Archéologie
du royaume de dieu
Par Jean-Marc Lepain
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Chapitre X. Conséquences philosophiques de la psychologie
baha'ie
X.1.
Métaphysique et psychologie
Si on analyse certaines des difficultés qui se sont fait jour dans la pensée
théosophique de l'occident, on s'aperçoit que la plupart proviennent du fait
que le Christianisme n'est jamais parvenu à assimiler l'héritage de la pensée
antique. De la rencontre entre l'hellénisme et le Christianisme, devaient fatalement
naître des incompatibilités qui n'ont été que partiellement détectées. L'hellénisme,
même dans sa version néoplatoniste n'a jamais pu atteindre un spiritualisme
complet. On retrouve toujours dans la pensée grecque des traces du matérialisme
originel.
Ces problèmes ont été transposés dans la théosophie occidentale, ce qui expliquent
son incapacité à résoudre certains problèmes, et tout particulièrement celui
de la spiritualité de l'âme. Les solutions retenues par l'occident pour établir
cette spiritualité de l'âme vont aboutir à la séparation radicale de l'âme et
du corps recouvrant la séparation de l'intelligible et du sensible.
On peut montrer que depuis les Pères grecs jusqu'à Descartes il y a une ligne
parfaite de continuité. L'impossibilité pour eux de loger de manière satisfaisante
la sensation dans l'âme entraînera la psychologie occidentale sur la pente du
matérialisme qui finira par nier la spiritualité de l'esprit.
La psychologie de Baha'u'llah évite cet écueil parce qu'elle est trichotomique.
On appelle psychologie trichotomique une psychologie qui distingue dans le composé
humain non pas deux entités (dichotomie) telles que l'âme et le corps, mais
trois entités, c'est-à-dire l'âme, l'esprit et le corps. Nous avons vu au chapitre
précédent comment cette trichotomie est établie dans les Écrits de Baha'u'llah.
Il nous reste à en voir les conséquences philosophiques.
En fondant sa psychologie sur la trichotomie, Baha'u'llah ne fait que rester
fidèle à une longue tradition. La psychologie de la Bible comme celle du Coran
est nettement trichotomiste et on en trouve des traces jusque chez saint Paul(321).
Il peut donc paraître tout à fait étonnant que cette doctrine ait été totalement
condamnée par le Christianisme occidental, et cela dès le Concile de Calcédoine.
Il faut sans doute voir là un malentendu tragique entre l'Église hellénisée
pensant la trichotomie sous les catégories de la pensée grecque et les Églises
d'Orient restées fidèles à l'enseignement judaïque.
X.2. Psychologie de l'Ancien Testament
L'Ancien Testament distingue trois éléments dans le composé humain: nefesh,
neshâmâh et rûâh. Il existe cependant pour distinguer ces termes en hébreu les
mêmes difficultés qu'en arabe. Il ne semble pas que ces distinctions soient
propes aux langues sémitiques, ou que leur nature soit purement linguistique,
mais il semble plus probable qu'elles se soient imposées à une époque ancienne
à partir d'une véritable réflexion psychologique. Tous ces termes évoquent le
souffle.
Nefesh représente dans l'Ancien Testament l'esprit vital. Il est commun à l'homme
et aux animaux. Comme principe de vie, le nefesh est parfois associé au sang.
Il meurt avec le corps. Cependant le nefesh n'est pas réductible à un simple
principe biologique. Il comporte un important aspect psychologique. Certains
passages en font le siège des pensées, des sentiments, du savoir et de la science.
Il est tantôt jugé négativement, car responsable des passions, tantôt considéré
sous son aspect positif, car porteur de sagesse.
Rûâh est comme nefesh un souffle, mais c'est un souffle divin puisque c'est
le souffle que Dieu a soufflé dans les narines d'Adam pour lui conférer la vie.
Le Rûâh distingue l'homme de l'animal.
Comme en arabe, il existe beaucoup d'autres termes pour désigner les éléments
du composé humain. Il est probable que ces termes sont des survivances d'une
époque où l'unité psychique de l'homme n'était pas encore perçue. Neshâmâh se
distingue mal de nefesh et de rûâh avec qui il est interchangeable. C'est également
un souffle vital principe de vie. Lêb signifie "coeur". Il est le siège des
sentiments, bons ou mauvais, des pensées et des résolutions. Cependant, dès
les livres sapientiaux, ces expressions semblent être utilisées pour leur valeur
avant tout métaphorique.
Les traducteurs chrétiens ont traduit nefesh par psyché en grec et anima en
latin. Rûâh a été habituellement rendu par pneuma en grec et spiritus en latin.
Quant à Neshâmâh ont le traduit généralement par pnoé en grec et spiraculum
en latin. On voit déjà apparaître ici une première difficulté. Car pneuma n'est
ni équivalent à spiritus en latin, ni à Rûâh en hébreu, et psyché n'est certainement
pas l'équivalent de anima ou de nefesh. Les glissements de sens sont donc inévitables.
Ces glissements sémantiques expliquent pourquoi nous ne disposons pas dans les
langues occidentales d'un vocabulaire adéquat pour décrire la psychologie de
Baha'u'llah.
X.3. L'âme chez les Pères de l'Église
Dans les Ecrits des Pères grecs, psyché va être le mot choisi pour désigner
l'âme des morts, comme principe éternel subsistant au-delà de la vie. Ceci va
entraîner de nombreux contre-sens exégétiques et doctrinaux, puisqu'au contraire
ce mot était sensé au départ traduire nefesh qui est un principe mortel. A cette
première difficulté, s'ajoute le fait que le grec Noûs va être introduit de
manière totalement indépendante pour désigner une réalité qui n'est pas réellement
contenue dans la pensée de l'Ancien et du Nouveau Testament. Ce mot, dans la
terminologie des Pères de l'Eglise, désigne l'Esprit en général, mais également
la pensée de l'homme. Il a été rendu en latin tantôt par Sensus tantôt par intellectus.
Les rares emplois du mot Noûs dans la Septante serviront de base à une interprétation
néoplatonicienne de la bible en posant l'équivalence entre le Noûs biblique
et le Noûs plotinien. Ce mot généralement rendu en français par "Intellect"
ou "Intelligence" et en arabe par "'aql", désigne également la Raison, d'où
une nouvelle source de malentendus.
Les premiers Pères de l'Eglise et les premiers exégètes, qui ne connaissaient
pas l'hébreu, se sont donc trouvés devant un vocabulaire hétéroclite dont ils
avaient totalement perdu la clef. La distinction, à vrai dire assez floue, entre
un principe de vie corporelle (nefesh) et un principe de vie spirituelle (ruâh),
leur a complètement échappé, tant il était évident pour eux que la pensée de
l'homme était identique à son âme (psyché) et son âme au principe de vie. Les
Pères grecs voyaient une contradiction au fait que nefesh puisse être aussi
siège d'une conscience indépendante de la psyché, auteur d'une pensée, et principe
d'opérations spirituelles(322).
La doctrine chrétienne de la spiritualité de l'âme va mettre trois siècles à
se préciser. C'est naturellement à Platon et Aristote que les Pères s'adresseront
pour tenter d'éclairer les Livres saints tout en étant conscients que ni l'un
ni l'autre n'ont une doctrine compatible avec le Christianisme.
Aux difficultés sémantiques se sont ajoutées des difficultés conceptuelles.
Les Pères grecs, et à leur suite l'Eglise d'Occident, vont s'avérer incapables
de penser l'âme autrement que sous la catégorie de la substance(323).
On sera donc obligé de distinguer deux types de substances, les substances corporelles
et les substances spirituelles. Mais en substantifiant l'âme, on court le risque
de la corporaliser. C'est notamment le cas de Tertulien qui affirmera que l'âme
est un corps. Cette opinion sera rejetée par la plupart des Pères, mais ils
considéreront néanmoins que l'âme a une étendue et cette étendue coïncide avec
le corps humain.
L'Epître à Diogène affirme que "l'âme est répandue par tous les membres du corps..."
(324). Irénée dira "les âmes ont la forme
du corps qui le reçoit, elles s'adaptent comme l'eau au vase"(325).
Certains Pères trouveront cette image trop fluide et diront que la relation
de l'âme et du corps est comme celle de l'eau gelée dans un seau.
Les Pères de l'Eglise n'ont pas complètement ignoré la trichotomie du composé
humain telle qu'elle se trouve dans la tradition judaïque. Trop de passages
de l'Ecriture sont manifestement trichotomistes si bien qu'il faut s'en accommoder.
Justin essaye de résoudre le problème en disant que l'âme (psyché) est vivifiée
par l'esprit (pneuma). En fait, Justin veut surtout démontrer que l'âme ne possède
pas la vie en soi, que son immortalité n'est pas une immortalité de nature,
mais une immortalité conférée par Dieu. Malgré cela, partout Justin suppose
l'unité et lidentité du principe pensant et de l'âme.
Tatien propose une autre solution. Il distingue en l'âme une partie inférieure
et une partie supérieure qui constituent deux sortes d'esprits distincts. L'esprit
est donc une subdivision de l'âme bien que l'esprit inférieur soit généralement
assimilé à l'âme elle-même et l'esprit supérieur est décrit comme "l'image et
la ressemblance de Dieu" qui se surajoute à l'âme. L'âme inférieure est liée
à la matière, car pour Tatien, la distinction fondamentale est entre la matière
et l'esprit. Ceci l'amène à conclure que l'âme humaine est composée et non simple;
l'âme inférieure étant composée avec le corps. L'âme sert de lien entre la chair
et l'image de Dieu, mais l'âme est dans la chair. Nous voyons donc la difficulté
de Tatien de penser l'âme indépendamment du corps et de parvenir à exprimer
de manière dichotomique ce qui est essentiellement trichotomique.
Irénée dira que l'esprit est un don de Dieu fait à l'âme et c'est ce qui rend
l'homme parfait. Il prête cependant à l'âme un corps éthéré. C'est ce corps
éthéré qui compénètre le corps physique qui le moule. Il considère donc l'âme
comme une substance fluide. De nombreux Pères de l'Eglise, à sa suite, auront
de grandes difficultés à penser l'âme, ou toute autre créature spirituelle,
sans un corps, fut-il éthéré. La difficulté que soulève ce genre d'interprétation
est que si on fait de l'âme une réalité corporelle, il devient difficile de
lui conserver ses qualités spirituelles. Cependant, grande était la tentation
dans le Christianisme, comme dans l'Islam, de corporaliser l'âme, car cela permettait
d'expliquer les peines de l'enfer. Comment imaginer que le feu de l'enfer puisse
avoir de prise sur l'âme si celle-ci n'est pas un corps? Origène s'avouera incapable
de comprendre comment une substance spirituelle pourrait subsister sans corps,
aussi donne-t-il un corps même aux anges.
X.4. Premières considérations sur l'origénisme
C'est chez Origène qu'on trouve le premier exposé systématique de la psychologie
trichotomique(326). Origène rassemble
tous les éléments épars qu'il trouve dans les Ecritures et chez ses prédécesseurs
et il tente de les combiner dans une théorie générale. Il revient donc à la
trichotomie biblique sous une forme associant l'esprit (pneuma), l'âme et le
corps (soma). Comme Tatien, il distingue cependant une partie inférieure et
supérieure dans l'âme. L'élément supérieur est le Noûs qu'on pourrait rendre
autant par "Esprit" que par "Intelligence", mais que certains ont assimilé à
l'hégémonikon stoïcien pour le rendre en latin par principa cordis, mentis ou
animae.
L'élément inférieur de l'âme lui a été ajouté au moment de la chute. Il représente
la tentation de l'âme de se détourner de l'esprit pour se mettre au seul service
du corps.
L'âme a donc la possibilité de se tourner soit vers l'esprit soit vers la chair,
en ce sens vers le siège du libre arbitre et de la personnalité de l'homme.
En se donnant à l'esprit, l'âme se spiritualise et elle se libère de l'emprise
de l'élément inférieur. Au contraire, si elle se tourne vers le corps elle devient
charnelle. En pratiquant les vertus chrétiennes, l'âme s'élève dans des degrés
de spiritualité de plus en plus hauts, ce qui la rend de plus en plus semblable
à l'image de Dieu qu'elle porte en elle.
L'esprit (pneuma) est l'élément divin en l'homme. Il est donc le souffle de
Dieu. C'est lui qui a l'intelligence des choses spirituelles, et c'est donc
lui qui, connaissant l'ordre spirituel des choses, peut dicter à l'âme sa conduite.
C'est lui qui reçoit les grâces divines et en particulier les dons de l'Esprit-saint
et qui permet à l'homme de participer au divin. Lorsque l'âme est réduite par
la chair, il ne disparaît pas mais il rentre en torpeur et perd son pouvoir
hégémonique. C'est cette faculté hégémonique que Origène appelle également "coeur".
La psychologie d'Origène présente des similitudes frappantes avec celle de Baha'u'llah.
Ces similitudes s'expliquent en partie, mais en partie seulement, par la fidélité
d'Origène à la tradition judaïque. Il serait intéressant de pouvoir consacrer
aux deux systèmes une étude comparative qui non seulement se pencherait sur
le problème des sources mais qui étudirait les réponses ainsi apportées aux
problèmes de la spiritualité de l'âme. Car si Origène a le mérite de sortir
de l'ambiguïté de ses prédécesseurs, il est loin de parvenir à résoudre tous
les problèmes auxquels il s'attaque.
Visiblement le pneuma et la psyché des écrits origéniens ne correspondent pas
entièrement aux nafs des Ecrits de Baha'u'llah. Pour Origène le pneuma est l'élément
divin de l'homme, en ce sens il se rapproche du ruh de Baha'u'llah et il est
bien dans le prolongement du rûâh biblique. Mais le pneuma origénien ne possède
pas une existence ontologique clairement définie. On ne connait d'ailleurs pas
très bien ce rapport avec Noûs ou avec l'élément hégémonique qui préexistait
avant l'apparition de l'âme dans le corps.
La psyché origénienne demeure le principe éternel en l'homme en même temps qu'elle
est le support de la vie physique. Origène a beaucoup de mal à préserver l'unité
de cette vie psychique partagée entre l'esprit et l'âme. En tant que corps éthéré
reproduisant le corps physique, l'âme explique les sensations, d'où une difficulté
à expliquer la différence de nature entre la perception sensible et la perception
spirituelle.
Origène résoud le problème en partie seulement grâce à sa théorie des cinq sens
spirituels(327). Néanmoins, malgré ces
difficultés les conceptions d'Origène ouvre de magnifiques perspectives pour
le développement d'une gnose qui, elle aussi, présente bien des ressemblances
avec celles de Baha'u'llah. Il est probable que sans cette anthropologie, Origène
n'aurait pas pu fonder sa théorie de l'exégèse mystique qui, de tout le Christianisme,
est celle qui présente le plus de rapport avec le ta'wil musulman.
Les conceptions origéniennes n'ont eu dans le Christianisme qu'une influence
souterraine en raison de leur condamnation par l'Eglise. Il est certain qu'Origène
n'a pas su régler le problème des rapports de la foi et de la raison et qu'il
a rejeté tout contrôle du discursif sur l'intuitif. Son exégèse prend parfois
des libertés étonnantes avec l'Ecriture. Cependant, incontestablement, Origène
fut le plus grand penseur chrétien avant Augustin. L'Eglise, tout en continuant
à l'utiliser, lui a néanmoins dénié toute reconnaissance. Sans doute suscitait-il
déjà la "peur de l'Ange", et sa condamnation par l'Eglise est déjà celle de
toute pensée théosophique.
X.5. La doctrine des syriaques
Les conceptions trichomistes ne disparaissent cependant pas avec la condamnation
des courants alexandrins. Elles seront conservées dans l'Eglise syriaque qui
a joué sans doute dans l'histoire spirituelle de l'Orient un rôle considérable,
mais aujourd'hui totalement ignoré. Les syriaques, grâce à l'utilisation d'une
langue sémitique, ont pu garder une terminologie proche de la Bible, tout en
faisant évoluer dans son contenu d'une manière qui préfigure déjà la réflexion
des grands théologiens musulmans.
Le nefesh hébreu est rendu par le syriaque nafshâ qui annonce le nafs arabe.
C'est un souffle qui est en même temps principe vital. Le neshâmâ hébreu est
rendu par le mot neshmâ qui peut être simplement un emprunt. Quant au rûâh biblique,
il devient le rûh. A l'inverse des grecs, les syriens ont toujours compris le
caractère immatériel (lâ hulânâyta) de l'âme.(328)
Aphraate, par exemple, est nettement trichomiste.(329)
La terminologie d'Aphraate marque cependant les mêmes fluctuations que celles
qu'on constatera plus tard en arabe Rûh et Nafahâ sont chez lui aisément interchangeables.
D'une manière générale, Aphraate s'est peu intéressé à ce type de question métaphysique(330),
et les syriens sont restés fidèles à l'enseignement des écoles juives, particulièrement
à celles de Babylone et de Ninive. Cette fidélité ne signifie cependant pas
qu'ils aient ignoré l'enseignement grec, mais ils sont parvenus à une synthèse
beaucoup plus heureuse que celles des pères hellénisés.
Aphraate assimile l'âme, au sens de psyché, à "l'âme spirituelle" (rûhâ nafshânâyta)(331)
en tant que principe de vie immortel. Le troisième élément est défini comme
une grâce. Mais à la différence de Justin et de Tertulien, il prête à l'esprit
une véritable existence ontologique, puisqu'à la mort l'esprit monte au ciel,
alors que l'âme est "ensevelie dans sa nature", "tout sens lui est ôté" (332),
et elle est plongée dans le sommeil dans l'attente de la résurrection(333).
Ceux qui ont mené une vie pieuse dorment d'un sommeil paisible alors que le
sommeil des méchants est peuplé de cauchemars, car ils se savent condamnés.
Au moment de la résurrection, l'esprit redescend du ciel auprès du corps pour
le ressusciter avec l'âme ensevelie. La réunion de l'esprit et du corps conduit
alors à la pleine spiritualisation de l'âme. Quant aux pécheurs, ils ne seront
revivifiés que par leur âme et demeureront ainsi ensevelis dans leur nature
inférieure. Cette doctrine contient des ressemblances frappantes avec celles
qui seront plus tard développées dans l'Islam.
En même temps, on voit que la principale difficulté qui s'oppose à la constitution
d'une psychologie opérante qui puisse rendre pleinement compte des problèmes
de la conscience et des rapports entre la pensée et le corps sur une base trichotomique,
vient du fait que ces théories devaient également être compatibles avec le dogme
de la résurrection. Dans l'enseignement de Baha'u'llah, la question de la résurrection
ayant été supprimée, plus rien ne s'oppose à la constitution d'une véritable
psychologie trichotomiste en accord avec la psychologie et l'épistémologie moderne.
La psychologie d'Ephrème est assez semblable à celle d'Aphraate, quoique moins
subtile. Il la définit dans une formule célèbre "l'âme l'emporte sur le corps
; l'esprit (re'yânâ) est plus que l'âme. L'âme embellit le corps et l'esprit
donne sa beauté à l'âme."(334)
X.6. L'esprit et le souffle
Le terme syriaque re'yâna a été utilisé pour rendre soit le grec Noûs soit le
mot Pneuma. Le terme est passé par la suite en arabe sur la forme rayhan, par
assimilation à la racine de Ruh (RWH ou RYH). Il est intéressant de noter qu'on
retrouve également ce terme dans les écrits de Baha'u'llah et dans ceux d''Abdu'l-Baha,
souvent sous la forme "ruh wa rayhan" qu'on traduit parfois par "l'esprit et
les brises". Il ne faut jamais perdre de vue qu'il y a dans les langues sémitiques
une analogie entre "l'esprit" et "le souffle". Ruh wa rayhan désigne donc dans
les Écrits de Baha'u'llah quelque chose qui semble être une émanation divine,
probablement un effet du Verbe divin, qui vient pour revivifier les esprits
humains et leur confère une nouvelle vie spirituelle. Mais lorsqu'on traduit
rayhan par "brise" ou par "souffle" il ne faut jamais non plus oublier que ce
terme a une parenté avec le Noûs grec. Ce souffle est une grâce et une confirmation
par l'Esprit.
X.7. L'Esprit de Foi
Les auteurs grecs ont souvent voulu assimiler l'esprit à la partie supérieure
de l'âme, et ils ont fait de celui-ci une grâce ou un charisme. Dans la mesure
où une psychologie trichotomiste débouche aisément sur la théorie de l'intuition
divine par illumination de l'âme, il faut effectivement une "grâce" ou une "lumière",
voire un "souffle" pour produire cette illumination. On pourrait montrer que
la théorie d'Augustin sur la connaissance divine par illumination de l'âme a
beaucoup de mal à fonctionner dans un cadre résolument dichotomiste et qu'elle
serait beaucoup plus à l'aise dans un cadre trichotomiste.
Dans les Écrits baha'is, l'esprit de Foi joue le même rôle. 'Abdu'l-Baha explique
que l'esprit de foi (ruh-i-imani) est une grâce ou une émanation (les deux termes
se confondent) divine qui produit des effusions (nafathat)(335)
de l'Esprit-saint qui par un pouvoir divin (qurat-i-ilahiyyih) confère à l'âme
la vie éternelle(336). Ne nous trompons
pas ici sur le sens de cette vie éternelle. Il ne s'agit pas de dire, comme
Justin l'a fait, que l'immortalité de l'âme n'est pas une immortalité de nature
mais une grâce conférée par Dieu à l'âme. Pour les baha'is, l'âme est par essence
éternelle. Mais il existe des degrés dans l'éternité. Il y a l'éternité de la
pierre comme il y a l'éternité de l'esprit et les deux ne sont pas équivalents.
Les âmes qui ne reçoivent pas la vie éternelle (hayat-i-abadiyyih) continueront
d'exister dans le royaume d''Abha, mais dans un niveau de conscience atténuée
qui les empêchera d'entrer dans la contemplation des réalités spirituelles les
plus élevées.
La vie éternelle désigne donc cet état de conscience supérieure qui implique
une union ou une communion avec Dieu et sa manifestation. Mais ce pouvoir divin
(rahmani), émanant de cette grâce divine (ilahi), n'a pas des effets que dans
l'autre monde. Dès ce monde, il transforme l'être humain et il fait de "l'homme
terrestre" (insan-i-ardi) un "homme céleste" (insan-i-samavi). En langage origénien,
nous disons qu'il rend "pneumatique" l'homme "hylique". "Il rend pur celui qui
est impur, éloquent celui qui est muet ; il purifie et sanctifie celui qui est
prisonnier des passions charnelles ; il rend savant l'ignorant."(337)
Cette doctrine de l'Esprit de Foi comme grâce n'est pas sans rappeler Aphraate.
Mais à la différence d'Aphraate, 'Abdu'l-Baha se garde bien de faire dépendre
le statut ontologique de l'âme de cette grâce. Chez Aphraate, c'est l'esprit
qui reçoit cette grâce, et c'est là sa fonction principale. Dans la psychologie
baha'ie, c'est l'âme immortelle à laquelle elle confère en plus de son immortalité
son caractère éternel qui prend un sens entièrement spirituel. La psychologie
baha'ie permet de distinguer nettement entre la grâce qui produit l'illumination,
et l'âme comme miroir.
X.8. Les tribulations de l'âme de Platon
à Origène
Une des difficultés qu'ont eu les grecs pour comprendre le sens véritable de
la psychologie trichotomiste et son enjeu, provient du fait qu'ils ne pouvaient
pas s'empêcher de l'interpréter en termes platoniciens, voire pythagoriciens.
Or, il y a chez Platon des traces d'archaïsmes qui conduisent à une véritable
impossibilité de penser l'unité de l'âme.
Cette impossibilité a été détectée par la plupart des Pères de l'Église, c'est
pourquoi, même les plus platoniciens d'entre eux, ont toujours rejeté la psychologie
platonicienne. Platon distingue l'âme concupiscible (epithymia) dont dépend
la satisfaction des besoins vitaux. Cette âme concupiscible sombre facilement
dans la démesure (Hybris), c'est pourquoi il faut sans cesse la ramener à la
tempérance. La seconde âme est le coeur (thymos) qui est le siège des passions.
Elle balance constamment entre l'emportement colérique (orgé) et le courage
(andreia). Pour cette raison, on appelle également le coeur, l'âme irrascible.
Aussi bien l'âme concipiscible que l'âme irrascible sont mortelles. Seul est
éternel l'Esprit (Noûs) qui est le siège de la pensée et permet à l'homme de
s'élever jusqu'à l'intelligible. Comme on le voit, cette trichotomie platonicienne
n'a que peu de rapport avec la trichotomie judaïque, syriaque ou origéniste.
C'est pourtant sur la base de cette assimilation radicale et abusive que les
théologiens ont toujours fait la critique de la psychologie trichotomiste et
que certains ont cru pouvoir distinguer des influences pythagoriciennes chez
Origène.
La condamnation d'Origène a favorisé une certaine méfiance à l'égard des Pères
qui l'ont précédé, et notamment de Clément d'Alexandrie, qui pourtant était
resté beaucoup plus mesuré dans son exégèse. Cette rupture va préparer l'essor
de la patristique latine qui, après Augustin, romprera avec la patristique grecque.
Mais déjà avec Grégoire de Nysse commence à s'établir la doctrine dichotomiste
qui deviendra l'orthodoxie de l'Eglise.
Grégoire est un des premiers à voir dans l'âme une image de la trinité, ce qui
montre que les querelles trinitaires ne sont pas sans effet non plus dans ce
domaine. La doctrine de Grégoire de Nysse n'est cependant pas sans valeur, car
l'âme y est beaucoup plus spiritualisée que dans la doctrine des trois premiers
siècles et son unité est mieux établie. C'est d'ailleurs, sans doute le souci
d'établir cette unité et l'unité du sujet pensant qui, au départ, a favorisé
la doctrine dichotomiste.
De Grégoire de Nysse à Saint Augustin la théologie chrétienne a introduit dans
sa doctrine de nouveaux raffinements, sur l'origine de l'âme, sur la liberté
et la chute, sur l'idée que l'âme est la prison du corps, etc. Mais ces développements
ne nous intéressent pas vraiment. L'âme est maintenant définie comme immortelle,
immatérielle, spirituelle, simple et non composée. La scolastique ne fera que
reprendre ces données, surtout à travers Saint Augustin, pour y mêler progressivement
des éléments aristotéliciens. Pour Saint Augustin, le problème fondamental sera
celui de la transmission à l'âme du péché originel.
Saint Augustin a sans doute eu une influence très négative sur l'évolution du
christianisme, en raison de sa vision pessimiste de l'homme qui le conduit à
formuler le dogme du péché originel et la doctrine de la prédestination. Il
fut néanmoins un fin psychologue et un philosophe conséquent. Le triomphe de
ses idées sur celles de Pélage marque cependant une nouvelle défaite pour l'esprit
chrétien.
Comme on le voit, la psychologie chrétienne a été malheureusement définie à
partir de dogmes qui n'avaient rien à voir avec la psychologie, comme les peines
de l'enfer, la résurrection, la trinité et le péché originel. La psychologie
a toujours été traitée comme un problème secondaire et subalterne. Ce fut une
erreur qui produisit de nombreuses inconséquences. Ce sont les mêmes raisons
qui vont conduire au XIII siècle au rejet de l'Augustinisme en profit de l'aristotélisme.
X.9. Nouvelles tribulations de Saint
Thomas d'Aquin à Descartes
Pour Saint Thomas d'Aquin, seules les catégories aristotéliciennes permettent
de penser la spiritualité de l'âme. Les Pères de l'Église, sous l'emprise du
matérialisme grec, avaient conçu l'âme comme une substance spirituelle. Saint
Thomas, conscient de cette inconséquence, cru résoudre heureusement ce problème
en faisant de l'âme la forme aristotélicienne du corps(338).
Cette doctrine, pensait Saint Thomas, permettait de mieux rendre compte de la
résurrection. Si la résurrection de la chair est nécessaire, c'est que seule
l'union de l'âme et du corps forment un être complet. Il n'y a donc dans l'homme
qu'une seule substance complète qui résulte de cette union. L'âme doit être
regardée comme une substance incomplète qui ne trouve sa complétude qu'unie
au corps. Néanmoins, l'union de l'âme et du corps, pour être opérante, doit
être substantielle. C'est pourquoi l'âme et le corps doivent chacun posséder
un caractère de la substance, c'est-à-dire la forme pour l'une, la matière pour
l'autre.
Saint Thomas croit ainsi éviter le piège de l'augustinisme, qui voyait dans
l'âme une substance à part entière, et le danger de corporaliser l'âme. Il retire
donc à l'âme l'étendue et il croit que cette opération est suffisante pour affirmer
sa spiritualité. Il est également préoccupé d'affirmer le caractère contingent
de l'âme. C'est pourquoi il fait de l'âme un composé métaphysique. L'âme est
composée d'essence et d'existence (influence avicénienne), d'acte et de puissance,
de sujet et d'accident (influence aristotélicienne). Cette composition métaphysique
distingue l'âme de Dieu, car seul Dieu est sans composition. Il est l'Être en
soi, en lui on ne peut distinguer l'Être de l'Existence.
Si on étudie la transition entre Origène et Saint Augustin, puis le passage
à Saint Thomas d'Aquin et à Descartes, on ne peut manquer d'être frappé par
la logique de cette évolution. Saint Thomas refuse de faire de l'âme une réalité
en soit indépendante du corps. Au lieu de corporaliser l'âme en lui prêtant
un corps subtil, on en faisait une substance indépendante, il corporalise l'âme
en l'assujetissant au corps, en ne conservant son existence que dans un étroit
rapport avec le corps. De ce fait, il ouvre la voie à Descartes qui, croyant
prendre le contre pied de son système, voulait établir une séparation absolue
de l'âme et du corps, et va réduire l'âme à la pensée.
Les penseurs matérialistes auront beau jeu de montrer que si l'âme est pensée
et si la pensée est une fonction cérébrale, alors l'âme et le corps ne forment
qu'une seule et même réalité. Saint Thomas et Descartes ont bien vu le danger,
mais ils n'ont pas su l'éviter, parce que pesaient sur eux les contraintes de
la dogmatique chrétienne, notamment en matière d'eschatologie, et parce qu'ils
étaient prisonniers d'une pensée dichotomiste.
Descartes se voit en particulier obligé d'affirmer le caractère substantiel
de l'union de l'âme et du corps, ce qui paraît en totale contradiction avec
sa théorie. Mais affirmer le contraire eut réduit l'homme à un ens per accidens,
un être accidentel, ce à quoi s'opposait le dogme chrétien. De ce fait, il affirma
que la pensée est réellement et substantiellement unie au corps : "mentem corpori
realiter et substantialiter esse unitam, non per situm aut dispositionem".
Descartes se voyait obligé de définir l'âme et le corps comme deux substances
distinctes, posant alors le problème de l'union des deux substances, l'une matérielle,
l'autre spirituelle. C'est ainsi qu'il ramène le corps à l'étendue et l'âme
à la pensée, la pensée étant définie comme ce qui n'a pas d'étendue. Distinguer
l'étendue de la pensée dérive évidemment de la distinction thomiste entre la
matière et la forme qui, elle même, dérive de la nature corporelle de l'âme
des Pères du IIIème siècle, tel Irénée et Tertulien. Ceux-ci voyaient l'âme
comme un contenu du corps, un fluide vital lui-même composé de parties introduisant
une dualité entre l'inférieur et le supérieur.
Pour Saint Thomas d'Aquin, l'union de l'âme avec le corps se fait par les puissances
végétatives qui la rivent à la matière. Ainsi, l'âme est définie comme un principe
substantiel, simple et n'acceptant aucune composition sauf la composition métaphysique,
inattendue, incorporelle, intrinsèquement unie au corps dans la vie organique
et la vie sensitive, mais possédant une existence et une action propre dans
la vie intellective.
Saint Thomas, conçoit la connaissance comme le produit du composé humain(339).
Le corps participe avec l'âme à l'acquisition des connaissances. Les sens sont
reliés à l'âme comme l'âme sert de principe vital au corps. Pour Descartes,
seule l'âme pense et celle-ci n'a aucun rôle dans les fonctions vitales et élémentaires
du corps. Lorsque Descartes adopte les théories de Harvey sur le mouvement du
coeur, ce n'est pas par pur intérêt scientifique, mais bien pour des raisons
métaphysiques: il espère ainsi démontrer que le coeur pompe la chaleur de l'air
et qu'ainsi donc la chaleur du corps n'a rien à voir avec l'âme comme principe
vital.(340)
D'un côté, nous voyons, dans le système thomiste, la pauvreté de la notion de
spiritualité de l'âme, son absence d'autonomie, la confusion entre l'intelligible
et l'intellectuel, puisqu'en renonçant à la théorie augustinienne de la connaissance,
il supprime tout pouvoir d'intellection directe de l'âme et donc toute faculté
imaginale. De l'autre côté, Descartes avec sa théorie des idées innées et des
idées claires et distinctes reviendra à une conception plus augustinienne de
la connaissance.
Cependant, en établissant une séparation rigoureuse entre l'âme et le corps
et en réduisant l'âme à la pensée, il aboutira à un système où il devient impossible
d'expliquer les rapports entre l'âme et le corps et où la séparation entre la
pensée et la sensation aboutit à des absurdités tels les animaux-machines.
Ainsi Descartes a ouvert la voie à la philosophie immanentiste de Spinoza et
à l'idéalisme kantien. De là découle le destin de toute la philosophie occidentale
moderne. La patristique, puis la scolastique, ne sont jamais sorties des pièges
que leur avait tendu le matérialisme grec; d'où il résulte que la philosophie
occidentale soit affligée d'une véritable cécité au fait spirituel.
X.10. La spiritualité de l'âme
Tout cela nous amène à une première constatation: c'est que la spiritualité
de l'âme n'a pas le même sens dans la philosophie occidentale que dans la pensée
baha'ie. Dans la philosophie occidentale, "spirituel" veut dire "ayant les qualités
de l'esprit", mais "esprit" est une catégorie qui est définie négativement par
rapport à la matière dans le cadre d'une bipolarité qui est en fait un dualisme
déguisé. "Spirituel" veut donc dire essentiellement immatériel, incorporel,
dénué d'étendue. Certes, les essences sont spirituelles, dans ce sens, mais
également la pensée de l'homme. On assistera donc rapidement à une intellectualisation
du spirituel ; le terme pouvant finalement ne servir qu'à décrire la seule vie
intérieure et affective de l'homme.
Dans sa "Dissertation sur la spiritualité de l'âme" le cardinal de la Luzerne
explique que parmi les preuves de la spiritualité de l'âme figure le fait que
la matière est composée, alors que la pensée est simple et sans mélange, ce
qui implique une stricte réparation entre la pensée et la matière et que la
matière doit être sans effet sur elle, car s'il en était autrement la pensée
serait un attribut de la matière(341).
Dans ce petit traité, nous voyons bien apparaître cette confusion entre l'âme,
le moi, la conscience et la pensée. L'âme y est décrite comme une substance
spirituelle pensante, siège de la sensation, de la représentation et de la pensée
réflexible. Au fur et à mesure où la science pénètrera les mécanismes de la
sensation et le rôle du cerveau, toutes les preuves théologiques sur la spiritualité
de l'âme s'effondreront.
Nous assisterons à une dégénérescence de l'intelligible, qui lui-même était
une conception gauchie du spirituel. Cette réduction progressive du spirituel
à l'intellectuel nous paraît un drame plus fondamental encore que la perte des
hiérarchies angéliques où la réduction de l'imaginal à l'imaginaire.
Dans les Écrits baha'is, le mot "spirituel" a un sens différent. Certes, il
désigne toujours quelque chose qui a les qualités de l'esprit, mais le mot revêt
un sens autre. Est "spirituel" l'homme qui exprime sa véritable nature, c'est-à-dire
sa nature divine. Ce qui fait la spiritualité de l'âme, c'est qu'elle a la capacité
de refléter les noms divins et d'être ainsi une image de son créateur. Cette
image constitue le dépôt (amâna) divin. La spiritualité n'existe donc dans l'âme
qu'à l'état de potentialité, comme est potentielle l'intelligence de l'homme.
Si un enfant ne reçoit jamais aucune éducation, son intelligence ne se développera
pas; peut-être même n'apprendra t-il jamais à parler. De même, la spiritualité
de l'âme a besoin d'exercice et de pratique pour se développer. Elle nécessite
un travail de purification et de transformation du moi intérieur. En se rapprochant
de son créateur, elle reçoit plus pleinement la lumière divine qui l'illumine
et qui lui permet de rayonner les noms divins de manière plus parfaite. Les
qualités spirituelles qui sont le reflet de ces noms sont donc des perfections,
même si elles existaient au départ de manière latente.
Ainsi la psychologie baha'ie évite toute possibilité de confondre la spiritualité
avec la pensée. Approfondir la spiritualité, c'est découvrir la véritable nature
de l'homme indépendamment de tout processus cognitif. Inversement, la connaissance
de la gnose découle de cette spiritualité. L'homme spirituel est donc un homme
gnostique au sens où Clément d'Alexandrie employait ce terme.(342)
Mais ne nous trompons pas; l'homme aurait beau consacrer sa vie à l'étude de
la gnose, jamais cette étude ne le rendra plus spirituel, car la spiritualité
s'aquière par la méditation accompagnée de l'action. C'est en agissant sur le
monde pour le transformer que l'homme se transforme lui-même.
X.11. Nature de l'âme et théorie de
la connaissance
Déterminer la nature de l'âme et ses rapports avec la connaissance et le corps
n'est pas seulement un problème métaphysique, mais surtout un problème épistémologique
parce qu'il conditionne toute la théorie de la connaissance. Dans les développements
qui vont suivre, nous ne ferons qu'esquisser ce problème, car notre but ici
n'est pas de définir une théorie complète de la connaissance, mais seulement
de montrer comment cette connaissance des mondes spirituels, qui soutend toute
la métaphysique baha'ie, est possible. C'est donc en ce sens que la nature de
l'âme nous intéresse ici, et en ce sens seulement.
Un des enjeux du problème consiste à déterminer si la connaissance est une activité
autonome de l'esprit ou de l'âme, ou bien une simple détermination de la conscience
par le moyen de la perception sensitive ou imaginative; l'activité intellective
n'intervenant dans ce cas que pour ordonner les données ainsi produites.
Affirmer que la connaissance est une activité autonome de l'esprit connaissant
est une conception séduisante pour développer une théorie de l'imaginal, mais
elle a des implications métaphysiques sur la nature du monde dont on peut penser
qu'elles ne sont pas compatibles avec la métaphysique de Baha'u'llah. Inversement,
une théorie de la connaissance comme simple détermination de la conscience conduit
aisément au nominalisme.
Si on rapporte ces problèmes à la pensée de Baha'u'llah, on s'aperçoit qu'il
n'est pas facile de les résoudre, et il est parfois étonnant de constater combien
sa philosophie semble participer des deux systèmes, ou du moins les transcender.
En fait, il n'y a pas chez Baha'u'llah, ou 'Abdu'l-Baha, une théorie complète
de la connaissance, mais un ensemble de données définissant des théories possibles
qui excluent d'autres modèles. Par ailleurs, nous savons à quel point toute
théorie de la connaissance est liée à une philosophie du langage ainsi qu'à
la logique et nous savons également à quel point tous deux ont fait au cours
de ce siècle des progrès considérables. Pour fonder une théorie de la connaissance,
il faudrait donc confronter les Ecrits de Baha'u'llah à tous ceux des philosophes,
qui ont également traité de la question; tâche qui dépasse nos ambitions plus
modestes.
Dans le platonisme, l'âme a un accès direct aux idées qui la remplissent, et
c'est donc en elle-même qu'elle trouve les éléments de la connaissance du sensible
à partir de l'intelligible. Elle saisit la connaissance des individualités,
grâce à sa connaissance du tout, puisque pour elle, le particulier est contenu
dans l'universel.
Pour Aristote, au contraire, c'est le particulier qui conduit à l'universel.
L'esprit humain saisit les idées qui sont les essences immuables immanentes
aux objets. L'individu précède le genre qui en est déduit. L'appréhension des
formes aristotéliciennes comme des idées platoniciennes est surtout intuitive
parce que pour Aristote ce n'est que par l'intuition qu'on remonte à l'unité,
alors que pour Platon cette unité est transcendante.
Avicenne a voulu construire son système sur des bases différentes. C'est parce
que l'âme individuelle participe à l'âme universelle ou à l'intellect agent
qu'elle a accès au monde des essences sur lequel elle fonde sa connaissance
des réalités individuelles.
Baha'u'llah s'écarte de ces trois systèmes et prend une diagonale qui traverse
toutes les oppositions et dépasse leurs contradictions. Aussi, sa pensée n'est-elle
ni nominaliste ni réaliste.
Il faut rappeler qu'il n'y a pas pour lui une séparation aussi stricte que dans
la philosophie classique entre le sensible et l'intelligible. Toute chose sensible
comporte en elle-même une part d'intelligible, parce que les lois de l'univers,
sur lesquelles est fondée l'existence des choses, sont de nature intelligible.
Le sensible est donc plutôt un cas particulier de l'intelligible. C'est bien
à partir de l'intelligible que l'homme comprend le sensible, grâce au pouvoir
de la raison ('aql) qui est une fonction de l'âme.
La raison n'est pas une partie de l'âme. C'est une faculté dotée de la capacité
de se refléter dans l'esprit de l'homme, et ainsi de découvrir ce qui est caché
dans la nature, c'est-à-dire l'intelligible. Comprendre l'intelligible est donc
une faculté spirituelle qui n'appartient ni à l'esprit ni au corps. C'est cependant
l'esprit qui fait usage de cette faculté de l'âme. La raison étant ce qui distingue
l'homme de l'animal, la capacité d'avoir accès à l'intelligible est le propre
de l'homme. C'est pour cette raison que la science et inséparable de l'homme
comme la religion. Dès que l'homme a été l'homme, il y a eu une science; fut-elle
une proto-science teintée de magie. La science est une caractéristique de l'Esprit
anthropique. La science a toujours existé parce que l'Esprit anthropique a toujours
existé puisqu'il fallait une créature pour reconnaître le créateur.
L'âme saisit directement les réalités spirituelles par connaturalité; non que
l'âme puisse porter en elle-même les idées, les genres ou les espèces, mais
parce qu'il existe entre elle et le monde spirituel une "ressemblance", une
identité de structures, un rapport analogique, qui est celui des Noms divins.
C'est donc au travers de ces noms divins que nous saisissons les réalités spirituelles
et ce rapport qui fait la différence entre le spirituel et l'intelligible.
Mais la connaissance spirituelle est différente de la connaissance sensible.
La connaissance sensible est le propre de l'esprit (nafs) qui est en rapport
avec le sens et en qui se trouve "la faculté commune" encore appelée "faculté
discréminante", qui fait communiquer les cinq sens physiques avec les cinq facultés
intellectuelles(343). D'une certaine façon,
la connaissance spirituelle est un processus noétique et intuitif, alors que
la connaissance sensible est un processus épistémologique et discursif. Cependant,
l'un et l'autre aboutissent à la raison qui n'est ni discusive, ni intuitive.
On pourrait objecter qu'un tel système préserve difficilement l'unité psychologique
du sujet. Mais pour Baha'u'llah, cette unité du sujet est assurée tout simplement
par la conscience (damir) et par la raison. Cette unité serait effectivement
difficile à maintenir dans un monde fondé sur le dualisme du sensible et de
l'intelligible, du matériel et du spirituel. Mais son existence est fondée eo
ipso dans le monde de Plérôme. Cependant, il faut bien voir que l'unité du sujet
que l'on trouve affirmée dans les textes baha'is est de nature très différente
de l'unité du sujet cartésien.
L'unité du sujet fondée sur le cogito est une l'illusion comme l'ont démontré
Nietzsche et Freud. Pour Baha'u'llah, non seulement le sujet est partagé entre
le moi obscure et le moi divin, entre les exigences de la psyché (nafs) et celle
de l'âme spirituelle (ruh), entre les sens externes et les sens internes, mais
même son mode de prise de connaissance du monde et de lui-même est fondé sur
un ensemble de fonctions qui doivent coopérer entre elles, précisément grâce
à la faculté commune.
La conscience doit donc faire un effort pour que l'unité de perception de soi
et du monde ne s'effectue pas par la prédominance d'un des éléments de nos facultés
spirituelles et intellectives au détriment des autres, ce qui viendrait restreindre
notre connaissance de la réalité.
C'est ici que l'on réalise que la connaissance de l'extériorité est fondée sur
la connaissance de l'intériorité et réciproquement. Il n'y a pas de connaissance
du monde sans connaissance du moi. Finalement, la reconnaissance que la conscience
est le produit d'un composé susceptible de parler à plusieurs voix est loin
de conduire à la dissolution du sujet comme dans la philosophie contemporaine.
Cette conception de l'unité du sujet et de sa participation au monde du Plérôme
à des niveaux différents a d'importantes conséquences. Certes, l'homme part
du sensible pour s'élever au spirituel grâce au rapport analogique et homologique
entre les deux mondes. Mais ceci n'entraîne pas les conséquences habituelles
d'un idéalisme pur, car les réalités spirituelles sont bien établies comme des
réalités en soi. Ces réalités en soi sont des réalités individuelles; ce qui
implique que l'individu physique est bien l'image de l'individu spirituel. Il
ne peut y avoir dissociation de l'un et de l'autre. Les réalités essentielles
sont bien des essences individuelles, et non des participations à un même genre
comme dans le système platonicien. Sur ce point Baha'u'llah est plus proche
de Saint Thomas que d'Avicenne, même si sa pensée demeure incompatible avec
l'aristotélisme.
X.12. L'union de l'âme et du corps
La modalité de l'union de l'âme et du corps est une question qui se trouve au
coeur de toute scolastique chrétienne, alors que la scolastique musulmane semble
avoir été peu troublée par ce problème.
On a vu que les Pères de l'Eglise avaient pensé cette union comme celle de deux
substances, l'une matérielle et l'autre spirituelle. Cette superposition de
substances posait de multiples problèmes que Saint Thomas a cru pouvoir résoudre
en disant que l'âme est la forme du corps, avec toutes les conséquences que
cela suppose. La scolastique chrétienne a toujours voulu que l'union de l'âme
et du corps fut substantielle, d'une part en raison du dogme de la résurrection,
et d'autre part parce que écarter l'union substantielle conduisait pour eux
tout droit à faire de l'âme un accident du corps ; ce qui devenait aisé une
fois qu'on avait retiré à l'âme son autonomie et qu'on en avait fait le siège
de la conscience, de la pensée et des sensations.
Pour maintenant comprendre la façon dont Baha'u'llah résoud le problème, il
nous faut apporter quelques éclaircissements sur la terminologie. La scolastique
parle de "substance" là où nous sommes habitués à parler d'"essence" et où Baha'u'llah
parle de "réalité" (haqiqat), Shoghi Effendi dit même "réalité essentielle".
Le mot "substance" (ousia) vient d'Aristote, et a un sens assez proche de celui
d'essence. Celui-ci définit la substance comme "ce qui n'est pas prédicat d'un
sujet, mais que les autres choses sont prédicat d'elle".
Un peu plus loin, il ajoute que dans un second sens, on peut définir la substance
comme "la cause immanente de l'existence des êtres d'une nature telle qu'ils
ne sont pas affirmés d'un sujet"(344).
La substance n'est donc rien d'autre qu'une essence considérée comme immanente
à un sujet et constituant sa limite et sa quiddité(345).
La substance première (prote ousia) est l'individu identique à l'essence (to
ti esti), en ce sens que l'essence est ce qui permet de passer de l'individuel
à l'universel. Dans la scolastique, Saint Thomas affinera ces définitions et
leur donnera un tour plus systématique. Il fera en particulier de la quiddité,
la nature existant dans une nature corporelle objet de l'intellect.
Ces termes ont exactement leur contrepartie dans la scolastique musulmane et
nous verrons, lorsque nous aborderons le Commentaire du Trésor Caché, 'Abdu'l-Baha
raisonner en utilisant cette terminologie. Pour cette raison, il n'est pas inutile
d'introduire dès à présent ce vocabulaire.
Selon cette approche, on peut prêter à chaque niveau de réalité une substance.
L'âme est une substance, le corps est une substance, mais on est également obligé
de prêter aux atomes qui composent le corps une substance indépendante du corps,
ainsi l'homme devient un enchevêtrement de substances. Cette difficulté avait
déjà été perçue par Aristote qui parlait d'un "essaim" de substances. C'est
pour éviter cette difficulté que Saint Thomas fait dériver l'unité de substance
du composé humain en faisant de l'âme la forme substantielle ne peut être ni
une substance ni une essence car la forme n'est pas une réalité en soi, mais
une réalité intellectuelle ('aqli) n'existant pas indépendamment de l'esprit
de l'homme. Du moins, c'est ce que nous croyons pouvoir déduire de son système
de pensée et du Commentaire du Trésor Caché d''Abdu'l-Baha.
L'âme doit donc être une essence c'est-à-dire une réalité transcendante au corps,
non une réalité immanente comme la forme substantielle. Alors comment éviter
que le composé humain ne devienne un enchevêtrement d'essences? C'est ici que
Baha'u'llah envisage une solution radicale, totalement cohérente avec son système,
qui eut sans doute frappé de terreur, à une époque où on brûlait les gens pour
moins que cela, nos théologiens scolastiques enfermés dans leur scriptorium.
Il réduit le corps à un simple accident de l'âme(346).
C'est ici que nous voyons réapparaître les hiérarchies spirituelles et les mondes
divins. On peut parler au sens thomiste de l'essence de l'homme ou de l'essence
des atomes du corps, parce que les essences sont des réalités intelligibles;
mais ces essences n'ont pas la même modalité ontologique. Elles ne sont pas
dans le même monde. L'âme appartient au Malakut, ce qui fait d'elle une réalité
spirituelle (haqiqat), alors que l'essence (jawhar) des atomes appartient au
monde de Mulk, et qu'elle n'est rien qu'une réalité intelligible.
Une réalité spirituelle ne peut être substantiellement liée à une réalité matérielle,
même à travers son essence. Le lien qui existe doit être autre que substantiel.
Pour Baha'u'llah, il est spéculaire. Le corps est un miroir qui doit être illuminé
par la lumière de l'âme. L'âme se reflète en lui mais elle ne descend pas en
lui. Telle est la nature de leur relation sans que n'intervienne aucune substance.
Mais il ne faut pas oublier que dans cette théologie spéculaire c'est l'image
qui, en se projettant, fait apparaître le miroir.
Notons que cette conception de l'âme arrive à maintenir le caractère transcendant
de l'essence avec l'existence de l'individu considérée comme réalité première.
Ainsi la métaphysique de Baha'u'llah échappe à la terrible antinomie du platonisme
et du péripatétisme qui a pesé sur la la philosophie occidentale comme une fatalité.
Ainsi le nominalisme n'est plus à craindre, car l'existence d'individus-sujets
s'affirme dans la transcendance.
En résumé, l'âme est une réalité spirituelle transcendante par rapport au corps,
qui en est un accident et avec lequel elle entretient un rapport spéculaire
qui est le seul rapport possible entre deux réalités de degrés ontologiques
différents.
X.13. La conscience et le moi divin
Cette solution nouvelle apportée au vieux problème de l'union de l'âme et du
corps nous aide à mieux comprendre l'intérêt d'une psychologie trichotomiste.
Le caractère transcendant de l'âme la rend impropre à être le siège de la pensée,
des sentiments et des sensations. Toutes ces modalités psychologiques tombent
dans le rapport de l'esprit (nafs).
L'esprit naît de l'interaction de l'âme et du corps, et en particulier de l'esprit
animal avec l'âme douée de raison. Notre pensée consciente est à la fois le
reflet de la spiritualité de notre âme et du contenu de notre esprit qui au
départ est essentiellement préoccupé avec les sens, puisqu'il doit satisfaire
aux appétits du corps.
Ainsi, dirions nous qu'à l'inverse de Descartes, Baha'u'llah rend la pensée
étroitement dépendante du corps; cela est souligné par le fait que la pensée
est le produit de la conscience et que la conscience est précisément ce qui
assure l'unité du composé humain. Cette conscience est le produit du corps,
de l'esprit et de l'âme, car lorsque je pense "moi", je me pense comme un tout.
Cette conscience est dépendante de nombreux éléments contingents, dont le premier
est le langage sans lequel la pensée discursive n'existerait pas. On peut donc
dire que toute pensée ayant recours au langage est une pensée appartenant à
l'esprit (nafs), alors que la pensée intuitive qui saisit directement le rapport
entre les choses vient de l'âme (ruh), sans qu'on puisse exclure totalement
la médiation de l'esprit.
Une des preuves avancées par Baha'u'llah pour établir la distinction entre l'esprit
et l'âme, se trouve dans l'exemple de la maladie mentale. La folie est le produit
d'un obstacle entre la faculté rationnelle de l'âme et l'esprit. Or, si l'homme
perd la raison, il ne perd pas la pensée.
L'apparition de la faculté rationnelle dans l'esprit dépend cependant du corps.
Car le réfléchissement de l'âme dans le miroir du corps, qui crée le phénomène
transitoire de l'esprit, n'est possible que si le corps a atteint un degré suffisant
de maturité et si ses composés sont en harmonie. Ainsi que le déclare 'Abdu'l-Baha:
"lorsque les éléments sont arrangés et mélangés selon un ordre, une organisation
et un arrangement absolument parfait, l'esprit de l'homme apparaît et se manifeste
en eux."(347)
Au moment de la mort, l'esprit disparaît avec le corps. Ceci ne peut se faire
sans une transformation profonde de la conscience. Celle-ci se trouve élargie
puisqu'elle a maintenant directement accès aux réalités spirituelles, mais en
même temps elle est brutalement dépouillée de toutes les idiosyncrasies que
nous sommes habitués à considérer comme un élément déterminant de notre personnalité.
Ceci montre combien notre personnalité et notre identité humaine sont illusoires.
Seul doit subsister notre moi divin, c'est-à-dire l'âme comme essence reflétant
les Noms divins. L'éternité de l'âme ne peut se penser dans une modification
radicale de la conscience, modification qui sera en même temps un élargissement.
Notes
(321) cf. St. Paul: I. Thess., V, 23;
I. Cor., II, 14; I. Cor., XV, 45; Hebr., IV, 12.
(322) cf. Prov., XII, 10; Ps., LXXXV,
4; CIII, 1 35; Prov., XIX, 2.
(323) Il s'agit, bien entendu, d'une influence
aristotélicienne qui a pénétré toute la pensée grecque et par la suite chrétienne.
(324) Patrologie grecque, t. II, col.
1176.
(325) Irénée, Adversus haeresis, II, C.
XIX, n.7.
(326) cf. Henri Crouzel, Origène, Paris-Namur,
1984. pp. 123-137, et du même auteur "L'anthropologie d'Origène dans la perspective
du combat spirituel" in Revue d'Ascétique et de Mystique, 31, 1955, pp. 364
et 385. Voir également J. Dupuis, L'Esprit de l'homme: Étude sur l'anthropologie
religieuse d'Origène, Bruges 1967.
(327) cf. K. Rahner, Le début d'une doctrine
des cinq sens spirituels chez Origène.
(328) On reconnaît dans l'adjectif lâ-hulânâyta
, le mot grec hylé (matière) qui montre à quel point les syriaques étaient pénétrés
de pensée grecque. Hylé deviendra en arabe hayula.
(329) Aphraate, Les Exposés, VI, 14.
(330) Pour des informations complémentaires
sur Aphraate, on peut se reporter à la note que nous lui avons consacrée au
début du chapitre IV.
(331) La combinaison des deux termes montre
l'imprécision du vocabulaire et à quel point il est difficile de distinguer
dans les textes rûh et nafshâ.
(332) Exposés, VI, 14.
(333) Ibid., VIII, 18. et XXII, 6.
(334) St Éphrème, Paradis, sermon IX,
t. III. p. 591.
(335) L'arabe nafatha signifie "exhaler",
"expectorer", "souffler". Naftha pl. nafathat peut être rendu par "exhalaison",
"souffle", "expectoration", "salive", "émission", effusion", etc.
(336) Les Leçons de St. Jean d'Acre, Ch.
XXXVI, p. 150; Mufawadat, p. 109.
(337) Ibid., pp. 150-151.
(338) On dit également "forme substantielle".
(339) cf. St. Thomas d'Aquin, Somme théologique,
I., 75. 2.
(340) cf. É. Gilson, Étude sur le rôle
de la pensée médiévale sur la formation du système cartésien, pp. 51-100.
(341) cf. Cardinal de la Luzerne, Dissertation
sur la spiritualité de l'âme, Paris, 1823.
(342) Dans les Stomates Clément d'Alexandrie
déclare: "La gnose c'est l'intelligence noétique de la prophétie" (St. II, 54,
1.), ce qui signifie que la gnose est le fruit de l'intuition qui conduit à
l'herméneutique spirituelle, au ta'wil. Ailleurs, il ajoute: "La foi au Christ
et la gnose de l'Évangile sont l'exégèse et l'accomplissement de la loi" (St.
IV, 134, 3.).
(343) cf. St. Jean d'Acre, Ch., LVI.
(344) Aristote, Métaphysique, Livre D,
8, 10-15; trad. J. Tricot, Vrin, éd. 1991, pp. 182-183.
(345) Ibid., Livre D, 17. 5-10, p. 205.
(346) cf. St. Jean d'Acre, Ch. LXVI-A,
p. 244: "Si l'accident, c'est-à-dire le corps, disparaît, l'essence, c'est-à-dire
l'esprit subsiste". Il faudrait certainement corriger ici la traduction et parler
d'âme plutôt que d'esprit pour traduire le mot ruh du texte persan.
(347) St. Jean d'Acre, Ch. LII, p. 207.