L'ordre mondial de Baha'u'llah
Shoghi Effendi
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4. L'âge d'or de la Cause de Baha'u'llah Aux bien-aimés de Dieu et aux servantes du Miséricordieux à
travers les États-Unis et le Canada. Amis et codéfenseurs de la foi de Baha'u'llah ! Si importants qu'aient été les changements qui, récemment,
ont frappé une humanité qui s'éveille rapidement en cette
phase de transition de son histoire mouvementée, la consolidation régulière
des institutions que les administrateurs de la foi de Baha'u'llah
s'efforcent d'établir dans tous les pays n'en devrait pas sembler moins
remarquable, même à ceux qui ne sont encore qu'imparfaitement
informés des obstacles qu'ils ont eu à surmonter ou des maigres
ressources sur lesquelles ils pouvaient compter. Qu'une foi qui, il y a dix ans, fut durement ébranlée par la
brusque disparition d'un maître incomparable ait pu, face à des
obstacles formidables, préserver son unité, résister
aux assauts empreints de malignité des malveillants, réduire
au silence ses calomniateurs, élargir la base de son administration
déjà très étendue et édifier sur celle-ci
des institutions qui symbolisent ses idéaux de service et d'adoration
envers Dieu devrait être considéré comme une preuve suffisante
du pouvoir invincible dont le Tout-Puissant a choisi d'investir cette foi
dès sa naissance. Que la cause associée au nom de Baha'u'llah se nourrisse
à ces sources cachées de force céleste que nulle énergie
émanant d'une personnalité humaine, quels que soient ses attraits,
ne peut remplacer; qu'elle ne compte que sur cette seule source mystique à
laquelle nul avantage terrestre - que ce soit la richesse, la renommée
ou le savoir - ne peut être comparé; qu'elle se propage par des
voies mystérieuses en contradiction totale avec les critères
acceptés par une grande part de l'humanité : tout cela deviendra,
si ce n'est déjà manifeste, toujours plus évident à
mesure qu'elle progressera vers de nouvelles conquêtes dans sa lutte
pour la régénération spirituelle de l'humanité. En vérité, comment la cause aurait-elle pu réussir,
alors qu'elle ne fut jamais soutenue par les conseils et les ressources des
sages, des riches et des savants dans le pays de sa naissance, à briser
les entraves qui pesaient sur elle à l'heure de sa naissance, à
émerger indemne des tempêtes qui agitèrent son enfance,
si son souffle n'avait été vivifié par cet Esprit qui
est né de Dieu et dont doit finalement dépendre toute réussite,
où et de quelque manière qu'elle soit recherchée ? Je n'ai pas besoin de rappeler, même très schématiquement,
les détails navrants de cette tragédie effroyable qui a marqué
l'enfantement douloureux de notre foi bien-aimée en un pays tristement
célèbre pour son fanatisme sans frein, son ignorance crasse,
sa cruauté débridée. Je n'ai pas à m'étendre
non plus sur la vaillance, le courage sublime qui défia les tortionnaires
cruels de cette race, ni à souligner le nombre, ou à insister
sur la pureté de la vie de ceux qui acceptèrent volontairement
la mort afin que leur cause vive et prospère. Il n'est pas non plus
nécessaire que je m'attarde sur l'indignation que suscitèrent
ces atrocités et sur les sentiments d'admiration sans réserve
qui montèrent du coeur d'hommes et de femmes innombrables, dans des
régions éloignées de la scène où se produisirent
ces cruautés indescriptibles. Il suffira de dire qu'à ces héros
de la terre natale de Baha'u'llah fut octroyé le privilège
inestimable de sceller de leur sang les premiers triomphes de leur foi chérie,
et de préparer la voie pour sa victoire prochaine. Dans le sang des
martyrs innombrables de la Perse se trouvait la semence de l'administration
divinement désignée qui, bien que transplantée de son
sol natal, éclôt à présent, grâce à
votre sollicitude aimante, pour donner naissance à un ordre nouveau
destiné à envelopper l'humanité tout entière. Si grandes qu'aient été les réalisations et si inoubliables
les services des pionniers de l'âge héroïque de la cause
en Perse, la contribution, que leurs descendants spirituels, les croyants
d'Amérique, maîtres bâtisseurs de la structure organique
de la cause, apportent actuellement à l'accomplissement du plan qui
doit inaugurer l'âge d'or de la cause, n'en est pas moins méritoire
en cette période ardue de son histoire. J'ose affirmer qu'ils sont
rares, sinon inexistants, parmi ces artisans et ces gardiens privilégiés
de la constitution de la foi de Baha'u'llah, ceux qui sont,
fût-ce confusément, conscients du rôle prépondérant
que le continent d'Amérique du Nord est destiné à jouer
dans l'orientation future de leur cause universelle. De même, seul un
petit nombre d'entre eux paraissent suffisamment conscients de l'influence
décisive qu'ils exercent déjà dans la direction et la
gestion de ses affaires. Le continent américain, écrivait 'Abdu'l-Baha en février
1917, est, aux yeux du seul vrai Dieu, le pays où les splendeurs de
sa lumière seront révélées, où les mystères
de sa foi seront dévoilés, où les hommes droits demeureront
et où les hommes libres s'assembleront. Que les défenseurs de la cause de Baha'u'llah, à
travers les États-Unis et le Canada, démontrent toujours davantage
la vérité de cette affirmation solennelle est évident,
même pour un observateur fortuit de leurs états de service nombreux
et variés, que ce soit à titre individuel ou grâce à
leurs efforts concertés. Les manifestations de loyauté spontanée
qui ont caractérisé leur réponse aux souhaits exprimés
par un Maître disparu; la générosité avec laquelle
ils se sont levés plus d'une fois pour tendre une main secourable aux
nécessiteux et aux gens harcelés parmi leurs frères en
Perse; la vigueur avec laquelle ils ont résisté aux attaques
éhontées que leurs ennemis implacables, tant de l'intérieur
que de l'extérieur, lançaient contre eux avec une fréquence
toujours accrue; l'exemple que le corps de leurs représentants nationaux
a donné aux assemblées soeurs dans l'élaboration des instruments
essentiels à l'accomplissement efficace de leurs devoirs collectifs;
le succès de leur intervention au bénéfice de leurs collaborateurs
persécutés en Russie; le soutien moral qu'ils ont étendu
à leurs condisciples égyptiens à un stade éminemment
critique de leur combat pour se libérer des entraves de l'orthodoxie
islamique; les services historiques rendus par ces pionniers intrépides
qui, fidèles à l'appel de 'Abdu'l-Baha, abandonnèrent
leurs foyers pour aller planter, aux extrémités du globe, l'étendard
de sa foi; et, le dernier mais non le moindre, la magnificence de leur abnégation,
culminant dans l'achèvement de la superstructure du Mashriqu'l-Adhkar;
toutes ces réalisations sont autant de témoignages éloquents
du caractère indomptable de la foi que Baha'u'llah a
allumée dans leur coeur. Qui, au vu d'états de services aussi splendides, peut douter que ces
intendants fidèles de la grâce rédemptrice de Dieu aient
préservé, entier et intact, l'inestimable héritage confié
à leurs soins ? Ne pourrait-on pas penser qu'ils se sont approchés,
d'une manière dont seuls les historiens du futur pourront témoigner,
de la norme élevée qui caractérisait ces actes de renommée
impérissable qu'ont accomplis ceux qui les ont précédés
? Ce n'est pas en fonction des ressources matérielles dont les membres
de cette communauté naissante peuvent disposer à présent;
ce n'est pas en fonction de la force numérique de ses défenseurs
d'aujourd'hui ni selon les bienfaits directs et tangibles que ses adeptes
dévoués peuvent dispenser en ce jour à la multitude des
nécessiteux et des inconsolés parmi leurs compatriotes, que
ses potentialités devraient être éprouvées, ou
sa valeur déterminée. Nulle part ailleurs - si ce n'est dans
la pureté de ses préceptes, la sublimité de ses normes,
l'intégrité de ses lois, la rationalité de ses revendications,
l'étendue de son champ d'action, l'universalité de son programme,
la souplesse de ses institutions, la vie de ses fondateurs, l'héroïsme
de ses martyrs et la puissance transformatrice de son influence -, l'observateur
impartial ne devrait chercher à obtenir le critère véritable
qui lui permette de sonder ses mystères ou d'apprécier sa vertu. Comme il serait injuste et hors de propos de risquer une comparaison entre
la consolidation lente et progressive de la foi proclamée par Baha'u'llah
et ces mouvements créés par l'homme qui, tirant leur origine
des désirs humains et centrant leurs espoirs sur l'autorité
du monde mortel, doivent inévitablement décliner et périr
! Nés d'un esprit fini, engendrés par l'imagination humaine
et, bien souvent, le fruit de desseins mal conçus, de tels mouvements,
parce qu'ils sont nouveaux, qu'ils font appel aux bas instincts de l'homme
et qu'ils sont dépendants des ressources d'un monde sordide, réussissent
un temps à éblouir les yeux des hommes, pour plonger finalement,
des sommets de leur carrière météorique, dans les ténèbres
de l'oubli, dissous par les forces mêmes qui avaient contribué
à leur création. Il en est autrement de la révélation de Baha'u'llah.
Née dans un environnement de dégradation épouvantable,
issue d'un sol imbibé de corruption, de haines et de préjugés
séculaires, inculquant des principes inconciliables avec les normes
de l'époque et affrontant, dès le départ, l'hostilité
implacable du gouvernement, de l'Église et du peuple, cette foi naissante
de Dieu, grâce au pouvoir céleste dont elle a été
investie, a réussi, en moins de quatre-vingt-dix ans, à se libérer
des chaînes irritantes de la domination islamique, à proclamer
l'autosuffisance de ses idéaux et l'intégrité indépendante
de ses lois, à planter sa bannière dans non moins de quarante
1 des pays les plus développés du monde, à établir
ses avant-postes dans des pays situés au-delà des mers les plus
lointaines, à consacrer ses édifices religieux au coeur même
des continents asiatique et américain, à inciter deux des plus
puissants gouvernements de l'Ouest à ratifier les instruments essentiels
à ses activités administratives, à obtenir des rois les
hommages seyant à l'excellence de ses enseignements et, finalement,
à imposer ses griefs à l'attention des représentants
du plus haut tribunal du monde civilisé, et à recueillir, auprès
de ses membres, des affirmations écrites équivalant à
une reconnaissance tacite de son statut religieux et à une déclaration
expresse du bien-fondé de sa cause. Pour restreinte que puisse encore paraître sa puissance en tant que
force sociale, et si évidente que puisse sembler l'inefficacité,
à l'heure actuelle, de son programme universel, nous, qui nous identifions
à son nom béni, nous ne pouvons que nous émerveiller
de l'étendue de ses réalisations si nous les comparons aux modestes
accomplissements qui marquèrent l'avènement des dispensations
du passé. Où donc, si ce n'est dans la révélation
de Baha'u'llah, l'étudiant en religions comparées,
libre de préjugés, peut-il alléguer des exemples d'une
revendication aussi prodigieuse que celle qu'a avancée l'auteur de
cette foi, d'ennemis aussi implacables que ceux auxquels il fut confronté,
d'une dévotion plus sublime que celle qu'il suscita, d'une vie aussi
mouvementée et captivante que celle qu'il vécut ? Le christianisme
ou l'islam, ou l'une des dispensations qui les précédèrent,
ont-ils offert des exemples d'une telle alliance de courage et de retenue,
de magnanimité et de puissance, de largeur d'esprit et de loyauté,
que celle qui caractérisa la conduite des héros de la foi de
Baha'u'llah ? Trouvons-nous ailleurs des preuves d'une transformation
aussi rapide, aussi complète et aussi soudaine que celle qui s'accomplit
dans la vie des apôtres du Bab ? Rares sont, en effet, dans les
annales authentifiées des religions du passé, les exemples relevés
d'une abnégation aussi totale, d'une constance aussi ferme, d'une magnanimité
aussi sublime, d'une loyauté aussi inflexible que ceux qui portèrent
témoignage de la nature de ce groupe qui survit et survivra éternellement
dans la mémoire des hommes, associé à cette révélation
divine - la dernière et la plus irrésistible des manifestations
de l'amour et de l'omnipotence du Tout-Puissant ! Nous chercherions vainement, dans le récit des tout premiers débuts
de n'importe quelle religion reconnue du passé, des épisodes
aussi poignants dans leurs détails ou d'une telle portée dans
leurs conséquences, que ceux qui illuminent les pages de l'histoire
de cette foi. Les circonstances presque incroyables qui ont accompagné
le martyre de ce jeune Prince de gloire; les forces de répression barbare
que libéra par la suite cette tragédie; les manifestations d'héroïsme
inégalé auxquelles elle donna lieu; les exhortations et les
avertissements qui coulèrent à flot de la plume du divin prisonnier
dans ses épîtres aux potentats de l'Église et aux monarques
et aux dirigeants du monde; la loyauté intrépide avec laquelle
nos frères se battent, dans les pays musulmans, avec les forces de
l'orthodoxie religieuse; ce sont là sans doute les traits les plus
marquants de ce que le monde sera amené à reconnaître
comme le plus grand drame de l'histoire spirituelle du monde. Je n'ai pas besoin de rappeler, à cet égard, les épisodes
malheureux qui ont, comme on sait, porté atteinte - et dans une très
grande mesure - aux débuts de l'histoire tant du judaïsme que
de l'islam. Il n'est pas nécessaire non plus de souligner l'effet
préjudiciable des excès, des rivalités et des divisions,
des explosions de fanatisme et des actes d'ingratitude qui sont associés
aux premiers temps du peuple d'Israël et à la carrière
militante des pionniers impitoyables de la foi de Muhammad. Il suffirait à mon propos d'attirer l'attention sur le grand nombre
de ceux qui, au cours des deux premiers siècles de l'ère chrétienne,
acquirent une vie ignominieuse en livrant les saintes Écritures aux
mains des infidèles, sur la conduite scandaleuse de ces évêques
qui furent ainsi stigmatisés en tant que traîtres, sur la discorde
de l'Église africaine, sur l'infiltration progressive dans la doctrine
chrétienne des principes du culte mithriaque, de l'école de
pensée alexandrine, des préceptes du zoroastrisme et de la philosophie
grecque, et sur l'adoption par les Églises de Grèce et d'Asie
d'institutions de synodes provinciaux d'un modèle qu'elles empruntèrent
aux conseils représentatifs de leurs pays respectifs. Combien grande était l'obstination avec laquelle les juifs convertis
parmi les premiers chrétiens persistaient à maintenir les cérémonies
de leurs ancêtres, et combien fervent était leur désir
intense de les imposer aux gentils ! Les quinze premiers évêques
de Jérusalem n'étaient-ils pas tous des juifs circoncis, et
la congrégation qu'ils présidaient n'avait-elle pas allié
les lois de Moïse à la doctrine du Christ ? N'est-il pas établi
que pas plus d'un vingtième des sujets de l'Empire romain ne s'était
enrôlé sous la bannière du Christ avant la conversion
de Constantin ? La ruine du temple, dans la cité de Jérusalem,
et de la religion officielle des juifs ne fut-elle pas fort cruellement ressentie
par les "Nazaréens" qui persévérèrent, plus d'un
siècle durant, dans la pratique de la loi mosaïque ? Combien frappant est le contraste lorsque, à la lumière des
faits précités, nous nous souvenons du nombre de ces disciples
de Baha'u'llah qui, en Perse et dans les pays voisins, s'étaient
enrôlés lors de son ascension en tant que défenseurs convaincus
de sa foi ! Comme il est encourageant d'observer la loyauté constante
avec laquelle ses adeptes valeureux préservent la pureté et
l'intégrité de ses enseignements, clairs et sans équivoque
! Qu'il est édifiant le spectacle de ceux qui combattent les forces
d'une orthodoxie solidement retranchée dans leur lutte pour se libérer
des entraves d'une doctrine désuète ! Quelle source d'inspiration
que la conduite de ces disciples musulmans de Baha'u'llah qui
voient - non pas avec regret ou indifférence, mais avec des sentiments
de satisfaction non dissimulée - le châtiment mérité
que le Tout-Puissant a infligé à ces institutions jumelées
du sultanat et du califat, ces instruments du despotisme et ces ennemis jurés
de la cause de Dieu ! Que nul, cependant, ne se méprenne sur mon propos. La révélation
dont Baha'u'llah est la source et le centre n'abroge aucune
des religions qui l'ont précédée et ne cherche, en aucune
manière, à en déformer les traits ou à en déprécier
la valeur. Elle se défend d'avoir la moindre intention d'amoindrir
un seul des prophètes du passé ou d'amenuiser la vérité
éternelle de leurs enseignements. Elle ne peut, en aucune façon,
être en désaccord avec l'esprit qui animait leurs revendications,
et elle ne cherche pas non plus à saper les fondements de l'allégeance
de quiconque envers leur cause. Son but déclaré et primordial
est de permettre à chaque adepte de ces religions d'avoir une compréhension
plus complète de la religion à laquelle il s'identifie et d'acquérir
une perception plus claire de son objectif. Elle n'est ni éclectique
dans la présentation de ses vérités ni arrogante dans
l'affirmation de ses revendications. Ses enseignements gravitent autour du
principe fondamental selon lequel la vérité religieuse n'est
pas absolue mais relative, et la révélation divine progressive,
non définitive. Elle proclame, sans équivoque et sans la moindre
réserve, que toutes les religions établies sont divines par
leur origine, identiques dans leurs objectifs, complémentaires dans
leurs fonctions, continues dans leur dessein, indispensables par leur valeur
pour l'humanité. Tous les prophètes de Dieu, affirme Baha'u'llah dans
le Kitab-i-Íqan, demeurent dans le même tabernacle,
volent dans le même ciel, sont assis sur le même trône,
prononcent les mêmes paroles et proclament la même foi. Depuis
le commencement qui n'a pas de commencement, ces interprètes de l'unité
de Dieu et ces canaux de sa parole incessante ont répandu sur l'humanité
la lumière de l'invisible beauté et continueront, jusqu'à
la fin qui n'a pas de fin à accorder de nouvelles révélations
de sa puissance et des expériences supplémentaires de sa gloire
inconcevable. Prétendre que n'importe quelle religion particulière
revêt un caractère définitif, que toute révélation
est terminée, que les portes de la miséricorde divine sont fermées,
que des sources de la sainteté éternelle ne se lèvera
plus aucun soleil, que l'océan de munificence perpétuelle s'est
à jamais apaisé et que, du tabernacle de la gloire ancienne,
les messagers de Dieu ont cessé d'être manifestés, ne
serait, en effet, rien de moins qu'un pur blasphème. Ils ne diffèrent, explique Baha'u'llah dans cette même
épître, que par l'intensité de leur révélation
et par la puissance relative de leur lumière. Et ceci non pas en raison
de quelque incapacité inhérente à l'un ou à l'autre
de révéler dans une plus large mesure la gloire du message qui
lui fut confié, mais plutôt à cause de l'immaturité
et du manque de préparation de l'âge dans lequel il vécut,
qui ne pouvait percevoir et absorber toutes les potentialités latentes
de cette foi. Sachez en toute certitude, explique Baha'u'llah, que, dans
chaque dispensation, la lumière de la révélation divine
a été octroyée aux hommes en proportion directe de leur
capacité spirituelle. Considérez le soleil. Comme ses rayons
sont faibles au moment où il apparaît au-dessus de l'horizon.
Comme sa chaleur et sa puissance augmentent progressivement à mesure
qu'il se rapproche de son zénith, permettant pendant ce temps-là
à toutes choses créées de s'adapter à l'intensité
croissante de sa lumière. Comme il décline régulièrement
jusqu'à ce qu'il atteigne le point de son coucher. S'il venait à
manifester subitement les énergies latentes qu'il renferme, il provoquerait,
sans nul doute, des dommages à toutes choses créées...
De même, si le Soleil de Vérité devait révéler
soudainement, aux premiers temps de sa manifestation, la pleine mesure des
pouvoirs que lui a accordés la providence du Tout-Puissant, la terre
de la compréhension humaine serait affaiblie et consumée; car
les coeurs des hommes ne supporteraient pas l'intensité de sa révélation
et seraient incapables de refléter l'éclat de sa lumière.
Consternés et accablés, ils cesseraient d'exister. C'est pour cette raison - et pour cette raison seulement - que ceux qui ont
reconnu la lumière de Dieu en cet âge ne prétendent pas
au caractère définitif de la révélation à
laquelle ils s'identifient et n'attribuent pas sans bonne raison à
la foi qu'ils ont embrassée des pouvoirs et des attributs intrinsèquement
supérieurs, ou essentiellement différents de ceux qui ont caractérisé
n'importe lequel des systèmes religieux qui l'ont précédée. Baha'u'llah lui-même ne fait-il pas allusion au caractère
progressif de la révélation divine et aux limites qu'une sagesse
impénétrable a choisi de lui imposer ? Que peut impliquer d'autre
ce passage des Paroles cachées, si ce n'est que celui qui le révélait
désavouait le caractère définitif de la révélation
que lui avait confiée le Tout-Puissant ? Ô fils de la justice
! À la nuit, la beauté de l'Être immortel se rendit des
hauteurs émeraude de la fidélité au Sadratu'l-Muntaha,
et versa tant de larmes que l'assemblée suprême et les habitants
des royaumes célestes gémirent devant ses lamentations. Sur
quoi, on lui demanda la raison des pleurs et des gémissements. Il répondit
: Selon l'ordre reçu, j'étais dans l'attente sur la colline
de la fidélité, mais je n'ai pas humé le parfum de fidélité
des habitants de la terre. Alors, invité à revenir, je regardai,
et vis que quelques colombes de sainteté étaient douloureusement
meurtries dans les griffes des chiens de la terre. Sur ce, la céleste
houri, dévoilée et resplendissante, se précipita hors
de sa demeure mystique et demanda leur nom; tous furent donnés sauf
un. Sur son insistance, la première lettre en fut prononcée,
sur quoi les habitants des célestes retraites s'élancèrent
hors de leur demeure de gloire. Et tandis que la seconde lettre était
dite, tous sans exception tombèrent dans la poussière. À
ce moment, une voix se fit entendre du fond du sanctuaire : "Jusque-là,
et pas plus loin." En vérité, Nous sommes témoin de ce
qu'ils ont fait et de ce qu'ils font encore. La révélation dont je suis le porteur, déclare explicitement
Baha'u'llah, est adaptée à la réceptivité
et à la capacité spirituelles de l'humanité; autrement,
la lumière qui brille en moi ne peut ni croître ni décroître.
Tout ce que je manifeste n'est rien de plus ni de moins que la mesure de la
gloire divine que Dieu m'a ordonné de révéler. Si la lumière qui maintenant pénètre à flots
une humanité toujours plus réceptive, avec un éclat qui
promet d'éclipser la splendeur des triomphes que les forces de la religion
ont remportés autrefois; si les signes et les preuves qui proclamèrent
son avènement ont été, à maints égards,
uniques dans les annales des révélations antérieures;
si ses disciples ont manifesté des qualités et des traits inégalés
dans l'histoire spirituelle de l'humanité, ceux-ci ne devraient pas
être attribués à un mérite supérieur que
posséderait la foi de Baha'u'llah en tant que révélation
isolée et étrangère à toute dispensation précédente,
mais plutôt être considérés et expliqués
comme la conséquence inévitable des forces qui ont fait de cet
âge-ci un âge infiniment plus avancé, plus réceptif
et plus pressé de recevoir une part plus ample de la direction spirituelle
divine que celle accordée jusqu'ici à l'humanité. Amis chèrement aimés ! Qui, contemplant l'impuissance, les
craintes et les misères de l'humanité en ce jour, peut douter
plus longtemps de la nécessité d'une nouvelle révélation
du pouvoir vivifiant de la direction spirituelle et de l'amour rédempteurs
de Dieu ? Qui, assistant, d'une part, aux progrès prodigieux accomplis
dans les domaines du savoir, du pouvoir, de l'habileté et du don d'invention
des humains et voyant, d'autre part, la nature spécifique, sans précédent,
des souffrances qui affligent la société contemporaine et des
dangers qui l'accablent, peut être assez aveugle pour douter que l'heure
a enfin sonné de l'avènement d'une nouvelle révélation,
d'une réaffirmation du dessein divin et, par conséquent, de
la renaissance de ces forces spirituelles qui ont, à intervalles déterminés,
redressé le cours de la société humaine ? La seule action
des forces unificatrices du monde à l'oeuvre en cet âge n'exige-t-elle
pas que celui qui est le porteur du message de Dieu en ce jour non seulement
réaffirme la même norme élevée de comportement
individuel que celle inculquée par les prophètes qui l'ont précédé,
mais aussi incorpore, dans son appel à tous les gouvernements et à
tous les peuples, l'essentiel de ce code social, de cette économie
divine qui doit guider l'humanité dans ses efforts concertés
en vue d'établir cette fédération universelle destinée
à marquer l'avènement du royaume de Dieu sur cette terre ? Ne pouvons-nous donc, puisque nous reconnaissons la nécessité
d'une telle révélation du pouvoir rédempteur de Dieu,
méditer sur la suprême majesté du système dévoilé
par la main de Baha'u'llah en ce jour ? Ne pouvons-nous nous
arrêter un moment - même si les préoccupations quotidiennes
que doit entraîner la diversité toujours plus grande des activités
administratives de sa foi nous pressent - pour réfléchir à
la sainteté des responsabilités que nous avons le privilège
d'assumer ? Ce n'est pas seulement dans la nature de la révélation de Baha'u'llah
- aussi formidable que soit sa revendication - que réside la grandeur
de cette dispensation. Car, parmi les traits distinctifs de sa foi, figure,
comme une preuve supplémentaire de son unicité, la vérité
fondamentale selon laquelle, en la personne de son prédécesseur,
le Bab, chaque disciple de Baha'u'llah reconnaît
non seulement un annonciateur inspiré, mais une manifestation directe
de Dieu. C'est leur ferme conviction que, quelque courte qu'ait été
la durée de sa dispensation et si brève qu'ait été
la période d'application de ses lois, le Bab avait été
doué d'un pouvoir qu'aucun fondateur d'aucune religion du passé
n'avait, par la providence du Tout-Puissant, été autorisé
à posséder. Qu'il ne fut pas seulement le précurseur
de la révélation de Baha'u'llah, qu'il fut plus
qu'un personnage divinement inspiré, que son rang fut celui d'une manifestation
de Dieu indépendante et autonome, lui-même le prouve abondamment,
ceci est affirmé en termes clairs par Baha'u'llah et
attesté enfin par le Testament de 'Abdu'l-Baha. Nulle part ailleurs que dans le Kitab-i-Íqan - l'exposé
magistral de Baha'u'llah de cette vérité unificatrice
unique qui se trouve à la base de toutes les révélations
du passé - il ne nous est possible d'acquérir une compréhension
plus claire du pouvoir des forces inhérentes à cette manifestation
préliminaire à laquelle sa propre foi est indissolublement associée.
Dissertant sur la portée inexplorée des signes et des preuves
qui ont accompagné la révélation proclamée par
le Bab, le Qa'im promis, il rappelle ces paroles prophétiques
: La connaissance se compose de vingt-sept lettres. Tout ce qu'ont révélé
les prophètes, ce sont deux de ces lettres. Nul homme, à ce
jour, n'a connu plus que ces deux lettres. Mais quand surviendra le Qa'im,
il suscitera la manifestation des vingt-cinq lettres restantes. Voyez, ajoute
Baha'u'llah, combien grand et élevé est son rang
! De sa révélation, ajoute-t-il encore, les prophètes
de Dieu, ses saints et ses élus n'ont pas été informés
ou, se conformant à l'impénétrable décret de Dieu,
ils ne l'ont pas dévoilée. Et cependant, si immensément élevé que soit le rang
du Bab, et si merveilleux qu'aient été les événements
qui ont signalé l'avènement de sa cause, une révélation
si prodigieuse ne peut que pâlir devant l'éclat de cet orbe de
splendeur inégalée dont il prédit l'apparition et dont
il reconnut volontiers la supériorité. Il nous suffit de nous
tourner vers les Écrits du Bab lui-même pour apprécier
la signification de cette quintessence de la lumière dont il n'était,
avec toute la majesté de son pouvoir, que l'humble précurseur
choisi. Maintes et maintes fois le Bab admit, en termes enthousiastes et sans
équivoque, le caractère prééminent d'une foi destinée
à être rendue manifeste après lui et à supplanter
sa cause. Dans le Bayan persan, le réceptacle principal et le
mieux préservé de ses lois, il affirme : Le germe, qui détient
en lui-même les potentialités de la révélation
à venir, est doté d'un pouvoir supérieur aux forces combinées
de tous ceux qui me suivent. De tous les hommages que j'ai rendus à
celui qui doit venir après moi, proclame le Bab à plusieurs
reprises dans ses écrits, en voici le plus grand : mon aveu écrit
qu'aucune de mes paroles ne peut le décrire adéquatement, et
qu'aucune référence à lui dans mon livre, le Bayan,
ne peut rendre justice à sa cause. S'adressant à Siyyid Yahyay-i-Darabi,
dit Vahid, le plus érudit et le plus influent parmi ses disciples,
il dit : Par la droiture de celui dont le pouvoir fait germer la graine et
qui insuffle en toutes choses l'esprit de vie, si je devais être assuré
qu'au jour de sa manifestation tu le renierais, je te désavouerais
sans hésitation et je répudierais ta foi... Si, d'autre part,
on me disait qu'un chrétien qui n'a pas juré fidélité
à ma foi croira en lui, celui-là je le considérerais
comme la prunelle de mes yeux. Si tous les peuples du monde, affirme Baha'u'llah lui-même,
étaient investis des pouvoirs et des attributs destinés aux
Lettres du Vivant, les disciples choisis du Bab, dont le rang est dix
mille fois plus glorieux que celui qu'atteignirent les apôtres de jadis,
et s'ils devaient hésiter, tous sans exception, fût-ce le temps
d'un battement de paupière, à reconnaître la lumière
de ma révélation, leur foi serait sans valeur et ils seraient
comptés parmi les infidèles. Si immense est l'effusion de la
grâce divine en cette dispensation, écrit-il, que si des mains
mortelles pouvaient être assez rapides pour les consigner par écrit
en l'espace d'un seul jour et d'une seule nuit, il en jaillirait des versets
en si grand nombre qu'ils équivaudraient à la totalité
du Bayan persan. Telle est, amis chèrement aimés, l'effusion de grâce
céleste octroyée par le Tout-Puissant à cette époque,
à ce siècle très éclairé ! Nous sommes
trop proches d'une révélation si colossale pour espérer
parvenir en ce siècle - le premier de son ère - à une
juste appréciation de sa grandeur très élevée,
de ses possibilités infinies, de sa beauté transcendante. Aussi
réduits que soient nos effectifs actuels, aussi limitées que
soient nos capacités ou circonscrite notre influence, nous, qui nous
sommes vu confier un héritage aussi pur, tendre et précieux,
nous devrions nous efforcer à tout moment, avec une vigilance soutenue,
de nous abstenir de toute pensée, parole ou action qui puisse ternir
sa splendeur ou porter atteinte à son développement. Combien
formidable est notre responsabilité; combien délicate et laborieuse
est notre tâche ! Chers amis, si claires et si directes que soient les instructions répétées
par notre Maître disparu dans d'innombrables tablettes qu'il a léguées
à ses disciples dans le monde, quelques-unes, étant donné
l'influence restreinte de la cause à l'Ouest, ont été
délibérément cachées à l'ensemble de ses
disciples occidentaux qui, malgré leur infériorité numérique,
exercent à présent une influence prépondérante
sur la direction et l'administration de ses affaires. Par conséquent,
je pense qu'il m'incombe, maintenant que le moment est venu, de souligner
l'importance d'une instruction qui, au stade actuel de l'évolution
de notre foi, devra toujours davantage être mise en avant, qu'il s'agisse
de son application à l'Est ou à l'Ouest. Et ce principe n'est
autre que celui qui implique la non-participation, de la part des adeptes
de la foi de Baha'u'llah - tant en leur nom propre que collectivement,
en tant qu'assemblées locales ou nationales - à toute forme
d'activité susceptible d'être interprétée, directement
ou indirectement, comme une ingérence dans les affaires politiques
de tel ou tel gouvernement. Que ce soit dans les publications qu'ils créent
et qu'ils supervisent, ou dans leurs délibérations officielles
et publiques, ou dans les postes qu'ils occupent et les services qu'ils rendent,
ou dans les communications qu'ils adressent à leurs condisciples, ou
dans leurs rapports avec des hommes éminents et investis d'autorité,
ou dans leurs affiliations à des sociétés et à
des organisations ayant des affinités avec la cause, c'est pour eux
- j'en suis fermement convaincu - une obligation primordiale et sacrée
de s'abstenir de toute parole ou de toute action qui puisse être interprétée
comme une violation de ce principe vital. Il est de leur devoir, d'une part,
de manifester le caractère apolitique de leur foi et, d'autre part,
d'affirmer leur loyauté et leur obéissance sans réserve
envers tout ce qui représente le jugement réfléchi de
leur gouvernement respectif. Qu'ils s'abstiennent de s'associer - en paroles ou en actions - aux activités
politiques de leur nation respective, aux politiques de leur gouvernement,
aux programmes et aux combines des partis et des factions. Dans ce genre de
controverses, il faudrait qu'ils ne portent aucune accusation, ne prennent
aucun parti, ne favorisent aucun dessein et ne s'identifient à aucun
système préjudiciable aux meilleurs intérêts de
cette communauté mondiale qu'ils ont pour but de protéger et
d'aider. Qu'ils prennent garde de devenir les instruments de politiciens sans
scrupules ou d'être pris au piège par les stratagèmes
déloyaux des intrigants et des perfides parmi leurs compatriotes. Qu'ils
façonnent leur vie et règlent leur conduite de telle sorte qu'aucune
accusation de dissimulation, de fraude, de concussion ou d'intimidation ne
puisse être portée contre eux, si peu fondée soit-elle.
Qu'ils s'élèvent au-dessus de tout particularisme et de tout
esprit de parti, au-dessus des vains conflits, des calculs mesquins, des passions
éphémères qui agitent la face, et retiennent l'attention,
d'un monde en mutation. Il est de leur devoir de s'efforcer de distinguer,
aussi clairement qu'ils le peuvent et, au besoin, avec l'aide de leurs représentants
élus, les postes et les fonctions à caractère diplomatique
ou politique de ceux qui sont de type purement administratif et qui, en aucune
circonstance, ne sont affectés par les changements et les aléas
que comportent nécessairement, dans tous les pays, les activités
politiques et les gouvernements partisans. Qu'ils affirment leur détermination
inébranlable de défendre, fermement et sans réserve,
la voie de Baha'u'llah, d'éviter les embarras et les
querelles mesquines inséparables des activités du politicien,
et de devenir les dignes instruments de ce système politique divin
qui incarne, pour tous les hommes, l'immuable dessein de Dieu. Il devrait être parfaitement clair qu'une telle attitude ne suppose
pas la moindre indifférence à l'égard de la cause et
des intérêts de leur propre pays, ni quelque insubordination
de leur part à l'autorité de gouvernements reconnus et établis.
Elle ne constitue pas non plus une répudiation de leur obligation sacrée
de promouvoir, de la manière la plus efficace, les meilleurs intérêts
de leur gouvernement et de leur peuple. Elle dénote le désir,
que chérit chaque disciple véritable et loyal de Baha'u'llah,
de servir, de façon désintéressée, discrète
et patriotique, les plus hauts intérêts du pays auquel il appartient,
et d'une manière qui n'entraînerait aucune déviation des
normes élevées d'intégrité et de véracité
associées aux enseignements de sa foi. À mesure que le nombre de communautés baha'ies
se multipliera dans les diverses parties du monde et que leur pouvoir, en
tant que force sociale, deviendra de plus en plus apparent, ces communautés
se trouveront sans nul doute soumises toujours davantage à la pression
qu'exerceront des hommes de pouvoir et d'influence dans le domaine politique,
dans l'espoir d'obtenir le soutien dont ils ont besoin pour l'avancement de
leurs objectifs. Ces communautés éprouveront en outre le besoin
croissant de pouvoir compter sur la bonne volonté et sur l'assistance
de leurs gouvernements respectifs, dans leurs efforts pour élargir
la portée et consolider les bases des institutions confiées
à leur charge. Qu'ils prennent garde, par leur désir ardent
de promouvoir les buts de leur cause bien-aimée, d'être amenés
sans le vouloir à "marchander" avec leur foi, à transiger sur
leurs principes essentiels ou à sacrifier l'intégrité
de leurs idéaux spirituels en échange d'avantages matériels
dont pourraient bénéficier leurs institutions. Qu'ils proclament
que, quel que soit le pays où ils résident et aussi développées
que soient leurs institutions, ou aussi profond que soit leur désir
de faire respecter les lois et d'appliquer les principes énoncés
par Baha'u'llah, ils subordonneront sans hésitation l'action
de telles lois et l'application de tels principes aux exigences et aux décrets
légaux de leurs gouvernements respectifs. Il n'entre pas dans leurs
objectifs, alors qu'ils s'efforcent de conduire et de perfectionner les affaires
administratives de leur foi, de violer, quelles que soient les circonstances,
les clauses de la constitution de leur pays et encore moins de permettre aux
structures de leur administration de supplanter le gouvernement de leurs nations
respectives. Il faudrait aussi garder à l'esprit le fait que l'extension même
des activités dans lesquelles nous sommes engagés, et la variété
des communautés qui oeuvrent sous des formes diverses de gouvernements
- si profondément différents quant à leurs critères,
leurs politiques et leurs méthodes - font qu'il est absolument fondamental,
pour tous les membres déclarés de l'une ou l'autre de ces communautés,
d'éviter toute action qui puisse, en éveillant la suspicion
ou en excitant l'antagonisme d'un gouvernement, impliquer leurs frères
dans de nouvelles persécutions ou compliquer la nature de leur tâche.
De quelle autre manière, pourrais-je demander, une foi aussi étendue
dans sa portée - qui transcende les frontières politiques et
sociales, qui inclut en son sein une si grande diversité de races et
de nations, qui devra de plus en plus faire confiance, à mesure qu'elle
progressera, à la bonne volonté et au soutien des divers gouvernements
de la terre opposés les uns aux autres - de quelle autre manière
une telle foi pourrait-elle réussir à préserver son unité,
à sauvegarder ses intérêts et à assurer le développement
régulier et pacifique de ses institutions ? Une telle attitude, cependant, n'est pas dictée par des considérations
d'opportunisme égoïste; elle est motivée, d'abord et avant
tout, par le large principe selon lequel les disciples de Baha'u'llah
ne se laisseront pas impliquer, quelles que soient les circonstances, que
ce soit à titre individuel ou collectif, dans des affaires qui pourraient
entraîner la plus infime déviation des vérités
et des idéaux fondamentaux de leur foi. Ni les accusations que des
gens mal informés ou mal intentionnés peuvent être amenés
à porter contre eux, ni l'attrait des honneurs et des récompenses
ne les détermineront jamais à abandonner leur confiance ou à
dévier de leur chemin. Que leurs paroles proclament, et que leur conduite
témoigne que ceux qui suivent Baha'u'llah, quel que soit
le pays dans lequel ils résident, ne sont ni poussés par une
quelconque ambition égoïste ni assoiffés de pouvoirs, et
qu'ils ne se soucient pas des vagues d'impopularité, de méfiance
ou de critique qu'une stricte adhésion à leurs normes pourrait
provoquer. Aussi difficile et délicate que soit notre tâche, le pouvoir
fortifiant de Baha'u'llah et de sa divine direction nous assistera
assurément si nous suivons fermement son chemin et si nous nous efforçons
de maintenir l'intégrité de ses lois. La lumière de sa
grâce rédemptrice, qu'aucune puissance terrestre ne peut obscurcir
si nous persévérons, illuminera notre route tandis que nous
naviguons parmi les écueils et les pièges d'un âge troublé,
et nous permettra d'accomplir nos devoirs d'une manière qui contribue
à la gloire et à l'honneur de son nom béni. Et enfin, frères chèrement aimés, laissez-moi attirer
une fois de plus votre attention sur l'action urgente que réclame le
Mashriqu'l-Adhkar, notre temple bien-aimé. Ai-je besoin de vous
rappeler la nécessité impérative de mener à bien,
pendant qu'il en est temps encore, la grande entreprise dans laquelle nous
nous sommes engagés aux yeux d'un monde qui nous observe ? Ai-je besoin
de souligner le grand préjudice qu'un nouveau retard dans la poursuite
de cette tâche divinement ordonnée, même dans ces circonstances
critiques et imprévues, infligerait au prestige de notre cause bien-aimée
? Je suis - je peux vous l'assurer - intensément conscient de la rigueur
des circonstances auxquelles vous êtes confrontés, des difficultés
parmi lesquelles il vous faut oeuvrer, des soucis qui vous accablent, de l'urgence
pressante des demandes dont vos ressources épuisées font continuellement
l'objet. Je suis toutefois encore plus profondément conscient du caractère
sans précédent de l'occasion que vous avez le privilège
de saisir et d'utiliser. Je suis conscient des bénédictions
incalculables que doit attendre l'achèvement d'une entreprise collective
qui, par l'étendue et la nature des sacrifices impliqués, mérite
d'être rangée parmi les exemples les plus éminents de
la solidarité baha'ie, depuis que ces actes d'héroïsme
brillant immortalisèrent la mémoire des héros de Nayriz,
de Zanjan et de Tabarsi. J'en appelle donc à vous, amis
et condisciples de Baha'u'llah, pour une plus grande part d'abnégation,
pour un plus grand effort concerté, pour une preuve encore plus irrésistible
de la réalité de la foi qui rayonne en vos coeurs. Et, dans ce fervent plaidoyer, ma voix est, une fois de plus, renforcée
par l'ardente et peut-être dernière supplique de la plus Sainte
Feuille - dont l'esprit, s'attardant à présent au bord du grand
au-delà, se languit de prendre son vol vers le royaume d'Abha
et la présence d'un Père divin et tout-puissant - : l'assurance
du joyeux achèvement d'une entreprise dont le progrès a tellement
illuminé les derniers jours de sa vie terrestre. Que les croyants d'Amérique,
ces vaillants pionniers de la foi de Baha'u'llah, répondront
unanimement, avec cette même générosité spontanée
et cette même mesure d'abnégation qui ont caractérisé
leur réponse à ses appels dans le passé, aucune personne
qui connaisse bien la vivacité de leur foi ne peut en douter. Plût à Dieu que, pour la fin du printemps de l'année
1933, les foules qui, des recoins éloignés du globe, afflueront
sur les terrains de la grande Foire qui se tiendra au voisinage de ce lieu
sacré aient le privilège de contempler, grâce à
votre infatigable esprit d'abnégation, la splendeur de son dôme
- un dôme qui se dressera, tel un phare flamboyant, comme un symbole
d'espoir au milieu des ténèbres d'un monde plongé dans
le désespoir. Votre frère fidèle, Shoghi.
4.1. La contribution de l'Amérique à
la Cause
4.2. Déclin de l'empire mortel
4.3. Contraste avec les religions du passé
4.4. Principe fondamental de la vérité
religieuse
4.5. Nécessité d'une nouvelle révélation
4.6. Le rang du Bab
4.7. L'effusion de la grâce divine
4.8. Le système politique divin
4.9. Notre temple bien-aimé
Haïfa, Palestine,
le 21 mars 1932.