'exercer
un contrôle religieux [29]. Comme le dit Heinz Halm [30], "l'origine turkmène de la dynastie était trop notoire
pour qu'elle pût prétendre descendre des imams et profiter de ce charisme pour
revendiquer le statut de guide religieux". Ainsi, le souverain qâjâr ne peut
se déclarer le représentant de l'imam caché. Pour les religieux musulmans, en
l'absence de l'imam caché, l'exercice de l'autorité par le Shah et ses agents
est illégal. Néanmoins, pour le bon fonctionnement de la société des compromis
sont nécessaires. En effet, dès le règne de Aqa Muhammad Khan, le dirigeant
du royaume pouvait être accepté comme Nuu'ib-Khuuss (remplaçant) de l'imam,
tant qu'il démontrait un minimum de piété et de respect. Dès le règne de Fath
'Ali Shah (1797-1834), un équilibre entre les intérêts du souverain et ceux
du clergé, sorte de contrat tacite, s'établit. La Shah fait respecter la loi
et l'ordre, conditions à l'application de la loi musulmane, la Shari'ah, qui
elle relève de la compétence des oulémas. Cependant, dès les débuts du règne
de Muhammad Shah ces compromis laissent apparaître des failles, qui ne font
que grandir tout au long des successions. Dans la seconde moitié du XIXe siècle,
les efforts faits par les souverains et les ministres, pour moderniser l'Etat
sur le modèle européen, ont pour conséquence la dégradation des relations entre
les oulémas et la dynastie Qâjâr. Ainsi à l'époque qâjâre, de nombreux conflits
éclatent avec le clergé, on note qu'il s'oppose de façon plus ou moins violente
au régime. On note également que les fonctionnaires de l'Etat, les gouverneurs
et autres officiers entrent souvent en conflit avec les religieux locaux. Cependant,
les oulémas et les mujtahid-s sont prêts à collaborer avec les agents gouvernementaux.
Avec l'instauration de l'orthodoxie chiite au XIXe siècle, les religieux musulmans
posent les mujtahid-s comme les interprètes les plus qualifiés des voeux et désirs
de l'imam caché, ceci tant légalement que socialement. Les mujtahid, et plus
particulièrement les plus renommés d'entre eux, détiennent un réel pouvoir politique
contre-balançant le pouvoir royal.
Au XIXe siècle on distingue, une tendance à la hiérarchisation au sein de la
classe religieuse.
Dans les sociétés islamiques, l'éducation et la connaissance sont traditionnellement
dominées par la religion. Ceux qui détiennent une bonne connaissance sont alors
membres d'un groupe défini statutairement : les oulémas. Ce groupe n'est pas
homogène. Il n'y a pas de carrière définie dans le chiisme : on y trouve des
prêtres, des juristes, des professeurs. Les oulémas se distinguent par leurs
vêtements, ils portent des robes et un turban distinctifs. Pour être reconnu
comme membre des oulémas, il faut participer à un séminaire : la madrasa [31], seul institut de savoir religieux avancé.
Après un patronage et plusieurs années d'études, les étudiants religieux obtiennent
le titre de mollah dans les villages ou professeur dans les écoles religieuses
ou encore fonctionnaire religieux mineur. La masse des mollahs (membres les
plus bas du clergé chiite) est habilitée à appliquer les dispositions et les
prescriptions du droit islamique. Un seul groupe d'élus, hautement qualifiés
par leurs connaissances des fondements du droit, est capable d'une décision
autonome et contraignante. Il s'agit des oulémas (les "savants" de l'islam,
théologiens musulmans) et les mujtahid-s (membres des oulémas capables de pratiquer
l'ijtihad). Les mujtahid-s sont des théologiens de la classe supérieure, des
docteurs de la Loi islamique. Pour atteindre le plus haut niveau, c'est-à-dire
le titre d'ouléma, il faut plusieurs années d'études et l'acquisition d'une
solide réputation.
Au XIXe siècle, les mujtahid-s se voient octroyer une compétence particulière
: l'autorité d'une compétence "absolue", universelle (ijtihad mutlaq) ceci au
détriment de l'ancien concept d'une compétence partielle (ijtihad mutajazzi).
Tout au long du XIXe siècle, le nombre de mujtahid-s qualifiés à cette compétence
absolue augmente. D'après Heinz Halm, dans la première moitié du XIXe siècle,
on dénombre plus d'une douzaine de savants qui revendiquent ce rang; il y a
175 mujtahid-s dès le règne de Nasiri'd-Din Shah (1848-1896).
Le fidèle et le mollah ordinaire sont soumis au taqlîd, la soumission à l'autorité
d'un mujtahid. Le mujtahid hautement qualifié devient un marja'al taqlîd c'est-à-dire,
mujtahid sur lequel le croyant se décharge de sa responsabilité relative aux
questions de foi.
Il se soumet au jugement de ce dernier et suit aveuglément sa décision. En principe,
tout mujtahid est marja'al taqlîd, cependant à partir du XIXe siècle, une tendance
à l'existence d'un marja'al taqlîd unique, reconnu comme autorité suprême émerge.
Seul le plus instruit et le plus savant peut revendiquer le statut de marja'al
taqlîd suprême. Il faut néanmoins noter que ce titre n'est pas institutionnalisé
et entraîne des rivalités entre mujtahids.
Progressivement, les oulémas s'approprient les prérogatives des imams. D'une
part, le khums, c'est la contribution que les fidèles doivent acquitter au prophète,
puis à l'Imam. Au XIXe siècle, c'est le marja'al taqlîd qui perçoit le khums
auprès des fidèles. D'autre part, les oulémas se sont appropriés la conduite
de la prière et de la harangue du vendredi (khutba). Depuis la fin du XVIIIe
siècle, la mission divine confiée à l'imam d'instaurer le bien et d'interdire
le mal, est considérée par les mujtahid-s comme leur devoir naturel. Enfin,
ces derniers s'approprient le droit de déclarer et de mener la guerre sainte
(jihâd) contre les infidèles ; droit qui auparavant appartenait à l'Imam seul
ou à ses représentants. De plus, les oulémas s'octroient le pouvoir d'excommunication.
Les dépêches diplomatiques témoignent du pouvoir considérable dont sont dépositaires
les religieux chiites en Perse au XIXe siècle. "Le gouvernement de la Perse,
est un despotisme dont l'action est surveillée par le clergé et tempérée par
son influence" [32], "tout le monde est religieux en Perse"
[33].
Le comte de Sartiges rapporte dans une de ses dépêches adressées au ministre
des affaires étrangères : "Le gouvernement de la Perse est un despotisme dont
l'action est surveillée par le clergé et tempérée par son influence" [34] "l'importance du clergé se comprend,
quand on observe qu'il n'y a en Perse d'autre opinion publique que l'opinion
religieuse" [35]
Le clergé chiite persan possède ainsi de larges pouvoirs. Plusieurs facteurs
explicatifs permettent de comprendre cette situation.
Tout d'abord, le centre de l'hégémonie chiite se trouve à l'extérieur de la
Perse, notamment dans l'Empire Ottoman où demeurent les villes saintes et de
nombreux tombeaux. Ces endroits accueillent diverses communautés de guides religieux,
d'étudiants, notamment de Perse, dès lors ils deviennent indépendants de leur
gouvernement. A l'intérieur même de la Perse, le clergé dispose de plusieurs
éléments lui permettant d'étendre son pouvoir.
Nous l'avons vu précédemment, l'orthodoxie chiite s'accapare de prérogatives
qui élargissent son domaine d'action et ainsi sa prépondérance. Le clergé reçoit
des taxes islamiques : la zakat, le dixième des revenus (l'aumône, un des cinq
piliers de la foi musulmane), les donations pieuses (vaqfs), le kums. Ces fonds
amplifient le pouvoir et accroissent l'indépendance du clergé chiite. De plus,
les oulémas, en raison des fonctions qu'ils remplissent pour le gouvernement
perçoivent du gouvernement des pensions et des allocations. Certains membres
du clergé augmentent leurs revenus par l'acquisition de terres ou grâce à leurs
liens avec les marchands et artisans de Perse. Les étudiants religieux, (lutis)
agissent en tant que membre de l'armée personnelle des oulémas.
La plupart des fonctions gouvernementales en Perse sont assurées par les oulémas
: l'éducation, la charité, les fonctions sociales et légales et, notamment,
la justice. En effet, le clergé chiite dispose d'une force considérable : l'administration
de la justice. "La justice que rend le clergé se nomme le Chaar, elle est basée
sur le Coran et sur ses commentaires". [36] Au XIXe siècle en Perse, il existe deux
justices parallèles, la justice étatique et la justice religieuse. La loi dépendant
du droit coutumier est le 'Urf, cour de justice présidée par le Shah et ses
représentants. La loi religieuse, Shar' est dirigée par les mollahs, oulémas
et mujtahid-s. Cette dernière est une cour de justice qui se base sur les paroles
du prophète dans le Coran, ainsi que sur l'opinion des imams et les commentaires
des juristes religieux. Elle traite des rites et des devoirs religieux, des
contrats et obligations (lois familiales), des affaires privées, des règles
somptuaires et autres procédures judiciaires. La cour des magistrats (le urf')
sert lors des cas criminels et contre les rebelles. Pendant la période qâjâre,
le gouvernement persan a tenté d'accroître le pouvoir de ses propres cours de
justices et de leurs prérogatives s'opposant de fait au clergé chiite. "Cette
rivalité de juridiction, est un sujet de tiraillement entre le gouvernement
et le clergé." [37]
Sous les Qâjârs, l'institution religieuse demeure en marge de l'Etat. Certes,
les oulémas remplissent certaines fonctions gouvernementales, mais le plus souvent,
ils s'opposent au gouvernement. Cependant, les oulémas sont écoutés avec respect
à la fois par le gouvernement et le peuple. Ils peuvent agir en pacificateurs
en tempérant le gouvernement et, a contrario, peuvent exhorter les foules à
la violence.
C. La diplomatie française en perse
: les diplomates, la nature des documents diplomatiques et l'authencité des
dépêches
Après les membres des classes indigènes (les chefs tribaux) ou traditionnelles
(la famille royale entourée de sa cour et de la bureaucratie, les propriétaires
fonciers et le clergé d'oulémas), ce sont les étrangers qui détiennent un pouvoir
important mais cependant grandissant en Perse, au XIXe siècle. En effet, l'époque
qâjâre reste le témoin de l'émancipation d'un groupe : les Occidentaux. Ce groupe
accroît son pouvoir et imprègne tant l'histoire perse que la vie politique,
économique et sociale de ce pays. Les Qâjârs sont soumis à des pressions extérieures
exercées particulièrement par les représentants des gouvernements et les commerçants
étrangers en Perse.
1- Les relations franco-persannes
Avec les débuts de l'ère industrielle, pour les puissances occidentales commence
une période d'expansion coloniale et territoriale par le biais de comptoirs.
Aussi, la Perse, de par ses richesses et surtout, de par sa situation géographique
[38], devient un enjeu pour des puissances
telles que la Grande-Bretagne, la Russie et la France. Par suite, les différentes
ambassades cherchent à imposer leur point de vue au gouvernement perse.
Ainsi, la Grande-Bretagne et la Russie ont des intérêts économiques et territoriaux
en Perse. Ils développent donc une politique stratégique et diplomatique. La
diplomatie qâjâre se caractérise par un grand nombre de discussions entre le
Shah, le Premier ministre persan et les représentants anglais ou russes. Ces
derniers essayent d'obtenir des garanties politiques, ils mènent même une politique
d' "ingérence" en essayant de régler des conflits internes. Comme nous l'avons
étudié auparavant, les Anglais et les Russes interviennent y compris lors de
la nomination du prince héritier. Grâce à plusieurs agents diplomatiques et
militaires, la Russie et la Grande-Bretagne ont pénétré la Perse entière. D'après
Moojan Momen [39], il semblerait que les agents diplomatiques britanniques
et russes étaient parfois plus informés de ce qui se passaient dans une province
que le Shah lui-même.
La France joue, quant à elle, un rôle secondaire en comparaison à la Russie
et la Grande-Bretagne. Cependant, il faut savoir que la seconde alliance de
la Perse avec un pays européen est signée avec la France qui devient ainsi la
troisième puissance étrangère en Perse.
Après plus de soixante ans de manoeuvres diplomatiques hésitantes, des relations
permanentes sont finalement établies entre la France et la Perse en 1855. Elles
restent mutuellement fortes et équilibrées jusqu'en 1871, devenant ensuite modérées
et tièdes. Seuls des liens culturels continuent à se développer.
Déjà sous l'ancien régime, la France et la Perse entretenaient des relations
diplomatiques, mais qui n'avaient jamais pu devenir régulières. Napoléon, en
1807, envoie des missions en Perse dont la plus célèbre est celle du général
Gardane. Sous la monarchie constitutionnelle, un consulat s'ouvre à Tiflis,
et un Premier secrétaire d'ambassade est nommé à Constantinople (capitale de
l'Empire Ottoman), symbolisant la création de liens concrets avec l'Orient.
En 1844, date à laquelle émerge la nouvelle croyance babie, après l'échec de
la mission française du comte de Sercey en 1840, Le comte De Sartiges est envoyé
en Perse et se lie d'amitié avec le Premier ministre Haji Mirza Aqasi. Il orchestre
la nomination de Ernest Cloquet qui prend position en 1846 et devient le médecin
personnel du roi. Plus tard, c'est le docteur Tholozan, également français,
qui dès 1858 sera chargé de cette fonction après le décès du docteur Cloquet
(1855). Sartiges obtient également la protection des écoles lazaristes françaises
en Perse.
Ainsi, les Français s'installent durablement en Perse. Ils peuvent prétendre
à une place et à une influence culturelle et militaire importante auprès de
la cour. Les Français sont des protecteurs, des enseignants, des conseillers
militaires ou des médecins du roi.
En juillet 1854, Napoléon III, empereur depuis 1852, ordonne l'établissement
d'une légation française à Téhéran. A cette date, les ambitions de la Russie
dans les Balkans et le Proche-Orient inquiètent les autres puissances. Nicolas
Prosper Bourée est désigné comme ministre plénipotentiaire, son principal collaborateur
est le comte de Gobineau. Le Baron Pichon (août 1857), Arthur de Gobineau (janvier
1862), Jacques de Massignac (octobre 1864) et R.E. de Bonnières (mars 1867)
sont ensuite les ministres nommés au poste de la légation à Téhéran. Ce poste
dans la capitale perse est considéré par les diplomates comme un poste subalterne.
Les diplomates ne sont pas très pressés de prendre leur poste comme le montrent
les longues durées de vacances et les allures tranquilles de retour de voyage
des quatre chargés d'affaires : Gobineau, Henri de Bellonet, Julien de Rochechouart
et le Comte de Maugny.
Leurs instructions sont en quelque sorte peu passionnantes, Téhéran est considéré
comme un poste d'observation comportant des intérêts commerciaux limités. De
façon non officielle, les diplomates assument la protection des catholiques,
la pierre angulaire de l'influence française. A Téhéran, à Tabriz (où le consulat
est ouvert en 1866) et à Isfahan, les envoyés français offrent la protection
aux missionnaires lazaristes, aux chaldéens d'Azerbaïdjan et aux catholiques
arméniens.
Quant à la représentation diplomatique persane en France, elle est plutôt importante.
On note un attaché militaire et plusieurs consuls à Paris et dans les provinces.
En 1855, un traité commercial est noué entre la France et la Perse, incluant
une clause favorable aux nations et reconnaissant le statut légal des citoyens
et protégés français en Perse, ceci pour soixante-dix ans.
Malgré leur échec, les idées libérales et libertaires de la Commune de Paris,
en 1870, l'émergence de la troisième République effraient les autorités perses
entraînant un refroidissement des relations diplomatiques entre la Perse et
la France. Ainsi, les relations franco-perse ne sont pas bloquées mais la confiance
perse disparaît. Ces relations sont maintenues officiellement mais de façon
modérée ou dépouillée.
2- Le ministère des Affaires Etrangères et ses diplomates
accrédités en Perse
Le gouvernement français dispose d'une administration spéciale : le Ministère
des Affaires Etrangères. Pour la période qui nous intéresse, au milieu du XIXe
siècle, il existe une structure interne, établie en 1844, par Guizot, ministre
des Affaires Etrangères français de 1840 à 1847. Il s'agit d'un cabinet, d'un
secrétariat général et de sept directions, puis de trois directions sous la
Seconde République. En 1853, est inauguré le quai d'Orsay.
En 1871, il existe un cabinet plus quatre grandes directions composant le Quai
d'Orsay : direction politique / direction du commerce et des consulats / direction
des archives et de la chancellerie / direction des fonds et de la comptabilité.
L'élite française constitue la majorité du personnel diplomatique, en effet,
65% d'entre eux sont issus de familles nobles, de plus il faut être coopté par
un haut fonctionnaire.
Il est assez difficile de connaître les envoyés français en Perse. En effet,
peu de documentation existe sur ceux-ci hormis pour les plus renommés tels Gobineau
ou Nicolas. Au Ministère des Affaires Etrangères à Paris, il existe des annuaires
diplomatiques concernant chaque envoyé, mais se limitant à leur nomination et
affectation. Cependant, nous pouvons tirer quelques traits et caractéristiques
généraux de ces diplomates.
Les diplomates français travaillant en Perse ont, pour la plupart, commencé
leur carrière diplomatique avant leur affectation en Perse. Par exemple, le
Comte de Sartiges a travaillé au sein des ambassades de Rome, de Constantinople,
il était attaché à la légation du Brésil puis à celle de Grèce avant de se rendre
à Téhéran. M. Bourée, quant à lui, avant d'atteindre la Perse le 9 mai 1855,
débute sa carrière consulaire à Beyrouth (1840-1850), puis au Maroc (1851),
en Chine(1852), il est ensuite chargé d'affaires en Turquie de 1853 à 1854.
Gobineau a également débuté sa carrière diplomatique avant son affectation en
Perse en 1854, en effet, il a travaillé en Suisse (Berne) et en Allemagne (Hanovre)
de 1849 à 1954. A contrario, nous avons en notre possession deux exemples de
diplomates qui ont commencé directement leur carrière diplomatique en Perse
: De Balloy qui, le 17 octobre 1873, rejoint Téhéran et Ferrier, agent militaire
qui, après avoir entraîné les troupes perses, devient agent du ministère des
Affaires Etrangères françaises à Téhéran de 1849 à 1851.
On peut conclure que la majorité de ces diplomates sont assez expérimentés dans
l'exercice de la rédaction de dépêches diplomatiques et surtout dans celui de
l'observation d'éléments importants à relater au Quai d'Orsay. Aussi, le fait
que ces diplomates rapportent à plusieurs reprises des faits ayant traits à
la foi babie et baha'ie souligne l'importance de ce mouvement en Perse.
Ces diplomates ne finissent généralement pas leur carrière en Perse. Souvent,
un poste à Téhéran sert de tremplin pour atteindre un plus haut grade diplomatique
en Orient notamment à Constantinople. La Perse est pour la plupart une transition.
Ainsi, Prosper Bourée à son retour de Perse, dirige les légations d'Athènes
(1859) et de Lisbonne (1864) et est ensuite envoyé comme ambassadeur à Istanbul.
Sartiges, après son échec en Perse, est directement nommé ambassadeur de France
à Washington. Ferrier, lui, se retrouve en Inde, tandis que Gobineau rejoint
la Grèce et le Brésil. Néanmoins, certains finissent leur carrière en Perse
comme De Balloy qui reste à Téhéran jusqu'en 1898.
Les origines professionnelles des diplomates précédant leur entrée dans le monde
diplomatique, sont hétérogènes. De Balloy est avocat, Ferrier est militaire,
maréchal des logis en Afrique. Gobineau exerce différentes positions dans le
fonctionnariat avant de devenir journaliste. Bourée, lui, entre dans la carrière
consulaire après des études de droit. A.L.M Nicolas obtient à l'Université de
Paris, un diplôme de l'Ecole des Hautes Etudes de Langues Orientales Vivantes.
Il suit la même carrière que son père dans le département consulaire de la diplomatie
française au titre de traducteur interprète officiel.
Un diplomate français qui, après Gobineau et Nicolas, est l'un de ceux qui a
le plus écrit sur la religion babie, se détache des autres par sa carrière tout
d'abord, mais aussi par ses récits sur la nouvelle croyance : il s'agit de Joseph
Philippe Ferrier. Ferrier est un soldat français. Après une période de service
dans l'armée française, il sert en Afrique et obtient le titre de maréchal des
logis. En 1839, il est sélectionné parmi plusieurs autres officiers militaires
français, pour former et entraîner les troupes perses de Muhammad Shah (1834-1848),
(Comme nous l'avons étudié précédemment, le gouvernement persan demande aux
européens de former ses troupes). Jusqu'en 1842, il est employé dans l'armée
perse en tant qu'adjudant général. Il est, par la suite, renvoyé de l'armée,
et connaît des contentieux financiers avec le gouvernement persan. En effet,
Haji Mirza Aqasi, grand vizir du roi Muhammad Shah, refuse de donner aux officiers
français ce qui leur revient. "Mirza Taghi Khan Premier ministre du chah abreuve
de dégouts et d'humiliations tous les français qui sont en Perse et refuse de
leur payer la somme de 170 000 francs qui leur ai due." [40] Il semblerait que Ferrier par la suite
soit entré au service de Husayn Khan, gouverneur de Chiraz, jusqu'au renvoi
de ce dernier en 1849. En 1849, lorsque le comte de Sartiges ferme la légation
de France en Perse, Joseph Ferrier prend l'initiative d'envoyer des rapports
sur la poursuite des événements en Perse. Son offre est acceptée. "Le gouvernement
persan que j'ai servi 12 ans me renvoyait de son service sans même me payer
une solde. Je suis aujourd'hui libre de mes actions et je viens me mettre à
votre disposition, mon général si vous jugez convenable d'utiliser mes faibles
capacités (…) le rapport annexe à cette lettre pourra vous éclairer sur l'utilité
qu'il pourrait y avoir pour la république à entretenir un agent occulte dans
la capitale de la Perse" [41]. De 1849 à 1851, Ferrier demeure à Téhéran,
il y travaille en tant qu'agent français, écrivant des rapports chaque mois
qu'il envoie directement au Ministère des Affaires Etrangères à Paris.
Comme Ferrier n'est pas un diplomate officiellement accrédité, il obtient peu
d'informations du gouvernement persan. Aussi, est-il obligé de trouver d'autres
sources d'informations telles que les bazars. On en conclut que malgré sa volonté,
ses informations restent peu fiables et sont empreintes de l'opinion populaire
laissant libre cours à une certaine exagération ou à la fantaisie. Ferrier semble,
de plus disposer tardivement des informations puisqu'il en reçoit peu du gouvernement.
Cependant, Ferrier utilise ses relations militaires afin d'obtenir des informations
relatives à l'armée. Ainsi, les renseignements concernant le mouvement des troupes
lors des soulèvements babis paraissent fiables.
Nous n'avons que peu d'informations concernant la connaissance des diplomates
sur la langue persane, sauf pour Nicolas qui est bilingue. En effet, de nationalité
française, Louis Alphonse Damil Nicolas naît à Rasht dans la province du Ghilan,
sur la rive persane de la Mer Caspienne. Dans sa petite enfance, il ne parle
que persan et russe. Son père a d'ailleurs écrit "Dialogues franco-persans",
dictionnaire en deux volumes, publié post-mortem à Paris. Gobineau, quant à
lui, tente d'apprendre le persan lors de sa première mission en Perse : "Ma
grande affaire, quant à présent, c'est le persan. J'ai un mirza [42] qui vient passer des journées entières
avec moi, j'ai mes domestiques qui me corrigent quand je parle mal. Je crois
que d'ici deux mois, je serai de la force de Zoroastre sur cette langue, ce
qui m'est indispensable pour m'occuper avec fruit des dialectes qui me semblent
fort intéressants pour moi." [43]. Gobineau est l'auteur d'une ébauche
d'un Dictionnaire persan-français que l'on peut trouver à la Bibliothèque Nationale
de Strasbourg [44]. Il s'agit d'un registre comportant
vingt-sept pages, donnant une liste de mots persans avec un seul équivalent
français ; les mots sont numérotés de 1 à 2109. Parfois, à côté du mot persan
figure une transcription en caractère latin. Les mots ont été enregistrés sans
aucun classement. Ce dictionnaire peut représenter alors une liste d'acquisitions
quotidiennes notées par Gobineau. Ferrier est susceptible également de connaître
le persan, en 1845, il fait un voyage en Asie centrale, il publie d'ailleurs
un ouvrage sur ce voyage. Dans un de ses rapports destinés au ministère français,
il évoque sa connaissance de la langue : "Peu de personnes connaissent mieux
que moi la Turquie, le Caucase, la Perse, le Turkestan, l'Afghanistan et le
Sistan, je les ai parcouru et sérieusement étudié, je connais la langue qui
se parle dans ces contrées et nul n'est plus à porter que moi de renseigner
le gouvernement de la république sur ce qui s'y est passé et si passera dorénavant."
[45]
On peut en déduire que cette connaissance plus ou moins grande de la langue
persane permet à certains diplomates d'acquérir une certaine indépendance face
aux informations, puisque l'aide d'un interprète ne leur est pas ou peu nécessaire.
Ces diplomates sont-ils des orientalistes, sont-ils attirés par l'Orient et
notamment la Perse ? Il semble que seuls Nicolas et Gobineau le soient. Nicolas
est effectivement "orientalisant", il connaît la langue, s'intéresse de près
à la culture perse et à la religion babie. Gobineau, quant à lui, semble s'intéresser
de près à l'Orient. Entre son arrivée à Paris et son entrée au cabinet de Tocqueville,
Gobineau fréquente quelques savants orientalistes ou géographes, rédige plusieurs
articles sur des poètes persans, et il adhère, en 1852, à la société asiatique
[46]. Gobineau évoque l'Iran dans de nombreux
récits qui font partie du cycle iranien de son oeuvre, comme L'Histoire des
Perses, Trois ans en Asie, Nouvelles asiatiques, Mémoire sur l'état social de
la Perse actuelle, Les religions et philosophies dans l'Asie Centrale.
Il aurait été intéressant de savoir si ces diplomates possédaient une quelconque
connaissance de l'Islam et du chiisme duodécimain, mais aucune source ne nous
renseigne sur ce fait. D'après Moojan Momen [47], leur savoir concernant l'Islam et la vie culturelle
en Perse est généralement incomplet.
D'après Moojan Momen [48], auteur baha'i, aux premiers temps des
religions babie et baha'ie, la connaissance des diplomates sur ces religions
est souvent entrecoupée d'erreurs. C'est seulement à partir du XXe siècle, époque
où la communauté baha'ie s'installe en Occident, que les évocations des diplomates
et des occidentaux sur la nouvelle croyance, son histoire et ses enseignements,
apparaissent plus fondés et sérieux. Il y a une raison à cela d'après Momen,
en Perse, dans la dernière moitié du XIXe siècle, il est difficile pour les
diplomates et voyageurs européens d'obtenir des informations sur ce mouvement
religieux.
En effet, les nombreuses persécutions et l'illégalité de cette religion, poussent
ses membres à vivre leur croyance secrètement. En outre, les termes "babi" et
"baha'ie" ne peuvent être prononcés en Perse, à cette époque ; pour les occidentaux
il est alors impossible de contacter les babis et baha'is. Dès lors, beaucoup
d'écrivains, dont nos auteurs diplomatiques, sont forcés d'utiliser les considérations
et les travaux d'autres personnes sur ces religions. Ainsi, on note un grand
nombre de répétition, de fabrication d'événements devenus réalités.
Ce sont en général les persécutions et les conflits armés entre les babis et
les autorités religieuses et étatiques qui suscitent vivement l'intérêt des
diplomates et leur permettent de connaître cette nouvelle croyance.
Ces dépêches sont pour nous très intéressantes car elles semblent êtres indépendants
des positions étatiques et cléricales face aux mouvements babi et baha'is. De
plus, nous savons que ces dépêches n'ont jamais été transformées, truquées ou
corrigées ; elles sont donc restées intactes, attisant notre intérêt historique.
En outre, l'intérêt de ces sources est accru par l'immédiateté du récit. En
effet, les faits sont relatés justes après la production des événements.
Cependant, on note de nombreuses lacunes dans le travail des diplomates. Tout
d'abord, la plupart de ces protagonistes ignorent l'origine sociale et religieuse
des mouvements babi et baha'i et la structure de ces mouvements. Ils sont donc
parfois peu aptes à une pleine compréhension des événements qu'ils évoquent.
Ainsi, de nombreuses incompréhensions doctrinales, l'exposition de leurs propres
idées, souvent fantaisistes, se font jour dans leurs récits. En outre, beaucoup
d'événements importants concernant la religion babie et baha'ie ne sont pas
observés par les diplomates. Par exemple, aucun diplomate ne rapporte la déclaration
de la mission du Bab datant de 1844.
Généralement, les dépêches diplomatiques parviennent au ministère des Affaires
Etrangères un mois après leur date de rédaction. La dépêche du Marquis de la
Valette datée du 25 décembre 1850 [49] est arrivée le 23 janvier 1851. Celle
de Rochechouart datant du 5 mai 1864 [50] est archivée au cabinet du Quai d'Orsay
le 10 juin 1864.
Dès lors, on peut en conclure, compte tenu des moyens de communication de l'époque,
que les nouvelles arrivent relativement promptement. L'impact en France est
donc assez rapide.
Il aurait été intéressant de savoir si la rédaction des dépêches diplomatiques
devait suivre un code précis comme une priorité au sein des informations, notamment
celles concernant les religions babie et baha'ie. Cependant, nous n'avons trouvé
aucune note se référant à un tel code. Nous analyserons, néanmoins, dans la
troisième partie, l'impact des dépêches et des diplomates évoquant les nouvelles
religions sur les Français et l'Occident.
Il faut savoir tout de même que les diplomates assuraient un suivi des nouvelles
concernant les deux mouvements. En effet, dans plusieurs dépêches, on note que
le diplomate se réfère à ses précédentes évocations de cette religion au Ministre
des Affaires Etrangères à Paris.
Après étude des dépêches diplomatiques, nous avons effectué une division sommaire
afin de rendre compte de la perception de ces religions par les diplomates et
le développement de leur intérêt pour celles-ci, au cours du XIXe siècle.
Ainsi, on divise ces dépêches en deux parties, suivant un ordre chronologique.
La première période s'étend de 1844, la naissance du mouvement, à 1852, date
à laquelle des babis ont tenté d'assassiner le Shah. La deuxième période débute
en 1852, suite à cet événement.
A partir de 1844, les dépêches évoquant le mouvement babi sont pour la plupart
assez succinctes. Les diplomates rendent compte grossièrement de la nouvelle
croyance, se méfiant sûrement de la nouveauté du mouvement. Cependant, on note
l'importance que prend ce nouveau mouvement pour les diplomates. En effet, certains
évoquent les babis dès les premières lignes de leurs dépêches, conjointement
à l'énonciation d'autres faits persans, ce qui montre l'impact que prend cette
religion en Perse. Parallèlement à ces dépêches peu approfondies, nous détenons
de nombreuses dépêches de l'agent diplomatique Ferrier datant de 1850 ; celles-ci,
au contraire, analysent le mouvement babi dans sa densité, son expansion géographique,
dans sa doctrine et surtout dans l'implication de ses membres dans les conflits
les opposants aux autorités religieuses et gouvernementales. En effet, c'est
à cette époque (1848 à 1853) qu'ont lieus les soulèvements babis dans le Mazindaran,
à Nayriz ou encore à Yazd (chapitre III), soulèvements qui opposent les babis
et les troupes armées. On aurait d'ailleurs pu penser que ces événements seraient
plus évoqués dans les dépêches, ils le seront dans la deuxième période de notre
chronologie.
Les récits de Ferrier concernant les babis sont plutôt longs, sont descriptifs
et denses. En outre, il semble que Ferrier suit l'affaire des babis intensément
puisque à chaque nouvelle dépêche, il informe le Ministre des Affaires Etrangères
en France des derniers évènements concernant les babis.
En 1852, des babis tentent d'assassiner le Shah. Dès lors, le mouvement babi
puis le mouvement baha'i vont prendre une plus grande dimension dans les dépêches
diplomatiques. A l'intérieur de cette période, on peut opérer une subdivision.
On note une certaine prolixité des dépêches juste après l'événement. Certaines
dépêches, elles, profitent de l'événement pour développer une analyse et une
description du mouvement babi. D'autres évoquent les persécutions succédant
à la tentative d'assassinat du Shah. Nous possédons une dépêche de l'ambassadeur
de France à Constantinople, l'auteur évoque divers événements qui se déroulent
en Moldavie, en Arabie et en Perse. Lorsqu'il évoque la Perse, il ne traite
que des babis.
Quelques années après 1852, les dépêches sont moins virulentes, en effet, elles
sont moins passionnées et plus réfléchies. On note, néanmoins, une certaine
connaissance des religions babie et baha'ie par les diplomates et par le quai
d'Orsay. Ainsi, une dépêche de 1864 évoque le sort babis précédemment évoqué
: "les babys dont j'avais annoncé l'arrestation à votre excellence, n'ont pas
été exécutés" [51]. On note l'importance que prennent ces
religions, une dépêche de Gobineau [52] évoque la "religion nouvelle" parmi
les autres "sectes de l'Islamisme", il précise qu'il ne peut pas énumérer toutes
ces nouvelles croyances. Ainsi la religion baha'ie fait partie des nouvelles
croyances importantes pour Gobineau, puisqu'il l'évoque. Dans cette dépêche,
Gobineau décrit le profil sociologique et la doctrine du mouvement. Enfin, les
dépêches du dernier quart du XIXe siècle et du début du XXe siècle analysent
de plus en plus les religions babie et baha'ie. Les diplomates s'étendent sur
les événements passés des premiers temps babis, approfondissent la doctrine,
émettent des commentaires sur les persécutions et évoquent leurs déroulements
; ils étudient la géographie et la démographie des nouvelles croyances. Des
dépêches entières sont consacrées à ce sujet, alors qu'auparavant, il n'occupait
qu'un paragraphe souvent mêlé à d'autres faits concernant la Perse.
Ainsi, cette première partie nous permet de mieux appréhender les contextes
politiques, sociaux et religieux dans lesquels les mouvements babis et baha'is
sont nés. Notre étude des dépêches diplomatiques et de leurs auteurs nous offre
la possibilité de mieux saisir leur vision de la Perse. Ceci prépare la suite
de notre analyse concernant la compréhension des diplomates des mouvements babis
et baha'is. La seconde partie de notre étude porte ainsi sur la naissance de
la nouvelle croyance et son expansion. Nous nous arrêterons également sur l'analyse
faite par les diplomates des doctrines du nouveau mouvement.
II - La naissance des mouvements babi et
baha'is, leurs doctrines et leur expansion vu par les diplomates français en
Perse
A. le Bab, fondateur d'un nouveau mouvement religieux
Au début du XIXe siècle, l'industrialisation, les implications de la recherche
scientifique, l'émergence de relations internationales vont transformer le paysage
socio-religieux. Aussi, l'Islam et la chrétienté subissent-ils l'influence de
ces changements. On note une forte attente messianique tant dans le monde musulman
que chrétien. Soucieux de mieux appréhender ces changements, les croyants se
penchent sur les Ecrits sacrés. En effet, chacun cherche une explication à ces
bouleversements. Ils tentent ainsi de trouver leur place face à l'émergence
d'une nouvelle société. Dès lors, les croyants de diverses religions se penchent
sur les Ecrits sacrés pour essayer de comprendre l'accélération du changement.
Ces lectures, cette attente messianique se caractérisent par diverses interprétations.
Ainsi, en Amérique, les adeptes de William Miller pensent trouver dans les écritures
chrétiennes la preuve de la fin éminente des temps et de la résurrection de
Jésus-Christ. En Europe, divers mouvements religieux tels les templiers allemands
ou les adventistes du septième Jour, sont également en quête de réponses théologiques.
L'Asie et l'Afrique connaissent aussi l'émergence de tels mouvements eschatologiques
: les Christs Noirs d'Afrique sud Saharienne, les mahdismes d'Afrique ou d'Asie.
Ces divers messianismes attendent un rédempteur instaurant un ordre nouveau
de justice et de bonheur.
Ainsi au Moyen-Orient, on pense imminent l'accomplissement des différentes prophéties
du Coran et des traditions islamiques.
Notamment en Perse, et plus particulièrement au sein de l'école Shaykhie, la
croyance en la venue prochaine d'un messager divin est fortement vivace.
1- Le Shaykhisme
Le shaykhisme correspond à une école de pensée théologique dérivée du chiisme.
Son essor va croître considérablement durant l'ère qâjâre. Shaykh Ahmad-i-Ahsa'i
(1753-1826) en est le fondateur. Il s'agit d'un éminent érudit musulman originaire
de al-Ahsuu, en Iraq, qui, au début du XIXe siècle, s'est installé en Perse,
à Yazd. C'est un théologien qui a marqué sa génération, plus particulièrement
en Perse. Lors de ses voyages en Perse, il est reçu avec fastes et honneurs
tant par les oulémas que par les princes et le Shah en personne. En effet, sa
renommée est telle que le roi, Fath-'Ali Shah [53], le sollicite afin d'obtenir des exégèses
coraniques. Satisfait de ces enseignements [54], le roi invite Shaykh Ahmad à la cour
qui décline l'invitation.
En dépit de cette notoriété, les principes défendus par Shaykh Ahmad sont controversés
et considérés comme hérétiques par certains ulémas. En effet, les doctrines
de Shaykh Ahmad-i-Ahsa'i vont à l'encontre de celles des tenants de l'orthodoxie
chiite. D'une part, son interprétation du Coran relève plus d'une lecture symbolique
que d'une lecture littérale. D'autre part, il refuse la division des croyants
en modèles (mujtahid-s) et imitateurs. En effet, il rejette l'idée du modèle
à suivre, lui préférant une seule autorité, à savoir l'Imam caché. A l'inverse
des chiites, les shaykhis nient la résurrection du corps matériel et la nature
matérielle de l'Ascension du Prophète. Ils font de l'Imâm 'Ali une incarnation
divine et affirment que Dieu a délégué aux Imams un pouvoir de création sur
le monde. En parallèle, ils proclament l'imminence du retour de l'Imam promis,
successeur désigné de Mohammed. Ils confortent ces thèses en affirmant qu'à
chaque époque existe un Imam unique.
Ils affirment également qu'il représente le douzième Imam et la porte (bâb)
[55], celle qui justement permet d'atteindre
spirituellement cet Imam. Ce dernier est l'unique guide de son temps, habilité
à parler au nom de Dieu et du Prophète.
Ceci constitue le point d'achoppement avec le clergé chiite. Pour ces raisons,
les ulémas le déclarent incroyant : "takfîr". Ils s'octroient un nouveau pouvoir,
celui d'excommunier, préservant ainsi le rôle de gardien de l'orthodoxie musulmane
chiite. L'excommunié perd son statut de musulman, il est rabaissé au statut
de chrétien, juif ou zoroastrien. Bien que non institutionnalisées, les conséquences
de cette excommunication sont importantes, d'autant que tout mujtahid pouvait
prononcer le takfîr.
Shaykh Ahmad meurt à Médine en 1826 après avoir fondé une école de pensée et
diffusé largement ses principes. Siyyid Kazim-i-Rashti, que Shaykh Ahmad avait
désigné de son vivant, participe activement à développer celle-ci.
L'Encyclopedia Britannica [56] nous indique
que Siyyid Kazim-i-Rashti et le Bab se sont rencontrés à Kerbela ce qui démontre
la proximité du Bab avec l'école de pensée shaykhie. Il semblerait que le Bab
ait fréquenté les classes de Siyyid Kazim en Iraq.
En raison de l'intensification des conflits avec ceux qui se veulent les gardiens
de l'orthodoxie et sans l'aura de Shaykh Ahmad, Siyyid Kazim est fréquemment
victime d'agression. Ainsi, en 1843, un de ses ennemis, Siyyid Ibrahim, rassemble
une bande de conspirateurs et parvient à soulever la population contre lui.
Malgré ces oppositions, le mouvement shaykhie se développe et le nombre de ses
disciples augmente.
Peu avant sa mort en 1843, Siyyid Kazim exhorte ses disciples à se disperser
à la recherche du Promis qui devait bientôt être révélé. Il précise que selon
le calendrier islamique, l'année prédite était 1260 A.H. [57], c'est-à-dire exactement mille années lunaires après
la disparition de l'Imam caché.
Or, bien souvent, les shaykhis pensaient que le Promis ou le vecteur permettant
d'atteindre l'Imam caché était immanent soit à Shaykh Ahmad soit à Siyyid Kazim,
bien que tous deux aient toujours nié cette éventualité.
A la mort de Siyyid Kazim, certains adeptes décident de rentrer dans une période
de retraite religieuse dans l'attente d'être guidés vers le Promis, afin de
suivre les recommandations du défunt.
Après avoir observé quarante jours de jeûne et de prières, Mulla Husayn-i-Bushru'i
[58], l'un des plus éminent shaykhis, décide
de quitter Karbila pour se rendre en Perse à la recherche du Promis.
Le 22 mai 1844, Mulla Husayn et deux de ses compagnons arrivent à Chiraz. Mulla
Husayn envoie ses compagnons à travers la ville pour commencer leur recherche
tandis qu'il demeure à la porte de la ville. C'est à cet endroit qu'il va rencontrer
'Ali-Muhammad. Cet homme, âgé de 25 ans, lui souhaite la bienvenue et lui offre
l'hospitalité. C'est dans une modeste demeure des quartiers pauvres de la ville
que se rendent les deux hommes. L'entrevue va durer jusqu'à l'aube.
Lors de cette entrevue, 'Ali-Muhammad annonce à Mulla Husayn être le Promis
que les shaykhis recherchent. Il déclare être le Bab, ce qui signifie la Porte
en arabe, symbolisant la voie d'accès par laquelle on peut parvenir à connaître
Dieu. Ce même soir, le Bab rédige un long document intitulé Qayyumu'l-Asma [59]. Ce document identifie son auteur comme
étant un messager de Dieu dans la lignée de Jésus, de Mohammed et de ceux qui
les ont précédés.
Il proclame qu'il est envoyé par Dieu pour inaugurer une nouvelle ère de paix
et de fraternité universelle. Le 23 mai 1844 est donc le jour de la déclaration
de la mission du Bab. Aujourd'hui, chaque année, les baha'is à travers le monde,
commémorent cette date.
Mulla Husayn devient le premier disciple du Bab et le premier croyant de la
foi babie. Il obtient du Bab le titre de Babu'l-Bab (la porte de la porte).
Selon l'histoire babie, en l'espace de quelques semaines, dix-sept autres chercheurs,
dont quinze mollahs [60] et une femme, reconnaissent le Bab comme
le messager promis. L'Encyclopedia Britannica évoque également ces dix-huit
personnes (les dix-sept croyants et Mulla Husayn) : "ils deviennent apôtres
de la nouvelle foi dans les diverses provinces de Perse." [61]
Le Bab confère à ces dix-huit premiers croyants le titre de "Lettres du Vivant"
(huruf al-havy). Ainsi ces dix-huit personnes plus le Bab sont au nombre de
dix-neuf, chiffre sacré dans la religion baha'ie. On pourrait les définir comme
des apôtres, des ministres de la foi. Ils sont envoyés à travers la Perse pour
proclamer le nouveau message.
Bien que le babisme se réclame de l'héritage shaykhie, tous les shaykhis ne
deviennent pas babis. Effectivement la mort de Siyyid Kazim précipite le mouvement
shaykhie dans une sérieuse crise interne mêlant tensions et rivalités. En outre,
Siyyid Kazim n'est pas parvenu à désigner un successeur, et l'absence d'un moyen
d'élection concret permettant de désigner un chef spirituel augmente d'autant
les troubles et provoque un morcellement du mouvement. Ainsi, les shaykhis se
scindent en trois branches. On trouve une branche à Tabriz, une à Kirman et
une à Kerbela. D'après l'Encyclopaedia Irannica, deux écoles majeures se détachent
: celle formée autour du Mollah Mohammed-Karim Khan à Kirman et l'autre autour
du mouvement babi. La première tient à préserver le nom et l'identité de l'école
shaykhie et s'aligne sur le chiisme duodécimain en atténuant ses aspects hétérodoxes.
Quant à la deuxième, elle crée une nouvelle religion.
D'après l'Encyclopédie de l'Islam, l'école de pensée shaykhie existe toujours
en Perse. Le centre de la communauté actuelle est la madrasa de Kirman. On trouve
aussi de plus vastes groupes de shaykhis à Téhéran, en Azerbaïdjan et au Fars
ainsi que chez les employés de l'industrie pétrolière au Khusistan.
2- Origine et jeunesse du Bab avant la déclaration
de sa mission
Qui est donc cette personnalité qui a inauguré cette nouvelle religion ?
Mirza Siyyid 'Ali-Muhammad, dit plus tard le Bab, est né en Perse, à Chiraz,
le 20 octobre 1819. Issu d'une famille de riches marchands, Il serait siyyid,
descendant de Muhammad : "le Seïd Bab, fondateur de la secte" [62]. D'après les sources baha'ies [63], les origines de la famille du Bab remontent au prophète
Muhammad.
En effet, Nabil nous apprend que le père ainsi que la mère du Bab descendaient
tous deux du prophète. L'Encyclopaedia Iranica confirme ce fait. [64] Cependant, en Perse, le titre de siyyid pouvait être
un titre usurpé. Le Comte de Gobineau doute de l'authenticité du titre porté
par le Bab. "on a attaché beaucoup d'importance, d'une part à soutenir qu'il
était descendu du Prophète par l'Imâm Husseïn, c'est à dire à lui assurer le
rang et les prérogatives d'un séyd ; d'autre part, à lui nier cette qualité.
Ce qui est incontestable, c'est que s'il était séyd, il l'était de cette manière
obscure qui jette plus que du doute sur les prétentions des nombreuses familles
persanes qui se flattent du même honneur.(…) Et si ses pères [du Bab] ont porté
ou réclamé la qualification de séyd, c'était à un titre peu sûr." [65]
Au contraire Heinz Halm [66], d'après l'étude de l'historiographie,
considère le Bab comme descendant du prophète : "Un jeune sayyid, 'Alî Mohammad
de Chiraz…".
Le Bab serait un siyyid. En effet, le titre de siyyid apparaît dans son nom,
nous continuerons à l'appeler ainsi. A l'origine, le siyyid est un chef d'une
tribu arabe, puis, à l'époque islamique, c'est le titre honorifique que l'on
donne aux descendants du Prophète Muhammad.
En Perse, au XIXe siècle, les siyyid portaient un turban vert signifiant leur
appartenance à la descendance du prophète.
D'après La Chronique de Nabil, la famille du Bab était une famille renommée
et respectée tant par leur entourage que par les habitants de la ville [67].
Siyyid 'Ali-Muhammad perd son père lorsqu'il est encore enfant. Il est alors
élevé par son oncle maternel : Haji Mirza Siyyid 'Ali qui deviendra plus tard
un babi et qui sera d'ailleurs martyrisé, nous le verrons en troisième partie.
L'enfance du Bab est tranquille. Pendant cinq ou six ans, il étudie dans l'école
de Shaykh Abid : l'école "Qahviyih-Awliya". Shaykh Abid est un disciple de Shaykh
Ahmad et de Siyyid Kazim. On peut ainsi déduire : premièrement l'étendue du
mouvement shaykhi. En effet, Shaykh Abid, un disciple shaykhi, a fondé une école
qui ne semble pas avoir été interdite ou contestée par les autorités.
Deuxièmement, l'influence de l'école de pensée de Shaykh Ahmad sur le Bab semble
encore plus évidente. En outre, l'Encyclopaedia Iranica nous informe que de
nombreux membres de la famille du Bab étaient des adhérents actifs du shaykhisme
[68].
A 13 ans, son oncle le retire de l'école et décide de l'associer dans son commerce.
Puis le Bab se rend à Bushihr, port du golfe persique, où il dirige le commerce
de mercerie de son oncle [69].
Tout en menant sa carrière commerciale, il se consacre à la dévotion et à la
prière. Sa piété lui attire respect et sympathie de la population. Plusieurs
témoignages l'attestent. Gobineau déclare "Il [le Bab] se montra de bonne heure
possédé par des idées religieuses très actives (…) Toujours occupé de pratiques
pieuses, d'une simplicité de moeurs extrême, d'une douceur attrayante, et relevant
ses dons par son extrême jeunesse et le charme merveilleux de sa figure, il
attira autour de lui un certains nombres de personnes édifiées. Alors on commença
à s'entretenir de sa science et de l'éloquence pénétrante de ses discours. Il
ne pouvait ouvrir la bouche, assurent les hommes qui l'ont connu, qu'il ne remuât
le fond du coeur." [70] "Lorsque le Bab vivait à Bushihr, il
passait beaucoup de temps à prier. Chaque matin, au lever du soleil, il priait
dans la direction de Téhéran et glorifiait Dieu, et chaque vendredi, il passait
plusieurs heures à la prière et à la méditation."Traduction de courtoisie. [71]
Les dépêches corroborent les propos des citations précédentes : "Un jeune homme
[le Bab] de cette ville, à la fois très savant et très éloquent" [72]
En 1841, sa très grande foi le décide à fermer son commerce et pérégriner à
Najaf et Karbila [73]. Ces deux villes, situées en Iraq, sont
considérées par les musulmans chiites comme des villes saintes. En effet, à
Najaf repose la dépouille de l'Imam 'Ali, cousin et gendre du prophète. A Kerbela,
les musulmans chiites se recueillent devant le tombeau de l'Imam Husayn, fils
de Ali, martyrisé près de Kerbela en 680. Abbas, le frère d'Husayn est également
enterré à Kerbela.
Une croyance musulmane chiite considère qu'après la réapparition du Qa'im, l'Imam
Husayn et les soixante douze personnes tuées avec lui, apparaîtront également.
A son retour en Perse, en août 1842, le Bab épouse Khadija-Bagum, une parente
éloignée. De cette union, né un enfant en 1843 prénommé Ahmad, qui meurt peu
après sa naissance.
3- Les deux phases de la déclaration du Bab
En 1844, le Bab déclare être le Mahdi (celui qui est guidé par Dieu), l'incarnation
des attentes eschatologiques des musulmans chiites. Bien que son nom soit Siyyid'Ali-Muhammad,
il adopte le nom de "Bab" qui signifie en arabe "la porte". Sa venue, explique
le Bab, représente la porte par laquelle doit arriver le messager universel
de Dieu attendu de tous. "Les Babis (ils se nomment ainsi de la désignation
de leur chef Bab, qui veut dire porte en arabe, et qui signifie que le chef
Bab est la porte de la sagesse c'est l'interprétation exacte du koran" [74]
Selon les historiens, la déclaration de l'immanence du Bab est progressive :
elle comporte deux phases. La première s'étend de 1844 à 1848, elle est caractérisée
par une ambivalence du discours du Bab. La seconde commence à partir de 1848
jusqu'à sa mort.
D'après Peter Smith [75], historien des religions et sociologue,
lui-même baha'i, il semblerait qu'au départ, le Bab se déclare titulaire du
savoir ésotérique des Imams tout comme l'étaient Shaykh Ahmad et Siyyid Kazim.
Il se déclare également le représentant de l'Imam sur cette terre impliquant
la détention d'une position spirituelle élevée.
Plus tard en 1848, il annonce être lui-même le Qa'im, le retour de l'Imam caché.
Selon Peter Smith cette seconde déclaration officielle était officieuse pour
les premiers disciples babis et implicitement reconnu dans les premiers Ecrits
du Bab.
Dans l'Encyclopaedia Iranica, A. Gheissari, auteur de l'article sur le babisme
[76], divise le babisme en deux périodes.
La première couvre la période de 1844 à 1848. le Bab proclame qu'il est la porte
préparant le retour de l'Imam caché.
Le mouvement babi se caractérise par une piété islamique et par l'observation
des lois islamiques et de la Shari'ah (la Loi canonique, idéale de l'Islam).
La deuxième période couvre la période de 1848 à 1853. Le Bab proclame être l'Imam
en personne. Aussi, il abroge certaines lois islamiques de la Shari'ah, il promulgue
un nouveau code de loi pour une nouvelle religion.
Heinz Halm lui aussi démontre que le Bab déclare sa mission en deux temps :
"un jeune sayyid, 'Alî Mohammad de Chiraz (né en 1819), prédit en 1843 la réapparition
de l'Imam caché à Karbala pour le début de l'année Hégirienne1261 (10 janvier
1845) et il se présenta (…) comme la "porte" (bâb) de cet imam.(…) Lorsque,
fin 1847, le bâb prétendit être lui-même l'imam caché et, en qualité de Mahdi
et Qâ'im, déclara la loi islamique abolie." [77]
Un événement babi vient conforter ces différentes théories. En 1848, a lieu
dans le village de Badasht [78], un concile de babis guidé par Mirza
Husayn-'Ali, l'un des disciples éminents de la foi babie, appelé plus tard Baha'u'llah.
"Les trois troupes réunies dans le hameau de Bedesht campèrent en partie dans
les maisons des paysans, en partie dans les jardins. On n'était pas tout à fait
sorti du Khorassan (…). Gourret oul-Ayn jugea nécessaire d'échauffer le zèle
des croyants par une prêche. (…) La jeune femme débuta par rendre son auditoire
attentif à cette grande vérité que les temps étaient venus où la doctrine du
Bâb allait couvrir toute la surface de la terre (…). Une nouvelle lumière avait
surgi, une nouvelle loi allait naître ; un livre nouveau allait remplacer l'ancien."
[79]
Comme le relate Gobineau, en effet, une des Lettres du Vivant [80], Qurratu'l-'Ayn, connue sous le nom de Tahirih (la pure),
expose l'étendue du message du Bab. Tahirih explicite les déclarations du Bab
et sa mission. Le Bab est l'Imam Mahdi, le messager de Dieu, le fondateur d'une
nouvelle révélation religieuse indépendante.
Ainsi, les babis sont appelés à se libérer des exigences de la Shari'ah islamique.
Les babis doivent se tourner vers les nouveaux enseignements sociaux révélés
par le Bab qui provoquent une réelle scission avec les enseignements musulmans.
Il semble que certains babis ait considéré le fondateur de la foi babie comme
un simple réformateur religieux leurré par l'ambivalence de son discours et
par l'ambiguïté de l'appellation "Bab" [81]. Les explications de Tahirih mettent
durement à l'épreuve la foi de nombreux babis. Dès lors, certains renoncent
à leur nouvelle foi. Cependant, la plupart des babis sont touchés par le discours
de la jeune femme, ainsi l'ardeur de leur foi ne fait que s'intensifier. "Il
paraît que ce discours fut particulièrement efficace. (…) et non seulement il
produisit un grand effet sur les auditeurs, mais, répété partout et commenté
(…) il amena encore beaucoup de partisans au bâbisme." [82]
Les baha'is considèrent le Bab comme le Promis, fondateur d'une nouvelle religion,
mais aussi comme le précurseur de Baha'u'llah.
Pour les baha'is, la religion babie est fondée en 1844 par le Bab. La mission
essentielle du Bab consiste à préparer la venue du messager universel de Dieu
attendu de tous. A certains égards, on peut comparer le rôle du Bab à saint
Jean-Baptiste dans l'avènement du christianisme. Cependant, à la différence
de ce dernier, le Bab a fondé une religion indépendante, propre, distincte,
avec ses propres livres, notamment le Bayan.
En 1863, Baha'u'llah ("Splendeur de Dieu" en arabe), déclare être formellement
cette manifestation. La majorité des babis acceptent les principes de Baha'u'llah
et adoptent la foi baha'ie.
Pour mieux comprendre les explications des parties à venir, nous allons brièvement
évoquer l'histoire de la vie du Bab en tant que prophète. Nous nous attarderons
davantage sur son exécution en 1850, car ce fait est largement relaté dans les
dépêches diplomatiques.
4- Bref historique de la vie du Bab après sa rencontre
avec Mulla Husayn
Dans un premier temps, l'enseignement du Bab se limite au cercle de ses dix-huit
disciples. Ceux-ci se dispersent à travers la Perse apportant avec eux les premiers
écrits du Bab, notamment son commentaire de la sourate de Joseph.
Le Bab, quant à lui, se rend à la Mecque et à Médine en Arabie, centre de pèlerinage
du monde musulman. Le vendredi 20 décembre 1844, il déclare publiquement : "je
suis le Qa'im dont vous attendez la venue" [83]. Il adresse une tablette au shérif de la Mecque [84], gardien des tombeaux, dans laquelle
il réitère ses propos concernant son rang. Cependant, les autorités islamiques
sunnites ne prêtent pas une attention sérieuse à ses déclarations.
Au contraire, les autorités religieuses et gouvernementales [85] persanes s'inquiètent de l'essor de ce nouveau mouvement.
A Chiraz, la renommée du Bab s'étend, propageant de fait le nouveau message
dans toute la Perse. Dès lors, le Premier ministre Haji Mirza Aqasi [86], ordonne l'emprisonnement du Bab. L'été
1847 ce dernier est envoyé à Mah-Ku dans une forteresse de la province de l'Azerbaïdjan.
Le 10 avril 1848, il est ensuite transféré dans la prison de Chiriq située dans
la même province. Le récit de Nabil, ainsi que des épîtres du Bab [87], évoquent les douleurs de l'emprisonnement.
Le ministre russe Dolgorukov accrédité en Perse, demande que le Bab soit libéré
de la prison de Mah-Ku [88]. En effet, cette dernière se situe à
la frontière russe, près du Caucase, région qui connaît déjà des perturbations
religieuses. Cette demande nous laisse supposer que le ministre tente d'éviter
la propagation de tous problèmes religieux dans son pays. Cette demande peut
également supposer qu'il se pose en défenseur du Bab et de la religion babie.
En effet, en 1852, ce ministre offre l'exil à la nouvelle croyance, comme nous
le verrons dans notre troisième partie.
A la demande du clergé, le Premier ministre ordonne que le jugement du Bab se
déroule à Tabriz, devant le futur roi Nasiri'd-Din Shah et devant une assemblée
d'ecclésiastiques. Au cours du procès qui a lieu en 1848 le Bab déclare à nouveau
qu'il est le Promis. "Dès qu'il se déclara le Promis, un sentiment de terreur
s'empara de l'assistance" [89].
5- L'exécution du Bab le 9 juillet 1850
Le 9 juillet 1850, le Bab est exécuté. Il existe cependant des ambiguïtés quant
à la date de cette exécution. En effet, dans une dépêche, il ne s'agirait pas
de l'année 1850 mais de l'année 1851 "le Seïd Bab, fondateur de la secte, incarcéré
depuis 1847, a été fusillé à Tauris dans l'automne de 1851" [90]. Cette source semble totalement erronée, les historiens
de l'époque et contemporains, ainsi que d'autres écrivains attestent que la
mort du Bab est survenue en 1850. L'histoire baha'ie considère que l'exécution
du Bab a eu lieu le 9 juillet. Cependant, Moojan Momen dans son ouvrage [91] envisage une erreur quant au jour de
l'exécution. Il indique que le Bab aurait été exécuté le 8 juillet 1850. Il
s'appuie, entre autre [92], sur une dépêche du consul Richard Stevens
écrite à Sheil, le 24 juillet 1850, qui date le martyre du Bab au 8 juillet
1850.
Des récits concernant cette exécution existent, mais d'après l'Encyclopaedia
Iranica [93] il ne s'agit pas de témoignages oculaires
directs. En revanche, il existe de nombreux témoignages retranscrits. Le récit
d'un diplomate bien que bref se fait l'écho d'un phénomène mystérieux au cours
de l'exécution.
"Votre excellence se souvient de l'apparition du Babysme (…) du supplice appliqué
au Bâb peu de temps après à Tauris [94], du quasi miracle qui s'en suivit -
une première décharge dirigée contre lui n'avait eu pour effet que de le délivrer
de ses liens" [95]
"Le fondateur de cette secte a été exécuté à Tabriz. Il a été tué par une salve
de tirs au fusil. (…) Quand la fumée et la poussière s'effacèrent après la décharge,
le Bab n'était pas visible, et la population clamait qu'il avait accompli une
ascension vers le ciel." [96].
On peut se demander pourquoi les diplomates français ont occulté cet événement,
au contraire des dépêches diplomatiques d'autres pays. En effet, les circonstances
extraordinaires qui ont entouré sa mort aurait pu susciter une vague d'intérêt.
Seule la dépêche de Mellinet en fait état. Il évoque un "quasi miracle" sans
donner plus de détails.
On peut échafauder plusieurs hypothèses. Tout d'abord, la France en pleine révolution
industrielle connaît les prémices de ce que Max Weber appelle le désenchantement
du monde.
Ainsi, la population française, notamment les élites éclairées, sont moins en
proie au mysticisme. Aussi, comprend-on mieux le manque d'adhésion des diplomates
français à cet événement mystérieux. En outre, ces derniers craignent d'engager
leur crédibilité auprès des institutions françaises ou plus particulièrement
le Quai d'Orsay.
Pour une meilleure compréhension, nous pensons utile de nous attarder sur l'exécution
controversée du Bab. Aussi, relatons nous les faits, rapportés par les dépêches
diplomatiques ainsi que par notre source baha'ie principale : La Chronique de
Nabil.
Alors que le siège de Zanjan (chapitre III) se poursuivait, Mirza Taqi Khan
[97] ordonne au gouverneur de l'Azerbaïdjan,
Hamzih Mirza, de conduire le Bab à Tabriz et d'y organiser son exécution publique.
D'après William Hatcher [98], ainsi que Moojan Momen [99], tous deux baha'is, le Premier ministre ne possédait
pas l'autorité suffisante pour ordonner un tel acte, d'autant qu'il n'avait
consulté aucun membre du gouvernement. Aussi le gouverneur de l'Adhirbayjan
refuse l'exécution car il ne souhaite pas tuer un descendant du prophète Muhammad,
innocent de tous crimes. C'est alors le frère de Mirza Taqi Khan, Mirza Hasan
Khan qui doit se charger d'effectuer les démarches nécessaires à l'exécution.
Ferrier, l'un de nos diplomates, indique une raison différente. En effet, pour
lui, Mirza Taqi Khan doit, faute d'incompréhension, ordonner à deux reprises
qu'on exécute le Bab. "Le chah (…) il y a trois semaines pour les faire tuer
à coups de bayonette sur la place publique de Tauris. L'ordre de cette exécution
ayant été mal compris par le gouverneur de l'Azerbaïdjan, n'a pas encore été
exécuté, mais un second très impératif, est parti ces jours derniers afin qu'elle
ne fut plus (…) d'un instant." [100]
Ainsi, le Bab est emmené à Tabriz. C'est le pouvoir religieux qui se charge
de cette exécution. Le clergé signe un arrêt de mort officiel [101] et le Bab est condamné à mort pour hérésie.
Le Bab et l'un de ses disciples, pour l'exécution, sont suspendus à des cordes
contre le mur d'une caserne militaire [102].
Un régiment de sept cent cinquante soldats arméniens chrétiens est amené pour
former le peloton d'exécution. Voici comment Nabil relate l'événement : "Dès
qu'on eut fini de les attacher, un régiment de soldats s'aligna en trois files
(…) elles reçurent l'ordre d'ouvrir le feu l'une après l'autre jusqu'à ce que
le détachement tout entier eut tiré sa salve. La fumée provoquée par la décharge
(…) se changea en ténèbres. (…) environ dix milles personnes assistèrent à ce
triste et émouvant spectacle. Dès que le nuage de fumée se fut dissipé, une
multitude ébahie vit une scène à laquelle ses yeux pouvaient à peine croire.
Devant elle, debout et indemne, se tenait le compagnon du Bab, alors que celui-ci
avait disparu, sain et sauf, de sa vue. Bien que les cordes au moyen desquelles
ils étaient suspendus fussent déchiquetées par les balles, leurs corps avaient
miraculeusement échappé à la salve." [103]
Nicolas également témoigne de l'épisode étonnant qui se produit : "Par un hasard
extraordinaire, les balles ne touchèrent que les cordes qui tenaient Bab attaché
; elles se rompirent et il se sentit libre. Du bruit, des éclats de voix retentirent
de tous les côtés sans qu'on comprît d'abord de quoi il s'agissait." [104]
"On se mit activement à la recherche du Bab, et on le trouva finalement assis
dans la chambre même qu'il avait occupé la nuit précédente."j'ai fini ma conversation
interrompue (…)" dit le Bab "à présent, tu peux te mettre à exécuter ton dessein."
[105]
Un régiment de musulmans est formé à la hâte, le Bab et son compagnon une nouvelle
fois sont suspendus. Une seconde décharge est tirée sur eux. Cette fois les
deux corps sont criblés de balles.
B. Les incompréhensions doctrinales
des diplomates
Les diplomates dans leurs dépêches évoquent la doctrine de la nouvelle croyance
et selon les auteurs, plusieurs opinions sont données. Les dépêches révèlent
des incompréhensions doctrinales. On note également un vocabulaire et un ton
spécifique aux auteurs diplomatiques. Il serait donc intéressant d'analyser
et de comprendre ces éléments.
1- La méconnaissance des diplomates du mouvement baha'i
Le premier fait notoire que l'on retrouve dans nos sources diplomatiques est
l'absence de l'évocation de Baha'u'llah, fondateur de la religion baha'ie. En
effet, les diplomates évoquent tous le Bab, mais il semble qu'ils n'ont pas
perçu l'existence d'un autre prophète. Il est souvent question du Bab alors
que celui-ci est déjà mort. On évoque alors le chef de la religion babie, bien
que le Bab soit déjà mort. Dès lors, hormis les diplomates du début du XXe siècle,
les auteurs diplomatiques n'ont pas pris en compte la nouvelle religion baha'ie
remplaçant la religion babie.
"Les habitants d'une petite localité des environs, Sédeh, soupçonnés de Babisme
étaient depuis longtemps molestés par les prêtres (…) Il n'en est pas de même
du Babisme qui prend ici chaque jour un développement plus considérable" [106]. L'extrait de cette dépêche date
de 1890. A cette date, le Bab est mort depuis quarante ans. Baha'u'llah, quant
à lui, a déclaré sa mission en 1863, les babis sont devenus baha'is.
En 1869, un jeune baha'ie apporte au roi une lettre provenant de Baha'u'llah
: "Il déclara qu'il était chargé de présenter une requête au Schah. (…) Elle
émane, a dit la personne qui la portait, du Bab, ou chef des Babys, qui est
en prison, en ce moment à St Jean d'Acre." [107]. Une fois de plus, on note une erreur.
En effet, en 1869, le Bab a déjà été exécuté. En outre, le Bab n'a jamais été
emprisonné à St Jean d'Acre [108]. C'est au contraire Baha'u'llah qui
dès le 31 août 1868 est enfermé dans la prison de St-Jean-d'Acre.
De plus, cette dépêche, évoque une requête adressée au roi, apportée par un
croyant. En 1869, Baha'u'llah a bien envoyé, par l'intermédiaire de Badi, une
épître au Shah. Ce jeune croyant a été torturé et exécuté. La dépêche évoque
également cette torture et sa mort. Ainsi, tous les faits prouvent qu'il ne
s'agit pas du Bab mais bien de Baha'u'llah.
Ces deux exemples choisis montrent que certains diplomates n'ont pas assimilé
ou n'ont simplement pas eu connaissance de la deuxième révélation succédant
à la religion babie.
Nous avons cependant en notre possession deux dépêches qui évoquent l'existence
d'un autre prophète après le Bab. Or, aucun nom n'est mentionné, et les auteurs
semblent avoir peu d'informations sur ce dernier.
"Avant de mourir, l'hérésiarque avait désigné son successeur éventuel que personne,
sauf les hauts dignitaires de la secte, ne connaît. On croit le voir partout,
on ne peut le saisir nulle part. Cependant ses ordres circulent d'une extrémité
de la Perse à l'autre." [109]
"Le Bab avait été promptement remplacé et le mot d'ordre de son successeur était
d'attendre que le temps fut venu. Lui même se réfugiant à Bagdad d'où il faisait
entendre ses prédications aux nombreux fidèles qui viennent chaque année à Kirmancha
et à Kerbela. Le tombeau des saint Imams servait de lieu de propagande à la
nouvelle religion." [110]
La seule dépêche que nous avons trouvée et qui évoque Baha'u'llah a été écrite
par Nicolas. Il s'agit de la traduction d'un article de journal persan concernant
la tentative d'attentat contre la vie du Shah perpétrée par des babis (chapitre
III). Baha'u'llah à cette époque est babi, il se nomme Mirza Husayn-'Ali.
"Un de ces misérables conspirateurs, Mirza hussein Ali, s'était réfugié à zerguendé,
résidence d'été de la Légation de Russie" [111]. Effectivement, condamnant le geste des babis qui
ont tenté d'assassiner le Shah, Baha'u'llah se rend au campement royal. En chemin,
il séjourne à Zarkandih, dans la résidence de la légation de Russie.
Comment pouvons-nous expliquer ces erreurs de compréhension et ce manque d'informations
?
Tout d'abord, il semble évident que les diplomates aient beaucoup plus évoqué
la croyance babie et donc par-là même le Bab en raison de forts nombreux évènements
concernant ce dernier et ses disciples. En effet, la période babie est une période
forte en rebondissements, avec des soulèvements, des massacres. La religion
babie prend une connotation politique et sociale. C'est un mouvement nouveau
qui connaît une vive ampleur. Nous le verrons en troisième sous partie, le nombre
des adeptes babis augmente. Cette croissance est remarquée par les diplomates.
L'histoire de la foi baha'ie étant moins agitée que celle de la foi babie, on
peut penser que Baha'u'llah et les baha'is ont été moins connus des diplomates.
En effet, bien que les baha'is aient été victimes de violentes persécutions,
au contraire de certains babis, ils n'ont pas répondu à ces attaques. Ainsi
il n'y a pas eu de soulèvements demandant le concours des forces armées.
Il faut noter également qu'à l'époque les baha'is étaient appelés par la plupart
des Européens et des musulmans persans les babis.
De plus, Baha'u'llah a connu un exil pendant près de quarante années et a été
emprisonné en Perse, mais surtout hors de la Perse, dans l'Empire Ottoman. Ainsi,
cela peut justifier le fait que Baha'u'llah soit moins connu des diplomates
accrédités en Perse, que ne l'ont été le Bab et ses disciples.
Tout laisse supposer que les diplomates aient cru à l'éradication du mouvement
babi au début des années 1850. En effet, après la tentative d'assassinat du
Shah en 1852, les autorités perses, en représailles, ont massacré une grande
partie de la population babie. La communauté babie a été partiellement détruite
et s'est retrouvée numériquement amoindrie. "Il est évident que cet événement
se rattache à des projets secrets de la secte des Babys, que le roi croyait
avoir exterminée dans les sanglantes et barbares exécutions de 1854, à la suite
d'un attentat commis par un baby contre sa personne" [112]
De plus, une partie des membres piliers de la foi babie, tels les dix huit premiers
disciples ont péri dans les nombreux soulèvements babis ou persécutions, tout
comme de nombreux babis. Selon l'Encyclopaedia Iranica [113], environ 3000 babis sont morts lors
des différents soulèvements (Shaykh Tabarsi, Zanjan, Nayriz) et lors de persécutions
et pogroms perpétrés contre les babis. (chapitre III).
Les diplomates, mais aussi une partie des Perses, ont cru à la fin du mouvement.
"Les Babys, qui n'avaient plus fait parler d'eux depuis les évènements de 1852,
viennent de se relever tout à coup au moment où personne ne soupçonnait même
plus leur existence (…)La secte semble vouloir renaître de ses cendres ?" [114]
Ainsi, alors que le mouvement babi semble menacer d'extinction, Baha'u'llah
perpétue le mouvement en prenant sa direction.
Mirza Husayn-'Ali [115], né le 12 novembre 1817 est issu
d'une famille des plus illustres et anciennes de Nur, localité du Mazindaran.
Son père, Mirza 'Abbas, appelé dans le cercle de la cour Mirza Buzurg, est ministre
à la cour du Shah.
En 1844, à 27 ans, Mirza Husayn-'Ali épouse la foi du Bab et devient un fervent
adepte du babisme. Comme nous l'avons vu précédemment, il a d'ailleurs été l'un
des principaux acteurs de la rencontre à Badasht [116]. A la mort de son père [117], Mirza Husayn-'Ali décline l'offre de fonction de
ministre.
D'après Hatcher [118], Mirza Husayn-'Ali voyage beaucoup,
il est responsable de la conversion d'un grand nombre de personnes. Bien qu'il
n'ait jamais rencontré le Bab, il entretient avec lui une relation épistolaire.
Mirza Husayn-'Ali influence ses coreligionnaires qui le considèrent comme un
guide spirituel de la foi babie.
Au cours de l'été 1852, lorsque des babis attentent à la vie du Shah, Baha'u'llah
est arrêté, emmené à Téhéran et incarcéré dans une célèbre prison : le Siyah-Chal
(la fosse noire ou trou noir), prison connue pour son insalubrité. Après quatre
mois d'emprisonnement dans le Siyah-Chal, Baha'u'llah est exilé de son pays
natal dans l'Empire Ottoman. En 1853, il est exilé à Bagdad en Iraq où il reste
dix ans avant d'être à nouveau banni vers Constantinople (capitale de l'Empire
Ottoman) puis, en 1868, vers la ville-prison de Saint-Jean-d'Acre, en Palestine.
C'est le 21 avril 1863, que Baha'u'llah déclare être "celui que Dieu rendra
manifeste" [119], le messager universel de Dieu promis
par le Bab et par les Ecrits des précédentes religions. Dans un jardin près
de Bagdad, le jardin de Ridvan, Baha'u'llah annonce à ses compagnons qu'il est
celui dont la venue avait été prédite par le Bab, il est le Promis de toutes
les religions. Il complète la mission du Bab. La grande majorité des babis finiT
par accepter les principes de Baha'u'llah, le mouvement se structure et devient
"la foi de Baha'u'llah", donc la foi baha'ie [120]. L'anniversaire des douze jours que
Baha'u'llah a passé dans le jardin de Ridvan est célébré dans le monde baha'i
comme la plus joyeuse de toutes les fêtes.
A partir du mois de septembre 1867, Baha'u'llah écrit une série de lettres adressées
aux rois et aux dirigeants de la terre [121]. Il y déclare être le promis de la Torah, des Evangiles
et du Coran.
Vers les années 1870, Baha'u'llah est autorisé à se déplacer librement hors
des remparts de la ville de St-Jean-d'Acre et ses disciples le rencontrent dans
une liberté relative. Il meurt à soixante-quinze ans, le 29 mai 1892, succombant
à une brève période de maladie. Aujourd'hui, la religion baha'ie est une religion
indépendante au même titre que l'Islam ou le christianisme et se veut apolitique.
Elle compte près de six millions de membres. D'après l'Encyclopedia Britannica,
elle représente la deuxième religion la plus répandue géographiquement après
le christianisme. Cette religion ne connaît ni clergé, ni dogme. Ses trois principes
fondamentaux sont : l'unité de Dieu, l'unité des religions et l'unité du genre
humain. Depuis 1948, les Nations Unies reconnaissent la communauté baha'ie comme
une organisation non gouvernementale (O.N.G). De plus, elle a un statut consultatif
auprès de l'UNESCO et de l'ECOSOC (conseil économique et social). Malgré la
reconnaissance de l'O.N.U, certains pays du Maghreb et l'Iran interdisent aujourd'hui
la pratique de cette croyance.
Avec l'avènement de la république islamique en 1979, près de deux cents baha'is
ont été exécutés, cent autres ont été emprisonnés. Des milliers d'entre eux
ont été privés de leur travail. Ils ne peuvent poursuivre d'études universitaires.
Les structures administratives baha'ies ont été bannies par le gouvernement
; Les lieus saints ou de sépultures ont été profanées ou confisquées. Aujourd'hui,
la communauté baha'ie compte près de trois cent dix mille membres en Perse.
En France, on en dénombre près de deux mille.
Ainsi, d'après les croyances baha'ies, le Bab et Baha'u'llah ont tous deux fondé
des religions indépendantes, la foi babie et la foi baha'ie. Cependant la mission
du Bab était de préparer la venue de Baha'u'llah. C'est pourquoi la fondation
de la foi babie symbolise pour les baha'is, l'origine de la foi baha'ie.
Le mouvement babi est plus souvent référencé que le mouvement baha'i, compte-tenu
de son histoire agitée et du bouleversement qu'il provoque, aussi est-il normal
que notre devoir s'attarde sur cette religion.
2- Le vocabulaire et les incompréhensions des diplomates
Lorsqu'ils évoquent les religions babie et baha'ie, les diplomates emploient
un ton et un vocabulaire spécifiques.
Tout d'abord, les diplomates assimilent cette nouvelle croyance à une secte.
Le mot secte vient du latin "secta", manière de vivre, ligne de conduite politique,
école philosophique ou religieuse. Ce terme dérive du mot "sequi", suivre, au
propre et au figuré. Secte a d'abord eu le sens de doctrine religieuse ou philosophique.
D'après le dictionnaire historique de la langue française, le mot secte avait
la même connotation que nous l'avons aujourd'hui.
"On annonce qu'il a été pris des mesures d'une extrême rigueur contre la secte
des Babis." [122],
"Et peut-être cette secte des Babis(…)" [123], "La nouvelle arrivait à Téhéran
que la petite ville de Zinguin située à mi-chemin, entre la capitale et tauris,
était devenue le théâtre de sanglants désordres. Sa population, dont la majorité
appartiennent à la secte des babis, s'entregorgeait pour [124]des différends religieux." [125]
Dans la Perse du XIXe siècle, les mouvements babis et baha'is sont perçus comme
schismatiques par le clergé chiite et une partie de la population. Aussi sont-ils
identifiés comme secte. Ces derniers figurent sur la liste des sectes de l'Islam,
ils sont davantage considérés comme un mouvement réformateur musulman qu'une
religion.
En effet, dans les premiers temps du babisme (1844-1848), les babis restent
principalement islamiques et la religion babie apparaît comme une réforme de
l'Islam ou l'expression d'une religiosité sectaire. Ainsi, les diplomates perçoivent
le mouvement babi au travers du prisme chiite et le considèrent comme sectaire.
Les écrits du Bab, dans un premier temps, sont diffusés rapidement, unifiant
ainsi le mouvement. Cependant, une fois le Bab emprisonné, l'autorité charismatique
disparaît et l'unité du mouvement est amoindrie. De plus, certains babis n'ayant
pas assimilé tous les enseignements du Bab, continuent d'observer les coutumes
islamiques. Ceci accroît l'idée d'un mouvement réformateur islamique chez les
diplomates en poste.
De plus, ce mouvement est également perçu comme révolutionnaire ou insurrectionnel
(chapitre III). Il est alors identifié non plus à une religion mais à une secte.
Néanmoins, pour qualifier ce mouvement, certains diplomates utilisent à la fois
le terme religion et secte démontrant ainsi leur confusion face à l'émergence
d'un mouvement religieux. "Le tombeau des saints Imams servait de lieu de propagande
à la nouvelle religion" [126]
Aussi les diplomates considèrent-ils le Bab comme un "chef", le chef de la "secte"
babie.
Les diplomates parlent également de "fanatisme" [127], terme souvent associé aux sectes. Ils sont confortés
par les non-abjurations des babis violentés, victimes d'affreuses persécutions
et l'énergie qu'ils déploient pour défendre leurs convictions religieuses.
Les auteurs des dépêches diplomatiques se sont penchés sur la question doctrinale
des croyances babie et baha'ie mais leurs sources d'informations apparaissent
peu fiable. Par exemple, chaque diplomate développe une version particulière
de la doctrine babie entraînant des incompréhensions doctrinales.
A contrario leurs récits des événements politiques et notamment ceux concernant
les babis apparaissent précis. "(…) est affiliée à cette secte, dont il est
difficile de connaître la forme et les tendances exactes." [128]
"Et peut-être cette secte des Babis n'est elle qu'un rejeton de celle des Ismaïliens"
[129]. Illustrant nos précédents propos, ce diplomate compare
les babis aux ismaéliens qu'il associe à une secte de l'Islam.
Le nom ismâ'îliya fait référence à Ismâ'il [130], fils de Ja'far al-Sâdiq. En première
partie, nous avons vu que les chiites duodécimains croient en douze Imams. Le
premier est 'Alî. Chez les ismaéliens, 'Alî tient une place à part, et le premier
des Imams est pour eux Al-Hasan. Chiites et ismaéliens reconnaissent Ismâ'il
comme le sixième Imam. Cependant, le groupe ismaélien continue la lignée des
Imams en passant par Ismâ'il et non par son frère, Mûsâ al-Kâzim, comme le font
les chiites duodécimains. Le fils d'Ismâ'il est le septième Imam. A l'origine,
la série des Imams, chez les ismaéliens, s'arrêtait au septième Imam, mais plus
tard, d'autres groupes ont continué la lignée des Imams. Ainsi, la dénomination
de chiisme septimain (sept) apparaît fallacieuse.
La dénomination la plus ancienne utilisée par les ismaéliens pour désigner leur
croyance est "religion de la vérité".
Dans la théorie d'origine, les ismaéliens attendent le retour du septième Imam,
Muhammad Ibn Ismâ'îl, le Mahdi qui doit marquer le début d'une nouvelle ère.
Au milieu du IXe siècle, au Khouzistan, (en Iran actuel), 'Abd Allâh se fait
le défenseur de cette doctrine et devient ainsi le dirigeant de ce mouvement.
Pour les ismaéliens c'est un alide [131] et le descendant de Ja'far al-Sâdiq.
Quant à ses adversaires, ils le considèrent comme un imposteur. Dès le début
du Xe siècle, la rumeur pose ce mouvement comme une pseudo-religion créée pour
détruire l'Islam. Au XIXe siècle, des auteurs et écrivains critiquent le fondateur
de cette croyance. En voici un exemple : "un homme dont le but était de propager
le matérialisme, l'athéisme et l'immoralité." [132]. Ainsi les critiques qui ont été
portées sur l'ismaélisme au XIXe siècle peuvent avoir influencé l'auteur. Nous
savons aussi que chez les ismaéliens, le titre "bâb" (disciple de l'Imam au
rang le plus élevé) occupe un rang élevé dans la hiérarchie. De surcroît, nous
savons que les ismaéliens attendaient l'établissement du royaume de Dieu sur
terre et ont des tendances messianiques, comme pour les babis. Aussi, la comparaison
entre le Bab, fondateur de la religion babie et les ismaéliens semble être évidente.
L'auteur de la dépêche n'est d'ailleurs pas le seul à assimiler les babis aux
ismaéliens, en témoigne cet extrait de l'Encyclopédie de l'Islam : "La métaphysique
du Bab se rapproche par certains cotés à celle des ismaéliens. Elle propose
en substance, (…), une division de l'être en trois parties : Monde de l'Essence
de Dieu absolument impossible à atteindre et transcendant, Monde de la Nature
et de l'Homme et Monde de la Manifestation, miroir très pur dans lequel seul
Dieu peut se regarder" [133].
"Cette secte a pour chef un fanatique appelé Bab qui se dit être l'incarnation
de Dieu sur la terre ; un de ses compagnons se fait passer pour l'Anté Christ".
[134] En analysant cette dépêche, on peut
penser que son auteur a distingué la base doctrinale babie. Or il se limite
au superficiel et a mal interprété les propos du Bab. Le compagnon, dont il
est question dans l'extrait, peut être Baha'u'llah. Cependant en analysant la
dépêche qui figure en annexe, il semblerait qu'elle date de 1851 au plus tard
[135] or, Baha'u'llah n'est pas encore connu de la population.
De plus le Bab et Baha'u'llah ne se sont jamais rencontrés. On peut dès lors
supposer que son compagnon est Mulla Husayn [136]. Cependant, un problème philologique se pose à nous.
Si le compagnon dont il est fait mention est effectivement Mulla Husayn, il
ne peut être l'antéchrist. En effet, l'antéchrist [137] s'oppose au Christ et par voie de conséquence à Dieu.
Le Bab "qui se dit être l'incarnation de Dieu" devient donc son adversaire.
Or, Mulla Husayn est le premier à reconnaître le Bab et est l'un des plus fervents
croyants. On s'aperçoit dès lors d'un déficit de compréhension de la part de
ce diplomate ou alors d'une vision déformée du discours du Bab.
Nous n'avons pas trouvé dans une source historique contemporaine ou dans des
écrits baha'is des arguments qui pouvaient confirmer les propos de l'auteur.
"Ces fanatiques matérialistes (niant ouvertement l'existence de Dieu, et refusant
de se soumettre aux lois du pays)" [138].
M. De Clairambault évoque l'aspect insurrectionnel du mouvement. Bien que le
Bab ait demandé à ses disciples de ne pas répondre aux attaques de la population,
des soulèvements ont lieu en Perse (chapitre III). Les babis, agressés par le
clergé ou par la population, entrent en conflit armé.
Les babis affirment leur foi en un seul Dieu, le même que les musulmans, les
chrétiens et les juifs.
La doctrine du Bab encourage l'apprentissage des sciences et des arts et toutes
formes d'éducation. Aussi nous pensons que Mr de Clairambault peut assimiler
cette quête de connaissance à une forme de matérialisme. D'autant que le Bab
avait promulgué des lois relatives à l'économie. De plus, pour les diplomates,
la communauté babie se compose d'un nombre élevé d'élites. Notons que l'assimilation
du terme "fanatique" au terme "matérialiste" semble paradoxal. Ainsi deux visions
des diplomates émergent quant à cette croyance : une foi religieuse nouvelle
fanatique ou une foi à caractère social.
"Les Bâbis (…) sont des descendants transformés de cet hérétique zoroastrien
du V siècle, mazdac, qui prêchait la communauté des femmes et des biens. Cette
doctrine n'est jamais morte en perse et, dans les mauvais jours, elle se reproduit
sans cesse sous de nouveaux costumes qui la déguisent mal. Il y a dix ans à
peine qu'elle a fait encore son apparition à Schyraz par l'organe d'un jeune
homme de cette ville, à la fois très savant et très éloquent. Il se mit à précher
contre la légalité de la polygamie proscrivit l'usage du jeûne religieux et
du Ramadan, interdit de fumer, déclara l'aumône insuffisante et ordonna aux
fidèles de donner la totalité de leurs biens à la communauté ; défendit l'usage
des riches vêtemens et des meubles précieux et, pour couronnement enseigna que
la souveraineté légitime inséparable du don de prophétie, la dynastie actuelle
était usurpatrice et n'avait aucun droit à l'obéissance." [139]
Dans notre étude, nous pensons intéressant la comparaison des dépêches diplomatiques
avec d'autres sources contemporaines. Cependant, nous n'avons trouvé principalement
que des sources baha'ies, aussi au travers de ces deux types de sources historiques,
tenterons nous d'atteindre la vérité historique.
Selon Peter Smith [140], dans les premiers temps du babisme
[141], le Bab demande à ses disciples d'adhérer
strictement à la loi musulmane. Pour la plupart des dévots musulmans, l'observance
de la Shari'ah est la clef de voûte de l'identité islamique. Le Bab promulgue
ses propres lois et des principes spécifiques de piété. Ainsi, les premiers
babis récitent des prières spéciales en plus des prières musulmanes. De plus,
ils s'abstiennent de fumer, se prosternent d'une façon spécifique sur la tombe
de l'Imam Husayn. Les premiers babis sont très pieux, certains, dans leur recherche
spirituelle, entament des jeûnes de trois mois consécutifs, alors que le jeûne
musulman, le ramadan, ne dure qu'un mois. De telles pratiques distinguent les
babis ; ils forment un groupe à part. Plus tard [142], le Bab abroge la Shari'ah et y substitue
son propre code de lois consigné dans le Bayan. Le Bab s'exprime sur des formes
spécifiques de prières, de jeûne, de pèlerinage, et de la guerre sainte (chapitre
III). L'idée de pureté spirituelle est concomitante à l'idée de propreté physique.
Le pèlerinage doit s'effectuer dans la maison du Bab à Chiraz, plutôt qu'à la
Mecque. La polygamie est découragée, le concubinage interdit, et le divorce
permis après avoir patienté un an.
Ces dernières ordonnances diffèrent des lois islamiques chiites qui permettent
à l'époque la polygamie, le concubinage et le divorce à l'instar seulement du
mari. Concernant les affaires économiques, les lois babies critiquent la pratique
iranienne. Le Bab exigeait la confidentialité de la correspondance mercantile,
le besoin d'une monnaie stable, le prêt à intérêt était permis et les dettes
devaient être réglées. Un calendrier spécifique babi est mis en place, remplaçant
le calendrier islamique lunaire. Il comporte 19 mois de 19 jours, l'année commence
le jour du traditionnel nouvel an iranien (naw-ruz), le jour de l'équinoxe du
printemps : le 21 mars.
D'après l'Encyclopédie de l'Islam : Le contenu du Bayan peut être résumé à quatre
points fondamentaux :
- Abrogation des diverses lois et abrogations de la Shari'ah coranique concernant
la prière, le jeûne, le mariage, le divorce et les successions, en soutenant,
néanmoins la véracité de la mission prophétique de Muhammad, dont le cycle prophétique
se termine en 1844.
- Interprétation spiritualiste des termes eschatologiques qui apparaissent dans
le Coran et autres livres sacrés, comme "paradis", "Enfer", "Mort", "résurrection"
qui font tous allusion non point à la fin du monde physique, mais à celle du
cycle prophétique.
- Etablissement d'institutions nouvelles : nouvelle Qibla (vers la demeure du
Bab).
- Tension eschatologique vers "celui que Dieu manifestera" "man yuzhiru-hu llah",
le futur prophète. On pourrait ainsi soutenir que l'attente du "promis" est
l'essence même du Bayan.
Parmi les nombreux livres du Bab, on peut tout spécialement présenter les suivants
:
Le célèbre commentaire sur la sourate de Joseph, le Qayyumu'l-Asma.
Le Bayan, oeuvre principale du Bab. Cet ouvrage abroge certaines lois islamiques
et les remplace par de nouvelles lois. Il insiste sur les valeurs morales, rehausse
le rang des femmes. L'éducation et les sciences utiles sont encouragées et valorisées.
Le thème central du Bayan est l'imminence de la venue d'un deuxième messager
de Dieu qui serait plus grand que le Bab.
Les écrits destinés à Muhammad Shah et aux différents dignitaires.
Notons que les enseignements de Baha'u'llah ont abrogé certaines lois du Bab.
Ces principes concernent divers aspects tels la spiritualité, les valeurs morales,
l'administration baha'ie, les aspects socio-économiques etc…
Baha'u'llah énonce les principes suivants : l'unité de l'humanité dans le respect
de sa diversité, l'égalité des droits de l'homme et de la femme, l'abandon de
toute forme de préjugés, l'élimination des extrêmes de richesse et de pauvreté,
la recherche personnelle et indépendante de toute forme de vérité (y compris
religieuse…), accès de tous à l'éducation, l'harmonie entre la science et la
religion, l'adoption d'une langue auxiliaire universelle.
Les écrits de Baha'u'llah sont nombreux. Le livre qui est considéré par les
baha'is comme le centre de la révélation de Baha'u'llah est Le Kitab-i-Aqdas
(le Plus Saint Livre) [143]. Ce livre contient les lois et ordonnances
essentielles de la foi baha'ie et il pose les bases de l'administration baha'ie.
Le Kitab-i-Aqdas remplace à la fois les lois islamiques qui n'avait pas été
abrogées par le Bab ainsi que certaines lois du code établi par le Bab.
C. Démographie et profil sociologique des
mouvements babi et baha'i
1- Démographie des mouvements babi et baha'i
"Il n'était plus besoin désormais de montrer que l'opinion publique recevait
avec faveur la doctrine nouvelle : le fait était évident de lui-même, et non
seulement à Chîraz, à Ispahan, à Kâchân, à Téhéran même, le bâbisme faisait
chaque jour des progrès dans toutes les classes de la société, mais on savait
encore qu'il en était de même à Hamadhân, à Kazvîn, à Zendjân, à Kermân, à Yezd."
[144] Cet extrait de Gobineau confirme
l'extension à travers la Perse de la nouvelle religion babie. Les dépêches diplomatiques
ont, elles aussi, évoqué le fort accroissement des mouvements babi et baha'is.
En effet, ces deux religions comptent un nombre croissant d'adeptes.
On examine tout d'abord la foi babie :
"On estime le nombre de babis à cinquante mille environ, et je ne serais pas
éloigné de croire ce chiffre exact." [145] "On estime qu'il y a six mille Babis
dans la ville même de Zinguian et qu'un nombre triple habite les villages environnants."
[146]
"Je n'ai pu connaître encore les dogmes de cette nouvelle religion ; il faut
qu'il soit fort séduisant, puisque Bab compte déjà un nombre considérable de
prosélytes" [147]
Puis la religion baha'ie :
"Du babisme qui prend ici chaque jour un développement plus considérable (…)
On prétend que la moitié presque de la Perse est affiliée cette secte…" [148]
Tout comme les diplomates, on possède peu de sources sur la démographie du mouvement
babi. D'après Peter Smith, à l'apogée de la foi babie, celle-ci comptait 100
000 membres. Si ce chiffre est correct, sachant que la population persane à
cette époque était de six millions environ (population dont un tiers était nomade),
les babis formaient dès lors 2,5% de la population sédentaire. Ce chiffre fait
des babis une minorité significative.
Quant aux premiers baha'is [149], jusqu'à la fin du XIXe siècle, les
sources nous informent du nombre grandissant des adeptes, mais aucun chiffre
n'est fourni. Nous pouvons alors nous tourner vers les Européens qui, à travers
leurs témoignages, notent la rapide diffusion de cette religion.
Selon Peter Smith, durant les années 1860 les derniers babis et donc les premiers
baha'is maintenaient une existence secrète. Une voyageuse européenne raconte
que "en Perse, il est impossible de parler des babis ou d'apprendre quelque
chose à propos d'eux." [150]. Au contraire, le Dr Bruce, missionnaire
et membre de l'Eglise Missionnaire d'Ispahan en 1874, note tout d'abord la conversion
de la communauté babie à la religion baha'ie, il évoque la rapide expansion
de cette dernière [151]. En 1889, un diplomate anglais en
Iran écrit à E.G.Browne (Orientaliste anglais, 1862-1926) en se référant à la
"croissante multitude" des baha'is et "l'extraordinaire développement" du mouvement
[152].
Les diplomates témoignent donc dans leurs dépêches du succès des mouvements
babi et baha'i : "Le nombre de ses adeptes est assez grand pour faire réfléchir
le gouvernement" [153] "de ces gens que l'on nomme les Bâbis
et qui ne sont que trop célèbres en ce moment." [154] "Tout cela recrute continuellement
des adeptes à la secte des Bâbys." [155]
En effet, le nombre des babis augmentent relativement rapidement et le Bab est
de plus en plus connu à travers la Perse, comme le témoignent les différentes
dépêches qui évoquent ce dernier. Dès lors on peut supposer que le nombre croissant
des babis dérangent les ennemis de cette nouvelle croyance : l'Etat, le clergé
et une partie de la population. Nous avons en notre possession une dépêche qui
tente d'expliquer de façon anecdotique le succès babi.
"Sur cette affaire le gouverneur du fars a aussi demandé l'envoi d'une cassette
contenant une espèce de confiture trouvée à Niris, et considérée pour les babis
comme étant substance miraculeuse, dont on ne peut gouter la plus petite parcelle
sans devenir babi. Firouz mirza ajoute que trois soldats de la division du fars
en ayant malheureusement mangé, ont effectivement embrassé la nouvelle croyance
et que, les ayant fait bâtonner jusqu'à la mort, il n'a pu obtenir qu'il se
rétractassent Le chah attend, ces … mystérieux avec impatience dans l'intention
de faire l'épreuve de la vertu." [156]
Un autre document relate également cette anecdote: c'est un extrait de rapport
de Mirza Mahmud destiné à Sheil [157]. Mirza Mahmud est agent anglais à
Chiraz jusqu'en novembre 1850. "On rapporte que Syed Yahyah, a quatre ou cinq
récipients de sirop de grenade, une seule goutte de ce sirop serait suffisant
à faire d'un homme un babi et de rejoindre Syed Yahyah . Quatre sbires en ont
bu une bouteille et instantanément ils sont devenus babis et entèrent en conflit
avec leur commandant. Ce sirop fut emmené au Prince." [158] Traduction de courtoisie.
D'après Momen [159], auteur baha'i, l'anecdote du sirop
est typique des rumeurs "ridicules" qui circulaient sur les babis, explications
surnaturelles propagées par leurs ennemis pour de fait, mieux dénigrer leur
succès.
Aucune source baha'ie ou non-baha'ie ne fait référence à de tels procédés.
Les premiers babis voyageant constamment pour propager leur foi, cette religion
est connue dans la majorité des villes de Perse. Malgré les contacts noués en
zone rurale, l'expansion de la religion est plus faible dans ces régions. Les
babis connaissent un plus grand succès dans le nord du pays [160]. Les diplomates citent un grand nombre
de villes touchées par le babisme : "De nombreux écrits ont été saisis à Zendjan
chez des personnes qu'on n'aurait jamais soupçonnées d'appartenir à cette secte.
Des faits analogues se sont produits simultanément à Ispahan, Chiraz, Kirman
et sur d'autres points du royaume." [161] "La secte des Babis s'accroît chaque
jour de nouveaux et nombreux partisans. On en compte maintenant dans toutes
les provinces, ils ont eu plus de succès que de revers pendant le cours de ce
mois ; leur portion est bonne dans l'erat, le guilan, Le mazendéran, le yezd
et le kerman, mais ils ont subi un echec dans le fars, où seïd yaya, un de leurs
chefs, qui s'était emparé de la forteresse de niris située à l'ouest de cette
province" [162]
2-Le profil sociologique des membres de la nouvelle
croyance
D'après Peter Smith, la composition sociologique des babis exacte reste incertaine.
Néanmoins des traits principaux se dégagent. Les dépêches diplomatiques constituent
des sources intéressantes.
Dans les premiers temps du babisme, les premiers convertis sont principalement
les shaykhis, ces derniers étant en quête d'un guide, les chiites duodécimains
proches par la doctrine sont nombreux à se convertir au babisme. Sunnites kurdes
et juifs sensibles aux discours du Bab forment un petit contingent de convertis.
Le babisme intéresse peu la minorité des Chrétiens et Zoroastriens ou encore
la majorité des sunnites. On dégage également un profil linguistique des convertis.
En effet, la majorité des babis est de langue persane ou de langue turque Azéris,
une minorité est de langue arabe. Le babisme est très peu implanté dans les
tribus nomades en raison de leur position géographique difficile à atteindre
(les montagnes de l'Ouest, le Sud Est et la côte sud).
En conséquence, la nouvelle population babie était socialement très hétérogène.
Les oulémas constituent une importante proportion de la communauté babie, de
plus, ils en sont les membres actifs. "Il est remarquable que ceux qui ont adopté
la nouvelle doctrine soit surtout des mollahs et des séyids." [163] D'après l'histoire baha'ie, Muhamad
Shah décide de se renseigner sur le Bab. Il délègue pour cela un Siyyid : Yahya-i-Darabi,
celui-ci embrasse la religion babie. Selon Peter Smith, lors du soulèvement
babi de Shaykh Tabarsi (chapitre III), 37% des participants identifiés étaient
des oulémas.
Après les oulémas, les plus grandes conversions provenaient des marchands et
des artisans du bazar, conséquences des activités missionnaires des babis dans
les grandes villes. On peut également expliquer ces conversions par les liens
forts qui existaient entre marchands et clergé. Dès lors les bazaris deviennent
rapidement un élément majeur dans la communauté babie, des familles entières
de marchands se convertissent. Du fait de leurs activités nomades, les marchands
participent grandement à la propagation du message. Nous n'avons pas d'informations
concernant la main d'oeuvre urbaine, mais il semble qu'une partie de cette classe
se soit convertie lors des soulèvements babis.
La société perse est une société de paysans, cependant très peu d'entre eux
acceptent le nouveau message. Sauf dans certaines localités, les masses paysannes
suivent les chefs religieux ou les propriétaires terriens locaux convertis à
la religion babie et deviennent eux-mêmes babis.
Les diplomates, ont pour la plupart, souligné un fait spécifique : les babis
avaient de nombreux adeptes dans les élites de la société. Nous allons analyser
l'intérêt des diplomates sur ce sujet. Tout d'abord, il s'agit pour eux d'un
fait atypique. En effet, pour eux un mouvement considéré comme sectaire ne peut
se diffuser au sein de l'élite. Cependant, il est à noter que les diplomates
tentent de démontrer que l'élite perse ou française est empreinte à l'ouverture
d'esprit, au changement. Ils ne considèrent pas les classes supérieures comme
fanatiques, au contraire des masses, pouvant être séduite par les idées nouvelles
du Bab. "L'on assure qu'il y a même des Babys dans l'entourage du Roi et des
ministres." [164]
"Du Babisme qui prend ici chaque jour un développement considérable, et qui
compte assure-t on des adhérants jusque dans l'entourage même du Châh." [165]
"Les Bâbis se sont principalement recrutés dans les classes supérieures et l'on
prétend en reconnaître les adeptes parmi les hommes qui se montrent les plus
favorables aux idées européennes." [166]
Cependant, d'après Peter Smith, les grands propriétaires terriens, et les membres
de l'administration qajare étaient peu nombreux à s'être convertis.
Dans sa diffusion initiale, la religion babie était une religion où prédominaient
les hommes. La plupart des femmes babies sont devenues adeptes par l'intermédiaire
de leur mari.
Bien que ces femmes soient peu impliquées dans l'organisation de la religion,
elles participent nombreuses aux soulèvements et sont comptées dans le rang
des martyrs.
"Tous avaient subi les tortures les plus cruelles plutôt que d'abjurer leur
foi, les femmes et les enfants avaient montré autant de courage et de résignation
que les hommes." [167]
Il est intéressant de noter le silence des diplomates quant à l'évocation de
la célèbre femme babie Tahirih, martyrisée en 1852, à trente six ans. Celle-ci
ôte son voile devant une assemblée d'hommes en 1848. Aussi, on aurait pu imaginer
que les diplomates étudient la question. En effet, 1848 est une année de grande
effervescence idéologique en France, elle connaît aussi le printemps des peuples,
et l'espoir d'une amélioration de la condition féminine, comme l'atteste l'engagement
politique de George Sand. Seul Gobineau évoque cette femme Qurratu'l-Ayn plus
tard appelée Tahirih.
C'était la seule femme "Lettre du Vivant". Elle faisait partie des dix-huit
premiers disciples du Bab, bien que n'ayant jamais rencontré ce dernier. Tahirih
est une poétesse célèbre, disciple de Siyyid Kazim. Après avoir lu des versets
du Bab, elle reconnaît en celui-ci le messager divin et se consacre à sa cause.
"Cette femme, donc, s'appelait de son vrai nom Zerrin Tadj, "la Couronne d'or",
et était surnommée Gourret oul-Ayn, "la Consolation des yeux" (…) mais on l'appelle
aussi Hezret-é-Taherêt, "Son Altesse la Pure" (…) Elle était de kazvîn et appartenait
à une famille sacerdotale. (…) Bien que musulmans et bâbîs se répandent aujourd'hui
en éloges extraordinaires sur la beauté de la Consolation des yeux, il est incontestable
que l'esprit et le caractère de cette jeune femme étaient beaucoup plus remarquable
encore. (…) Non seulement elle poussa la connaissance de l'arabe jusqu'à une
perfection inusitée, mais elle devint encore éminente dans la science des traditions
et celle des sens divers que l'on peut appliquer aux passages discutés du Coran
et des grands auteurs. Enfin, elle passait à Kazvîn, et à bon droit, pour un
prodige. (…) Elle se mit à correspondre avec le Bab, et bientôt embrassa toutes
ses idées. Elle ne se contenta pas d'une sympathie passive ; elle confessa en
public la foi de son maître ; elle s'éleva non seulement contre la polygamie,
mais contre l'usage du voile." [168]
Il faut savoir qu'à l'époque, les femmes persanes étaient particulièrement cloîtrées.
Lors de la fameuse conférence de Badasht, en 1848, Tahirih explicite les nouveaux
enseignements sociaux du Bab. Lors d'une session de la conférence, elle apparaît
sans le voile requis par la tradition islamique. Devant un tel événement, les
condisciples sont saisis de colère crainte et stupéfaction, certains abandonnent
la conférence et renient leur foi.
Comme nous l'avons dit précédemment, les diplomates connaissent peu la doctrine
et les principes des deux nouvelles religions. Ils sont également dépourvus
d'informations concernant le prophète Baha'u'llah, qu'ils ne citent que très
rarement.
Ainsi, ils se limitent à la simple évocation du Bab et des "babis". Cependant,
dans leurs récits, ils évoquent des membres de la religion, sans citer leurs
noms. Parfois ils les comparent à des membres éminents de la croyance babie,
parfois comme des "chefs" : "Les chefs exigent des affiliés l'obéissance la
plus absolue et le secret le plus inviolable" [169]
On pourrait supposer que ces personnes sont en fait les membres piliers, premiers
disciples de la foi babie : les Lettres du Vivant.
En effet, la propagation de la doctrine babie dans un grand nombre de villes
et de provinces revient aux fervents premiers disciples de cette foi, ainsi
qu'aux ulémas nouvellement convertis. L'encyclopaedia Iranica cite ces personnes
: "Molla Mohammad-Hosayn (…), Sayyed Yahya Darabi, (Vahid) (…), Molla Mohammad-'Ali
Zanjani (Hujjat), Molla Jalil Orumi (…), Qorrat-al-'Ayn."
Concernant les baha'is, nous ne possédons pas d'études sur la composition sociale
de la communauté baha'ie à la fin du XIX siècle. D'après Peter Smith, la plupart
des babis sont devenus baha'is, on peut alors supposer que le réseau de classe
sociale existant pour les babis est identique à celui des baha'is. On suppose
que ces derniers sont donc des oulémas, des marchands, des artisans et membres
des classes urbaines. Ces groupes socioprofessionnels représentent une base
pour l'expansion baha'ie. Parmi les groupes sociaux les marchands apparaissent
comme des éléments significatifs dans le développement des communautés baha'ies.
Les marchands baha'is assumaient des positions éminentes dans la croyance. Au
contraire les ulémas deviennent moins importants. Cependant, ils continuent
à jouer un rôle significatif (piliers de la foi…) mais les conversions d'oulémas
à la foi baha'ie sont moindres. On enregistre également des conversions parmi
les élites civiles qui font la distinction entre les militants babis et la quiétude
baha'ie. A la fin de l'époque qâjâre, un nombre éminent de baha'is était incorporé
à l'élite urbaine, ceux ci en qualité de vizirs, administrateurs financiers
ou même gouverneurs. Ceci corrobore les propos des diplomates lorsqu'ils évoquaient
le nombre des babis parmi l'élite de la société. Des activités missionnaires
ont crée un réseau de communauté baha'ie dans la population rurale. Cependant,
les tribus nomades n'ont pas été touchées, tout comme à l'époque du babisme.
Des juifs [170] et des zoroastriens se sont convertis
à la religion baha'ie, mais les minorités chrétiennes perses sont restées à
l'écart.
En revanche, les femmes deviennent un élément important dans la communauté baha'ie
bien que les conversions soient encore dues aux liens familiaux. Cependant,
une fois baha'ie, les femmes assurent l'éducation religieuse de leurs enfants.
Enfin, d'un point de vue géographique, les villages, villes et provinces qui
comptaient un grand nombre de babis sont devenus des foyers pour la religion
baha'ie.
La principale source d'information pour les diplomates, concernant les mouvements
babis et baha'is, sont les rapports évoquant les persécutions relatives à cette
croyance. Aussi, les soulèvements babis, les persécutions dont ils sont victimes,
constituent le premier sujet relaté par les diplomates concernant la nouvelle
croyance. Les soulèvements babis poussent les diplomates à entrevoir la nouvelle
religion comme un mouvement révolutionnaire ou insurrectionnel. Dans notre troisième
partie nous tenterons d'évoquer la politisation du mouvement par les diplomates
et l'impact de ces événements en France et sur les diplomates eux-mêmes.
III. La politisation de la nouvelle
croyance par les diplomates et leurs positionnements face aux persécutions
A. Les persécutions et massacres à l'encontre
des babis et des baha'is, d'après l'étude comparée de nos sources diplomatiques
à notre historiographie et bibliographie
Plus que d'autres aspects de l'histoire babie et baha'ie, ce sont les persécutions
des babis et des baha'is qui ont attiré particulièrement l'attention des diplomates.
En effet, les correspondances diplomatiques françaises concernant ces mouvements
relatent essentiellement les massacres affectant les adeptes de ces nouvelles
religions.
Sur la vingtaine de dépêches que nous possédons, dix-huit au moins évoquent
les vexations, les persécutions, les massacres perpétrés contre les babis et
baha'is, ainsi que les soulèvements babis.
Les diplomates ont distingué deux types d'évènements qui marquent l'histoire
de cette nouvelle croyance, et donc par conséquent, l'histoire perse elle-même.
En effet, ils différencient les soulèvements des massacres. Les diplomates n'assimilent
pas les soulèvements des membres de la nouvelle croyance à des massacres ; ils
considèrent ces soulèvements comme de véritables prises d'armes soulignant à
leurs yeux l'aspect insurrectionnel et révolutionnaire du mouvement. Par contre,
les massacres dont sont victimes les babis et baha'is, apparaissent comme de
purs actes de barbaries [171], c'est du moins la vision qu'ils répandent dans leurs
dépêches. "Il paraît que l'on a pris quelques babys environ, dans la ville d'Ispahan
et qu'on les amène ici pour les soumettre à toutes sortes de tortures" [172]. La considération des diplomates
sur le mouvement religieux en tant que mouvement politique et la prise de position
des agents diplomatiques face aux persécutions seront analysées dans nos parties
B et C.
Avant de commencer notre analyse et pour une meilleure compréhension, il est
indispensable d'évoquer le terme de "soulèvement" ainsi que son implication
dans l'histoire babie et dans l'histoire perse.
La terminologie baha'ie parle de soulèvement [173] babi, en effet, dans La chronique
de Nabil [174], l'auteur évoque dans le chapitre
XIX "Le soulèvement de Mazindaran", dans le chapitre XXIV : "Le soulèvement
de Zanjan". Moojan Momen, auteur baha'i, divise le temps des persécutions en
trois phases distinctes.
La première phase (1844-1853) est celle des "soulèvements babis" [175], la deuxième phase est celle des persécutions à l'encontre
des baha'is (1853-1921), la troisième phase concerne l'attaque contre les institutions
baha'ies (1921-1944). Dans l'Encyclopaedia Iranica [176], l'auteur D.M.MacEoin, utilise le
terme anglais "uprisings" qui signifie soulèvement ou insurrection. Comme dernier
exemple, on peut citer l'ouvrage The Cambridge History of Iran, qui fait référence
à des révoltes babis . Les diplomates n'utilisent majoritairement pas le terme
de "soulèvement", cependant, ils considèrent ces évènements comme des actes
de rébellion troublant la Perse, les assimilant à des soulèvements. Ils rappellent
que les babis "Ont soutenu un siège de plusieurs mois dans la ville de Zendjan"
[177].
Nous avons décidé d'intégrer les soulèvements babis à notre étude des massacres
à l'encontre des nouveaux croyants. En effet, ces soulèvements provoquent, parallèlement
à la mort d'un grand nombre de soldats royaux, des représailles mortelles qui
frappent la communauté babie. Une dépêche de Mellinet datant de 1875 corrobore
cette analyse, il parle : "du massacre de tous les sectaires pris les armes
à la main dans les cendres de l'infortuné ville de zendjan" [178]
1- Chronologie des massacres
Les persécutions contre les mouvements babi et baha'i se divisent en deux catégories.
En effet, il existe des spécificités quant à la chronologie, aux causes et au
déroulement de celles-ci.
La première catégorie de persécutions concerne uniquement les babis. En effet,
Baha'u'llah, initiateur du mouvement baha'i, déclare sa mission qu'à dater de
1863. Ces soulèvements s'étendent de 1848 à 1853. Cette première catégorie se
caractérise par des pogroms à l'encontre des babis. Répondant à ces pogroms,
les babis décident [179], comme nous le verrons ultérieurement,
de prendre les armes contre les assaillants. Dès lors, les babis s'engagent
dans des conflits armés assimilés à des soulèvements.
La seconde catégorie se caractérise par des persécutions dont sont victimes
les babis et baha'is de la part des autorités et ceci tout au long du XIXe siècle.
Les auteurs diplomatiques témoignent "Un dernier fait enfin est venu augmenter
le troubles des esprits ; il paraît que l'on a pris quelques babys, une douzaine
environ, dans la ville d'Ispahan et qu'on les amène ici pour les soumettre à
toutes sortes de tortures…" [180]
Face à ces deux catégories de persécutions, il existe différents types de réactions
de la part des oulémas, de la population et du gouvernement.
2- Le rôle efficient des autorités religieuses et politiques
ainsi que de la population dans les persécutions
a) Le clergé, premier instigateur des massacres
Les oulémas, membres éminents du clergé chiite, identifient les doctrines de
la nouvelle religion à une infraction à l'Islam. Aussi, un fort sentiment religieux
motive les oulémas à combattre ce mouvement "dissident". Certains récits de
diplomates illustrent notre propos : "les habitants d'une petite localité des
environs de Sédeh, soupçonnés de babisme étaient depuis quelques temps molestés
par les prêtres du chef lieu" [181].
Dans l'orthodoxie musulmane, les minorités non-musulmanes sont appelées les
dhimmis. Elles possèdent un statut de sujet minoritaire protégé. On les nomme
également "Ahl al-Kitab", ce qui signifie littéralement "les gens du livre".
Ce nom est attribué par la tradition musulmane, aux détenteurs d'une religion
révélée, juive et chrétienne principalement mais encore Sabéens et Zoroastriens.
Sous couvert du paiement d'une redevance (jizya), les Ahl al-Kitab conservent
le droit de pratiquer leur religion.
La Perse sous les Qâjârs a érigé l'inégalité entre musulmans et non-musulmans.
Après la dynastie Safavide, la dynastie Qâjâr entre dans une ère de forte intolérance
chiite. En effet, le statut légal de non-musulman est remplacé ; de minoritaire
il devient impur. En Perse, la loi chiite de l'impureté (najis) concerne tous
les non-musulmans (les juifs, les zoroastriens, les chrétiens, les babis, les
baha'is…).
Cependant, ce statut n'explique pas, à lui seul, l'intensité des persécutions
à l'encontre des babis et baha'is. En effet, l'affirmation du Bab de détenir
l'autorité du Qa'im promis, le fait qu'il abroge certaines lois islamiques au
profit d'un nouveau code de lois contenu dans le Bayan , focalise l'hostilité
du clergé chiite. Ceci provoque une large controverse dans tout le pays. Le
Bab se proclame Mahdi, ce qui constitue un réel défi à l'ordre politique, social
et surtout religieux. Pour le clergé chiite, cette déclaration, qu'il considère
hérétique, menace les fondements de l'Islam. En effet, l'Islam orthodoxe affirme
que Muhammad est le Sceau des prophètes, le dernier messager de la révélation
de Dieu aux hommes jusqu'au jour du jugement. Le dogme chiite avait accordé
une autorité illimitée à la personne de l'imam caché. Le clergé constitue la
force d'opposition la plus violente. Il craint de perdre son ascendance sur
la masse et l'affaiblissement de son monopole.
Le clergé chiite est un haut lieu de pouvoir puisque, comme nous l'avons vu
précédemment, il s'est installé en système de pouvoir parallèle au pouvoir royal.
Aussi, s'arroge t-il le droit de posséder une sorte d'armée régulière ou milice
composée de brigands [182]. Nous pensons que ces milices servaient
d'outils de persécutions à l'encontre des babis et des baha'is.
b) Le positionnement de la population face aux persécutions
En Perse, le comportement des oulémas face à la nouvelle croyance, conditionne
en partie celui de la population. Pour exemple, l'extrait d'une de nos dépêches
: "Les idées de tolérance, et pour parler plus exactement de scepticisme, font
ici de grands progrès dans l'élite de la population, mais les masses n'en sont
pénétrées encore et subissent toujours fortement l'influence des prêtres qui
bien que peu convaincus eux-mêmes, se sentent menacés par l'esprit et redoublent
d'efforts pour faire obstacle à sa marche en avant" [183].
En effet, d'après l'histoire baha'ie [184], les membres du clergé exhortent
les populations à combattre le babisme. Les diplomates relatent les révoltes
de la population qui assaillent les babis "Mais à peine la petite troupe [de
babis] avait-elle franchi le seuil de la maison anglaise que la foule se rua
sur elle (…) en tuèrent ou blessèrent une vingtaine et en brulèrent trois tout
vivants" [185]. D'après les diplomates, ceci est
significatif du "fanatisme" des membres du clergé et surtout des masses populaires.
"Au point de vue intérieur l'incident est également suggestif et montre quels
levains de fanatisme fermentent toujours parmi les basses classes de la population
persane, que bien peu de choses suffirait à déchainer" [186]. On suppose un déficit d'objectivité de la part des
diplomates. Il nous semble utile de rappeler que le corps diplomatique français
en poste en Perse se compose principalement de l'élite de la société française.
Elite, qui associe tout nouveau mouvement religieux se développant dans les
masses populaires ou nouvelle croyance, à du fanatisme qu'il soit chrétien,
islamique ou autre. Cependant, nous pensons que le mouvement religieux chiite
fait preuve d'une certaine forme d'intolérance, du moins à l'époque qâjâre,
puisque comme nous l'avons évoqué, on note une radicalisation illustrée par
l'instauration du statut d'impureté.
Nous possédons une dépêche qui relate l'opposition de la population perse face
aux violences à l'encontre les babis et baha'is. "La population, bien plus avancée
que son gouvernement, voit avec dégoût et répulsion ces massacres que rien ne
rend nécessaires" [187]. Cependant, il faut replacer cette
dépêche dans son contexte, nous sommes en 1864, les babis sont maintenant des
baha'is. Ces derniers ne se sont jamais soulevés ou ne sont jamais entrés en
conflit avec une partie de la population. Nous étudierons ce phénomène ultérieurement.
Selon Momen [188], après les massacres de babis en
1852, une grande partie du peuple change d'attitude à l'évocation des actes
de bravoure et d'héroïsme des babis : ceci entraîne des sympathies. Cependant,
jusqu'à la fin du XIX siècle, la population reste sous l'influence des oulémas
qui les poussent à des actes barbares.
c) L'ambivalence de l'attitude du gouvernement perse
face au nouveau mouvement religieux
Les dépêches diplomatiques témoignent de l'ambivalence des autorités gouvernementales
face aux babis et baha'is. "Les babys dont j'avais annoncé l'arrestation à Votre
Exellence, n'ont pas été exécutés, le Roi a secrétement blâmé le gouverneur
d'Ispahan de son zèle et lui a recommandé de s'arranger de façon à les laisser
s'enfuir de la prison où on les retenait." [189]
La responsabilité des atrocités commises contre les membres de la nouvelle croyance
incombe non seulement au clergé chiite mais aussi aux autorités gouvernementales
qui tentent d'éradiquer les mouvements babi et baha'i. Elles craignent, en effet,
que ceux-ci nuisent à leur autorité. Or, le roi ne semble parfois pas vouloir
agir ou se positionner. Muhammad Shah (1834-1848) et Nasiri'd-Din Shah (1848-1896),
comme nous l'avons étudié en première partie, s'installent dans la dépendance
de leur Premier ministre vis à vis du pouvoir politique. Ces derniers ont, en
effet, manoeuvré afin de s'accaparer les rênes de l'Etat. Ces premiers ministres
sont hostiles au nouveau mouvement religieux et prennent des mesures sévères
à l'encontre des croyants babis et baha'is s'opposant à la tempérance des Shah.
Gobineau nous dit que "Mohammed schâh était donc d'une prodigieuse indifférence
pour le succès ou les revers de telle ou telle doctrine religieuse ; il lui
plaisait, au contraire, de voir s'élever des conflits d'opinions qui témoignaient
à ses yeux de l'aveuglement universel" [190]. Il faut savoir que Muhammad Shah
était attiré par la confession soufie [191]. On peut supposer alors qu'il accordait
peu de crédit aux craintes des religieux chiites face au babis. On aurait pu
espérer un changement de comportement ou l'éveil d'un intérêt spécifique des
autorités lorsqu'un éminent ouléma, habitué de la cour, Siyyid Yahya Darabi
[192], se convertit à cette nouvelle religion [193]. Muhammad Shah lui-même, lors d'une
cérémonie, aurait adressé ces paroles à Haji Mirza Aqasi sans pour autant leur
donner suite : "Nous avons été récemment informé que Siyyid Yahya-i- Darabi
est devenu babi. Si cela est vrai, il est de notre devoir de cesser de mépriser
la cause de ce siyyid" [194].
En 1847, Muhammad Shah est très malade. Aussi Haji Mirza Aqasi assure la régence
du royaume. Les historiens le décrivent comme superficiel, indécis et incompétent,
"La perse ne se trouvait pas cependant dans un état satisfaisant, car Haji Mirza
Aqasi, qui le gouvernait virtuellement depuis treize ans, ignorait totalement
l'art de gouverner ainsi que le génie militaire ; pourtant, il était trop vaniteux
pour se laisser instruire et trop jaloux pour admettre un coadjuteur" [195]. "Haji Mirza Aqasi, le vieux Premier
ministre à demi-fou, avait l'entière administration dans ses mains et un contrôle
complet sur le Shah. Le mauvais gouvernement du pays empira de plus en plus"
[196].
La position de Haji Mirza Aqasi est changeante face à l'émergence de la nouvelle
religion. Ainsi, parfois, il soutient le verdict des oulémas, parfois il condamne
leur agressivité ou bien encore se moque de la gravité de la situation. Nous
n'avons pas trouvé d'exemple probant, cette analyse n'est que le résultat de
recoupements. Cependant, nous pouvons attester de l'influence du Premier ministre
sur son roi au sujet des babis. En effet, Muhammad Shah reste favorable à une
rencontre avec le Bab, cependant Haji Mirza Aqasi s'interpose et empêche la
rencontre. En effet, en 1847, le Shah convoque le Bab en vue d'une audience
dans la capitale. Daprès les sources baha'ies [197], Haji Mirza Aqasi craignant l'influence du Bab sur
son souverain fait en sorte de l'éloigner. Par ses intrigues, le ministre réussit
à faire échouer le plan de la visite du Bab dans la capitale. Il l'exile dans
les montagnes de l'Azerbaïdjan, au Nord du pays et l'emprisonne à Mah-ku puis
à Chihriq.
Ainsi, la citation suivante extraite de l'ouvrage de Nicolas Siyyid 'Ali Muhammad
dit le Bab [198] confirme nos précédents propos. "Un
jour, alors que je (le prince Farha Mirza) me promenais avec lui dans le jardin
et qu'il semblait de bonne humeur (Haji Mirza Aqasi), je me hasardai à lui demander
: "Haji, pourquoi as-tu envoyé le Bab à Mah-Ku ?" et il me répondit : "Tu es
encore jeune et il est des choses que tu ne peux comprendre, mais ce dont tu
peux être certain c'est que, s'il était venu à Téhéran, nous ne serions pas
en train de marcher ensemble en ce moment, libres, sous ces ombrages." On retrouve
dans l'étude de Nicolas, Les Béhahis et le Bâb [199], une réponse de Muhammad Shah à une lettre que lui
fait parvenir le Bab. D'après La Chronique de Nabil [200], il semble ici que Nicolas possède la réponse formulée
non pas par le Shah mais par le grand vizir. Celui-ci désire vivement éviter
la rencontre des deux protagonistes "Votre lettre a été lue par des gens pleins
de bienveillance et j'ai pris connaissance de ce que tu dis, que tu pries pour
le Tout Puissant Gouvernement de la Perse…Quant à l'audience que vous avez demandée,
comme ces jours-ci le camp auguste est sur le point de se mettre en route, on
ne pourra recevoir Votre Excellence comme elle le mérite. Que Votre Excellence
aille donc à Makou ; qu'elle y séjourne quelques temps, s'y repose et passe
le temps à prier pour le Gouvernement. J'ai ordonné à Ali khan qu'en tout état
de cause il traite Votre Excellence avec le respect qu'il lui doit, jusqu'à
ce qu'il plaise à Dieu que le camp Impérial revienne. Alors nous ferons revenir
Votre Excellence…" [201]
En 1848, le décès de Muhammad Shah précipite la Perse dans une période de convulsions
politiques. Une période anarchique s'installe ; le renversement de Haji Mirza
Aqasi par ses ennemis politiques, en est une preuve. Les mollahs profitent du
désordre pour intensifier leur campagne contre "l'hérésie" babie.
Nasiri'd-Din Shah a dix sept ans lorsqu'il monte sur le trône en 1848. L'Amir
Niz #am [202], Mirza Taqi Khan prend la direction
des affaires. Il est résolu à châtier les babis et ceci sans consulter les ministres.
Lorsque les gouverneurs provinciaux se présentent à Téhéran pour rendre hommage
au souverain, Mirza Taqi Khan leur recommande de mettre un terme au mouvement
babi. Comme le relate Gobineau, les représentants de l'Etat (gouverneurs, magistrats,
fonctionnaires) de chaque province entament une traque des babis "l'émir-nizam
avisa bien vite aux affaires du Mazendérân, et, quand les grands de cette province,
venus à Téhéran pour faire leur cour au roi, furent au moment de leur départ,
on leur commanda de prendre de telles mesures que la sédition des bâbîs ne se
prolongeât pas davantage. Ils promirent d'agir pour le mieux. En effet, aussitôt
de retour, ces chefs se mirent en mouvement afin de réunir leurs forces et de
se concerter" [203]. Notons que dans cet extrait, Gobineau
évoque les représentants de la province du Mazandéran.
Le roi, habituellement en proie à l'influence de son Premier ministre, peut
aussi subir celle des religieux. "Le chah qui bien que superstitieux est personnellement
très indifférent en matière de foi, est fort préoccupé de la situation. Pris
entre le fanatisme des mollahs orthodoxes, et les aspirations révolutionnaires
des Babis (…) il ne sait auxquels entendre." [204]
D'après les diplomates, le Shah sait se détacher de son premier ministre pour
mener une politique agressive contre les babis, notamment après la tentative
de son assassinat. "On annonce qu'il a été pris des mesures d'une extrême rigueur
contre la secte des Babis ; ces fanatiques inspirent au souverain les plus vives
appréhensions, afin de s'assurer le dévouement de ses ministres, il les a tous
contraint à mettre à mort, chacun de sa main un Babis sois avec des armes blanches
sois avec des armes à feu ; un avis officiel annonce qu'ils se sont tous conformés
à l'ordre du schah." [205]
Durant les trois années de son ministère Mirza Taqi Khan (1848-1851), tente
d'anéantir cette nouvelle foi. Le ministre comprend que la stabilité générale
du régime implique l'oppression des babis. Ainsi, il est l'un des instigateurs
d'un grand nombre de persécutions. Les forces du clergé et de l'Etat s'unissent
pour lutter contre les babis et baha'is à travers la Perse. Cette unification
des forces cléricales et gouvernementales s'oppose à un mouvement grandissant
qui remet en cause les fondements religieux et politiques de la Perse. Le clergé
chiite s'est progressivement attribué le pouvoir de l'Imam caché. Par une conduite
religieuse rigoureuse, le Shah Qâjâr, bien que n'étant pas descendant du prophète,
pouvait prétendre être Nuu'ib-Khuuss c'est-à-dire remplaçant de l'Imam caché.
Or, le Bab prétend être le Qa'im, le douzième Imam. Bien qu'il ne l'ait pas
revendiqué, le Bab serait, selon sa déclaration, le seul dépositaire du pouvoir
politique ou religieux en Perse, remettant ainsi en cause la totalité du système
existant.
D'après Momen, à partir de 1853, les oulémas sont les principaux instigateurs
des persécutions. Le gouvernement est opposé aux désordres civils causés par
ces dernières. Cependant, craignant la puissance des mujtahids, le gouvernement
donne son aval.
3- La description des soulèvements et massacres : caractéristiques
et exemples
a) Caractéristiques des soulèvements
Plusieurs soulèvements marquent l'époque babie. Mojan Moomen [206], en accord avec l'historiographie baha'ie en dénombre
quatre:
- Le soulèvement dans le Mazandéran, de 1848 à 1849.
Le soulèvement de Nayriz, dans la province du Fars, en 1850.
Le soulèvement de Zanjan de 1850 à 1851.
Le second soulèvement de Nayriz en 1853.
Les diplomates ont majoritairement relaté ces évènements. Les soulèvements reconnus
par l'historiographie baha'ie ne sont pas tous cités. En effet, la plupart des
diplomates s'attachent à évoquer les trois premiers soulèvements qui se sont
déroulés dans le Mazandéran, à Zendjan et dans le Fars. "En 1848-1849, les Babis
se sont déclarés en révolte ouverte dans le Mazendéran : on a eu beaucoup de
peine à les réduire. En 1848-50, ils ont agités la province de Khamseh et ont
soutenu un siège de plusieurs mois dans la ville de Zendjan" [207]"Depuis la prise de Zinguian on n'entend
plus parler des Babis. Les troupes assiégeantes sont, pour la plupart rentrées
à Téhéran avec une très grande quantité de blessés" [208]. "La secte des Babis s'accroît chaque jour (…) mais
ils ont subi un échec dans le fars, où seïd yaya, un de leurs chefs, qui s'était
emparé de la forteresse de niris située à l'ouest de cette province a été attaqué,
battu et fait prisonnier par les troupes envoyées contre lui par firouz mirza"
[209]
Les diplomates sont généralement peu informés de ces soulèvements. Ils se contentent
d'évoquer brièvement les faits. Cependant, cela nous est suffisant pour comprendre
combien ces évènements ont marqué la Perse. Ferrier est le seul diplomate a
étudier ceux-ci de façon approfondie.
D'après Momen [210], ces soulèvements se déroulent de
façon similaire. Des babis peu armés répondent aux attaques de la masse populaire
exhortée par les oulémas. Les troupes royales sont alors requises. Après de
longues batailles, les babis sont vaincus et massacrés en raison des trahisons
et ruses des autorités royales.
Pour mieux comprendre et illustrer notre argumentation, nous avons choisi d'étudier
l'un des soulèvements le plus connu. C'est aussi le plus relaté par les diplomates.
Il s'agit du siège de Shaykh Tabarsi.
b) Le soulèvement de Shaykh Tabarsi dans le Mazandéran,
(1848-1849)
Plusieurs diplomates ont évoqué l'événement du soulèvement dans le Mazandéran,
cependant, l'un d'entre eux seulement a été assez précis. A l'inverse d'autres
diplomates, il ne s'est pas contenté d'annoncer le fait mais l'a décrit dans
sa réalité. Il s'agit de l'agent Ferrier qui, nous l'avons expliqué en première
partie, est l'un de ceux qui s'intéressent le plus au mouvement babi. Il détient
de nombreuses informations sur les mouvements des troupes royales puisque c'est
un ancien militaire attaché à l'armée perse. Ce récit demeure pour nous une
source importante. Il constitue une preuve de l'existence de cet événement.
"…A l'avènement au trône de nasser eddin chah ils se réunirent en armée au nombre
de1,200 et vinrent occuper dans le mazenderan une position fortifiée située
à quatre farsangs [211] au sud balafrauch. Là ils décrétèrent
la déchéance de la dynastie des kadjars et la royauté du Bab, qu'ils avaient
délivrés de sa prison - en peu de temps la population presque entière de cette
province ont adopté la nouvelle doctrine, le danger devient imminent, et le
gouvernement persan fut obligé d'envoyer 10,000 hommes pour les réduire, exaltés
par la … les babis se retranchèrent et résistèrent pendant neuf mois à toutes
les attaques faisant chaque jour les sorties les plus meurtrièrent qui enlevèrent
bientôt aux assiègeans un bon tiers de leur effectif, mais des renforts leur
arrivèrent le siège reprit une nouvelle vigueur et après avoir mangé jusqu'au
cuir de leurs souliers, ils écoutèrent les propositions d'accomodement qu'on
leur faisait depuis l'ouverture des hostilités. - Le prince ali kouli mirza
généralissime du chah dans le mazenderan leur promit la vie sauve et la liberté
s'ils consentaient à évacuer leur position et à rendre leurs armes, et pour
donner plus de solennité à sa promesse, il jura sur la cour de la tenir religieusement.
- les Babis se rendirent mais à peine avaient ils déposé leurs armes qu'ils
furent massacrés bien peu parvinrent à échapper. - cette déloyale boucherie…"
[212]
Face à une crise fiscale et à une rébellion dans le Nord-Est, le gouvernement
connaît des difficultés sérieuses. En septembre 1848, Muhammad Shah meurt laissant
le pays dans le chaos. Même après l'intronisation du nouveau Shah (Nasiri'd-Din
Shah) en octobre, la situation s'enlise. En effet, lorsqu'un roi décède, des
problèmes de succession se font jour, le pays se retrouve dans une période de
troubles et de désordres. Ce n'est qu'au printemps 1849 que le régime se stabilise.
C'est au milieu de cette situation confuse en 1848 qu'éclate le conflit armé
du Mazandéran.
Le Mazandéran est une province située au nord de la Perse, aux limites de la
Mer Caspienne. La richesse de son agriculture, le commerce florissant, sa situation
géographique favorable aux échanges commerciaux font du Mazandéran une province
essentielle pour l'économie de la Perse. C'est dans cette province désignée
également par le terme "d'île verdoyante", (Jaziriy-i-Khadrà), que se produit
le soulèvement du fort de Shaykh Tabarsi. Les troubles débutent dans la province
voisine du Khorasan et gagnent le Mazandéran. L'exil des protagonistes babis
expliquent cela. Afin de valider notre source diplomatique, nous avons utilisé
les principaux éléments bibliographiques qui traitent de ce soulèvement. Il
s'agit d'un ouvrage baha'i, La Chronique de Nabil, l'article de l'encyclopaedia
Iranica sur le "babisme", ainsi que les chapitres VIII et IX de l'ouvrage de
Gobineau [213] : "Combats et succès des Bâbîs dans
le Mazendérân" et "Chute du château du Cheikh-Tebersi, troubles à Zendjân" .
Les deux principaux acteurs de ce conflit sont Mulla Husayn (première personne
à avoir reconnu le Bab), et Quddus (membre éminent de la religion babie, Lettre
du Vivant [214]). Au début des troubles, Mulla Husayn
et Quddus résident dans la province du Khorasan. En raison de la diffusion des
enseignements babis, cette province connaît une certaine ébullition religieuse.
Dans certains villages la nouvelle foi est fort bien acceptée. Au contraire,
dans d'autres endroits, elle déclenche haine et opposition, incitant les autorités
gouvernementales à agir. Ces dernières ordonnent l'arrêt des activités de Mulla
Husayn dans le Khorasan. Dès lors, ce dernier est contraint de séjourner dans
le campement du gouverneur de la province du Khorasan à Mashad. Celui-ci l'accueille
avec beaucoup de courtoisie en lui offrant sa propre tente. Ceci démontre une
certaine ambivalence des autorités face au babisme, sujet que nous avons abordé.
De Mashhad, Mulla Husayn décide de se rendre dans le Mazandéran. D'après Nabil
[215], c'est parce qu'il reçoit un message
du Bab lui demandant de se rendre au Mazandéran. D'après l'Encyplopaedia Iranica,
il est possible que Mulla Husayn et plusieurs autres babis se soient rendu en
Azerbaïdjan pour sortir le Bab de prison [216]. Face aux oppositions qu'ils rencontrent
en chemin, ils se dirigent alors vers le Mazandéran en septembre. L'information
de Ferrier concernant une éventuelle libération du Bab par les babis semble
totalement erronée. En effet, selon les écrits historiques et baha'is, il n'a
jamais été question de la libération du Bab des prisons de l'Azerbaïdjan par
d'autres babis.
La nouvelle de l'arrivée imminente du groupe de Mulla Husayn dans la ville de
Barfurush alarme les mujtahid-s de la ville. L'un des principaux mujtahid, Sa'idu'l-ulama
s'inquiète de la popularité croissante des babis. Sa'idu'l-ulama exhorte les
habitants à prendre les armes contre les babis qu'il considère comme des ennemis.
D'après Nabil [217], à l'arrivée des babis, la population
excitée, armée de fusils, de sabres et d'épées, se rue hors de la ville pour
les attaquer et un grand nombre de babis sont massacrés. Cependant, dans l'obligation
de se défendre, les babis saisissent eux-aussi les armes. Le 12 octobre 1848
les babis arrivent au sanctuaire de Shaykh Tabarsi [218], dans le Mazandéran. Ce tombeau était visité par les
habitants des alentours. Le jour même de leur arrivée, les babis construisent
un fort autour du sanctuaire [219]. D'après Gobineau, "La muraille dont
il [le fort] été entouré avait environ dix mètres de hauteur. Elle était en
grosses pierres. Sur cette base, on éleva des constructions en bois faites avec
des troncs d'arbres énormes (…) ; puis on ceignit le tout d'un fossé profond.
En somme c'était une espèce de grosse tour, ayant le soubassement en pierres
et les étages supérieurs en bois, garni de trois rangs superposés de meurtrières."
[220]
Notons que dans la plupart des soulèvements babis, ces derniers se réfugient
dans des forts ou dans des forteresses.
Selon Ferrier, auteur de notre dépêche, il y a 1200 babis demeurant dans le
fort. D'après les auteurs baha'is (notamment Nabil), on ne dénombre que 313
babis. On note donc une différence importante du nombre des protagonistes, ce
qui nous amène à tenter de chercher la vérité historique. Il semble que les
informations baha'ies soient plus près de la vérité historique. D'après Momen
[221], toutes les sources baha'ies s'accordent
pour affirmer qu'il y avait 313 défenseurs dans le fort. Cependant, selon lui,
un nombre incertain de babis s'arrange pour passer la défense royale et rejoindre
les babis. Gobineau nous indique qu'il y avait 300 hommes qui un soir s'exilent
du fort afin de se battre contre l'armée royale "Il [Mulla Husayn] était suivi
de trois cents hommes, sans plus" [222]. De surcroît, plus loin dans son récit, Gobineau évoque
la fin du siège et la sortie du fort des babis qui sont peu nombreux "les Bâbîs
parurent ; il n'en restait plus que deux cent quatorze, dont un certain nombre
de femmes" [223]. MacEion dans l'Encyclopaedia Iranica
parle d'un nombre qu'il évalue à 500 hommes. Nous possédons également une source,
celle du capitaine Mackensie, délégué au consulat anglais de Rasht (dans la
province du Ghilan, près du Mazandéran) qui, dans un de ses rapports évoque
le nombre de babis augmentant de "quarante ou cinquante hommes à quatre cent
ou cinq cent" [224]. Selon Momen, cela est faux, puisque
Mulla Husayn et les babis arrivent au nombre de 300 dans le Khorasan.
Ainsi, il y a donc eu une exagération de l'agent diplomatique. Celle-ci peut
se comprendre comme une tentative pour masquer l'humiliation des troupes royales
tenues en échec par un petit nombre d'hommes. Du fait de son déficit d'informations
et du manque de fiabilité de ses sources, on peut supposer qu'il gonfle le chiffre
afin de présenter ce mouvement sous un aspect insurrectionnel. Il est à noter
que Ferrier, comme nous l'avons déjà évoqué, avait des informations certaines
sur les troupes royales. On peut alors supposer que ses renseignements sur le
nombre de babis soient justes. Cependant, on peut émettre plusieurs hypothèses
: premièrement, Ferrier, proche de l'armée pouvait subir son influence, l'influence
d'une armée mise en défaite et qui préfère grossir le nombre de ses ennemis.
Deuxièmement, nous ne savons pas précisément si Ferrier avait des informations
sur les troupes tant royales que provinciales, lors de ce conflit en effet,
ce sont d'abord les troupes provinciales et la population qui font face aux
babis.
Le mujtahid, Sa'idu'l-ulama, qui avait déjà exhorté les populations contre les
babis en appelle au Shah, Nasiri'd-Din Shah à peine intronisé. Il insiste sur
les dangers menaçant la dynastie et la monarchie. "L'étendard de la révolte,
a été hissé par la méprisable secte des babis. Ce vil groupe d'agitateurs irresponsables
a osé s'attaquer aux fondements mêmes de l'autorité dont Votre Majesté Impériale
a été investie. Les habitants de certains villages situés dans le voisinage
immédiat de leur quartier général ont déjà rallié leur étendard et prêté serment
d'allégeance à leur cause. Ils sont eux-mêmes campagne contre vous." [225]
Le Shah, jeune et inexpérimenté, donne l'ordre de prendre toutes les mesures
nécessaires à l'éradication des babis de son royaume. On recrute dans toutes
les régions les forces nécessaires. Dans le village d'Afra, village dominant
le fort, une armée de 12000 hommes établit son camp. Dès lors, les ravitaillements
sont interceptés. Le prince Mihdi-Quli Mirza s'avance vers le fort à la tête
d'une grande armée ( 3 régiments d'infanterie et plusieurs régiments de cavalerie).
Malgré l'épuisement des assiégés, affaiblis par la faim et la soif, ils résistent
à cinq batailles. Ceci illustre la ténacité des protagonistes. "Le prince Mehdi
Kouli mirza, nommé lieutenant du roi dans la province menacée, partit avec des
pouvoirs extraordinaires (…) la vielle ville vit arriver dans ses jardins une
quantité de tentes noires : tribus turques, tribus persanes, ou, comme on dit,
kurdes, et, en peu de temps, une petite armée se trouva sur pied" [226]. La mise en place des forces tribales,
forces généralement utilisées en cas de besoin important montre bien le caractère
sérieux du conflit.
Comme le relate Ferrier et les renseignements trouvés dans les écrits baha'is,
les babis se nourrissent des chevaux de leurs ennemis abandonnés sur le champ
de bataille. Puis ils doivent se contenter de l'herbe ramassée dans les champs
avoisinant lors des quelques moments de répit. Ensuite, ils sont contraints
de consommer l'écorce des arbres, le cuir de leur selle, de leur ceinture et
de leur chaussure.
Durant ce siège qui dure d'octobre 1848 à mai 1849, les babis ne sont à l'origine
d'aucune offensive contre leur adversaire ; comme le font tous les protagonistes
lors de siège, ils répondent seulement aux attaques.
D'après le récit de Nabil, qui corrobore les propos de Ferrier sur la trahison
du prince, après de vaines tentatives pour éliminer les adeptes du Bab, le prince
envoie à Quddus une promesse signée sur le Coran. Il jure de ne causer aucun
tort aux occupants du fort en cas de reddition. Quddus et ses deux cent compagnons
se dirigent vers la tente réservée par le prince.
Doutant des paroles du prince et de sa sincérité, Quddus demande à ses compagnons
de se disperser au cours de la nuit. Pendant ce temps, il se rendrait à Barfurush.
Il est appelé au quartier général du prince. Les sbires royaux montent une ruse
: ils font croire aux babis que Quddus leur demande de le rejoindre. Ceux qui
y ont cru sont capturés et vendus comme esclaves. Les autres sont mis à mort.
Quddus, lui, est conduit à Barfurush par le prince, le 11 mai 1849. Après avoir
été publiquement torturé, il est dépouillé de ses vêtements, pendu à la croupe
d'un cheval et traîné dans la rue, son cadavre est percé, mutilé et jeté aux
flammes.
Comme nous l'avons précédemment abordé, les persécutions babies et baha'ies
n'entraînent pas systématiquement des soulèvements. Certains babis ne répondent
pas à la violence par la violence et ces persécutions se transforment en vrais
massacres, ainsi l'illustre l'exemple suivant.
c) Les sept martyrs de Téhéran
Lors de l'examen des dépêches diplomatiques, nous observons de constantes références
aux martyrs de sept babis de Téhéran. Ce fait se déroule les 19 et 20 février
1850. Celui ci est présenté comme référent des horreurs subies par les babis.
Selon la dépêche de Palmerson [227], diplomate anglais, la raison officielle
de ce martyre est la suspicion d'une conspiration visant à assassiner le Premier
ministre persan. Cependant cette dernière n'a pu être prouvée, ni par les contemporains,
ni par les historiens.
Une forte agitation et un climat politique délétère régnaient à Téhéran occasionnant
un profond climat de suspicion. En outre, dans un tel environnement, les pressions
à l'encontre de la communauté babie s'intensifient. Aussi couvent des agitations
et mouvements populaires.
D'après Nabil [228], un Siyyid de Kashan infiltre les
croyants babis pendant un certain temps. Cet homme dresse une liste de noms
et d'adresses d'environ cinquante croyants. Celle-ci est remise aux mains des
autorités. Mahmukd Khan-i-Kalantar, un officier du gouvernement, donne l'ordre
de tous les arrêter. Quatorze d'entre eux sont saisis et emprisonnés pendant
un mois. La poétesse Thahirih appartient à ce contingent de prisonniers. On
les torture afin d'obtenir des informations. Cependant aucun des bourreaux n'obtient
de réponse, comme la phrase de Nabil l'illustre : "malgré les plus cruelles
tortures, l'un d'eux refusa de prononcer un seul mot, de sorte qu'il pensait
qu'il était muet." [229]
Face à l'impuissance de leurs actes, les autorités se tournent vers Mirza Taqi
Khan, grand vizir de Nasiri'd-Din Shah, sachant qu'à cette époque le souverain
s'abstient de toute ingérence dans les affaires de la communauté babie. Au contraire,
le grand vizir est investi des pleins pouvoirs pour agir contre eux. Mirza Taqi
Khan, dès lors, décrète un arrêté péremptoire menaçant de mort quiconque parmi
ces quatorze prisonniers refuserait de renier sa foi. Sept d'entre eux cèdent
à la pression, les sept autres sont exécutés.
Haji Mirza Siyyid Ali, l'oncle du Bab, est l'un des martyrs. Il était
l'un des principaux marchands de Shiraz. Il avait élevé le Bab à la mort de
son père. Un nombre considérable de marchands, parmi les plus influents, décident
de payer une rançon pour sa liberté, mais Haji Mirza Siyyid Ali refuse
leur offre. Voici ce qu'il déclare au grand vizir : "Refuser de reconnaître
la mission de Siyyid-i- Bab signifierait rejeter la foi de mes ancêtres et renier
le caractère divin du message que Muhammad, Jésus, Moïse et tous les prophètes
du passé ont révélé." [230]
Cet événement est intéressant à plusieurs titres. D'une part, à l'instar de
l'oncle du Bab, les six autres martyrs appartiennent aux classes supérieures
de Perse :
Haji Mulla Isma'il-i-Qumi était un théologien de grande renommée.
Mirza Qurban-'Ali était un derviche.
Aqa Siyyid Husayn-i- Turshizi était un mujtahid.
Haji Muhammad-Taqiy-i- Kirmani était un marchand.
Siyyid Murtida était un marchant de Zanjan.
Muhammad-Husayn-i-Maraghi'i, était un fonctionnaire.
Issus de la haute société, ces hommes avaient obtenu le respect et la considération
de tous. D'autre part, ces sept hommes, comme le démontrent les divers témoignages,
sont morts sans renier leur foi malgré les terribles tortures subies. Cela s'oppose
au principe musulman de la Taqiya (reniement apparent et dissimulation de sa
croyance en cas de danger ou de contrainte). La population de Téhéran a été
témoin d'un acte de grande dévotion de la part de ces sept martyrs, ainsi que
de la cruauté gouvernementale. Ceci a fortement troublé et influencé ses habitants.
En outre, les sept martyrs ont été tués en présence de la foule, sur la place
publique de la capitale de Perse [231]. Durant trois jours et trois nuits, les sept hommes
ont été abandonnés sur le sol du palais royal. Des milliers de chiites se sont
réunis autour de leur cadavre, leur ont donné des coups de pieds et leur ont
craché au visage. Ils ont également été lapidés. Il n'y eut aucune protestation
populaire.
Exécuter les criminels en présence du Shah ou de l'un de ses gouverneurs était
une pratique courante à cette époque. Beaucoup de Qâjârs prenaient d'ailleurs
plaisir à participer à ces scènes de tueries [232]. Bernadette Salesse, dans l'introduction de son ouvrage
explique que "Les supplices corporels sont appliqués avec rigueur et peuvent
être ordonnés également par les gouverneurs de province : bastonnade, oreilles
et nez coupés, yeux arrachés, têtes tranchées et strangulation sont choses habituelles"
[233].
Au contraire, les exécutions publiques étaient exceptionnelles. En effet, les
criminels étaient exécutés dans les donjons, sous la seule présence du Shah
ou d'un gouverneur. Après cet épisode, les exécutions sont devenues publiques
à Téhéran. C'est d'ailleurs dans cette ville que, deux ans plus tard, les babis
ont subis les plus grandes persécutions après la tentative d'assassinat du Shah.
Ces exécutions publiques, paradoxalement, participent à l'expansion de la foi
babie. En effet, la démonstration d'une grande dévotion tient un rôle déterminé
dans la conversion d'un grand nombre de persans. Le courage et la foi de ces
babis attirent l'attention des auteurs européens qui dès lors écrivent avec
enthousiasme sur cette nouvelle foi.
Le Bab fort attristé par la nouvelle des sept martyrs, révèle alors une tablette
en leur honneur. Il parle d'eux comme des "sept chèvres" en relation avec les
traditions islamiques qui au jour du jugement "précéderont le Qa'im". D'après
le Bab, ce martyr précède le sien, celui du Qa'im "qui est leur berger". Ce
que le Bab avait prédit se réalise puisque quatre mois plus tard, il fut exécuté
à Tabriz.
B. La nouvelle religion comprise par les diplomates
comme un mouvement politique à tendance révolutionnaire
1- approche des nouvelles idéologies socialistes émergeant en europe
Au XIXe siècle, le monde subit de fortes transformations structurelles tant
sur le plan social, économique que politique. En effet, comme nous l'avons évoqué
précédemment, l'Europe connaît en 1848 le printemps des peuples, symbolisé en
France par la révolution de 1848 amenant à la seconde République. De ces transformations
émanent différents courants idéologiques plus ou moins antithétiques dont les
auteurs charismatiques sont Karl Marx (1818-1883) et Adam Smith (1723-1790).
Ce dernier, vers la fin du XVIIIe siècle, théorise sur la Recherche sur la nature
et les causes des richesses des nations (ouvrage paru en 1776). Adam Smith et
les classiques pensent que le progrès est inéluctable à l'avènement du capitalisme.
C'est à cette notion que Karl Marx s'oppose. Ce dernier rédige ses oeuvres essentielles
entre 1840 et 1870. Il est contemporain du développement industriel synonyme
des conditions de travail déplorables pour une nouvelle classe sociale : les
ouvriers.
Karl Marx et Friedrich Engels posent les bases du socialisme. Ils arrivent à
imposer le concept de socialistes utopistes pour notamment décrire le mouvement
socialiste français dont Saint-Simon, Proudhon et Fourier sont les auteurs emblématiques.
La France est une terre fertile pour le socialisme. En effet, Gracchus Babeuf
(1760-1799), Etienne Cabet (1788-1856) ou encore Flora Tristan (1803-1844),
sont quelques-uns des nombreux noms qui marquent la genèse du mouvement socialiste.
Le mouvement ouvrier prend réellement forme avec la révolte des canuts de Lyon
au début des années 1830.
Saint-Simon, premier théoricien français du socialisme entreprend de réfléchir
et d'agir en faveur des classes laborieuses. Cependant, son action relève davantage
de l'ordre spirituel que de l'ordre pragmatique, il est à l'origine de l'érection
d'une nouvelle science : la sociologie. Il érige aussi les bases d'un mouvement
qui se veut être un nouveau christianisme (1825). Il espère une régénération
de la religion chrétienne au service du prolétariat. Pierre Leroux, disciple
de Saint Simon, invente en 1831 le terme de "socialisme". Il est pourtant dissident
de l'église saint-simonienne.
Fourrier est le deuxième théoricien français du socialisme. Tout comme Saint
Simon, il est imprégné d'une forme de scientisme. Aussi, développe-t-il une
philosophie sociale dont la clef de voûte réside en la manifestation au sein
de la société humaine de la loi universelle de Newton.
Les écrits de Proudhon constituent la troisième base théorique du socialisme
français. Il refuse le progrès technique et lui préfère l'artisanat. Il s'oppose
aux utopistes en prônant une philosophie mutuelliste et une émancipation de
la classe ouvrière par la justice et la capacité politique. Pour lui, "la propriété
c'est le vol" [234], s'opposant ainsi à l'organisation
de cette propriété par le droit napoléonien.
Ces digressions sociologiques nous permettent de mieux appréhender la vision
des diplomates français. En effet, ils perçoivent les mouvements babis et baha'is
à travers le prisme de ces nouvelles idéologies socialistes qui connaissent
un fort engouement. A l'époque, les idées opèrent une restructuration de la
société française.
"Il est visible que les babis persans ont les mêmes tendances que les socialistes
français ; la religion pour leurs chefs n'est qu'un prétexte et leurs vues politiques
se dévoilent suffisamment dans les opérations" [235] Ainsi, les diplomates imaginent que
les idées socialistes s'étendent jusqu'en Orient. La preuve l'interrogation
qui suit : "La Perse a donc elle aussi ses socialistes ?" [236].
2- Une vision des mouvements babi et baha'i marquée
par l'Occident : la vision des diplomates français en Perse
Les diplomates perçoivent les mouvements babis et baha'is comme des mouvements
d'ordre révolutionnaire. "Les aspirations révolutionnaires des babis qui rêvent
assez volontiers d'une sorte de république hiératique et mystique" [237].
L'illégalité de la nouvelle croyance en Perse entrave la quête d'informations
des diplomates. Comme nous l'avons étudié en première partie, les soulèvements
babis constituent pour eux les principaux vecteurs d'informations. Cependant,
ce déficit de renseignements n'explique pas entièrement l'univocité de l'évocation
du caractère conflictuel du mouvement religieux. En effet, les conflits en eux-même
suscitent aussi l'intérêt des diplomates pour cette cause. Ainsi, on comprend
mieux les nombreuses références à ces soulèvements ainsi que l'analyse de ces
événements : l'analogie avec un mouvement insurrectionnel apparaît évident.
Certains considèrent le message du Bab comme la base d'un mouvement révolutionnaire
puisque sa déclaration d'être le Qa'im, la promulgation d'un nouveau code religieux
ébranle la structure politique et religieuse au XIX siècle. Nous nous permettons
une comparaison schématique avec l'émergence du protestantisme en France. Ce
mouvement religieux n'avait pas de réelles aspirations politiques ou du moins,
ne désirait pas destituer par la force, les Valois. Cependant, ce nouveau discours
religieux effraie les forces politiques et religieuses dont les exhortations
conduisent au massacre de la St Barthélemy (1572). Ainsi, nous tentons de démontrer
que, bien qu'il n'y ait pas d'aspiration à la prise de pouvoir politique, la
naissance d'un mouvement religieux, remettant en cause les bases d'une religion
d'Etat, entraîne inéluctablement des conflits affiliés à une insurrection.
Les autorités persanes et certains diplomates attribuent l'émergence des mouvements
religieux babi et baha'i à l'influence occidentale "des progrès que les idées
occidentales peuvent faire en Perse. Celles ci trouvent également dans l'autre
secte [babie] dont je vais parler des fauteurs plutôt que des contradicteurs"
[238]
A l'instar des auteurs diplomatiques, les historiens contemporains assimilent
l'événement babi à un mouvement politique ou même encore méssianique [239] : "Le mouvement babi, qui avaient
des tendances à la fois sociale et messianique." [240]. "le babisme était un mouvement messianique
dans l'Iran et l'Iraq du XIX siècle sous l'autorité charismatique de sayyid
'Ali-Muhammad, le Bab (1819-1850). Le babisme était le seul mouvement millénariste
significatif dans l'Islam chiite, et son intérêt particulier, à la différence
d'autres mouvements messianiques islamiques à la même période, est qu'il engendrait
une coupure avec l'Islam et tend à établir un nouveau système religieux" [241].
3- Le mouvement babi : un mouvement insurrectionnel
?
a) L'instabilité politique et cléricale de la Perse propice aux rébellions
Peter Smith [242], professeur de sociologie et historien
des religions, lui-même de confession baha'ie, considère inutile, en Perse au
XIXe siècle, le recours à l'idéologie religieuse pour comploter contre l'Etat.
Aussi, il n'adhère pas à l'idée que les babis et baha'is soient un mouvement
insurrectionnel. Pour Smith, l'idéologie religieuse n'est pas concomitante à
l'exécution d'une révolte. De plus, comme abordé en première partie, les princes
qâjars pouvaient, à tout moment, fomenter une rébellion contre le pouvoir royal.
Ainsi, Les princes qâjârs ne constituent pas le seul groupe susceptible de fomenter
des troubles. En effet, des soulèvements de militaires et de populations se
déroulent fréquemment. Nous possédons une dépêche qui corrobore nos propos :
"Des troubles sérieux ont éclaté sur divers points de la Perse. A Khounsar,
les révoltés ont mis les troupes royales en déroute et tué le colonel qui les
commandait. Ces séditions sont tellement dans les moeurs…" [243]. Cependant, la religion interfère dans les conflits
opposant le clergé chiite au gouvernement. Ces oppositions déstabilisent fortement
l'ordre politique au profit du clergé chiite. L'Etat recule le plus souvent
devant les oppositions faites par les religieux. La réussite du boycott du tabac
organisé par le clergé confirme nos propos. Le 8 mars 1890, Nasiri'd-Din Shah
accorde pour cinquante ans le monopole du contrôle de la culture du tabac ainsi
que de la vente et de l'exportation des tabacs iraniens au britannique Gerald
Talbot. Celui-ci, en échange, verserait à l'Etat iranien un fixe annuel de quinze
milles livres, plus 25% de ses profits. Ce monopole étranger sur le tabac touche
en particulier les marchands du bazar et les préteurs dont les revenus sont
alors menacés. Le clergé chiite, nous l'avons vu, est très proche justement
de cette classe moyenne urbanisée, de par ses origines, ses alliances et son
intérêt. Les oulémas se posent donc en représentants du peuple iranien contre
l'influence étrangère et l'absolutisme du roi. L'agitation contre le monopole,
fomentée par le clergé chiite, part de Chiraz et de Tabriz et s'étend rapidement
aux villes d'Isfahan, Mashhad et Téhéran. Au début de 1891, circule à Téhéran
un avis juridique (fatwâ) qui interdit la consommation de tabac, l'assimilant
à une guerre sainte faite à l'Imam caché. Les bureaux de tabacs des bazars ferment
et les narghilés disparaissent. Le boycott général de tout tabac ôte dès lors
toute valeur à la concession. Le 28 décembre 1891, le gouvernement cède et dénonce
la concession. Le 26 janvier 1892, le marja'al-taqlîd [244] d'Iraq autorise la consommation de tabac et met fin
au boycott.
b) Le djihad et les babis
L'association à un mouvement insurrectionnel se comprend uniquement lorsque
l'on se réfère aux prises d'armes des babis. En effet, lors de l'emprisonnement
du Bab, sans réel guide, les babis prennent les armes pour assurer leur défense.
Le Bab est retenu dans la forteresse de Mah-ku puis celle de Chihriq (1847-1848),
laissant les babis sans véritable autorité spirituelle. La foule, exhortée par
les mollahs chiites, les violente de plus en plus. Dès lors, se pose à eux la
question de l'autodéfense. En effet, élevés dans les moeurs et valeurs musulmanes,
les babis sont sensibles à la doctrine islamique du djihad. "Djihuud", étymologiquement,
signifie "effort tendu vers un but déterminé" ou encore, effort sur soi-même
en vue du perfectionnement moral et religieux. Juridiquement, d'après la doctrine
classique et générale et dans la tradition islamique, le djihad consiste dans
l'action armée en vue de l'expansion de l'Islam, et, éventuellement de sa défense.
Il procède du principe fondamental d'universalisme de l'Islam : cette religion,
et ce qu'elle implique de puissance temporelle, doit s'étendre à tout l'univers,
au besoin par la force.
Mais ce principe doit se combiner partiellement avec un autre qui tolère l'existence,
au sein de la communauté islamique, des adeptes des "religions à livres saints".
Pour ceux là, le djihad s'arrête dès lors qu'ils acceptent de se soumettre à
l'autorité politique de l'Islam et au paiement du tribut. Dans la doctrine générale
chiite, étant donné son dogme de "l'absence de l'Imam", lequel, a seul qualité
pour ordonner la guerre, l'exercice du djihad se trouve suspendu jusqu'à sa
réapparition ou l'institution d'un mandataire délégué par lui à cet effet. Le
djihad devient légitime et nécessaire en raison du but auquel il tend. Le djihad
est un acte de dévotion pure, il est l'une des portes du paradis. L'obligation
du djihad "perdure jusqu'à la fin du monde" disent les adages musulmans.
Le djihad a principalement un caractère offensif ; cependant, c'est aussi un
djihad que de défendre l'Islam contre les agressions.
Ainsi, les babis empreints de cette idéologie se sentent en droit de se défendre
contre les attaques des mollahs. Certains, même s'attendent à ce que le Bab
révèle sa propre loi du djihad. Après analyse des principes [245] coraniques du djihad, le Bab ne souhaite
pas émettre les principes d'une guerre sainte babie dans son ouvrage, le Qayyumu'l-Asma'
[246]. En conséquence, il demande à ses
disciples d'observer les lois du gouvernement et que toute forme de djihad agressive
soit d'abord soumise à son approbation ; approbation qu'il ne donnera jamais.
En outre, dans le Bayan (livre contenant les lois de la religion du Bab), aucune
doctrine de loi du djihad n'apparaît. Les babis se trouvaient libres de se défendre
en cas d'attaque. Cependant, il leur est interdit de proclamer le message babi
au moyen d'une épée.
Les moyens de propagation de la foi babie sont les activités missionnaires non
militantes.
Bien que le Bab ait interdit toute forme de violence pour proclamer son message,
certains babis attendent toujours un djihad final contre les forces musulmanes
: d'après Peter Smith, Hadi Farhadi [247], illustre cet exemple. En effet, membre d'une famille
babie, marchand renommé de Qazvin, il stocke épées et glaives dans sa manufacture
dans l'attente d'une guerre sainte babie. D'autres encore s'arment ouvertement
afin de se défendre et dans l'espoir d'une offensive religieuse, augmentant
d'autant les risques de confrontations violentes.
c) Recherche d'une relative conciliation
Le Bab et Baha'u'llah ont tous deux prêché dans leur commandement religieux,
le respect des autorités. Selon les principes babis et baha'is, il est illégitime
de recourir aux armes contre les autorités. Bien que le tout nouveau mouvement
religieux génère des bouleversements sociaux plus ou moins importants, le Bab
n'espéraient pas usurper les pouvoirs politiques en Perse, puisqu'il demande
le respect des lois existantes. Aussi, dans cette optique, ce mouvement perd
tout aspect insurrectionnel.
Par la suite, les nouveaux croyants évitent tout acte pouvant laisser penser
à une rébellion ou à une offensive religieuse. Les babis et baha'is nient toute
intention de s'immiscer dans les affaires civiles du royaume ou d'affaiblir
l'autorité légitime du souverain. La première action de Baha'u'llah a été de
recommander à ses adeptes de ne s'engager dans aucune résistance, même s'ils
sont persécutés.
A plusieurs reprises, les deux prophètes en ont appelé aux Shah afin de défendre
les communautés babis et baha'ies, de faire connaître leurs nouvelles religions
aux autorités, ainsi que d'émettre des réserves quant à la direction gouvernementale.
Le Bab et Baha'u'llah en en appelant au Shah pour la défense de leur communauté,
suivent le principe que le roi se doit d'être accessible à tous dans tous types
de conflits. Leurs lettres rédigées en vue de faire connaître les nouvelles
religions s'entendent de la façon suivante : un prophète se doit d'éclairer
les dirigeants étatiques. Ces deux aspects de leurs correspondances n'appellent
aucunement à la dissidence voire à l'insurrection. Seul, le troisième aspect
paraît tendancieux. En effet, on peut le comprendre comme un appel à la sédition
ou du moins comme un appel à une réforme, ce qui a pu effrayer les autorités.
Cependant, si l'on se place sur un plan religieux, il est légitime pour un prophète
de donner son avis sur la gestion politique, économique ou sociale du pays où
il réside.
Malgré les tentatives infructueuses de rencontrer le roi, le Bab écrit trois
épîtres à Muhammad Shah. Dans ces lettres, il évoque les afflictions qui s'abattent
sur lui et sur sa communauté. Il met en garde le Shah contre le fait qu'il n'accepte
pas son message. Plus l'emprisonnement dans les forteresses de l'Azerbaïdjan
se prolonge, plus le ton du Bab devient de plus en plus condamnatoire. Il tient
pour particulièrement responsable de sa condition le Premier ministre Haji Mirza
Aqasi comme nous le démontre les citations suivantes.
"En cette même année [1844], je t'ai envoyé un messager avec un livre, afin
que tu puisses agir envers la cause de celui qui est le témoignage de Dieu comme
il convient à l'état de la souveraineté. Mais…le livre - sur l'instigation de
ceux qui se considèrent comme des amis du gouvernement - ne te fut pas présenté.
Jusqu'à ce jour, alors que près de quatre années se sont écoulées, ils ne l'ont
pas encore présenté à ta Majesté…Je le jure par Dieu ! Si tu savais ce qui m'est
advenu entre les mains de ton peuple et de ton armée au cours de ces quatre
années, la peur de Dieu te couperait le souffle."
"Depuis le premier jour où je t'ai averti de ne pas t'enorgueillir devant Dieu
et jusqu'à maintenant, quatre années se sont écoulées et, durant cette période,
je n'ai rien observé, de ta part ou de celle de tes soldats, qu'une implacable
oppression et une dédaigneuse arrogance". "Penses-tu que celui que tu as désigné
comme chancelier de ton royaume est le meilleur guide et le meilleur soutien
? Non, je le jure par ton Seigneur ! Il t'entraînera vers de douloureuses afflictions
à cause de ce que Satan instille dans son coeur, et il est vérité, lui-même Satan."
"Je n'ai aucun désir de m'emparer de tes biens, ne serait-ce que dans la mesure
d'un grain de moutarde, ni ne souhaite occuper ta place. Si tu ne me suis point,
alors à toi les choses que tu possèdes et à moi le pays de la sécurité infaillible"
[248]
Baha'u'llah écrit lui aussi au roi de Perse, mais dans un contexte différent
de celui du Bab. Le 31 août 1868, Baha'u'llah, sa famille et soixante-dix exilés
parviennent à St-Jean-d'Acre où ils sont tous emprisonnés. C'est au cours de
cette période que Baha'u'llah rédige des messages adressés aux chefs religieux
de l'islam, de la chrétienté, aux souverains des pays d'Occident et d'Orient.
Ces lettres ont pour but de propager un message de paix, d'amour et de reconstruction.
Une de ces épîtres est envoyée à Nasiri'd-Din Shah (1848-1896). Baha'u'llah
évoque les souffrances qu'il endure avec ses compagnons : "O Roi de notre temps
! Les yeux de ces exilés sont tournés vers le Très-Miséricordieux et fixés sur
sa clémence. Nul doute que ces épreuves ne soient suivies d'une effusion de
grâce infinie, et qu'à ces terribles afflictions ne succède une débordante prospérité.
Nous voulons espérer pourtant que Sa majesté le Shah examinera personnellement
ces questions et apportera l'espoir au coeur de ces exilés. Tout ce que Nous
avons soumis à ta Majesté est réellement pour ton plus grand bien." [249].
Cette lettre fut apportée au roi par le jeune Badi (jeune adepte baha'i de 17
ans). Le Shah ordonna son arrestation et sa mise à mort. Il semblerait que nous
avons des traces de cet événement dans les archives diplomatiques. La dépêche
datée du 10 juillet 1869, figurant en annexe, évoque une requête amenée au Roi
par un baha'i. Une correspondance au niveau des dates et des faits nous laisse
supposer qu'il s'agit effectivement du même événement. "Il y a quelques jours,
Sa Majesté rentrait à son campement quand un homme portant un costume étrange
ce montra sur sa route(…) Le roi donna l'ordre d'arrêter cet homme de lui demander
ce qu'il voulait. Il déclara qu'il était chargé de présenter une requête au
Schah. On trouva, en effet, sur lui un pli qui contenait une longue lettre en
persan sur parchemin(…) elle contenait beaucoup de mots arabes et la phraséologie
particulière à la secte des babys, elle émane, a dit la personne qui la portait,
du Bab." [250]
La tentative d'assassinat du Shah du 15 août 1852, orchestrée par un groupe
de babis, est la pierre angulaire de l'argumentaire des historiens et des contemporains,
considérant le babisme comme un mouvement insurrectionnel d'ordre politique.
4- L'attentat à la vie du Shah en 1852
Cet événement entraîne d'importantes répercussions pour la nouvelle religion.
Dans un premier temps il engage la communauté babie dans une ère de massacres.
Baha'u'llah est contraint à l'exil (1853). Dans un deuxième temps, l'ombre de
cet acte pèse sur la communauté baha'ie pour le reste du siècle. Effectivement,
l'hostilité du Shah et du gouvernement perse est décuplé. Cet attentat alimente
l'hostilité et pour les opposants constitue une preuve de l'aspect révolutionnaire
de ce mouvement. De plus, cela confirme les accusations des oulémas aux yeux
de la population.
Cet acte criminel est commis le 15 août 1852 par un groupe de jeunes babis inconnus
résidant à Téhéran. Les sources historiques diffèrent sur leur nombre : le groupe
est composé de deux à six membres. D'après les récits de Gobineau et de Nabil,
nous connaissons trois identités :
Sadiq-i-tabrizi originaire de Tabriz, un pâtissier.
Fathu'llah-i-Qumi, originaire de Qum qui était graveur.
Haji Qasim originaire de Nayriz.
Nous pouvons déduire qu'ils appartiennent à la classe artisanale urbaine.
Le récit de Nabil n'évoque que deux de ces personnages, Sadiq et Fathu'llah.
Il semblerait que Haji Qasim ait beaucoup souffert des violences perpétrées
par les adversaires de la foi babie. Aux yeux de ces trois babis, le jeune Shah
est considéré comme responsable de ces calamités. Ils décident d'organiser un
mortel complot contre le Shah et ainsi de venger leurs coreligionnaires victimes
de massacres et le martyre du Bab survenu en 1850. Nabil les présente comme
"des fanatiques farouches à l'esprit débile" [251]. Cet acte semble mal organisé puisque les pistolets
sont chargés de plomb, or ce moyen est totalement inefficace pour un tel geste.
Ceci semble totalement incohérent pour une telle action. Bien que ce soit un
geste isolé, toute la communauté babie est rendue responsable. Elle endure ainsi
un grand nombre de persécution et de massacres. Leur ampleur est beaucoup plus
importante que les persécutions et massacres précédents.
Pourtant, à cette époque, Mirza Aqa Khan-i-Nuri remplaçant de Mirza Taqi Khan
au poste de grand vizir, s'efforce de réconcilier son gouvernement et Baha'u'llah.
Malheureusement, cet événement va bloquer toutes formes de relations bien que
Baha'u'llah ait fermement condamné ce geste.
Notre prochain paragraphe relate l'événement.
C'est dans un campement à Niyavaran [252], dans le district de Shimiran, au
nord de Téhéran, où a été perpétré l'attentat.
D'après, le comte de Gobineau il y avait trois auteurs. Voici comment ils pénètrent
dans le campement du Shah. "Ces trois hommes étaient des bâbîs. Ils avaient
été envoyés avec l'ordre de s'introduire près du roi et de la frapper à mort.
Ils s'étaient donc fait engager pour travailler aux jardins, et guettaient le
moment de remplir ce qu'ils considéraient comme leur devoir." [253]
L'un des diplomates relate les faits avec beaucoup de précision :
"…Le 15 août, vers huit heures du matin, le Shah, venait de monter à cheval,
avec sa suite ordinaire, lorsqu'un individu se jeta à la bride de son cheval,
en criant qu'il avait une pétition à remettre. Avant qu'on pût l'arrêter, il
déchargea un coup de pistolet qui n'atteignit pas Sa Majesté, le cheval effrayé
s'étant cabré au même instant.
Pendant qu'on arrêtait le coupable, et qu'on le hachait à coups de sabre et
de poignard, un autre individu accourt du côté droit, le pistolet au poing.
Le chef des Chaters (coureurs) le saisit mais le coup part et la balle, sans
toucher le Shah, va se loger dans un mur voisin. Un troisième assassin s'était
approché par derrière ; on aperçoit son mouvement ; mais pendant qu'on le terrasse,
il trouve le moyen de décharger à son tour un pistolet.
Le Shah s'étant écrié qu'il sentait une douleur dans le côté, quelques serviteurs
s'empressent de l'enlever de son cheval et de le porter dans un jardin qui était
proche.
Disposé à suivre la chasse suivant l'usage, Mr Ernest Cloquet médecin particulier
du Shah de Perse se trouvait à quelques minutes du lieu où la tentative de meurtre
avait été effectuée, lorsqu'on accourut le prévenir Mr Cloquet se rendit immédiatement
auprès de Sa Majesté, et il eut la satisfaction de constater que la blessure
était extrêmement légère. Le troisième pistolet était chargé de plomb de chasse,
et le coup ayant porté obliquement, la charge n'avait fait qu'effleurer la peau,
sans qu'un seul grain eût pénétré. Une demie heure après le pansement, Sa Majesté
se rendait à pied dans ses appartements, et recevait les sincères félicitations
de toute la Cour.
A la date du 21 août le Shah se trouvait parfaitement rétabli et l'on pensait
que le lendemain, le pansement deviendrait même inutile.
Le second et le troisième assassin avaient été mis sous bonne garde. Ils avouèrent
de suite et hautement qu'ils étaient Babis et qu'ils étaient six, déterminés
à attendre le passage du Shah pour l'assaciner ; trois d'entre eux s'étaient
échappés après la tentative qui venaait d'avorter.
On comprit qu'ils devaient avoir des complices dans la ville de Téhéran et les
perquisitions de la police ont déjà permis de saisir une trentaine d'individus
parmi lesquels se trouvent plusieurs chefs ; on a découvert aussi des papiers
importants et des listes d'affiliés qui malheureusement ne sont désignés que
par des surnoms. Leur projet après la mort du Shah, était de mettre la ville
à feu et à sang.…" [254]
Une menace aussi sérieuse pour le gouvernement et pour les institutions du royaume
suscite très rapidement l'indignation du clergé. Il fallait, pour eux, répliquer
avec la plus grande sévérité pour arrêter ces hommes. La mère du Shah dénonce
ouvertement Baha'u'llah devant la cour et le peuple comme commanditaire de l'assassinat.
Baha'u'llah, malgré le danger, décide de se rendre au quartier général impérial.
En chemin, il réside chez son beau-frère Mirza Majid secrétaire du ministre
russe Dolgorouki, ce qui lui assure plus tard le soutien de l'ambassadeur russe.
Nasiri'd-Din Shah une fois informé que Baha'u'llah est présent demande à ce
que celui-ci lui soit livré. Cependant, le ministre russe s'interpose en exigeant
qu'aucun préjudice ne soit porté à la personne du prophète. Les précautions
du ministre russe et ses avertissements restent sans effet. Baha'u'llah apparaît
aux yeux du roi comme le pire ennemi à saisir depuis la mort du Bab. Il est
torturé. D'après Nabil [255], on l'oblige à parcourir la distance
de Shimiran et Téhéran nus pieds, tête nue, en plein été. Tout au long de ce
parcours, il est soumis à la vindicte populaire : le peuple l'injurie et lui
lance des pierres. Il est par la suite emprisonné dans le Siyah-Chal (trou noir,
fosse noire), ce cachot souterrain où l'on détient les criminels de la pire
espèce. On enserre le cou de Baha'u'llah aux chaînes de Qara-Guhar connues dans
toute la Perse pour leur poids imposant.
Les deux jeunes gens qui ont tenté d'assassiner le Shah sont mis à mort. Quiconque
est reconnu comme disciple du Bab est mis à mort sans aucune forme de justice.
En effet, cette atteinte à la vie du monarque déclenche une nouvelle vague de
persécutions à une échelle de loin supérieure à tout ce dont le pays avait été
témoin. Les babis sont mutilés jusqu'à la mort. Or, "Il était devenu certain
qu'on avait simplement affaire à un assassinat, et non pas à une insurrection.
Les deux bâbîs arrêtés, conduits presque immédiatement devant le conseil des
ministres, avaient déclarés qu'ils étaient seuls, qu'ils n'avaient pas de complices…"
[256]
La mère du Shah désirait toujours la mort de Baha'u'llah. L'ambassadeur de Russie
s'y oppose. Il use de toute son influence afin que le prophète retrouve sa liberté.
En outre, il lui offre même l'asile en Russie. Baha'u'llah refuse cette offre.
Il est libéré après que son innocence soit établie.
Cet événement, terrible pour la communauté babie de Téhéran, réduit fortement
le nombre de ses adeptes.
Les sauvageries et cruautés perpétrées contre les babis l'été de 1852 sont largement
dénoncés par les diplomates. L'extrait d'une dépêche illustre notre propos :
"L'attentat dirigé en 1852 contre la personne même du Roi et finalement l'exécution
des assassins et de 40 de leurs prétendus complices. Tous avaient subi les tortures
les plus cruelles plutôt que d'abjurer leur foi." [257]
Cet événement connut un grand retentissement, au-delà des sphères diplomatiques,
comme nous le démontre l'article du Trombinoscope, journal français, datant
de juillet 1873. En effet, un journal populaire relate ces faits soulignant
ainsi leur importance. "En 1850, Nasser ed-din, pour couper court à cet état
de choses, fit tout simplement fusiller Ali Mohammed ; mais les babis ne se
contentèrent pas de cette concession et demeurèrent en état de révolte presque
permanente. En 1852, ils tentèrent même d'assassiner Nasser-ed-Din…". [258]
En 1896, Nasiri'd-Din Shah est assassiné, les soupçons se portent immédiatement
sur la communauté babie comme nous le montre une dépêche diplomatique "(8 heures)
…Le meurtrier, arrêté immédiatement, serait un Seyyed ou un Bâby, l'on ne sait
pas encore au juste. L'on assure que cet homme qui aurait déjà mis en prison
à plusieurs reprises et tout dernièrement relâché par le Chah sur la demande
des mouchteheds de téhéran…" "(10 heures) Le meurtrier du Chah n'est ni un Seyyed,
ni un Bâby, comme on l'avait cru d'abord." [259]
L'immédiateté des soupçons portés sur la communauté baha'ie nous démontre que
l'opprobre que connaît cette dernière est restée vivace. La nouvelle religion
reste associée à l'idée d'insurrection et de révolution. Cependant certains
diplomates n'adhèrent pas à ce courant de pensée. "Il est fâcheux que dès le
premier moment l'on ait inexactement rangé l'assassin parmi les membres de cette
secte. Les babis répudient absolument la violence comme un moyen d'action."
[260]
C. La position des diplomates face aux
massacres et l'impact de leurs dépêches en Europe
Les correspondances diplomatiques françaises nous offrent trois axes d'intérêt.
Premièrement, elles constituent une source historique de première importance.
Deuxièmement, elles nous permettent de confirmer ou d'infirmer les propos sur
la communauté babie et baha'ie. Troisièmement, nous pouvons saisir l'impact
des récits diplomatiques concernant ce nouveau mouvement religieux en France
et en Europe.
Les agents diplomatiques en Perse relatent avec stupéfaction les persécutions
et massacres. Les cruautés et les actes de barbaries les scandalisent. Les actes
de bravoure les émeuvent, "Tous avaint subi les tortures les plus cruelles plutôt
que d'abjurer leur foi. Les femmes et les enfants avaient montré autant de courage
et de résignation que les hommes." [261] L'indignation des diplomates ne s'arrête
pas aux massacres babis puisqu'ils dénoncent les persécutions subies par les
baha'is, tout au long du XIXe siècle.
1- La situation politique des minorités religieuses
en Perse
Les diplomates n'ont pas été sensibles à la seule souffrance des babis et baha'is,
ils dénoncent vivement les persécutions perpétrées contre les autres minorités
religieuses (lazaristes : membres de l'ordre religieux fondé par St Vincent
de Paul en 1625, catholiques arméniens…). L'extrait suivant illustre notre propos
: "A Tauris une partie de la population musulmane s'est tout à coup soulevée
contre la population arménienne de cette ville sur la simple accusation portée
devant l'Imam Djumay par une femme musulmane que sa fille avait été outragée
par un arménien. Le Vehliad qui, dans cette circonstance, n'a fait preuve ni
de sang froid, ni de résolution, a eu grand peine à appaiser le mouvement qui
pouvait amener le massacre de la population chrétienne de Tauris". [262]
Aussi, nous permettons-nous d'aborder brièvement ce que subissent certaines
minorités religieuses. Cependant, nous tenons à souligner que les persécutions
subies par ces minorités religieuses ne sont en rien comparables à celles subies
par les babis et les baha'is. Ces minorités religieuses sont issues de communautés
installées depuis de nombreuses années en Perse. Elles ont souvent différents
statuts.
La plupart de ces minorités sont issues des religions du Livre bénéficiant ainsi
d'une certaine tolérance. Aussi, leur affiliation aux religions du Livre, leur
enracinement en terre perse, leur accorde une relative tranquillité. Néanmoins,
elles sont victimes de comportement discriminatoire. En effet, les dépêches
diplomatiques nous relatent des incidents relevant de l'ordre de la vexation
ou parfois de l'humiliation. Par contre, il est très rarement question de tueries,
de massacres ou de tortures concernant ces minorités. De surcroît, les dénonciations
diplomatiques n'ont pas la même tonalité. La virulence, l'horreur, la condamnation
sans appel se retrouvent dans presque toutes les dépêches rapportant les persécutions
à l'encontre des babis et des baha'is. Alors que le ton devient plus posé, puisque
moins horrifié par les vexations et humiliations subies par les autres minorités.
En outre, nous devons ajouter que les diplomates occidentaux notamment français
sont présents en Perse afin d'assurer en partie les intérêts nationaux. Ces
intérêt sont liés à la sécurité de leur interlocuteur à savoir la communauté
religieuse de rites latin (catholiques, etc.)
Cependant, la minorité religieuse composée des juifs subit nombre de persécutions.
Aussi nous arrêtons nous sur le sort de ces derniers en Perse.
L'état de la communauté juive d'Iran, au XIXe siècle résulte de quatre siècles
de ségrégation religieuse de la part du pouvoir impérial. Les synagogues sont
soit détruites soit transformées en mosquée. On assiste à des conversions forcées
à l'Islam. Les juifs doivent obligatoirement porter un signe distinctif. Au
XIXe siècle, on recense deux exemples violents de conversions forcées : premièrement
celui de Meshed en 1840, deuxièmement celui d'Ispahan en 1903. l'antisémitisme
grandit sous la période qâjâre. Il conduit à une pratique presque systématique
de conversions forcées. De fait, les juifs eux aussi étaient considérés comme
najis (impurs). La communauté juive vers la fin du XIX siècle reste confinée
dans des ghettos (les mahaleh), formés de rues étroites et de façades aveugles.
Voici ce que M. J.F. Faü, auteur d'un exposé sur les "juifs baha'is" en Iran
[263] relate : "Ainsi, les communautés
juives iraniennes vivaient dans les limites imposées par leurs quartiers, suivant
le schéma classique de la société non-musulmane en Perse : un prolétariat urbain
survivant grâce à des petits métiers aux revenus incertains, rongé par un chômage
endémique et caractérisé par une triple aliénation : la précarité, l'indigence
et la pauvreté".
Durant les émeutes de 1875 à Hamadân, les Juifs sont attaqués et leurs maisons
sont pillées. Elles ont commencé par le massacre d'un Juif accusé de blasphème
contre l'Islam.
En 1890, dans la même ville, les autorités religieuses, indignées par les nouvelles
mesures royales protégeant les Juifs, exigent qu'ils soient soumis à un certain
nombre de prescriptions : obligation de porter un morceau d'étoffe rouge sur
la poitrine, défense de parler haut au Musulman, défense de quitter la ville.
Quant à eux, les Zoroastriens pratiquent l'ancienne religion préislamique de
l'Iran dont les origines remontent aux croyances des immigrants indo-européens
des premiers millénaires avant J-C, religion d'Etat sous les Sassanides [264]. Ils subissent eux aussi des persécutions
mais de moindre intensité.
Sous la période Qâjâr, Les Chrétiens (Arméniens ou Assyriens) pouvaient accéder
à une position éminente dans le gouvernement ou dans le commerce. Ils jouent
le rôle d'intermédiaires entre la Perse musulmane et l'Ouest chrétien. Ils sont
interprètes, agent d'entreprises commerciales européennes. Des missions (catholiques,
anglicanes, presbytériennes) prolifèrent en Perse au XIXe siècle. Ils connaissent
cependant de régulières vexations comme nous le montre la lecture des dépêches
diplomatiques : "Mr l'abbé Darnis est arrivé à Téhéran m'apportant ses plaintes
et celles de Mr Cluzel contre le gouverneur du district de Salmay. Ce gouverneur
de son coté avait, par l'intermédiaire de l'imam Djumé de Tauris, adressé au
premier ministre une plainte en forme contre les deux Lazaristes français…les
accusant entre autre, de faire des prosélytes arméniens et musulmans…Ils dénonçait
surtout la résistance passive qu'auraient opposée les paysans catholiques…à
verser entre ses mains une somme de 300 tomans…" [265]
"MR de sercey rend compte, dans sa correspondance des avantages suivans accordés
par le gouvernement Persan en faveur de nos nationaux, au point de vue commercial
et religieux…Au retour de Mr Sercey, les évêques de Mossul et Diarbekir vinrent
le supplier de faire connaître au gouvernement du Roi la tyrannie sous laquelle
ils gémissaient." [266]
Ainsi, par les dépêches diplomatiques, nous avons constaté que les différentes
communautés religieuses en Perse subissent des persécutions. Cependant, elles
ne peuvent être comparées aux persécutions dont sont objets les babis et baha'is.
En effet, les nouveaux croyants doivent faire face à une campagne de dénigrement
et de discrimination, du à la nouveauté du mouvement et à la crainte qu'il suscite.
2-Les diplomates face aux massacres
a) L'indignation des diplomates
Cependant, on note dans les dépêches diplomatiques une véritable compassion
et une réelle virulence lors de leur dénonciation des actes de barbarie commis
contre les babis et les baha'is. Certains même se présentent en défenseur de
cette nouvelle cause.
Lors d'une dépêche, un diplomate dénonce comme "évènements regrettables" [267] la ségrégation dont sont victimes
les babis et les baha'is. C'est pour eux"rompre tout lien avec le monde civilisé
que de commettre de pareilles infamies" [268]. Dans l'extrait suivant, l'agent
diplomatique s'ingère dans la politique perse en prenant parti pour la cause
baha'ie en dénonçant en haut lieu les atrocités commises contre ces derniers.
Les atrocités représentent à ses yeux le symbole de la brutalité du régime.
"Si contre mon attente ces faits étaient vrais, je ferais tous mes efforts pour
empêcher une boucherie, qui n'aurait même pas pour excuse l'entraînement d'un
premier mouvement de colère, je ferais observer que c'est exposer à de terribles
représailles et vouloir rompre tout lien avec le monde civilisé que de commettre
pareilles infamies." [269]
Une dépêche diplomatique rapporte la vive indignation du Dr Tholozan, médecin
particulier du roi, s'adressant au Shah à propos d'un acte de torture commis
à l'encontre d'un baha'i . "Un baha'i avait remis une lettre au shah provenant
de baha'u'llah, dès que le roi eut connaissance de cette requête il voulut soumettre
ce jeune homme à la torture. Le Dr tholozan, qui accompagne le Roi a conseillé
la clémence, il a représenté que la torture n'était qu'un usage barbare et qui
n'était plus appliqué depuis longtemps chez les nations civilisées" [270] . La référence du Dr Tholozan au
concept de nation civilisée est propre à l'élite européenne du milieu du XIX
siècle ; élites prônant la colonisation de l'Afrique et de l'Asie comme acte
civilisateur. Ainsi, par cette dépêche nous constatons l'opposition française
aux actes de tortures, notamment pour les babis et baha'is.
Nous avons également trace d'ambassadeurs étrangers, russes et anglais qui s'insurgent
contre les excès de barbaries du gouvernement persan contre les babis. Effectivement,
le diplomate anglais Sheil demande au premier ministre d'arrêter ces persécutions
qui pour lui "sont attribuées aux plus basses classes de l'humanité" [271]
Le capitaine Alfred von Guomöens, attaché militaire autrichien au service du
Shah, a laissé un récit des évènements de 1852. Horrifié par les cruautés dont
on l'obligeait à être témoin, il présente sa démission, puis écrit une lettre
qu'il publie dans le journal de Vienne "Oesterreichischer Soldatenfreund" (L'ami
du soldat autrichien). "Mais suis-ami, ami, toi qui te réclames des sentiments
et des usages européens, suis-moi vers le lieu où ces infortunés, les yeux crevés,
sont contraints à manger toutes crues leurs propres oreilles qu'on vient de
couper. Ou alors, suis-moi vers ceux à qui la main du sbire, avec une violence
inhumaine, a arraché les dents ; suis-moi aussi vers ceux à qui on se contente,
à coups de marteau, de réduire en bouillie le crâne ras. Ou encore suis-moi
là où l'on éclaire le bazar avec des malheureux, en excavant profondément leur
poitrine et leurs épaules, tant d'un coté que de l'autre, et en fichant dans
ces plaies des chandelles allumées…Il n'est pas rare que l'inlassable imagination
des Orientaux n'invente quelques nouveautés : on écorche la plante des pieds
des babis, ranime la blessure sanglante avec de l'eau bouillante, ferre le pied
comme le sabot d'un cheval et l'on oblige finalement la victime à courir". Sa
missive datée du 29 août 1852 est sans conteste une source très intéressante
puisque écrite quinze jours après l'attentat manqué.
b) L'éveil d'un intérêt pour les babis et baha'is
en France
Le sort des babis et baha'is n'émeut pas seulement les diplomates en Perse,
puisque le ministre français des affaires étrangères s'inquiète de leur situation
en 1918. "pourriez-vous informer que sont devenus béhais persans groupés antérieurement
à Saint-Jean d'Acre" [272]. Ce télégramme nous prouve que les
précédentes dépêches diplomatiques ont connus quelques répercutions en France,
notamment au Quai d'Orsay. Cette missive reçut une réponse de G. Picot, diplomate
français nous renseignant de fait de l'état de la communauté baha'ie.
"Abdul Beha [273] est en bonne santé, il continue à
résider (à) Acre avec ses partisans qui n'ont pas été inquiétés par la guerre."
[274]
La lettre de M. Auguste Forel [275] au président du conseil Mr Edouard
Herriot témoigne de l'intérêt de certains français pour cette cause. Dans cette
lettre il demande à "mettre un terme à ces indicibles cruautés ou du moins à
les limiter le plus tôt possible" [276].
L'exemple antérieur de la conversion à la foi baha'ie de César Catafago, vice-consul
de France à Saint-jean D'acre, illustre les bonnes dispositions françaises envers
cette nouvelle croyance. César Catafago a embrassé cette nouvelle cause suite
à la réception de l'épître de Baha'u'llah adressée à Napoléon III, dont il est
l'émissaire et le traducteur. Baha'u'llah adresse une épître à chaque roi et
dirigeant de son époque.
Malgré l'opprobre et les persécutions dont les babis et baha'is sont victimes,
les diplomates français ne marquent d'opposition à entretenir des relations
avec eux, notamment, nous le supposons, des relations d'ordre commercial. "les
babys sont une secte très inoffensive (…) ils sont très bien disposés pour les
Européens en général et pour nous en particulier" [277].
3- Les prémisses incertaines d'une correspondance diplomatique
entre la communauté baha'ie et les diplomates européens : des sources non authentifiées
En raison de leur émotion et de leur bonne disposition envers la religion baha'ie,
il semblerait que les diplomates aient tenu un rôle plus ou moins actif dans
l'histoire baha'ie. En effet, des membres éminents de la communauté baha'ie
ont demandé leur soutien. C'est lors de son exil en Turquie, que Baha'u'llah
aurait fait appel aux consuls, afin qu'ils interviennent en sa faveur auprès
de leurs souverains ou dirigeants. Nous pensons utile de nous arrêter sur le
contexte de la rédaction de ces lettres.
A cette époque Baha'u'llah est réfugié à Bagdad. Cependant le sultan 'Abdu'l-Aziz
par peur de la contamination des idées, exile le prophète à Andrinople. Baha'u'llah
et ses compagnons restent dans cette ville de 1863 à 1868, et c'est à la fin
de cette période que ceux ci seraient entrés en contact avec les autorités européennes.
Ainsi, les agents diplomatiques résidant à Andrinople reçoivent une pétition
de la part de Baha'u'llah. On retrouve cette lettre accompagnée d'une note du
ministre accrédité en Turquie, dans les archives du Ministère des Affaires Etrangères
Françaises [278]. Au contraire, les archives anglaises
n'ont gardé aucune trace de cette requête. C'est donc, pour nous, une source
de première importance. La lettre écrite par "Houssein-Ali", c'est à dire Baha'u'llah,
datant du 9 août 1868, s'adresse aux "souverains de l'époque". Dans cette lettre,
il relate ses différents exils, les avanies de la part du gouvernement turc,
ainsi que les diverses entraves à ses libertés individuelles. De plus, il regrette
le fait que le gouvernement ottoman désire l'exiler hors de l'Empire. [279].
Cependant l'origine de cette lettre reste incertaine et présente des problèmes
d'identification. En effet l'écriture et la signature semblent différentes de
celles de Baha'u'llah. Cette opinion a été vérifiée par le département de recherche
du Centre Mondial Baha'i à Haïfa (lettre du 17 février 1975). Nous n'avons trouvé
aucune autre source affirmant ou infirmant la véracité de cette lettre.
Pourtant, le consul d'Andrinople, M. Ronzevalle, réfère de cette lettre au Ministre
des Affaires Etrangères français, M. Bourrée. Ce dernier répond de manière plus
ou moins négative puisque pour lui il s'agit d'affaires internes, d'où une complète
abstention de l'Etat français. Ainsi, on s'aperçoit du retentissement du mouvement
baha'i par l'intermédiaire de ces correspondances diplomatiques. On peut noter
qu'il s'agit d'une des rares interventions du ministre des Affaires Etrangères
français sur ce sujet.
Il existe similairement dans le fonds Gobineau, à la Bibliothèque Universitaire
de Strasbourg, cinq lettres de Baha'u'llah. Une fois de plus, l'écriture de
Baha'u'llah, le style des lettres ne sont pas identifiables avec certitude,
(Cf. en annexe).
4- L'engouement de certains diplomates pour les religions
babie et baha'ie : l'étude approfondie de ces religions par Gobineau et Nicolas
Lors de leur séjour en Perse, certains diplomates français ont cherché à découvrir
les mouvements babi et baha'i. Aussi à leur retour rédigent-ils des études sur
l'émergence de cette nouvelle spiritualité, à l'instar de Gobineau et Nicolas.
En 1865, deux ans après son retour de Perse, Gobineau [280] publie Religions et philosophies de l'Asie centrale.
Lors de la tragédie babie, l'auteur est chargé d'affaires à la légation française
à Téhéran en 1856. Horrifié par les massacres, il consacre plusieurs chapitres
(six chapitres sur seize) [281] de son livre au mouvement babi. L'opinion
française découvre alors l'existence de la religion nouvelle. Moins d'un an
après sa publication, le livre est réédité, ce qui paraît inhabituel pour un
livre de cette nature à cette époque. A partir de 1865, l'ouvrage de Gobineau
est édité et réédité près de sept fois et cela même à titre posthume. Il se
produit alors une certaine effervescence dans les milieux littéraires. En Russie,
la poétesse Isabel Grinewskaia écrit et fait jouer une pièce de théâtre sur
les babis. A Paris, Sarah Bernhard demande à l'auteur Catulle Mendès de lui
écrire une pièce sur ces évènements, ce qu'il ne fait pas. Plusieurs journalistes
en France dont Jules Bois, publient de nombreux articles. Même si l'on peut
porter des critiques quant au travail et aux explications historiques de Gobineau
sur ce sujet, il est à l'époque l'auteur évoquant les babis, le plus important
de sa génération. Il se détache des autres auteurs sur l'assimilation et les
résumés effectués sur la doctrine babie.
Gobineau entretient des relations épistolaires avec comte de Prokesch-Osten
(1854-1876), un autrichien, agent diplomatique. Les extraits suivants démontrent
l'accueil favorable des ouvrages de Gobineau par la société occidentale.
Constantinople le 5 janvier 1866, de Prokesch-Osten :"Je suis P 336 de votre
livre au milieu de la doctrine des babys et sur le point de me faire baby moi-même.
Tout est merveilleux dans l'histoire de ce phénomène historique et humanitaire."
Constantinople le 10 janvier 1866, de Prokesch-Osten: "Ali-Pacha m'a parlé avec
grande vénération du bab, interné à Andrinople qu'il dit d'un homme de grande
distinction, d'une conduite exemplaire, d'une grande modération et de formes
les plus dignes. Il m'a parlé du Babysme comme d'une doctrine qui mérite une
haute estime" [282]
Un historien, interprète officiel de la légation française à l'étranger, A.L.M
Nicolas, vérifie les écrits de Gobineau. Il en rectifie certains. Ensuite il
traduit les écrits du Bab et devient le premier babi occidental. C'est aujourd'hui
un auteur reconnu dans sa spécification babie. Il existe un fonds Nicolas à
l'Institut des Etudes Iraniennes, à l'université de la Sorbonne Nouvelle III,
Paris.
Nicolas a traduit de nombreux ouvrages et documents du Bab :
Le livre des sept preuves, éd. Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien Maisonneuve,
Paris, 1902.
Le Bayan arabe, éd. Ernest Leroux, Paris, 1902.
le Bayan persan, éd. Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris 1911-1914.
Nicolas (1864-1939) est également l'auteur d'oeuvres approfondies sur la nouvelle
croyance tels que :
Seyyed Ali-Muhammad dit le Bâb, éd. Dujaric, Paris, 1905.
Qui est le successeur du Bâb, éd. Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien Maisonneuve,
Paris 1933.
Les Béhahis et le Bâb, éd. Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1933.
Quelques documents relatifs au Babisme, éd. Librairie Orientaliste Paul Geuthner,
Paris, 1934.
Massacres de babis en Perse, éd. Librairie d'Amérique et d'Orient Adrien Maisonneuve,
Paris 1936.
Il est à noter que Nicolas contestait la succession du Bab et donc l'avènement
de Baha'u'llah en tant que prophète. Il pense que dans la doctrine baha'ie,
la position du Bab est amoindrie. A la fin de sa vie, après lecture de certains
ouvrages baha'is tels que La Chronique de Nabil il accepte le rang du Bab dans
la religion baha'ie : c'est-à-dire le précurseur de Baha'u'llah mais néanmoins,
un messager de Dieu, prophète qui a créé sa religion indépendante.
L'émergence des religions babie et baha'ie constitue un fait majeur de l'histoire
perse. En effet, la naissance du babisme instaure le plus grand bouleversement
religieux qu'ait connu la Perse au XIXe siècle. Comme nous l'avons précédemment
abordé, le babisme remet en cause les fondations de la société religieuse perse.
Le clergé chiite craint un ralliement massif de la population à ce mouvement
religieux, qui lui ôterait toute légitimité. En effet, ce mouvement s'étend
rapidement. En référence à la tradition chiite duodécimaine, le Bab et Baha'u'llah
en se réclamant respectivement être, le Qa'im et "Celui que Dieu rendra manifeste",
se présentent comme dépositaires de la légitimité divine s'opposant de fait
aux oulémas. Si la population s'était massivement converti à cette nouvelle
religion, le pouvoir clérical chiite aurait perdu toute légitimité. Le pouvoir
royal, bien qu'il ait tenté de limiter le pouvoir du clergé, nécessitait l'appui
de ce dernier, afin d'asseoir son autorité. Un compromis avec les oulémas est
en effet nécessaire pour que la famille Qâjâr, ne descendant pas du prophète
Muhammad, puisse s'asseoir sur le trône perse.
Les enjeux politiques et religieux, liés à l'émergence de cette nouvelle religion,
nous démontre l'enchevêtrement du clergé et du pouvoir royal en Perse au XIXe
siècle. Nous comprenons, ainsi, que cette situation conduit à de violents antagonismes
qui façonnent l'association des mouvements religieux à des mouvements révolutionnaires.
Cependant, on ne peut nier que l'émergence de ces religions engendre l'une des
plus grandes crises religieuses. Le mouvement babi ne pouvait naître qu'en Perse
puisqu'il se réfère à la doctrine duodécimaine. Peut-être la décadence politique
et religieuse dans laquelle se trouve la Perse au XIXe siècle ont favorisé l'émergence
d'un nouveau mouvement religieux qui se veut plus proche de la population, plus
spirituel et non attaché au pouvoir politique corrompu. Ce bouleversement religieux
achève la déstructuration de l'Etat perse du XIXe siècle. Les fréquents soulèvements
religieux babi, auxquels nous pouvons ajouter les mouvements ismaélien et shaykhi,
déstabilisent la politique intérieure. Nous pensons cependant utile de rappeler
que les mouvements babi et baha'ie se veulent apolitiques.
Le clergé chiite, constatant la limitation de ses prérogatives par l'autorité
royale, devient plus orthodoxe en développant une certaine intolérance envers
les autres mouvements religieux comme nous le prouve l'établissement d'un nouveau
statut concernant les minorités religieuses. Le mouvement babi est considéré
comme une autre menace à son pouvoir
Le fait que les diplomates français exposent les événements relatifs aux communautés
babie et baha'ie dans leurs dépêches diplomatiques, prouve l'importance de ces
mouvements religieux en Perse. Nous percevons, aussi, grâce à ces dépêches la
rapide extension de ces mouvements religieux.
Elles nous permettent de connaître une vision européenne du mouvement religieux
naissant. Les diplomates décrivent principalement les soulèvements, les massacres
et les persécutions que connaissent les membres de ces religions. Ils concluent
à l'émergence d'un mouvement insurrectionnel ou révolutionnaire. L'imbrication
du pouvoir politique et du pouvoir religieux favorise cette conclusion. Ces
diplomates perçoivent pourtant le modernisme de ces idéologies religieuses (égalité
des sexes par exemple). Il l'oppose, parfois, au fanatisme de l'islam chiite.
Il remarque une forme d'idée occidentale dans ces mouvements puisqu'ils les
pensent favorable à l'Europe. On constate, par cette vision, l'influence des
idées nouvelles libérales sur les diplomates.
Nous constatons un impact relatif des religions babie et baha'ie sur les diplomates
puisque certains, comme Nicolas et Catafalgo se sont convertis respectivement
à la religion babie et baha'ie. Par contre, nous ne pouvons constater un réel
impact sur la société française du XIXe siècle.
Nous pouvons conclure de nos lectures des dépêches que les diplomates en poste
en Perse donnaient une grande importance à ces mouvements religieux. Leurs dépêches
relatent abondamment et avec engagement les événements concernant ces nouvelles
religions, bien qu'ils manquent d'information sur ce sujet. L'islam chiite occupe
une place moins importante dans leurs récits alors qu'il s'agit de la religion
d'Etat.
En 1906, l'opposition nationaliste, libérale et religieuse, avec le clergé chiite
à sa tête, obtient l'octroie d'une constitution. La révolution constitutionaliste
de 1906 signe le déclin du règne Qâjâr, l'anarchie s'impose en Perse. Le clergé
chiite s'oppose de plus en plus violemment à l'Etat. Le boycott du tabac en
1890-1891, illustre l'opposition politique du clergé. Ce dernier s'arroge de
plus en plus de droit et de pouvoir au cours de cette période. L'aboutissement
de la croissance du pouvoir clérical est la révolution islamique de 1979.
BIBLIOGRAPHIE
I - Sources
1) Dépêches diplomatiques, Ministère des Affaires Etrangères, Quai d'Orsay,
Paris :
- De Sartiges à Guizot Téhéran, le 29 janvier 1848. Direction Politique n° 46.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 23.
- De Sercey au Ministère des Affaires Etrangères. Pas de date.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 23.
- De Sartiges à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 19 février 1849. Direction Politique
n°44.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 24.
- De Ferrier à De La Hitte, le 25 octobre 1850.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 24.
- De Ferrier à De La Hitte, le 25 mars 1850.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 24.
- De Ferrier à De La Hitte, le 25 juin 1850.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 24.
- De Ferrier à De La Hitte, le 25 juillet 1850.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 24.
- De Ferrier à De La Hitte, le 24 janvier 1851.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 24.
- De Ferrier à De La Hitte, le 24 février 1851.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 24.
- Ferrier, Situation de la Perse en 1851.
MAE, Mémoires et Documents, Perse, Vol.9.
- La Valette au Ministre des Affaires Etrangères, Thérapia, le 25 octobre 1852.
Nicolas, Traduction d'un article du journal officiel de Téhéran relatif à l'attentat
commis sur la personne du Roi.
MAE, Mémoires et Documents, Perse, Vol. 11.
- De Bourée au Ministre des Affaires Etrangères, Téhéran, le 8 janvier 1855.
Direction Politique n°3.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 25.
- De Gobineau au Ministre des Affaires Etrangères, Téhéran, le 20 mars 1856.
MAE, Mémoires et Documents, Perse, Vol. 11.
- De Pichon au Comte Walevoski, Téhéran, le 19 décembre 1859. Direction Politique
n°73.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 30.
- De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 5 mai 1864. Direction Politique
n°10.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 33.
- De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran, le 1er juin 1864. Direction Politique
n°12.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 33.
- De Bonnières au Marquis de La Vallette, Campement de Teojrich, le 10 juillet
1869. Direction Politique n°40.
MAE, Correspondance Politique de Perse, Vol. 35.
- De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran, le 15 mai 1875. Direction Politique n°
44.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 37.
- De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller, Téhéran, le 17 mars 1890. Direction
Politique n°14.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 42.
- De De Balloy à hanotaux, Téhéran, le 2 mai 1896. Direction Politique n°18.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 46.
- De De Balloy à hanotaux, Téhéran, le 12 juin 1896. Direction Politique n°28.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 46.
- De De Balloy à hanotaux, Téhéran, le 4 juillet 1896. Direction Politique n°32.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 46.
- De De Balloy à hanotaux, Téhéran, le 2 août 1896. Direction Politique n°40.
MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 46.
- Ministère Français des Affaires Etrangères au Haut-Commissaire à Beyrouth,
le décembre 1918. N° 500.
MAE, Asie, 1918-1940, sous-série Perse.
- De Picot au Ministère des Affaires Etrangères, le 17 décembre 1918. N° 728.
MAE, Asie, 1918-1940, sous-série Perse.
- De Auguste Forel à Edouard Herriot, 10 avril 1925.
MAE, Asie, 1918-1940, sous-série Perse.
2) Dépêches diplomatiques, réserve personnelle de Mme Lucrèce Reynaud :
- De Clairambault à De La Hitte, Trébizonde, le 25 décembre 1850. Direction
Politique n°19.
MAE, Consulat de France à Trébizonde.
- Trois dépêches figurant en annexe, auteur et date inconnus.
3) Dépêches diplomatiques, fonds Gobineau, Bibliothèque nationale Universitaire
de Strasbourg :
Fonds Gobineau, Ms 3534, 6. Cf. Annexes.
Fonds Gobineau, Ms 3516. Cf. Annexes.
4) Sources imprimées :
- Le Trombinoscope, juillet 1873. éd, F. Debons et Ce, Paris, 1873.
- A.-L.-M. Nicolas, Siyyid 'Ali Muhammad dit le Bâb, éd. Dujaric, Paris, 1905.
- A.-L.-M. Nicolas, Qui est le successeur du Bâb, éd. Librairie d'Amérique et
d'Orient Adrien Maisonneuve, Paris 1933.
- A.-L.-M. Nicolas, Les Béhahis et le Bâb, librairie orientaliste Paul Geuthner,
Paris, 1933.
- A.-L.-M. Nicolas, Quelques documents relatifs au Babisme, éd. Librairie Orientaliste
Paul Geuthner, Paris, 1934.
- A.-L.-M. Nicolas, Massacres de babis en Perse, éd. Librairie d'Amérique et
d'Orient Adrien Maisonneuve, Paris 1936.
- J.A de Gobineau, Les Religions et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres
de Gobineau, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1983.
- Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La Chronique de Nabil, Maison d'Editions
Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages.
II- Ouvrages
a) Instruments de travail :
Duby (G), Atlas historique mondial, Larousse, 2000.
Encyclopedia Britannica.
Encyclopédie de l'Islam.
Encyclopaedia Iranica : Article "Bab", "Babism", "France", Bibliotheca Persica
Press, New york, 2000.
Ouvrages généraux :
Amanat (A), Pivot of The Universe Nasir Al-Din Shah Qâjâr and the Iranian Monarchy,
1831-1896, University of California Press, Californie, 1997.
Ramazani (R), The Foreign Policy of Iran 1500-1941, University Press of Virginia,
1966.
Lambton (A.K.S), Qâjâr Persia, Lb. Tauris and Co LTD, Londres, 1987.
The Cambridge History of Islam, Vol. I : The Central Islamic Lands, Cambridge
University Press, Grande-Bretagne, 1970.
The Cambridge History of Iran, Vol. 7, University Press, Grande-Bretagne, 1970.
b) Ouvrages spécialisés :
Hytier (A), Les dépêches diplomatiques du comte de Gobineau en Perse, éd. Droz,
1959.
"Les créations de postes diplomatiques et consulaires français de 1815 à 1870",
Revue d'Histoire Diplomatique, éd. A. Pedone, 100ème année, 1986.
"Le ministère des affaires étrangères après 1848", Revue d'Histoire Diplomatique,
éd. A. Pedone, 203ème année, 1989.
Traduction et introduction de Salesse (B), Journal de Voyage en europe (1873)
du shâh de Perse, éd. Actes Sud, 2000.
Momen (M), An Introduction to Shi'i Islam, éd. George Ronald, 1985.
Richard (Y), L'islam chi'ite, éd. Fayard, 1991.
Gobillot (G), Les chiites, éd. Brepols, 1998.
Laoust (H), Les schismes dans l'Islam, éd. Payot, Paris, 1965.
Richard (Y), Le shi'isme en Iran, imam et révolution, éd. Librairie d'Amérique
et d'Orient Jean Maisonneuve, Paris, 1980.
Corbin (H), En islam iranien, Tome I et IV, éd. Gallimard, 1972.
Halm (H), Le chiisme, PUF, Paris, 1995, 275 pages.
Sélections des Ecrits du Bab, éd. Maison d'Editions Baha'ies, Bruxelles, 1984.
La proclamation de Baha'u'llah, éd. Maison d'Editions Baha'ies, Bruxelles, 1967.
Hakim (C), Les Baha'is ou victoire sur la violence, éd. Favre, paris, 1982.
Hatcher (W), Martin (J.D.), La foi Baha'ie, l'émergence d'une religion mondiale,
éd. Maison d'Editions Baha'ies, Bruxelles, 1997.
Smith (P), The Babi and Baha'i Religions, Cambridge University Press, 1987.
243 pages.
Momen (M), The Babi and Baha'i Religions, George ronald, Oxford, 1981. 572 pages.
Notes
[1] La Perse devient l'Iran,
en 1935. Cette nouvelle dénomination est imposée par les Iraniens au monde,
notamment à l'Occident.
[2] The Cambridge History
of Islam, Vol. I : The Central Islamnic Lands, Cambridge University
Press, Grande-Bretagne, 1970.
[3] L'Europe connaît une véritable effervescence
idéologique : le printemps des peuples en 1848 est une manifestation de ce
bouillonnement. A la fin du XIXe siècle, sous l'impulsion de Jules Ferry,
la France offre la gratuité de la scolarité primaire. La révolution industrielle
s'accompagne d'un mouvement ouvrier symbolisé par le manifeste de Karl Marx.
L'Europe, prétextant une mission civilisatrice, part à la conquête de l'Afrique
et de l'Asie, ce qui permet ainsi, à ces idées qualifiées de libérales de
se propager lentement par l'intermédiaire des élites occidentales et ou autochtones.
[4] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran,
le 5 mai 1864. Direction Politique n° 10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.
[5] "the Shadow of God upon earth", The
Cambridge History of Islam, Vol. I, Cambridge University Press, Grande
Bretagne, 1970, Page 436.
[6] Le premier Shah Safavide, Ismâ'il descend
prétendument du prophète Muhammad.
[7] Lambton (A.K.S), Qâjâr Persia, LB.
Tauris and Co LTD, Londres, 1987. p.94.
[8] Ibid. p.95.
[9] Ibid. p.95.
[10] Curzon (N), Persia and the Persian
Questions, Vol. I, Frank Cass and Co. Ltd., Londres, 1966, p.391.
[11] Cf. annexes, tableau généalogique de
la dynastie qâjâre.
[12] J.A de Gobineau, Les Religions et
les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. p.529-530.
[13] Gobineau évalue le nombre des agnats
de la tribu qâjâre plus ou moins ambitieux du pouvoir à 1100. Hytier (A.-D),
Les dépêches diplomatiques du comte de Gobineau en Perse, E.Droz, 1959.
p. 101. Dépêche du 9 juin 1857.
[14] Le traité du Gulistan entre la Russie
et la Perse, stipule que le tsar de Russie s'engage à reconnaître le prince
qui serait désigné comme héritier et lui accorder l'assistance qu'il demanderait
afin d'annihiler toute opposition. Fath 'Ali Shah meurt le 23 octobre 1834.
La succession de Muhammad 'Ali Mirza est disputé par plusieurs princes qâjârs.
Dès lors, les Russes offrent des troupes et des provisions à Muhammad 'Ali
Mirza en quantité nécessaire afin qu'il puisse monter sur le trône. La désignation
de 'Abbas Mirza comme Wali-'ahd est reconnue par les gouvernements britannique
et russe pour la paix intérieure, l'indépendance et de l'intégrité de la Perse.
[15] Auteur diplomate inconnu. Cf. Annexes.
[16] J.A de Gobineau, Les Religions et
les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 519.
[17] Atabeg vient de l'arabe : ata = père
/ beg = commandant. A l'époque seljoukide, l'atabeg était le tuteur chargé
de l'éducation des enfants du sultan. Il était envoyé avec le prince mineur
à la tête d'une province de l'Empire. L'atabeg gouvernait donc à la place
du prince. Dans beaucoup de cas, il s'arrogeait le pouvoir effectif.
[18] L'adjudant général Ferrier, Situation
de la perse en 1851. MAE, Mémoires et Documents Perse, Vol. 9.
[19] Lambton (A.K.S.), Qâjâr Persia, LB.
Tauris and Co. LTD, Londres 1987, p. 100.
[20] Ferrier, Situation de la Perse en
1851, extrait d'un article écrit pour la "Revue Orientale". MAE, Mémoires
et Documents, Perse, Vol.9.
[21] Lambton (A.K.S), Qâjâr Persia,
LB. Tauris and Co LTD, Londres, 1987. p. 97.
[22] La guerre entre la Turquie et la Perse
est déclarée en 1821 et s'achève en 1823, date à laquelle les deux pays signent
le traité d'Erzeroum.
[23] Comte de Gobineau, Téhéran le 20 mars
1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.
[24] Muhammad n'avait pris aucune disposition
écrite concernant la direction future de la communauté. Le "successeur" ou
khalîfa du prophète est Abu Bakr, premier calife, il dirige la communauté
de 632 à 634. Le second calife est 'Omar qui règne de 634 à 644. Puis en 644,
'Uthmân est élu troisième calife par un collège composé de six éminents compagnons
du prophète. En 656, il est assassiné et c'est 'Ali, cousin et gendre du prophète
qui accède au califat jusqu'à sa mort en 661. C'est par la suite les Omeyyades
qui prennent la tête de la communauté.
[25] Corbin (H), En islam iranien,
Tome I, Gallimard, 1971, 332 pages. p. 41-42.
[26] En Iran on emploie aussi couramment
le mot Pîshvâ.
[27] Tradition relative aux actes, paroles
ou attitudes du prophète. Le hadith commence à se constituer à partir du VIIIe
siècle.
[28] 4 : 'Ali b. al-Husayn / 5 : Muhammad
al-baqir / 6 : Ga'far al-Sadiq / 7 : Musa al-Kasim / 8 : 'Ali al-Rida 9 :
Muhammad al-Gawad / 10 : 'Ali al-Hadi / 11 : Al-Hasan al-'Askari / 12 : Muhammad
al-Mahdi.
[29] Parent et seul représentant légitime
de l'imam caché, le Shah Safavide est l'autorité religieuse suprême du chiisme.
Cependant, à la fin du XIXe siècle, les religieux déclarent le roi Safavide
non pieux et semblent contester sa légitimité.
[30] Halm (H), Le chiisme, PUF, Paris,
1995, 276 pages. p. 119-120.
[31] La madrasa est un collège. Au Moyen-Age,
c'est celui qui est installé dans une mosquée et dispense un enseignement
sunnite.
[32] Auteur inconnu. Cf. annexes.
[33] Ibid.
[34] Ibid. Nous supposons ici, que c'est
le Comte de Sartiges après comparaison du style calligraphique.
[35] Ibid.
[36] Ibid.
[37] Ibid.
[38] la Perse est traversée par la "route
de la soie".
[39] Momen (M), The babi and baha'i religions,
1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages.
[40] De Ferrier au Général De La Hitte, Le
21 février 1850. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.
[41] Ibid.
[42] Le mot "mirza" est la contraction
du terme Amir-Zadih, signifiant "fils d'amir". Placé après un
nom propre, cela signifie "prince" ; en préfixe à un nom, cela signifie simplement
"monsieur". L'Amir est un "seigneur", "prince", "gouverneur", "commandeur".
il semblerait qu'ici il s'agisse d'un "Monsieur".
[43] Lettre de Gobineau datant du 6 août
1855 à Prokesch-Osten, diplomate autrichien. Bibliothèque Universitaire Nationale
de Strasbourg. Fonds Gobineau, MS 3524 (Gobineau 41).
[44] Bibliothèque Universitaire Nationale
de Strasbourg. Fonds Gobineau, MS 3515 (Gobineau 37).
[45] De Ferrier au Général De La Hitte, Le
21 février 1850. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.
[46] Cf . annexes, biographie de Gobineau.
[47] Momen (M), The babi and baha'i religions,
1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages.
[48] Momen (M), The babi and baha'i religions,
1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages.
[49] Du Marquis de la Valette au Général
De La Hitte, le 25 décembre 1850. Direction Politique n°19. MAE, Consulat
de France à Trébizonde.
[50] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran,
le 5 mai 1864. Direction Politique n°10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.
[51] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys, Téhéran,
le 1er juin 1864. Direction Politique n°12. MAE, C.P. Perse, Vol.33.
[52] Comte de Gobineau, Téhéran le 20 mars
1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.
[53] Fath-'Ali Shah règne en Perse
de 1798 à 1834.
[54] Le recueil contenant les réponses au
Shah se nomme : "Risaliy-i-Sultanniyih".
[55] Le terme "bâb" est le titre donné, dans
le chiisme primitif et dans l'ismaélisme, au disciple de l'imam de rang le
plus élevé.
[56] Article "The Bab", Encyclopaedia
Iranica, volume III, Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.
[57] 1844 ap J.C.
[58] (1814-1849).
[59] Commentaire sur la sourate de Joseph
(Coran). Pour les baha'is, il constitue une des preuves les plus importantes
de l'authenticité du Bab en tant que prophète.
D'après l'Encyclopedia Britannica, "Ali Mohammad (…) entonne et écrit simultanément
un commentaire, le Qayyumu'l-Asma, sur la sourate de Joseph du Coran".
Article "The Bab", Encyclopaedia Iranica, volume III, Bibliotheca
Persica Press, New York, 1989.
La sourate de "Joseph" Yûsuf , est la douzième du Coran. Le thème en
est l'épisode de la légende de Joseph, tel qu'il est raconté dans la Genèse
(XXXVII), avec des détails provenant de traditions rabbiniques. Joseph est
présenté dans le Coran comme un homme juste, doué de sagesse et de beauté
merveilleuse. C'est le nouveau prophète qui déjoue les machinations des incroyants.
De plus le thème de Joseph tenté par une Egyptienne est un thème popularisé
par de nombreux poètes persans. Ainsi avec l'explication de cette sourate,
le Bab éveillait la curiosité des persans, mais aussi, il s'appuyait sur ce
texte pour proclamer ses prétentions.
[60] Membres du clergé, prêtres musulmans.
[61] Article "The Bab", Encyclopaedia
Iranica, volume III, Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.
[62] Auteur inconnu. Cf. annexes.
[63] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La
chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages.
p. 68.
Hatcher (W.S.), Martin (J. D.), La foi baha'ie, Maison d'Editions Baha'ies,
Belgique, 1997, 315 pages. p. 9.
[64] "Il [le Bab] appartenait à une famille
de sayyeds". Article "The Bab", Encyclopaedia Iranica, volume
III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.
[65] J.A de Gobineau, Les Religions et
les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983.p.505-506.
[66] Halm (H), Le chiisme, coll. Islamiques,
PUF, Paris, 1995, 275 pages. p. 126.
[67] "Dans sa tendre enfance, (le Bab) perdit
son père, Siyyid Muhammad Rida, un homme connu à travers la province de Fars
pour sa piété et sa vertu, et qui était très estimé et honoré. Son père et
sa mère étaient tous deux descendants du prophète ; tous deux étaient aimés
et respectés par le peuple." Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La Chronique
de Nabil,, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p.68.
[68] Article "The Bab", Encyclopaedia
Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.
[69] "Devenu orphelin de bonne heure, il
fut placé sous la tutelle de son oncle maternel (…) et s'occupa, sous sa direction,
du même commerce que son père (c'est à dire de mercerie)."
A.-L.-M. Nicolas, Siyyid 'Ali-Muhammad dit le bab. éd. Dujaric, Paris,
1905.
[70] J.A de Gobineau, Les Religions et
les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 506-507.
[71] Perkins (M), Hour of the dawn, the
life of the Bab, George Ronald, Oxford, 1987, 211 pages. P. 19-20.
[72] Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.
Téhéran le 20 mars 1856, Comte de Gobineau.
[73] cf. cartes en annexes.
[74] De Sartiges à Drouyn de Lhuys, Téhéran
le 19 février 1849, Direction Politique n°13. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.
[75] Smith (P), The Babi and Baha'i Religions,
Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. P. 14.
[76] Article "Babism", Encyclopaedia
Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.
[77] Halm (H), Le chiisme, coll. Islamiques,
PUF, Paris, 1995, 275 pages. p. 126.
[78] Badasht se trouve près de la
province du Mazandéran, cf. cartes en annexe.
[79] J.A de Gobineau, Les Religions et
les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 534.
[80] Nom donné aux dix-huit premiers disciples
du Bab.
[81] A l'époque, des personnes appelées "bab"
déclarent pouvoir amener la population à l'Imam caché. D'après l'Encyclopédie
de l'Islam, "Bab" est le nom donné dans le chiisme primitif au disciple
de l'Imam de rang le plus élevé. Chez les ismaéliens, le Bab occupait un rang
élevé dans la hiérarchie.
[82]J.A de Gobineau, Les Religions et
les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 535.
[83] Hatcher, Martin, La foi baha'ie,
Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1997, 315 pages, p.10.
[84] Des extraits de la tablette au shérif
de la Mecque se trouvent dans l'ouvrage Sélections des écrits du Bab,
Maisons d'Editions Baha'ies, Bruxelles, 1984, 224 pages. p. 26-27.
[85] Haji Mirza Aqasi est le premier ministre
de Muhammad Shah (au pouvoir de 1835 à 1848).
[86] Il est premier Premier ministre sous
Muhammad Shah (au pouvoir de 1835 à 1848).
[87] Extraits d'une épître adressée à Muhammad
Shah, Sélections des écrits du Bab, Maisons d'Editions Baha'ies,
Bruxelles, 1984, 224 pages. p. 10 à 15.
[88] Momen (M), The babi and baha'i religions,
1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages. p. 72.
[89] Le récit du procès se trouve dans Muhammad-i-Zarandi
Nabil-i-A'zam, La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique,
1986, 644 pages. p. 299 à 304.
[90] Auteur inconnu, cf. en annexe.
[91] Momen (M), The babi and baha'i religions,
1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages. p. 78.
[92] Moojan Momen parle de "plusieurs sources"
qui évoquent le 8 juillet mais il n'indique pas lesquelles.
[93] Article "The Bab", Encyclopaedia
Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.
[94] C'est ainsi que l'on nommait la ville
de Tabriz à l'époque.
[95] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran
le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, CP Perse, Tome 37.
[96] Sheil à Palmerson, N° 88, 22 juillet
1850. Foreign Office : 60 152.
[97] Mirza Taqi Khan est le Premier
ministre en Perse de 1848 à 1853, sous le règne de Nasiri'd-Din Shah (au pouvoir
de 1848 à 1896). Il est exécuté par le Shah jaloux de son pouvoir grandissant.
[98] Hatcher, Martin, La foi baha'ie,
Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1997, 315 pages. p. 22.
[99] "le gouverneur de l' Adhirbayjan
(…) refusa de mettre à exécution l'ordre, ne désirant pas être l'instrument
de mise à mort d'un descendant du prophète." Traduction de courtoisie. Momen
(M), The babi and baha'i religions, 1844-1944, George Ronald, Oxford,
1981, 572 pages. p. 76.
[100] Ferrier à De La Hitte, Téhéran, 25
juillet 1850. MAE, CP Perse N°24.
[101] La copie de la sentence de mort prononcée
contre le Bab par les religieux se trouve dans l'ouvrage de Nicolas : Les
Béhahis et le Bâb, Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1933.
Cf. annexes.
Il semblerait par ailleurs que l'original ou une copie fictive se trouve à
L'Institut d'Etudes Iraniennes (IEI, CNRS Monde Iranien). Ce document fait
sûrement partie du fonds Nicolas.
[102] "Lorsqu'on fusille, en Perse, les
condamnés sont attachés à un poteau, le dos tourné aux spectateurs de sorte
qu'ils ne puissent voir les signes du commandement." Journal Asiatique,
1866, Tome VII, p. 377.
[103]Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam,
La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986,
644 pages. p. 477 et 478.
[104] A.-L.-M. Nicolas, Siyyid 'Ali-Muhammad
dit le Bab, éd. Dujaric, Paris, 1905.
[105] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam,
La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986,
644 pages. p. 477 et 478.
[106] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller,
Téhéran, le 17 mars 1890. direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol.
42.
[107] De De Bonnières au Marquis de La
Valette, Campement de Teojrich, 10 juillet 1869. Direction Politique n° 40.
MAE, C.P. Perse, Vol. 35.
[108] St-Jean-d'Acre faisait partie à l'époque
de l'Empire Ottoman. Cette ville est appelée aujourd'hui Akka ou Acre. Elle
se trouve en Israël, sur les bords de la Mer Méditerranée, au sud de la frontière
du Liban.
[109] Comte de Gobineau, Téhéran, le 20
mars 1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.
[110] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran,
le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37.
[111] Ambassade de France à Constantinople,
Thérapia, le 25 octobre 1852. Traduction d'un article du journal officiel
de Téhéran relatif à l'attentat commis sur la personne du roi. Nicolas, attaché
à l'ambassade de Constantinople, la capitale de l'Empire Ottoman à l'époque.
[112] De De Bonnières au Marquis de La
Valette, Campement de Teojrich, 10 juillet 1869. Direction Politique n° 40.
MAE, C.P. Perse, Vol. 35.
[113] Article "Babism", Encyclopaedia
Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.
[114] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran
le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, CP Perse, Tome 37.
[115] Plus tard appelé Baha'u'llah (12
novembre 1817 - 29 mai 1892).
[116] Concile de babis qui avait eu lieu
près de la province du Mazandéran où le rang du Bab et son message avait été
explicité. C'est lors de cette conférence que Mirza Husayn-'Ali se donne le
titre de Baha (splendeur ou gloire en arabe). Baha'u'llah veut dire en arabe,
"la gloire de Dieu" ou "splendeur de Dieu".
[117] Son père meurt en 1839.
[118] Hatcher, Martin, La foi baha'ie,
Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1997, 315 pages. Page 36.
[119] "Baha'i faith", Encyclopedia
Britannica / Hatcher, Martin, La foi baha'ie, Maison d'Editions Baha'ies,
Belgique, 1997, 315 pages. p. 47.
[120] "Dix neuf babis sur vingt sont maintenant
devenus, semble t-il, des baha'is convaincus." Curzon en 1889.
[121] La proclamation de Baha'u'llah
aux rois et aux dirigeants du monde, Maison d'Editions Baha'ie, Bruxelles,
1967, 115 Pages.
[122] Ambassade de France à Constantinople.
Thérapia, le 3 octobre 1852. Direction Politique n°21. MAE.
[123] Auteur inconnu. Cf. annexes.
[124] Rey, Dictionnaire historique de
la langue française, ed Dictionnaires le Robert, paris 1994, 2 volumes.
p. 1905.
[125] De Ferrier au Général de la Hitte,
25 juin 1850. MAE, C.P. Perse, Vol. n°24.
[126] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran
le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, CP Perse, Tome 37.
[127] "Les Bâbis (…) ces fanatiques" Consulat
de France à Trébizonde, Trébizonde, le 25 décembre 1850, De Clairambault à
De La Hitte. Direction Politique n°19. / "Ces fanatiques inspirent au souverain
les plus vives appréhensions" Ambassade de Constantinople, Thérapia le 3 octobre
1852.
[128] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller,
Téhéran, le 17 mars 1890. Direction Politique n°14. MAE, C.P. Perse, Vol.
N°42.
[129] Auteur inconnu. Cf. annexes.
[130] Mort en 755.
[131] Descendant de Ali.
[132] Silvestre de Sacy dans Halm (H),
Le chiisme, coll. Islamiques, PUF, Paris, 1995, 276 pages. p. 173.
[133] Encyclopédie de l'Islam, "Bab".
[134] Auteur inconnu. Cf. annexes.
[135] En effet, la dépêche analyse des
faits divers concernant les babis jusqu'en 1850, mais n'évoque pas l'attentat
sur la vie du Shah perpétré par des babis en 1852.
[136] Première personne à avoir reconnu
le Bab, premier croyant babi.
[137] L'antéchrist est l'adversaire du
Christ qui, selon saint Jean, doit venir avant la fin du monde pour s'opposer
à l'établissement du royaume de Dieu.
[138] Consulat de France à Trébizonde,
Trébizonde, le 25 décembre 1850, De Clairambault à De La Hitte. Direction
Politique n°19.
[139] Comte de Gobineau, Téhéran le 20
mars 1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.
[140] Smith (P), The Babi and Baha'i
Religions, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. p.
33.
[141] 1844 -1848, avant la proclamation
publique du Bab qu'il était le Promis.
[142] Dès 1848.
[143] Livre achevé en 1873 à Saint-Jean-D'Acre.
[144] J.A de Gobineau, Les Religions
et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. Page 521.
[145] Auteur inconnu. Cf. annexes.
[146] De Ferrier à de la Hitte, le 25 juin
1850. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.
[147] Auteur inconnu. Cf. annexes.
[148] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller,
Téhéran, le 17 mars 1890. Direction Politique n°14. MAE, C.P. Perse, Vol.
N°42.
[149] 1863.
[150] Smith (P), The Babi and Baha'i
Religions, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. p.
88.
[151] Momen (M), The babi and baha'i
religions, 1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages. p. 244.
[152] Smith (P), The Babi and Baha'i
Religions, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. p.
88.
[153] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys,
Téhéran, le 1 juin 1864. Direction Politique n°12. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.
[154] Comte de Gobineau, Téhéran le 20
mars 1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.
[155] Téhéran, le 20 juin 1863, J.A. de
Gobineau au ministre des affaires étrangères. Adrienne Doris Hytier, Les
dépêches diplomatiques du Comte de Gobineau en Perse, Librairie E. Droz,
1959. Pages 250 et 251.
[156] De Ferrier à De La Hitte, Le 25 juillet
1850. MAE, C.P. Perse, vol n° 24.
[157] Lieutenant Colonel Sheil (1803-1871),
soldat et diplomate anglais. Il est membre de la légation anglaise à Téhéran
dès 1836.
[158] Rapport de Mirza Mahmud intégré dans
la dépêche de Hennell à Sheil, Bushihr, le 16 juillet 1850, n° 315.
Foreign Office : 248 : 138.
[159] Momen (M), The babi and baha'i
religions, 1844-1944, George Ronald, Oxford, 1981, 572 pages. Page 111.
[160] Le Nord du pays est la région la
plus riche, la plus peuplée de la Perse. Ceci explique les adhésions massives
du Nord au mouvement babi.
[161] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran,
le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37.
[162] De Ferrier à De la Hitte, le 25 juillet
1850. MAE, C.P. Perse, Vol 24.
[163] De Ferrier à de la Hitte Le 25 juillet
1850. MAE, C.P. Perse, Vol. N° 24.
[164] De De Bonnières au marquis de la
Valette, Campement de Teojrich, 10 juillet 1869. Direction Politique n°40.
MAE, C.P. Perse, Vol. 35.
[165] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller,
Téhéran, le 17 mars 1890. Direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol.
42.
[166] Comte de Gobineau, Téhéran le 20
mars 1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.
[167] De Mellinet au Duc Decazes Téhéran,
le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37.
[168] J.A de Gobineau, Les Religions
et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 523-524.
[169] Auteur inconnu, Cf. annexes.
[170] Cf. annexes, Tableau comparatif
des conversions juives à la religion baha'ie en 1880.
[171] "Une boucherie, qui n'aurait même
pas pour excuse l'entrainement d'un premier mouvement de colère (…) vouloir
rompre tout lien avec le monde civilisé que de commettre de pareilles infamies."
De Rochechouart à Drouyn de Lhuys Téheran, le 5 mai 1864. Direction Politique
n° 10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.
[172] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys
Téheran, le 5 mai 1864. Direction Politique n° 10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.
[173] Définition : un soulèvement est un
mouvement de révolte collective, d'insurrection. C'est l'action de se soulever
: susciter des sentiments, déclencher, pousser à la révolte.
[174] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam,
La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986,
644 pages.
[175] "The babi Upheavals", Momen (M),
The Babi and Baha'i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western
Accounts, Georges Ronald, 1981, 572 pages. Introduction, page 17.
[176] Article "Babism", Encyclopaedia
Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.
[177] Auteur inconnu. Cf. annexes.
[178]De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran,
le 15 mai 1875. Direction politique n°44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37. MAE.
[179] La partie B. de notre troisième partie
évoquera le principe de djihad dans la doctrine babie.
[180] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys,
Téhéran, le 5 mai 1864. MAE, CP Perse, vol 33.
[181] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller,
Téhéran, le 17 mars 1890. Direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol
42.
[182] En effet, les luti's soutenaient
le pouvoir clérical en bravant l'Etat et en imposant les fatwas. En échange
de quoi, ils étaient autorisés à piller et voler, trouvant asile dans des
refuges (bast) : les mosquées ou résidences des oulémas.
[183] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller,
Téhéran le 17 mars 1890. Direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol.
42,
[184] "La popularité croissante de Mulla
Husayn, (…) la discipline et l'enthousiasme de ses compagnons provoquèrent
la haine implacable de ce mujtahid cruel et arrogant. Il ordonna au crieur
d'appeler les habitants (…) "Réveillez vous", hurla t-il du haut de sa chaire,
"car nos ennemis se trouvent à nos portes, prêts à balayer tout ce que nous
chérissons de plus pur et de plus saint dans l'Islam ! si nous ne leur résistons
pas, personne ne survivra à leur assaut" Mulla Husayn est la première
personne à avoir reconnu le Bab. Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam, La chronique
de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986, 644 pages. p. 310.
[185] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller,
Téhéran le 17 mars 1890. Direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol.
42,
[186] Ibid.
[187] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys,
Téhéran, le 5 mai 1864, Direction Politique n°10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.
[188] The Babi and Baha'i Religions,
1844-1944, Some Contemporary Western Accounts , Georges Ronald, 1981,
572 pages. Introduction, page 17.
[189] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys
Téhéran, le 1er juin 1864. Direction Politique n°12. MAE, C.P.
Perse, Vol. 33.
[190] J.A de Gobineau, Les Religions
et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 519.
[191] Le Soufisme est le courant mystique
de l'Islam né au VIII siècle.
[192] "Le gouvernement lui-même rendit
hommage à sa science [ de Siyyid Yahya Darabi] et à son mérite et il fut consulté
plus d'une fois dans les circonstances difficiles. Ce fut à lui que pensèrent
Muhammad Shah et Haji Mirza Aqasi quand ils voulurent trouver un émissaire
honnête et dont la fidélité ne fût pas douteuse" Nicolas (A.-L.-M.), Siyyid
'Ali-Muhammad dit le Bab, Pages 387-388.
[193] Il se convertit probablement en 1846
ou 1847.
[194] Muhammad-i-Zarandi dit Nabil-i-A'zam,
La chronique de Nabil, Maisons d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986,
644 pages. p. 167.
[195] Sykes (P.M.), Une histoire de
la Perse, Vol. II, Page 439-440.
[196] Markham (C.R.), A General sketch
of the history of Persia, Ed. Longmans, Green and Co., Londres, 1874. pages
486-487.
[197] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam,
La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986,
644 pages.
[198] A.-L.-M. Nicolas, Siyyid 'Ali
Muhammad dit le Bab, éd. Dujaric, Paris, 1905.
[199] A.-L.-M. Nicolas, Les Béhahis
et le Bâb, librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1933.
[200] "Haji Mirza Aqasi était sans aucun
doute responsable des circonstances qui avaient incité le shah à envoyer
une telle lettre au Bab." Ibid. Page 216.
[201] Nicolas, Les Béhahis et le Bâb,
Librairie Orientaliste Paul Geuthner, paris, 1933, 7 pages, P 5.
[202] Titre que s'octroie Mirza Taqi Khan.
[203] J.A de Gobineau, Les Religions
et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. Page 544.
[204] De Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller,
Téhéran le 17 mars 1890. Direction Politique n° 14. MAE, C.P. Perse, Vol.
42,
[205] Ambassade de Constantinople, Thérapia
le 3 octobre 1852. Direction Politique n°21.
[206] Momen (M), The Babi and Baha'i
Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, Georges Ronald,
1981, 572 pages.
[207] Auteur inconnu. Cf. annexes.
[208] De Ferrier à De La Hitte le 24 février
1851. MAE, C.P. Perse, Vol 24.
[209] De Ferrier à De La Hitte le 25 juillet
1850. MAE, C.P. Perse, Vol 24.
[210] Momen (M), The Babi and Baha'i
Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, Georges Ronald,
1981, 572 pages. p. 91.
[211] Le Farsakh est une
unité de mesure. Sa longueur diffère, dans les différentes régions du pays,
selon la nature du sol. L'interprétation du terme est généralement la distance
parcourue en une heure par une mule bâtée, distance qui varie de 4,8 km à
6,4 Km.
[212] Ferrier au général de la Hitte, 21
fev 1850. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.
[213] J.A de Gobineau, Les Religions
et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 543 à 573.
[214] Titres portés par les dix huit premiers
disciples du Bab, (Cf. II).
[215] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam,
La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986,
644 pages. p. 308-309.
[216] L'été 1847, le Bab est emprisonné
dans la forteresse de Mah-Ku, dans la province de l'Adhirbayjan. Le
10 avril 1848, il est ensuite transféré dans la prison de Chiriq située
dans la même province
[217] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam,
La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986,
644 pages. p. 312.
[218] Il s'agit du sanctuaire de Shaykh
Ahmad Ibn Abî-Tâleb Tabarsi.
[219] Cf. annexes, la construction du fort.
[220] J.A de Gobineau, Les Religions
et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983.
[221] Momen (M), The Babi and Baha'i
Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, Georges Ronald,
1981, 572 pages. p. 91.
[222] J.A de Gobineau, Les Religions
et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 548.
[223] Ibid. p. 568.
[224] Momen (M), The Babi and Baha'i
Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, Georges Ronald,
1981, 572 pages. p. 96.
[225] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam,
La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986,
644 pages. p. 355.
[226] J.A de Gobineau, Les Religions
et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 546-547.
[227] Palmerson à Sheil, FO 60 150, n°
23, 22 février 1850.
[228] Muhammad-i-Zarandi dit Nabil-i-A'zam,
La chronique de Nabil, Maisons d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986,
644 pages.
[229]Ibid. Page 418.
[230] Ibid, page 420.
[231] Cf. annexes.
[232] [232] Momen (M), The Babi and
Baha'i Religions, 1844-1944, Some Contemporary Western Accounts, Georges
Ronald, 1981, 572 pages. p. 101.
[233] Salesse (B), Journal de voyage
en Europe (1873) du shâh de Perse, Sindbad, Actes Sud , 2000, 314 pages.
p. 15.
[234] Proudhon (P.J), Qu'est-ce la propriété
? , A. Lacroix, Verboeckhoven and Co, Paris, 1867. Page 13-15.
[235] De Ferrier à De La Hitte, 25 juin
1850. MAE, C.P. Perse, Vol. 24.
[236] Auteur inconnu.
[237] De Mellinet au Duc Decazes Téhéran,
le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37.
[238] Comte de Gobineau Téhéran le 20 mars
1856. MAE, Mémoires et Documents, Perse, Tome 11.
[239] Le messianisme est l'attente et l'espérance
du Messie dans la Bible. C'est aussi la croyance dans la venue d'un libérateur
ou d'un sauveur qui mettra fin à l'ordre présent, considéré comme mauvais,
et instaurera un ordre nouveau dans la justice et le bonheur.
[240] Traduction de courtoisie, Ann. K.S.
Lambton, Qajar Persia, LB. Tauris and Co LTD, Londre, 1987.
[241] Article "Babism", Encyclopaedia
Iranica, volume III , Bibliotheca Persica Press, New York, 1989.
[242] Smith (P), The Babi and Baha'i
Religions, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. Page
51.
[243] De Mellinet au Duc Decazes, Téhéran,
le 15 mai 1875. Direction Politique n° 44. MAE, C.P. Perse, Vol. 37.
[244] Le fidèle et le mollah ordinaire
sont soumis au taqlîd, la soumission à l'autorité d'un mujtahid.
Le mujtahid hautement qualifié devient un marja'al taqlîd c'est-à-dire,
mujtahid sur lequel le croyant se décharge de sa responsabilité relative
aux questions de foi. En principe, tout mujtahid est marja'al taqlîd,
cependant à partir du XIX siècle, une tendance à l'existence d'un marja'al
taqlîd unique, reconnu comme autorité suprême émerge. Seul le plus instruit
et le plus savant peut revendiquer le statut de marja'al taqlîd suprême.
[245] Smith (P), The Babi and Baha'i
Religions, Cambridge University Press, Cambridge, 1987, 243 pages. p.
22.
[246] Commentaire sur la sourate de Joseph
(Coran) par le Bab. C'est l'un des ouvrages les plus importants de la doctrine
babie, après le Bayan, code de lois babies.
[247] Nous ne connaissons pas les dates
de vie et de mort de ce protagoniste, ni la date des faits.
[248] Sélections des écrits du Bab,
Maison d'Editions Baha'ie, Belgique, 1984, 224 pages, pages 10 à 25.
[249] La Proclamation de Baha'u'llah
aux rois et aux dirigeants du monde, Maison d'Edition Baha'ie, Belgique,
1967, 115 pages, P 55
[250] Campement de Teojrich, 10 juillet
1869. Direction politique n° 40. Correspondance Politique et Consulaire 1869.
[251] Muhammad-i-Zarandi dit Nabil-i-A'zam,
La chronique de Nabil, Maisons d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986,
644 pages. p. 562.
[252] Cf. Annexes.
[253] J.A de Gobineau, Les Religions
et les Philosophies dans l'Asie centrale, oeuvres de Gobineau, Bibliothèque
de la Pléiade, Gallimard, 1983. p. 605.
[254] Auteur inconnu.
[255] Muhammad-i-Zarandi Nabil-i-A'zam,
La chronique de Nabil, Maison d'Editions Baha'ies, Belgique, 1986,
644 pages. p. 565.
[256] Gobineau Les Religions et les Philosophies
dans l'Asie centrale P 607.
[257] Mellinet au Duc Decazes, Téhéran,
le 15 mai 1875,. Direction Politique n°44. MAE, CP perse, Vol N°37.
[258] Le Trombinoscope, juillet 1873, F.
Debons et Ce, Paris. Cf. annexes.
[259] CP Perse Vol 46, Téhéran le 2 mai
1896, de De Baloy à Hanotaux. Direction des Affaires Politique N° 18. MAE.
[260] CP Perse Vol 46, Téhéran le 12 juin
1896, de De Baloy à Hanotaux. Direction des Affaires Politique N°28. MAE.
[261] CP perse, Vol N°37, Téhéran, le 15
mai 1875, de Mellinet au Duc Decazes. Direction Politique n°44. MAE.
[262] campement de Tedgeriche, le 28 juin
1848, Direction Politique n°10, Mémoires et Documents, Perse, Vol 23.
[263] Extrait de l'intervention de Mr Faü
lors du séminaire sur les conversions religieuses à l'EHESS, Paris, le mardi
5 décembre 2000, de 16H00 à 18H00.
[264] Dynastie perse qui règne de 224 à
226 jusqu'à la conquête arabe en 651.
[265] De Sartiges a Guizot. Téhéran, le
29 janvier 1848, direction politique n° 46. CP. Perse, Vol. 23.
[266] De Sercey au Ministère des Affaires
etrangères. Pas de date. MAE, Correspondance Politique de la Perse, Vol. 23.
[267] de Paulze d'Ivoy de la Poype à Spuller,
Téhéran, le 17 mars 1890. Direction Politique n°14. MAE,C.P. Perse, Vol. 42.
[268] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys,
Téhéran, le 5 mai 1864.Direction Politique n°10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.
[269] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys,
Téhéran le 5 mai 1864. Direction Politique n°10. MAE, CP Perse vol n° 33.
[270] C.P. Perse, Vol. 35. Campement de
Téojrich, le 10 juilet 1869, de Bonnières au marquis de la Valette. Direction
Politique n°40. MAE.
[271] Sheil à palmerson, N° 7, 15 janvier
1850, FO 60 150.
[272] Mr Le ministre des affaires étrangères
français le 14 décembre 1918 au haut commissaire français à Beyrouth.
[273] Abdu'l-Baha, est le fils de Baha'u'llah,
et est à la tête de la communauté baha'ie, à la mort de son père.
[274] Le Caire, Le 17 décembre 1918, Mr
Picot au Quai d'Orsay.
[275] Auguste Forel est un scientifique
suisse. Il est professeur à l'université de Zurich, puis est directeur de
l'asile du Burghölzi de 1879 à 1898. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages
sur les sciences naturelles et la sociologie.
[276] Asie, 1918-1940, Perse, Vol.22, France
le 10 avril 1925, Auguste Forel à Edouard Herriot. MAE.
[277] De Rochechouart à Drouyn de Lhuys,
Téhéran, le 5 mai 1864. Direction Politique n°10. MAE, C.P. Perse, Vol. 33.
[278] Cf. Annexe.
[279] Lettre figurant en annexes.
[280] Gobineau : 1816-1882.
[281] Chapitre VI : Commencement du bâbisme.
/ Chapitre VII : Développement du bâbisme. / Chapitre VIII : Combats et succès
des bâbîs dans le Mazendérân. / Chapitre IX : Chute du château du Cheïkh-Tebersi.
Troubles à Zendjan. / Chapitre X : Insurrection de Zendjan. Captivité et mort
du Bâb. / Chapitre XI : Attentat contre le roi. / Chapitre XII : les Livres
et la Doctrine des bâbîs.
[282] Clément Serpeille de Gobineau, Correspondance
entre le comte de Gobineau et le comte de Prokesch-Osten (1854-1876), éd.
Plon, Paris.