Elimination de toutes formes d'intolérance
Ref: 1990 - BIC document #90-0125 - UN document #E/CN.4/1990/NGO/5 Communiqué à la 46ème session de la Commission des droits de l'homme des Nations
unies, Point 24 de l'ordre du jour provisoire: Application de la déclaration sur
l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondée sur
la religion ou la conviction. Genève, Suisse, 25 janvier 1990.
Comme l'a dit Mme Odio Benito dans son excellent rapport (E/CN.4/Sub.2/1987/26)
et ainsi que l'a rappelé M. Van Boven dans le très instructif document de travail
(E/CN.4/Sub.2/1989/32) qu'il a récemment présenté à la Sous-commission de lutte
contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités, le droit à
la liberté de pensée, de conscience, de religion et de conviction est étroitement
et intimement lié à tous les autres droits de l'homme et libertés fondamentales.
En fait, ce droit est si important pour la personne qu'au cours de leur histoire
les hommes ont préféré sacrifier toutes les autres libertés, voire leur propre
vie, plutôt que de renoncer au droit de croire et d'agir conformément aux injonctions
de leur conscience intime.
Des problèmes particuliers se posent cependant si l'on veut garantir cette liberté
tout en encourageant la coopération et le dialogue entre les adeptes de religions
et convictions différentes. Ces difficultés tiennent au fait que, dans bien des
cas, ces religions et convictions ne sont pas seulement des façons différentes
de considérer la vie mais que, d'après leur enseignement fondamental, les idées
professées par les adeptes d'autres systèmes de croyances sont à la fois fausses
et néfastes.
On ne peut espérer élaborer un code universel reconnaissant le droit à la liberté
de pensée, de conscience, de religion et de conviction et affirmer en même temps
que les adeptes de tel ou tel système doivent renoncer aux convictions s'opposant
aux convictions des adeptes d'autres systèmes, niant ainsi la liberté même que
ce code vise précisément à établir.
C'est pourquoi la communauté internationale baha'ie maintient que des idées antagonistes
n'entraînent pas inévitablement des conflits de personnes et pense que trois principes
peuvent être d'une aide infiniment précieuse pour surmonter les obstacles à l'exercice
de cette liberté.
Le premier de ces principes est la reconnaissance de la faillibilité humaine et
l'acceptation du fait que, même quand un homme estime que ses convictions sont
parfaitement vraies, il doit reconnaître que la compréhension qu'il en a est restreinte
par les limitations même de sa nature. L'histoire suffit à nous donner une claire
démonstration de cette faillibilité humaine.
Le deuxième est la confiance dans le triomphe ultime de la vérité, pour peu que
nous le cherchions avec persévérance et humilité.
Le troisième consiste à reconnaître que nous appartenons tous à une même race
humaine habitant un même monde réduit, dont les problèmes exigent, pour être résolus,
que tout être humain leur consacre la réflexion la plus profonde et le meilleur
de soi-même.La communauté internationale baha'ie pense qu'en gardant ces trois
principes à l'esprit les adeptes de tout système religieux ou de toute conviction
pourront, tout en professant les convictions qui les inspirent dans leur vie,
admettre que les êtres humains qui professent d'autres convictions ont la même
intention désintéressée de servir l'humanité et n'auront pas de difficultés à
¦uvrer avec eux à l'amélioration du sort du grand nombre.
En raison du processus historique, les hommes d'une partie du monde ignorent trop
souvent la pensée profonde qui sous-entend les convictions des habitants d'une
autre partie du monde. La communauté internationale baha'ie estime donc que l'exercice
de la liberté universelle de religion et de conviction exige qu'un dialogue s'instaure
entre les adeptes de tous les systèmes (et avec ceux qui n'en ont aucun) contribuant
ainsi à l'accroissement considérable du savoir et de la sagesse de l'ensemble
de l'humanité.
On voit ici combien l'éducation des enfants et l'élimination de l'analphabétisme
sont importantes pour cette liberté. Les hommes qui ont grandi avec la capacité
et les moyens d'acquérir des connaissances deviennent difficilement la proie du
fanatisme sectaire et de préjugés obscurs, généralement à l'origine de l'intolérance,
que celle-ci concerne la conviction, la race, l'origine nationale ou sociale.
D'où aussi l'importance du développement économique et social. Un peuple qui vit
dans la misère et l'oppression ne sera pas disposé à considérer avec tolérance
les convictions et systèmes de valeurs de ceux qui vivent dans l'abondance et
ne font rien pour l'aider. En fait, la communauté internationale baha'ie pense
que si tous les hommes, quelles que soient leurs convictions, oeuvraient ensemble
à l'amélioration du sort de l'humanité, cette collaboration les aiderait à renverser
les barrières de l'ignorance et du préjugé et saperait l'intolérance religieuse
à sa racine même.
Les baha'is constituent une minorité présente dans tous les pays du monde, en
provenance de pratiquement tous les horizons. L'expérience leur permet d'affirmer
que l'exercice du droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion et
de conviction est une réelle possibilité en même temps qu'une nécessité vitale
pour le bien-être de l'humanité, à cette heure décisive de son histoire. Là où
il y a amour, unité, tolérance et idéalisme, les hommes prospèrent ; quand ils
sont victimes de l'ignorance, des préjugés, de la division et de la haine, ils
s'enfoncent dans un abîme de désastres sans fin.