Le prisonnier
de Saint-Jean-d'Acre
Par André Brugiroux, célèbre
globe-troteur ayant parcouru le monde en auto-stop
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Chapitre 12. MARX, MAO OU UN AUTRE?
(chapitre rédigé avant la chute de l'URSS)
En 1962, à la fin d'une saison d'hiver particulièrement pénible dans un petit
hôtel italien en qualité de facchino (homme à tout faire), la patronne décida
enfin de me rémunérer.
Sachant que l'étranger est exploité, je lui fis cette remarque:
- Avant de percevoir mon salaire, je vais aller me renseigner auprès du parti
communiste pour savoir ce que vous me devez exactement.
- Pourquoi au parti communiste?
Parce que dans ce pays "fantaisiste", c'est l'unique formation politique dont
le syndicat soit craint. A mon retour, la patronne m'offrait une somme supérieure
au minimum calculé par le syndicaliste. Elle avait parfaitement compris mon
manège et ne voulait pas de troubles dans son albergo.
Ce parti me fut d'une aide précieuse. Des mouvements récents, prophétisait Abdu'l-Baha
autour des années vingt, de portée mondiale, déploieront d'immenses efforts
pour le succès de leurs desseins. Le mouvement de la gauche prendra une grande
importance. Son influence s'étendra. Elle englobe, aujourd'hui, plus du tiers
de l'humanité, provoquant l'espoir chez certains et la crainte chez d'autres.
Les premières grandes révolutions sociales éclatèrent en 1830 et 1848. Epoque
localisée par les millénaristes comme le début d'une ère meilleure.
1844, en particulier. Cette année-là, deux inconnus se rencontraient a Paris,
point de mire des regards du monde; deux personnages qui allaient prendre rapidement
une importance inouie, bouleversant par leurs théories les sociétés humaines.
Ils avaient pour nom, Marx et Engels.
Ces théories offrent-elles une solution aux maux contemporains?
On pourrait le croire, étant donne la passion et l'ampleur des événements qu'elles
ont déclenchés. Aucune doctrine des temps modernes n'a autant agite les hommes.
Théories atteignant un point culminant à la revolution d'Octobre 1917.
Marx fut contemporain de Baha'u'llah. Comme ce dernier, il connut l'exil et
écrivit abondamment. Il est enterre à Londres comme Shoghi Effendi.
Marx fit une brillante etude economique de son temps et propagea des idées auxquelles
ses contemporains n'avaient pas encore pensé. Idees qui, pour la plupart, étaient
puisées chez d'autres, mais dont il sut faire la synthèse et qu'il sut répandre.
Les événements ont peu soutenu ses prédictions. Il n'a vu dans les religions,
par exemple, que l'aspect défectueux créé par les hommes. Qu'un opium dont il
soutenait avec raison qu'il fallait se débarrasser. Les dogmes, les cérémonies,
les interprétations humaines divisent et sont, en effet, devenus caduques. Dans
sa juste haine des excès religieux, il a malheureusement oublié que la religion
est une force émotionnelle. Nietsche. ne par hasard ou ironie en 1844, lui,
proclama que Dieu est mort. Certes, le Dieu de notre imagination est bien mort,
mais l'Illimité n'en a pas disparu pour autant. Les écrits de Marx et Engels
demandent la justice sociale et veulent établir une internationale de la paix.
L'idéal de justice soulève les hommes, et explique l'attrait du marxisme, qui
a pour but de présenter une conception absolue de la justice sociale et internationale.
A mes yeux, la chose préférée est la justice.
Le monde riche (29 % de la planète) utilise, et surtout gaspille, plus des quatre
cinquièmes des ressources mondiales Les Etats-Unis a eux seuls (6 % de la population
totale) consomment plus de 33 % des biens. Le chien américain dépense plus que
l'Indien pauvre. La consommation annuelle en pétrole, de toute l'Inde, soit
plus de sept cent millions d'habitants, est inférieure à celle de la seule ville
de New York. Les enfants du Pérou manquent de protéines alors que la farine
de poissons extraite sur les côtes engraisse le bétail occidental.
Un aller-retour Paris - New York en Concorde consomme en quelques heures l'équivalent
du besoin annuel de charbon d'un terrestre.
Une minorité est submergée par la "paperasserie" alors que la moitié de l'humanité
ne dispose pas de cahiers pour s'instruire.
Pour gagner le salaire horaire d'un ouvrier français, un Brésilien doit travailler
actuellement deux jours et demi. En Amérique latine, 1, 5 % des propriétaires
terriens possèdent la moitié des terres cultivables. Le fourrage des vaches
mexicaines destinées au commerce international contient plus de protéines que
l'alimentation des paysans chargés de les soigner.
61,2 % de la production mondiale est dépensée dans les affaires militaires.
Le budget militaire annuel des USA est supérieur au budget national d'un pays
comme le Maroc.
EST-CE JUSTE ?
J'étais effare, en 1977, de passer d'un coup d'aile du Canada, le pays le plus
nanti du monde, en Haïti, le plus démuni, où l'on compte plus de laveurs de
pieds que de cireurs de chaussures. Au Canada, lorsque je demande un appareil
pour projeter mon film dans les écoles, le magasinier m'en désigne une douzaine
au choix. Pour un magnétophone, une enregistreuse, comme ils disent, il m'en
offre cinquante! En Haïti ce sont les écoles qui manquent. Les Etats-Unis, qui
expédient des sacs de céréales arborant une main de Blanc serrant une main de
Noir, prétendent apporter de l'aide aux pays sous-développés (ainsi que quelques
autres pays riches). Il n'en est rien. Susan George démontre, dans son essai
au titre évocateur Comment meurt l'autre moitié du monde, de quelle façon la
nourriture est devenue la première arme américaine!
De son côté, le plus vaste empire colonial du monde, l'immense URSS (6 % des
terres immergées), malgré ses slogans triomphateurs, n'arrive pas à se nourrir
correctement.
Et notre douce France, à mission civilisatrice, n'est-elle pas la première vendeuse
d'armes (proportionnellement) et d'alcools du monde? Ne sert-elle pas de laboratoire
a la fabrication de l'héroïne?
Le monde malade cherche toutefois a améliorer son sort. Les grands principes
auxquels prétendent les pays s'inspirant de Marx et d'Engels ressemblent étrangement
à ceux de Baha'u'llah.
Un des premiers est l'éducation obligatoire. Les enfants soviétiques et "satellisés"
sont tous scolarisés, ce qui est loin d'être le cas dans le reste du monde.
L'égalité de l'homme et de la femme. Existe-t-il des pays, où cela est mieux
appliqué? Dans l'instruction, les chances de travail, les salaires jusqu'à voir
les camarades citoyennes soulever les traverses de chemin de fer et battre des
records de lancement du marteau.
Le but avoué de Baha'u'llah est d'amener la paix sur terre. Les pays socialistes
n'en ont-ils pas fait leur credo? Chaque russe est intimement persuadé que son
peuple est le plus adapté pour oeuvrer dans ce sens et cette nation relance
sans cesse, le désarmement. Toutefois, force est de constater que l'URSS n'admet
la détente que lorsqu'elle en retire un profit; elle y est opposée dès le moment
où elle n'y trouve aucun avantage. "Moi, je suis pacifiste lorsque cela peut
nuire aux Etats capitalistes", disait Lénine en 1918! Ce pays n'a jamais renoncé
à la lutte "finale" qui doit conduire au "bonheur" (quelque peu forcé). de tous
les peuples. Le prisonnier d'Akko, après avoir admonesté sans résultat tous
les souverains de l'époque, y compris le tsar Alexandre II, écrivit que le pouvoir
a été retiré aux rois et au clergé. Les pays socialistes ont mis "vigoureusement",
cela à exécution: le tsar a été décapité, les prêtres éliminés, les églises
fermées! (Les baha'is n'approuvent nullement cette méthode).
Le plus misérable des hommes devant Dieu est celui qui s'asseoit et mendie.
Attachez-vous à la corde de l'action, exhortent les écrits persans. En U RSS,
l'oisiveté est interdite. En Somalie, au temps du "socialisme scientifique",
j'ai vu les désoeuvrés arrêtés à coup de matraque. Application plutôt radicale
du principe. Finalement, on pourrait presque avancer que les pays "socialistes"
appliquent "à la lettre" les nobles idéaux de la révolution persane. Et pourtant,
ce n'est pas une réussite. Pourquoi ?
Parce que tout est imposé par la force, négligeant l'aspect émotionnel, spirituel
de l'homme, réduisant celui-ci à la passivité d'un pion. Le citoyen du monde
communiste, en réalité, vit sous le poids d'angoisses continuelles chargeant
sa conscience, et dans la crainte d'avoir désobéi. Il est perpétuellement inquiet
devant la nécessité de démontrer qu'il n'est point un ennemi du socialisme -
tout comme au Moyen Age, on devait constamment faire preuve de fidélité à l'Eglise.
Non seulement le système scolaire, mais toute l'activité sociale et intellectuelle,
visent à encourager ce type de comportement servile. L'individu a plusieurs
plans et ne peut se contenter de vivre que matériellement. Bref, le communisme
ressemble au feu de brousse. De même que les Africains sont obligés de brûler
la forêt pour cultiver, cette doctrine ne servirait-elle pas à préparer le terrain?
Le peuple russe, qui n'a plus de religion, est un peuple triste.
Il manque aux communistes les plus sincères et les plus dévoués une qualité
essentielle que j'ai découverte chez les baha'is: la joie intérieure. Leur feu
n'est qu'extérieur, seul le feu intérieur, la foi, pourraient soulever les montagnes
de l'injustice.
Les communistes ont la haine de l'injustice, les baha'is l'amour de la justice.
Si je cite plus spécifiquement l'URSS., c'est parce que ce pays se targue d'être
à la pointe du socialisme. Beaucoup s'ébahissent devant le formidable bond qu'elle
a fait. Tous les pays européens ont progressé, L'URSS n'aurait-elle pu évoluer
sans les troubles de 1917 et les purges staliniennes? Il ne faut pas oublier
qu'au début du siècle, la Russie était déjà un des premiers pays industriels
du monde (l'occupation soviétique a fait régresser la Tchécoslovaquie dans son
rang de puissance industrielle).
Un ami communiste m'a fait un jour la remarque qu'il n'existait pas encore de
"vrai" communiste. Si, en cent cinquante ans, cette doctrine n'a pu produire
un seul vrai communiste, ne serait-il pas temps de chercher autre chose? On
sait les malheurs, les souffrances, les hontes, les déchirements qu'elle a déjà
causés. Les hommes ne sont pas faits pour le sabbat, mais le sabbat pour les
hommes. On ne peut nier que le communisme a poussé le capitalisme à réviser
sa rapacité inhumaine et à concéder des droits plus humanitaires aux salariés.
Le peuple russe croit sincèrement que les ouvriers américains sont affreusement
exploités et souhaitent devenir communistes. Les ouvriers américains, eux, abhorrent
tout ce qui dérangerait leur système. Ainsi les hommes se bercent d'illusions.
En réalité, les deux principales idéologies divisant notre planète, capitalisme
et communisme, n'offrent pas de réponse. Elles se condamnent par leur point
commun: l'une comme l'autre ne proposent que des valeurs matérielles. La possession
est devenue échelle de valeur. Les démocraties dites "populaires" (si elle le
sont autant, pourquoi l'indiquer?) n'ont qu'un but avoué: dépasser les capitalistes.
"L'homme ne vit pas que de pain". Toute civilisation matérialiste porte en elle-même
un germe de mort parce qu'elle ne fait qu'aiguiser les convoitises.
Un autre point funeste, commun à ces deux idéologies, est de vouloir standardiser
la vie (comme dans Le meilleur des mondes de Huxley), alors que nous avons plutôt
besoin d'un nouveau type de rapports sociaux libérant nos différences. C'est
pour cette raison que les hippies ont affolé la grande machine productrice américaine.
Des boulons ronds pour des trous carrés! Que voulaient-ils, sinon une âme dans
ce monde de matériel étouffant.
Alexandre Soljenitsyne, témoin oculaire de ces deux systèmes, disait à Harvard:
"Le chemin parcouru depuis la Renaissance a enrichi notre expérience, mais nous
avons perdu le Tout, le Plus Haut qui fixait autrefois une limite à nos passions
et à notre irresponsabilité. Nous avions placé trop d'espoirs dans les transformations
politico-sociales, et il s'avère qu'on nous enlève ce que nous avons de plus
précieux: notre vie intérieure. A l'Est, c'est la foire du Parti qui la foule
aux pieds, à l'Ouest, la foire du commerce. Ce qui est effrayant, ce n'est même
pas le fait du monde éclaté, c'est que les principaux morceaux soient atteints
d'une maladie analogue".
"Aujourd'hui, la force multinationale de l'économie menace à l'Ouest d'assassiner,
ou d'asservir, un pouvoir politique déjà émasculé. A l'Est, c'est l'omnipotence
de la bureaucratie politique qui étouffe toute initiative économique", ajoute
Samuel Pisar, le grand juriste international rescapé d'Auschwitz.
La solution sociale ne se trouve pas dans la lutte entre le spirituel et le
matériel, mais dans leur accord. Ni dans la politique contemporaine se condamnant
par l'importance trop grande du leader, la tendance à la division dans la société
et la défense surannée de la souveraineté nationale. Pas plus que dans les mains
des deux superpuissances qui constituent les formes les plus dangereuses du
totalitarisme. D'une part, l'impérialisme des plus riches aux exigences insatiables,
et, de l'autre, un stalinisme récurrent.
Capitalisme et "socialisme" apparaissent comme étant deux extrêmes: primauté
de l'individu sur le groupe dans la société capitaliste, primauté du groupe
sur l'individu dans la société socialiste. Deux extrêmes, deux échecs.
Qui ne connaît pas la blague circulant à Moscou: qu'est-ce que le capitalisme?
L'exploitation de l'homme par l'homme. Et le communisme? Juste le contraire.
Il n'existe pas de vie économique possible sans profits (L'ensemble des parcelles
de terre que les paysans soviétiques ont le droit de cultiver pour leur propre
profit représente 1 % de la terre cultivable mais produit 60 % des pommes de
terre consommées dans ce pays). Pour construire des usines et entreprendre de
grands travaux, une concentration d'argent est nécessaire, qu'elle soit entre
des mains privées ou publiques, particulières ou nationales. Le capital est
neutre en soi, mais ses profits doivent être contrôlés et employés à bon escient.
Il importe de limiter la richesse comme il importe de limiter la pauvreté. Les
situations extrêmes sont nuisibles. L'ajustement des conditions humaines doit
être tel que la pauvreté disparaisse, que chacun, autant que possible, reçoive
sa part de confort et de bien-être, expliquait Abdu'l-Baha à Paris précisant,
cependant, le remède doit être appliqué avec prudence.
La naissance du machinisme au début du XVIIIe siècle a crée deux nouvelles classes.
Un petit nombre concentrant l'argent, les capitalistes, et une masse de déshérites,
le prolétariat, que les premiers exploitaient honteusement. George Sand s'inquiétait
de voir "à côté de tant de richesses, tant de misère". Victor Hugo en fit une
fresque inoubliable dans son roman Les Misérables. La misère effarante des salariés
finit par faire basculer le conservateur. Lamartine dans la revolution Face
à la situation inhumaine des travailleurs, une pléiade de théoriciens proposèrent
une nouvelle organisation sociale pour améliorer le sort des salariés. Le socialisme
faisait ses premiers pas. Blanqui, Saint-Simon, Louis Blanc, Barbès, Fourier,
Cabet, Proudhon, Marx et d'autres élaborèrent des systèmes d'inspiration généreuse,
mais ne promettant hélas aux travailleurs qu'un bonheur matériel, un idéal sans
grandeur, incapable de satisfaire leurs aspirations profondes.
Dès 1830, le peuple commença à prendre conscience de sa propre force. La lutte
s'engageait. Comment la résoudre? Autorité ou anarchie ? Devait-on suivre la
tranchante devise de Blanqui, l'un des chefs de la révolution de 1848: "ni Dieu,
ni maître"?.
Nombre de ces théoriciens cherchèrent à créer une religion humaniste (comme
si la vraie religion avait un autre but!) Car, même s'ils décriaient les abus
évidents de la religion, ils sentaient le besoin de garder une motivation pour
les hommes.
On voulait une religion scientifique
Saint-Simon songe à établir la religion du travail et de l'industrie dont les
savants seraient les prêtres Auguste Comte fonde la religion positiviste, mettant
de côté le spirituel. Il meurt en 1857 déclarant toutefois: "Je me suis trompé,
on ne peut pas faire une religion avec la science".
Pour Marx, le spirituel est un phénomène secondaire par rapport au matériel.
Tous les actes des hommes, d'après lui, sont finalement détermines par des facteurs
matériels D'ou sa conclusion que ceux-ci déterminent aussi le cours de l'histoire
et que la lutte des classes en est le ressort. Nous sommes ici à l'opposé de
Baha'u'llah, pour qui l'influx spirituel apporte régulièrement par les éducateurs
universels constitue le ressort de la marche de l'humanité.
Marx, homme virulent, prêchait un évangile de haine et d'amertume. Il écrasait
de son mépris les autres radicaux qui préféraient l'amour du prochain "Qui sème
le vent, récolte la tempête". On constate le résultat. Qu'a fait la nation prenant
Marx pour son prophète (malgré lui)? Sinon remplacer le saint-synode par le
Soviet suprême, les prêtres par des commissaires du peuple et le catéchisme
par l'endoctrinement.
Il n'y a entre la religion et le totalitarisme qu'une très fine frontière que
les abus des hommes ont souvent fait franchir. Sous prétexte de ne l'avoir pas
vu, l'enseignement officiel des pays "socialistes" renie Dieu. Par contre, on
enseigne l'électricité dans les cours de science. Pourtant, personne n'a vu
l'électricité. Ce que l'on connaît, comme la lumière d'une lampe ou la chaleur
d'un four, n'en sont que les effets. Les effets de Dieu ne sont-ils pas assez
manifestes? Enfin, est-ce qu'une idéologie préconisant la "lutte" des classes
à la place de leur entente peut engendrer la "paix"? La solution des problèmes
économiques ne peut être apportée par l'organisation du capital contre le travail
ou du travail contre le capital ni par les conflits et les luttes, mais par
une ferme attitude de bonne volonté de part et d'autre. Alors, une justice réelle
et durable sera assurée. La collaboration et la consultation amicales, l'association
et une juste répartition des bénéfices préserveront certainement mieux les intérêts
du travail et du capital que ces grèves qu'il faut sans cesse recommencer.
Dans les écrits baha'is, il existe un nombre impressionnant de lois et préceptes
en vue de la création d'une société équilibrée. Plusieurs de ces lois devront
être appliquées par les gouvernements du monde, mais la solution de base des
problèmes économiques actuels repose sur l'individu. Et, aussi surprenant que
cela puisse paraître, la solution de ces problèmes économiques, si importante
pour la paix de la société, est d'abord SPIRITUELLE!
L'action dépend de la conscience, l'économie, des valeurs morales de l'humanité.
L'argent est neutre, c'est l'homme qui ne l'est pas.
Nous devons comprendre que la richesse, par elle-même, ne constitue pas une
vertu. Elle peut même devenir une chose dangereuse, une puissante barrière entre
le chercheur et l'objet de sa recherche. Le but de la vie ne peut être l'accumulation
des richesses. Parmi les enseignements de Baha'u'llah, il est même question
de partage volontaire des biens personnels avec autrui. Ce partage volontaire
dépasse l'idée d'égalité, et veut dire que l'homme ne doit pas se préférer lui-même
aux autres. Certes, cela ne devrait pas être le fait d'une contrainte au moyen
d'une loi qu'on serait obligé de suivre. Non, l'homme devrait plutôt, délibérément
et volontairement, sacrifier sa vie et ses biens pour 1es autres. Le pauvre
désirant construire une école est impuissant. Le riche pourra le réaliser. C'est
une bénédiction pour la société lorsqu'un riche ne laisse rien intervenir entre
ses possessions et l'altruisme.
Baha'u'llah préconise, non pas l'égalité des individus (contraire à l'ordre
naturel et dont l'essai infructueux de Lycurgue à Sparte a démontre l'impossibilité),
mais l'abolition des extrêmes de richesse et de pauvreté. Car la société requiert
une certaine mobilité pour fonctionner. Une armée composée uniquement de généraux
ne peut manoeuvrer!
Il invita clairement les souverains à se considérer comme les protecteurs de
leurs peuples et à consacrer leur autorité politique à la création d'une prospérité
générale. On assiste depuis lors à une profusion sans précédent de lois à caractère
social.
Les lois-principes de la révélation baha'ie font leur chemin lentement. Les
impôts s'attaquent de plus en plus aux grosses fortunes, contraignant les riches
aux Etats-Unis à créer des fondations de bienfaisance (Ford, Rockfeller, Carnegie,
etc). Bien sûr, ces fondations ne servent souvent qu'à évader l'impôt, et les
riches continuent d'avoir les moyens de détourner la loi. Mais, enfin, l'idée
est là: au Moyen Age, on ne pensait même pas à taxer les riches, on ne pressurait
que les pauvres!
D'autre part, nombre de pays ont institué un salaire minimum et créé des allocations
diverses pour aider les plus défavorisés. Quoique imparfaite, cette attitude
est symptomatique. L'abolition des extrêmes pauvreté/richesse est indéniablement
en marche partout, des idées nouvelles prennent forme, dont la source se trouve,
il semble, non pas chez Marx ou Mao, mais chez Baha'u'llah.
Pour réaliser les réformes dont la société a grand besoin, le Persan demande
à ses disciples d'éviter toute violence. Certains soutiennent que sans elle,
on ne peut rien obtenir Gandhi, Luther King, Amnesty International prouvent
le contraire. Il est certain que la violence joue un rôle, mais le juste et
le durable ne peuvent être bâtis sur ses effets. Les forces d'amour, seules,
peuvent raviver le coeur des hommes et aider l'humanité à sortir de l'ornière.
Les écrits persans viennent de 1es renouveler. La propre fille de Staline, au
milieu de la terreur fomentée par son père, dans le monde de haine et de froideur
du Kremlin, pensait: "La petite flamme du coeur brille encore". Elle donnait
ainsi la réponse à une dialectique où violence et progrès quantitatif tiennent,
seuls, lieu de vertu.