Abdu'l-Baha à Londres
Allocutions et notes de conversations


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2. Notes de conversations

2.1. L'ARRIVÉE A LONDRES


Le soir de son arrivée à Londres, le lundi 4 septembre 1911, 'Abdu'l-Baha déclara: "Le ciel a béni ce jour. Il était dit que Londres serait un lieu de grande proclamation pour la Foi. J'étais fatigué quand je suis monté à bord du bateau à vapeur, mais quand j'arrivai à Londres et que je contemplai les visages des amis, la fatigue me quitta. Votre grand amour me rafraîchit. Je suis très heureux avec les amis anglais.

Le sentiment qui existait entre l'Est et l'Ouest est en train de changer à la lumière de l'enseignement de Baha'u'llah. Il était de coutume lorsqu'un occidental buvait dans la coupe d'un oriental que la coupe soit considérée comme souillée et soit brisée. Maintenant quand un baha'i occidental dîne avec un baha'i oriental les couverts et les assiettes utilisés sont conservés et révérés en sa mémoire". 'Abdu'l-Baha donna cet exemple historique d'amour fraternel merveilleux:

"Un jour des soldats vinrent dans la maison d'un baha'i et munis d'un mandat d'arrêt exigèrent que l'un des invités soit livré pour être exécuté. L'hôte prit la place de son invité et mourut."


2.2. LONDRES

"L'attraction de votre amour m'a conduit jusqu'à ce pays. Mon espoir est que la lumière divine puisse briller ici, et que l'Etoile céleste de Baha'u'llah puisse vous fortifier, afin que vous soyez la cause de l'unicité de l'humanité, que vous aidiez à faire disparaître l'obscurité créée par la superstition et les préjugés et que vous unissiez toutes les croyances et toutes les nations.

C'est un siècle éclatant. Les yeux sont maintenant ouverts à la beauté de l'unicité de l'humanité, de l'amour et de la fraternité. L'obscurité de la répression disparaîtra et la lumière de l'unité brillera. Nous ne pouvons apporter l'amour et l'unité simplement en parlant. La connaissance n'est pas suffisante. La richesse, la science, l'éducation sont de bonnes choses, nous le savons: mais nous devons aussi travailler et étudier pour porter à maturité le fruit de la connaissance.

La connaissance est le premier pas; la décision le second pas; l'action, c'est-à-dire l'accomplissement, est le troisième pas. Pour construire un bâtiment on doit avant toute chose dresser un plan, ensuite on doit avoir les moyens (l'argent) et enfin on peut construire. Qu'une association pour l'unité se forme c'est bien, mais les réunions et les discussions ne sont pas suffisantes. En Egypte ces réunions ont lieu mais il n'y a que des paroles et point de résultat. Ces réunions à Londres sont bonnes, la connaissance et l'intention sont bonnes, mais comment peut-il y avoir un résultat sans action? Aujourd'hui, la force qui conduit à l'unité est l'esprit saint de Baha'u'llah. Il manifesta cet esprit d'unité. Baha'u'llah permet de rassembler l'Est et l'Ouest. Revenez en arrière, recherchez dans l'histoire, vous ne trouverez point de précédent."


2.3. LES DIFFÉRENDS

"Dieu a créé le monde d'un seul tenant, les frontières ont été tracées par l'homme. Dieu n'a pas divisé la terre, mais chaque homme possède sa maison et sa prairie; les chevaux et les chiens ne divisent pas les champs en plusieurs parties. C'est pour cela que Baha'u'llah dit: 'Que l'homme ne se fasse pas gloire d'aimer son pays, mais qu'il se glorifie plutôt d'aimer ses semblables' (16). Tous sont d'une seule famille, d'une seule race; tous sont des êtres humains. Les différends concernant le partage de la terre ne devraient pas être cause de division parmi les hommes.

Une des grandes raisons de division est la couleur. Regardez comme ce préjugé est puissant en Amérique, par exemple. Voyez comme ils se haïssent! Les animaux ne se querellent pas à cause de leur couleur! Il est sûr que l'homme qui a un rang tellement plus élevé dans la création, ne devrait pas s'abaisser en dessous des animaux. Pensez à ceci. Quelle ignorance! Les colombes blanches ne se querellent pas avec les colombes bleues à cause de leur couleur, mais les hommes blancs se battent contre les hommes de couleur. Ce préjugé racial est le pire de tous.

L'Ancien Testament dit que Dieu a créé l'homme à Son image; dans le Coran il est dit: 'Il n'y a aucune différence dans la création de Dieu!'. Pensez bien, Dieu les a tous créés; Il prend soin de tous, et tous sont sous sa protection. La politique de Dieu est meilleure que la nôtre. Nous ne sommes pas aussi sages que Dieu!"


2.4. LA RELIGION

"Pour la plupart des hommes qui n'ont pas entendu le message de cet enseignement la religion apparaît comme une forme extérieure, un semblant, un simple sceau de respectabilité. Certains prêtres exercent ce saint ministère uniquement pour gagner leur vie. Ils ne croient pas eux-mêmes dans la religion qu'ils font semblant d'enseigner. Est-ce que ces hommes donneraient leur vie pour leur foi? Demandez à un tel chrétien de renier le Christ dans le but de sauver sa vie et il le fera.

Demandez à un baha'i de renier n'importe lequel des grands Prophètes, de renier sa foi ou de renier Moïse, Muhammad ou le Christ, et il répondra 'plutôt mourir'. Ainsi un baha'i d'origine musulmane est un meilleur chrétien que bon nombre de soi-disant chrétiens.

Un baha'i ne renie aucune religion; il accepte la vérité dans chacune, et mourrait pour la défendre. Il aime tous les hommes comme ses frères, quelles que soient leur classe, race, nationalité, croyance ou couleur, qu'ils soient bons ou mauvais, riches ou pauvres, beaux ou laids. Il ne commet aucune violence; s'il est frappé, il ne rend pas le coup. Il ne parle pas en mal, suivant l'exemple du Seigneur Baha'u'llah. Pour se garder de toute intempérance il ne boit ni vin ni spiritueux. Baha'u'llah a dit que ce n'est pas bon pour un homme sain de prendre ce qui détruira sa santé et son jugement.

La religion de Dieu a deux aspects dans ce monde. L'aspect spirituel (le réel) et l'aspect formel (l'apparent). Le côté formel change de même que l'homme change d'âge en âge. Le côté spirituel qui est la vérité, ne change jamais. Les Prophètes et les Manifestations de Dieu apportent toujours le même enseignement; au début les hommes s'accrochent à la vérité mais après un certain temps ils la défigurent. La vérité est dénaturée par les formes extérieures conçues par l'homme et les lois matérielles. Le voile de la matière et de l'attachement aux biens de ce monde cache la réalité de la vérité.

Baha'u'llah délivre le même Message aux hommes que celui apporté par Moïse et Jésus.

A chaque fois que Dieu nous envoie une grande Manifestation, il nous est donné une nouvelle vie, mais la vérité que chaque Manifestation apporte est la même. La vérité ne change jamais, mais c'est la vision de l'homme qui change. Elle est ternie et rendue confuse par la complexité des formes extérieures.

La vérité est facile à comprendre bien que les formes extérieures à travers lesquelles elle est exprimée désorientent l'intelligence. Au fur et à mesure que les hommes grandissent ils découvrent la futilité des formes qu'ils ont inventées et ils les méprisent. Ainsi beaucoup quittent les églises, parce que souvent ces dernières mettent uniquement l'accent sur la forme extérieure."


2.5. DISCOURS A UNE ASSEMBLÉE DE THÉOSOPHES

Londres, septembre 1911

"Ces jours sont merveilleux! Nous voyons un invité oriental reçu avec amour et courtoisie en Occident. J'ai été attiré ici, malgré la fatigue, par le magnétisme de votre amour et de votre sympathie.

Quelques années plus tôt, un Ambassadeur avait été envoyé de Perse à Londres où il resta cinq ans. (Il s'appelait 'Abdu'l Hasan Khan). Quand il revint en Perse on lui demanda de raconter comment étaient les Anglais. Il répondit: 'Je ne connais pas les Anglais, je n'ai rencontré que des gens de la Cour pendant les années où j'étais à Londres'. Cet homme était un grand homme en Perse, et qui avait été envoyé par les princes en Angleterre et cependant il ne connaissait pas les Anglais, bien qu'il avait vécu parmi eux pendant cinq ans. Aujourd'hui, moi qui fus longtemps prisonnier, je viens en Angleterre pour la première fois, et bien que ma visite soit si courte, j'ai déjà rencontré beaucoup d'amis bien chers, et je peux dire que je connais ces gens. Ceux que j'ai rencontrés sont vraiment des âmes travaillant pour la paix et l'unité. Pensez à la différence qu'il y a entre l'époque dans laquelle nous vivons maintenant, et celle d'il y a septante ans! Pensez au progrès! Le progrès vers l'unité et la paix.

C'est la volonté de Dieu que les différends entre les nations disparaissent. Ceux qui aident la cause de l'unité sont en train de faire le travail de Dieu. L'unité est le bienfait de Dieu pour ce siècle lumineux. Louange soit à Dieu, il y a aujourd'hui beaucoup d'associations et de réunions en faveur de l'unité. L'inimitié n'est plus autant cause de séparation que ce qu'elle était; maintenant la cause de la désunion est principalement le préjugé. Par exemple, jadis quand les Européens visitaient l'Orient, ils étaient considérés comme impurs et étaient haïs. Maintenant c'est différent: quand des gens de l'Ouest rendent visite à ceux qui à l'Est qui sont des disciples de la nouvelle lumière (17), ils sont reçus avec amour et courtoisie."

"Le véritable baha'i," déclara 'Abdu'l-Baha qui tenait un petit enfant contre lui, "aime les enfants car Jésus a dit qu'ils sont du Royaume des cieux. Un coeur simple et pur est proche de Dieu; un enfant n'a aucune ambition matérielle".


2.6. LES PRÉJUGES

Le Congrès Universel sur les Races fut une bonne chose, car il avait pour objectif la promotion et le progrès de l'unité parmi les nations et une meilleure compréhension internationale. L'objectif était bon. Les causes de conflits entre différentes nations sont toujours dues à l'une des catégories suivantes de préjugés: raciaux, linguistiques, théologiques, personnels, et des préjugés de coutume et de tradition. Cela requiert une force active universelle pour surmonter ces différences. Une petite maladie nécessite un petit remède, mais une maladie qui pénètre entièrement le corps nécessite un remède très fort. Une petite lampe peut éclairer une chambre, une plus grande pourrait éclairer une maison, une plus grande encore pourrait briller sur toute une ville, mais il faut le soleil pour éclairer le monde entier.

Les différences de langues sont cause de désunion entre les nations. Il faut une langue universelle. La diversité de croyances est aussi une cause de division. Le véritable fondement de toutes les croyances doit être établi, les différences externes abolies. Il faut une unicité de foi. Mettre un terme à toutes ces différences est une tâche très dure. Le monde entier est malade, et nécessite le pouvoir du grand Guérisseur.

Ces réunions nous enseignent que l'unité est bonne et que la répression (l'esclavage sous le joug de la tradition et du préjugé) est une cause de désunion. Savoir cela n'est pas suffisant. Toutes les connaissances sont bonnes, mais elles ne peuvent porter de fruits sans action. Il est bien de savoir que les richesses sont bonnes, mais cette connaissance ne rendra pas l'homme riche; il doit travailler, il doit mettre son savoir en pratique. Nous espérons que les hommes ont appris et compris que l'unité est bonne, et nous espérons aussi qu'ils ne se contenteront pas de le savoir. Ne dites pas seulement que l'unité, l'amour et la fraternité sont bons; vous devez travailler à leur réalisation.

Le Tsar de Russie suggéra d'organiser la Conférence sur la Paix de la Haye (18) et proposa de réduire l'armement de toutes les nations. A cette Conférence il fut prouvé que la Paix était bénéfique pour tous les pays, et que la guerre détruisait le commerce, etc. Les propos du Tsar étaient admirables; pourtant, après la Conférence, il fut le premier à déclarer la guerre (contre le Japon (19)).

La connaissance n'est pas suffisante; par amour de Dieu nous espérons la mettre en pratique. Une force spirituelle universelle est nécessaire pour cela. Les réunions sont bonnes pour engendrer une force spirituelle. Il est bon de savoir qu'il est possible d'atteindre un état de perfection; mais marcher de l'avant sur ce sentier est mieux. Nous savons qu'il est bon d'aider les pauvres et d'être miséricordieux et que cela plaît à Dieu, mais la connaissance en elle-même ne nourrit pas l'homme affamé, et le pauvre ne peut être réchauffé par la connaissance ou les belles paroles lors d'un hiver rigoureux; nous devons apporter une aide concrète empreinte de tendre bonté."

Et que dire du Congrès sur la Paix?

"Cela ressemble à un groupe d'ivrognes rassemblés pour protester contre la consommation d'alcool. Ils disent que boire est horrible et ils quittent la salle sur le champ pour aller boire de nouveau."


2.7. LA THÉOSOPHIE

Quand on demanda à 'Abdu'l-Baha s'il reconnaissait le bien que la société théosophique avait fait, il répondit:

"Je le reconnais; j'en pense beaucoup de bien. Je sais que leur désir est de servir l'humanité. J'ai remercié cette noble association au nom de tous les baha'is et personnellement. J'espère que par l'aide de Dieu ces amis réussiront à apporter l'amour et l'unité. C'est un grand travail et cela nécessite l'effort de tous les serviteurs de Dieu."


2.8. LA PAIX

"Durant les six mille dernières années, les nations se sont haïes, il est maintenant temps d'y mettre fin. La guerre doit cesser. Soyons unis, aimons-nous les uns les autres et attendons le résultat. Nous savons que les effets de la guerre sont mauvais. Essayons donc la paix, en guise d'expérience, et si les résultats de la paix sont mauvais, alors nous pourrons toujours voir s'il est préférable de revenir au vieil état de guerre! Faisons-en de toute façon l'expérience. Si nous voyons que l'unité apporte la lumière, nous continuerons. Pendant six mille ans nous avons marché à gauche du sentier; essayons de marcher à droite maintenant. Nous avons vécu de nombreux siècles dans l'obscurité, avançons vers la lumière."

Question - (on fit remarquer que la théosophie enseigne que la vérité est la même dans toutes les religions) Est-ce que la tâche consistant à unifier toutes les religions recueille la sympathie de 'Abdu'l-Baha?

Réponse - "Certainement."

Question - 'Abdu'l-Baha peut-il suggérer les grandes lignes qu'il serait bon de suivre?

Réponse - "La recherche de la vérité. Chercher les réalités dans toutes les religions. Mettre de côté toutes les superstitions. Beaucoup d'entre nous ne comprennent pas la réalité de toutes les religions."


2.9. LES MANIFESTATIONS DIVINES

Question - Quel est l'enseignement de 'Abdu'l-Baha concernant les différentes Manifestations divines?

Réponse - "La réalité de toutes est unique. La vérité est une. Les religions sont comme les branches d'un seul arbre. Une branche est haute, une autre est basse et une encore est au centre, cependant toutes tirent leur vie de la même souche. Une branche porte abondamment des fruits et d'autres sont moins chargées. Tous les Prophètes sont des lumières, ils diffèrent seulement en degré; ils brillent comme des corps célestes étincelants, chacun a son lieu déterminé et son temps d'ascension. Certains sont comme des lampes, d'autres comme la lune, d'autres encore comme des étoiles éloignées, et quelques-uns sont comme le soleil, brillant d'une extrémité à l'autre de la terre. Tous ont la même lumière à transmettre, cependant ils sont différents en degré."


2.10. LE BOUDDHISME

Quelques personnes firent référence à l'enseignement de Bouddha. 'Abdu'l-Baha dit: "Le véritable enseignement de Bouddha est le même que l'enseignement de Jésus-Christ. Les enseignements de tous les Prophètes sont identiques dans leur essence. De nos jours, les hommes ont altéré l'enseignement. Si vous regardez la pratique actuelle de la religion bouddhiste, vous verrez qu'il reste très peu de sa vérité d'origine. Beaucoup adorent des idoles bien que leur enseignement l'interdise.

Bouddha avait des disciples, et il désirait les envoyer à travers le monde pour enseigner, donc leur leur posa des questions pour voir s'ils étaient préparés pour tout ce qu'il attendait d'eux. 'Quand vous irez à l'Est et à l'Ouest et que les gens vous fermeront leur porte et refuseront de parler avec vous, que ferez-vous?' demanda Bouddha. Les disciples répondirent: 'Nous serons très reconnaissants qu'ils ne nous fassent pas de mal'. 'Et s'ils vous font du mal et se moquent de vous, que ferez-vous?' - 'Nous serons très reconnaissants qu'ils ne nous infligent pas un traitement encore pis'. - 'S'ils vous jettent en prison?' - 'Nous serons reconnaissants qu'ils ne nous tuent pas'. - 'Et s'ils en venaient à vous tuer?' demanda le maître pour la dernière fois. 'Nous serons encore reconnaissants car ils auront fait de nous des martyrs. Quel destin plus glorieux y a-t-il que de mourir pour la gloire de Dieu?' répondirent les disciples. Et Bouddha dit: 'C'est bien!'.

L'enseignement de Bouddha était comme un jeune et bel enfant, et maintenant il est devenu comme un homme vieux et décrépit. Comme le vieil homme il ne peut pas voir, il ne peut pas entendre, il ne peut pas se souvenir. Pourquoi revenir si loin en arrière? Considérez les lois de l'Ancien Testament: les juifs ne suivent pas l'exemple de Moïse et n'observent pas ses commandements. Ainsi en est-il pour beaucoup d'autres religions."

Comment pouvons-nous avoir la capacité de suivre le droit chemin?

"C'est en mettant l'enseignement en pratique que ce pouvoir nous sera donné. Vous connaissez le chemin à suivre: vous ne pouvez pas vous tromper, car il y a une grande différence entre Dieu et le mal, entre la lumière et l'obscurité, la vérité et l'erreur, l'amour et la haine, la générosité et l'avarice, l'éducation et l'ignorance, la foi en Dieu et la superstition, les lois bonnes et les lois injustes."


2.11. LA FOI

Comment peut-on développer sa foi?

"Vous devez faire des efforts. Un enfant ne sait rien, c'est en apprenant qu'il acquiert la connaissance. Recherchez la vérité.

Il y a trois catégories de foi. Premièrement, celle qui découle de la tradition et de la naissance. Par exemple: un enfant né de parents musulmans est un musulman. Cette foi traditionnelle est faible. Deuxièmement, celle qui découle de la connaissance, c'est-à-dire la foi de la compréhension. C'est une bonne foi, mais il y en a une meilleure, la foi de la pratique: c'est la vraie foi.

Nous entendons parler d'une invention, nous pensons qu'elle est bonne et nous venons pour la voir. Nous entendons parler de richesse, nous la voyons; nous travaillons durement pour l'acquérir, cela nous rend riches et ainsi nous aidons les autres. Nous connaissons la lumière, nous la voyons, nous nous en approchons, elle nous réchauffe, et nous en réfléchissons les rayons sur les autres; c'est la vraie foi, et ainsi nous recevons le pouvoir de devenir les enfants éternels de Dieu."


2.12. LA GUÉRISON

'Abdu'l-Baha dit: "La maladie est de deux sortes: physique ou spirituelle.

Prenez par exemple une coupure à la main; si vous priez pour que la main soit guérie sans juguler le saignement, vous ne ferez pas grand chose de bon; un remède matériel est nécessaire.

Quelquefois quand le système nerveux est paralysé par la peur, un remède spirituel est nécessaire. La folie, incurable par d'autres moyens, peut être soignée grâce à la prière. Il arrive souvent que le chagrin rende quelqu'un malade, il peut alors être soigné par des moyens spirituels."


2.13. LES OEUVRES PHILANTHROPIQUES

Quelqu'un demanda si la 'Humanitarian Society' était une bonne chose. "Oui, toutes les associations, toutes les organisations, travaillant pour l'amélioration de la condition humaine sont bonnes, très bonnes. Tous ceux qui travaillent pour leurs frères et soeurs ont la bénédiction de Baha'u'llah. Ils réussiront certainement."

'Abdu'l-Baha dit: "Cela me rend heureux de voir tous les croyants de Londres. Vous venez tous de races et de croyances différentes, et vous voici membres d'une seule famille. L'enseignement de Baha'u'llah vous enjoint à être fraternels les uns envers les autres."


2.14. LA CONNAISSANCE DE DIEU ET DES MONDES DE L'AU-DELÀ PAR L'HOMME

"L'Essence de Dieu est incompréhensible pour l'homme, il en est de même des mondes de l'au-delà et de leur condition. Il est donné à l'homme d'acquérir la connaissance, d'atteindre à une grande perfection spirituelle, de découvrir les vérités cachées, et même de manifester les attributs de Dieu; mais pourtant l'homme ne peut pas comprendre l'Essence de Dieu. Quand le cercle toujours grandissant de la connaissance humaine rencontre le monde spirituel alors une Manifestation de Dieu est envoyée pour réfléchir sa Splendeur."


2.15. LES MANIFESTATIONS DIVINES

La Manifestation divine est-elle Dieu?

"Oui, et cependant pas en essence. Une Manifestation divine est comme un miroir réfléchissant la lumière du soleil. La lumière est la même et pourtant le miroir n'est pas le soleil. Toutes les Manifestations de Dieu apportent la même lumière; elles diffèrent seulement en degré, mais pas dans leur réalité intrinsèque. La vérité est une. La lumière est la même quoique les lampes soient différentes; nous devons regarder la lumière, pas la lampe. Si nous acceptons la lumière d'une lampe, nous devons accepter la lumière de toutes les lampes; toutes s'accordent, parce qu'elles sont toutes la même lumière. L'enseignement est toujours le même, ce sont seulement les formes extérieures qui changent.

Les Manifestations de Dieu sont comme des corps célestes. Toutes ont leur lieu déterminé et leur temps d'ascension, mais la lumière qu'elles donnent est la même. Si quelqu'un souhaite chercher le soleil levant, il ne regarde pas toujours vers le même point parce que ce point change avec les saisons. Quand quelqu'un voit le soleil monter plus loin vers le nord il le reconnaît, quoiqu'il se soit levé en un point différent."


2.16. NOTES D'UNE CONVERSATION AVEC 'ABDU'L-BAHA

Un homme de couleur, originaire d'Afrique du Sud, qui rendait visite à 'Abdu'l-Baha dit que même maintenant aucun blanc ne se souciait vraiment des noirs.

'Abdu'l-Baha répondit: "Comparez le temps présent et les sentiments d'aujourd'hui à l'égard des gens de couleur avec ce qu'il en était il y a deux ou trois cent ans, et voyez combien cela est mieux à l'heure actuelle. En peu de temps, les relations entre les gens de couleur et les blancs se développeront davantage, et peu à peu on ne sentira plus de différence entre eux. Il y a des colombes blanches et des pigeons pourpres, mais tous deux appartiennent au genre pigeon.

Une fois Baha'u'llah compara les gens de couleur à la pupille noire de l'oeil entourée de blanc. Dans cette pupille noire dit-il, vous voyez le reflet de ce qui se trouve devant elle et à travers elle brille la lumière de l'Esprit.

Aux yeux de Dieu la couleur ne fait aucune différence: Il regarde le coeur des hommes. Ce que Dieu veut des hommes c'est le coeur. Un homme noir avec un bon caractère est de loin supérieur à un homme blanc qui a un moins bon caractère."


2.17. LES IDEAUX DE L'EST ET DE L'OUEST

L'un des organisateurs du Congrès sur les Races qualifia d'occidentaux les idéaux de Baha'u'llah en disant qu'ils se différenciaient de ceux des anciens Prophètes qui étaient empreints d'idées et de civilisation d'Orient. Puis il demanda si Baha'u'llah avait fait une étude spéciale des écrits de l'Occident, et avait fondé ses enseignements en accord avec ceux-ci.

'Abdu'l-Baha rit de bon coeur, et dit que les livres de Baha'u'llah, écrits et publiés soixante ans auparavant, contenaient les idéaux qui étaient maintenant devenus familiers pour l'Occident, mais qu'à leur époque, ils n'avaient pas été publiés ou pensés en Occident. Et il poursuivit: "Supposons qu'un penseur occidental d'avant-garde soit venu rendre visite à Baha'u'llah pour L'enseigner, serait-il possible que le nom d'un tel grand homme et le fait de sa visite ne soient ni connus ni répertoriés. Non! En des jours anciens, au temps du Bouddha et de Zoroastre, les civilisations d'Asie et de l'Est étaient beaucoup plus développées que celle de l'Ouest et les idées et les pensées des orientaux étaient beaucoup plus avancées, et plus proches des pensées de Dieu que celles des occidentaux. Mais depuis ce temps, les superstitions se sont glissées dans la religion et les idéaux de l'Est, et en raison de nombreuses causes variées, les idéaux et les caractères des orientaux ont décliné de plus en plus pendant que les occidentaux continuaient à lutter sans cesse pour marcher vers la lumière. En conséquence, en ces jours, la civilisation de l'Ouest a beaucoup plus évolué que celle de l'Est, et les idées et pensées des occidentaux sont beaucoup plus proches de la pensée de Dieu que celles des orientaux. C'est ainsi que les idéaux de Baha'u'llah ont été plus rapidement réalisés en Occident".

'Abdu'l-Baha montra de plus comment Baha'u'llah avait exactement décrit dans l'un de ses livres ce qui depuis a été mis en place sous la forme d'un Conseil International d'Arbitrage. 'Abdu'l-Baha expliqua que certaines de ses fonctions décrites par Baha'u'llah n'ont pas encore été réalisées. Il se proposa donc de nous les décrire afin que lorsqu'elles seraient définies, ce qui doit se produire dans un futur proche, nous sachions qu'elles avaient été prophétisées par Baha'u'llah.

"La guerre a été la plus grande calamité qui puisse s'abattre sur les nations, car les gens occupés habituellement dans l'agriculture, l'artisanat, le commerce ou dans d'autres métiers manuels, ont été arrachés de leurs diverses occupations et transformés en soldats. Il en résulta de grands gaspillages et de lourdes pertes outre la destruction et le carnage de la guerre.

Baha'u'llah a dit que la Cour Internationale serait chargée de régler les conflits qui s'élèveraient de temps en temps entre les nations, de définir les frontières exactes des différents pays, et de décider quel nombre de soldats et quelle quantité d'armes devraient être maintenus par chaque nation en proportion de sa population, dans le but de préserver l'ordre intérieur. Par exemple, un pays pourrait avoir dix mille soldats, un autre vingt mille, un autre quinze mille, et ainsi de suite, en proportion de la grandeur et de la population de chaque nation. De plus, si un peuple se rebellait contre la décision de la Cour et la rejetait, la Cour donnerait aux autres le pouvoir de réunir leurs forces et de faire appliquer sa décision, si nécessaire, par une action conjointe.

Jusqu'à présent, nous n'avons vu se réaliser aucune de ces choses mais nous le verrons dans le futur."


2.18. LA SCIENCE ET LA FOI

Un homme distingué posa alors une question qu'il considérait de la plus haute importance pour un mouvement religieux aspirant à être universel: quelle position, s'il y en a une, Baha'u'llah donnait-il dans ses enseignements aux idées modernes et aux conceptions de la science. Toute la structure de la civilisation moderne est fondée sur les résultats et les connaissances obtenus à la suite de laborieuses et patientes observations de faits recueillis par les hommes de science; dans certains cas après des centaines d'années de recherches approfondies. Afin de rendre plus clair le sens de sa pensée, il donna l'exemple de l'éthique et des enseignements moraux des philosophes chinois: il ne pouvait concevoir rien de mieux. Cependant, ces enseignements avaient très peu d'effet en dehors de la Chine, pour la simple raison, jugea-t-il, qu'ils n'étaient pas fondés dans leurs principes sur les enseignements de la science.

'Abdu'l-Baha répondit qu'une très grande importance était donnée à la science et à la connaissance dans les Ecrits de Baha'u'llah où il est précisé qu'un homme qui éduquait les enfants des pauvres qui n'en avaient pas les moyens, était considéré aux yeux de Dieu comme s'il avait éduqué le Fils de Dieu.

Si une religion rejetait la science et la connaissance, cette religion était fausse. La science et la religion devaient aller de pair; elles devaient être en réalité comme les doigts d'une seule main.

Baha'u'llah avait donné également une grande importance dans Ses Ecrits à l'Art, et à la pratique de professions qualifiées. Il avait affirmé que la pratique d'un art ou d'un métier dans un véritable esprit de service était identique à l'adoration de Dieu.

Ensuite, un homme distingué concerné par le travail dans une institution demanda quels étaient les meilleurs moyens pour élever et éduquer les plus démunis, ignorants et avilis: est-ce que leur éducation se ferait graduellement par l'illumination de l'Esprit, ou y avait-il des méthodes spéciales qui pourraient être utilisées à cette fin?

'Abdu'l-Baha répondit que la meilleure façon était de leur donner des enseignements spirituels et de les édifier. Il fit remarquer qu'il fallait montrer la plus grande amabilité et le plus grand amour envers les gens au coeur étroit, rempli de préjugés, afin d'élargir leur perspective et de leur faire écouter un enseignement plus tolérant. L'exemple de notre vie portait encore plus que les mots.


2.19. LES RELATIONS AVEC DES PERSONNES DÉCÉDÉES

On posa la question de savoir s'il était possible d'établir une communication avec les morts, et s'il était sage ou recommandable d'assister à des séances de tables tournantes ou de s'engager dans le spiritisme, etc.

Le Maître dit qu'il s'agit de choses matérielles, provenant du corps. Ce qui est nécessaire, c'est de s'élever au-dessus du matériel vers les royaumes du purement spirituel. Les tables tournantes et autres activités du même type sont matérielles avec un résultat physique et non spirituel.

Mais il est possible de communiquer avec les morts à travers la condition du coeur et du caractère.


2.20. LES SUPERSTITIONS SONT-ELLES UTILES?

Une dame voulut savoir si certaines superstitions pouvaient être bonnes pour les gens ignorants, qui, sans elles, n'auraient peut-être aucune conviction.

'Abdu'l-Baha répondit que les superstitions étaient de deux ordres: celles qui étaient nuisibles et dangereuses, et celles qui étaient inoffensives et qui produisaient quelques bons effets.

Par exemple, il y avait de pauvres gens qui croyaient que les malheurs et les châtiments venaient d'un grand ange qui, une épée à la main, frappait ceux qui volaient et commettaient des meurtres ou des délits.

Ils pensaient que les éclairs étaient les armes de cet ange et que les gens qui avaient fait du mal étaient frappés par l'éclair. Cette conviction les freinait dans leurs mauvaises actions.

Les Chinois avaient pour superstition de brûler certains morceaux de papier pour éloigner les démons. Parfois, ils brûlaient ces papiers à bord de bateaux pendant leur voyage, afin d'éloigner les démons, mais en faisant cela ils mettaient le feu aux bateaux et provoquaient la perte de nombreuses vies. C'était un type de superstition dangereuse et nuisible.


2.21. LA VIE APRÈS LA MORT

Madame S. posa quelques questions au sujet des conditions de l'existence dans l'au-delà et de la vie après la mort; elle dit qu'ayant perdu récemment un parent très proche, elle y avait beaucoup réfléchi. Beaucoup pensaient que la réunion avec ceux qu'on avait aimés, et qui étaient passés dans l'autre monde, se ferait au bout d'une longue période. Elle souhaitait savoir si, immédiatement après la mort, on rejoindrait ceux qui étaient partis avant nous.

'Abdu'l-Baha répondit que cela dépendrait des rangs respectifs de ces personnes. Si toutes avaient le même degré de développement, elles seraient réunies immédiatement après la mort. Ensuite cette dame demanda comment cet état de développement pouvait être acquis? 'Abdu'l-Baha répondit que c'était par un incessant effort, en s'appliquant à bien faire et à acquérir des qualités spirituelles.

L'intervenante fit remarquer que les opinions différaient concernant les conditions de la vie future. Quelques-uns pensaient que tous auraient exactement les mêmes perfections et vertus, que tous seraient égaux et semblables.

'Abdu'l-Baha dit que, comme dans ce monde, il y aurait une variété et des degrés différents de réalisation.

Une autre question fut posée: 'Comment serait-il possible sans corps ni environnement matériels de reconnaître différentes entités et caractères, alors que tous seront dans les mêmes conditions et sur le même plan d'existence?'

'Abdu'l-Baha dit que si plusieurs personnes regardent dans un miroir au même moment, elles peuvent s'y contempler avec leurs caractéristiques et leurs mouvements, quoiqu'elles se regardent toutes dans la glace d'un même miroir. Dans votre esprit vous avez de multiples pensées, mais toutes sont uniques et distinctes. Vous avez peut-être également des centaines d'amis; mais quand vous vous les remémorez vous ne les confondez pas les uns avec les autres: chacun est unique et distinct, ayant sa propre individualité et ses propres caractéristiques.

Répondant à un autre intervenant, il dit que lorsque deux personnes, un époux et une épouse par exemple, ont été complètement unis dans leur vie, leurs âmes étant comme une seule âme, alors après le décès de l'un d'eux, cette union du coeur et de l'âme demeurera sans faille.


2.22. LA RELATION SPIRITUELLE

Dans la soirée du 28 septembre 1911, 'Abdu'l-Baha était en compagnie de nombreux invités.

Il dit que toutes les personnes présentes étaient comme des soeurs. Les relations du corps peuvent cesser; deux soeurs peuvent être inamicales l'une envers l'autre, mais la relation spirituelle est éternelle, et apporte l'amour réciproque et le service mutuel.

"Soyez toujours aimables envers chacun et un refuge pour ceux qui sont sans abri.

Soyez des filles pour ceux qui sont plus âgés que vous.

Soyez des soeurs pour ceux qui ont votre âge.

Soyez des mères pour ceux qui sont plus jeunes que vous.

Soyez des infirmières pour les malades, des trésors pour les pauvres, et donnez la nourriture céleste aux affamés."

Un docteur persan de Qazvin dit que si l'Est et l'Ouest étaient devenus tellement unis c'était une grande oeuvre de Dieu et que nous devrions toujours rendre grâce à Dieu que la Cause baha'ie ait produit une si grande harmonie et une si grande unité entre nous. Le résultat de cette visite de 'Abdu'l-Baha à l'Ouest sera très grand.


2.23. UN MARIAGE BAHA'I

Une note bien orientale fut donnée vers la fin de la visite de 'Abdu'l-Baha à Londres, avec le mariage d'un jeune couple persan qui avait souhaité sa présence à la cérémonie. La mariée était arrivée de Baghdad accompagnée de son oncle pour rejoindre ici son fiancé et célébrer le mariage avant le départ de 'Abdu'l-Baha. Le père et le grand-père de la mariée avaient été des disciples de Baha'u'llah à l'époque de son bannissement.

Nous hésitons à modifier la description de la cérémonie faite par le marié et nous la publions donc avec ses propres mots, à la fois simples et beaux. Cela nous permettra de montrer un aspect non encore abordé ailleurs, et sans lequel aucun aperçu sur la venue de 'Abdu'l-Baha ne serait complet. Nous voulons parler de l'attitude de déférence que les orientaux venus voir 'Abdu'l-Baha témoignèrent à l'égard de leur grand maître. Ils sont invariablement debout la tête inclinée chaque fois qu'il entre dans une pièce.

Voici ce qu'écrit Mirza Dawud.

Le matin du dimanche 1er octobre de l'an de grâce 1911, équivalant au 9ème Tishi 5972 (Ere hébraïque), Regina Nur Mahal Khanum et Mirza Yuhanna Dawud furent admis en la sainte présence de 'Abdu'l-Baha - puisse ma vie lui être offerte en sacrifice!

Après nous avoir reçus, 'Abdu'l-Baha dit: "Vous êtes les bienvenus et cela me rend heureux de vous voir ici à Londres".

Me regardant, il déclara: "Je n'ai jamais célébré un mariage auparavant, excepté celui de mes propres filles. Mais comme je vous aime beaucoup, et puisque vous avez rendu un grand service au Royaume d'Abha, à la fois dans ce pays et dans d'autres contrées, je célébrerai votre cérémonie de mariage aujourd'hui. C'est mon espoir que vous continuiez tous deux dans le sentier béni du service".

Alors, pour commencer, 'Abdu'l-Baha fit venir Nur Mahal Khanum à ses côtés et lui dit: "Aimez-vous Mirza Yuhanna Dawud de tout votre coeur et de toute votre âme?" Elle répondit 'Oui, je l'aime'.

Puis 'Abdu'l-Baha m'appela près de lui et me posa la même question: "Aimez-vous Nur Mahal Khanum de tout votre coeur et de toute votre âme?" Je répondis 'Oui, je l'aime'. Nous retournâmes ensemble à notre place. 'Abdu'l-Baha prit la main droite de la mariée et la mit dans celle du marié et nous demanda de prononcer après lui: "Nous faisons tout pour plaire à Dieu (20)".

Nous nous assîmes tous et 'Abdu'l-Baha continua: "Le mariage est une sainte institution qui est très encouragé dans cette Cause bénie. Maintenant, vous n'êtes plus deux, mais vous êtes un. Le souhait de Baha'u'llah est que tous les hommes soient d'un seul esprit et se considèrent d'un seul grand foyer, afin que l'esprit de l'humanité ne soit pas divisé.

C'est mon souhait et mon espoir que vous soyez bénis durant votre vie. Puisse Dieu vous aider à rendre de grands services au Royaume d'Abha et puissiez-vous devenir un moyen pour son avancement.

Puisse la joie croître en vous au cours des années, et puissiez-vous devenir des arbres florissants portant de délicieux fruits parfumés qui sont des bénédictions dans le sentier du service."

Quand nous sortîmes, tous les amis réunis, venus de Perse ou de Londres, nous félicitèrent pour le grand honneur qui nous avait été fait, et nous fûmes invités à dîner par l'aimable hôtesse.

Peu après, nous nous rassemblâmes avec lui autour de la table. Durant le repas l'un des amis demanda à 'Abdu'l-Baha s'il appréciait son séjour à Londres, et ce qu'il pensait des Anglais. Je fis office d'interprète. 'Abdu'l-Baha répondit: "J'ai beaucoup apprécié Londres et les visages rayonnants des amis ont réjoui mon coeur. J'ai été attiré ici par leur unité et leur amour. Dans le monde de l'existence il n'y a pas d'attraction plus puissante que l'attraction de l'amour. Ces quelques jours passeront, mais les amis de Dieu se souviendront de leur portée en tout temps et en tout lieu.

Il y a des nations vivantes et des nations mortes. La Syrie perdit sa civilisation à cause de son esprit léthargique. La nation anglaise est une nation vivante, et quand en ce printemps spirituel la Vérité divine apparaîtra avec une vitalité renouvelée, les Anglais seront comme des arbres riches en fruits, et le Saint-Esprit les rendra capables de fleurir en abondance. Alors non seulement ils progresseront matériellement mais aussi spirituellement, ce qui est beaucoup plus important et ce qui leur permettra de servir encore davantage l'humanité".

Quelqu'un demanda pourquoi les enseignements de toutes les religions sont exprimés pour une grande part sous forme de paraboles et de métaphores et non dans un langage clair pour les gens.

'Abdu'l-Baha répondit: "Les choses divines sont trop profondes pour être exprimées par des mots communs. Les enseignements célestes sont exprimés en paraboles dans le but d'être compris et préservé pour les âges à venir. Quand les esprits spirituels plongent profondément dans l'océan de leur sens ils en font remonter à la surface les perles de leur signification intérieure. Il n'y a pas de plus grand plaisir que d'étudier la Parole de Dieu avec un esprit spirituel.

L'objet de l'enseignement de Dieu à l'homme est que l'homme puisse se connaître dans le but de comprendre la grandeur de Dieu. La Parole de Dieu a pour but l'harmonie et la concorde. Si vous allez en Perse où les amis d'Abha sont nombreux, vous réaliserez tout de suite la force unifiante de l'oeuvre de Dieu. Ils font de leur mieux pour renforcer ce lien d'amitié. Là-bas, des gens de différentes nationalités se rassemblent lors de réunions et chantent les tablettes divines d'un même coeur. On pourrait supposer qu'ils sont tous frères. Nous ne considérons personne comme un étranger, car Baha'u'llah a dit: 'Vous êtes tous les rayons d'un seul soleil, les fruits d'un seul arbre, et les feuilles d'une seule branche' (21). Nous désirons la vraie fraternité des hommes. Cela sera, et cela a déjà commencé. Louange soit à Dieu, Celui qui aide, Celui qui pardonne!"


2.24. LA VISITE A BRISTOL (ÉCRIT PAR THOMAS POLE)

'Abdu'l-Baha passa la fin de la semaine, du 23 au 25 septembre, à la Pension de famille Clifton à Bristol.

Lors du premier après-midi, pendant le trajet en voiture, il exprima un grand intérêt pour l'Angleterre rurale, s'émerveillant devant les arbres centenaires, et devant la verdure éclatante des bois et des collines, tellement différente de l'Est aride. "Bien que ce soit l'automne, on dirait le printemps" dit-il. Les maisons avec leurs lopins de terre suggérèrent à 'Abdu'l-Baha une citation des Ecrits de Baha'u'llah dans laquelle il est mentionné que chaque famille doit avoir sa maison avec un bout de terrain. 'Abdu'l-Baha associa la campagne à l'âme et la ville au corps de l'homme et il dit: "Le corps sans l'âme ne peut vivre". Puis il remarqua: "Il est bon de vivre sous le ciel, au soleil et à l'air frais". Observant une jeune femme qui montait à cheval, cheveux au vent, et quelques autres qui faisaient de la bicyclette sans être accompagnées, il dit: "C'est l'âge de la femme. Elle devrait recevoir la même éducation que son frère et jouir des mêmes privilèges; car toutes les âmes sont égales devant Dieu. Le sexe, au niveau de ses besoins sur le plan physique, n'a aucun rapport avec l'esprit. En cet âge de réveil spirituel, le monde est entré dans la voie du progrès, dans l'arène du développement, où le pouvoir de l'esprit surpasse celui du corps. Bientôt l'esprit aura emprise sur le monde de l'humanité".

Dans la soirée un message de salutations fut télégraphié aux baha'is de Téhéran les informant de la présence de 'Abdu'l-Baha à Bristol. Il leur envoya son amour et souhaita qu'ils sachent qu'il était bien et heureux avec les amis de Clifton. C'était une réponse à un télégramme précédemment reçu de Téhéran félicitant les gens de la Pension de famille pour la future visite de 'Abdu'l-Baha.

Plus tard se tint une réception où nonante personnes vinrent à la rencontre de 'Abdu'l-Baha qui leur parla avec une ferveur impressionnante.

'Abdu'l-Baha dit: "Vous êtes les bienvenus. Je suis venu de loin pour vous voir. Je loue Dieu qu'après quarante années d'attente il me soit enfin permis de venir apporter mon message. Voici une assemblée pleine de spiritualité. Ceux qui sont présents ont tourné leur coeur vers Dieu. Ils cherchent et attendent de bonnes nouvelles. Nous nous sommes rassemblés ici par le pouvoir de l'Esprit, aussi nos coeurs exultent-ils dans une action de grâce. 'Envoie-nous Ta lumière et Ta vérité O Dieu, laisse-les nous guider vers les montagnes saintes!' Puissions-nous être rafraîchis par les sources saintes qui renouvellent la vie du monde! Tel le jour qui suit la nuit, et l'aube qui vient après le coucher de soleil, ainsi Jésus-Christ apparut à l'horizon de ce monde comme un Soleil de vérité; et quand une nouvelle fois - après avoir oublié les enseignements du Christ et son exemple d'amour envers toute l'humanité - les hommes furent lassés des choses matérielles, une étoile céleste brilla à nouveau en Perse, une nouvelle illumination apparut et maintenant une grande lumière se propage à travers toutes les contrées.

Les hommes gardent leurs biens pour leur propre jouissance et ne partagent pas suffisamment avec les autres la bonté reçue de Dieu. Le printemps se change donc en hiver d'égoïsme et d'égotisme. Jésus-Christ dit 'Vous devez renaître' (22) afin que la vie divine puisse jaillir à nouveau en vous. Soyez aimables avec tous ceux qui vous entourent et rendez-vous service mutuellement; aimez être justes et honnêtes dans toutes vos affaires; priez constamment et vivez votre vie de telle sorte que le chagrin ne puisse pas vous toucher. Regardez les gens de votre propre race et ceux des autres races comme des membres d'un seul corps; des fils d'un même Père; soyez connus par votre comportement pour être réellement le peuple de Dieu. Ainsi les guerres et les disputes cesseront et dans le monde se répandra la Plus Grande Paix".

Après que 'Abdu'l-Baha se fut retiré, Tamaddun'ul-Mulk et Monsieur W. Tudor Pole donnèrent de courtes allocutions dans lesquelles ils firent référence au martyre des croyants en Perse; une mention spéciale fut accordée à l'éminente poétesse Qurratu'l-'Ayn (23).

Le jour suivant, un dimanche très ensoleillé, 'Abdu'l-Baha sortit avec ses amis. Il conduisait le groupe pour une marche dans les collines. Ensuite il rassembla les serviteurs de la maison, parla de la dignité du travail et les remercia pour leur service, donnant à chacun un cadeau en souvenir de cette visite. Il fit le tour de la Pension de famille et la bénit comme centre pour les pèlerins qui viendraient de toutes parts, et dit que ce lieu deviendrait un havre de tranquillité.

Durant la matinée du troisième jour, un chanoine de l'Église anglicane le rencontra au petit déjeuner. La conversation s'orienta sur la répugnance des riches à partager leurs biens, 'Abdu'l-Baha, citant les paroles de Jésus: 'Combien sera difficile l'entrée dans le Royaume des cieux pour ceux qui ont des richesses' (24). Il fit remarquer que c'est seulement quand le vrai chercheur trouve que les attachements matériels le privent de son héritage spirituel, qu'il entre avec bonheur sur le chemin de la renonciation. Alors l'homme riche partagera dans la joie ses biens terrestres avec les nécessiteux. 'Abdu'l-Baha nota le contraste entre l'hospitalité sans prétention qui s'offrait à lui et les banquets coûteux des riches, qui trop souvent sont assis à leur fête, oublieux des multitudes d'affamés.

Il enjoignit ceux qui l'écoutaient de répandre la lumière dans leur propre maison pour enfin illuminer toute la communauté.

'Abdu'l-Baha retourna alors à Londres. Le souhait le plus cher de ceux qui avaient eu le privilège de le rencontrer était que ses disciples d'autres contrées sachent combien les habitants de Clifton avaient apprécié sa visite et pris conscience de son pouvoir spirituel et de son amour.

Thomas Pole


2.25. À BYFLEET

Dans l'après-midi du 9 septembre, quelques travailleuses de l'établissement Passmore Edwards, qui étaient en vacances avec Mesdemoiselles Schepel et Buckton à Vanners dans Byfleet, un village à environ trente kilomètres de Londres, eurent le grand privilège de rencontrer 'Abdu'l-Baha. Elles écrivirent un court récit de ses propos pour en garder le souvenir. En voici un extrait.

Nous nous rassemblâmes en cercle autour de lui, et il nous fit asseoir à ses côtés sur les sièges près de la fenêtre. L'une d'entre nous qui était malade reçut de sa part une marque toute spéciale de gentillesse. Tout en s'asseyant 'Abdu'l-Baha commença par dire: "Etes-vous heureuses?" et nos visages durent lui montrer que nous l'étions. Il dit alors: "Je vous aime toutes, vous êtes les enfants du Royaume, et vous êtes acceptées de Dieu. Bien que vous soyez pauvres ici, vous êtes riches des trésors du Royaume. Je suis le Serviteur des pauvres. Souvenez-vous de Sa Sainteté Jésus lorsqu'Il disait: 'Bénis sont les pauvres!' (25). Même si toutes les reines de la terre étaient rassemblées ici, je ne pourrais pas être plus heureux!".

'Abdu'l-Baha savait que nous avions un coffret à monnaies pour essayer d'aider les gens moins fortunés que nous. Il se leva et dit: "Vous m'êtes chères. Je veux faire quelque chose pour vous! Je ne peux pas cuisiner pour vous (peu avant il nous avait vues occupées dans la cuisine) mais voici quelque chose pour votre fonds". Il fit le tour de chacune d'entre nous en nous serrant la main avec un beau sourire et en nous saluant d'une formule baha'ie: 'Allah'u'Abha!'.

Plus tard il marcha dans le village, et beaucoup d'enfants pauvres vinrent à lui, ainsi que des mères avec des nourrissons malades et des hommes sans travail. Il parla à tous, grâce à un interprète. A l'heure du thé d'autres amis nous rejoignirent. 'Abdu'l-Baha aimait le jardin du cottage à Vanners, le petit verger et les roses. Il dit: "C'est comme un jardin persan. L'air est très pur".

Au moment de son départ pour Londres, il offrit à chacun une pensée violette du jardin, et dit à plusieurs reprises en anglais: 'Au revoir'.

Le 28 septembre, 'Abdu'l-Baha se rendit à nouveau à Vanners dans la petite ferme du vieux manoir royal datant du temps d'Edward II. Il fut conduit en véhicule motorisé, y passa la nuit et retourna à Londres le lendemain soir.

'Abdu'l-Baha fut très frappé durant le trajet par deux patrouilles de boy scouts marchant à pas cadencés sur la route. Quand nous lui dîmes que la devise des scouts est 'Toujours prêts', et qu'une de leurs lois consiste à faire une bonne action chaque jour et que certains de ces garçons avaient éteint un incendie et apporté leur aide lors d'un récent accident de chemin de fer, il dit: "Cela me rend très heureux".

En arrivant à Vanners, il trouva une grande foule bigarrée, rassemblée devant le portail pour l'accueillir. Il y avait aussi bien des gens complètement pauvres que des riches arrivés en voiture du fin fond de leur campagne. Un grand nombre le suivirent et tous se pressèrent tant qu'ils purent dans le jardin pour s'asseoir par terre autour de lui. Le silence était très impressionnant. La même attention et le même désir d'entendre se manifestaient chez les gens chaque fois que 'Abdu'l-Baha apparaissait dans le village.

Après avoir exprimé sa joie d'être avec eux, il commença de parler au petit groupe en réponse à une question concernant la civilisation développée d'Occident.


2.26. LA CAPTIVITÉ DE L'HOMME

'Abdu'l-Baha dit: "Le luxe entrave la liberté des relations. Celui qui est prisonnier de ses désirs est toujours malheureux; les enfants du Royaume se sont libérés des chaînes de leurs désirs. Brisez tous vos fers et recherchez la joie et l'illumination spirituelles; alors, bien que vous marchiez sur cette terre, vous vous apercevrez que vous faites partie de l'horizon divin. A l'homme seul est donnée cette faculté. Quand nous regardons autour de nous, nous voyons toutes les autres créatures captives de leur environnement.

L'oiseau est prisonnier de l'air et le poisson de la mer. Seul l'homme se tient à part et dit aux éléments: 'Je ferai de vous mes serviteurs! Je puis vous gouverner!' Il prend l'électricité, et grâce à son ingéniosité il l'emprisonne et en fait un merveilleux pouvoir pour éclairer, et un moyen pour communiquer à des distances de plusieurs milliers de milles anglais. Mais l'homme lui-même peut devenir un prisonnier des choses qu'il a inventées. Sa véritable seconde naissance arrive quand il est libéré de toutes les choses matérielles: car seul est libre celui qui n'est pas captif de ses désirs. Il est devenu, comme Jésus l'a dit, prisonnier de l'Esprit-Saint".


2.27. LE POUVOIR DE DIEU

Un ami demanda à 'Abdu'l-Baha jusqu'à quel point un individu peut posséder en lui-même cette conscience du Christ que St. Paul nomme l'espérance de la gloire (26)?

'Abdu'l-Baha se tourna avec une grande joie dans le regard et dit avec un geste émouvant: "La bonté et le pouvoir de Dieu sont sans limites pour chaque âme humaine. Considérez ce qu'était le pouvoir vivifiant du Christ quand Il était sur terre. Regardez ses disciples! Ils étaient des hommes pauvres et non cultivés. D'un rustre pêcheur Il fit le grand Pierre, et de la pauvre fille du village de Magdala il fit quelqu'un de vénéré pour son pouvoir dans le monde entier aujourd'hui. On se souvient de nombreuses reines qui ont régné grâce aux dates qui figurent dans l'histoire. Mais Marie Madeleine est plus grande que toutes ces reines. Elle est celle dont l'amour fortifia les apôtres quand leur foi chancelait. Ce qu'elle fit pour le monde ne peut être mesuré. Voyez quel pouvoir divin s'embrasait en elle par le pouvoir de Dieu!"


2.28. LES MESSAGERS INSPIRÉS

Quand on lui demanda s'il serait toujours nécessaire que les Prophètes viennent d'âge en âge: 'Le monde ne parviendrait-il pas à avoir une pleine connaissance de Dieu au fil des événements qui marqueraient sa progression?' 'Abdu'l-Baha répondit: "L'humanité a besoin d'une source d'énergie universelle pour la vivifier. Le Messager inspiré qui est directement assisté par le pouvoir de Dieu produit des résultats universels. Baha'u'llah se leva telle une lumière sur la Perse et maintenant cette lumière se propage dans le monde entier".

'Est-ce la signification de la seconde venue du Christ?' "Le Christ est une expression de la Réalité divine, de l'Essence unique et de l'Entité céleste, qui n'a ni commencement ni fin. Chaque cycle comprend une apparition, une révélation, une manifestation et un déclin".

Ceux qui ont été avec 'Abdu'l-Baha ont noté que souvent après avoir parlé aux gens avec ardeur, il se tournait tout d'un coup et allait marcher plus loin pour être seul. En de tels moments personne ne le suivait. Cette fois-ci, quand il eut fini de parler et qu'il partit par le portail du verger vers le village, tous furent frappés par son pas libre et merveilleux qui a été décrit par l'un de nos amis américains comme celui d'un berger ou d'un roi.

Quand il passa, des enfants en haillons se groupèrent par douzaines autour de lui, les garçons le saluant comme ils l'avaient appris à l'école, et lui montrant comment instinctivement ils avaient ressenti l'importance de sa présence. Le plus remarquable fut le silence des hommes même les plus durs quand 'Abdu'l-Baha parut. Un pauvre clochard s'exclama: 'C'est un homme bon', et ajouta 'Oui, il a souffert!'

Il témoigna un intérêt particulier pour les enfants malades, estropiés et mal nourris. Les mères portant leurs plus petits le suivirent, et un ami expliqua que ce grand visiteur avait traversé les mers depuis la Terre sainte où Jésus était né.

Pendant toute la journée, des gens de toutes conditions se rassemblèrent devant le portail dans l'espoir de l'apercevoir, et plus de soixante personnes vinrent en voiture ou à vélo jusqu'à Vanners pour le voir, nombreux étant ceux qui souhaitaient le questionner sur un sujet spécial. Parmi eux il y avait des ecclésiastiques de différentes confessions, le directeur d'une grande école d'enseignement secondaire de garçons, un membre du Parlement, un docteur, un écrivain politique célèbre, un recteur d'université, plusieurs journalistes, un poète bien connu et un magistrat de Londres.

On se souviendra longtemps de lui alors qu'il était assis près de la fenêtre en rotonde dans le soleil de l'après-midi; de son bras il entourait les épaules d'un petit enfant déguenillé mais très heureux, venu pour demander à 'Abdu'l-Baha six pence à mettre dans sa tirelire pour sa mère infirme. Autour de lui s'étaient rassemblés dans la pièce des hommes et des femmes qui discutaient de l'éducation, du socialisme, du premier Reform Bill (27), et de la relation entre les sous-marins, la télégraphie sans fil et l'ère nouvelle dans laquelle l'homme était en train d'entrer".

Durant la soirée deux jeunes fiancés du village, qui avaient lu quelques livres baha'is, demandèrent la permission de venir à lui. Ils entrèrent timidement, le garçon conduit par la fille. 'Abdu'l-Baha se leva pour les saluer, et les fit prendre place dans le cercle. Il leur parla avec ardeur du sens sacré du mariage, de la beauté d'une union véritable, et de l'importance du petit enfant et de son éducation. Avant leur départ il les bénit et oignit leur tête et leur front d'un parfum persan.


2.29. L'ÉDUCATION

'Abdu'l-Baha insista grandement sur l'éducation. Il dit: "L'éducation de la fille est aujourd'hui d'une plus grande importance que l'éducation du garçon, car elle est la mère de la génération future. C'est le devoir de tous de s'occuper des enfants. Ceux qui n'ont pas d'enfants devraient, si possible, se rendre responsables de l'éducation d'un enfant".

La condition des indigents dans les villages et à Londres impressionna fortement 'Abdu'l-Baha. Lors d'une conversation pleine d'ardeur avec le recteur d'une paroisse, 'Abdu'l-Baha dit: "Je trouve l'Angleterre réveillée; il y a de la vie spirituelle ici. Mais vos pauvres sont si pauvres! Cela ne devrait point être. D'un côté vous avez de la richesse et un grand luxe; d'un autre côté des hommes et des femmes vivent à la limite de la faim et du besoin. Ce grand contraste dans la vie est l'un des points noirs de la civilisation en cet âge illuminé.

Vous devez prêter une attention plus empressée concernant l'amélioration de la condition des pauvres. Ne soyez satisfaits que lorsque chaque personne pour qui vous vous sentez concerné deviendra pour vous comme un membre de votre famille. Considérez chacun soit comme un père, soit comme un frère, soit comme une soeur, soit comme une mère, soit comme un enfant. Si vous pouvez parvenir à cela, vos difficultés s'aplaniront, vous saurez quoi faire. Tel est l'enseignement de Baha'u'llah".


2.30. LE CHANGEMENT DU COEUR

A une personne qui parlait du désir du peuple de posséder la terre, et du profond courant de révolte des classes laborieuses, 'Abdu'l-Baha dit: "Se battre, et employer la force, même pour une juste cause, n'apportera pas de bons résultats. Les opprimés qui ont le droit de leur côté, ne doivent pas saisir ce droit par la force; le mal continuerait. Les coeurs doivent être changés. Les riches doivent souhaiter donner! La vie en l'homme devrait être comme une flamme, réchauffant tout ce avec quoi elle entre en contact. Les êtres spirituellement réveillés sont comme des torches brillantes aux yeux de Dieu, ils donnent de la lumière et du réconfort à leurs semblables".

Quand on lui demanda s'il ne trouvait pas les manières des Anglais grossières et maladroites, en comparaison de celles d'Orient, 'Abdu'l-Baha dit qu'il n'avait pas ressenti cela. Quand une nation croît en spiritualité, les manières deviennent différentes.


2.31. CHRIST ET BAHA'U'LLAH

Un ami demanda en quoi les enseignements de Baha'u'llah contrastaient avec ceux de Jésus-Christ. "Les enseignements sont les mêmes" déclara 'Abdu'l-Baha. "C'est le même fondement et le même temple. La vérité est une, et sans division. Les enseignements de Jésus sont sous une forme condensée. Les hommes ne sont pas d'accord aujourd'hui sur le sens donné à nombre de Ses paroles. Ses enseignements sont comme une fleur en bourgeon. Aujourd'hui, le bourgeon se déploie en une fleur! Baha'u'llah a élargi et accompli les enseignements, et les a appliqués en les détaillant au monde entier.

Il n'y a pas d'anachorètes ni d'ermites parmi les baha'is. L'homme doit travailler avec ses semblables. Chacun devrait avoir un commerce, une profession ou pratiquer un art, qu'il soit riche ou pauvre, et avec cette activité, il doit servir l'humanité. Ce service est accepté comme la plus haute forme d'adoration".


2.32. L'ART

Une femme peintre demanda: 'Est-ce que l'art est une vocation digne?' 'Abdu'l-Baha se tournant vers elle avec solennité dit: "L'Art est adoration".

Un acteur s'enquit du théâtre et de son influence. "Le théâtre est de la plus haute importance" dit 'Abdu'l-Baha. "Il a eu un grand rôle éducatif dans le passé; il en sera encore ainsi". Il décrivit comment tout jeune garçon il assista à une représentation du mystère et de la passion de 'Ali et combien cela le toucha profondément à tel point qu'il sanglota et ne put dormir pendant plusieurs nuits.


2.33. LES SYMBOLES

Quelqu'un voulut savoir si c'était une bonne coutume de porter un symbole, comme par exemple une croix. Il dit: "Vous portez la croix pour vous souvenir, elle concentre vos pensées; elle n'a aucun pouvoir magique. Les baha'is portent souvent une pierre avec le Plus Grand Nom gravé dessus: il n'y a aucune influence magique dans cette pierre; c'est un moyen de rappel, et un compagnon. Si vous êtes sur le point de faire une action égoïste ou précipitée, et si votre regard tombe sur la bague à votre main, vous vous souviendrez et vous changerez votre intention".


2.34. L'ESPERANTO

Un ami s'informa sur la prophétie de Baha'u'llah dans les Paroles du Paradis (28), concernant l'institution d'une langue universelle, et désira savoir si l'espéranto serait la langue choisie.

"L'amour et l'effort placés dans l'espéranto ne seront pas perdus" répondit-il, "mais aucune personne ne peut construire seule une langue universelle. Elle doit être élaborée par un Conseil représentant tous les pays, et doit contenir des mots de différentes langues. Les règles les plus simples la régiront, et il n'y aura pas d'exceptions; il n'y aura ni genre, ni lettres muettes ni surcharges. Tout ce qui sera signifié n'aura qu'un nom. En arabe, il y a des centaines de noms pour désigner le chameau! Dans les écoles de chaque nation la langue maternelle sera enseignée ainsi que la langue universelle officielle".


2.35. TOLSTOÏ

Le même intervenant dit: 'J'ai beaucoup lu Tolstoï et je vois un parallèle entre ses enseignements et les vôtres. Dans l'un de ses livres il parle de l'énigme de la vie, et décrit comment la vie est gâchée dans notre effort pour en trouver la clef. Et Tolstoï d'ajouter: Il y a un homme en Perse qui détient le secret.'

"Oui" dit 'Abdu'l-Baha, "J'ai reçu une lettre de Tolstoï dans laquelle il dit souhaiter écrire un livre sur Baha'u'llah".


2.36. LA GUÉRISON

Un ami intéressé par ce qui touche à la guérison cita les paroles de Baha'u'llah: 'Si quelqu'un est malade, qu'il aille chez le plus grand médecin' (29).

'Abdu'l-Baha dit: "Il n'y a qu'un pouvoir qui guérit, c'est Dieu. L'état ou la condition qui permettent la guérison c'est la confiance du coeur. Quelques-uns atteignent cet état au moyen de pilules et de poudres et grâce à des médecins. D'autres au moyen de l'hygiène, du jeûne, et de la prière; d'autres grâce à une aptitude particulièrement sensible qui leur permet de percevoir les choses directement".

A une autre occasion, 'Abdu'l-Baha dit concernant ce même sujet: "Tout ce que nous voyons dans le monde autour de nous est le travail de l'esprit. C'est l'esprit dans l'herbe et dans le minéral qui agit sur le corps humain, et change sa condition". La causerie se prolongea en un discours érudit sur la philosophie d'Aristote.


2.37. LA MORT

Un ami demanda: 'Comment devrait-on attendre la mort?'

'Abdu'l-Baha répondit: "Comment envisage-t-on le but de tout voyage? Avec espoir et impatience. Il en va de même pour le terme de ce voyage terrestre. Dans l'autre monde, l'homme se retrouvera libéré des nombreuses infirmités qui aujourd'hui le font souffrir. Ceux qui ont franchi le cap de la mort ont leur propre monde. Ce monde n'est pas éloigné du nôtre; l'oeuvre qu'ils accomplissent, l'oeuvre du Royaume, est aussi notre oeuvre; mais elle est sanctifiée de ce que nous appelons le temps et l'espace. Notre temps est mesuré en fonction du soleil. Lorsqu'il n'y a plus de lever du soleil, ni de coucher du soleil, ce type de temps n'existe plus pour l'homme. Ceux qui sont montés au ciel ont des attributs différents de ceux qui sont encore sur terre, mais en fait il n'y a pas de réelle séparation.

Dans la prière, il y a interpénétration d'états, mélange des conditions. Priez donc pour eux comme ils prient pour vous! Sans que vous le sachiez, si vous êtes en difficulté et lorsque vous êtes dans une attitude réceptive, ils sont capables de vous faire des suggestions. Cela se produit quelquefois durant le sommeil, mais cela n'a rien de prodigieux! Ce qui semble prodigieux a une autre explication". L'intervenant s'exclama: 'Mais j'ai entendu une voix!' 'Abdu'l-Baha dit: "Oui, c'est possible; nous entendons clairement des voix durant les rêves. Ce n'est pas avec l'oreille physique que vous avez entendu; l'esprit de ceux qui sont partis est libéré des sens de la vie, et n'utilise pas de moyens physiques. Ce n'est pas possible d'exprimer ces grandes questions dans le langage humain; le langage des hommes est le langage des enfants, et l'explication que donne l'homme souvent nous égare".

Quelqu'un demanda comment il se faisait que pendant une prière ou une méditation, le coeur souvent se tourne vers un ami qui est passé dans l'autre vie et lui lance instinctivement un appel.

'Abdu'l-Baha répondit: "C'est une loi de la création de Dieu que le faible devrait s'appuyer sur le fort. Ceux vers qui vous vous tournez peuvent être les médiateurs du pouvoir de Dieu pour vous, de la même façon que lorsqu'on est sur terre. Mais c'est le Saint-Esprit seul qui fortifie tous les hommes". Ensuite, un autre ami se référa à la communion de Jésus avec Moïse et Elie sur le Mont de la Transfiguration, et 'Abdu'l-Baha dit: "Les fidèles sont toujours soutenus par la présence du Concours suprême. Dans le Concours suprême, il y a Jésus et Moïse, et Elie, et Baha'u'llah, et d'autres âmes suprêmes; il y a aussi les martyrs".

Quand on le questionna sur la permanence de la personnalité de l'animal après la mort, 'Abdu'l-Baha dit: "Même le chien le plus développé n'a pas l'âme immortelle de l'homme; cependant le chien est parfait à sa propre place. Vous ne vous querellez pas avec un rosier parce qu'il ne peut pas chanter!"


2.38. UN VRAI BAHA'I

Une personne qui étudiait les méthodes contemporaines de critique historique demanda à 'Abdu'l-Baha s'il ferait bien de rester dans l'Église qu'il fréquenta toute sa vie, et dont le langage était plein de sens pour lui. 'Abdu'l-Baha répondit: "Vous ne devez pas vous en désintéresser. Sachez ceci; le Royaume de Dieu n'est dans aucune association; des chercheurs vont à travers de nombreuses associations comme un voyageur traverse de nombreuses villes jusqu'à ce qu'il atteigne sa destination. Si vous appartenez déjà à une association n'abandonnez pas vos frères. Vous pouvez être un baha'i-chrétien, un baha'i franc-maçon, un baha'i-juif, un baha'i-musulman (30). Le nombre neuf contient huit, et sept, et tous les autres nombres, et ne renie aucun des autres. Ne peinez et ne refusez personne en disant: 'Il n'est pas baha'i'. Il sera connu par ses actes. Il n'y a aucun secret parmi les baha'is, un baha'i ne cache rien".


2.39. PROPAGER L'ENSEIGNEMENT

Un ami américain l'interrogea: 'Quelle est la meilleure façon de propager l'enseignement?' il répondit: "Par les actes. Cette manière est ouverte à tous, et les actes sont compris de tous. Joignez-vous à ceux qui travaillent pour les pauvres, les faibles et les infortunés; ceci est grandement recommandé. Enseigner par des mots requiert l'adresse d'un sage médecin. Il n'offre pas d'aide à ceux qui ne veulent pas de traitement. Ne portez pas aide à ceux qui n'ont pas besoin de votre aide. Le travail d'enseignement n'est pas pour tous".

L'histoire suivante montre combien l'attention de 'Abdu'l-Baha se porte sur de petits détails où d'autres sont impliqués. Apprenant que quelques-uns de ses amis étaient venus de Londres, et avaient projeté de s'arrêter pour la nuit dans le village afin d'être près de lui, 'Abdu'l-Baha en fit immédiatement ses invités à l'auberge, et se souciant de leur confort, alla personnellement inspecter les chambres, car les nuits devenaient froides.


2.40. À BROOKLANDS

Le matin du second jour, une voisine fit mettre sa voiture à la disposition de 'Abdu'l-Baha en lui demandant s'il ne lui plairait pas d'emmener ses invités au terrain d'aviation de Brooklands. Malgré le grand vent, un aviateur s'était mis sur la piste dès qu'il avait appris le nom du visiteur pour qui il devait voler. 'Abdu'l-Baha laissa ses amis et marcha jusqu'au milieu du terrain, où il se tint seul debout regardant le biplan faire de larges cercles au-dessus de lui.

Un hindou qui apprenait à voler à l'école rejoignit les amis de 'Abdu'l-Baha et demanda: 'Qui est l'homme en habit oriental?'

Quand on le lui dit, il s'exclama: 'Oh, je le connais très bien à travers ses enseignements que j'ai étudiés' et immédiatement il alla à la rencontre de 'Abdu'l-Baha.

Ils parlèrent ensemble en arabe un certain temps, le jeune homme montrant une grande joie d'être en sa présence. Il dit par la suite qu'il avait attendu ce moment pendant de nombreuses années.

Pendant qu'ils prenaient le thé au-dehors, 'Abdu'l-Baha et le jeune hindou, assis à l'extrémité des longs bancs qui avaient été installés, se parlèrent très simplement.

'Abdu'l-Baha remarqua deux des aviateurs qui faisaient de la lutte au sol, et quand ils s'arrêtèrent, il alla vers eux tapant des mains et criant en anglais: "Bravo! Bravo! c'est un bon exercice".

De retour en Egypte, 'Abdu'l-Baha a envoyé un télégramme plein d'amabilité présentant ses compliments aux gens de Byfleet, leur disant qu'il ne les oublierait jamais.


2.41. LES JOURNÉES À LONDRES

Pendant le séjour de 'Abdu'l-Baha à Cadogan Gardens (31) les gens arrivaient tous les jours, à n'importe quelle heure de la journée du matin très tôt à la nuit tombante, espérant avoir le privilège de le voir et de l'entendre parler. Nombreuses furent les réunions autour de la table de cette maison hospitalière et des centaines de personnes y furent conviées. Beaucoup vinrent sans invitation et personne ne fut éconduit. Parmi les visiteurs il y eut des membres du clergé de diverses confessions, des membres du Parlement, des magistrats et des hommes de lettres.

Les visiteurs n'étaient pas seulement des Anglais; de nombreux Persans avaient fait le voyage depuis Téhéran et d'autres villes d'Orient afin de rencontrer librement celui dont ils avaient été si longtemps privés à cause de sa captivité.

Le rédacteur en chef d'un journal imprimé au Japon, modifia son itinéraire de retour pour Tokyo dans le but de pouvoir passer la nuit près de 'Abdu'l-Baha, et un médecin zoroastrien de Bombay lui rendit visite tardivement la veille de son retour pour l'Inde.


2.42. LE TRAVAIL DES FEMMES

L'intérêt de 'Abdu'l-Baha pour le travail et le progrès des femmes est bien connu, et parmi les notables de la haute société qui vinrent le voir, on peut mentionner Madame Annie Besant, présidente de la société théosophique, les organisatrices de plusieurs corps de suffragettes (32), des femmes actives dans le domaine des droits des citoyens et dans le domaine philanthropique, les directrices de plusieurs collèges de filles et des femmes ayant leur doctorat.

Ceux qui eurent le privilège d'être présents se souviendront longtemps de cette conversation pleine d'esprit à l'occasion de la visite d'une ardente suffragette. La pièce était remplie d'hommes et de femmes, de nombreux Persans étant assis sur le sol dans leur attitude familière pleine de respect.

Après avoir examiné de manière comparative la position générale des femmes de l'Est et de l'Ouest, et décrit comment sous de nombreux aspects les femmes de l'Est ont un avantage sur leurs soeurs de l'Ouest, 'Abdu'l-Baha se tourna vers la visiteuse et dit: "Donnez-moi vos raisons pour croire qu'aujourd'hui la femme devrait avoir le droit de voter?"

Réponse: 'Je crois que l'humanité est une humanité divine et qu'elle doit s'élever de plus en plus haut; mais elle ne peut prendre son essor avec une seule aile'. A cette réponse, 'Abdu'l-Baha exprima son plaisir, et, souriant, répliqua: "Mais que ferez-vous si une aile est plus forte que l'autre?" Réponse: 'Alors nous devons fortifier l'aile la plus faible, sinon le vol sera toujours gêné'.

'Abdu'l-Baha sourit et demanda: "Que direz-vous si je vous prouve que la femme est l'aile la plus forte?"

La réponse vint d'une veine tout aussi éclatante: 'Vous gagnerez mon éternelle gratitude!' ce qui amusa toute la compagnie.

'Abdu'l-Baha continua plus sérieusement: "La femme est en effet de la plus grande importance pour la race humaine. Elle porte le plus lourd fardeau et fournit le plus grand travail. Regardez les mondes végétal et animal. Le palmier qui porte le fruit est l'arbre le plus prisé par ceux qui font la culture des dattes. L'Arabe sait que pour un long voyage la jument est plus endurante. Pour sa plus grande force et férocité, le chasseur craint plus la lionne que le lion.

Il a été prouvé que la simple taille du cerveau n'est pas une mesure de la supériorité. La femme a un plus grand courage moral que l'homme; elle a aussi des dons spéciaux qui la rendent capable de gouverner dans des moments de danger et de crise. Si nécessaire elle peut devenir un guerrier".


2.43. ZENOBIE

'Abdu'l-Baha demanda aux gens qui l'entouraient s'ils se souvenaient de l'histoire de Zenobie et de la chute de Palmyre (33). Il continua alors comme suit, faisant des gestes de la main avec la simplicité et la gravité qui lui étaient propres:

"Il y avait alors un gouverneur dans l'ancienne Syrie, qui avait une épouse belle et intelligente. Elle avait de telles capacités qu'au décès du gouverneur elle fut placée aux rênes du pouvoir. Le pays prospérait sous sa tutelle, et les hommes reconnurent qu'elle était meilleure souveraine que son mari. Après un temps, les légions de Rome envahirent le pays, mais elle les repoussa à plusieurs reprises, les jetant dans une grande confusion. Laissant tomber ses beaux cheveux, elle chevauchait à la tête de l'armée, vêtue d'un manteau écarlate, portant une couronne d'or, et maniant une épée à double tranchant. L'Empereur romain retira alors ses armées de cinq autres provinces dans le but de la soumettre. Après un long et brave combat Zenobie se replia dans la ville de Palmyre qu'elle renforça de prodigieuses fortifications, et là elle endura un siège de quatre mois, l'Empereur étant incapable de l'en déloger. La nourriture qu'elle avait stockée à l'intérieur des murs fut finalement épuisée, la misère et les plaies de son peuple affamé la forcèrent à se rendre.

L'Empereur était plein d'admiration pour cette grande femme, en raison de son courage et son endurance, et il lui demanda de devenir son épouse. Mais elle refusa, disant qu'elle ne consentirait jamais à prendre pour époux l'ennemi de son peuple. L'Empereur devint alors enragé et fut décidé à l'humilier. Il la prit avec lui dans ses vaisseaux pour son retour à Rome. Un grand défilé fut préparé pour son entrée triomphale et les rues étaient pleines de gens. Les éléphants défilèrent en premier, suivis des chameaux. Après les chameaux ce fut le tour des tigres et des léopards. Après les léopards vinrent les singes, et en dernière position, après les singes, marchait Zenobie avec une chaîne d'or autour du cou. Elle se tenait toujours tête haute, ferme dans sa détermination. Rien ne pouvait briser son esprit! Elle refusa de devenir Impératrice: elle fut donc jetée dans un cachot et par la suite elle mourut".

'Abdu'l-Baha s'interrompit. Le silence régna dans la pièce pendant un long moment avant qu'il ne soit rompu.

Une autre fois 'Abdu'l-Baha dit à un groupe d'amis autour de lui: "Prises dans leur ensemble, les femmes ont aujourd'hui un plus fort sens de la religion que les hommes. L'intuition des femmes est plus juste; elle est plus réceptive et son intelligence est plus vive. Le jour arrive où la femme démontrera sa supériorité sur l'homme.

La femme a partout été l'objet d'éloges pour sa fidélité. Après les souffrances du Seigneur Christ, ses disciples pleurèrent, et donnèrent libre cours à leur peine. Ils pensaient que leurs espoirs avaient volé en éclats, et que la Cause était complètement perdue, jusqu'à ce que Marie Madeleine vint à eux pour les fortifier disant: 'Etes-vous en deuil pour le corps de Notre Seigneur ou pour son esprit? Si vous êtes en deuil pour son esprit, vous êtes dans l'erreur car Jésus vit! Son esprit ne nous quittera jamais!' Ainsi grâce à sa sagesse et son encouragement la Cause du Christ se maintint pour toujours. Son intuition la rendit capable de saisir ce fait spirituel" (34).

'Abdu'l-Baha ajouta alors: "Mais aux yeux de Dieu le sexe ne fait nulle différence. Le plus grand est celui ou celle qui est le plus proche de Dieu".

Un matin 'Abdu'l-Baha, en entrant dans la pièce regarda autour de lui et dit: "C'est comme un miracle d'être ensemble ici. Il n'y a point de lien racial, politique ou patriotique. Nous sommes reliés par les paroles de Baha'u'llah, et toutes les races de la terre seront réunies de la même manière. De cela, soyez assurés!"


2.44. LE VRAI BAHA'I

'Je n'ai jamais entendu parler de Baha'u'llah', dit un jeune homme. 'Je n'ai que récemment lu sur ce mouvement, mais je reconnais la mission de 'Abdu'l-Baha et je désire être un disciple. J'ai toujours cru que la fraternité humaine était l'ultime solution de toutes nos difficultés nationales et internationales'.

"Cela ne fait aucune différence que vous ayez ou non entendu parler de Baha'u'llah", répondit 'Abdu'l-Baha, "l'homme qui vit la vie en accord avec les enseignements de Baha'u'llah est déjà un baha'i. D'un autre côté un homme peut se dire baha'i pendant cinquante ans, s'il ne vit pas la vie baha'ie il n'est pas un baha'i. Un homme laid peut se dire beau, mais il ne trompe personne, et un homme noir peut se dire blanc, là encore il ne trompe personne: même pas lui-même!"


2.45. LA VENUE DE LA PAIX

'Par quel processus' continua le jeune homme, 'la paix sera-t-elle établie sur terre? Viendra-t-elle tout de suite après une proclamation universelle de la vérité?'

"Non, cela viendra graduellement" dit 'Abdu'l-Baha. "Une plante qui croît trop rapidement ne dure qu'un temps court. Vous êtes ma famille", et il regarda tout autour avec un sourire, "mes nouveaux enfants! Si une famille vit à l'unisson, de bons résultats s'observent. Elargissez le cercle; quand une ville vit dans une harmonie parfaite il s'en suivra de grandes réalisations, et un continent qui est pleinement uni unira de la même façon tous les autres continents. Alors viendra le temps des plus grands résultats, car tous les habitants de la terre appartiennent à une seule patrie".


2.46. LE COEUR PUR

Quand on lui demanda une définition d'un coeur pur, 'Abdu'l-Baha dit: "Le coeur pur est celui qui est entièrement coupé du moi. Etre altruiste c'est être pur".


2.47. LA VRAIE SPIRITUALITÉ

Un autre matin, 'Abdu'l-Baha commença tout de suite à parler tandis qu'il rejoignait le groupe de chercheurs. Il dit: "Louange soit à Dieu, ce siècle est un siècle glorieux; puisse l'amour augmenter chaque jour; puisse-t-il faire jaillir l'étincelle du feu pour allumer la chandelle dans l'obscurité, comme un don et une miséricorde de Dieu.

Sachez, ô vous êtres doués de pénétration, que la vraie spiritualité est comme un lac d'eau claire qui reflète la Divinité. Telle était la spiritualité de Jésus-Christ. Il y en a une d'un autre genre qui est comme un mirage, qui semble être spirituelle mais qui ne l'est pas. Ce qui est vraiment spirituel doit éclairer le sentier qui conduit à Dieu, et doit se traduire en actes. Nous ne pouvons pas croire qu'on se dise spirituel quand il n'y a pas de résultat. L'esprit est vérité, et quand l'esprit en chacun de nous cherche à se joindre à la grande vérité, il doit à son tour donner la vie. Les juifs au temps du Christ étaient morts, n'ayant pas de vie véritable, et Jésus fit vraiment jaillir un nouveau souffle dans leur corps. Regardez ce qui a été accompli depuis!".


2.48. LA CONNAISSANCE DOIT SE CONCRÉTISER PAR L'ACTION

Un représentant d'une association très connue fit référence aux réunions qu'ils avaient dans le but de rechercher la réalité de la vérité, et 'Abdu'l-Baha dit: "Je connais votre travail. J'en pense beaucoup de bien. Je sais que votre désir est de servir l'humanité, et de réunir l'humanité sous la bannière de l'unicité; mais ses membres doivent prendre garde que cela ne devienne qu'une discussion. Regardez tout autour de vous. Combien de comités ont été formés, et ont eu une vie éphémère! Les comités et les associations ne peuvent pas créer ni donner la vie.

Les gens se réunissent et parlent, mais c'est le Verbe de Dieu qui, seul, agit avec puissance. Réfléchissez un instant: feriez-vous du commerce ensemble si vous n'aviez ni revenus ni bénéfices qui en découlent! Regardez les disciples du Christ. Leur pouvoir était dû à leur ardeur et à leurs actes. Tout effort doit avoir son résultat, sinon cela n'est pas un vrai effort. Vous devez devenir ces mèches qui éclairent le monde de l'humanité. Là sont les preuve et signe infaillibles. Tout progrès dépend de deux choses, la connaissance et la pratique. Premièrement acquérez la connaissance, et, quand vous êtes convaincus, mettez-la en pratique.

Un jour un homme érudit qui avait voyagé pour me rencontrer et recevoir ma bénédiction, disait qu'il connaissait et comprenait les enseignements baha'is. Quand je lui dis qu'il pouvait recevoir les bénédictions du Saint-Esprit à n'importe quel moment s'il se mettait dans une attitude réceptive pour les accepter, il dit qu'il était toujours dans une attitude réceptive.

'Que feriez-vous', lui demandai-je, 'si je me tournais soudainement et je vous frappais?' Il s'emporta aussitôt avec indignation et sortit de la pièce à grands pas en colère.

Au bout d'un moment je vins à lui et lui prit le bras, en lui disant: 'Mais vous devez rendre le bien pour le mal. Que je vous aie honoré ou méprisé, vous devriez suivre les enseignements; maintenant vous les avez simplement lus. Souvenez-vous des paroles de Jésus qui dit: 'Le premier sera le dernier, et le dernier le premier' (35). L'homme se tourna, serra ma main et partit, et depuis j'ai eu écho de nombreuses bonnes actions qu'il a faites".

Lorsqu'on désigna 'Abdu'l-Baha du nom de Prophète, il répondit: "Mon nom est 'Abdu'l-Baha, le serviteur de Dieu" [littéralement, l'esclave de la Gloire.] (36)


2.49. LA VISITE AU LORD MAIRE

A la demande expresse du Lord Maire, 'Abdu'l-Baha lui rendit visite un matin à la Mansion House (37). La discussion s'orienta principalement sur les conditions sociales des grandes villes, et 'Abdu'l-Baha dit que Londres était la ville la plus organisée qu'il eut jamais vue.

Il ajouta: "Chaque homme marchant dans la rue est libre comme s'il était dans son propre royaume. Il y a une grande lumière spirituelle dans Londres. L'effort fait pour la justice est réel et dans ce pays la loi est la même pour le pauvre comme pour le riche". Il prit grand intérêt à entendre parler du soin pris pour les prisonniers quand ils quittent la prison, et parla de l'heureux pays dont les magistrats sont comme des pères pour le peuple.

Avant de quitter Londres, 'Abdu'l-Baha se rendit à un hôpital du quartier Est pour y voir un jeune écrivain très malade, qui y était alité et qui avait une grande envie de le rencontrer.


2.50. QUELQUES CARACTÉRISTIQUES PERSONNELLES

Il y a un aspect du caractère de 'Abdu'l-Baha sur lequel on n'a pas insisté, et sans lequel aucune idée de lui ne peut-être complète. L'impressionnante dignité qui se dégage de sa présence et de sa prestance est teintée d'un humour délicat et plein de tact, qui est tout aussi naturel que contagieux et délicieux.

Lors de son dernier après-midi à Londres, un journaliste vint s'enquérir de ses projets futurs, et le trouva entouré de plusieurs amis venus lui dire au revoir. En réponse à sa question, 'Abdu'l-Baha lui fit part dans un anglais parfait de son intention de visiter Paris et ensuite de se rendre à Alexandrie; le représentant de la presse manifesta une certaine surprise à sa prononciation anglaise sans faute. Sur ce, 'Abdu'l-Baha commença à marcher à grands pas libres dans la pièce pleine de senteurs de fleurs, son habit oriental contrastant étrangement avec son environnement moderne; et, au grand amusement de l'assemblée, il prononça une série de mots anglais élaborés, puis finit par dire en riant "Des mots anglais très difficiles je parle!" Un peu plus tard, avec la rapide transition de quelqu'un qui sait être à la fois gai et grave, il se montra terriblement sérieux.

Il avait laissé des ordres pour que personne ne soit renvoyé, mais quelqu'un qui avait essayé vainement par deux fois de l'atteindre et en avait été empêché par inadvertance, lui écrivit une lettre déchirante montrant qu'il s'était senti repoussé. L'interprète persan traduisit la lettre. 'Abdu'l-Baha mit soudain son manteau, et, se dirigeant vers la porte, dit avec une expression de tristesse indescriptible: "Un de mes amis a été blessé, et j'en suis très peiné. Je sors tout seul" et il descendit les marches. Chacun put apprécier combien le titre de "Maître" lui seyait bien.

Un autre aspect de son caractère qu'aucun de ceux qui l'ont vu ne pourra oublier était son attitude envers les enfants qui lui étaient présentés. Il donna nombre de ses causeries assis, entourant l'un d'eux de son bras.

Il admonestait invariablement les parents ainsi: "Donnez à cet enfant une bonne éducation; efforcez-vous de lui donner le meilleur de ce que vous pouvez vous permettre, afin qu'il soit capable de bénéficier des privilèges de cet âge glorieux. Faites tout ce que vous pouvez pour encourager le spirituel en lui".

Quiconque recherchait la présence de 'Abdu'l-Baha était frappé de la sympathie paternelle qu'il incarnait.

Parlant de son amour et de celui des autres à son égard, 'Abdu'l-Baha répondait: "Je sais que vous m'aimez, je peux voir cela. Je prierai pour vous afin que vous soyez fermes, que vous serviez la Cause, et que vous deveniez un vrai serviteur de Baha'u'llah. Bien que je m'en aille, je serai toujours présent parmi vous". Ces paroles furent dites avec la plus grande sympathie et une compréhension bienveillante des difficultés; pendant cette petite causerie 'Abdu'l-Baha prit les mains de son interlocuteur pour les caresser, et à la fin prit sa tête et avec une délicate attention l'attira à lui et baisa le front du jeune homme qui eut l'impression d'avoir trouvé un père et un ami.


2.51. L'ADIEU

Pour la dernière matinée du séjour de 'Abdu'l-Baha à Londres beaucoup d'amis se rassemblèrent à Cadogan Gardens (38) et à la gare pour lui dire au revoir. Un médecin zoroastrien organisa chez lui une cérémonie émouvante et intéressante et envoya à quelques Parsis (39) de Bombay un télégramme soigneusement rédigé comme suit: "La torche de la vérité flambe à nouveau à l'Est et à l'Ouest grâce à 'Abdu'l-Baha". Instruit par ses frères, ce disciple d'une des plus anciennes religions dans le monde avait apporté avec lui une huile sacrée d'un parfum rare, avec laquelle il oignit la tête et la poitrine de 'Abdu'l-Baha, et toucha ensuite les mains de tous ceux présents. Puis il posa autour du cou et des épaules de 'Abdu'l-Baha une guirlande exquise de bourgeons de roses et de lilas.

La dernière vision que les amis eurent à la gare Victoria fut celle d'un visage et d'une silhouette vénérables à la fenêtre, qui lançait au-dehors un dernier regard plein de bienveillance et de tendresse à ceux qu'il quittait.


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