Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

4. L'amour et l'amitié
Chapitre précédent Chapitre précédent Retour au sommaire Chapitre suivant Chapitre suivant


4.2. Votre meilleur ami ?

Un riche banquier invite ses amis à dîner. Parmi ces amis un médecin et un avocat. Pendant tout le repas le banquier qui a placé le médecin à sa droite, ne cesse de l'interroger sur la façon de soigner ses divers malaises. A la fin du dîner le médecin se penche vers l'avocat et lui dit:

- A votre avis dois-je faire parvenir à notre ami le montant de mes honoraires?

- je vous conseille de le faire sans hésiter - répond l'avocat.

Et le lendemain le médecin reçoit chez lui la note de l'avocat.

Bien que ce ne soit qu'une anecdote, il faut reconnaître que de tels "amis" existent de nos jours, mais ce n'est pas de l'un de ces "amis" que je vais parler ce soir. je vais parler d'un ami qui est véritablement un ami et le meilleur de tous; il existe pour chaque être humain, à la condition de le chercher.

"Cherchez et vous trouverez" disent les Écritures.

Et une fois découvert, cet ami nous viendra en aide en toutes circonstances pourvu qu'on le lui demande.

"Demandez et l'on vous donnera" lisons-nous encore dans les Écritures.

Du point de vue de la recherche on peut distinguer trois catégories de gens.

1°- Ceux qui cherchent et qui trouvent.

2°- Ceux qui ne cherchent pas et qui attendent que cet ami tombe du ciel.

3° - Ceux qui accusent le ciel, croyant qu'ils sont nés sous une mauvaise étoile.

Concernant ces deux dernières catégories il faut dire que les amis ne nous tombent jamais du ciel, et qu'il faut les découvrir et que surtout personne n est né sous une mauvaise étoile; il y a seulement des gens qui regardent mal le ciel.

Quant à la première catégorie, on se demande ce qu'ils ont de plus que les autres pour arriver ainsi à découvrir facilement ce "meilleur ami", et, par conséquent, à être si, heureux dans la vie. La réponse est qu'ils ont la FOI. Et au fond, le mystère de la FOI c'est la recherche de ce véritable, de ce meilleur ami.

La première leçon qu'on tire de la FOI c'est que grâce à elle on arrive à distinguer l'ami de l'ennemi; cet ennemi rusé se déguise souvent en ami. C'est cet ennemi que les Écritures présentent sous la forme imagée du "serpent" du "démon" et du "Satan". Cet ennemi cherche à tromper tout le monde en commençant par ceux qui ont précisément la mission de nous apprendre à le combattre, j'entends les fondateurs de religions.

Ainsi l'Évangile dit que "Satan" a voulu tenter jésus en lui promettant tout ce qui existe dans le monde; mais que jésus a résisté, mieux encore il l'a chassé partout, le faisant "entrer dans les troupeaux des pourceaux" et le "noyant dans la mer".

Que signifient ces "démons" ces "cochons" ces "noyades"?

Il s'agit d'un langage de paraboles, comme le reconnaît jésus lui-même (jean 16/25), langage imagé qui convenait à l'enfance humaine, mais destiné à être expliqué aujourd'hui quand l'humanité entre dans le stade de la maturité.

En effet l'homme d'aujourd'hui n'est plus l'enfant d'il y a 2000 ans, son esprit est beaucoup plus ouvert, et il lui faut un langage ouvert, langage que jésus s'est engagé à lui tenir au jour Promis.

Cette promesse, Dieu l'a tenue, puisque dans les Écrits baha'is nous trouvons l'explication des paraboles des Écritures du passé. Ainsi, par exemple, le terme "démon" ou "Satan" symbolise la nature matérielle, la nature animale de l'homme; nature qui, étant donné son instinct de conservation, une fois offensée n'est pas capable de pardonner, réagit en se mettant en colère, en se vengeant, reste insensible aux souffrances d'autrui, ne sent que ses propres besoins etc.

Cette colère, cette vengeance, cette indifférence aux souffrances d'autrui, cet égocentrisme auraient semblé naturels si l'homme n'avait pas la capacité de PENSER, capacité dont l'animal est privé, mais que l'homme possède.

En effet pour l'animal c'est tout ce qu'il y a de plus naturel de ne pas sentir les souffrances de son semblable. Un chien ne s'arrête pas à la vue d'un autre chien blessé, et on ne peut rien lui reprocher, car il est privé de la capacité de sentir la douleur de son semblable.

Un animal attaqué réagit en se vengeant. Et c'est naturel, car il n'a pas la faculté de penser qu'il pourrait exister une organisation sociale chargée d'intervenir pour le défendre.

Un animal mal traité se met en colère, et cette colère ne lui coupe pas l'appétit, n'est pas néfaste pour sa santé.

Mais ce n'est pas le cas de l'homme. L'homme a la capacité de sentir les souffrances de son semblable, sentiment appelé compassion. L'homme attaqué ne se venge pas, la pensée qu'il existe une police qui interviendra pour le défendre, le retient de toute action violente. L'homme offensé a la capacité de retenir sa colère, car il sait combien celle-ci est néfaste pour sa santé, au point que, poussée à l'extrême, elle peut être mortelle. L'éminent physiologue John Hunter assistant un jour à un congrès mondial entendit développer une théorie qui lui déplaisait, il se mit alors dans une telle colère que les artères de son coeur se contractèrent si fort qu'il en tomba raide mort.

Tout cela prouve que l'homme n'est pas fait pour se venger, ni se mettre en colère; et précisément la mission des fondateurs des religions est de nous apprendre à combattre la manifestation de ces états diaboliques, de ces caractères "cochons" et de nous aider à noyer ces "cochons"; autrement dit leur mission est de nous apprendre à nous débarrasser de ces vices. C'est ce que les savants matérialistes appellent "s'humaniser" c'est-à-dire devenir HOMME dans le vrai sens du mot. Pour y arriver, tous les moyens sont bons. juste un exemple.
Quand deux parties adverses s'adressaient à Pascal pour qu'il rende justice, il se retirait dans sa chambre pour mettre une ceinture cloutée sous sa chemise. Et durant le jugement si jamais une idée de préférence lui venait à l'esprit il se donnait des coups de coude afin que la douleur provoquée par les clous lui rappelle qu'il devait rester juste, et mériter la confiance que les deux parties avaient mise en lui.

Mais cet état de choses qui fait que l'homme, tout en étant essentiellement bon, peut devenir mauvais, qui fait que possédant des vertus telles que la douceur, le pardon, la justice, il peut également avoir des vices tels que la colère, la vengeance, l'injustice, cet état de choses pourrait créer une confusion dans notre esprit.

Les Écrits baha'is dissipent cette confusion en expliquant que l'homme possède deux natures, une nature qui l'assimile à l'animal (nature matérielle, nature animale) et une nature purement humaine (nature spirituelle).

Par conséquent on peut dire que "s'humaniser" veut dire "se spiritualiser".

Aujourd'hui plus que jamais l'homme doit se rappeler qu'il est HOMME, qu'il a une nature spirituelle qui le distingue de l'animal, et que par conséquent, il ne doit pas s'inspirer des lois qui régissent le monde animal. Pourquoi parler de la loi de la lutte, propre au monde animal, au lieu de la loi de la collaboration ou, mieux encore, de la loi du service. Pourquoi descendre plus bas que l'animal, en ce sens qu'aucun animal ne dévore son semblable, alors qu'avec les armes modernes l'homme tue ses semblables par dizaines, par centaines et par milliers.

C'est triste, infiniment triste, et cette situation ne peut pas durer. Il faut que çà change. Tout le monde parle du changement. Mais rien ne change. Pourquoi? C'est que l'homme s'imagine qu'il n'y peut rien, il croit qu'il est incapable de jouer un rôle pour changer le destin du monde. L'homme a perdu confiance en lui-même. Il faut lui rendre cette confiance, cette foi en lui-même, et en ses semblables. Mais par quel moyen?

Par la foi religieuse, selon l'expérience du passé. Car ce n'est pas la première fois que les hommes sont désespérés. Dans le passé, d'âge en âge, l'humanité a traversé de telles crises de confiance. Et chaque fois c'est la foi religieuse qui l'a sauvée.

Il y a quatre mille ans un poète égyptien commençait son poème en ces termes: - Hélas ! à qui puis-je m'adresser aujourd'hui? Les hommes pacifiques maintenant ont péri. La soi-disant civilisation égyptienne décevait donc de plus en plus ses contemporains. Et finalement elle s'est effondrée pour céder la place à la civilisation fondée sur la foi judaïque qui a rendu foi et confiance en l'homme de son époque.

Bien d'autres exemples existent mais je les passe sous silence pour ne parler que du présent, où d'un côté nous sommes en présence d'une civilisation qui s'effondre, et de l'autre d'une foi religieuse au stade de son évolution, je veux parler de la foi baha'ie qui est en constante progression.

Quelle est l'attitude que la foi baha'ie prescrit à ses adeptes afin qu'ils reprennent confiance en eux-mêmes et d'une manière générale en tout être humain?

Les Écrits baha'is insistent sur l'immensité des possibilités offertes à l'homme pour changer ce monde. Et ceci au point qu'ils comparent l'homme au soleil. Ce qui signifie que si c'est le soleil qui donne la vie au monde de l'existence, il en est de même en ce qui concerne l'homme qui, en principe, est capable d'insuffler la vie à l'humanité toute entière.

Tout baha'i a le devoir d'inspirer à son prochain la confiance en ses capacités. Et dans ce but il traite son prochain comme s'il était ce qu'il devrait être, ce qui contribue à ce que son prochain devienne ce qu'il est capable d'être.

Une telle attitude est sanctionnée par des expériences scientifiques. Dans plusieurs écoles élémentaires on a fait l'expérience suivante. A la rentrée scolaire on a présenté aux nouveaux enseignants les cinq meilleurs élèves de l'année antérieure. Et l'on a constaté que ces cinq "as", à quelques exceptions près, justifièrent les capacités que les nouveaux enseignants avaient soupçonné en eux. Or ces cinq "as" n'étaient pas en réalité les cinq premiers du classement de l'année précédente, mais avaient simplement été pris au hasard.
Ce qui n'empêche que dans l'esprit de leurs nouveaux maîtres ils étaient les meilleurs. On s'occupait d'eux plus que des autres, on mettait plus de confiance en eux. Et faisant ainsi l'objet d'un encouragement permanent, ces élèves, à leur tour, reprenaient de plus en plus confiance en leurs capacités et s'appliquaient à justifier ce qu'on attendait d'eux. C'est dans la nature de tout être humain de s'efforcer de ressembler à la bonne image qu'on se fait de lui. Il est prescrit à tout baha'i de voir en son prochain la meilleure image qu'on puisse se faire: l'image de Dieu. Et c'est la première chose qu'il doit SAVOIR.

Mais SAVOIR ne suffit pas il faut VOULOIR pour AGIR. Comme en toutes choses le succès implique trois conditions:

1° SAVOIR

2° VOULOIR

3° AGIR

Concernant l'étape "VOULOIR" il faut dire que vouloir c'est décider, ce qui n'est pas facile. Quelqu'un a dit non sans raison:

"Les décisions sont comme les anguilles: on les prend aisément. Le diable est de les tenir".

Et il arrive souvent qu'une décision apparemment inopportune peut ouvrir la voie vers le succès, mais on ne peut jamais fonder une réussite sur l'irrésolution. Une fois la décision prise pour accomplir une tâche il ne faut pas la remettre au lendemain, car de cette façon on la rend plus difficile. Il faut donc AGIR. Et c'est l'étape la plus difficile à franchir. Car C'est là qu'on subit des épreuves. Et plus la décision est grave, plus haut on vise, plus difficile est l'épreuve. Comme à l'école, les épreuves universitaires sont bien plus difficiles que les épreuves de l'école élémentaire.
Et la vie de celui qui décide de jouer un rôle dans le changement du destin du monde est comparable à la vie universitaire où l'on doit se tenir prêt à subir des épreuves de plus en plus difficiles. On ne doit pas s'attendre à ce que la vie nous pose des problèmes faciles. Comme cet élève, qui, n'étant pas préparé pour ses épreuves échouait lamentablement à l'interrogation et se plaignait au professeur.

- Mais vous me posez des questions très difficiles.

- Ah, vous voulez une question facile. Eh bien en voilà une: comment allez vous? lui dit son professeur.

Il faut donc, dans la vie, être prêt pour les épreuves. Et être prêt pour les épreuves, cela ne veut pas dire rester apathique devant les épreuves.

L'apathie devant les épreuves ne signifie nullement la réussite. Bien au contraire, c'est le recul, car l'apathie paralyse la volonté, cette volonté qu'on a acquise durant la deuxième étape. Les grands hommes, loin de rester apathiques devant les épreuves, en profitaient pour progresser. La femme de Graham Bel était sourde. Et il l'adorait. Loin de rester apathique devant cette épreuve qui l'empêchait de parler avec sa bien aimée, il décida de trouver un moyen de communiquer avec elle. Il eut recours à des signes faits avec les mains et les doigts.
Il perfectionna cette méthode par des pressions conventionnelles des doigts, pressions plus ou moins longues et interrompues à intervalles réguliers. Non seulement il se faisait comprendre par elle, mais il fut amené à penser aux vibrations produites par la voix et à la reproduction de ces vibrations, ce qui l'amena finalement à la découverte du téléphone.

Edison, à son tour, était soumis à une autre épreuve. Il souffrait lui-même d'une infirmité: il entendait très mal. On pouvait l'opérer mais il ne voulait pas se dégager de cette épreuve, disant qu'il en profitait pour ne pas entendre les banalités et mieux concentrer son esprit sur ses découvertes. Et il en a fait plus de deux mille.

J'ai cité deux exemples du domaine de la science. Permettez-moi d'en citer un du domaine de la religion. C'est celui d`Abdu'l-Baha, Interprète des enseignements baha'is.

Depuis l'âge de 8 ans et pendant presque soixante ans, Il fut constamment soumis aux épreuves les plus terribles qu'on puisse imaginer: exil, emprisonnement, insultes, trahison des frères etc. Et non seulement Il triomphait toujours de ces épreuves, mais Il avait le sentiment inébranlable d'être heureux, bonheur qu'Il manifestait devant tous et dans toutes les circonstances. Il en donnait l'explication en comparant les épreuves à la taille de l'arbre fruitier, précisant que le jardinier ne taille pas les arbres qui ne portent pas de fruit. Si donc - ajoutait Il, Dieu soumet l'homme aux épreuves c'est qu'Il sait que l'homme est capable de porter des fruits.
Précisant davantage Sa pensée Il disait que si l'homme destiné à subir une épreuve échoue "la même épreuve revient sous une forme plus dure jusqu'à ce qu'il soit démontré que la faiblesse précédente est devenue force" ("Star of the West" Vol. VI). C'est comme pour le cerf volant, s'il ne monte pas assez, c'est que le vent n'est pas assez fort. Et plus fort souffle le vent plus haut monte le cerf-volant.

Puisqu'on parle des épreuves inévitables dans la vie, permettez-moi de remarquer qu'il y a une épreuve qu'on n'est pas disposé à subir, c'est lorsqu'un conférencier parle trop. il est donc temps que je finisse mon exposé par une conclusion. Cette conclusion se résume en ceci:

L'homme a deux natures: sa nature matérielle, animale, et sa nature spirituelle. C'est cette nature spirituelle qui est le facteur de sa réussite dans la vie, car c'est elle qui lui permet de SAVOIR, VOULOIR, AGIR. Ces trois composantes de la FOI, cette FOI grâce à laquelle on arrive à surmonter toutes les difficultés, à "déplacer les montagnes", comme le disent les Écritures.

C'est dans cette nature spirituelle qu'il faut voir l'HOMME dans le vrai sens de ce mot, c'est dans cette nature spirituelle qu'il faut voir son meilleur ami. D'où la réponse à notre point d'interrogation du début. Votre meilleur ami c'est VOUS. Et c'est avec la foi en ce meilleur ami que vous pouvez changer le monde d'aujourd'hui.

Chapitre précédent Chapitre précédent Retour au sommaire Chapitre suivant Chapitre suivant