La renaissance de la civilisation
Par David Hofman


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Chapitre 1. LA RÉVÉLATION NOUVELLE

1.1. Le Bab

Le dix-neuvième siècle fut remarquable à tout point de vue. En 1815, quand s’acheva l’ère napoléonienne et que le système rigide de Metternich jugula le libéralisme en Europe, l’obscurité sembla envelopper de nouveau l’esprit humain. Mais, dans le coeur des hommes, des forces étaient à l’oeuvre qu’aucune tyrannie ne pouvait supprimer et, une par une, les nations d’Europe rejetèrent le joug qui leur avait été imposé à Vienne. La démocratie et le nationalisme triomphèrent.

L’Europe n’était pas la seule partie du monde à prendre conscience de ces forces nouvelles. L’Amérique, reculant toujours ses frontières vers l’Ouest, marchait vers la grande convulsion qui devait régler ses deux problèmes principaux : celui de l’unité politique et celui de l’unité raciale, ce dernier du moins en principe. L’impérialisme se frayait un chemin à travers l’Afrique. Le Japon commençait à adopter les méthodes occidentales et à s’ériger en grande puissance. Même en Russie et en Chine, les anciens régimes étaient déjà remis en question, avant que le tourbillon des transformations ne les emporte.

Ces événements étaient les signes visibles de deux grandes révolutions qui se produisaient simultanément. À l’Ouest, la révolution industrielle changeait les modes de vie, les relations humaines et les conditions sociales. À l’Est naissait une révolution d’un genre tout à fait différent : une révolution spirituelle. Toutes deux étaient destinées à s’étendre à la terre entière et, en agissant l’une sur l’autre, à ouvrir les portes d’une ère nouvelle pour l’humanité.

À la fin du siècle, le Moyen-Orient tombait en décadence. La brillante civilisation de I’Islam, son ordre social, ses arts et ses sciences s’étaient évanouis. C’était l’ignorance, le manque d’hygiène et la paresse, renforcés par le fanatisme, qui avaient cours. Et la Perse (aujourd’hui l’Iran) touchait le fond de l’abîme. Son peuple gémissait, opprimé par le clergé et l’État dont l’avide cruauté ne lui laissait que le strict minimum en matière de moyens d’existence. La corruption, la dépravation et l’avidité se voyaient partout, et la nation entière se trouvait plongée dans l’apathie et dans la superstition. Les préjugés religieux étaient empreints d’un tel fanatisme qu’un musulman dont les vêtements frôlaient ceux d’un chrétien ou d’un juif se croyait souillé. Les membres du clergé assuraient leur domination en maintenant le peuple dans l’ignorance et dans la crainte. La cour du shah menait une vie de faste et les ministres d’État s’occupaient de frivolités tandis que le peuple gémissait sous un fardeau de plus en plus écrasant.

C’est dans ce pays d’ignorance et de ténèbres que la révolution spirituelle vit le jour.

À cette époque, dans le monde chrétien, bien des gens, encouragés par les Églises [1], attendaient le retour du Christ. L’islam, divisé comme la chrétienté en deux groupes principaux – celui des sunnites et celui des chiites – attendait deux messagers. Beaucoup de chrétiens s’étonneront peut-être d’apprendre qu’un de ces deux goupes musulmans attendait le retour de Jésus.
Grâce à la connaissance approfondie et au dévouement de deux savants, Shaykh Ahmad et Siyyid Kazim, un petit groupe de personnes avaient été préparées à chercher et à reconnaître le promis quand il déclarerait sa mission prophétique. Elles croyaient son avènement proche et, à la mort de Kazim, un de ses disciples, Mulla Husayn, partit à sa recherche. Ce dernier raconte qu’il se sentit attiré vers la ville de Shiraz «comme par un aimant» et qu’un soir, comme il approchait des portes de la ville, un jeune homme inconnu le salua. Ce jeune homme au visage souriant, qui portait un turban vert, s’adressa à Mulla Husayn comme à un ami d’enfance.

Mulla Husayn rapporte ainsi cette aventure et les événements qui la suivirent:

« Le jeune homme qui me rencontra en dehors de la ville de Shiraz me combla de marques d’affection et de bonté. Il m’invita chaleureusement à me rendre chez lui et à m’y rafraîchir après les fatigues du voyage. Je demandai à être excusé, déclarant que mes deux compagnons avaient déjà pris des arrangements en vue de mon séjour dans cette ville, et qu’ils attendaient à présent mon retour. “ Confiez-les aux bons soins de Dieu ! répondit-il ; Il les protégera et veillera certainement sur eux.” Ayant prononcé ces mots, il me pria de le suivre. La façon douce et pourtant irrésistible dont ce jeune homme étrange me parlait m’impressionna profondément. Tandis que je le suivais, son allure, le charme de sa voix et la dignité de son comportement contribuaient à confirmer mes premières impressions sur cette rencontre inattendue. […]

En entrant dans la maison et en suivant mon hôte vers sa chambre, un sentiment de joie inexprimable envahit mon être. Dès que nous fûmes assis, il fit apporter une aiguière pleine d’eau et me pria de me laver les mains et les pieds souillés par la poussière du voyage. Je demandai la permission de me retirer et d’accomplir mes ablutions dans une chambre adjacente. Il refusa d’accéder à ma requête et se mit à me verser de l’eau. Ensuite il me donna à boire un breuvage rafraîchissant, après quoi il fit apporter le samovar et prépara lui-même le thé qu’il m’offrit.

Comblé de ses faveurs et par son extrême gentillesse, je me levai pour partir. “L’heure de la prière du soir approche”, me hasardai-je à observer. “J’ai promis à mes amis de les rejoindre à cette heure-là à la mosquée d’Ilkhani.” Avec un calme et une courtoisie extrêmes, il répondit : “Vous avez certainement subordonné l’heure de votre retour à la volonté et au plaisir de Dieu. Il semble que sa volonté en ait décrété autrement. Vous n’avez pas à craindre d’avoir rompu votre promesse.” Sa dignité et son assurance me réduisirent au silence. Je renouvelai mes ablutions et me préparai à la prière. Lui aussi resta debout près de moi et pria. Pendant que je priais, je soulageai mon âme très oppressée aussi bien par le mystère de cette entrevue que par les tracas et les efforts de ma recherche. Je murmurai cette invocation :“Je me suis efforcé de toute mon âme, ô mon Dieu, de trouver le messager promis et, jusqu’à présent, j’ai échoué dans ma tâche. Je témoigne que ta parole ne faillit point et que ta promesse est sûre.”

Cette nuit, cette mémorable nuit, était la veille [du vingt-trois mai 1844]. Ce fut environ une heure environ après le coucher du soleil que mon jeune hôte commença à converser avec moi : “Qui, après Siyyid Kazim, me demanda-t-il, considérez-vous comme son successeur et votre chef?” “À l’heure de son décès, répondis-je, notre regretté maître nous exhorta avec insistance à abandonner nos maisons, à nous disperser au loin, à la recherche du Bien-Aimé promis. J’ai, par conséquent, voyagé en Perse ; je me suis levé pour accomplir son voeu et suis encore engagé dans ma recherche.” “Votre maître, poursuivit-il, vous a-t-il donné des indications détaillées quant aux caractères distinctifs du Promis ?” “Oui, répondis-je. Il est de pure lignée ; il est de descendance illustre, et de la lignée de Fatimih. Quant à son âge, il se situe entre vingt et trente ans. Il est doté d’un savoir inné. Il est de taille moyenne, s’abstient de l’usage du tabac et est dépourvu d’imperfections physiques.” Il attendit un moment puis, d’une voix vibrante, déclara : “Voyez, tous ces signes sont manifestes en moi! ” [2] »

Cette déclaration bouleversa Mulla Husayn. Toute la nuit, il resta assis aux pieds du Bab, ému par la puissance et par le charme de ses paroles, pendant que celui-ci lui donnait des preuves de sa haute destinée. À l’aube, avant son départ, son hôte lui adressa ces paroles :  «Ô toi qui es le premier à croire en moi ! En vérité je le dis, je suis le Bab, la Porte de Dieu, et tu es le Babu’l-Bab, la porte de cette Porte. Dix-huit âmes doivent d’abord, spontanément et de leur plein gré, m’accepter et reconnaître la vérité de ma Révélation [3]

À peine quelques jours après la déclaration du Bab, dix-sept personnes l’avaient reconnu spontanément. Celles-ci, dont Tahirih, héroïne et poétesse qui l’accepta sans même l’avoir rencontré, furent appelées les «Lettres du Vivant». Ce furent ses premiers disciples, et la tâche de percer l’obscurité spirituelle de leur pays leur fut confiée.

Le message du Bab annonçait le début d’une nouvelle période de l’histoire qui verrait la réalisation de la fraternité humaine dans un nouvel ordre mondial. Ce grand jour viendrait grâce à l’influence d’un prophète que le Bab appela «Celui que Dieu rendra manifeste», et qu’il avait pour mission d’annoncer. Il affirma que cet avènement était très proche. Il ordonna aux Lettres du Vivant de répandre ce message dans tout le pays et de préparer les habitants au grand événement, et il leur déclara qu’ils seraient persécutés et martyrisés. Il leur fit ses adieux en disant :

«Ô Mes amis bien-aimés! Vous portez en ce jour le nom du Seigneur [...] Il appartient à chacun de vous de manifester les attributs de Dieu et de démontrer par vos actes et par vos paroles les signes de sa justice et de sa gloire. Même les membres de votre corps doivent témoigner de la noblesse de vos intentions, de l’intégrité de votre vie, de la réalité de votre foi et du caractère élevé de votre dévotion [...] Méditez ces paroles que Jésus adressa à ses disciples en les envoyant de par le monde propager la cause de Dieu. Il leur enjoignit de se lever et d’accomplir leur mission en leur disant: “Vous êtes comme le feu allumé dans les ténèbres de la nuit au sommet de la montagne. Que votre lumière resplendisse aux yeux des hommes ! La pureté de votre vie et le degré de votre renoncement doivent être tels que, en vous voyant, les peuples de la terre reconnaissent leur Père céleste et se rapprochent de Lui, qui est la Source de la pureté et de la grâce [...] Vous êtes le sel de la terre, mais si le sel a perdu sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on?

Ô mes lettres [...] Vous êtes les témoins de l’aurore du Jour promis par Dieu [...] Purifiez vos coeurs des désirs terrestres et que les vertus angéliques soient votre parure [...] Les jours où l’adoration passive était jugée suffisante sont passés. L’heure est venue où seuls les motifs les plus désintéressés, appuyés par des actes sans tache, peuvent s’élever jusqu’au trône du Très-Haut et trouver grâce auprès de Lui. Je vous prépare pour la venue d’un grand jour. Déployez tous vos efforts afin que, dans le monde à venir, moi qui vous instruis aujourd’hui, je puisse, devant le trône de miséricorde divine, me réjouir de vos actes et me glorifier de vos exploits. Nul ne connaît encore le secret du jour qui doit venir. Il ne peut être divulgué et nul ne peut s’en faire une idée. L’enfant nouveau-né de ce jour sera plus avancé que les hommes les plus sages et les plus vénérables de notre temps. Le plus humble, le plus ignorant de cette époque-là surpassera en connaissance les théologiens les plus érudits et les plus accomplis de nos jours. Dispersez-vous en tous sens à travers ce pays et, d’un pied ferme, d’un coeur sanctifié, préparez la voie pour sa venue. Ne contemplez pas votre faiblesse et votre fragilité ! Fixez votre regard sur le pouvoir invincible du Seigneur, votre Dieu tout-puissant!

N’est-ce pas grâce à Lui que jadis Abraham, si faible en apparence, a triomphé des forces de Nemrod? À Moïse, qui n’avait d’autre arme que son bâton, Dieu n’a-t-il pas assuré la victoire sur Pharaon et ses armées ? Et bien que Jésus fût humble et pauvre aux yeux des hommes, Dieu n’a-t-il pas voulu qu’il triomphât des forces conjurées du peuple juif ? N’a-t-il pas assujetti les tribus barbares et turbulentes de l’Arabie à la sainte et transformante discipline de Muhammad son prophète?

Levez-vous en son nom, mettez toute votre confiance en Lui et soyez assurés de l’ultime victoire [4]

Les Lettres du Vivant remplirent leur mission et moururent en martyrs. En seulement six ans, l’Iran fut galvanisé par le nouveau message, et la question sur toutes les lèvres était de savoir si l’on se déclarerait babi ou non. Le clergé vit que l’émancipation spirituelle du peuple menaçait son autorité et ses privilèges. Animé par une haine féroce, il entreprit d’exterminer le Bab et ses disciples. Les babis, privés de leur chef emprisonné et ne comprenant pas complètement l’esprit de la nouvelle révélation, prirent les armes pour se défendre. Par tous les moyens, l’État s’efforça de les détruire.

Une période d’incroyable chaos s’ensuivit. Le Bab devint le centre d’une tempête plus violente que celle qui s’était élevée autour du fondateur du christianisme. Bien des historiens parlent des persécutions terribles que subirent les disciples du Bab, des hauts faits qu’il inspira, de son éclat et de son charme irrésistibles. Nous nous contenterons de n’en citer qu’un seul, Lord Curzon : «Des récits d’un magnifique héroïsme illuminent les pages entachées de sang de l’histoire babie [...] les feux de Smithfield n’ont pu allumer un courage plus noble que celui qu’ont rencontré et défié les plus raffinés des bourreaux de Tihran [5]

Dans l’espace de quelques années, vingt mille personnes, hommes, femmes et enfants, furent martyrisées avec une horrible cruauté. Après six ans de ministère pendant lesquels il fut soumis à l’emprisonnement et à d’autres formes de persécution, le Bab lui-même fut condamné à mort et fusillé à Tabriz. Les autorités espéraient que la disparition du chef du mouvement mettrait fin à l’hérésie, mais nulle opposition ne pouvait éteindre la lumière qui brillait dans les coeurs. Le peuple vivait dans la terreur. Bien que le Bab ait été martyrisé, les babis venaient encore par milliers arroser de leur sang la semence de cette ère qu’ils avaient le privilège d’annoncer.

Qui étaient-ils donc, ces méprisables hérétiques qui osaient accepter un nouveau prophète, après Muhammad, et défier la puissance du clergé ? Qu’on les extermine ! La persécution fut si impitoyable et si complète qu’elle sembla atteindre son but. Finalement, il ne resta plus qu’une seule personne influente dont l’autorité morale et les qualités de chef pouvaient encore soutenir les babis meurtris et dispersés. Il s’appelait Mirza Husayn ‘Ali et prit plus tard le nom de Baha’u’llah. Les forces de l’opposition le condamnèrent à la prison et à la bastonnade ; ensuite, on l’envoya en exil à Baghdad, au-delà des frontières de la Perse. Sa famille et quelques amis purent l’accompagner.

Les disciples du Bab étaient abattus et épuisés, privés de leurs ressources et des conseils de leur chef, constamment en danger de mort. Leur sacrifice avait-il été inutile ? Cette lueur n’avait-elle été qu’un fugitif météore dans le ciel de la Perse ou présageait-elle, pour l’humanité, le véritable lever du soleil ? L’avenir seul le dirait.


1.2. Baha'u'llah

Mirza Husayn ‘Ali naquit à Tihran le 12 novembre 1817. Son père, qui appartenait à la noblesse, possédait de grandes richesses et occupait une importante fonction ministérielle à la cour du shah. Ce poste fut offert à Mirza Husayn ‘Ali à la mort de son père, mais il le refusa. Il s’intéressait à d’autres choses.

«Ce jeune homme, issu d’une famille noble, faisait preuve d’une passion indomptable pour la justice. Selon lui, une association humaine ne pouvait se vanter d’avoir une base solide que si la justice lui servait de fondement et de structure. Mirza Husayn ‘Ali abandonna la cour pour se vouer au service des opprimés et des affligés. Jamais il n’hésita à soutenir la cause des pauvres et des faibles qui s’adressaient à lui pour demander secours et protection. Il ne refusa jamais d’aider quiconque le méritait. Ainsi s’écoula sa jeunesse jusqu’à ce que ses vertus fassent de lui un havre et un refuge, qu’elles lui valent l’estime de ses contemporains et convainquent le messager du Bab qu’il était le glorieux personnage à qui était destinée la lettre qu’il portait[6]

Mulla Husayn, le porteur de ce message, put dire à son maître, le Bab, que Mirza Husayn ‘Ali avait reconnu sur-le-champ la vérité du message qu’il portait. «Ainsi, à l’âge de vingt-sept ans, ce fils de ministre, qui s’était détourné de la cour et de ses vanités, ce brillant homme de la noblesse […] dont le savoir, l’éloquence et l’amabilité étaient exemplaires, se rangea du côté d’une renaissance religieuse qui devait soulever la haine des classes dirigeantes du royaume [7]. »

Le Bab ne rencontra jamais son noble allié, mais il savait qu’un jour, Mirza Husayn ‘Ali remplirait sa promesse, apparaissant comme «Celui que Dieu rendra manifeste», offrant unité et conseils à un monde livré bientôt à l’angoisse du bouleversement le plus grandiose de son histoire. Ce fut le Bab qui lui donna le nom de «Baha’u’llah», «la Gloire de Dieu», et c’est à lui que le Bab légua ses sceaux, sa plume et ses écrits.

Baha’u’llah apporta à la cause du Bab tout le poids de son prestige. Il avait trop d’influence pour que ses actions passent inaperçues et, à plusieurs reprises, il défia le clergé de démontrer la fausseté du message du Bab. Mais les prêtres n’étaient pas à la hauteur de cette tâche, et ils eurent recours aux méthodes dont se servent généralement ceux qui s’opposent à la vérité.

Lorsqu’il apprit que Mulla Husayn et trois cents de ses compagnons avaient cherché refuge dans un sanctuaire abandonné et qu’une expédition avait été envoyée contre eux, Baha’u’llah se mit en route pour aller partager leur sort. En cours de route, il fut arrêté et conduit à Amul. La foule, excitée par le clergé, était avide de sang. Pour l’apaiser, le gouverneur de la ville décida d’infliger quelque châtiment aux compagnons de Baha’u’llah. Celui-ci s’offrit lui-même comme victime et fut soumis à la bastonnade.

Le 9 juillet 1850, le Bab, ce doux et radieux jeune homme, fut exécuté. Les babis furent pourchassés et mis à mort. Le seul défenseur qui leur restait était Baha’u’llah, le seul chez qui ils pouvaient trouver l’appui moral et spirituel dont ils avaient besoin.

Mais un incident se produisit bientôt qui fournit au clergé et aux fonctionnaires du gouvernement le prétexte qu’ils cherchaient. Deux jeunes gens, égarés par leur désespoir, résolurent de venger leurs amis martyrisés. Ils attentèrent à la vie du shah. Mais leur état mental était tel qu’ils chargèrent leurs pistolets de balles de calibre trop faible pour tuer un homme. Ils furent rapidement condamnés, mais cela ne suffit pas à la foule qui voyait dans cet attentat la preuve qu’une menace mortelle pesait sur l’État. Ce fut le début d’une terrible vague de persécutions.

À cette époque, Baha’u’llah vivait à la campagne, près de la capitale. Refusant de céder à ses amis qui voulaient qu’il se cache, il résolut d’aller voir le shah. Mais il fut arrêté et conduit devant un tribunal qui reconnut son innocence. Néanmoins, il dut aller à pied jusqu’à Tihran, où il fut jeté dans un immonde cachot souterrain peuplé de voleurs et de meurtriers. À propos de cette épreuve, il écrivit: «La plume est impuissante à décrire cet endroit, et aucune langue ne peut définir sa répugnante odeur. La plupart de ces hommes n’avaient ni vêtements ni literie pour s’étendre. Dieu seul sait ce qui nous est arrivé dans ce lieu, le plus lugubre et le plus nauséabond qui soit [8]

Ce fut dans cette prison que Baha’u’llah, chargé de chaînes, reçut les premières indications de la nature de sa mission. Il décrit comment il décida qu’il lutterait de toutes ses forces, une fois sa liberté reconquise, pour la régénération de la communauté babie : «Une nuit, en rêve, ces paroles exaltantes se firent entendre de tous côtés: “En vérité, Nous te rendrons victorieux par toi-même et par ta plume. Ne t’afflige pas à cause de ce qui t’est arrivé et ne sois pas effrayé, car tu es en sécurité. Bientôt, Dieu fera paraître les trésors de la terre : des hommes qui t’aideront par toi-même et par ton nom, avec lesquels Dieu a ranimé les coeurs de ceux qui l’ont reconnu.” [9]»

Mais le moment n’était pas encore propice pour que Baha’u’llah annonce ouvertement sa mission. À sa sortie de prison, il fut dépouillé de tous ses biens et envoyé en exil, avec sa famille et quelques amis, au-delà des frontières de sa terre natale. Ses ennemis espéraient que le voyage vers Baghdad, que Baha’u’llah entreprit en plein hiver sur une route qui traversait un pays désolé et montagneux, le mènerait à la mort et le plongerait dans l’oubli. Mais nul ne pouvait savoir ce qui lui avait été révélé dans la prison.

Une fois remis des fatigues du voyage, Baha’u’llah entreprit de ranimer et de réunifier les babis, dont un certain nombre s’étaient rassemblés à Baghdad. Son demi-frère, Mirza Yahya, s’opposa à lui et prétendit être le successeur du Bab. Ne voulant pas être une cause de désaccord dans une communauté déjà affaiblie, Baha’u’llah quitta Baghdad pour aller dans les montagnes de Sulaymaniyyih, où il se prépara pendant deux ans à la tâche qui l’attendait, comme s’étaient préparés avant lui Jésus dans le désert, Bouddha dans la forêt indienne et Muhammad dans les collines sauvages de l’Arabie. Baha'u'llah raconte que, souvent sans nourriture et sans abri, il vécut cependant dans un bonheur parfait : «[…] je ne désirais qu’une seule chose, ne pas être l’objet des discussions des croyants, la cause de la révolte des disciples et la raison des souffrances ou des tristesses de qui que ce fût. C’était là mon unique pensée, malgré tout ce qu’on a pu dire ou croire [10]

Cependant, même dans cette région lointaine et déserte, sa renommée commençait à s’étendre. On racontait qu’il s’y trouvait un homme d’une sagesse et d’une bonté sans pareilles et, peu à peu, cette rumeur se répandit jusqu’à Baghdad.

Les babis, privés de ses conseils et de son autorité, étaient divisés et découragés. À peine eurent-ils entendu parler du sage de Sulaymaniyyih qu’ils reconnurent en lui leur conseiller et ami perdu. Ils dépêchèrent aussitôt des représentants chargés de le trouver et de le supplier de revenir. Baha’u’llah répondit à leur appel.

Il revint à Baghdad en 1856 et ramena l’ordre et la joie dans la communauté babie. Après les épreuves que les babis avaient supportées sans lui, ils étaient heureux de reconnaître son autorité. Mirza Yahya, victime de sa propre vanité, complotait encore contre lui, mais les babis avaient appris à reconnaître leur véritable guide, et c’est Baha’u’llah qui protégea son ennemi des conséquences de ses intrigues.

La foi babie fut ainsi renouvelée et revivifiée. Plusieurs de ceux qui se convertirent par la suite provenaient d’autres sectes que celle de l’islam chiite d’où, jusque-là, étaient venus la plupart des croyants.

Pendant son séjour à Baghdad, Baha’u’llah écrivit trois de ses principaux ouvrages, dont le Livre de la certitude qui offre une explication claire des écrits du judaïsme, du christianisme et de l’islam. C’est une réponse à ceux qui se moquent des religions révélées à cause des nombreuses déclarations mystérieuses qu’ils trouvent dans leurs textes sacrés. C’est un défi pour les agnostiques. C’est une révélation pour ceux qui ne considèrent que l’interprétation littérale des paroles des prophètes. Ce livre raconte l’histoire de la révélation progressive et expose l’unité mystique des grandes religions du monde.

Les Sept vallées, écrit à la demande d’un chef soufi, décrit le voyage que fait l’homme pour aller vers Dieu. Comme le titre l’indique, il traite des différentes étapes de ce voyage. La première étape est la « vallée de la Recherche », où le chercheur «séjournera sur chaque terre et habitera dans tout pays, cherchant sur chaque visage la beauté de l’Ami et s’enquérant partout du Bien-Aimé. Se joignant à toute assemblée, il cherche la compagnie de toute âme, espérant y trouver par bonheur le secret de l’Ami, ou découvrir sur sa face la beauté de l’Aimé [11]».

Cette situation apparaît clairement dans le monde d’aujourd’hui et elle est semblable à celle des premiers siècles du christianisme, au cours desquels une quantité de cultes mystérieux et de croyances nouvelles, répondant à l’un ou l’autre des besoins spirituels de l’époque, furent finalement absorbés par la révélation de Jésus, qui fut la seule à répondre à tous ces besoins.

De nos jours, la tendance est à l’affirmation de soi, au développement de l’ego au-delà de saines limites, et de nombreux mouvements chrétiens et non chrétiens ont prospéré en laissant le champ libre à cet épanouissement. Mais la Septième vallée est «celle où l’homme mourra en lui-même et vivra en Dieu ; il sera pauvre en soi et riche par le désiré [12]».

Pendant ses promenades sur les bords du Tigre, Baha’u’llah méditait sur la proximité de Dieu par rapport à l’homme et sur l’éloignement de l’homme par rapport à Dieu, et sur la vérité qui est au fondement de toutes les religions. Il écrivit Les paroles cachées, un livre que même les Persans, héritiers d’une si riche littérature, tiennent pour un chef-d’oeuvre de beauté.

«Ô fils de l’esprit! Brise ta cage et, comme le phénix d’amour, envole-toi au firmament de sainteté. Oublie ton moi et, empli par l’esprit de clémence, demeure au royaume de la sainteté divine [13]

«Ô vous, les rebelles! Mon indulgence vous a enhardis et mon endurance vous a rendus négligents à tel point que, éperonnant le fougueux coursier de la passion, vous l’avez dirigé vers les voies dangereuses qui mènent à la destruction. M’avez-vous cru négligent ou bien dans l’ignorance? [14]»

La renommée de Baha’u’llah commençait à se répandre, et nombreux furent ceux qui vinrent chercher auprès de lui une solution à leurs problèmes difficiles et des conseils spirituels. Mais la jalousie et la méchanceté des membres du clergé chiite furent attisées de nouveau, et ils se réunirent afin d’envisager des moyens efficaces pour saper l’influence croissante de Baha’u’llah. L’un d’entre eux fut chargé de lui rendre visite et d’exiger de lui des preuves convaincantes de la mission du Bab. À son retour, il avoua n’avoir trouvé que vérité et droiture en Baha’u’llah et lança aux autres un véritable défi de la part de Baha’u’llah. Ce dernier promettait de leur donner toute preuve qu’ils puissent souhaiter, à condition qu’ils reconnaissent ensuite son autorité. Ils refusèrent son offre et prièrent le shah d’entrer en rapport avec le sultan de Turquie afin d’éloigner encore davantage Baha’u’llah de la frontière persane. Au bout d’un certain temps, Baha’u’llah reçut l’ordre de reprendre le chemin de l’exil, cette fois vers Constantinople.

Les babis éplorés se réunirent pour faire leurs adieux à leur conseiller bien-aimé. C’est ce moment que choisit Baha'u'llah, dans les jardins de Ridvan, près de Baghdad, pour affirmer qu’il était celui dont le Bab avait promis la venue, «Celui que Dieu rendra manifeste». C’était le 21 avril 1863.

Les babis accueillirent cette déclaration avec joie et vénération. Leur tristesse s’évanouit, et leurs épreuves et leurs souffrances se muèrent en triomphe : leur vision avait trouvé sa justification. «Celui que Dieu rendra manifeste» était enfin apparu et une ère nouvelle allait être établie. À partir de ce jour, la foi du Bab devint la foi baha’ie, et ses disciples s’appelèrent «baha’is».

Après avoir passé quatre mois à Constantinople, Baha’u’llah fut exilé à Andrinople. Là, il proclama publiquement sa mission et annonça que sa révélation était celle annoncée par le Bab. C’est à Andrinople qu’il écrivit quelques-unes de ses fameuses Lettres aux souverains. Dans ces manuscrits, il met l’accent sur les principes de la justice et trace les grandes lignes d’un plan de sécurité collective [15]. À Andrinople, il dut faire face à nouveau à la haine de Mirza Yahya qui essaya d’abord de l’empoisonner et ensuite de le faire assassiner.

En 1868, Baha’u’llah et ses compagnons furent exilés encore plus loin, cette fois en Terre sainte. Suivant la volonté de leurs ennemis, ils se rendirent à ‘Akka, au pied du mont Carmel, et accomplirent de ce fait les prophéties de la Bible et du Qur’an. Ils y demeurèrent quelques années dans des conditions de vie épouvantables. Plus tard, les mesures se relâchèrent quelque peu et Baha’u’llah put aller vivre à Bahji, près d’‘Akka. C’est à Bahji que Baha’u’llah reçut Edward Granville Browne, un professeur au Pembroke College, à Cambridge. La description que donne Browne de Baha'u'llah est la seule qu’ait écrite un Occidental.

«Le visage de celui que je contemplai, je ne saurais l’oublier et pourtant je ne puis le décrire. Ses yeux perçants semblaient pénétrer jusqu’au tréfonds de l’âme; de larges sourcils soulignaient la puissance et l’autorité, tandis que les rides profondes du front et du visage paraissaient indiquer un âge que démentaient les cheveux et la barbe d’un noir de jais, d’une luxuriance étonnante et atteignant presque la taille. Il eût été superflu de demander en présence de qui je me trouvais. Je m’inclinai devant celui qui fait l’objet d’une vénération et d’un amour que les rois lui envieraient et auxquels les empereurs aspireraient en vain !

Une voix douce, pleine de courtoisie et de dignité me pria de m’asseoir et continua: “Loué soit Dieu de ce que tu sois parvenu au but. Tu es venu voir un prisonnier et un exilé [...] Nous ne désirons que le bien du monde et le bonheur des nations; cependant on nous soupçonne d’être un élément de désordre et de sédition, digne de la captivité et du bannissement [...] Que toutes les nations deviennent une dans la foi et que tous les hommes soient frères; que les liens d’affection et d’unité entre les enfants des hommes soient fortifiés; que la diversité des religions cesse et que les différences de races soient annulées... quel mal y a-t-il à cela? Cela sera, malgré tout; ces luttes stériles, ces guerres ruineuses passeront et la plus grande Paix viendra [...] N’avez-vous pas besoin de cela en Europe aussi? N’est-ce pas cela que le Christ a prédit? Cependant nous voyons les souverains et les chefs d’État gaspiller plus volontiers leurs trésors en moyens de destruction de la race humaine qu’en ce qui conduirait l’humanité au bonheur. Ces luttes, ces massacres, ces discordes doivent cesser et tous les hommes doivent former une seule famille [...] Que l’homme ne se glorifie pas d’aimer son pays, mais plutôt d’aimer le genre humain.”

Voilà, telles que je me les rappelle, quelques-unes des paroles que Baha’u’llah m’adressa. Que ceux qui les lisent se demandent sérieusement si un homme qui professe de telles doctrines mérite la mort et les chaînes et si le monde doit gagner ou perdre à leur diffusion [16]

Baha’u’llah quitta ce monde en mai 1892. L’humanité, profondément ébranlée par des forces qu’elle ne peut ni contrôler ni expliquer, peut encore trouver en lui la paix promise, l’assurance et le pouvoir de reconstruire la société qui doivent caractériser le royaume de Dieu sur la terre.


1.3. ‘Abdu'l-Baha

Le 23 mai 1844 fut un jour mémorable dans l’histoire du monde.

Ce jour-là, dans la cité orientale de Shiraz, le Bab, l’étoile du matin du jour nouveau, annonça sa mission.

Ce même jour, dans le monde occidental, le premier message télégraphique fut transmis de Baltimore à Washington. Les mots «Quelle oeuvre divine!» se lisaient sur le télégramme.

C’est aussi le 23 mai 1844 que naquit ‘Abdu'l-Baha, que plusieurs, ne considérant que la perfection de sa vie empreinte de simplicité, comparaient à Jésus [17]. ‘Abdu'l-Baha n’était pas le messie, mais il n’était pas non plus simplement un vieil homme venu d’Orient.

Que dire de lui ? Il ne suffit pas de dire qu’il était le fils aîné de Baha’u’llah, le Centre de son alliance, l’exemple vivant de ses enseignements.

Doux et sage, plein d’humour et de justice, celui qu’on appelait le «père des pauvres», soignait les malades, consolait les opprimés et était reconnu par tous comme le «Maître».

De l’âge de huit ans jusqu’à sa soixante-huitième année, il dut supporter la persécution et l’oppression. Il passa quarante années de sa vie en prison. Ses tribulations commencèrent lorsque, en 1852, Baha’u’llah fut jeté dans la sombre prison de Tihran. Il accompagna le petit groupe d’exilés dans tous ses voyages et, lorsqu’il entra dans la grande prison d’‘Akka, il avait vingt-quatre ans. Il ne devait la quitter que quarante ans plus tard, lorsque les forces responsables de la persécution des baha’is et des calomnies dont on avait accablé Baha’u’llah et son fils furent renversées.

Libéré en 1908[18], il entreprit un voyage dans le monde occidental où il devait annoncer le début de l’ère nouvelle. Il visita l’Égypte, les pays d’Europe et enfin l’Amérique [19]. Il se rendit deux fois en Angleterre, en 1911 et en 1913, et les journaux de cette époque prouvent que ses visites ne passèrent pas inaperçues.

Il choisit lui-même le nom d’‘Abdu'l-Baha – «Serviteur de Baha» –, et sa vie, consacrée au service de la race humaine, démontra ce qu’est la vraie religion.

En exil et en prison, il fut pour son père un compagnon fidèle et un fils dévoué. Cet amour filial était sans limite, mais il ne l’empêchait pas de témoigner aux autres une attention et un dévouement constants; au contraire, c’était la source de son amour pour tous. Ainsi, lorsque peu de temps après l’arrivée des exilés à la prison d’‘Akka, la dysenterie se déclara, ce fut ‘Abdu’l-Baha qui se chargea de nourrir et de soigner les malades jusqu’à ce qu’il soit lui-même frappé par la maladie. Il suivait l’exemple de Jésus, vivant parmi le peuple, ne pensant jamais à lui-même mais toujours aux autres.

Pendant la guerre de 1914-1918, grâce aux provisions qu’il avait eu la sagesse de faire, il put nourrir le peuple sans ressources de la Palestine, sauver une partie du blé que les Turcs voulaient détruire et nourrir l’armée du général Allenby, lorsqu’elle conquit finalement la Terre sainte.

Le commandant des forces turques avait menacé de crucifier ‘Abdu’l-Baha sur le mont Carmel, mais la prompte intervention du gouvernement britannique empêcha l’exécution de cette menace. Grâce à l’action rapide de Lady Blomfield, personnage éminent de la communauté baha’ie anglaise, le ministre de la Guerre télégraphia au général Allenby : «Veuillez assurer la protection complète d’‘Abdu’l-Baha, de sa famille et de ses amis lors de l’avance britannique sur Haïfa [20] Quelques jours plus tard, la réponse d’Allenby annonça: «La Palestine prise aujourd’hui. Avertissez le monde qu’‘Abdu’l-Baha est en sécurité [21] On peut trouver dans le livre de Lady Blomfield, The Chosen Highway, une description détaillée de cet incident et les lettres qu’écrivirent à ce sujet les fonctionnaires du gouvernement britannique.

‘Abdu’l-Baha désirait le bonheur de tous et il était lui-même plus que quiconque une source de joie. Il se rendait immédiatement compte des besoins et de l’état d’âme de chacun et savait y répondre. En sa présence, les préjugés et les différends s’évanouissaient, et l’unité seule demeurait. Juifs, chrétiens, musulmans, hindous, Orientaux et Occidentaux, jeunes et vieux, riches et pauvres, sans égard à la couleur de la peau, tous s’unissaient sous l’influence de son esprit universel. Il ne s’arrêtait pas aux apparences, et le fait qu’une personne appartienne à telle Église ou à telle communauté ne constituait pas pour lui une barrière. Il ne considérait que l’effort fait par chacun pour vaincre son ego et pour se rapprocher de la perfection divine.

«La lumière est bonne, quelle que soit la lampe qui la donne», disait-il. Dans le registre des visiteurs d’une prison où il s’est rendu, il a écrit: «La pire des prisons est la prison du moi.»

Au cours de ses voyages en Occident, il s’adressa à toutes sortes de groupes, de clubs et d’Églises, encourageant chacun à poursuivre ses efforts pour faire avancer l’humanité, insistant toujours sur l’unité du genre humain. Il n’admettait aucune distinction entre les religions, les couleurs de la peau, les nations ou les classes. Le coeur humain était pour lui le sanctuaire de Dieu, et les circonstances extérieures lui importaient peu.

Malgré ses soixante années d’exil et d’emprison­nement, malgré le fait qu’il n’avait reçu comme éducation que l’influence de son père et qu’il n’avait lu que les livres sacrés, tels que la Bible et le Qu’ran, il s’entretenait aisément avec des savants, des économistes, des gens d’affaires et des professeurs, répondant à leurs questions et faisant preuve d’une science que l’instruction formelle n’aurait pu lui donner.

Certains voulaient le combler de cadeaux, mais il n’acceptait que les fleurs et les fruits qu’il distribuait aux amis réunis autour de lui. Il refusait l’argent et les objets de valeur, car il ne s’intéressait qu’au coeur humain.

Dans le testament de Baha’u’llah, ‘Abdu’l-Baha a été désigné comme l’interprète unique des Écrits, et ses paroles font autorité comme celles de Baha’u’llah. ‘Abdu’l-Baha a expliqué et développé les enseignements de son père. Ses causeries, consignées par écrit, ainsi que ses lettres constituent une partie importante des textes baha’is.

Il mourut en 1921, laissant un testament qui jetait les bases de la future structure administrative de la Foi – que Baha’u’llah avait déjà esquissée – dont on reconnaît le caractère unique, et qui a permis à l’unité de cette foi de résister à toutes les épreuves et à toute opposition : la foi baha’ie n’est pas divisée en sectes et elle n’a ni clergé, ni rite, ni credo.

Au contraire, sous la direction du Gardien, Shoghi Effendi, et de la Maison Universelle de Justice, la foi baha'ie s’est développée, réussissant à enrôler, partout dans le monde, des gens de toutes races, de toutes classes et de divers milieux religieux, qui sont parvenus, malgré les persécutions, à instaurer son ordre administratif sur une base universelle.


Notes

[1] Voir Townsend, George, La promesse de tous les âges, Bruxelles, Maison d'éditions baha'ies, 1971, p. 38-39.
[2] Nabil, La chronique de Nabil, Bruxelles, Maisons d’éditions baha'ies, 1986, p. 50-54.
[3] Nabil, La chronique de Nabil, p. 60.
[4] Le Bab, Épître du Bab aux dix-huit Lettres du Vivant, Bruxelles, Maison d’éditions baha'ies, 1972.
[5] Curzon, George N., Persia and the Persian Question, Londres, Longmans, Green and Co., 1892 [traduction].
[6] Balyuzi, H. M., Baha'u'llah, Londres, George Ronald, 1972, p. 10-11 [traduction].
[7] Balyuzi, H. M., Baha'u'llah, 1972, p.11 [traduction].
[8] Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, Bruxelles, Maison d’éditions baha'ies, 1976, p. 69.
[9] Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, p. 96.
[10] Baha'u'llah, Le livre de la certitude, Paris, Presses universitaires de France, 1987, p. 120.
[11] Baha'u'llah, Les sept vallées et Les quatre vallées, Bruxelles, Maison d’éditions baha'ies, 1982, p. 22.
[12] Baha'u'llah, Les sept vallées et Les quatre vallées, 1982, p. 48.
[13] Baha'u'llah, Les paroles cachées, Bruxelles, Maison d’éditions baha'ies, 1977, p. 35, # 38.
[14] Baha'u'llah, Les paroles cachées, p. 43-44, # 65.
[15] Parmi les destinataires figuraient le shah, le grand vizir de la Turquie, le tsar, la reine Victoria, l’empereur d’Allemagne, Napoléon III, le pape Pie IX et les présidents des républiques d’Amérique.
[16] Esslemont, J. E., Baha'u'llah et l’ère nouvelle, Bruxelles, Maison d’éditions baha'ies, 1972, p. 52-53.
[17] Voir les divers comptes rendus des visites d’‘Abdu'l-Baha en Occident.
[18] Au moment de la révolution des « Jeunes-Turcs ».
[19] ‘Abdu'l-Baha visita plusieurs villes américaines. Au Canada, il séjourna à Montréal (Québec) en 1912.
[20]Lady Blomfield, The Chosen Highway, Wilmette, Baha'i Publishing Trust, 1967, p. 219 [traduction].
[21] Lady Blomfield, The Chosen Highway, p. 220 [traduction].

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