Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

4. L'amour et l'amitié
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4.8. La jeunesse - pionnier du monde a venir

L'éminent humoriste britannique Bernard Shaw dit:

"La jeunesse est une chose merveilleuse, quel crime de la laisser gaspiller par les enfants".

Si Bernard Shaw parle du gaspillage de la jeunesse par les enfants c'est qu'il a peut-être pensé à ces jeunes gens qui se comportent comme des enfants. Autrement c'est l'âge où l'on peut faire des exploits remarquables, exploits dont on n'est plus capable lorsque l'on n'est plus jeune; il en est qui en fournissent de merveilleux exemples.

Comment reconnaît-on un comportement d'enfant? Les signes sont nombreux. Nous en citons quelques-uns.

1 - On a un comportement d'enfant quand on imite les autres, sans montrer le moindre signe de sa personnalité. Et l'on imite les autres quand on est incapable de PENSER, ou que l'on ne veut pas PENSER personnellement et indépendamment. Un tel comportement est dû soit à l'éducation qu'on reçoit à la maison, soit à l'endoctrinement qu'on subit surtout en dehors de la maison.

je me rappelle la période d'avant la dernière guerre durant le régime hitlérien en Allemagne, où l'endoctrinement des jeunes nazis était tel que ces derniers ne sentaient pas le moindre besoin de penser personnellement, déclarant sans la moindre gêne qu'ils avaient leur Führer qui pensait à leur place et ne se trompait jamais.

Il y a une anecdote qui illustre bien ce triste état de choses.

Dans une rue de Berlin un nazi rencontre un autre nazi et lui demande:

- Qu'est-ce que tu penses du rétablissement du service militaire obligatoire?

- je suis d'accord avec la politique du parti - répond l'autre.

- Et les dépenses pour les préparatifs militaires?

- je suis d'accord avec la politique du parti.

- Et la persécution des juifs?

- je suis d'accord avec la politique du parti.

- Mais enfin tu n'as pas une opinion personnelle?

- Si, mais je ne suis pas d'accord avec elle.

N'est-ce pas triste qu'un tel état de choses, un tel endoctrinement puisse encore exister de nos jours?

2 - On a un comportement d'enfant lorsque dans la vie, au moindre échec on est découragé, démoralisé, et qu'un rien devient la fin du monde.

3 - On a un comportement d'enfant quand dans la vie on ne voit que le fait de manger, boire, dormir, s'amuser et, d'une manière générale jouir des plaisirs matériels sans se fixer un idéal précis, un but noble et élevé.

Mais Bernard Shaw parle de la jeunesse en tant qu'une chose merveilleuse, chose vraiment merveilleuse, d'ailleurs car c'est durant cette période de la vie qu'on a toutes les possibilités et les facilités de choisir son chemin, et de triompher des épreuves qu'on est destiné à rencontrer sur ce chemin.

Et c'est surtout pendant cette période de la vie qu'on a l'aptitude nécessaire pour adopter un ensemble de principes dont l'application donne un sens à la vie, permettant ainsi de voir où se trouve la vraie valeur de l'existence.

Les faiblesses de l'âge d'enfance et plus particulièrement celles que j'ai citées, c'est à partir de l'adolescence qu'on peut arriver à les maîtriser. Et ceci tant qu'on est encore jeune, sinon, lorsqu'on avance en âge la tâche devient infiniment plus difficile. Indiscutablement plus on avance en âge mieux on connaît ses faiblesses, aussi bien que les remèdes à y apporter, mais on n'a plus les possibilités de les appliquer. C'est la raison pour laquelle on dit: Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait.

Il faut donc que la jeunesse sache, car ce qu'elle arrive à savoir, elle peut le faire. Et le monde à refaire, c'est une tâche que surtout les jeunes peuvent accomplir. Car ce n'est pas du jour au lendemain qu'on peut changer ce monde, il faut du TEMPS; il faut non seulement commencer, mais surtout continuer avec le ferme espoir qu'on verra un bien meilleur monde que celui de nos jours.
Qui peut réunir ces trois qualités (commencer, continuer, espérer) ensemble, si ce n'est les jeunes. Pour les personnes âgées "les carottes sont cuites", il n'y a rien à faire et elles ne peuvent rien faire car leurs jours sont comptés. Mais les jeunes ont l'avenir devant eux et étant plus sensibles à l'injustice qui règne dans tous les domaines, ils peuvent réagir avec force et détermination. Mais réagissent-ils tous? Et quelle attitude prennent-ils face à la situation tragique actuelle?

Leur attitude change d'une catégorie à l'autre. Il y en a qui tout en étant mécontents font semblant d'être contents, et, par conséquent ne manifestent aucune réaction, s'accommodant avec ce monde et se contentant de leur situation.

D'autres manifestent leur réaction d'une manière pour ainsi dire négative, en se retirant de ce monde. Ce ne sont pas forcément des hippies, mais d'une manière générale ceux qui se créent un monde à eux-mêmes en s'isolant dans un coin de leur pays et ne prennent aucune part à la vie active de la communauté.

Il y en a même qui vont plus loin en s'expatriant dans des pays en voie de développement afin de fuir cette "civilisation" avec tous les maux qu'elle a engendrés.

Il y a un troisième groupe qui réagit violemment croyant changer le monde par la FORCE, oubliant que la faiblesse de la force c'est qu'elle ne croit qu'à la force. Ils veulent tout détruire sans penser qu'une fois la destruction achevée il faudra bien avoir un autre monde pour s'y réfugier. Quel est ce monde, quelles sont ces caractéristiques, sa structure? A-t-il fourni les preuves de sa justice rien que par un modèle déjà existant? Tant de questions qui restent sans réponse.

Ce qui nous rappelle cette annonce lue dans un journal de province.

"Le nouvel hôtel de ville sera bâti avec les matériaux de l'ancien. En attendant les réunions vont se tenir dans l'ancien".

Enfin il y a un quatrième groupe qui dit que cet "hôtel de ville", avec toutes ses lézardes, est en train de s'effondrer de lui-même, que l'accélération de sa destruction ne demande pas tant d'énergie, et qu'il y a beaucoup de volontaires pour le faire. Ce qui manque ce sont les volontaires pour faire une nouvelle "maison" pour en poser les bases dès maintenant afin qu'elle soit achevée, pour nous y donner abri, une fois terminée la destruction de l'ancienne. Et puis ce n'est pas avec les matériaux de l'ancienne "maison" qu'on peut en faire une nouvelle.

Une nouvelle civilisation demande une nouvelle race d'hommes avec une nouvelle façon de penser.

Les hommes de cette catégorie ne font pas de révolution, ne participent pas aux révoltes, mais travaillent sous les régimes actuels, loyaux aux gouvernements; ils continuent leur tâche de fondation d'une nouvelle civilisation.

Concernant ces hommes et plus particulièrement ces jeunes (et j'entends surtout les baha'is car ils ne peuvent s'enrôler que dans la quatrième catégorie) peut-on dire qu'ils gaspillent leur jeunesse?

Pour répondre à cette question nous allons voir s'ils ont un comportement d'enfant, autrement dit s'ils présentent les caractéristiques de l'âge d'enfance et plus particulièrement les trois caractéristiques que j'ai citées au début de mon exposé à savoir:

1° - Manifestent-ils leur indépendance dans le choix de la façon de penser et de se comporter?

2° - Se laissent-ils décourager par les épreuves de la vie?

3° - Ont-ils un but dans la vie et quel est ce but?

La réponse à ces questions nous est donnée si nous nous rappelons que pour un baha'i le principe de base qui régit toutes ses activités individuelles et sociales c'est la JUSTICE.

Il est baha'i uniquement par amour pour les Paroles de Baha'u'llah. Et Baha'u'llah dit que ce qu'Il aime le plus c'est la JUSTICE. Par conséquent ce qu'un jeune baha'i aime et désire le plus c'est la JUSTICE.

D'ailleurs c'est ce que demandent tous les jeunes avant toute autre chose. Ils ne demandent ni charité, ni pitié, ils demandent la justice.

Et ce qui contribue puissamment à l'instauration de la justice par la main des jeunes c'est la soif de l'indépendance qui se manifeste précisément dès l'adolescence. En effet si individuellement chacun ne prend pas l'habitude de manifester le sentiment de l'indépendance de sa personnalité, se contentant d'imiter les autres et se soumettant à leur volonté, souvent quelques fortes personnalités parviennent facilement à imposer à la communauté leurs caprices, et l'injustice commence à régner. L'établissement de la justice implique donc la manifestation de l'indépendance de la personnalité, et celui qui cherche à établir la justice doit veiller à son indépendance dans le choix de la façon de penser et de se comporter.

Un jeune, surtout quand il est baha'i (car alors ce à quoi il tient le plus c'est la justice) ne se comporte donc pas comme un enfant en imitant facilement les autres; bien au contraire, il garde son indépendance dans le choix de sa façon de penser et de se comporter: il "ne gaspille pas sa jeunesse".

Un deuxième signe qui montre qu'un jeune n'est plus un enfant par son comportement c'est la persévérance dans les épreuves.

Les Écrits baha'is disent clairement que le chemin de la vie est jalonné d'échecs successifs et inévitables. Il ne faut pas s'en décourager, il faut avoir le courage de persévérer. Pour un baha'i le courage n'est pas seulement la manifestation d'un instinct combatif, mais c'est surtout une inébranlable endurance devant les échecs. Sur le chemin de la vie il ne faut pas avoir peur de tomber. Il faut avoir peur de ne pas se relever.

Confucius dit: "La gloire ce n'est pas de ne pas tomber, mais de tomber et de se relever".

Sur le chemin qui mène au succès les obstacles et les chutes sont inévitables, s'il n'y en a pas, c'est qu'il ne mène nulle part. Il faut donc affronter les difficultés en les considérant comme des épreuves dont on tire les leçons qui s'imposent. C'est cela l'expérience, ce maître terrible qui nous fait passer l'examen pour nous apprendre la leçon ensuite.

Et nous arrivons au troisième signe qui montre qu'un jeune n'est plus un enfant par sa façon de penser ou par son comportement. C'est lorsqu'il se fixe un but élevé dans la vie.

Un jour on a demandé à Shoghi Effendi (Le Gardien et la Foi Baha'ie)

"Quel est le but de la vie pour un baha'i?".

"Pour un baha'i- avait-il répondu- la raison d'être de la vie est de promouvoir l'unité de l'humanité; cette raison d'être est toute entière liée à la vie de tous les autres hommes ; nous ne cherchons pas un salut personnel, mais le salut de tous les êtres humains ; notre tâche n'est pas de nous occuper de nous-mêmes et de nous dire: "occupons-nous maintenant à sauver notre âme et à nous réserver une place confortable dans l'autre monde". Non, nous devons agir pour établir le paradis sur Terre. (extrait de "Baha'i Youth Bulletin Oct. 1958.").

Indiscutablement la réalisation d'un but si élevé demande beaucoup de temps, beaucoup de patience, ce qui n'est pas toujours conforme au tempérament des jeunes, qui veulent faire très vite ce qu'ils se fixent comme but, qui sont toujours pressés dans la réalisation de leur idéal, raison pour laquelle, il y a tant qui préfèrent recourir à la force.

En ce qui concerne les jeunes baha'is on les met en garde en leur disant que cette fois, il ne s'agit pas d'un programme établi par un homme, programme qu'on peut réaliser à la hâte. Non, il s'agit d'un programme d'origine divine, et tout ce qui vient de Dieu ne se réalise pas instantanément, suit son processus normal pour être réalisé en SON TEMPS. Forcer, précipiter les choses ne sert à rien, si ce n'est qu'on risque de porter préjudice.

A ce propos une expérience scientifique me revient à l'esprit, et c'est par le récit de cette expérience très instructive que je termine mon exposé.

Un naturaliste amateur plein de bonnes intentions élevait des papillons. Or un jour, voyant avec quelle peine ces petits insectes s'efforçaient de sortir de leur cocon, il fendit de l'ongle l'une de ces petites créatures. Quelle ne fut pas sa déception quand il constata que le papillon ne put jamais se servir de ses ailes.

Et bien que ces vaillants jeunes gens, plein de bonnes intentions, qui préfèrent la force, sachent que, bien avant eux, d'autres ont eu recours à la force, croyant par là accélérer le processus de l'établissement de la justice à l'échelon mondial.

Ont-ils réussi? L'humanité parvient-elle à se servir de ses ailes pour s'envoler vers la paix et la concorde?

Vous en connaissez la réponse.

Au lieu de recourir à la force, ou nous retirer de ce monde, conformons-nous au plan divin, révélé pour aujourd'hui, laissons le processus normal suivre son cours et en son temps nous verrons en ce monde ce paradis qui nous a été promis.

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