BAHA'U'LLAH ET L'ÈRE NOUVELLE
Une introduction à la foi baha'ie


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12. LA RELIGION ET LA SCIENCE

" 'Ali, le gendre de Muhammad, a dit: "Ce qui est conforme à la science est aussi conforme à la religion." Tout ce que l'intelligence de l'homme ne peut comprendre, la religion ne devrait pas l'accepter. La religion et la science vont la main dans la main, et toute religion en contradiction avec la science n'est pas la vérité." ('ABDU'L-BAHA)

12.1. Cause des malentendus

Un des enseignements fondamentaux de Baha'u'llah dit que la vraie religion et la vraie science se doivent d'être toujours en harmonie. La vérité est une et toute contradiction qui surgit découle, non de la vérité, mais de l'erreur. Entre la prétendue science et la prétendue religion il y a eu, tout au long des siècles, des conflits farouches; mais si nous considérons ces conflits à la lumière d'une vérité plus complète, nous verrons toujours qu'ils sont dus à l'ignorance, aux préjugés, à la vanité, à la convoitise, à l'étroitesse d'esprit, à l'intolérance, à l'obstination ou à quelque excès de ce genre, étranger au véritable esprit, tant de la science que de la religion, car l'une et l'autre relèvent du même esprit.

Comme l'a écrit Huxley: "Les grandes oeuvres des philosophes sont moins le fruit de leur intelligence que celui de la direction imprimée à cette intelligence par une prédisposition éminemment religieuse de leur esprit. La vérité a cédé plus à leur patience, à leur amour, à leur simplicité de coeur, à leur abnégation qu'à leur perspicacité."

Le mathématicien Boole nous affirme que "l'induction géométrique est essentiellement un processus de prière, un appel du fini à l'infini pour être éclairé sur des questions d'ordre limité".

Les grandes sommités de la religion et de la science ne se sont jamais contredites les unes les autres. C'est de ces disciples--adorateurs de la lettre et non de l'esprit--indignes de ces grands instructeurs du monde que sont issus les persécuteurs des nouveaux prophètes et les plus violents obstacles au progrès. Parce qu'ils ont étudié une certaine doctrine, ils la tiennent pour sacrée; avec le plus grand soin et la plus grande précision, ils en ont défini les propriétés et les particularités suivant leur vision limitée. C'est là pour eux la seule lumière véritable. Si Dieu, en sa bonté infinie, suscite ailleurs une lumière plus vive, ils s'alarment; et si le flambeau de l'inspiration, aux mains d'un nouveau porte-flambeau, brûle plus intensément, plutôt que d'accueillir avec joie cette lumière et d'adorer avec une gratitude renouvelée le Père de toutes les lumières, ils s'irritent. Cette lumière nouvelle ne correspond pas à leurs définitions, elle n'a pas la couleur orthodoxe, elle n'apparaît pas à l'endroit déterminé, aussi faut-il l'éteindre à tout prix afin qu'elle n'égare pas les hommes dans le sentier de l'hérésie!

La plupart des ennemis des prophètes sont ainsi: des guides aveugles pour les aveugles, faisant obstacle à une nouvelle et plus profonde vérité, et cela dans l'intérêt supposé de ce qu'ils croient être la vérité. D'autres, plus vils, combattent la vérité pour des intérêts personnels, ou encore obstruent la voie du progrès par leur inertie ou parce qu'ils sont morts spirituellement.


12.2. Persécution des prophètes

Les grands prophètes de la religion ont toujours été, dès leur avènement, méprisés et repoussés par les hommes. Leurs premiers disciples ont, comme eux, supporté tous les assauts des persécuteurs et sacrifié leur vie ainsi que tout ce qu'ils possédaient dans le chemin de Dieu. Il en est encore de même à notre époque. Depuis 1844, des milliers de babis et de baha'is ont, en Iran, enduré des supplices cruels et accepté la mort pour leur foi, et plus nombreux encore sont ceux qui ont subi l'emprisonnement, l'exil, la pauvreté et l'humiliation.

La dernière des grandes religions a été "baptisée dans le sang" plus encore que les précédentes et ses adeptes continuent à être martyrisés. Le même sort a été réservé aux prophètes de la science. Giordano Bruno, philosophe italien, fut brûlé comme hérétique, en l'an 1600 de l'ère chrétienne, parce qu'il enseignait, entre autres choses, que la Terre tournait autour du Soleil. Peu de temps après, Galilée, le vétéran de la physique, fut forcé d'abjurer, à genoux, la même doctrine, afin d'échapper à semblable sort. À une époque plus récente, Darwin et les pionniers de la géologie moderne furent attaqués avec véhémence pour avoir osé discuter l'enseignement des saintes Écritures selon lequel le monde aurait été créé en six jours et depuis moins de six mille ans!

L'opposition faite à la nouvelle vérité scientifique ne vint cependant pas de l'Église seule. De même que la religion orthodoxe, la science orthodoxe a été tout aussi hostile au progrès. Christophe Colomb fut raillé et vilipendé par les soi-disant savants de son temps qui, satisfaits de cette explication théorique, démontraient que si les vaisseaux réussissaient à descendre aux antipodes, de l'autre côté du globe, il leur serait absolument impossible de remonter à leur point de départ. Galvani, le pionnier de l'électricité, fut raillé par ses collègues et surnommé "le maître à danser des grenouilles".

Harvey, qui découvrit la circulation du sang, fut ridiculisé et persécuté par ses confrères à cause de ses opinions hérétiques et il fut chassé de sa chaire. Quand Stephenson inventa la locomotive, les mathématiciens d'Europe, au lieu d'ouvrir les yeux et d'étudier les faits, continuèrent pendant des années à démontrer--satisfaits de leurs explications théoriques--qu'une machine sur rails lisses ne pourrait jamais traîner des fardeaux parce que les roues glisseraient et patineraient sur place, sans faire avancer le train.

Les exemples pourraient s'accumuler, en puisant tant dans l'histoire ancienne que dans l'histoire moderne et même dans l'histoire contemporaine. Pour imposer sa merveilleuse langue internationale, le Dr Zamenhof, inventeur de l'espéranto, dut lutter contre les mêmes moqueries, oppositions et mépris stupides que ceux qui saluèrent Colomb, Galvani et Stephenson. Même l'espéranto, qui ne date que de 1887, a eu ses martyrs.


12.3. L'aube de la réconciliation

Cependant, dans les cinquante dernières années, un changement est survenu dans l'esprit du siècle, une nouvelle lumière de vérité a surgi et elle a déjà rendu les controverses du siècle écoulé étrangement désuètes. Où en sont maintenant les matérialistes pleins de jactance et les athées dogmatiques qui, récemment encore, prétendaient chasser la religion de ce monde? Et où en sont les prédicateurs qui, avec tant d'assurance, vouaient au feu infernal et aux tortures des damnés ceux qui n'acceptaient pas leurs dogmes? Peut-être les échos de leurs clameurs résonnent-ils encore, mais leur influence décline rapidement et leurs doctrines tombent dans le discrédit. Nous savons maintenant que les doctrines qui ont fait l'objet de leurs plus violentes controverses n'appartenaient ni à la vraie science ni à la vraie religion.

Quel savant, à la lumière des recherches psychiques modernes, pourrait encore affirmer que "le cerveau sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile" ? ou que la décomposition du corps s'accompagne nécessairement de la déchéance de l'âme ? Nous voyons maintenant que la pensée, pour être tout à fait libre, doit s'élancer vers les royaumes psychique et spirituel et ne pas se confiner au seul domaine matériel. Nous réalisons que ce que nous savons maintenant de la nature n'est qu'une goutte d'eau dans un océan, en comparaison de ce qu'il nous reste à découvrir.

Aussi admettons-nous volontiers la possibilité de miracles, non pas, à vrai dire, dans le sens d'une infraction aux lois naturelles, mais comme des manifestations de l'action de forces subtiles encore inconnues de nous, comme le furent l'électricité et les rayons X pour nos ancêtres.

D'autre part, lequel des chefs religieux modernes voudrait encore déclarer qu'il est indispensable au salut de l'âme de croire que le monde a été fait en six jours, ou que la description des plaies d'Égypte, telle qu'elle est faite dans le livre de l'Exode est littéralement exacte, ou que le Soleil s'arrêta dans sa course (autrement dit: que la Terre s'arrêta de tourner) pour que Josué pût poursuivre ses ennemis, ou encore que si un homme n'accepte pas le credo de Saint Athanase, "sans aucun doute, il périra à jamais" ? De telles croyances peuvent encore se répéter comme des formules, mais qui, de nos jours, les accepterait sans réserve et dans leur sens littéral ? Leur emprise sur le coeur et l'esprit des hommes a disparu ou s'atténue rapidement.

Le monde religieux a contracté une dette de gratitude envers les hommes de science qui ont aidé à déraciner de pareils dogmes surannés et des croyances usées, en permettant à la vérité de se faire jour. Mais le monde scientifique, de son côté, a une dette de gratitude encore plus lourde envers les vrais saints et les vrais mystiques qui, en dépit des bonnes ou des mauvaises fortunes, préservèrent les vérités vitales de l'expérience spirituelle, démontrant à un monde incrédule que la vie signifie plus que l'existence charnelle et que l'invisible est plus vaste que le visible.

Ces hommes de science et ces saints furent comme les cimes des montagnes, recueillant les premiers rayons du soleil levant et les réfléchissant plus bas sur le monde. Mais maintenant, le Soleil s'est levé et ses rayons illuminent le monde entier. Une glorieuse révélation de la vérité nous est donnée par les enseignements de Baha'u'llah; elle apporte la satisfaction à la fois au coeur et à l'esprit, et elle réalise l'accord entre la religion et la science.


12.4. La recherche de la vérité

L'harmonie complète avec la science est évidente dans les enseignements baha'is relatifs à la manière de rechercher la vérité. L'homme doit se dépouiller de tous les préjugés afin de découvrir la vérité sans entraves.

'Abdu'l-Baha dit:

"Pour trouver la vérité, nous devons renoncer à nos préjugés, à nos petites notions personnelles toutes superficielles; il est essentiel d'avoir l'esprit ouvert et réceptif. Si notre calice est rempli de notre moi, il n'y a pas de place pour l'eau de vie. Le fait de prétendre que nous possédons la vérité et que tous les autres sont dans l'erreur est le plus grand de tous les obstacles vers le chemin de l'unité; or, l'unité est primordiale pour atteindre la vérité, car la vérité est une...

Aucune vérité ne peut contredire une autre vérité. La lumière est bonne quelle que soit la lampe où elle brille. Une rose est belle quel que soit le jardin où elle s'épanouit! Une étoile montre le même éclat, qu'elle luise en Orient ou en Occident! Soyez libres de préjugés, ainsi vous aimerez le Soleil de Vérité à quelque point de l'horizon qu'il apparaisse. Vous réaliserez que, si la lumière divine de la vérité brilla en Jésus-Christ, elle brilla aussi en Moïse et en Bouddha. Voilà ce qu'on entend par recherche de la vérité.

Cela signifie, de plus, que nous devons consentir à écarter tout ce que nous avons appris auparavant, tout ce qui entraverait nos pas dans la voie de la vérité; nous ne devons pas hésiter, au besoin, à recommencer notre éducation depuis le commencement. Nous ne devons pas permettre à notre attachement pour une certaine religion ou pour une personnalité définie d'obscurcir notre vision et de nous enchaîner ainsi par les superstitions. Quand nous serons dégagés de tous ces liens, quand nous chercherons avec un esprit libéré, alors nous serons capables d'atteindre notre but."
(Causeries de 'Abdu'l-Baha à Paris, pp. 120 et 121.)
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12.5. Le véritable agnosticisme

L'enseignement baha'i, conjointement à la science et à la philosophie, déclare que la nature essentielle de Dieu échappe entièrement à la compréhension de l'homme. De même que Huxley et Spencer mettent l'accent sur le fait que la nature de la grande Cause première reste inconnaissable, Baha'u'llah enseigne et répète avec insistance que "si Dieu comprend tout, Il ne peut pas être compris". À la découverte de l'essence divine, "le chemin est barré et la route impraticable".

En effet, comment le fini pourrait-il comprendre l'infini? Comment une goutte pourrait-elle contenir l'océan et comment une poussière, dansant dans un rayon de soleil, pourrait-elle englober l'univers? Cependant, la création entière parle éloquemment de Dieu. Chaque goutte d'eau recèle des océans d'explications, chaque poussière détient un univers de significations surpassant de loin l'entendement du plus grand des savants. Les chimistes et les physiciens, poursuivant leurs recherches sur la composition de la matière, ont progressé de la masse à la molécule, de la molécule à l'atome, de l'atome à l'électron et à l'éther; cependant, à chaque pas, les difficultés de la recherche se sont accumulées jusqu'à un point où l'intelligence la plus profonde ne peut pénétrer plus avant, réduite à s'incliner en silence devant l'inconnaissable Infini qui demeure à jamais enveloppé dans son insondable mystère:

"Fleur dans le mur lézardé,
Je t'arrache d'entre les lézardes.
Je te tiens là, racine et tout, dans ma main,
Petite fleur; mais si je pouvais comprendre
Ce que tu es, racine et tout, et tout dans tout,
Je saurais ce qu'est Dieu et ce qu'est l'homme."
(TENNYSON)


(Flower in the crannied wall,
I pluck you out of the crannies.
I hold you here, root and all, in my hand,
Little flower, but if I could understand
What you are, root and all, and all in all,
I should know what God and man is.)


Si la fleur du mur lézardé, si même un simple atome de matière présentent des mystères que l'intelligence la plus profonde ne peut résoudre, comment serait-il possible à l'homme de comprendre l'univers? Comment oserait-il prétendre définir ou décrire la Cause infinie de toutes choses? Les spéculations théologiques sur la nature et l'essence de Dieu, quelles qu'elles soient, sont donc à rejeter comme non-sens et futilités.


12.6. La connaissance de Dieu

Mais si l'essence de Dieu est inconnaissable, les manifestations de sa munificence sont visibles partout. Si nous ne pouvons concevoir la Cause première, chacune de nos facultés en ressent néanmoins les effets. De même que les tableaux d'un peintre révèlent au connaisseur le talent effectif de l'artiste, ainsi la compréhension de l'univers, sous chacun de ses aspects--compréhension de la nature ou de la constitution humaine, des choses visibles ou invisibles--est la compréhension de l'oeuvre de Dieu, et elle procure au chercheur de la vérité divine un aperçu réel de sa gloire.

"Les cieux révèlent la gloire de Dieu et le firmament confirme l'oeuvre de ses mains. Le jour en instruit un autre jour et la nuit en informe une autre nuit."
(Psaume XIX, 1-2.)
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12.7. Les manifestations divines

Chaque chose manifeste la générosité de Dieu avec plus ou moins de netteté, comme tous les objets matériels exposés au soleil reflètent sa lumière à différents degrés. Un tas de suie la reflète peu, une pierre davantage, un morceau de craie plus encore; mais dans aucun de ces reflets, nous ne trouvons trace de la forme ni de la couleur de l'orbe superbe. Seul, un miroir parfait réfléchit la forme et la couleur mêmes du soleil de sorte que, si l'on regarde dans ce miroir, c'est comme si l'on regardait le soleil lui-même.

C'est ainsi que les choses nous parlent de Dieu. La pierre révèle certains des attributs divins, la fleur en montre davantage, l'animal, avec ses sens admirables, ses instincts et sa faculté de mouvement, plus encore. Chez le plus humble de nos semblables, nous découvrons des facultés merveilleuses qui dévoilent l'existence d'un Créateur prodigieux.

Le poète, le saint, l'homme de génie prouvent cette existence sous une forme encore plus élevée, mais les grands prophètes et les fondateurs de religions sont les seuls miroirs parfaits par lesquels l'amour et la sagesse de Dieu sont réfléchis vers toute l'humanité. Les miroirs des autres humains sont ternis par les souillures et les poussières de l'égoïsme et des préjugés, mais ceux-là sont purs et sans tache. Les prophètes, par leur entière soumission à la volonté de Dieu, deviennent ainsi les plus grands éducateurs de l'humanité.

Les enseignements divins et le pouvoir du Saint-Esprit ont été et sont encore, par leur entremise, les causes du progrès de la race humaine, car Dieu aide les hommes par d'autres hommes. Tout homme qui accède aux échelons supérieurs dans l'ascension de la vie peut aider ceux qui sont plus bas; et ceux qui ont atteint le sommet aident l'humanité entière. C'est comme si tous les humains étaient reliés entre eux par des liens élastiques.

Si l'un s'élève un peu au-dessus du niveau général de ses concitoyens, les liens se tendent. Ses congénères ont tendance à le ramener vers le bas, mais avec une force égale, il les attire vers le haut. Plus il s'élève, plus le poids du monde entier tente de l'alourdir, plus il compte sur le secours divin qui lui parvient par l'intermédiaire de ceux qui sont encore plus haut que lui.

Au sommet sont les grands prophètes et sauveurs, "les manifestations divines",--êtres parfaits dont chacun fut, en son époque, sans égal--qui, sans le concours de personne, portèrent le poids du monde entier, soutenus par Dieu seul. "Il portait le fardeau de nos péchés" fut vrai pour chacun d'eux. Chacun se montra "la Voie, la Vérité et la Vie" pour ses adeptes. Chacun fut un canal apportant la grâce divine à tous les coeurs qui voulurent la recevoir. Chacun eut son rôle à jouer dans le grand plan divin pour l'élévation de l'humanité.


12.8. La création

Baha'u'llah enseigne que l'univers n'a pas eu de commencement dans le temps. C'est une émanation perpétuelle de la grande Cause première. Le Créateur a toujours créé et, éternellement, Il continuera de créer. Les mondes et les systèmes naissent et disparaissent, mais l'univers demeure.

Tout ce qui est composé se décompose au cours du temps, mais les éléments composants subsistent. Créer un monde, une pâquerette ou un corps humain ne consiste pas "à faire quelque chose avec rien", mais à assembler des éléments qui, auparavant, étaient épars, à rendre visible quelque chose qui, auparavant, était caché. Peu à peu les éléments seront de nouveau séparés, la forme disparaîtra, mais rien ne sera vraiment perdu ni annihilé; des formes et des combinaisons toujours nouvelles surgiront des ruines du passé.

Baha'u'llah confirme l'hypothèse des hommes de science qui assignent non pas six mille ans mais des millions et des trillions d'années à l'histoire de la création de la Terre. La théorie de l'évolution n'infirme pas la puissance créatrice. Elle tend seulement à décrire le mode de sa manifestation; et la merveilleuse histoire de l'univers matériel que l'astronome, le géologue, le physicien, le biologiste nous dévoilent petit à petit est, si on l'apprécie à sa juste valeur, infiniment plus digne d'éveiller l'adoration et le respect les plus profonds que les récits primitifs et naïfs de la création transmis par les Écritures hébraïques.

L'antique description de la Genèse eut cependant l'avantage d'indiquer, par quelques grands traits symboliques, le sens spirituel essentiel de l'histoire. Elle l'a fait comme un peintre de génie qui peut, en quelques coups de pinceau, fixer une impression, alors qu'un artiste moyen, malgré tout le soin qu'il apporte aux détails, peut échouer complètement à la rendre. Si les détails matériels nous rendent aveugles au sens spirituel, mieux vaudrait les ignorer; mais si nous avons une bonne fois profondément saisi le sens essentiel de l'esquisse entière, alors la connaissance des détails ajoutera une richesse et une splendeur merveilleuses à notre compréhension, transformant l'esquisse en un tableau magnifique.

'Abdu'l-Baha dit:

"Sachez qu'un des sujets spirituels les plus complexes est que le monde de l'existence, c'est-à-dire cet univers infini, n'a pas eu de commencement... Sachez... qu'un créateur sans créatures est inconcevable, un dispensateur est inimaginable s'il n'est personne pour recevoir; car tous les noms et les attributs divins supposent l'existence de créatures. Si l'on pouvait imaginer une période où aucun être n'existait, cela reviendrait à nier la divinité de Dieu. De plus, la non-existence absolue ne peut devenir l'existence. Si les êtres avaient été absolument inexistants, la vie ne se serait jamais manifestée; de sorte que l'Essence de l'Unité, c'est-à-dire l'existence de Dieu, étant éternelle et immortelle, sans commencement ni fin, il est certain que ce monde de l'existence... n'a ni commencement ni fin... Certes, il se peut qu'une des parties de l'univers, par exemple une des planètes, puisse nouvellement se former ou prochainement se désintégrer; mais les autres planètes, néanmoins, subsistent... Comme chaque planète a un commencement, elle aura fatalement une fin, car toute composition, générale ou particulière doit, obligatoirement, se décomposer; ce qui les différencie, c'est que certaines se décomposent rapidement et d'autres plus lentement. Mais il est impossible d'envisager l'éventualité d'un corps composé qui ne se décomposerait pas."
(Les Leçons de Saint-Jean-d'Acre, pp. 186 et 187.)
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12.9. L'évolution de l'homme

Baha'u'llah confirme les conclusions des biologistes qui, remontant le cours de l'évolution des espèces, attribuent des millions d'années à l'histoire du développement du corps humain. Partant d'une forme très simple, en apparence insignifiante, le corps s'est développé étape par étape, au cours d'innombrables générations, devenant de plus en plus complexe et de mieux en mieux organisé, jusqu'à ce que l'état actuel de l'être humain fût atteint.

Chaque corps humain s'est développé individuellement par étapes, partant de la petite particule ronde de matière gélatineuse pour aboutir à l'homme complètement développé. Si ceci est vrai pour l'être individuel--ce que personne ne réfute--pourquoi serait-ce déroger à la dignité humaine que d'admettre un processus analogue pour l'espèce? "Ceci est très différent de la théorie transformiste selon laquelle l'homme descendrait du singe."

L'embryon humain a pu, à un moment donné de sa croissance, ressembler à un poisson, avec des branchies et une queue, mais ce n'était pas un poisson. C'était un embryon humain. De même, l'espèce humaine [On se sert ici du terme "espèce" pour marquer la distinction qui a toujours existé entre les hommes et les animaux, malgré l'apparence extérieure. Il ne doit pas être pris dans sa signification biologique courante], au cours des stades variés de son long développement, peut avoir ressemblé superficiellement à diverses espèces d'animaux inférieurs; c'était néanmoins déjà le genre humain, doué de ce mystérieux pouvoir latent lui permettant d'acquérir les caractéristiques humaines que nous lui connaissons aujourd'hui et, bien plus, de développer dans l'avenir des êtres hautement perfectionnés.

'Abdu'l-Baha dit:

"...il est clair que le globe terrestre, dans son aspect actuel, n'a pas été créé d'un seul coup, mais que... degré par degré, il a traversé des phases différentes jusqu'à ce qu'il resplendît dans cet état de perfection... L'homme au commencement de son existence et dans le sein de la terre--comme l'embryon dans le sein maternel--a grandi et s'est développé graduellement et est passé d'une forme à une autre... jusqu'à ce qu'il apparaisse avec cette beauté et cette perfection, cette force et cette puissance. Il est certain qu'au début il n'avait pas cette beauté, cette grâce, cette élégance et que ce n'est que par degré qu'il a atteint cette forme, cette silhouette, cette beauté et cette grâce...

Du début et jusqu'à ce qu'il atteigne cet aspect, cette forme et cette condition, il s'est nécessairement passé un temps très long... mais, depuis son début, l'espèce était distincte... En admettant que les traces d'organes disparus se retrouvent actuellement dans le corps humain, ce n'est pas une preuve de la non-permanence et de la non-originalité de l'espèce; tout au plus cela prouve-t-il que la forme, les dispositions et les organes humains ont évolué. Mais l'homme a toujours été une espèce distincte: un homme et non un animal."
(Les Leçons de Saint-Jean-d'Acre, pp. 188 à 190.)
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De l'histoire d'Adam et Eve, 'Abdu'l-Baha dit:

"Si nous prenons cette histoire au sens apparent, selon l'interprétation adoptée communément, elle est en effet extraordinaire. L'intelligence ne peut l'accepter, l'affirmer, ni même l'imaginer car de telles dispositions, de tels détails, de tels discours et de tels reproches seraient indignes d'un homme intelligent et à plus forte raison de la Divinité qui a organisé cet univers infini de la manière la plus parfaite, avec ses habitants innombrables, suivant un ordre systématique, puissant, parfait... C'est pourquoi l'histoire d'Adam et Eve qui mangèrent le fruit de l'arbre et furent expulsés du paradis doit être considérée comme uniquement symbolique. Elle contient des mystères divins, des significations générales et elle est susceptible d'explications merveilleuses."
(Les Leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 129.)
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12.10. Le corps et l'âme

Les enseignements baha'is ayant trait au corps et à l'âme et à la vie après la mort sont parfaitement en harmonie avec les résultats des recherches psychiques. Comme nous l'avons vu, ces enseignements expliquent que la mort n'est qu'une nouvelle naissance (l'évasion de la prison du corps vers une vie plus large) et que le progrès dans l'au-delà est sans limites.

De l'avis des chercheurs les plus impartiaux et les plus critiques, les nombreuses preuves scientifiques qui se sont peu à peu accumulées suffisent amplement à établir la réalité de la vie après la mort, la certitude de la continuation de l'activité de l'âme consciente après la décomposition du corps matériel. Comme F.W.H. Myers le dit dans son ouvrage "Human Personality" où il résume la plupart des investigations de la Société de Recherches Psychiques:

"L'observation, l'expérimentation, la déduction ont conduit beaucoup de chercheurs, dont je suis, à croire à une communication télépathique directe, non seulement entre les esprits des hommes qui sont encore sur la terre, mais encore entre ceux-ci et les esprits des défunts. Une telle découverte ouvre aussi la porte à l'idée de la révélation...

Nous avons démontré que, parmi beaucoup d'erreurs collectives et subjectives, de fraudes ou d'illusions, de véritables communications nous parviennent d'outre-tombe...

Par des découvertes et des révélations, certaines thèses ont été provisoirement établies au sujet d'âmes de disparus qu'il nous a été donné de rencontrer. Le fait le mieux établi, du moins à mon avis, c'est que leur état semble être un état d'évolution perpétuelle dans la sagesse et dans l'amour. Leurs affections terrestres persistent et surtout ces amours d'essence supérieure qui s'expriment par l'adoration et le culte... Le mal leur apparaît moins comme une chose affreuse que comme un esclavage. Il n'est pas incarné par une puissante entité mais représente plutôt une démence individuelle de laquelle les esprits plus évolués s'efforcent de libérer toute âme déformée.

Point n'est besoin du châtiment par le feu; la découverte du moi est la punition ou la récompense de l'homme, ainsi que la connaissance de soi-même et l'intimité ou l'éloignement d'âmes amies. Car, en ce monde-là, l'amour est véritablement ce qui préserve l'individu; la communion des saints n'orne pas seulement la vie éternelle, mais elle la constitue. Bien mieux, il résulte des lois de la télépathie que cette communion a sa valeur pour nous ici-bas aujourd'hui même. Dès à présent, l'amour des âmes envolées répond à nos invocations. Dès à présent, notre souvenir affectueux--l'amour est en lui-même une prière--soutient et fortifie les esprits délivrés dans leur voie ascendante."


Le degré de concordance entre ces conceptions fondées sur des recherches scientifiques attentives et les conceptions baha'ies est vraiment remarquable.


12.11. L'unité de l'humanité

"Vous êtes tous les fruits d'un même arbre, les feuilles d'une seule branche, les fleurs d'un même jardin". C'est là l'une des assertions les plus caractéristiques de Baha'u'llah ainsi que cette autre: "La gloire n'est pas à celui qui aime son propre pays, mais à celui qui aime l'humanité tout entière". L'unité--l'unité de l'humanité et l'unité en Dieu de tous les êtres créés--est le thème principal de son enseignement. Ici encore, l'harmonie entre la vraie religion et la science est évidente. À chaque découverte de la science, l'unité de l'univers et l'interdépendance des parties qui le composent deviennent de plus en plus évidentes. Le domaine de l'astronome est inséparable de celui du physicien, celui du physicien de celui du chimiste, celui du chimiste de celui du biologiste, celui du biologiste de celui du psychologue et ainsi de suite.

Chaque nouvelle découverte, dans un domaine particulier de la recherche, jette une lumière nouvelle sur d'autres domaines. Tout comme la physique a montré que chaque particule de matière dans l'univers attire et influence chaque autre particule, si petite et si éloignée soit-elle, ainsi, la science psychique découvre que, dans l'univers, chaque âme affecte et influence toutes les autres âmes. Le prince Kropotkine, dans un ouvrage intitulé L'Entraide, expose très clairement que, même parmi les animaux inférieurs, l'entraide est absolument nécessaire à la continuation de la vie et que, quant à l'homme, le progrès de la civilisation dépend de la substitution croissante de l'aide mutuelle à l'inimitié mutuelle. Chacun pour tous et tous pour chacun est le seul principe grâce auquel une société peut prospérer.


12.12. L'ère de l'unité

Tous les signes des temps indiquent que nous sommes à l'aube d'une ère nouvelle dans l'histoire de l'humanité. Jusqu'à présent, le jeune aiglon qu'est l'humanité s'est accroché à la vieille aire, sur le roc solide de l'égoïsme et du matérialisme. Il n'a essayé que timidement de se servir de ses ailes. Il a aspiré sans cesse à ce qu'il n'a pu encore atteindre. Il s'est irrité de plus en plus de la contrainte des vieux dogmes et des vieilles orthodoxies. Mais à présent, l'époque de confinement touche à sa fin et, sur les ailes de la foi et de la raison, il peut s'élancer vers les royaumes plus élevés de l'amour spirituel et de la vérité. Il ne sera plus lié à la terre comme il l'était avant le développement de ses ailes, mais il planera à son gré dans des régions aux vastes horizons, dans une liberté glorieuse. Toutefois, pour que son vol soit sûr et stable, il ne suffit pas que ses ailes soient fortes, il faut qu'elles fonctionnent en harmonie et en coordination parfaites. Comme le dit 'Abdu'l-Baha:

"Il ne peut voler avec une seule aile. S'il essaie de voler avec l'aile de la religion seulement, il atterrira dans le bourbier de la superstition et s'il essaie de voler avec l'aile de la science seulement, il finira dans la fondrière désolée du matérialisme."
(Causeries de 'Abdu'l-Baha à Paris, p. 126.)
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L'harmonie parfaite entre la religion et la science est, pour l'humanité, la condition sine qua non d'une vie plus élevée. Quand cette condition sera remplie, quand chaque enfant sera élevé, non seulement dans l'étude des sciences et des arts, mais également dans l'amour du genre humain, se conformant radieusement à la volonté de Dieu telle qu'elle se révèle dans les progrès de l'évolution et les enseignements des prophètes, alors, et alors seulement, le royaume de Dieu viendra et sa volonté sera faite sur la terre comme au ciel; alors, et alors seulement, la paix suprême répandra ses bénédictions sur le monde.

"Quand la religion, dit 'Abdu'l-Baha, délivrée de ses superstitions, de ses traditions et de ses dogmes inintelligents, se trouvera en conformité avec la science, alors il y aura dans le monde une grande unification, une force purificatrice qui balaiera devant elle guerres, litiges, discordes et luttes; alors l'humanité sera unie dans la puissance de l'amour de Dieu."
(Causeries de 'Abdu'l-Baha à Paris, p. 128.)
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