BAHA'U'LLAH
ET L'ÈRE NOUVELLE
Une introduction à la foi baha'ie
Chapitre précédent
Retour au sommaire
Chapitre suivant
12. LA RELIGION ET LA SCIENCE
" 'Ali, le gendre
de Muhammad, a dit: "Ce qui est conforme à la science est aussi conforme à la
religion." Tout ce que l'intelligence de l'homme ne peut comprendre, la religion
ne devrait pas l'accepter. La religion et la science vont la main dans la main,
et toute religion en contradiction avec la science n'est pas la vérité." ('ABDU'L-BAHA)
12.1. Cause des malentendus
Un des enseignements fondamentaux de Baha'u'llah dit que la vraie religion et
la vraie science se doivent d'être toujours en harmonie. La vérité est une et
toute contradiction qui surgit découle, non de la vérité, mais de l'erreur.
Entre la prétendue science et la prétendue religion il y a eu, tout au long
des siècles, des conflits farouches; mais si nous considérons ces conflits à
la lumière d'une vérité plus complète, nous verrons toujours qu'ils sont dus
à l'ignorance, aux préjugés, à la vanité, à la convoitise, à l'étroitesse d'esprit,
à l'intolérance, à l'obstination ou à quelque excès de ce genre, étranger au
véritable esprit, tant de la science que de la religion, car l'une et l'autre
relèvent du même esprit.
Comme l'a écrit Huxley: "Les grandes oeuvres des philosophes sont moins le
fruit de leur intelligence que celui de la direction imprimée à cette intelligence
par une prédisposition éminemment religieuse de leur esprit. La vérité a cédé
plus à leur patience, à leur amour, à leur simplicité de coeur, à leur abnégation
qu'à leur perspicacité."
Le mathématicien Boole nous affirme que "l'induction géométrique est essentiellement
un processus de prière, un appel du fini à l'infini pour être éclairé sur des
questions d'ordre limité".
Les grandes sommités de la religion et de la science ne se sont jamais contredites
les unes les autres. C'est de ces disciples--adorateurs de la lettre et non
de l'esprit--indignes de ces grands instructeurs du monde que sont issus les
persécuteurs des nouveaux prophètes et les plus violents obstacles au progrès.
Parce qu'ils ont étudié une certaine doctrine, ils la tiennent pour sacrée;
avec le plus grand soin et la plus grande précision, ils en ont défini les propriétés
et les particularités suivant leur vision limitée. C'est là pour eux la seule
lumière véritable. Si Dieu, en sa bonté infinie, suscite ailleurs une lumière
plus vive, ils s'alarment; et si le flambeau de l'inspiration, aux mains d'un
nouveau porte-flambeau, brûle plus intensément, plutôt que d'accueillir avec
joie cette lumière et d'adorer avec une gratitude renouvelée le Père de toutes
les lumières, ils s'irritent. Cette lumière nouvelle ne correspond pas à leurs
définitions, elle n'a pas la couleur orthodoxe, elle n'apparaît pas à l'endroit
déterminé, aussi faut-il l'éteindre à tout prix afin qu'elle n'égare pas les
hommes dans le sentier de l'hérésie!
La plupart des ennemis des prophètes sont ainsi: des guides aveugles pour les
aveugles, faisant obstacle à une nouvelle et plus profonde vérité, et cela dans
l'intérêt supposé de ce qu'ils croient être la vérité. D'autres, plus vils,
combattent la vérité pour des intérêts personnels, ou encore obstruent la voie
du progrès par leur inertie ou parce qu'ils sont morts spirituellement.
12.2. Persécution des prophètes
Les grands prophètes de la religion ont toujours été, dès leur avènement, méprisés
et repoussés par les hommes. Leurs premiers disciples ont, comme eux, supporté
tous les assauts des persécuteurs et sacrifié leur vie ainsi que tout ce qu'ils
possédaient dans le chemin de Dieu. Il en est encore de même à notre époque.
Depuis 1844, des milliers de babis et de baha'is ont, en Iran, enduré des supplices
cruels et accepté la mort pour leur foi, et plus nombreux encore sont ceux qui
ont subi l'emprisonnement, l'exil, la pauvreté et l'humiliation.
La dernière des grandes religions a été "baptisée dans le sang" plus
encore que les précédentes et ses adeptes continuent à être martyrisés. Le même
sort a été réservé aux prophètes de la science. Giordano Bruno, philosophe italien,
fut brûlé comme hérétique, en l'an 1600 de l'ère chrétienne, parce qu'il enseignait,
entre autres choses, que la Terre tournait autour du Soleil. Peu de temps après,
Galilée, le vétéran de la physique, fut forcé d'abjurer, à genoux, la même doctrine,
afin d'échapper à semblable sort. À une époque plus récente, Darwin et les pionniers
de la géologie moderne furent attaqués avec véhémence pour avoir osé discuter
l'enseignement des saintes Écritures selon lequel le monde aurait été créé en
six jours et depuis moins de six mille ans!
L'opposition faite à la nouvelle vérité scientifique ne vint cependant pas de
l'Église seule. De même que la religion orthodoxe, la science orthodoxe a été
tout aussi hostile au progrès. Christophe Colomb fut raillé et vilipendé par
les soi-disant savants de son temps qui, satisfaits de cette explication théorique,
démontraient que si les vaisseaux réussissaient à descendre aux antipodes, de
l'autre côté du globe, il leur serait absolument impossible de remonter à leur
point de départ. Galvani, le pionnier de l'électricité, fut raillé par ses collègues
et surnommé "le maître à danser des grenouilles".
Harvey, qui découvrit la circulation du sang, fut ridiculisé et persécuté par
ses confrères à cause de ses opinions hérétiques et il fut chassé de sa chaire.
Quand Stephenson inventa la locomotive, les mathématiciens d'Europe, au lieu
d'ouvrir les yeux et d'étudier les faits, continuèrent pendant des années à
démontrer--satisfaits de leurs explications théoriques--qu'une machine sur rails
lisses ne pourrait jamais traîner des fardeaux parce que les roues glisseraient
et patineraient sur place, sans faire avancer le train.
Les exemples pourraient s'accumuler, en puisant tant dans l'histoire ancienne
que dans l'histoire moderne et même dans l'histoire contemporaine. Pour imposer
sa merveilleuse langue internationale, le Dr Zamenhof, inventeur de l'espéranto,
dut lutter contre les mêmes moqueries, oppositions et mépris stupides que ceux
qui saluèrent Colomb, Galvani et Stephenson. Même l'espéranto, qui ne date que
de 1887, a eu ses martyrs.
12.3. L'aube de la réconciliation
Cependant, dans les cinquante dernières années, un changement est survenu dans
l'esprit du siècle, une nouvelle lumière de vérité a surgi et elle a déjà rendu
les controverses du siècle écoulé étrangement désuètes. Où en sont maintenant
les matérialistes pleins de jactance et les athées dogmatiques qui, récemment
encore, prétendaient chasser la religion de ce monde? Et où en sont les prédicateurs
qui, avec tant d'assurance, vouaient au feu infernal et aux tortures des damnés
ceux qui n'acceptaient pas leurs dogmes? Peut-être les échos de leurs clameurs
résonnent-ils encore, mais leur influence décline rapidement et leurs doctrines
tombent dans le discrédit. Nous savons maintenant que les doctrines qui ont
fait l'objet de leurs plus violentes controverses n'appartenaient ni à la vraie
science ni à la vraie religion.
Quel savant, à la lumière des recherches psychiques modernes, pourrait encore
affirmer que "le cerveau sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile"
? ou que la décomposition du corps s'accompagne nécessairement de la déchéance
de l'âme ? Nous voyons maintenant que la pensée, pour être tout à fait libre,
doit s'élancer vers les royaumes psychique et spirituel et ne pas se confiner
au seul domaine matériel. Nous réalisons que ce que nous savons maintenant de
la nature n'est qu'une goutte d'eau dans un océan, en comparaison de ce qu'il
nous reste à découvrir.
Aussi admettons-nous volontiers la possibilité de miracles, non pas, à vrai
dire, dans le sens d'une infraction aux lois naturelles, mais comme des manifestations
de l'action de forces subtiles encore inconnues de nous, comme le furent l'électricité
et les rayons X pour nos ancêtres.
D'autre part, lequel des chefs religieux modernes voudrait encore déclarer qu'il
est indispensable au salut de l'âme de croire que le monde a été fait en six
jours, ou que la description des plaies d'Égypte, telle qu'elle est faite dans
le livre de l'Exode est littéralement exacte, ou que le Soleil s'arrêta dans
sa course (autrement dit: que la Terre s'arrêta de tourner) pour que Josué pût
poursuivre ses ennemis, ou encore que si un homme n'accepte pas le credo de
Saint Athanase, "sans aucun doute, il périra à jamais" ? De telles croyances
peuvent encore se répéter comme des formules, mais qui, de nos jours, les accepterait
sans réserve et dans leur sens littéral ? Leur emprise sur le coeur et l'esprit
des hommes a disparu ou s'atténue rapidement.
Le monde religieux a contracté une dette de gratitude envers les hommes de science
qui ont aidé à déraciner de pareils dogmes surannés et des croyances usées,
en permettant à la vérité de se faire jour. Mais le monde scientifique, de son
côté, a une dette de gratitude encore plus lourde envers les vrais saints et
les vrais mystiques qui, en dépit des bonnes ou des mauvaises fortunes, préservèrent
les vérités vitales de l'expérience spirituelle, démontrant à un monde incrédule
que la vie signifie plus que l'existence charnelle et que l'invisible est plus
vaste que le visible.
Ces hommes de science et ces saints furent comme les cimes des montagnes, recueillant
les premiers rayons du soleil levant et les réfléchissant plus bas sur le monde.
Mais maintenant, le Soleil s'est levé et ses rayons illuminent le monde entier.
Une glorieuse révélation de la vérité nous est donnée par les enseignements
de Baha'u'llah; elle apporte la satisfaction à la fois au coeur et à l'esprit,
et elle réalise l'accord entre la religion et la science.
12.4. La recherche de la vérité
L'harmonie complète avec la science est évidente dans les enseignements baha'is
relatifs à la manière de rechercher la vérité. L'homme doit se dépouiller de
tous les préjugés afin de découvrir la vérité sans entraves.
'Abdu'l-Baha dit:
"Pour trouver la vérité, nous devons renoncer à nos préjugés, à nos petites
notions personnelles toutes superficielles; il est essentiel d'avoir l'esprit
ouvert et réceptif. Si notre calice est rempli de notre moi, il n'y a pas de
place pour l'eau de vie. Le fait de prétendre que nous possédons la vérité et
que tous les autres sont dans l'erreur est le plus grand de tous les obstacles
vers le chemin de l'unité; or, l'unité est primordiale pour atteindre la vérité,
car la vérité est une...
Aucune vérité ne peut contredire une autre vérité. La lumière est bonne quelle
que soit la lampe où elle brille. Une rose est belle quel que soit le jardin
où elle s'épanouit! Une étoile montre le même éclat, qu'elle luise en Orient
ou en Occident! Soyez libres de préjugés, ainsi vous aimerez le Soleil de Vérité
à quelque point de l'horizon qu'il apparaisse. Vous réaliserez que, si la lumière
divine de la vérité brilla en Jésus-Christ, elle brilla aussi en Moïse et en
Bouddha. Voilà ce qu'on entend par recherche de la vérité.
Cela signifie, de plus, que nous devons consentir à écarter tout ce que nous
avons appris auparavant, tout ce qui entraverait nos pas dans la voie de la
vérité; nous ne devons pas hésiter, au besoin, à recommencer notre éducation
depuis le commencement. Nous ne devons pas permettre à notre attachement pour
une certaine religion ou pour une personnalité définie d'obscurcir notre vision
et de nous enchaîner ainsi par les superstitions. Quand nous serons dégagés
de tous ces liens, quand nous chercherons avec un esprit libéré, alors nous
serons capables d'atteindre notre but."
(Causeries de 'Abdu'l-Baha à Paris, pp. 120 et 121.)
Les causeries d'Abdu'l-Baha à Paris
12.5. Le véritable agnosticisme
L'enseignement baha'i, conjointement à la science et à la philosophie, déclare
que la nature essentielle de Dieu échappe entièrement à la compréhension de
l'homme. De même que Huxley et Spencer mettent l'accent sur le fait que la nature
de la grande Cause première reste inconnaissable, Baha'u'llah enseigne et répète
avec insistance que "si Dieu comprend tout, Il ne peut pas être compris".
À la découverte de l'essence divine, "le chemin est barré et la route impraticable".
En effet, comment le fini pourrait-il comprendre l'infini? Comment une goutte
pourrait-elle contenir l'océan et comment une poussière, dansant dans un rayon
de soleil, pourrait-elle englober l'univers? Cependant, la création entière
parle éloquemment de Dieu. Chaque goutte d'eau recèle des océans d'explications,
chaque poussière détient un univers de significations surpassant de loin l'entendement
du plus grand des savants. Les chimistes et les physiciens, poursuivant leurs
recherches sur la composition de la matière, ont progressé de la masse à la
molécule, de la molécule à l'atome, de l'atome à l'électron et à l'éther; cependant,
à chaque pas, les difficultés de la recherche se sont accumulées jusqu'à un
point où l'intelligence la plus profonde ne peut pénétrer plus avant, réduite
à s'incliner en silence devant l'inconnaissable Infini qui demeure à jamais
enveloppé dans son insondable mystère:
"Fleur dans le mur lézardé,
Je t'arrache d'entre les lézardes.
Je te tiens là, racine et tout, dans ma main,
Petite fleur; mais si je pouvais comprendre
Ce que tu es, racine et tout, et tout dans tout,
Je saurais ce qu'est Dieu et ce qu'est l'homme."
(TENNYSON)
(Flower in the crannied wall,
I pluck you out of the crannies.
I hold you here, root and all, in my hand,
Little flower, but if I could understand
What you are, root and all, and all in all,
I should know what God and man is.)
Si la fleur du mur lézardé, si même un simple atome de matière présentent des
mystères que l'intelligence la plus profonde ne peut résoudre, comment serait-il
possible à l'homme de comprendre l'univers? Comment oserait-il prétendre définir
ou décrire la Cause infinie de toutes choses? Les spéculations théologiques
sur la nature et l'essence de Dieu, quelles qu'elles soient, sont donc à rejeter
comme non-sens et futilités.
12.6. La connaissance de Dieu
Mais si l'essence de Dieu est inconnaissable, les manifestations de sa munificence
sont visibles partout. Si nous ne pouvons concevoir la Cause première, chacune
de nos facultés en ressent néanmoins les effets. De même que les tableaux d'un
peintre révèlent au connaisseur le talent effectif de l'artiste, ainsi la compréhension
de l'univers, sous chacun de ses aspects--compréhension de la nature ou de la
constitution humaine, des choses visibles ou invisibles--est la compréhension
de l'oeuvre de Dieu, et elle procure au chercheur de la vérité divine un aperçu
réel de sa gloire.
"Les cieux révèlent la gloire de Dieu et le firmament confirme l'oeuvre de
ses mains. Le jour en instruit un autre jour et la nuit en informe une autre
nuit."
(Psaume XIX, 1-2.)
La Bible
12.7. Les manifestations divines
Chaque chose manifeste la générosité de Dieu avec plus ou moins de netteté,
comme tous les objets matériels exposés au soleil reflètent sa lumière à différents
degrés. Un tas de suie la reflète peu, une pierre davantage, un morceau de craie
plus encore; mais dans aucun de ces reflets, nous ne trouvons trace de la forme
ni de la couleur de l'orbe superbe. Seul, un miroir parfait réfléchit la forme
et la couleur mêmes du soleil de sorte que, si l'on regarde dans ce miroir,
c'est comme si l'on regardait le soleil lui-même.
C'est ainsi que les choses nous parlent de Dieu. La pierre révèle certains des
attributs divins, la fleur en montre davantage, l'animal, avec ses sens admirables,
ses instincts et sa faculté de mouvement, plus encore. Chez le plus humble de
nos semblables, nous découvrons des facultés merveilleuses qui dévoilent l'existence
d'un Créateur prodigieux.
Le poète, le saint, l'homme de génie prouvent cette existence sous une forme
encore plus élevée, mais les grands prophètes et les fondateurs de religions
sont les seuls miroirs parfaits par lesquels l'amour et la sagesse de Dieu sont
réfléchis vers toute l'humanité. Les miroirs des autres humains sont ternis
par les souillures et les poussières de l'égoïsme et des préjugés, mais ceux-là
sont purs et sans tache. Les prophètes, par leur entière soumission à la volonté
de Dieu, deviennent ainsi les plus grands éducateurs de l'humanité.
Les enseignements divins et le pouvoir du Saint-Esprit ont été et sont encore,
par leur entremise, les causes du progrès de la race humaine, car Dieu aide
les hommes par d'autres hommes. Tout homme qui accède aux échelons supérieurs
dans l'ascension de la vie peut aider ceux qui sont plus bas; et ceux qui ont
atteint le sommet aident l'humanité entière. C'est comme si tous les humains
étaient reliés entre eux par des liens élastiques.
Si l'un s'élève un peu au-dessus du niveau général de ses concitoyens, les liens
se tendent. Ses congénères ont tendance à le ramener vers le bas, mais avec
une force égale, il les attire vers le haut. Plus il s'élève, plus le poids
du monde entier tente de l'alourdir, plus il compte sur le secours divin qui
lui parvient par l'intermédiaire de ceux qui sont encore plus haut que lui.
Au sommet sont les grands prophètes et sauveurs, "les manifestations divines",--êtres
parfaits dont chacun fut, en son époque, sans égal--qui, sans le concours de
personne, portèrent le poids du monde entier, soutenus par Dieu seul. "Il
portait le fardeau de nos péchés" fut vrai pour chacun d'eux. Chacun se
montra "la Voie, la Vérité et la Vie" pour ses adeptes. Chacun fut un
canal apportant la grâce divine à tous les coeurs qui voulurent la recevoir.
Chacun eut son rôle à jouer dans le grand plan divin pour l'élévation de l'humanité.
12.8. La création
Baha'u'llah enseigne que l'univers n'a pas eu de commencement dans le temps.
C'est une émanation perpétuelle de la grande Cause première. Le Créateur a toujours
créé et, éternellement, Il continuera de créer. Les mondes et les systèmes naissent
et disparaissent, mais l'univers demeure.
Tout ce qui est composé se décompose au cours du temps, mais les éléments composants
subsistent. Créer un monde, une pâquerette ou un corps humain ne consiste pas
"à faire quelque chose avec rien", mais à assembler des éléments qui,
auparavant, étaient épars, à rendre visible quelque chose qui, auparavant, était
caché. Peu à peu les éléments seront de nouveau séparés, la forme disparaîtra,
mais rien ne sera vraiment perdu ni annihilé; des formes et des combinaisons
toujours nouvelles surgiront des ruines du passé.
Baha'u'llah confirme l'hypothèse des hommes de science qui assignent non pas
six mille ans mais des millions et des trillions d'années à l'histoire de la
création de la Terre. La théorie de l'évolution n'infirme pas la puissance créatrice.
Elle tend seulement à décrire le mode de sa manifestation; et la merveilleuse
histoire de l'univers matériel que l'astronome, le géologue, le physicien, le
biologiste nous dévoilent petit à petit est, si on l'apprécie à sa juste valeur,
infiniment plus digne d'éveiller l'adoration et le respect les plus profonds
que les récits primitifs et naïfs de la création transmis par les Écritures
hébraïques.
L'antique description de la Genèse eut cependant l'avantage d'indiquer, par
quelques grands traits symboliques, le sens spirituel essentiel de l'histoire.
Elle l'a fait comme un peintre de génie qui peut, en quelques coups de pinceau,
fixer une impression, alors qu'un artiste moyen, malgré tout le soin qu'il apporte
aux détails, peut échouer complètement à la rendre. Si les détails matériels
nous rendent aveugles au sens spirituel, mieux vaudrait les ignorer; mais si
nous avons une bonne fois profondément saisi le sens essentiel de l'esquisse
entière, alors la connaissance des détails ajoutera une richesse et une splendeur
merveilleuses à notre compréhension, transformant l'esquisse en un tableau magnifique.
'Abdu'l-Baha dit:
"Sachez qu'un des sujets spirituels les plus complexes est que le monde de
l'existence, c'est-à-dire cet univers infini, n'a pas eu de commencement...
Sachez... qu'un créateur sans créatures est inconcevable, un dispensateur est
inimaginable s'il n'est personne pour recevoir; car tous les noms et les attributs
divins supposent l'existence de créatures. Si l'on pouvait imaginer une période
où aucun être n'existait, cela reviendrait à nier la divinité de Dieu. De plus,
la non-existence absolue ne peut devenir l'existence. Si les êtres avaient été
absolument inexistants, la vie ne se serait jamais manifestée; de sorte que
l'Essence de l'Unité, c'est-à-dire l'existence de Dieu, étant éternelle et immortelle,
sans commencement ni fin, il est certain que ce monde de l'existence... n'a
ni commencement ni fin... Certes, il se peut qu'une des parties de l'univers,
par exemple une des planètes, puisse nouvellement se former ou prochainement
se désintégrer; mais les autres planètes, néanmoins, subsistent... Comme chaque
planète a un commencement, elle aura fatalement une fin, car toute composition,
générale ou particulière doit, obligatoirement, se décomposer; ce qui les différencie,
c'est que certaines se décomposent rapidement et d'autres plus lentement. Mais
il est impossible d'envisager l'éventualité d'un corps composé qui ne se décomposerait
pas."
(Les Leçons de Saint-Jean-d'Acre, pp. 186 et 187.)
Les leçons de Saint-Jean d'Acre
12.9. L'évolution de l'homme
Baha'u'llah confirme les conclusions des biologistes qui, remontant le cours
de l'évolution des espèces, attribuent des millions d'années à l'histoire du
développement du corps humain. Partant d'une forme très simple, en apparence
insignifiante, le corps s'est développé étape par étape, au cours d'innombrables
générations, devenant de plus en plus complexe et de mieux en mieux organisé,
jusqu'à ce que l'état actuel de l'être humain fût atteint.
Chaque corps humain s'est développé individuellement par étapes, partant de
la petite particule ronde de matière gélatineuse pour aboutir à l'homme complètement
développé. Si ceci est vrai pour l'être individuel--ce que personne ne réfute--pourquoi
serait-ce déroger à la dignité humaine que d'admettre un processus analogue
pour l'espèce? "Ceci est très différent de la théorie transformiste selon laquelle
l'homme descendrait du singe."
L'embryon humain a pu, à un moment donné de sa croissance, ressembler à un poisson,
avec des branchies et une queue, mais ce n'était pas un poisson. C'était un
embryon humain. De même, l'espèce humaine [On se sert ici du terme "espèce"
pour marquer la distinction qui a toujours existé entre les hommes et les animaux,
malgré l'apparence extérieure. Il ne doit pas être pris dans sa signification
biologique courante], au cours des stades variés de son long développement,
peut avoir ressemblé superficiellement à diverses espèces d'animaux inférieurs;
c'était néanmoins déjà le genre humain, doué de ce mystérieux pouvoir latent
lui permettant d'acquérir les caractéristiques humaines que nous lui connaissons
aujourd'hui et, bien plus, de développer dans l'avenir des êtres hautement perfectionnés.
'Abdu'l-Baha dit:
"...il est clair que le globe terrestre, dans son aspect actuel, n'a pas
été créé d'un seul coup, mais que... degré par degré, il a traversé des phases
différentes jusqu'à ce qu'il resplendît dans cet état de perfection... L'homme
au commencement de son existence et dans le sein de la terre--comme l'embryon
dans le sein maternel--a grandi et s'est développé graduellement et est passé
d'une forme à une autre... jusqu'à ce qu'il apparaisse avec cette beauté et
cette perfection, cette force et cette puissance. Il est certain qu'au début
il n'avait pas cette beauté, cette grâce, cette élégance et que ce n'est que
par degré qu'il a atteint cette forme, cette silhouette, cette beauté et cette
grâce...
Du début et jusqu'à ce qu'il atteigne cet aspect, cette forme et cette condition,
il s'est nécessairement passé un temps très long... mais, depuis son début,
l'espèce était distincte... En admettant que les traces d'organes disparus se
retrouvent actuellement dans le corps humain, ce n'est pas une preuve de la
non-permanence et de la non-originalité de l'espèce; tout au plus cela prouve-t-il
que la forme, les dispositions et les organes humains ont évolué. Mais l'homme
a toujours été une espèce distincte: un homme et non un animal."
(Les Leçons de Saint-Jean-d'Acre, pp. 188 à 190.)
Les leçons de Saint-Jean d'Acre
De l'histoire d'Adam et Eve, 'Abdu'l-Baha dit:
"Si nous prenons cette histoire au sens apparent, selon l'interprétation
adoptée communément, elle est en effet extraordinaire. L'intelligence ne peut
l'accepter, l'affirmer, ni même l'imaginer car de telles dispositions, de tels
détails, de tels discours et de tels reproches seraient indignes d'un homme
intelligent et à plus forte raison de la Divinité qui a organisé cet univers
infini de la manière la plus parfaite, avec ses habitants innombrables, suivant
un ordre systématique, puissant, parfait... C'est pourquoi l'histoire d'Adam
et Eve qui mangèrent le fruit de l'arbre et furent expulsés du paradis doit
être considérée comme uniquement symbolique. Elle contient des mystères divins,
des significations générales et elle est susceptible d'explications merveilleuses."
(Les Leçons de Saint-Jean-d'Acre, p. 129.)
Les leçons de Saint-Jean d'Acre
12.10. Le corps et l'âme
Les enseignements baha'is ayant trait au corps et à l'âme et à la vie après
la mort sont parfaitement en harmonie avec les résultats des recherches psychiques.
Comme nous l'avons vu, ces enseignements expliquent que la mort n'est qu'une
nouvelle naissance (l'évasion de la prison du corps vers une vie plus large)
et que le progrès dans l'au-delà est sans limites.
De l'avis des chercheurs les plus impartiaux et les plus critiques, les nombreuses
preuves scientifiques qui se sont peu à peu accumulées suffisent amplement à
établir la réalité de la vie après la mort, la certitude de la continuation
de l'activité de l'âme consciente après la décomposition du corps matériel.
Comme F.W.H. Myers le dit dans son ouvrage "Human Personality" où il résume
la plupart des investigations de la Société de Recherches Psychiques:
"L'observation, l'expérimentation, la déduction ont conduit beaucoup de chercheurs,
dont je suis, à croire à une communication télépathique directe, non seulement
entre les esprits des hommes qui sont encore sur la terre, mais encore entre
ceux-ci et les esprits des défunts. Une telle découverte ouvre aussi la porte
à l'idée de la révélation...
Nous avons démontré que, parmi beaucoup d'erreurs collectives et subjectives,
de fraudes ou d'illusions, de véritables communications nous parviennent d'outre-tombe...
Par des découvertes et des révélations, certaines thèses ont été provisoirement
établies au sujet d'âmes de disparus qu'il nous a été donné de rencontrer. Le
fait le mieux établi, du moins à mon avis, c'est que leur état semble être un
état d'évolution perpétuelle dans la sagesse et dans l'amour. Leurs affections
terrestres persistent et surtout ces amours d'essence supérieure qui s'expriment
par l'adoration et le culte... Le mal leur apparaît moins comme une chose affreuse
que comme un esclavage. Il n'est pas incarné par une puissante entité mais représente
plutôt une démence individuelle de laquelle les esprits plus évolués s'efforcent
de libérer toute âme déformée.
Point n'est besoin du châtiment par le feu; la découverte du moi est la punition
ou la récompense de l'homme, ainsi que la connaissance de soi-même et l'intimité
ou l'éloignement d'âmes amies. Car, en ce monde-là, l'amour est véritablement
ce qui préserve l'individu; la communion des saints n'orne pas seulement la
vie éternelle, mais elle la constitue. Bien mieux, il résulte des lois de la
télépathie que cette communion a sa valeur pour nous ici-bas aujourd'hui même.
Dès à présent, l'amour des âmes envolées répond à nos invocations. Dès à présent,
notre souvenir affectueux--l'amour est en lui-même une prière--soutient et fortifie
les esprits délivrés dans leur voie ascendante."
Le degré de concordance entre ces conceptions fondées sur des recherches scientifiques
attentives et les conceptions baha'ies est vraiment remarquable.
12.11. L'unité de l'humanité
"Vous êtes tous les fruits d'un même arbre, les feuilles d'une seule branche,
les fleurs d'un même jardin". C'est là l'une des assertions les plus caractéristiques
de Baha'u'llah ainsi que cette autre: "La gloire n'est pas à celui qui aime
son propre pays, mais à celui qui aime l'humanité tout entière". L'unité--l'unité
de l'humanité et l'unité en Dieu de tous les êtres créés--est le thème principal
de son enseignement. Ici encore, l'harmonie entre la vraie religion et la science
est évidente. À chaque découverte de la science, l'unité de l'univers et l'interdépendance
des parties qui le composent deviennent de plus en plus évidentes. Le domaine
de l'astronome est inséparable de celui du physicien, celui du physicien de
celui du chimiste, celui du chimiste de celui du biologiste, celui du biologiste
de celui du psychologue et ainsi de suite.
Chaque nouvelle découverte, dans un domaine particulier de la recherche, jette
une lumière nouvelle sur d'autres domaines. Tout comme la physique a montré
que chaque particule de matière dans l'univers attire et influence chaque autre
particule, si petite et si éloignée soit-elle, ainsi, la science psychique découvre
que, dans l'univers, chaque âme affecte et influence toutes les autres âmes.
Le prince Kropotkine, dans un ouvrage intitulé L'Entraide, expose très clairement
que, même parmi les animaux inférieurs, l'entraide est absolument nécessaire
à la continuation de la vie et que, quant à l'homme, le progrès de la civilisation
dépend de la substitution croissante de l'aide mutuelle à l'inimitié mutuelle.
Chacun pour tous et tous pour chacun est le seul principe grâce auquel une société
peut prospérer.
12.12. L'ère de l'unité
Tous les signes des temps indiquent que nous sommes à l'aube d'une ère nouvelle
dans l'histoire de l'humanité. Jusqu'à présent, le jeune aiglon qu'est l'humanité
s'est accroché à la vieille aire, sur le roc solide de l'égoïsme et du matérialisme.
Il n'a essayé que timidement de se servir de ses ailes. Il a aspiré sans cesse
à ce qu'il n'a pu encore atteindre. Il s'est irrité de plus en plus de la contrainte
des vieux dogmes et des vieilles orthodoxies. Mais à présent, l'époque de confinement
touche à sa fin et, sur les ailes de la foi et de la raison, il peut s'élancer
vers les royaumes plus élevés de l'amour spirituel et de la vérité. Il ne sera
plus lié à la terre comme il l'était avant le développement de ses ailes, mais
il planera à son gré dans des régions aux vastes horizons, dans une liberté
glorieuse. Toutefois, pour que son vol soit sûr et stable, il ne suffit pas
que ses ailes soient fortes, il faut qu'elles fonctionnent en harmonie et en
coordination parfaites. Comme le dit 'Abdu'l-Baha:
"Il ne peut voler avec une seule aile. S'il essaie de voler avec l'aile de
la religion seulement, il atterrira dans le bourbier de la superstition et s'il
essaie de voler avec l'aile de la science seulement, il finira dans la fondrière
désolée du matérialisme."
(Causeries de 'Abdu'l-Baha à Paris, p. 126.)
Les causeries d'Abdu'l-Baha à Paris
L'harmonie parfaite entre la religion et la science est, pour l'humanité, la
condition sine qua non d'une vie plus élevée. Quand cette condition sera remplie,
quand chaque enfant sera élevé, non seulement dans l'étude des sciences et des
arts, mais également dans l'amour du genre humain, se conformant radieusement
à la volonté de Dieu telle qu'elle se révèle dans les progrès de l'évolution
et les enseignements des prophètes, alors, et alors seulement, le royaume de
Dieu viendra et sa volonté sera faite sur la terre comme au ciel; alors, et
alors seulement, la paix suprême répandra ses bénédictions sur le monde.
"Quand la religion, dit 'Abdu'l-Baha, délivrée de ses superstitions, de ses
traditions et de ses dogmes inintelligents, se trouvera en conformité avec la
science, alors il y aura dans le monde une grande unification, une force purificatrice
qui balaiera devant elle guerres, litiges, discordes et luttes; alors l'humanité
sera unie dans la puissance de l'amour de Dieu."
(Causeries de 'Abdu'l-Baha à Paris, p. 128.)
Les causeries d'Abdu'l-Baha à Paris