Le courage d'aimer
Shoghi Ghadimi

5. L'amour et la science
Chapitre précédent Chapitre précédent Retour au sommaire Chapitre suivant Chapitre suivant


5.7. L'histoire se répète

Un Arabe voyageait à dos de chameau. Soudain l'animal se mit à ruer. L'Arabe fut jeté à terre et blessé. Furieux il jura de se débarrasser de son chameau en le vendant pour un sou. Il en informe sa femme.

- "Mais tu n'as pas perdu la tête?" lui dit celle-ci. "C'est notre seul bien qui permet de gagner notre pain quotidien".

- "C'est un serment que j'ai fait pour me venger du chameau. je serais un homme malhonnête si je rompais mon serment. Rien à faire, je le vendrai pour un sou".

Quelques jours après, soulagé de ses douleurs l'Arabe dit à sa femme:

- "Au fond tu as raison et moi aussi j'ai raison si je tiens à honorer mon engagement. Mais j'ai trouvé un moyen pour m'en tirer. je vais attacher un chat au cou du chameau et je ne les vendrai qu'ensemble, jamais séparément. Seulement le chameau pour un sou, mais le chat pour 10000 dinars."

C'est ce qu'il fit et naturellement personne n'a acheté le chameau. Et l'Arabe a eu sa "conscience tranquille" puisque, estimait-il, de cette façon il a honoré son engagement.

Cette histoire est instructive en ce sens qu'il y a des gens qui s'engagent à faire quelque chose, mais lorsqu'il s'agit d'honorer leur engagement, ils ont recours à la ruse et à l'hypocrisie.

Or l'engagement le plus courant qu'on prend dans la vie c'est lorsqu'on choisit un travail par lequel on veut gagner sa vie. Si au lieu de mettre tout son coeur dans la bonne exécution de ce travail on fait tout son possible pour sauver seulement les apparences, ce n'est plus du travail qu'on fait, mais c'est de la ruse et de l'hypocrisie.

C'est le cas de ce laitier dont le lait met l'eau à la bouche. C'est le cas de ce fermier qui ajoute de la margarine à son beurre. C'est le cas de ce plombier qui met plus de temps qu'il n'en faut pour faire un petit travail afin de présenter une facture injustifiable. C'est le cas de cet avocat à qui sa pauvre cliente dit:

- "Maître, mon dossier est très simple."

- "Remettez-le moi, je vais le compliquer": répond-il.

C'est le cas de ce haut fonctionnaire à qui un entrepreneur voulait offrir une voiture:

- "Monsieur, mon sens de l'honneur ne me permet pas d'accepter un tel cadeau", lui dit-il.

- "je comprends très bien votre point de vue. Mais voici ce que je vous propose. je vous vends cette voiture pour 1000 F."

- "Dans ce cas, j'en achèterai deux."

Le mal n'est pas grand tant qu'il se présente sous forme de cas isolés mais lorsqu'il devient épidémie c'est la décadence de la société, c'est ce qu'on appelle la crise de la civilisation.

Et ce qui est bien plus grave, bien plus dangereux, c'est lorsque ceux qui ont un tel comportement ont recours à toutes sortes de démonstrations ou d'ostentations pour montrer qu'ils ont la foi, qu'ils s'en tiennent aux vertus qu'ils n'ont pas. C'est lorsque la société se trouve dans de telles conditions qu'apparaît le plus mystérieux et le plus merveilleux d'entre les hommes. Le Prophète selon les spiritualistes, le Mutant selon les matérialistes.

Les pages de l'histoire nous en citent plusieurs exemples.

Nous allons en rappeler un. C'est le cas de Jésus-Christ face au monde corrompu de son époque, un monde souffrant de ce mal qu'on appelle hypocrisie. On en a une idée par la description que nous donne l'Évangile. Ainsi, pour montrer qu'on était pieux il ne fallait pas travailler le jour du sabbat. Et comme guérir un malade était considéré comme un travail, on laissait souffrir le malade sans lui venir en aide, sans quoi on aurait été baptisé d'infidèle.

Puisqu'il fallait prier pour montrer qu'on était pieux, on priait même dans les coins des rues afin d'être vu par les hommes.

Puisqu'il fallait jeûner pour montrer qu'on était pieux, on le faisait en prenant un air triste et en se défigurant le visage, afin d'étaler davantage sa piété.

Et lorsqu'on faisait l'aumône on sonnait de la trompette afin d'être glorifié par les hommes.

C'est dans de telles circonstances, dans une telle société qu'apparaît Jésus-Christ et qu'Il dit:

"N'est-il pas permis de faire du bien les jours de sabbat? Guérir un malade n'est-ce pas faire du bien? Lequel d'entre vous s'il n'a qu'une brebis et qu'elle tombe dans un fossé, le jour du sabbat, ne la saisira pas pour l'en retirer? Combien un homme ne vaut-il pas mieux qu'une brebis?"

A ceux qui faisaient l'aumône rien que pour montrer qu'ils étaient pieux, Il dit: "Ne fais pas comme les hypocrites. Quand tu fais l'aumône que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit secrète".

A ceux qui faisaient des prières dans les rues pour être vus Il dit: "Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père".

A ceux qui se défiguraient pour montrer qu'ils jeûnaient, Il dit: "Quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père en secret".

La question qui se pose est celle-ci: Est-ce ainsi que se comportaient toujours les juifs.? L'hypocrisie était elle toujours monnaie courante chez les juifs? Loin de là! La pureté de leur morale était telle que les philosophes comme Socrate s'en inspiraient pour éduquer les autres. Ils avaient à leur disposition l'enseignement de Moise, qui comme l'eau qui est la source de la vie physique, leur donnait la vie spirituelle. Mais cette EAU n'avait plus d'effet sur eux. Il fallait donner à cette eau un nouvel effet, un effet qui fait de l'homme un homme nouveau, comme le fait le vin. Et ceci lie pourrait se faire qu'en épousant la doctrine chrétienne. C'est ce que l'Évangile rapporte sous forme imagée en disant qu'à l'occasion du mariage, Jésus a transformé l'eau en vin.

Ceci dit, comparons le passé avec le présent. Si par suite de la décadence morale, la civilisation judaïque s'effondra et que les juifs devinrent des prisonniers tantôt des Chaldéens, tantôt des Romains, aujourd'hui notre civilisation n'est-elle pas en train de s'effondrer, ne sommes-nous pas des prisonniers d'un autre genre, ne sommes-nous pas des esclaves de notre propre univers technique évoluant à une allure vertigineuse et mettant chaque jour à notre disposition une multitude d'appareils ingénieux? Pour les acquérir, ou pour montrer que nous sommes aussi capables que les autres de les acquérir, n'avons-nous pas recours à toutes les astuces, hypocrisie, ruse, tromperie et mensonge... tous les moyens sont bons, puisque l'opinion publique admet la formule "la fin justifie les moyens".

La fin étant exclusivement le bien-être matériel dont la garantie fait de l'homme un acheteur, un consommateur et un gaspilleur, rouage indispensable, d'ailleurs, dans un gigantesque processus de production. Une telle structure sociale tient l'homme continuellement occupé, ne lui laissant pas un instant libre pour repenser le sens profond de la vie. Et s'il a un moment de liberté ou bien s'il est disposé à faire quelque chose de plus que la production et la consommation, il manifeste contre la pollution atmosphérique. Et personne n'ose élever la voix contre la pollution morale. Nos savants concentrent leurs efforts sur la conquête de l'espace au lieu de penser à la paix sur la terre.

Nos dirigeants se réunissent pour discuter du désarmement et le résultat est qu'un journal écrit: "On a l'impression que la prochaine guerre sera déclarée suite à ces conférences sur le désarmement".

On opère les coeurs pour ajouter des années à la vie au lieu de penser d'ajouter de la vie aux années. On oublie que ce n'est pas par des opérations chirurgicales qu'on peut changer les coeurs des hommes, pour y installer la franchise, la sincérité, l'affection et le sentiment de fraternité, Ce n'est pas en laboratoire qu'on peut créer des hommes nouveaux. Il faut une fois de plus qu'une main Invisible donne à l'EAU dont nous disposons, un effet nouveau, la transformer en VIN, lequel fera de nous des hommes nouveaux.

Cette transformation de l'eau en vin a eu lieu Il y a plus de cent ans par la Révélation baha'ie, dont le VIN a enivré les premiers adeptes à un tel point que plus de 20000 d'entre eux, originaires de toutes religions, opinions, races et classes ont payé de leur vie pour la renaissance de la Foi. Exactement comme les premiers Chrétiens.

C'est donc la même EAU à qui Dieu, une fois de plus, a donné un effet nouveau afin de nous baptiser.

Et cette fois, ce baptême n'est plus un symbole, mais un vrai baptême, tel que l'entendaient jésus et ses Apôtres.

En effet, ne lisons-nous pas dans le Nouveau Testament "Le baptême n'est pas la purification du corps mais l'engagement d'une bonne conscience envers Dieu" (I Pierre Ill: 20-21).

Le baptême est donc un engagement qu'on prend envers Dieu. Quel engagement? L'engagement d'AIMER.

En effet, le baptême d'EAU signifie le baptême d'AMOUR. C'est ce que nous allons voir.

Selon la religion, comme selon la science, l'eau est le symbole de la vie, sans eau il n'y -a pas de vie. Donc l'eau = ce qui donne vie.

Or, toujours selon la même science et la même religion, sans amour il n'y a pas de vie.

Nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous AIMONS les frères (I jean 111: 14) De même en science c'est l'attraction (l'amour) entre les particules qui est à l'origine de la vie. Donc

l'amour = ce qui donne la vie.

Si donc l'eau est ce qui donne la vie et l'amour aussi est ce qui donne la vie, parler du baptême d'eau c'est parler du baptême d'amour.

Aujourd'hui, quand nous comprenons le vrai sens du baptême nous pouvons dire qu'on reconnaît le Chrétien d'aujourd'hui non plus par le baptême d'eau mais par le baptême d'amour. C'est ce que précisément entendait jésus lorsqu'Il disait: "A ce signe, ils connaîtront tous que vous êtes mes disciples si vous avez de l'amour les uns pour les autres". (jean XIII: 35).

Mais pratiquement, comment cet amour doit-il être manifesté? Selon les Baha'is, avant tout par le TRAVAIL.

Car en parlant de l'amour du prochain, nous ne devons pas oublier que notre prochain n'est plus seulement notre voisin pas plus que notre concitoyen, mais tout habitant de la planète quelle que soit son opinion, sa religion, sa race ou sa classe. Et comment puis-je manifester mon amour à l'égard de tant de gens qui sont si loin et que je ne connais même pas? Comment pratiquement puis-je le faire si ce n'est que par le produit de mon travail qui leur est destiné.

Le travail est donc l'amour rendu visible. Ne pourrait-on pas en conclure que l'un des signes de la Foi pour le monde d'aujourd'hui est le travail accompli dans un esprit de service?

Ne pourrait-on pas en conclure que c'est dans le baptême par le travail qu'il faut voir le salut pour tous plutôt que dans le baptême d'eau?

La réponse des baha'is étant affirmative, ne devrait-on pas considérer les baha'is comme les Chrétiens d'aujourd'hui?

Chapitre précédent Chapitre précédent Retour au sommaire Chapitre suivant Chapitre suivant