LA FOI BAHA'IE
L'émergence d'une religion mondiale


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5. Enseignements de base

Trois principes fondamentaux

Lorsque l'on se penche sur les enseignements de la foi baha'ie, on examine tout d'abord ses trois principes fondamentaux :
* l'unité de Dieu
* l'unité de l'humanité
* l'unité fondamentale de la religion.


5.1. L'unité de Dieu

La croyance baha'ie en un seul Dieu signifie que l'univers et toutes ses créatures et ses forces ont été créés par un seul Être surhumain et surnaturel. Cet Être, que nous appelons Dieu, a le contrôle absolu de sa création (omnipotence) et la connaissance parfaite et complète de cette dernière (omniscience). Bien que nous ayons différents concepts de la nature de Dieu, bien que nous le priions dans différentes langues et lui donnions des noms différents - Allah ou Yahweh, Dieu ou Brahma - nous parlons cependant du même et unique Être.

Célébrant l'acte de création de Dieu, Baha'u'llah dit :

" Louange à l'unité de Dieu, et honneur à l'incomparable et très glorieux Seigneur souverain de l'univers qui, du néant le plus complet, a créé la réalité de toutes choses; qui, de rien, a extrait les éléments les plus raffinés et les plus subtils de sa création et qui, délivrant ses créatures de l'abaissement où les tenait l'éloignement de sa présence, et les sauvant des périls de l'extinction finale, les a reçues dans son royaume d'incorruptible gloire ! Rien de moins que sa grâce universelle et sa miséricorde qui pénètrent tout ne pouvaient l'accomplir. "
[Nota:
 Ouvrir le livre Extraits des Ecrits de Baha'u'llah, éd. 1990, p. 44.]

Baha'u'llah enseigne que Dieu est un être trop grand et trop subtil pour que l'esprit humain, avec ses limites, puisse à jamais le comprendre correctement ou se le représenter exactement :

" Combien merveilleuse est l'unité du Dieu vivant et immuable à jamais - unité qui s'élève au-dessus de toutes les limitations et qui transcende la compréhension de toutes choses créées... Combien sublime est son incorruptible Essence, combien entièrement indépendante de la connaissance que peuvent en avoir toutes choses créées, et combien cette unité demeurera incommensurablement exaltée au-dessus de la louange de tous les habitants des cieux et de la terre. "
[Nota:
 Ouvrir le livre Extraits des Ecrits de Baha'u'llah, éd. 1990, p. 172.]


5.2. L'unité de l'humanité

Le second principe baha'i fondamental est l'unité de l'humanité. Ceci signifie que la race humaine dans son ensemble est une espèce unifiée, distincte, une unité organique. Cette race humaine, qui est une, est l'apogée de la création, la forme de vie et de conscience la plus noble que Dieu ait créée; car, parmi les créatures de Dieu, seuls les êtres humains ont la capacité d'être conscients de l'existence de Dieu et de communiquer avec son esprit :

" Ayant créé le monde et tout ce qui y vit et qui s'y meut, Il [Dieu] a voulu conférer à l'homme, par l'opération directe de sa volonté libre et souveraine, le privilège et la capacité uniques de le connaître et de l'aimer - une capacité qui doit être considérée comme la raison d'être et la fin principale de toute la création... Seul entre toutes choses créées, l'homme a été choisi comme objet d'une si grande faveur et permanente bonté. "
[Nota:
 Ouvrir le livre Extraits des Ecrits de Baha'u'llah, éd. 1990, pp. 44-45.]

L'unité de l'humanité implique aussi que tous les peuples ont les mêmes capacités de base octroyées par Dieu. Les différences physiques telles que la couleur de la peau ou la texture des cheveux ne sont que superficielles et n'ont rien à voir avec une quelconque supériorité supposée d'un groupe ethnique sur un autre. Toutes les théories de supériorité raciale sont rejetées par les enseignements baha'is parce que fondées sur une imagination erronée et sur l'ignorance.

[Nota: Selon les préceptes baha'is, les apparentes différences qui existent entre groupes ethniques au niveau de certaines réalisations culturelles sont imputables aux différences à long terme existant entre les possibilités tant éducatives que culturelles, ainsi qu'aux effets cumulés de l'oppression et des préjugés de race.]

Les baha'is pensent que l'humanité a toujours constitué une seule espèce, mais que les préjugés, l'ignorance, la quête du pouvoir et l'égoïsme ont empêché nombre de gens et de peuples de reconnaître ou d'accepter cette unité. La mission essentielle de Baha'u'llah fut de changer cet état de choses et d'instaurer la conscience universelle de l'unité de l'humanité. Les baha'is pensent que l'unité organique qu'est l'humanité a subi un processus de croissance collective sous la paternité de Dieu. De même qu'un organisme simple atteint sa maturité après des étapes successives de développement, de même l'humanité évolue progressivement vers sa maturité collective.

L'expression première de l'évolution sociale de l'homme est sa capacité à organiser sa société à des niveaux de plus en plus élevés d'unité, avec une spécialisation de plus en plus grande de ses composants individuels, et conséquemment, un accroissement de l'interdépendance et du besoin de coopération des parties spécialisées. La famille, la tribu, la cité, la nation représentent quelques-unes des étapes témoins de l'évolution sociale. L'étape suivante de ce processus de croissance collective, et qui représente le point culminant de l'évolution humaine, est l'unité du monde : l'organisation de la société en une civilisation planétaire.

Shoghi Effendi parlait ainsi de cet enseignement baha'i :

" Le principe de l'unité de l'humanité - pivot autour duquel gravitent tous les enseignements de Baha'u'llah - n'est pas le simple élan d'une sentimentalité ignorante ou l'expression d'un espoir vague et pieux... Son message ne vaut pas seulement pour l'individu, il vise avant tout la nature des rapports essentiels qui doivent lier tous les États et toutes les nations comme les membres d'une même famille humaine... Il suppose un changement organique dans la structure de la société contemporaine, un changement tel que le monde n'en a jamais connu... Il n'implique rien de moins que la reconstruction et la démilitarisation du monde civilisé tout entier... Il représentera le couronnement de l'évolution humaine - une évolution dont les prémices ont été la naissance de la vie familiale, dont le développement suivant fut la réalisation de la solidarité tribale, celle-ci conduisant à son tour à la constitution de la Cité-État, qui s'est élargie plus tard dans l'institution de nations souveraines et indépendantes.

Le principe de l'unité de l'humanité, tel que l'a proclamé Baha'u'llah, apporte avec lui ni plus ni moins que l'affirmation solennelle selon laquelle, dans cette prodigieuse évolution, l'accession à ce stade final est non seulement nécessaire mais inéluctable, que sa réalisation approche à grands pas, et que rien si ce n'est un pouvoir né de Dieu ne peut réussir à l'établir. "
[Nota: Shoghi Effendi,
 Ouvrir le livre L'Ordre mondial de Baha'u'llah, pp. 37 à 39.]

Ainsi, le principe de l'unité de l'humanité implique non seulement une nouvelle conscience individuelle, mais aussi l'établissement de l'unité des nations, d'un gouvernement mondial et enfin d'une civilisation planétaire. Aussi ne suffit-il pas que l'humanité reconnaisse son unité tout en continuant à vivre dans un monde désuni, envahi de conflits, de préjugés et de haine. Nous devons exprimer cette unité en construisant un système social profondément universel et uni, basé sur des principes spirituels. La réalisation d'un tel système représente le but divin de l'évolution sociale humaine :

" ... l'objectif de la vie d'un baha'i est de promouvoir l'unité de l'humanité. La finalité de nos vies est liée à la vie de tous les êtres humains; nous recherchons non pas un salut personnel, mais un salut universel... Notre but est de produire une civilisation mondiale qui, à son tour, agira sur le caractère de l'individu. C'est, dans un certain sens, l'inverse du christianisme qui commence d'abord par l'individu pour agir ensuite, par son intermédiaire, sur la vie collective de l'homme. "
[Nota: Shoghi Effendi, extrait de The Concept of Spirituality, de William Hatcher, p. 29.]

Ainsi, du point de vue baha'i, le but fondamental et spirituel de la société est de créer un milieu favorable au développement et à la croissance saine de tous ses membres.

Baha'u'llah a proposé des moyens détaillés pour établir l'unité mondiale, moyens développés dans les chapitres suivants du présent ouvrage. D'une manière générale, ce qu'il proposait était la création de nouvelles structures sociales basées sur la participation et la consultation. Ces nouvelles structures serviraient avant tout à éliminer les conflits d'intérêt et à réduire ainsi les possibilités de désunion à tous les niveaux de la société. Les nouvelles structures envisagées comprennent un certain nombre de puissants organes internationaux rattachés à un gouvernement mondial : une législature mondiale à la représentation et à l'autorité réelles, une cour internationale dont la juridiction serait souveraine dans tout conflit entre nations, et une force de police internationale.

Il ajouta que la création de ces nouvelles structures sociales devait être accompagnée d'une prise de conscience individuelle et collective de l'unité fondamentale de l'humanité :

" Vous êtes les fruits d'un même arbre, les feuilles d'une même branche. Que vos relations avec vos semblables soient toujours empreintes d'amour et d'harmonie, de l'esprit le plus amical et le plus fraternel... Si puissante est la lumière de l'unité, qu'elle peut illuminer la terre entière. "
[Nota:
 Ouvrir le livre Extraits des Ecrits de Baha'u'llah, éd. 1990, p. 190.]

Et, dans un autre passage :

" Ce n'est point celui qui aime son propre pays qui peut se glorifier, mais plutôt celui qui aime le monde tout entier. La terre est un seul pays, et tous les hommes en sont les citoyens. "
[Nota:
 Ouvrir le livre Extraits des Ecrits de Baha'u'llah, éd. 1990, p. 164.]

L'unité, selon la conception baha'ie, est une unité dans la diversité plutôt que dans l'uniformité. Ce n'est pas en supprimant les différences que nous arriverons à l'unité, mais plutôt par une conscience accrue et par le respect de la valeur intrinsèque de chaque culture séparément, et partant, de chaque individu. Ce n'est pas la diversité en elle-même qui est considérée comme la cause du conflit, mais davantage notre attitude immature à l'égard de cette dernière, notre intolérance et nos préjugés. 'Abdu'l-Baha exprima son point de vue dans le passage suivant :

" Que quelqu'un prétende que l'unité véritable et durable ne peut en aucun cas être réalisée dans ce monde parce que les peuples diffèrent profondément dans leurs coutumes, leurs habitudes, leurs goûts, leur tempérament, leur caractère, leurs pensées et leurs vues, et nous lui répondrions que les différences sont de deux sortes : l'une est cause de destruction, comme le démontre l'esprit de rivalité et de lutte qui anime les peuples et nations antagonistes ou en conflit, tandis que l'autre est le signe de la diversité, le symbole et le secret de la perfection, la révélatrice des bontés du Très-Glorieux.

Vois les fleurs d'un jardin; bien que différentes en raison de leur espèce, leurs formes et leurs couleurs, elles sont cependant rafraîchies par les ondées d'un même printemps, ravivées par les brises d'un même vent, revigorées par les rayons d'un même soleil, et leur diversité ajoute à leur charme et accroît leur beauté. Combien serait morne pour l'oeil un jardin où toutes les fleurs, plantes, feuilles, fruits, branches et arbres auraient la même forme et la même couleur ! La diversité des tons, des formes et des dimensions fait la richesse et la beauté du jardin dont ils rehaussent l'effet. De même, lorsque plusieurs modes de pensées, de tempéraments et de caractères seront réunis sous le pouvoir et l'influence d'un agent unique, la gloire et la beauté de la perfection humaine seront révélées et rendues manifestes. Seule la puissance céleste de la parole divine qui gouverne et transcende la réalité des choses est capable d'harmoniser les divergences de pensées, de sentiments, d'idées et de convictions des enfants des hommes. "
[Nota: 'Abdu'l-Baha cited in Baha'u'llah and 'Abdu'l-Baha ,
 Ouvrir le livre L'art divin de vivre: Selections from Writings of Baha'u'llah and 'Abdu'l-Baha , pp. 109-110.]

L'établissement de l'unité mondiale et d'une civilisation planétaire représentant l'apogée du développement de l'humanité sur cette planète, représentent l'entrée de l'humanité dans l'âge de sa majorité, celui de la maturité de la race humaine. Shoghi Effendi exprima ainsi cette idée :

" La révélation de Baha'u'llah, dont la mission suprême n'est autre que la réalisation de cette unité organique et spirituelle de l'ensemble de toutes les nations, devrait être considérées, si nous sommes fidèles à ses implications, comme marquant par son avènement " l'entrée dans l'âge adulte de la race humaine tout entière ". Elle doit être considérée ... comme le signe de l'entrée dans la phase dernière et suprême de l'évolution prodigieuse de la vie collective de l'homme sur cette planète. L'émergence d'une communauté mondiale, la prise de conscience d'une citoyenneté mondiale, l'établissement d'une culture et d'une civilisation mondiale ... devraient être considérés, par leur nature même, en ce qui concerne cette vie terrestre, comme les plus lointaines limites qui puissent être atteintes dans l'organisation de la société humaine, bien que en tant qu'individu, l'homme, en conséquence même d'un tel achèvement poursuivra indéfiniment sa progression et son développement. "
[Nota: Shoghi Effendi,
 Ouvrir le livre L'Ordre mondial de Baha'u'llah, p. 152.]

Les différentes étapes du développement de l'humanité sont considérées comme semblables aux étapes de la vie d'un individu. L'étape actuelle est considérée comme celle de son adolescence, qui précède immédiatement sa pleine maturité :

" Les longs siècles de premières et de seconde enfance par lesquelles a dû passer la race humaine s'estompent dans le passé. L'humanité fait maintenant l'expérience des troubles invariablement associés au stade le plus tumultueux de son évolution, le stade de l'adolescence, quand l'impétuosité de la jeunesse et sa véhémence atteignent leur point culminant, avant de faire progressivement place au calme, à la sagesse et à la maturité qui caractérisent le stade de l'âge adulte. Alors, la race humaine atteindra cette stature, cette maturité qui la rendra capable d'acquérir tous les pouvoirs et toutes les capacités dont doit dépendre son développement ultime. "
[Nota: Shoghi Effendi,
 Ouvrir le livre L'Ordre mondial de Baha'u'llah, p. 196.]

Faisant référence à l'âge de la pleine maturité de l'humanité, Shoghi Effendi dit :

" Cette transformation mystique, qui touche tout et reste indéfinissable, que nous associons au stade de maturité en tant que moment inévitable dans la vie de l'individu ... doit ... avoir sa contrepartie dans l'évolution de l'organisation de la société humaine. Un stade semblable doit, tôt ou tard, être atteint dans la vie collective de l'humanité, engendrant un phénomène plus frappant encore dans les relations mondiales et dotant la race humaine tout entière de potentialités de bien-être telles, qu'elles fourniront, à travers la succession des âges, le principal stimulant nécessaire à l'accomplissement final de ses hautes destinées. "
[Nota: Shoghi Effendi,
 Ouvrir le livre L'Ordre mondial de Baha'u'llah, p. 152.]

Il est évident que l'histoire de l'humanité que nous pouvons étudier est l'histoire du premier âge de l'homme, de son enfance et de son adolescence. Par conséquent, affirme Baha'u'llah, nous avons tendance à sous-estimer les véritables capacités de la race humaine. Mais ces capacités latentes deviendront évidentes lorsque l'humanité atteindra sa maturité :

" En vérité, je vous le dis, dans cette très puissante révélation, toutes les dispensations du passé ont atteint leur plus haut ... achèvement... Les potentialités inhérentes à la condition de l'homme, la pleine mesure de sa destinée sur terre, l'excellence innée de sa réalité, tout cela doit être manifesté en ce jour promis de Dieu. "
[Nota:
 Ouvrir le livre Extraits des Ecrits de Baha'u'llah, pp. 223-224.]

En résumé, le principe baha'i de l'unité de l'humanité signifie que la race humaine représente une unité organique dont la vie sociale collective s'est progressivement développée parce que réorganisée sur des niveaux d'unité toujours plus élevés (la famille, la tribu, la Cité-État, la nation). La mission spécifique de Baha'u'llah était de lui fournir l'élan nécessaire à l'étape suivante de cette évolution sociale, à savoir l'organisation de la société humaine en une civilisation planétaire. De plus, en réalisant son unification, l'humanité parvient, dans sa vie de collectivité, à sa maturité ou état adulte.

La communauté baha'ie est considérée comme l'embryon et l'archétype de la future civilisation mondiale. Elle permet également à l'individu de commencer à vivre l'expérience de l'unité et de développer cette nouvelle conscience. Ce thème sera traité plus amplement dans un prochain chapitre.


5.3. L'unité des religions

Le troisième principe baha'i fondamental, l'unité des religions, est étroitement lié au principe de l'unité de l'humanité. Notre étude, de ce concept de l'unité de la race humaine, a suggéré que l'humanité est engagée dans un processus de croissance collective assez semblable au processus de croissance d'un individu : de même que l'individu commence sa vie sans défense comme nourrisson et parvient à la maturité par étapes successives, de même l'humanité débute sa vie sociale collective à l'état primitif et atteint progressivement sa maturité. Dans le cas d'un individu, il est clair que son développement évolue en fonction de l'éducation qu'il a reçue de ses parents, de ses enseignants et de la société en général. Mais quelle est la force motrice de l'évolution collective de l'humanité ?

La réponse que donne la foi baha'ie à cette question est la religion révélée. Dans l'un de ses principaux ouvrages, le Kitab-i-Iqan (Le Livre de la Certitude), Baha'u'llah explique que Dieu, le Créateur, est intervenu et continuera à intervenir dans l'histoire de l'humanité par l'intermédiaire de porte-parole choisis ou messagers. Ces messagers que Baha'u'llah appelle manifestations de Dieu, sont essentiellement les fondateurs des principales religions révélées, tels Abraham, Moïse, Bouddha, Jésus, Mohammed, etc. C'est l'esprit libéré par la venue de ces manifestations, ainsi que l'influence de leurs enseignements et des systèmes sociaux établis par leurs lois et préceptes, qui permettent à l'humanité de progresser dans son évolution collective. En d'autres termes, les manifestations de Dieu sont les principales éducatrices de l'humanité.

En ce qui concerne les différents systèmes religieux qui sont apparus dans l'histoire de l'humanité, Baha'u'llah dit :

" Ces principes et lois, ces puissants systèmes si fermement établis, procèdent d'une même source et sont les rayons d'une seule lumière. Le fait qu'ils diffèrent les uns des autres doit être attribué à la diversité des besoins que présentaient les âges au cours desquelles ils furent promulgués. "
[Nota:
 Ouvrir le livre Extraits des Ecrits de Baha'u'llah, p. 189.]

Ainsi, le principe de l'unité des religions signifie que tous les fondateurs des grandes religions - les manifestations - émanent de Dieu et que tous les systèmes religieux qu'ils ont établis font partie d'un même plan divin régi par Dieu.

Il n'y a en réalité qu'une seule religion, la religion de Dieu. Cette religion unique évolue continuellement, et chaque système religieux particulier représente une étape dans l'évolution du tout. La foi baha'ie représente l'étape actuelle de l'évolution de la religion.

Afin de souligner cette idée que tous les enseignements et actes des manifestations sont régis par Dieu et ne sont pas issus de sources naturelles humaines, Baha'u'llah a utilisé le terme révélation pour décrire le phénomène qui se produit à chaque fois qu'une manifestation apparaît. En particulier, les Écrits de la manifestation représentent la parole infaillible de Dieu. Étant donné que ces Écrits persistent bien au-delà de la vie terrestre de la manifestation, ils constituent une part extrêmement importante du phénomène de la révélation. À tel point que le terme révélation est parfois utilisé dans un sens restrictif pour se référer aux Écrits et paroles de la manifestation.

L'histoire religieuse est considérée comme une succession de révélations divines, et le terme de révélation progressive est utilisé pour décrire ce processus. Ainsi, selon les baha'is, la révélation progressive est la force motrice du progrès humain, et la manifestation de Baha'u'llah est l'exemple le plus récent de révélation.

[Nota: Baha'u'llah a expliqué qu'il pouvait s'écouler environ mille ans entre deux manifestations. Il enseigna également que le processus de la révélation ne s'arrêterait pas avec sa révélation, et qu'une autre manifestation viendrait après lui, mais pas avant que mille années ne se soient écoulées. Selon les Écrits baha'is, le processus de la révélation se poursuivra indéfiniment dans l'avenir, et l'humanité verra apparaître de nombreuses autres manifestations.]

Pour identifier plus clairement le concept baha'i de religion, comparons-le aux autres manières que l'on a de considérer la religion. Certains considèrent que les différents systèmes religieux résultent des efforts de l'humanité pour atteindre à la vérité. Selon cette conception, les fondateurs des grandes religions ne nous révèlent pas Dieu, mais ils sont plutôt des philosophes ou des penseurs, des êtres humains qui ont sans doute progressé plus que d'autres dans la découverte de la vérité. Cette notion exclut l'idée de l'unité de base des religions, les différents systèmes religieux étant considérés comme représentant différentes opinions et croyances auxquelles sont parvenus des êtres humains faillibles, plutôt que comme d'infaillibles révélations de la Vérité provenant d'une source unique.

D'un autre côté, de nombreux adhérents orthodoxes de différentes traditions religieuses infèrent que le prophète, ou fondateur de leur propre religion, représente la véritable révélation de Dieu à l'humanité et que les autres fondateurs religieux sont de faux prophètes, ou du moins nécessairement inférieurs au fondateur de leur tradition. Un grand nombre de juifs, par exemple, pensent que Moïse était un véritable messager de Dieu, mais que Jésus ne l'était pas. De même, de nombreux chrétiens croient en la révélation de Jésus, mais considèrent que Mohammed était un faux prophète et affirment que Moïse avait un statut inférieur à celui de Jésus.

Le principe baha'i de l'unité des religions diffère fondamentalement de ces deux concepts traditionnels. Baha'u'llah attribua les différences de certains des enseignements des grandes religions, non à la faillibilité humaine des fondateurs, mais plutôt, aux différents besoins des époques durant lesquelles ces révélations eurent lieu. Il affirma en outre qu'un grand nombre d'erreurs humaines avaient été introduites dans la religion en raison de la corruption des textes et de l'adjonction d'idées étrangères. De plus, les baha'is pensent qu'aucun fondateur n'est supérieur à un autre. Shoghi Effendi a résumé ce point de vue dans le passage suivant :

Le principe fondamental énoncé par Baha'u'llah, ainsi que le croient fermement les adeptes de sa religion, est que la vérité religieuse n'est pas absolue mais relative, que la révélation divine est un processus continu et progressif, que toutes les grandes religions du monde sont d'origine divine, que leurs principes de base sont en complète harmonie, que leurs buts et objectifs sont les mêmes, que leurs enseignements sont les facettes d'une même réalité, que leurs fonctions sont complémentaires, qu'elles ne diffèrent que dans les aspects secondaires de leurs doctrines, et que leurs missions représentent les étapes successives de l'évolution spirituelle de la société humaine.
[Nota: Shoghi Effendi, The Faith of Baha'u'llah, extrait de World Order, vol. 7, n° 2, 1972-1973, p. 7.
 Ouvrir le livre L'Ordre mondial de Baha'u'llah ]


5.4. La révélation baha'ie - les Écrits saints

Les Écrits de Baha'u'llah comprennent plus de cent ouvrages et tablettes, dont la plupart furent écrits dans les difficiles conditions d'emprisonnement décrites précédemment. Cette entité littéraire constitue la révélation baha'ie. Les écrits de 'Abdu'l-Baha et les interprétations données par Shoghi Effendi possèdent, aux yeux des baha'is, une autorité réelle bien que dérivée.

Le contenu des Écrits de Baha'u'llah comprend plusieurs thèmes :

* Les concepts de base forment le premier thème, symbolisés par le Kitab-i-Iqan et son explication de la révélation progressive.

* Les principes de la vie et de la conduite humaine forment un autre thème, ainsi que le soulignent les exhortations de Baha'u'llah parlant en tant que représentant de Dieu sur terre. Il y explique la nature et le but de la vie, décrit son développement, encourage les hommes à agir en accord avec la volonté divine et donne à la fois des avertissements et des promesses en parallèle aux actes des hommes.

* Le troisième thème se compose de lois et ordonnances semblables aux conseils, avec toutefois cette différence que, pour les baha'is, elles sont une obligation.

* De plus, Baha'u'llah établit des institutions administratives et sociales, fixant avec soin les limites de leur autorité, ainsi que celles de leurs prérogatives et pouvoirs.

Ces deux derniers thèmes, les lois et les institutions, constituent un système appelé l'ordre administratif de Baha'u'llah. Le but de cet ordre administratif est de sauvegarder l'unité de la communauté baha'ie et de servir en même temps d'instrument pour l'établissement de l'unité mondiale. Les derniers chapitres de ce livre traitent de cet ordre administratif dans le détail.

Les autres thèmes des Écrits de Baha'u'llah, qui peuvent facilement être distingués, sont de caractère pieux, mystique, philosophique et historique. La variété est grande et témoigne de la diversité extraordinaire des préoccupations de Baha'u'llah concernant les besoins de l'individu et de la société.

La plupart des principes fondamentaux que l'on trouve dans ces Écrits peuvent être considérés comme subordonnés à la réalisation du principal but baha'i, qui est d'établir un ordre mondial unifié. Leur application servirait à réduire les conflits entre groupes et entre individus et à créer ainsi un climat social favorable au développement de l'unité. Shoghi Effendi a résumé quelques-uns des principes baha'is essentiels. La citation est donnée dans sa totalité, afin de servir de base à un débat plus approfondi :

" La foi baha'ie reconnaît l'unité de Dieu et de ses prophètes, soutient le principe de la recherche indépendante de la vérité, condamne toutes formes de superstition et de préjugé, enseigne que le but fondamental de la religion est de promouvoir la concorde et l'harmonie, qu'elle doit marcher de pair avec la science, qu'elle constitue la seule et unique base pour une société pacifique et progressive où règne l'ordre. Elle inculque le principe de l'égalité de chances, de droits et de privilèges pour les deux sexes, préconise l'éducation obligatoire, abolit les extrêmes dans la pauvreté et la richesse, exalte au rang d'adoration le travail accompli dans un esprit de service, recommande l'adoption d'une langue auxiliaire universelle et fournit les moyens nécessaires à l'établissement et à la sauvegarde d'une paix permanente et universelle. "
[Nota: Shoghi Effendi,
 Ouvrir le livre L'Ordre mondial de Baha'u'llah (éd. 1944), pp. xi-xii.]

C'est dans ce contexte que nous examinerons à présent certains de ces principes de manière plus approfondie.


5.5. La recherche indépendante de la vérité

L'une des principales sources de conflit dans le monde d'aujourd'hui réside dans le fait que de nombreuses personnes suivent aveuglément et sans aucun esprit critique diverses traditions, mouvements et opinions. Dieu a donné à chaque être humain un esprit et la capacité de différencier la vérité de l'erreur. Si l'on n'utilise pas sa capacité de raisonner et que l'on choisit plutôt d'accepter sans poser de questions certaines opinions et idées, soit par admiration, soit par peur de ceux qui les avancent, alors nous négligeons notre responsabilité morale première d'être humain.

De plus, lorsque des personnes agissent ainsi, elles s'attachent souvent de manière fanatique à quelque opinion ou tradition particulière et en arrivent à ne plus tolérer ceux qui ne la partagent pas. Une telle attitude peut, à son tour, provoquer un conflit. L'histoire a été le témoin de conflits et même d'effusions de sang dus à de légères modifications d'une pratique religieuse ou à un changement mineur dans l'interprétation d'une doctrine.

La recherche indépendante de la vérité permet à l'individu de savoir pourquoi il adhère à une idéologie ou doctrine donnée. Les baha'is pensent que dans la mesure où il n'existe qu'une seule réalité, les hommes découvriront tous, progressivement, ses différents aspects et parviendront, finalement, à une entente réciproque et à l'unité, à condition que chacun recherche sincèrement la vérité. C'est dans cet esprit que 'Abdu'l-Baha a dit :

" La vérité, étant une, ne peut être divisée, et les différences qui semblent exister parmi les nations ne sont que le résultat de leur attachement à des préjugés. Si seulement les hommes recherchaient la vérité, ils se trouveraient unis. "
[Nota:
 Ouvrir le livre Les causeries d'Abdu'l-Baha à Paris , p. 112.]

Et encore :

" Le fait de nous imaginer que nous sommes dans le vrai et que tous les autres sont dans l'erreur est le plus grand des obstacles sur le chemin de l'unité, et l'unité est nécessaire si nous voulons parvenir à la vérité, car la vérité est " une ". "
[Nota:
 Ouvrir le livre Les causeries d'Abdu'l-Baha à Paris , p. 120.]


5.6. Abandon des préjugés et des superstitions

Baha'u'llah porta une attention toute particulière au problème du préjugé. Un préjugé est un fort attachement émotionnel à une idée, sans se soucier de savoir si cette idée est raisonnable ou non. Une forme courante de préjugé consiste à s'identifier fortement à un groupe auquel on appartient et que l'on considère comme supérieur aux autres groupes. On se forge ainsi une image négative de tous ceux qui se trouvent à l'extérieur de ce groupe, sans considérer leurs qualités individuelles. Le préjugé de groupe peut se fonder sur des critères raciaux, économiques, linguistiques et autres. La haine née du préjugé peut, et a souvent engendré une instabilité sociale, la guerre et même le génocide. Baha'u'llah a particulièrement recommandé à ses disciples de s'efforcer activement de se débarrasser de tous préjugés et superstitions sur la nature humaine qui puissent engendrer de telles aversions.

Dans un ouvrage traitant principalement de l'éthique, les Paroles cachées, Baha'u'llah incite l'homme à réfléchir à ce problème :

" Ô enfants des hommes !
Ne savez-vous pas pourquoi Nous vous avons tous créés de la même poussière ? C'est pour que nul ne s'élève au-dessus des autres. Méditez sans cesse sur la manière dont vous fûtes créés. Puisque Nous vous avons tous faits d'une même substance, il vous incombe d'être comme une seule âme, allant d'un même pas, mangeant d'une même bouche et habitant la même terre afin que, du tréfonds de vous-mêmes, par vos actes et par vos oeuvres, les signes de l'unité et l'essence du détachement puissent se manifester. "
[Nota: Baha'u'llah,
 Ouvrir le livre Les paroles cachées , éd. 1988, p. 27.]


5.7. Accord de la science et de la religion

Une des principales sources de conflit dans le monde d'aujourd'hui est l'idée très répandue que la science et la religion sont essentiellement opposées, que la vérité scientifique contredit la religion sur certains points, et que l'on doit choisir entre, être croyant et avoir foi en Dieu ou être scientifique et s'attacher à la raison.

Les enseignements baha'is soulignent l'unité fondamentale de la science et de la religion. Ce point de vue est implicite dans l'extrait, cité plus haut, d'une déclaration de 'Abdu'l-Baha qui dit que la vérité (ou réalité) est une. Car, s'il est vrai que la vérité est une, il n'est pas possible qu'une chose soit à la fois scientifiquement fausse et religieusement vraie. 'Abdu'l-Baha exprime cette idée avec force dans le passage suivant :

" S'il s'avère de croyances ou d'opinions religieuses qu'elles sont contraires aux normes de la science, ce ne sont que de vaines superstitions et imaginations; car l'antithèse du savoir est l'ignorance, et l'enfant de l'ignorance est la superstition. Il doit, sans aucun doute, y avoir accord entre la vraie science et la vraie religion. Si une question s'avère être contraire à la raison, la foi et la croyance en cette question s'avèrent impossibles, et il n'y a d'autre issue que l'hésitation et le flottement. "
[Nota: 'Abdu'l-Baha , The Promulgation of Universal Peace, p. 181.
 Ouvrir le livre Sélection des écrits d'Abdu'l-Baha ]

Baha'u'llah a affirmé que l'intelligence humaine et ses pouvoirs de raisonnement sont un don de Dieu. La science est le résultat de l'usage systématique de ces pouvoirs accordés par Dieu. Les vérités de la science sont donc des vérités découvertes. Les vérités des religions prophétiques sont des vérités révélées, c'est-à-dire des vérités que Dieu nous a montrées sans que nous ayons à les découvrir. Les baha'is considèrent que le même Dieu unique est à la fois l'Auteur de la révélation et le Créateur de la réalité que la science étudie et que, par conséquent, il ne peut y avoir de contradiction entre les deux.

Les contradictions qui existent entre la science et les croyances religieuses traditionnelles sont attribuables à la faillibilité et à l'arrogance de l'homme. Au cours des siècles, des déformations ont pénétré progressivement les doctrines de nombreux systèmes religieux et entaché la pureté des enseignements donnés à l'origine par les manifestations qui les ont établis. Avec le temps, ces déformations deviennent de plus en plus difficiles à distinguer du message originel. De même, des spéculations non fondées de différentes écoles de pensée scientifique sont devenues en leur temps plus populaires et plus influentes que les résultats d'une recherche scientifique rigoureuse et n'ont fait que rendre les choses plus confuses.

'Abdu'l-Baha a affirmé que la religion et la science sont en fait complémentaires :

" La religion et la science sont les deux ailes qui permettent à l'intelligence de l'homme de s'élever dans les cieux et à l'âme humaine de progresser. Il est impossible de voler avec une seule aile ! Si un homme essayait de voler avec la seule aile de la religion, il tomberait rapidement dans le marécage des superstitions; mais d'autre part, avec la seule aile de la science, il ne pourrait progresser et sombrerait dans la fange désespérée du matérialisme. Toutes les religions actuelles sont tombées dans des pratiques superstitieuses, qui ne sont en accord ni avec les vrais principes de l'enseignement qu'elles représentent ni avec les découvertes scientifiques de leur temps. "
[Nota:
 Ouvrir le livre Les causeries d'Abdu'l-Baha à Paris , p. 126.]

Dans un autre passage du même ouvrage, il affirme que le résultat de la pratique de l'unité de la science et de la religion fortifiera plus la religion qu'elle ne l'affaiblira, comme le craignent de nombreux défenseurs de la religion :

" Lorsque la religion, débarrassée de ses superstitions, traditions et dogmes bornés, témoignera de sa conformité avec la science, alors apparaîtra dans le monde une grande force unificatrice et purificatrice qui balaiera devant elle toutes les guerres, conflits, discordes et luttes; alors l'humanité sera unie dans le pouvoir de l'amour de Dieu. "
[Nota:
 Ouvrir le livre Les causeries d'Abdu'l-Baha à Paris , p. 128.]


5.8. Égalité de l'homme et de la femme

Alors que de nombreuses traditions religieuses et philosophiques enseignent que la femme doit être subordonnée à l'homme en ce qui concerne certains aspects de la vie sociale, ou bien même que les femmes sont, par leur nature, inférieures aux hommes, la foi baha'ie enseigne l'égalité de l'homme et de la femme. Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha ont tous deux souligné que la femme posséde toutes les capacités intellectuelles de l'homme et qu'elle démontrera plus clairement dans le futur ses capacités pour des réalisations aussi bien intellectuelles que scientifiques, quels que soient les aspects de la recherche humaine. Une seule raison fait que les femmes n'ont pas encore atteint cet état : on ne leur en a pas fourni les moyens, par une éducation sociale et intellectuelle. De plus les hommes, en raison d'une force physique plus grande, ont physiquement dominé les femmes à travers les âges et les ont ainsi empêchées de développer leur véritable potentiel :

" Le monde a autrefois été gouverné par la force, et l'homme a dominé la femme en raison de qualités plus vigoureuses et agressives du corps et de l'esprit. Mais les valeurs changent déjà, la force perd de son importance et la vivacité d'esprit, l'intuition et les qualités spirituelles d'amour et de service, dans lesquelles la femme excelle, sont de plus en plus prisées. Cette nouvelle ère sera donc moins masculine et davantage pénétrée par les idéaux féminins ou, plus exactement, sera une ère dans laquelle les éléments masculins et féminins de la civilisation seront mieux équilibrés. "
[Nota: 'Abdu'l-Baha , extrait de Star of the West, vol. 9, n° 7, p. 87.]

Un aspect important de l'unité mondiale sera la réalisation d'un plus grand équilibre des influences féminines et masculines sur la société. En fait, ce sera surtout grâce à cette influence féminine accrue que la guerre sera éliminée et que l'on parviendra à une paix durable :
" Au cours des précédentes époques, l'humanité s'est avérée imparfaite et incompétente parce qu'immature. La guerre et ses ravages ont flétri le monde; l'éducation de la femme sera une étape importante vers leur abolition et leur fin, car elle usera de toute son influence pour lutter contre la guerre... En vérité, elle sera le plus grand facteur qui contribuera à établir une paix universelle et un arbitrage international. Assurément, la femme abolira la guerre parmi les hommes. "
[Nota: 'Abdu'l-Baha , The Promulgation of Universal Peace, p. 108.
 Ouvrir le livre Sélection des écrits d'Abdu'l-Baha]


5.9. Éducation universelle

Ainsi que pour de nombreux thèmes de ses enseignements, Baha'u'llah a fourni des directives pratiques lorsqu'il a appelé à l'égalité de chances entre les sexes. Il a encouragé les gens à assurer l'éducation de tous les enfants. Si, cependant, des difficultés financières ou familiales empêchaient une famille de le faire d'une manière ou d'une autre et si la communauté ne pouvait faire face à ce besoin, alors la préférence devrait être donnée sans hésitation aux enfants de sexe féminin. Ceci remplit deux objectifs : aider d'une part la femme à surmonter le handicap des inégalités passées, et d'autre part permettre de s'assurer que la génération suivante retirera le plus grand bénéfice possible de l'éducation, quelle qu'elle soit, que pourra fournir la famille ou la communauté, étant donné que la mère est la première éducatrice dans la société.


5.10. Justice économique : abolir les extrêmes de pauvreté et de richesse

L'unité de l'humanité prévue par Baha'u'llah est une unité basée sur la justice. L'un des exemples les plus frappants d'injustice dans le monde d'aujourd'hui est le grave déséquilibre qui existe dans les conditions économiques et matérielles. Un pourcentage relativement peu élevé de l'humanité possède une immense richesse. Cette minorité contrôle pratiquement tous les moyens de production et de distribution, alors que la majorité de la population actuelle vit dans une pauvreté et une misère terribles. Ce déséquilibre existe à la fois au sein même des nations et entre les nations; certains pays hautement industrialisés détiennent une immense richesse, tandis que d'autres en restent dépourvus et sont sous-développés. De plus, le fossé qui sépare les riches des pauvres continue à s'élargir chaque année, ce qui démontre que les systèmes économiques actuels sont incapables de rétablir un juste équilibre. Baha'u'llah a affirmé que l'injustice économique est un mal moral, et qu'en tant que tel il est condamné par Dieu. 'Abdu'l-Baha écrivit : " Lorsqu'on voit la pauvreté aller jusqu'à la famine, voilà le signe évident que quelque part se cache la tyrannie. "
[Nota:
 Ouvrir le livre Les causeries d'Abdu'l-Baha à Paris , p. 135.]

Dans Les Paroles cachées, Baha'u'llah s'adresse en ces termes aux tyrans :

" Ô oppresseurs de la terre !
Cessez toute tyrannie, car je me suis promis de ne pardonner à l'homme aucune de ses injustices."
[Nota: Baha'u'llah,
 Ouvrir le livre Les paroles cachées , p. 54.]

Et, parlant plus précisément de l'injustice économique, il dit :

" Ô enfants de poussière !
Faites connaître aux riches les plaintes nocturnes du pauvre, de crainte que leur insouciance ne les conduise dans le chemin de la destruction et ne les prive de l'arbre de richesse. "
[Nota: Baha'u'llah,
 Ouvrir le livre Les paroles cachées , pp. 48-49.]

L'une des principales causes de l'injustice économique est la concurrence excessive et ruineuse. Bien que la concurrence limitée ait sans aucun doute stimulé utilement la production durant cette période de l'histoire où les moyens de production étaient peu développés, la coopération doit maintenant la remplacer. Les ressources humaines et matérielles à notre disposition doivent être utilisées à long terme, pour le bien de tous, et non pour le profit à court terme de quelques-uns. Ce qui ne peut être réalisé que si la coopération remplace la concurrence comme base d'une activité économique organisée.

La coopération doit se faire à tous les niveaux de l'économie. 'Abdu'l-Baha a expliqué que même la plus petite entreprise doit être le reflet d'une collaboration essentielle entre travailleurs et propriétaires. Plus précisément, tous les travailleurs d'une entreprise devraient partager les profits de l'entreprise : chaque travailleur devrait recevoir en plus de son salaire un pourcentage fixe des bénéfices. De cette manière, travailleurs et propriétaires oeuvrent ensemble pour une entreprise de laquelle tout conflit d'intérêt est éliminé. Le système actuel qui veut que tout le profit aille aux propriétaires suscite des conflits entre travailleurs et propriétaires qui conduisent à un déséquilibre économique, à l'injustice et souvent à l'exploitation.

En ce qui concerne la concurrence et la recherche du pouvoir, Baha'u'llah écrivit :

" Depuis qu'est entrée en jeu la recherche de privilèges et de distinctions, le monde a été dévasté. Il est devenu désolé... En vérité, l'homme est noble dans la mesure où nous sommes tous les dépositaires des signes de Dieu. Cependant, le fait de se considérer supérieur en savoir, en connaissances ou en vertus, ou encore le fait de se placer au-dessus des autres ou de rechercher des faveurs, est une grave transgression. "
[Nota: Baha'u'llah, extrait d'une lettre de la Maison Universelle de Justice datée du 27 mars 1978, The Continental Boards of Counsellors, p. 60.]

'Abdu'l-Baha nous dit que la coopération est source de vie pour la société, tout comme la vie d'un organisme est maintenue par la collaboration existant entre les différents éléments qui le composent :

" ... la base de la vie est cette entraide et cette serviabilité, et l'interruption de cette entraide serait cause de destruction et de néant. Plus le monde aspire à la civilisation, et plus cet important sujet de la coopération devient manifeste. "
[Nota: Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha ,
 Ouvrir le livre L'art divin de vivre , p. 108.]

Dans le cadre d'un système économique basé sur la coopération, les enseignements baha'is acceptent l'idée de la possession privée de biens et du besoin d'initiative économique privée. De plus, les principes économiques enseignés par Baha'u'llah n'impliquent pas que tous les individus devraient recevoir le même salaire. Il existe des différences naturelles entre les besoins et les capacités humaines, et certaines catégories de service à la société (l'éducation par exemple) méritent des récompenses bien plus grandes que d'autres.

Cependant les divers degrés de revenus devraient être établis à l'intérieur de limites absolues. D'un côté, il devrait y avoir un niveau minimum de revenu, calculé en fonction des besoins les plus élémentaires au bien-être de chacun et qui devrait être assuré à tous. Si, pour une raison ou une autre (incapacité ou autre infortune), le revenu d'un individu ne couvrait pas ses besoins reconnus, il serait indemnisé par le trésor public. Et, d'un autre côté, il devrait y avoir un niveau maximum de revenu. Une imposition progressive et d'autres mesures empêcheraient un individu d'accumuler des richesses au-delà de ce niveau. Selon des déclarations explicites de 'Abdu'l-Baha , les millionnaires n'existeront pas dans une société basée sur des principes baha'is, parce qu'il sera impossible d'accumuler une richesse immense et superflue.

Certaines différences de salaire continueront d'exister de manière à permettre à la société d'encourager les efforts de ceux (tels que les médecins ou les cultivateurs) dont les services sont particulièrement utiles au bien-être de la communauté; mais ces différences devraient être établies à l'intérieur de limites absolues bien définies, de manière à garantir que personne ne souffre de privations ni ne jouisse d'une richesse excessive. Ainsi, les enseignements économiques baha'is contiennent certains éléments communs à différents systèmes déjà existants, mais vont plus loin en envisageant un ordre économique nouveau et unique, basé sur une juste distribution des biens et des services et qui, pris dans son ensemble, ne connaît aucun équivalent.

[Nota: Un développement détaillé de la position baha'ie en matière de questions économiques dépasse le cadre du présent ouvrage. Le lecteur intéressé par la question se référera aux déclarations de 'Abdu'l-Baha à ce propos. Voir The Promulgation of Universal Peace, de 'Abdu'l-Baha , pp. 107, 216-217, 238-239;
 Ouvrir le livre Les causeries d'Abdu'l-Baha à Paris , pp. 133 à 135; 'Abdu'l-Baha in Canada, pp.31-36; Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha , Baha'i World Faith, p. 288; Gregory C.Dahl, Economics and the Baha'i Teachings dans World Order, vol. 10, n° 1, 1975, p. 19; W.S.Hatcher, Economics and Moral Values, dans World Order, vol. 9, n° 2, 1974, pp. 14-27.]


5.11. Les bases spirituelles d'une société

En traitant des problèmes économiques et sociaux, Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha ont souligné que la réorganisation d'une activité économique dans le but de réduire les conflits d'intérêt n'était qu'une partie de la solution. La racine profonde de l'injustice économique est l'avidité humaine. L'état d'esprit devrait donc changer de manière fondamentale. Si les individus demeurent égoïstes, immatures, avides et dépourvus de valeurs spirituelles, le plus parfait schéma économique lui-même ne fonctionnera pas. Une solution satisfaisante à la calamité économique actuelle du monde repose dans un profond changement de coeur et d'esprit que seule la religion peut produire : Les principes fondamentaux de la situation économique entière sont divins de nature et associés au monde du coeur et de l'esprit.
[Nota: 'Abdu'l-Baha , The Promulgation of Universal Peace, p. 238.]

Ce principe est valable non seulement en économie, mais aussi pour la totalité des activités et problèmes de l'homme. Les enseignements baha'is insistent sur le fait que sa nature fondamentale est spirituelle et qu'il ne peut y avoir de solution durable à un problème humain qui ne tienne compte de ce fait. Tout est fondamentalement lié au but spirituel de l'existence de l'homme, qui est la connaissance et l'amour de Dieu et le développement des qualités spirituelles et des vertus.

C'est pourquoi Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha ont donné des directives recouvrant une aussi grande étendue des activités humaines. Il ne peut y avoir de nette séparation entre les aspects séculiers et religieux de la vie. Toute vie doit être vécue dans une optique spirituelle si elle veut être vécue avec succès.

Puisque la religion, représentée par la révélation progressive de Dieu à l'humanité, a pour objectif principal la dimension spirituelle de l'homme, il en résulte que seule la vraie religion peut former la base de la société, et que toute tentative purement humaine pour résoudre les problèmes du monde sans se référer à la religion et à la volonté de Dieu pour elle est vouée à l'échec. C'est dans ce contexte que Shoghi Effendi a écrit :

" L'humanité..., hélas, s'est égarée trop loin et a subi un trop grand déclin pour être rachetée par les seuls efforts des meilleurs d'entre ses hommes d'État et ses dirigeants officiels, quelque désintéressés que soient leurs mobiles, quelque concertée que soit leur action... Aucun projet que les calculs de la politique la plus altruiste puissent encore imaginer, aucune doctrine que le plus distingué des théoriciens économiques puisse espérer avancer; aucun principe que le plus ardent des moralistes s'efforcerait d'inculquer ne pourra, en dernier ressort, fournir les bases appropriées sur lesquelles puisse être édifié l'avenir du monde éperdu. "
[Nota: Shoghi Effendi,
 Ouvrir le livre L'Ordre mondial de Baha'u'llah, p. 28.]


5.12. Une langue auxiliaire universelle

La multitude de langues qui caractérise le monde moderne est une importante entrave à l'unité mondiale. À un simple niveau de communication, l'existence de tant de groupes linguistiques différents empêche le libre cours de l'information et permet difficilement à l'homme moyen actuel d'avoir une perspective universelle des événements du monde. Il y a aussi la tendance manifestée par un groupe donné ou une nation à s'attacher à sa langue et à sa littérature, et par conséquent à les considérer comme supérieures à celles des autres peuples. Ce chauvinisme linguistique conduit fréquemment au conflit.

Il n'est par conséquent pas surprenant que Baha'u'llah prescrive l'adoption d'une langue auxiliaire universelle en vue de l'unification de l'humanité. Il a conseillé d'enseigner une seule langue comme seconde langue dans tous les systèmes éducatifs du monde. Ainsi, en une seule génération, chacun apprendrait sa propre langue maternelle et, en sus, la langue universelle. Cette dernière pourrait aussi bien être une langue inventée, comme l'espéranto, ou une langue déjà existante. L'avantage d'une langue existante est qu'une partie de la population mondiale la posséderait déjà. Une langue inventée aurait cependant l'avantage d'être neutre d'un point de vue émotionnel et permettrait l'adoption d'une grammaire simplifiée et régulière.

[Nota: Il existe un lien historique intéressant entre la foi baha'ie et l'espéranto, langue inventée par le Dr.Zamenhof. La fille du Dr. Zamenhof, Lydia, était un membre actif de la communauté baha'ie, et 'Abdu'l-Baha avait félicité son père pour sa réalisation. Tout en n'ayant jamais affirmé que l'espéranto deviendrait la langue universelle, 'Abdu'l-Baha déclara qu'elle aiderait de manière significative la cause de l'unité mondiale. Néanmoins, l'invention réussie d'une langue viable comme l'espéranto démontre qu'une telle chose est possible, et par conséquent que l'humanité n'est pas limitée dans son choix aux seules langues naturelles existantes. Ce fait même peut servir à diminuer les réticences de certains à l'idée d'une langue universelle, sans tenir compte du choix de la langue, naturelle ou inventée, qui serait finalement choisie par les nations du monde.]

Les baha'is sont attachés au principe de l'établissement d'une telle langue auxiliaire universelle, mais sans se porter vers une langue spécifique plutôt que vers une autre, qu'elle soit naturelle ou inventée. Le choix de la langue à utiliser sera fait par un comité international d'experts et ratifié par les nations du monde.

Baha'u'llah a souligné que cette langue universelle serait une langue auxiliaire, c'est-à-dire qu'elle ne supprimerait pas les langues naturelles qui existent déjà. Le concept de l'unité dans la diversité doit être appliqué aux différences de langage de la même manière qu'il est appliqué aux autres différences. Étant donné que les pressions exercées pour l'assimilation des groupes linguistiques minoritaires viennent de l'agrandissement naturel des groupes linguistiques majoritaires, l'existence d'une langue auxiliaire universelle aidera à préserver les langages minoritaires et par conséquent les schémas culturels minoritaires.

[Nota: Ainsi les baha'is pensent qu'une langue auxiliaire universelle encouragera l'unité en facilitant la communication et en permettant en même temps un accès universel à la richesse culturelle des minorités - et qu'en fait, elle les préservera et les protégera. C'est un exemple typique de la manière dont Baha'u'llah a pensé promouvoir l'unité dans la diversité plutôt que la simple uniformité pour plus de commodité.]


5.13. Les deux aspects de la révélation

Avant même de comprendre les enseignements baha'is, il est important de saisir le rôle que joue la révélation dans l'histoire humaine. Dans leurs explications du concept de la révélation progressive, Baha'u'llah et 'Abdu'l-Baha nous ont montré que chaque révélation a deux buts fondamentaux. Le premier étant que chacun sert d'abord, d'une manière générale, à parfaire notre connaissance de Dieu et de la volonté de Dieu pour nous, notre connaissance des autres et notre connaissance de nous-mêmes. Mais chaque révélation vient à une époque et dans un lieu particulier de l'évolution sociale, à un moment où l'humanité est confrontée à certains problèmes particuliers et à des besoins spécifiques. En conséquence de quoi, chaque révélation a pour deuxième but de fournir à l'humanité des directives pratiques et la connaissance nécessaire pour faire face aux défis immédiats.

La seule différence réelle qui existe entre ces deux buts est que l'un est d'ordre général, tandis que l'autre est plus spécifique. Dans le premier cas, la manifestation expose à l'humanité des thèmes universels et traite des aspects éternels de la vie, tels la souffrance, la naissance, la mort, la peur et l'amour. Les expériences dans ces domaines font partie de la vie de chaque être humain, à quelque époque et en quelque lieu que ce soit. Dans le second cas, la manifestation s'adresse à l'humanité pour une certaine époque et dans un lieu donné.

Par conséquent, de cette manière elle répond aux besoins de chaque âge nouveau, les décrets directeurs de chaque révélation ayant deux aspects : le premier est l'universel (ou éternel) et le second, le social (ou temporel). 'Abdu'l-Baha décrivit ainsi ces deux aspects de la religion :

" Les religions divines comprennent deux sortes d'ordonnances. D'abord celles qui constituent les enseignements essentiels, ou spirituels, de la parole de Dieu. Ces ordonnances sont : la foi en Dieu, l'acquisition des vertus qui caractérisent la maturité parfaite, les principes moraux louables, l'acquisition des bénédictions et bienfaits émanant du rayonnement divin - en résumé, les ordonnances qui concernent les domaines de la morale et de l'éthique. Ceci est l'aspect fondamental de la religion de Dieu et c'est de la plus haute importance, car la connaissance de Dieu constitue le besoin fondamental de l'homme... C'est la base essentielle de toutes les religions divines, la réalité même commune à tous...

Viennent ensuite les lois et ordonnances qui sont temporaires et secondaires. Elles concernent la conduite et les relations humaines. Elles sont accessoires et sujettes aux changements en fonction des exigences du temps et des lieux. Ces ordonnances ne sont ni permanentes ni fondamentales... Les lois secondaires qui réglementent la conduite de la société et des affaires quotidiennes de la vie sont modifiables et sujettes à abrogation. "
[Nota: 'Abdu'l-Baha , Promulgation of Universal Peace, pp. 403-405.
 Ouvrir le livre Sélection des écrits d'Abdu'l-Baha ]

L'une des principales sources de conflit entre les différents systèmes religieux provient du fait que leurs adeptes ne font pas la distinction entre ces deux aspects de la révélation. Puisque les lois qui régissent la société sont sujettes au changement, au fur et à mesure de l'évolution de l'humanité, les croyants seront nécessairement perturbés s'ils considèrent que ces lois constituent des absolus immuables. Jésus, par exemple, a modifié un certain nombre de lois juives, au grand désarroi des disciples orthodoxes de la dispensation mosaïque.

Certains des principes baha'is exposés dans les précédents paragraphes de ce chapitre tombent dans la catégorie des enseignements sociaux. Selon les baha'is, le plus important problème social de notre temps est l'absence d'unité. Des principes tels que l'établissement d'une langue auxiliaire universelle sont clairement destinés à contribuer de manière pratique à l'établissement de l'unité mondiale.

Cependant, l'unité est une marque d'amour, alors que la désunion est une forme de haine. 'Abdu'l-Baha a dit que l'amour était l'enseignement fondamental de Dieu pour l'humanité et un principe universel commun à toutes les religions. Ainsi les nombreux problèmes sociaux dus à l'absence d'unité proviennent, en dernière analyse, d'un manque de spiritualité. Les baha'is considèrent un grand nombre des enseignements de Baha'u'llah (par exemple l'égalité de l'homme et de la femme) à la fois comme les expressions de vérités spirituelles universelles et comme des facteurs essentiels dans la résolution des problèmes sociaux actuels.

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