Le courage
d'aimer
Shoghi Ghadimi
6. La lumière ne fait pas de bruit
Chapitre précédent
Retour au sommaire
Chapitre suivant
6.2. La puissance de la patience
On attribue à un sage cette histoire sur
la patience:
Une nuit - dit-il - j'ai rêvé qu'un nouveau magasin s'était ouvert dans notre
ville. Un ange était derrière le comptoir. Non sans émotion je lui demandai
ce qu'il vendait.
"Tout ce que votre coeur désire" - m'a-t-il répondu.
"En ce cas, je voudrais la paix sur terre: n'en avons nous pas assez d'être
toujours découragés ; tout le monde est mécontent, pourquoi tant de difficultés
et d'épreuves?"
"Arrêtez - dit l'ange en souriant - vous n'avez pas tout-à-fait compris. Ici
nous ne vendons pas de fruit, rien que des graines."
Cette histoire donne une belle illustration de la patience. D'abord cette image
de graine et de fruit. Quand une graine est enterrée, elle n'est pas pressée
d'exiger du soleil et de la pluie qu'ils lui apportent leur aide a afin qu'elle
devienne le plus tôt possible un arbre fruitier. Le soleil et la pluie n'ont
pas signé un contrat avec la graine, contrat qui les engage à remplir précipitamment
le rôle qui leur est assigné par la Providence. Lentement et sûrement ils lui
portent assistance, assistance sans laquelle la graine ne pourrait donner de
fruit.
La graine est patiente, elle sait attendre, elle sait endurer, et elle sait
qu'elle doit supporter aussi bien la chaleur du soleil que les orages inévitables
sans lesquels elle ne peut manifester sa valeur: sa capacité de porter des fruits.
Cette image doit se graver dans l'esprit de l'homme afin qu'il sache que lui
aussi doit supporter les orages de la vie, afin d'être en mesure de manifester
sa vraie valeur.
Car lui aussi est destiné à porter des fruits, ces fruits étant les vertus qu'il
doit acquérir. Et ces vertus, il ne peut les acquérir s'il n'a pas la patience.
C'est ce que nous allons voir.
En effet, si l'homme n'a pas assez de patience, à la moindre épreuve il se décourage,
et se décourager c'est désespérer. Se désespérer c'est ne pas pouvoir attendre
le bien qu'on désire, c'est attendre le pire, c'est le pessimisme, c'est penser
que tout va plus mal, c'est le mécontentement. Le mécontentement c'est l'ingratitude.
L'ingratitude c'est l'orgueil. Et l'orgueil entraîne le mépris. Et le mépris
tue le meilleur de l'homme.
Le manque de patience empêche donc l'être lui-même de porter ses fruits sous
forme de courage, d'espérance, d'optimisme, de rayonnement en toutes circonstances,
de gratitude, de respect et d'amour de tout ce qui existe.
Quand on a la patience on reçoit toutes ces récompenses. La récompense de la
patience est donc illimitée. Et ce n'est qu'un des aspects de la récompense
de la patience. Mais d'une manière générale et dans tous les domaines la récompense
de la patience est illimitée.
Voilà pourquoi Baha'u'llah dit: "Pour toute vertu il y a une mesure de récompense
sauf pour la patience, vertu pour laquelle Dieu a dit: "Quant aux patients leur
récompense est illimitée".
Dans un autre passage des Écrits baha'is, nous lisons: "Pour toute chose il
y a un temps bien défini, comme pour tout fruit il y a une saison bien déterminée".
Ou encore: "Rien ne peut être réalisé, tant que son temps n'arrive. Et lorsque
son temps arrive tout devient non seulement possible mais facile et simple".
Qui Peut croire que le charbon puisse se transformer en diamant. Et pourtant
c'est ainsi, car le charbon sait attendre jusqu'à ce que "son temps", le temps
de la cristallisation, arrive.
Ce qui semblait impossible devient possible, facile et simple.
Cet exemple, ainsi que celui de la graine, montre que tout dans la nature a
sa récompense par la patience. Il en est de même en ce qui concerne l'homme,
le sommet de la création. Pour lui il ne s'agit pas seulement de chercher sa
récompense par la patience: toute son existence en dépend, et c'est la patience
qui donne un sens à sa vie.
D'abord son existence physique, sa santé en dépendent. En effet, quand il manque
de patience, il ne sait pas faire face aux difficultés inévitables de la vie
; il est constamment inquiet, s'irritant au moindre contretemps apparent. Et
cet état d'angoisse constante est à l'origine Te beaucoup de maladies que dans
le temps on appelait imaginaires et qu'aujourd'hui on appelle psychosomatiques.
Par contre, celui qui a de la patience supporte avec calme les épreuves de la
vie, ne s'irrite pas à la moindre difficulté et garde toujours sa confiance
dans l'avenir. Pour lui le temps peut arranger beaucoup de choses. Une petite
histoire pour illustrer un tel état d'esprit.
Un homme était condamné à mort. On lui a demandé son dernier voeu. "Me présenter
une fois au roi" répondit-il. Ayant obtenu cette permission, il parvint à obtenir
sa grâce en échange de la promesse faite au roi qu'avant un an, par ses soins,
le cheval de sa Majesté aurait appris à voler, faute de quoi la sentence serait
exécutée.
En l'espace d'un an - expliquait-il - l'un des trois peut mourir, ou le roi,
ou moi, ou le cheval. Et puis bien d'autres choses pourraient arriver pour décider
de mon sort.
L'homme qui a de la patience vit dans le présent. Pour lui le passé est à jamais
révolu et on n'y peut rien, quant à l'avenir on n'en connaît rien Il ne s'apitoie
donc pas sur lui-même en accusant le passé, pas plus qu'il ne s'inquiète de
ce qui va se produire dans l'avenir.
Il n'est jamais pressé pour décider de se lancer dans une entreprise avant mûre
réflexion, s'en tenant toujours à la formule.
On a toujours le temps.
On raconte que lorsqu'il se trouvait aux prises avec les problèmes d'une complexité
telle qu'il ne leur trouvait pas de solution, le vieux sage Talleyrand faisait
dire qu'il était "en conférence", puis il allait se coucher. Et lorsqu'il se
décidait à se lever c'était généralement pour constater que certains de ses
problèmes s'étaient résolus d'eux-mêmes et que la situation était éclaircie.
Non moins important est le rôle de la patience dans la science. Les avantages
matériels que les découvertes scientifiques nous offrent, sont les fruits de
la patience des savants. À titre d'exemple citons le cas d'Edison, ce savant
qui a fait plus de 2000 découvertes. Il avait une patience exceptionnelle pour
supporter des échecs pendant ses expériences.
Et lorsqu'on lui a demandé ce qu'il apprenait quand il échouait dans ses milles
façons de procéder sans résultat, il a répondu: "Et bien j'apprends mille façons
de ne pas procéder".
Les hommes de Lettres ont la même patience. Au temps où il terminait ses études
à l'université de Yale, Sinclair Lewis confia à son professeur de littérature
que son rêve était d'écrire.
- "Mais vous mourrez de faim" s'exclama le professeur.
- "Voilà ce qui m'est parfaitement égal" - répondit Lewis.
- "En ce cas, vous réussirez, Monsieur".
Et il a réussi.
Non moins patients sont les célébrités dans le domaine de l'art.
- "Maître - disait un jour une dame à Paderevsey - qu'avez vous comme patience
pour arriver à une telle perfection."
- "Vous vous trompez - lui répondit-il - Je n'ai pas plus de patience qu'un
autre. Seulement je m'en sers."
Mais l'exemple parfait de la patience est fourni par les Fondateurs des religions.
Dans l'une de leurs prières, les baha'is récitent ces paroles "Si Tu n'avais
pas d'autres preuves pour Tes créatures, rien que Ta patience malgré Ta puissance
aurait suffi (comme la plus grande preuve)" paroles qui sont adressées à la
Manifestation de Dieu dans la Personnalité sublime des Messagers de Dieu, pour
la patience desquels aucune limite ne peut être imaginée.
En effet, prenons le cas de Jésus dont la puissance était telle qu'Il parvint
à unir sans aucun moyen matériel tant de peuples, là où tous les moyens militaires
ou autres avaient échoué ; Jésus dont le pouvoir sur les hommes était tel qu'ils
préféraient sacrifier leur vie plutôt que de manifester la moindre infidélité
à son égard. Et malgré cette puissance et ce pouvoir, Il a supporté avec une
patience incroyable toutes les souffrances qu'on Lui a fait subir, souffrances
qu'Il a acceptées volontairement parce qu'Il avait décidé de se sacrifier pour
le salut de l'humanité.
Et le Bab, Précurseur de la Foi baha'ie, ainsi que Baha'u'llah son Auteur, n'ont-Ils
pas manifesté la même puissance que leurs Prédécesseurs en unissant les hommes
de toutes religions, opinions, races, classes? N'ont-Ils pas montré leur pouvoir
sur les hommes, étant donné que ces derniers sacrifièrent leur vie par milliers
plutôt que de manifester la moindre infidélité à leur égard?
Et malgré cette puissance et ce pouvoir. Ils ont supporté avec une patience
dépassant toute imagination les mêmes souffrances que celles de leurs Prédécesseurs
et toujours dans le même but: réaliser l'entente et l'harmonie entre les hommes.
Y arrivera-t-on un jour? demandent les sceptiques.
Oui, répondent les baha'is, car la patience vient à bout de tout.