Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

3. L'amour et l'objectivité
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3.8. La fatigue, cette ennemie de l'amour

Un médecin disait à un jeune milliardaire par héritage qui se sentait fatigué: "Je vous conseille de trouver une occupation." "Oh! Docteur - proteste-t-il indigné - comment pouvez-vous me demander une chose pareille, à moi qui suis si fatigué!"

"Je le sais bien" répondit le médecin, "alors vous serez fatigué de faire quelque chose, au lieu d'être fatigué de ne rien faire."

Cette histoire nous rappelle qu'il ne faut pas croire, comme on en a l'habitude, que c'est seulement le travail qui pourrait engendrer la fatigue. C'est vrai dans le cas d'une machine. L'homme peut être fatigué pour plusieurs causes dont l'épuisement dû à un travail excessif n'est qu'un seul cas, tandis que l'inaction en est un autre.

De nos jours, la fatigue est une chose tellement répandue que, selon les médecins, si un patient ne s'en plaint pas au cours d'une auscultation on le soupçonne de dissimulation.

Et il y a plusieurs catégories de fatigues Nous allons en étudier quelques-unes.

Notons d'abord qu'il est difficile de trouver la cause précise de la fatigue dans chaque cas, étant donné que l'énergie dont la nature a doté l'homme varie d'un individu à l'autre et d'un jour à l'autre. Le même travail fait un jour à une vitesse incroyable et le lendemain à peine a-t-on commencé qu'on se sent fatigué et paradoxalement cette fatigue ne disparaît pas avec le repos.

Malgré cette multitude de fatigues, on peut dire que les principales catégories de fatigues sont les suivantes: (Sélection du Reader's Digest - mai 1962)

1° La fatigue due à l'action, ou plus exactement à une activité immodérée;

2° La fatigue due à l'inaction;

3° La fatigue due à une maladie organique;

4° La fatigue due à des causes morales.

Dans tous les cas quand on est fatigué, on n'est guère disposé à servir son prochain, à chercher comment lui exprimer sa gratitude, à pardonner à son prochain et, en bref, à manifester tout ce que sont ces signes de l'amour du prochain.

La fatigue devient une ennemie de l'amour. Elle mérite donc d'être étudiée.

Concernant la fatigue due à l'épuisement des forces physiques par une activité excessive, les spécialistes la comparent à une intoxication et ils demandent de surveiller notre ration d'effort comme notre ration de nourriture ou de repos. Ils estiment qu'il ne faut pas dépasser 48 heures de travail par semaine de six jours.

Remarquons que ce n'est pas nouveau, avant que les savants nous en parlent, les religions du passé ont prescrit un jour de repos par semaine.

Quant à la foi baha'ie, précisons d'abord que son principe de base est la modération dans tous les domaines, Baha'u'llah dit qu'aussi bien dans le domaine de la science que dans le domaine de la religion, à partir du moment où l'on dépasse les limites de la modération, les bienfaits de l'un, comme ceux de l'autre, disparaissent. Et comme exemple, il fait des prédictions pour la civilisation occidentale si vantée à son époque. Dépasser les limites de la modération, précise-t-il sera une cause de grands maux, comme elle a été une cause de tant de bien.

Dans la foi baha'ie, la modération présente une telle importance qu'il y a même des prières par lesquelles on demandes l'assistance divine pour appliquer le principe de la modération en tout.

Ce principe de modération s'applique dans le domaine du travail et du repos.

Pour réduire autant que possible la fatigue engendrée par le travail, la foi baha'ie recommande de donner à chacun le travail pour lequel il a le plus d'aptitude.

Ce genre de travail, il l'aimera et, par conséquent, en l'effectuant il se fatiguera moins que celui qui n'est pas fait pour ce travail. Ce n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui où généralement les considérations financières déterminent le genre du travail qu'on choisit ou qu'on nous donne.

De plus, les lois baha'ies (la participation aux bénéfices de l'entreprises, par exemple) sont telles qu'en établissant la justice sociale, elles réduisent les heures de travail tout en rémunérant équitablement le travail fourni. Ce qui, une fois de plus, n'est pas le cas de nos jours, où aussi bien les patrons que les ouvriers se plaignent de ce qu'ils travaillent trop et gagnent peu.

L'anecdote suivante est souvent racontée par les patrons.

Un inspecteur du ministère chargé du respect des lois sociales fait un jour irruption chez un petit indépendant employant quelques ouvriers. "On vous soupçonne de payer vos gens au-dessous des taux requis par la loi", accuse l'inspecteur. "Qui employez-vous? Combien les payez-vous?", "Il y a Durand", dit le patron, "le mécanicien qui est payé 200 francs l'heure. Il travaille 40 heures. Et puis, il y a Dupont, il aide Durand. Il gagne 150 francs par heure. Il y a aussi le balayeur qui est payé 80 francs à l'heure. Mais tout cela me paraît vraiment fort raisonnable." "Il n'y a personne d'autre qui travaille chez vous?", "Si, il y a l'idiot. Il gagne, en moyenne 40 francs à l'heure et travaille 72 heures par semaine, sinon plus." "Ah! Ah! dit l'inspecteur. Nous y voilà! Puis-je le voir, lui parler?", "Mais certainement, c'est moi-même!"

Quant au mécontentement des ouvriers, il se manifeste par des grèves qui aggravent de plus en plus la situation économique.

Quand, dans la société baha'ie de demain, le patron et l'ouvrier deviendront, non seulement des associés (selon la loi de la participation), mais également des amis (suite aux réunions mensuelles sans classe) une telle situation ne pourra pas se créer.

Il y a bien d'autres considérations qui interviennent pour contribuer à l'application du principe de la modération dans le domaine du travail et du repos. Ces considérations devraient faire l'objet d'un exposé particulier.

Concernant le repos, ainsi que la façon même de se reposer selon les enseignements baha'is n'est pas conforme à la façon dont on prend ses vacances aujourd'hui.

"Monsieur - disait un médecin à son patient - cette année vous ne devez pas partir en vacances, vous devez vous reposer."

1° Le repos baha'i est plutôt un changement d'activité harmonieusement combinée avec le divertissement. Le modèle en est donné par la façon dont les baha'ie célèbrent leurs jours fériés où ils doivent cesser toute activité lucrative. En ces jours, les baha'is, contrairement à l'exode des week-ends si à la mode aujourd'hui, tiennent des réunions générales où les participants, chacun suivant ses talents (en musique, chant) contribuent à la création d'une ambiance de joie et d'allégresse. De plus, on ne profite pour faire une oeuvre de bienfaisance ou inaugurer une institution philanthropique dont, selon les termes mêmes d`Abdu'l-Baha " la valeur doit rester une source de bénéfice permanent pour tous les peuples."

2° Quant à la fatigue due à l'inaction, la question ne se pose même pas dans la communauté baha'ie, étant donné que le travail est une obligation pour tous, tous doivent faire oeuvre utile, qu'ils soient riches ou pauvres.

"Ne gaspillez pas votre temps en paresse et en indolence et occupez-vous de ce qui est avantageux pour vous et pour les autres. "dit Baha'u'llah.

De plus, selon les enseignements baha'is, le travail est considéré comme un acte d'adoration de Dieu, autrement dit, le travail équivaut à la prière. Si ne pas faire de prière était inconcevable pour les croyants dans le passé, chez les baha'is s'abstenir de travailler est aussi inconcevable que de ne pas faire de prières. Ce n'est donc pas l'inaction qui peut créer la fatigue dans la société baha'ie.

3° Quant à la troisième catégorie de fatigue, fatigue due à la maladie, là encore ce genre de fatigue va diminuer de plus en plus, puisque la plupart des maladies vont disparaître par application des enseignements baha'is, qui, directement ou indirectement, visent au maintien de la santé corporelle.

Et si, malgré toutes les précautions hygiéniques, on attrape une maladie, pour récupérer la santé, on a le devoir de s'adresser à un médecin habile et ne jamais se faire son propre médecin ou consulter un pharmacien, ce qui est encore le cas de nos jours, où séduit par la publicité ou conseillé par le pharmacien, à la moindre indisposition, on prend un calmant ou un tranquillisant.

Voilà ce que nous lisons dans les Écrits baha'is:

"Ne négligez pas le traitement médical lorsqu'il s'avère nécessaire, mais abandonnez-le dès que la santé est rétablie. Traitez le mal par la diète de préférence, réduisez l'usage des médicaments et si vous trouvez qu'une herbe simple suffit n'ayez pas recours aux drogues compliquées."

La sagesse de ce commandement devient manifeste, surtout de nos jours quand les statistiques montrent que 15 % des maladies sont dues à l'excès de l'usage des médicaments. La consommation annuelle de l'aspirine, par exemple, en France est de 3 milliards, ce qui fait 60 cachets d'aspirine par Français. Selon un journal humoristique, un pharmacien disait: "L'idéal pour nous, c'est le rhume en novembre, car nous donnons à nos malades des drogues qui font mal à l'estomac. Dès janvier nous soignons les estomacs détraqués, et en février, les patients sont affaiblis et nous leur donnons des stimulants."

4° La quatrième catégorie de fatigue est due aux causes morales.

L'éminent savant Alexis Carrel écrit dans "L'homme, cet inconnu"

"L'envie, la haine, la peur, quand ces sentiments sont habituels, ils peuvent provoquer des changements organiques et de véritables maladies. Les hommes d'affaires, qui ne peuvent pas se défendre contre les soucis, meurent jeunes."

Joltran a attesté le premier qu'un choc moral est capable de produire des modifications marquées du sang... L'instabilité de la vie moderne, l'agitation incessante, le manque de sécurité créent des états de conscience qui entraînent des désordres nerveux et structuraux de l'estomac et de l'intestin. Ces maladies sont presque inconnues dans les groupes sociaux où la vie est demeurée plus simple et moins agitée, où l'inquiétude est moins constante.

En bref la science démontre que des causes essentiellement morales peuvent provoquer des maladies purement physiques et 80 %. des fatigues chroniques proviennent de ces maladies.

Or, l'éducation baha'ie vise précisément à la suppression de ces causes morales.

L'envie, la haine et la peur dont parle Alexis Carrel sont considérées comme incompatibles avec la foi. Baha'u'llah n'admet même pas la moindre trace d'envie.

Quant à la vie baha'ie, elle est caractérisée par cette simplicité que la science d'aujourd'hui nous recommande.

Concernant la peur, le miracle de la foi c'est qu'elle élimine totalement la peur. Le courage des martyrs de la foi en est la preuve. Dans les maisons des anciens chrétiens, on lisait cet écriteau:

"La peur a frappé à la porte, la foi est allée lui ouvrir, la peur a pris la fuite."

Je crois qu'il est temps que je m'arrête, sinon, vous allez ajouter une cinquième catégorie de fatigue, fatigue due un à exposé trop long.

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