Le prisonnier
de Saint-Jean-d'Acre
Par André Brugiroux, célèbre
globe-troteur ayant parcouru le monde en auto-stop
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Chapitre 5. UNE ANNÉE PAS COMME LES AUTRES
"Ce fut bien le meilleur et le pire
des temps
Un siècle de sagesse, un siècle de folie
l'ère de la foi comme de l'incroyance
La saison de la lumière et la saison de nuit
Printemps d'espoir, hiver d'espérance..."
(DICKENS, parlant du XIXe siècle, dans A Tale of Two Cities.)
Dans le fatras d'idéologies, de sectes, de mouvements et de révolutions apparues
depuis le XIXe siècle, comment découvrir le message vivifiant qui permette à
l'humanité de sortir de l'ornière, de réaliser la civilisation mondiale?
Il est peut-être bon de se souvenir que l'éclosion du christianisme eut lieu
au milieu d'une profusion de sectes, dont certaines même très agressives. Des
alexandrinistes aux adorateurs de Mithra en passant par les écoles pythagoriciennes.
Il était alors difficile aux habitants des Provinces romaines de savoir laquelle
allait triompher. Les premières lueurs sont imperceptibles aux yeux du commun.
Ils furent en vérité peu nombreux, une poignée, à reconnaître dans la secte
nazaréenne le ferment puissant du christianisme qui éduquerait, plus tard, des
peuples barbares en Europe.
Ne retrouvons-nous pas la même situation actuellement, où des milliers de sectes
prospèrent? Leur foisonnement n'est-il pas l'indice d'un renouveau encore mal
perçu.
Le monde de plus en plus angoissé n'a jamais autant cherché.
Chacun le sent en état de gestation. Nietsche disait que les grands mouvements
révolutionnaires arrivent sur "des pieds de colombe". Le Christ annonçait qu'il
reviendrait comme "un voleur dans la nuit". Ceci explique que le nouveau message
passera inaperçu. Qu'il ne fera pas les grands titres de la presse.
Comment procéder puisque, selon Luc, "le royaume de Dieu ne vient pas de manière
à frapper les regards" (17:20).
Le soleil n'apparaît pas d'un seul coup. D'imperceptibles lueurs soulèvent graduellement
le manteau de la nuit pour préparer les hommes au jour nouveau, une barre blanchâtre
allume l'horizon, attire leurs regards et les habitue lentement à la lueur éclatante
d'un soleil qui ne manquera pas de venir. Ces lueurs sont les signes infaillibles
du jour qui se lève.
L'espoir du siècle dit "des lumières", le mondialisme en germe des cosmopolites
de Fénelon à Montesquieu, le désir de société idyllique d'un Rousseau, l'altruisme
d'un Voltaire, l'indépendance américaine et la révolution française aux nobles
idéaux d'égalité, de fraternité, de justice, la déclaration des droits de l'homme,
tout présageait, à n'en pas douter, l'aube de temps nouveaux.
Ne serait-ce qu'en France, le besoin d'émancipation du peuple, la prise de conscience
en sa propre force, ont été des leviers puissants. Car 1789 a été suivi de 1830,
1848 et 1871. A chaque date, une nouvelle lueur d'espoir.
L'activisme de toutes les religions au XIXe siècle a quelque chose d'intrigant.
Les missionnaires chrétiens partent à la conquête du reste de la terre. Le bouddhisme
et l'hindouisme, jusque-là ignorés, commencent à intéresser les Européens. Des
fièvres de fin du monde et l'attente du millenium dominent ce siècle.
Les hommes étaient dans l'expectative, le grand poète Lamartine l'exprimait
dans ses vers musicaux:
"Réveille-nous, Grand Dieu! Parle et change le monde;
Fait entendre au néant ta parole féconde
Il est temps! Lève-toi! Sors de ce long repos;
Tire un autre univers de cet autre chaos...
Change l'ordre des cieux qui ne nous parle plus.
Lance un nouveau soleil à nos yeux éperdus."
Dès 1820, Lamartine dans ses méditations poétiques réclamait donc ce nouveau
soleil car il constatait que:
"Oui, ce monde, Seigneur, est vieilli pour ta gloire,
Il a perdu ton nom, ta trace et ta mémoire."
Alfred de Musset dans ses Poésies nouvelles, demande:
"Où est donc le Sauveur pour entr'ouvrir nos tombes?
Où donc le vieux saint Paul haranguant les Romains,
Suspendant tout un peuple à ses haillons divins?
Où donc le cénacle? Où donc les catacombes?
Avec qui marche donc l'auréole de feu?
Sur quels pieds tombez-vous, parfums de Madeleine?
Où donc vibre dans l'air une voix plus qu'humaine?
Qui de nous, qui de nous va devenir un Dieu?"
Musset pressentait clairement qu'il faudrait une voix plus qu'humaine.
Dans ses Contemplations, Victor Hugo a chanté, lui aussi, la mélodie du printemps
spirituel que les hommes de cette époque attendaient si ardemment:
"Ecoutez. Je suis Jean. J'ai vu des choses sombres...
J'ai vu le ciel, l'éther, le chaos .et l'espace
Vivants! Puisque j'en viens, je sais ce qui s'y passe;
Je vous affirme à tous, écoutez bien ma voix,
J'affirme même à ceux qui vivent dans les bois,
Que le Seigneur, le Dieu des esprits des prophètes,
Voit ce que vous pensez et sait ce que vous faites
Voyant vos passions, vos fureurs, vos amours,
J'ai dit à Dieu: Seigneur, jugez où nous en sommes
Considérez la terre et regardez les hommes
Ils brisent tous les noeuds qui devaient les unir.
Et Dieu m'a répondu: certes, JE VAIS VENIR."
On sait que Victor Hugo, en désaccord avec Napoléon III, s'exila à Guernesey
et que là-bas, sur son roc, il médita longuement sur la libération de l'humanité.
Il considérait le XIXe siècle comme "l'aube des grands idéaux", le siècle qui
devait réaliser les prémices du bonheur de l'humanité. En 1842, il annonce déjà,
"qu'un jour, le globe entier sera civilisé et qu'alors sera accompli le magnifique
rêve de l'intelligence: avoir pour patrie le monde et pour nation l'humanité".
Il voyait non seulement venir le temps où tomberaient les frontières entre les
peuples, mais aussi les murs entre les classes.
La suppression de la misère et de la guerre, l'apaisement des conflits entre
les classes et les peuples, Victor Hugo partageait ces idéaux avec d'autres
écrivains (Dumas Fils, par exemple, aux idées plus que révolutionnaires pour
l'époque dont l'intérêt des causes plaidées n'a désormais plus besoin d'avocat:
droits de la femme et de l'enfant, problèmes sociaux, divorce...), d'autres
penseurs et hommes politiques de son temps. Le nouvel empereur, Napoléon III,
les avait même inscrits au début à son programme politique!
Chateaubriand, mort en 1844, semble entrevoir dans ses derniers écrits la venue
d'un christianisme renouvelé.
JE VAIS VENIR
Les grands poètes n'étaient pas seuls à sentir l'étrange réveil. Un docteur
de ma connaissance, M. Mesbah, a passé plus de six ans à faire des recherches
à la Bibliothèque Nationale de Paris pour découvrir que plus de cent cinquante
articles, livres et publications au XVIIIe siècle et plus de cinq cents au XIXe
indiquant l'approche du Grand Evénement avaient été publiés.
Le philosophe Joseph de Maistre, l'un des penseurs les plus profonds de ce temps,
dans Les soirées de Saint-Pétersbourg disait: "Il faut nous tenir prêts pour
un événement immense, le christianisme sera rajeuni d'une manière extraordinaire;
il ne s'agit pas d'une modernisation de l'église, mais d'une forme nouvelle
de la religion éternelle qui sera au christianisme actuel ce que celui-ci est
au judaïsme."
En 1805, le professeur d'université Delormel voit dans son ouvrage La grande
période ou le retour de l'âge d'or une religion universelle régner sur terre.
L'écrivain Huysmans, en 1891, écrit dans Là-bas que "les temps attendus sont
proches En voici les preuves bien manifestes".
Il est étonnant de trouver tant de références à la venue d'un messie (Le chanoine
Chabauty, le philosophe Louis-Claude Saint-Martin, le Lyonnais Ballanche, l'ex-benédictin,
Dom Perréty, l'écrivain Muralt. Etc.) dans un siècle où commençait à grandir
l'athéisme. "Mais quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il la foi sur
la terre" se demandait déjà l'évangéliste Luc (18;8).
Toutefois, terrifiés par le redoutable Index du Vatican, un des rares Français
à se permettre des commentaires directs sur l'Apocalypse et les prophéties concernant
le retour du Christ fut un juriste, Pierre-Jean Agier (1782-1823). Il s'inspira
du livre du jésuite chilien Lacunza Venuda del Mesia en gloria y majestad. Livre
qui est une source inépuisable pour le millénarisme et dont il ne reste plus
qu'une seule copie en espagnol à la Bibliothèque Nationale. Agier liait le retour
du Christ avec l'établissement d'Israël. Un descendant de Colbert, Marc-Antoine
Noé (1726-1801), évêque de Troyes, annonce aussi en 1788 les retours des juifs
en Terre sainte et l'approche du grand événement. Un autre Français, François
Jacquemont, curé de Saint-Médard en Forez, démontre dans son livre Une âme de
janséniste que le temps où nous vivons doit prendre fin pour l'ouverture d'une
autre ère.
Voltaire et la révolution française ont sapé la base de l'église institutionnelle
Le peuple rejetait, à juste titre, ce carcan d'institutions dépassées. Sa soif
de liberté le portait à chercher un idéal. Les nobles idéaux des philosophes
des lumières ne suffisaient plus, le peuple en désirait l'application.
Le retour du Christ, la fin du monde et l'établissement d'un millénaire de justice
et de paix ont toujours été étroitement liés.
Pourquoi le peuple de France, qui contribua tant à faire poindre l'aube nouvelle,
est-il aujourd'hui si désabusé? Il semble s'être figé après la défaite de Sedan.
Que sont devenus les idéaux des philosophes, le rêve des preneurs de Bastille,
l'ardeur des sans-culotte, la vision de nos poètes romantiques et les belles
théories de nos penseurs socialistes?
Le phénomène de la Parousie allait toucher, en définitive, davantage les Anglo-Saxons
que les Français. Les poètes romantiques anglais sentirent également que "de
grands esprits séjournent maintenant sur la terre et qu'ils donneront au monde
un autre coeur et d'autres motivations" (Keats)
Keats s'interroge dans son Ode à Haydon:
"N'entendez-vous pas le murmure de puissants travaux ?
Ecoutez un instant, vous, nations, soyez attentives."
Wordsworth fit un excellent commentaire de la nouvelle joie créatrice et de
l'optimisme qui remplissait le coeur des hommes:
"Quel bonheur d'avoir vécu cette aurore !
La beauté d'un nouveau devenir
Ornait non seulement les lieux favorisés
Mais tout l'univers" (Livre onzième des Préludes:)
L'intuition des hommes de foi s'exprima en une éclosion de poèmes lyriques chantant
l'approche du "Royaume".
"La nuit est passée, et le matin approche...
Réveillez-vous! Regardez! J'entends le son multiple
Des cycles à venir, comme un océan tout autour...
Je vois la gloire d'un millénaire qui s'illumine
D'un bout à l'autre." (Frédérick Tennysson)
Kingsley, dans The Day of the Lord écrit en 1848:
"Le jour du Seigneur approche, approche...
Ses tempêtes ouvrent le ciel...
Les nations dorment, affamées, sur des piles d'or...
Tous les rêveurs s'agitent et soupirent;
La nuit est plus sombre avant l'aube,
Quand la douleur est plus forte, l'enfant naîtra,
Car le jour du Seigneur approche."
En plus de ces oeuvres lyriques, les poèmes apocalyptiques de Shelley comme
L'Ode au vent, La révolte de l'Islam et Prométhée délivré traitent tous de l'avènement
du Royaume de Dieu.
L'hymne adopté par la Ligue des nations après la Première Guerre mondiale est
extrait d'un poème significatif d'un romantique anglais, Symonds: These things
shall be...
"Ces choses arriveront : une race d'hommes plus noble que le monde n'a jamais
connu se lèvera avec la flamme de la liberté dans l'âme et la lumière du savoir
dans les yeux. Ils seront gentils, braves et forts pour ne plus verser une goutte
de sang..."
L'Internationale rédigée par Pottier en 1871 proclamait: "Le genre humain ne
fera plus qu'une seule famille"
L'enthousiasme gagna les poètes outre-Atlantique. En1861, Julia Ward Howe, écrit:
"Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur ! ...sa vérité est en marche."
L'attente du Grand Jugement, la venue du Rédempteur qui permettrait d'établir
un monde meilleur ne troublaient pas seulement l'Europe et l'Amérique, mais
tourmentaient aussi l'Asie. L'approche du "Grand Evénement" retentissait surtout
en Terre sainte parmi les juifs, les chrétiens et les musulmans. Chacun de ces
courants religieux, suivant leurs anciennes traditions, souvent à l'aide de
l'astrologie et des sciences occultes, y ajoutant leurs superstitions et inventant
des récits fantastiques, croyaient fermement à l'imminence de l'avènement du
Messie et d'un âge nouveau. Lamartine, dont j'ai retrouvé les traces de passage
à Nîs en Yougoslavie et aussi dans la dernière forêt de cèdres du Liban, a rencontré
en 1830 en Palestine une étrange femme: Lady Hester Strantrope. Nièce de William
Pitt, l'ennemi juré de Napoléon, elle avait abandonné Londres, la richesse,
le pouvoir et le grand monde pour venir vivre en ermite parmi les druses. Cette
vaillante Anglaise illuminée voulait être prête et proche du lieu de l'avènement!
Elle gardait, paraît-il, deux blancs pur-sang arabes dans son écurie, un pour
le Messie, l'autre pour elle-même! Lamartine rapporte cet entretien dans son
Voyage en Orient (p 175).
"lady Strantrope : croyez-vous le règne du Messie arrivé ?
- Je suis né chrétien ! lui dis-je? c'est vous répondre.
- Chrétien ! reprit-elle avec un léger signe d'humeur ; moi aussi je suis chrétienne,
mais celui que vous appelez le Christ n'a-t-il pas dit: "Je vous parle encore
par paraboles, mais celui qui viendra après moi vous parlera en esprit et en
vérité" Eh bien, c'est celui-là que nous attendons. Voilà le Messie qui n'est
pas encore venu, qui n'est pas loin, que nous verrons de nos yeux..."
L'étude de cet étonnant XIXe siècle prouverait qu'un événement important s'est
produit. Lequel pourrait être l'apparition d'un nouvel éducateur universel.
En tout cas, depuis son début, les découvertes scientifiques commencèrent à
progresser à une allure vertigineuse, amorçant un décollage sans précédent qui
allait rapidement permettre à l'humanité d'asservir la planète. Les hommes voyaient
littéralement naître sous leurs yeux "un nouveau ciel et une nouvelle terre",
comme le disait saint Jean.
Il serait trop long de citer tous les savants qui, par leurs découvertes, ont
amélioré le bien-être matériel. Cette explosion de découvertes sans précédent
montre bien que le XIXe siècle est un siècle "à part".
Le prix Nobel, Sir William lawrence Bragg, note sur son graphique de l'incidence
des inventions, à partir de 1844, une hausse abrupte de la courbe "que je n'arrive
pas à expliquer" ? soulignait-il.
Emile Broussais, fils du médecin bien connu, annonce en 1842 la régénération
du monde et écrit qu'elle se fera par le biais d'une nouvelle religion. Ce Broussais
était un des disciples de l'illustre savant suédois Swedenborg, qui abandonna
les sciences matérielles après avoir reçu des inspirations. Il inspira une secte,
la Nouvelle Jérusalem, et mourut en 1744, révélant que, dans cent ans, on verrait
la nouvelle Jérusalem. C'est-à-dire le début d'une ère nouvelle. En 1844.
Autour de cette date, l'astronome français Le Verrier réussit à calculer l'existence
d'une nouvelle planète du système solaire, Neptune, qui, en astrologie, est
l'archétype de l'intégration universelle, de l'adhésion à l'unité supérieure,
de la révélation spirituelle la planète cosmique par excellence, que l'Allemand
Galle découvrira finalement en 1846(Un demi-siècle auparavant, Herschel en avait
découvert une autre, Uranus, symbole de la révolution, du progrès technique,
des inventions !)
Plus d'un siècle auparavant, Isaac Newton, le célèbre physicien anglais, détermine,
lui aussi, l'approche du second avènement du Christ vers les alentours de cette
date.
La majorité des dates trouvées par des centaines d'inspirés, de voyants ou de
scientifiques à l'Est comme à l'Ouest se situe entre 1840 et 1860.
Et 1844 figure d'une manière beaucoup plus frappante dans les calculs des érudits
de la Bible que n'importe quelle autre année (Wolff en Asie, Edward Irving en
Angleterre, Mason en Ecosse, Davis en Caroline du Sud, Leonard Kelber en Allemagne).
1844, l'année où Morse questionnait le ciel.
Aux USA, on se souvient du fameux William Miller, qui, dès 1831, commença à
faire des conférences sur le retour du Christ. Il déclarait qu'il ne pouvait
s'en empêcher, qu'une voix intérieure le pressait "de prévenir le monde". Il
avait isolé la date de 1844, l'année de Ghars que citait l'érudit arabe Muhiyi'd-Din'Ibn
al-Arabi comme "fin du monde". Des hommes vêtus de blanc escaladaient les montagnes
du nouveau continent pour attendre dignement cet événement.
A la fin de l'année, rien ne s'étant produit, le Seigneur de Gloire n'étant
apparu sur aucun nuage, les fidèles de Miller, déçus, formèrent la secte des
Adventistes. Ceux qui attendent.
Russell en conclut que Miller s'était trompé et fonda les Témoins de Jéhovah,
qui fournissent régulièrement de nouvelles dates de l'avènement. Les Mormons
naissent aussi au cours de ces années-là. En 1820. Smith, leur fondateur, découvrit
une page inédite de l'Evangile portée par l'ange Moroni.
En même temps, de nombreuses guerres dans toutes les parties du monde emplissaient
les livres d'histoire "Guerres et bruits de guerres", disait Jésus, qui "verront
le Fils de l'Homme venant".
Vers la fin du XIXe siècle, la conviction devint très forte parmi les Indiens
américains que le Messie était déjà apparu. Le général Miles, de l'armée des
Etats-Unis, le rapporte dans un journal du Minnesota après un circuit de l'Ouest.
En Inde, "la croyance en la proche venue d'un grand Enseignant universel est
un fait de simple savoir, du moins parmi les gens éduqués", écrit G S Arundale,
commissaire à l'éducation de l'Etat d'Indore.
En 1846, en Kabylie, Bou Maza, un Marocain, prétendait être le messie musulman,
le Madhi. Plus tard, au Soudan, les Anglais durent déployer toutes leurs forces
pour réprimer la révolte d'un autre madhi. Depuis, les madhis sont légion.
En 1843, Hung Hsiu Ch'üau en Chine se disait être le messie voulant établir
un nouveau christianisme; ce qu'on appela la révolte des Taï-ping. Mot qui veut
dire La Grande Paix. Coïncidence ?
A Java, encore aujourd'hui, les masses rurales attendent le prince juste Ratu
Adil.
Chaque siècle, certes, a connu des "messies", mais aucun ne peut se vanter d'en
avoir groupé autant. Les croyances millénariste ont pris un nombre imposant
de formes. Henri Desroches, directeur d'études à l'Ecole pratique des Hautes
Etudes, en a recensé mille cinq cents sous des noms différents dans le dictionnaire
des messianismes et millénarismes de l'ère chrétienne.
Il est vrai que chacun interprète à sa manière 1es écritures saintes malgré
la claire mise en garde du prophète Daniel:
"Tiens secrète ces paroles et scelle le livre jusqu'au temps de la fin" (12
: 4). Admonition semblant indiquer qu'il n'est pas du pouvoir des hommes d'en
interpréter correctement les allégories, que cela nécessiterait une "voix plus
qu'humaine", une nouvelle "manifestation" divine.
Certains soutiennent que le retour du Christ a eu lieu lorsque les Apôtres le
virent après sa "résurrection". Dans ce cas, il n'aurait pas tenu sa promesse:
"J'ai encore beaucoup de choses à vous dire", car il n'a rien dit de plus.
D'autres pensent que la descente de l'Esprit-Saint à la Pentecôte signifiait
son retour. Etrange, car les Evangiles spécifient que le Christ reviendrait
avec un corps. Le Christ a tant parlé de son retour dans "la Gloire du père"
que les premiers chrétiens scrutaient souvent le ciel. Les Evangiles indiquent
qu'Il doit revenir à la fin du temps des gentils. Les gentils de son époque
étaient les non-juifs, la société de Palestine se divisant aux yeux des juifs,
en juifs et non-juifs ou gentils (Appelés goyyims aujourd'hui). En 673, la conquête
arabe chassa définitivement le peuple juif de chez lui. Les non-juifs gouvernèrent
à partir de ce moment-là. Le temps des gentils commençait donc. Il est intéressant
de savoir qu'en 1844, un décret du sultan Ottoman promulgué par suite de pressions,
européennes permettait pour la première fois aux Juifs de retourner en Terre
sainte pour s'y établir. Ne serait-ce pas là la fin du temps des gentils ?
Car, à partir de cette date, les juifs ont commencé effectivement à rentrer
"chez eux", d'abord par petits groupes isolés, puis par vagues, les fameuses
"aliya" jusqu'à la fondation officielle de l'état d'Israël en 1948.
Dieu semble tenir ses promesses: à la fin des temps, il regrouperait son peuple
de parmi les nations, le désert refleurirait, la vallée d'Accor se réjouirait.
Les Evangiles indiquent aussi qu'Il reviendrait lorsque sa "Bonne Nouvelle"
aurait fait le tour de la terre. Il faut se rappeler l'extraordinaire ferveur
missionnaire du XIXe siècle; Livingstone et autres la portèrent aux confins
de la planète, atteignant le dernier pays, le Tibet, vers les 1850. La Bible
et le Coran affirment enfin qu'à la "fin des temps", les étoiles tomberont du
ciel (Image allégorique quand on sait que la plus petite étoile est plus grosse
que la terre. Une seule suffirait ! Voir explications au chapitre XIV), le soleil
s'obscurcira, la lune deviendra rouge, les montagnes seront réduites en poussières!
Entre les années 1830 et 1860, des hommes fixaient avec perplexité et inquiétude
le grand halo qui entourait le soleil. Beaucoup regardèrent avec effroi le ciel,
cette nuit de 1843 où une comète géante à queue de feu déchira la pénombre.
Certains dirent que cette comète filant vers l'humanité apportait la "fin du
monde". L'intense pluie d'étoiles de 1866 impressionna aussi fortement les observateurs.
Tous ces signes du ciel plus de nombreux tremblements de terre furent des sujets
de discussions et des spéculations les plus terrifiantes. Certes, les hommes
ont toujours craint les éléments, mais leur ampleur et leur multiplicité avaient
quel que chose d'inquiétant.
N'existe-t-il pas un signe dans le ciel pour chaque chose sur terre? Rappelons-nous
l'étoile guidant les mages vers Bethléem
D'après cette enquête hétéroclite, il ressort que les années comprises entre
1840 et 1860 devaient avoir une signification particulière. Avec 1844 comme
date la plus probable de l'Avènement