Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

4. L'amour et l'amitié
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4.7. "La vérité c'est la recherche" (Gandhi)

On raconte qu'Abraham, très hospitalier de nature, attendait en vain pendant toute une semaine que quelqu'un vienne chez lui. Et cette attente le faisait souffrir. Finalement un jour vint un centenaire. On prépare un repas copieux, et toute la famille se met à table. Mais avant de commencer à manger tous récitent leur prière sauf le centenaire. Abraham lui en demande la raison.

- je suis païen - répond le vieillard.

Là-dessus Abraham le met à la porte. Alors il entend une voix venant du ciel:

- Abraham, j'ai nourri cet homme pendant cent ans et tu n'as pas voulu lui donner du pain une seule fois? Et en plus tu l'as mis à la porte.

Que cette histoire soit vraie ou non, elle est en tout cas très instructive, et la raison pour laquelle je l'ai racontée c'était pour dire que l'homme quelle que soit son opinion, religion, nation ou race a non seulement le droit à la vie mais également le droit au respect de sa dignité.

Ces droits (et plus particulièrement le droit au respect de la dignité humaine) ont été négligés dans le passé et malheureusement continuent de l'être encore de nos jours.

Les raisons en sont multiples, mais je crois que la raison principale c'est la difficulté de la recherche et de la méditation personnelle dans le passé et la négligence de cette même méditation et de cette recherche personnelle dans le présent.

En effet, dans le passé il était difficile pour tout le monde de procéder à la recherche indépendante de la vérité et à la méditation personnelle. L'instruction n'était pas généralisée, et pour connaître la vérité, les gens s'adressaient à ceux qui étaient instruits, je veux dire aux chefs religieux, qui constituaient une toute petite minorité. Or pour ces derniers, tous ceux qui étaient en dehors de la religion dont ils se considéraient comme les chefs, n'étaient que des "païens" que des "damnés" "rejetés" par Dieu et par conséquent, par la société.
D'où tant d'injustice au point de vue de l'octroi du droit à la vie et au respect de la dignité humaine, et ce qui était triste c'est que non seulement le peuple imitait les chefs religieux mais que ces derniers aussi s'imitaient les uns les autres, et, en définitive, la vérité restait cachée, situation qui nous rappelle cette histoire:

Dans un petit patelin de province un type demandait tous les matins vers Il heures l'heure exacte au standard téléphonique. Un jour l'employé lui posa cette question:

- Pourquoi diable demandez-vous l'heure tous les jours?

- Ban, voilà, c'est que moi je fais marcher la sirène de l'usine à midi c'est pour cela qu'il me faut l'heure exacte.

- Çà alors - fait l'autre, Et dire que c'est nous qui réglons l'horloge tous les jours d'après votre sirène.

Dans le passé l'imitation était donc à la mode aussi bien dans le peuple que parmi les chefs religieux. Mais la situation doit changer aujourd'hui car l'homme n'est plus un illettré, ni un enfant, comme ce fut son cas dans le passé. Il est instruit et il est adulte. Il doit donc lire, méditer et chercher personnellement et indépendamment.

Si seulement la jungle des préoccupations matérielles le lui permettait; mais non, dans la soi-disant recherche de la vérité, il choisit ce qui lui semble facile et ne demande pas d'efforts de sa part, comme cet enfant qui cherchait quelque chose par terre sous la lumière d'une fenêtre éclairée:

- Qu'est ce que tu cherches? lui demande un passant.

- le rentrais chez moi - répond le gamin - et j'ai perdu ma monnaie.

- Mais pourquoi tu la cherches ici?

- C'est qu'ici devant notre maison il fait plus clair.

Généralement il en est de même en ce qui concerne l'homme d'aujourd'hui, qui ne va pas plus loin que la "maison de ses parents" croyant y trouver la vérité. N'entendons-nous pas souvent dire: "je suis chrétien de naissance", "je suis musulman de naissance" "J'ai hérité des idées socialistes de mon père" etc.

Ce ne doit pas être ainsi, selon les baha'is qui disent que le premier principe qui doit régir notre vie individuelle et sociale c'est la recherche indépendante et la méditation personnelle afin de voir où est la vérité. Il y a beaucoup de choses qui sont tenues pour vérité mais qui non seulement ne le sont pas en réalité, mais encore divisent de plus en plus l'humanité.

L'objet de mon exposé de ce soir c'est de voir dans quelle mesure ces soi-disant "vérités" sont conformes à la raison, à la science et à la religion.

L'une des choses qui, selon les chefs religieux est tenue pour vérité, c'est la division de l'humanité en deux familles: la famille de ceux que Dieu aime et la famille de ceux que Dieu rejette.

Examinons un peu si c'est vrai.

Il est admis par tous les croyants que Dieu est notre Père céleste. Un père divise-t-il sa famille en deux: ceux qu 'il aime et ceux qu'il rejette? Un père rejette-il ne fut-ce qu'un de ses enfants qui ne le croit pas ou qui lui désobéit? Non, il s'occupe peut-être davantage de son éducation. Et ce qui est certain c'est qu'il aime tous ses enfants. Si c'est ainsi, il en est de même en ce qui concerne Dieu, notre Père céleste. Il n'y a donc pas deux familles, l'une qui est aimée par Dieu et l'autre qui est rejetée.

Il n'y a qu'une seule famille, la famille humaine.

Voilà ce que dit la raison. Voilà ce que dit la Foi baha'ie dont précisément l'un des principes sacrés est l'accord de la foi avec la raison.

Ici surgit une question: Et ceux qui se disent incroyants, doivent-ils être considérés comme des "rejetés"? D'abord l'athéisme existe-t-il vraiment? Ne serait-il pas souvent le théisme insatisfait? Peut-on admettre un effet sans cause, une création sans créateur? Une petite histoire nous en donne la réponse.

Un homme qui se disait athée s'adresse à un savant pour lui demander les preuves de l'existence de Dieu. Le savant en question lui dit de repasser dans un mois. Et il se met à faire la maquette du système solaire. La maquette finie, il l'invite dans son atelier.

- Une véritable création artistique, quelle merveille ! s'écrie le soi-disant athée.

- Qui l'a fait?

- Personne - répond le savant - C'est l'oeuvre du hasard.

- Comment l'oeuvre du hasard? Pour une merveille comme celle-là, il a bien fallu que quelqu'un la fasse.

- Selon vous, pour une petite création artistique qu'est cette maquette du système solaire il a bien fallu un créateur, mais pour le vrai système solaire vous n'admettez pas l'existence d'un Créateur? Ce n'est pas sérieux.

Voilà pourquoi l'éminent savant Einstein s'écrie:

"Un contemporain a dit, non sans raison, qu'à notre époque généralement vouée au matérialisme, les savants sérieux sont les seuls hommes qui soient profondément religieux".

A une autre occasion le même savant dit:

"La présence d'une puissance supérieure, illimitée, douée de raison, qui se révèle dans les moindres détails, que nos esprits faibles et fragiles sont capables de percevoir forme mon idée de Dieu".

Nous voyons ainsi que ni la raison, ni la science ne permettent à l'homme de nier l'existence de cette "Puissance" qui régit le monde de cette "Cause Ultime" qui est à l'origine de tout, termes qui ne désignent autre chose que Dieu.

S'il y a donc des gens qui se disent incroyants, ce n'est pas en un tel Dieu qu'ils ne croient pas, c'est lorsqu'ils entendent dire que dans l'hostie il faut voir "essentiellement et réellement" la chair du Christ et que le Christ est Dieu incarné, ce qui, par déduction, présente l'hostie comme l'incarnation de Dieu. Quel illogisme ! La création de l'homme devient créateur.

On peut donc dire que généralement l'athéisme est le théisme insatisfait.

Ajoutons à cela le fait qu'il y a bien des gens qui se disent "incroyants" mais qui par leur esprit de service à l'humanité pourraient être cités comme exemples pour ceux qui de nom, seulement sont croyants.

Pour nous résumer jusqu'ici disons que, si dans le passé la division de l'humanité en deux familles (les élus et les rejetés) était considérée comme une "vérité", aujourd'hui pour les baha'is ce n'est plus une "vérité". La vérité c'est l'unité du genre humain le principe fondamental de la Foi baha'ie.

Une autre considération tenue pour "vérité" par les chefs religieux c'est que non seulement ils divisent l'humanité en deux familles, mais ils appliquent la même division aux adeptes d'une même religion ou des différentes religions, plaçant ainsi les uns dans le camp des "damnés", et les autres dans le camp des "sauvés".

Une fois de plus c'est une recherche impartiale qui nous amène à démentir de telles affirmations tenues pour "vérité". Nous n'avons qu'à nous référer aux textes mêmes des Écrits de la religion ou des religions en question.

Rappelons-nous à ce propos la parabole du bon Samaritain. Un jour un docteur de la loi judaïque demande à jésus:

- Il est dit qu'il faut aimer son prochain. Qui est mon prochain?

Et jésus lui répond par cette parabole:

"Sur le chemin qui menait de Jérusalem à Jéricho gisait un homme, dépouillé, blessé par des brigands. Un prêtre passe, mais il ne s'arrête pas pour lui porter secours.

Un Lévite (c'est-à-dire un Israélite de descendance la plus pure) passe, lui non plus ne s'arrête pas. Arrive un Samaritain qui aperçoit ce malheureux, s'arrête, lui bande les plaies, l'installe sur sa monture, le conduit à l'auberge, et remet à l'hôtelier une petite somme en lui disant: "Prenez soin de lut ce que vous dépenserez en surplus je vous le rembourserai quand je reviendrai".

Lequel de ces trois a été le prochain du malheureux? demande jésus.

En nous rappelant qu'à l'époque de jésus les Samaritains étaient considérés par les juifs comme des damnés, ne voyons nous pas que, par cette parabole, jésus voulait dire aux juifs qu'ils se trompaient, qu'il ne faut pas créer deux camps, celui des enfants de Dieu (les juifs) et celui des damnés par Dieu (les Samaritains).

Quant au Prophète Muhammad, lui aussi tient le même langage que jésus, langage selon lequel Dieu juge Ses Serviteurs selon leurs actes, ne rejetant jamais qui que ce soit sous prétexte qu'il n'a pas accepté Sa dernière volonté.

A titre d'exemple rappelons nous ce verset du Qur'an: "En vérité quant à ceux qui croient et ceux qui sont juifs, Chrétiens ou Sabéens et quiconque croit en Dieu et au jour dernier et qui fait le bien, à ceux-là est réservée leur récompense auprès de leur Seigneur; il n'y aura point de crainte pour eux et ils ne seront point affligés" 11/59.

Et pour ne pas laisser aux musulmans le moindre prétexte qui puisse leur permettre de considérer les Chrétiens comme les gens rejetés par Dieu, il les présente comme les prochains de ses disciples.

"Et tu trouveras certainement que ceux qui sont les plus proches des musulmans, par amour, sont ceux qui disent "Nous sommes chrétiens" (V 85) lisons nous dans le Qur'an.

Le Prophète Muhammad va même plus loin en disant que les adeptes des religions du passé étaient des musulmans.

"Il vous a appelés musulmans précédemment et maintenant" (22/77) lisons nous encore dans le Qur'an. Ce qui déjà nous laisse entendre qu'il faut considérer les différentes religions comme une seule et même religion dont le nom est l'islam" (le mot traduit en français signifiant la soumission à la volonté de Dieu").

Voilà une deuxième conclusion à laquelle nous amènent la recherche indépendante et la méditation personnelle, cette conclusion étant "l'unité religieuse", autre principe de la Foi baha'ie.

Il y a encore une troisième considération qui continue à être tenue pour "vérité" c'est la soi-disant finalité de la révélation, en ce sens que les chefs religieux présentent leur religion comme la dernière.

Là encore si nous continuons notre recherche nous voyons que de telles affirmations ne correspondent nullement à la vérité.

Voici juste quelques exemples tirés de l'Évangile et du Qur'an.

"J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter. Quand le consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité" jean 16/12.

jésus va même jusqu'à prier pour l'avènement de ce Consolateur:

"Et moi, je prierai le Père, et il vous enverra un autre Consolateur" jean 14/16.

Le Prophète Muhammad va plus loin en parlant clairement des révélations successives.

Ainsi, lisons-nous dans le Qur'an:

"O fils d'Adam ! En vérité, viendront vers vous des Messagers du milieu de vous. Ils vous réciteront Mes versets. Quiconque pratique la vertu et la piété sera à l'abri de toute crainte et ne sera point attristé 7/33.

Une fois de plus c'est la recherche indépendante et personnelle qui nous amène à découvrir cette vérité qui est la progressivité de la révélation.

C'est donc toujours la recherche qui nous fait découvrir ces vérités dont je n'ai mentionné que trois (l'unité du genre humain, l'unité religieuse, la progressivité de la révélation). Il y en a bien d'autres qui constituent le fondement même de la révélation d'aujourd'hui je veux dire révélation baha'ie. Et c'est toujours par la recherche qu'on arrive à découvrir ces vérités.

Voilà pourquoi je ne peux terminer mon exposé qu'en disant combien Gandhi avait raison lorsqu'il a dit:

"la vérité c'est la recherche".

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