La perle 
  inestimable 
   Par Ruhiyyih Rabbani  
  
    
      
  
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  Chapitre 4. Martha Root et la reine Marie de Roumanie 
  
   Shoghi Effendi avait l'habitude de dire 
  que quelque chose semblait toujours naître de ses souffrances. Il subissait 
  ces ordalies de feu, car réellement il souffrait a tel point qu'il semblait 
  se consumer, et alors quelque pluie du ciel sous forme de bonnes nouvelles, 
  se déversait sur lui et aidait a sa résurrection. J'ai peur que le mystère du 
  sacrifice reste encore un mystère pour moi. Mais assurément les saints de ce 
  monde paient très cher leurs victoires.
  
  C'était a ce moment où l'affliction avait littéralement englouti le Gardien 
  que, le 4 mai, Le Toronto Daily Star publiait une déclaration très élogieuse 
  faite par la Reine Marie de Roumanie sur la foi baha'ie; une déclaration qui, 
  suivie d'autres tout au long de la visite de la Reine aux Etats-Unis et au Canada, 
  fut imprimée par presque deux cents journaux et qui constitua une des plus larges 
  et des plus spectaculaires publicités que la foi ait jamais reçue. Dans une 
  lettre confidentielle du 29 mai, le Gardien fait allusion a ceci comme l'événement 
  le plus étonnant et le plus important du progrès de la Cause."
  
  L'acceptation de la positon de Baha'u'llah par la Reine de Roumanie, la première 
  tête couronnée a embrasser la foi, est a elle seule un chapitre dans la vie 
  de Shoghi Effendi. Cette acceptation est inextricablement liée aux services 
  rendus par Martha Root, cette "étoile servante de la foi de Baha'u'llah" comme 
  l'appelait Shoghi Effendi, et a la part qu'elle joua dans la vie du Gardien, 
  en fait aucun récit de sa vie ne peut être complet sans la mention des relations 
  entre cette noble âme et Shoghi Effendi. Miss Martha Root était journaliste 
  et appartenait a une honorable famille américaine. Elle rencontra le Maître 
  lors de sa visite aux Etats-Unis et embrasée par Ses Tablettes du Plan Divin, 
  elle entreprit ses voyages historiques au service de la Cause, en 1919.
  
  Non seulement elle voyagea plus longtemps et plus loin qu'aucun baha'i depuis 
  le commencement, mais elle le fit souvent, comme a dit le Gardien "dans des 
  circonstances des plus périlleuses". Elle avait déjà quarante-neuf ans au moment 
  de l'ascension d'Abdu'l-Baha. C'était une femme simple pour ne pas dire modeste, 
  mais d'une beauté extraordinaire, des yeux franchement bleus et, une foi unique, 
  qui l'avait convaincue que Baha'u'llah pouvait tout faire, et ferait tout si, 
  comme elle avait l'habitude de le dire, on se tenait a l'écart pour le laisser 
  faire. Ses grands voyages d'enseignements qui l'amenèrent tout autour du monde, 
  et ses qualités vraiment hors pair la rendirent chère a Shoghi Effendi qui la 
  qualifia de "l'archétype de l'enseignant itinérant baha'i". Les services d'aucun 
  autre croyant ne lui apportèrent jamais autant de satisfaction que les victoires 
  singulières de Martha Root. En 1926 Shoghi Effendi écrit d'elle: "Dans son cas, 
  nous avons véritablement compris, .ans erreur possible, ce que peut réaliser 
  le pouvoir d'une foi intrépide quand elle accompagne un caractère sublime, quelles 
  forces elle peut libérer et quelles hauteurs elle peut atteindre."
  
  Dès le commencement du ministère de Shoghi Effendi, non seulement elle tourna 
  son grand coeur vers lui, mais elle chercha son conseil en tout. Il ne serait 
  pas exagéré de dire qu'ils étaient partenaires dans tout ce qu'elle entreprenait, 
  marqués par une confiance et un amour mutuels tous deux trop rares dans la vie 
  harassée du Gardien. Ils étaient en étroite relation, un flot continuel de lettres 
  et câbles apprenait au Gardien les plans de Martha Root, ses besoins, ses victoires, 
  ses demandes de directives et des réponses infaillibles lui donnaient conseil 
  et encouragement. Il la qualifia en 1923 "d'indomptable et zélé disciple d'Abdu'l-Baha." 
  Dans ses lettres nous trouvons d'innombrables phrases exprimant la chaleur de 
  ses sentiments, telles: il a lu ses lettres avec "fierté et reconnaissance"; 
  elles "'ont comme d'habitude réjoui mon coeur"; "c'est toujours une joie d'avoir 
  de vos nouvelles, bien-aimée Martha". En juillet 1926, alors qu'elle prenait 
  tant contact avec les royautés de l'Europe, il lui demandait: "... écrivez moi 
  longuement, et fréquemment, car je suis impatient de connaître vos activités 
  et tous les détails de vos réalisations. Vous assurant de mon affection sans 
  bornes pour vous ..." Et en août, il lui disait: "j'ai soif de chaque détail 
  de votre avance triomphale dans le champ de service ... Je joins une copie de 
  ma lettre a la Reine. Ne communiquez a personne son contenu". 
  
  Mais il s'était empressé de la communiquer a elle qui avait enseigné la Reine. 
  En septembre, il écrivait: "je suis heureux de vous communiquer le contenu de 
  la réponse de la Reine a ma lettre. Je pense que c'est une lettre remarquable, 
  dépassant nos espérances les plus grandes. Le changement qui s'est effectué 
  en elle, sa manière franche, son témoignage pénétrant et sa position courageuse, 
  sont, en vérité, une preuve éloquente et convaincante de l'esprit conquérant 
  de la foi vivante de Dieu et des services magnifiques que vous rendez a sa Cause."
  
  Cet échange de câbles, qui eut lieu en octobre 1926, illustre parfaitement le 
  lien de confiance qui régnait entre Shoghi Effendi et Martha: "Amour Approuvez-vous 
  que je continue mon plan originel commençant fin novembre au Portugal. Prière 
  télégraphiez", câblait-elle. Rien ne peut-être plus tendre et plus révélateur 
  sur Martha que cette intense terme de tendre "Amour" au commencement, qui s'échappait 
  fréquemment et naturellement et inconsciemment vers le Gardien qu'elle adorait. 
  Il répondait: "Faites comme la direction divine vous inspire. Plus tendre Amour." 
  Peu après il lui envoie 50 Livres Sterling "comme ma modeste contribution au 
  travail splendide que vous faites pour notre Cause bien-aimée". Ce n'était pas 
  un acte isolé: de temps en temps nous trouvons qu'il lui a envoyé une somme 
  pour "votre travail exemplaire dans le vignoble divin", pour aider a '"vos longs 
  voyages, vos dépenses croissantes et votre travail prodigieux"; et, au moins 
  une fois, lorsqu'il apprit qu'elle était malade. Il lui envoya également de 
  l'argent pour l'aider dans la traduction et la publication en différentes langues, 
  du livre du Dr. Esslemont, un livre que Shoghi Effendi a qualifié de manuel 
  de la foi. 
  
  Elle était activement engagée dans ce travail de traduction et de publication 
  et il l'encouragea et la poussa a le développer. Il lui envoyait également de 
  l'argent, mais plus occasionnellement, pour d'autres buts. Les cadeaux n'étaient 
  pas unilatéraux, loin de la. Nous trouvons Shoghi Effendi qui écrit: "j'ai reçu 
  la bague en or que vous m'avez envoyée... Je l'ai offerte a la plus Sainte Feuille, 
  après l'avoir portée moi-même... Vous ne pouvez savoir quelle assistance morale, 
  quel réconfort et quelle inspiration vous apportez a nos frères harassés et 
  tristement frappés de l'Iran. Grand, en vérité, sera votre mérite dans le monde 
  a venir. Puissiez vous avoir plus d'énergie dans vos bras!" En post-scriptum 
  a cette lettre de février 1929, il ajoute: "j'ai reçu le beau mouchoir que vous 
  m'avez envoyé et je m'en sers comme un souvenir chéri de votre chère personne'
  
  C'est un trait typique de Shoghi Effendi: ayant donné la bague, il a dû soudain 
  penser que Martha pourrait en être blessée et il s'empresse de la rassurer au 
  sujet du mouchoir! Il semble qu'ils aient échangé beaucoup de choses. Il avait 
  l'habitude de lui envoyer des livres a distribuer et dans une lettre de 1931, 
  il lui écrit qu'il lui envoyait deux paquets de lettres estampés du Plus Grand 
  Nom "pour votre correspondance avec les personnes importantes". Elle lui envoie, 
  une fois, 19 dollars pour couvrir les frais des câbles envoyés en réponse aux 
  questions qu'elle a posées!
  
  Un des télégrammes de Martha a Shoghi Effendi dit: "Amour le plus tendre impatiente 
  d'avoir de vos nouvelles". Une lettre de Shoghi Effendi a Martha dit: "... les 
  générations pas encore nées se réjouiront du souvenir de celle qui a si énergiquement, 
  si rapidement et si magnifiquement pavé la route de la reconnaissance universelle 
  de la foi de Baha'u'llah". Il l'appela "le héraut incomparable de la Cause". 
  Ce que les lettres et les services de Martha Root pendant les dix premières 
  années de son ministère signifiaient pour Shoghi Effendi, a une époque, où, 
  il le lui écrivit lui même, la réponse des croyants aux besoins de l'enseignement 
  était "si inadéquate et insuffisante", est indescriptible. "Vos lettres..? lui 
  écrit-il, le 10 juillet 1926, "m'ont donné force, joie et encouragement a un 
  moment où je me sentais déprimé, fatigué, découragé." En juin 1927, il l'assure 
  que correspondre avec elle n'était pas une charge pour lui, "... au contraire, 
  cela rafraîchit mon âme fatiguée, ranime en moi l'esprit d'espérance et de confiance 
  que tendent a obscurcir par moments les soucis accablants et les nombreuses 
  inquiétudes." 
  
  En décembre de la même année, quand il reçut une copie de la lettre de la princesse 
  Ileana a Martha Root, Shoghi Effendi lui affirme qu'elle a "provoqué des larmes 
  de joie dans les yeux de la Plus Sainte Feuille... Je suis sûr que vous ne vous 
  rendez pas compte de ce que vous faites pour la Cause de Dieu! " Dans une autre 
  lettre écrite en septembre 1928 et commençant par. "Ma plus chère et plus précieuse 
  Martha", Shoghi Effendi, après avoir mentionné sa tristesse au sujet de la situation 
  de la foi en Russie, continue: "je vous assure que sans vos lettres je me sentirais 
  complètement déprimé et épuisé... Je dois m'arrêter car je me sens incapable 
  d'écrire d'avantage. Mes nerfs sont secoués et fatigués. Votre frère triste 
  et reconnaissant." 
  
  En novembre, il accuse réception de cinq lettres (ce qui nous donne une idée 
  de la fréquence de ses lettres) et dit "Cela m'est un réconfort et un encouragement 
  dans mon travail que par vos belles lettres, il me soit constamment rappelé 
  la puissance conquérante de Baha'u'llah qui brille, a travers vous, dans toutes 
  vos vastes entreprises sacrées..." et il lui donne neuf pierres de bague "pour 
  donner a ceux que vous pensez devoir les posséder" et 30 Livres Sterling "si 
  indignes et inadéquates quand on les compare a vos prodigieux efforts ..."
  
  Elle se tournait vers lui a tout moment, lui demandant sans hésiter ce qu'elle 
  croyait être dans l'intérêt de la foi. Le Gardien connaissait la pureté de ses 
  motifs et son bon jugement et il accédait presque toujours a ses demandes qui 
  allaient des lettres d'encouragement a des particuliers jusqu'aux messages télégraphiques 
  a des personnalités éminentes. "je joins, selon votre demande, les lettres que 
  vous m'avez demandé d'écrire", l'informait-il. A son tour il lui demandait beaucoup, 
  l'utilisant comme un instrument toujours volontaire pour promouvoir les intérêts 
  de la foi et pour défendre celle-ci contre ses ennemis. Il l'encourageait d'assister 
  et en fait l'envoyait quelque fois comme son représentant a divers conférences 
  et congrès internationaux dont les intérêts et les buts étaient similaires a 
  ceux des baha'is. 
  
  Sa lettre du 12 juin 1929 adressée a la Troisième Conférence Biennale de la 
  Fédération Mondiale des Associations Educatives en est un exemple: "Mes chers 
  Collaborateurs pour l'humanité: j'envoie Miss Martha Root, journaliste américaine, 
  conférencière et enseignante internationale baha'ie, en tant que représentant 
  international baha'i a votre congrès de juillet. Elle vous présentera ma lettre 
  de salutations a ce congrès. Avec tous mes meilleurs voeux pour votre noble 
  entreprise, je suis votre frère et collaborateur, Shoghi". La plupart de ces 
  congrès étaient ceux des Espérantistes, Martha Root étant une conférencière 
  accomplie dans cette langue. Des télégrammes tels que celui-ci envoyé en avril 
  1938 n'étaient pas rares: "Martha Root, Bombay. Transmettez a la Ligue de toutes 
  les fois expression mes meilleurs voeux pour succès délibérations. Puisse la 
  direction divine rendre représentants réunis a même réaliser leur objectif élevé 
  et étendre gamme leurs activités méritoires."
  
  En mars 1936, elle lui câbla la mort de la soeur de la Reine Marie. Le lendemain, 
  le Gardien lui télégraphia: "... Assurez bien-aimée Reine plus profonde sympathie..." 
  
  
  Shoghi Effendi et Martha Root savaient toujours, tous deux, la façon la plus 
  appropriée, la plus sage et la meilleure de faire une chose. Martha était une 
  femme naturelle, simple, chaleureuse et charmante. C'est, sans doute, cette 
  sincérité, cette simplicité, cette noblesse naturelle qui la rendirent aussi 
  chère au roi de Baha'u'llah, le Gardien, qu'a la première reine a accepter la 
  foi. Dans un de ses télégrammes de 1934 elle dit: "Notre Marie vous envoie affection. 
  Remerciements entrevue magnifique."
  
  Elle télégraphie au Gardien, a une occasion: "... peut-être penserez-vous sage 
  m'envoyer immédiatement salutations Président Hoover". Le lendemain Shoghi Effendi 
  câblait: "Prière transmettre Président Hoover de la part des disciples de Baha'u'llah 
  monde entier expression leurs ferventes prières pour succès ses généreux efforts 
  promotion cause de fraternité internationale et paix une cause pour laquelle 
  ils travaillent fermement depuis presque un siècle." Un an auparavant, exactement, 
  en novembre 1930, lors d'une visite de Martha au japon, un échange similaire 
  de câbles eut lieu: Martha disait: "Amour, magnifique si vous me câbliez salutations 
  Empereur", et le jour même Shoghi Effendi répondait: "Prière transmettre sa 
  Majesté Impériale Empereur japon de la part de moi-même et baha'is monde entier 
  expression notre profonde affection ainsi que assurance nos prières sincères 
  pour sa santé et prospérité son royaume ancien." L'amour engendre l'amour. Le 
  grand amour de Martha pour Shoghi Effendi suscita la réponse et l'amour de celui-ci 
  de la même manière qu'un diamant qui, pour pouvoir réfléchir la lumière, capte 
  les rayons et les renvoie brillamment.
  
  En mars 1927, Shoghi Effendi écrivait a Martha: "... Ma plus chère Martha, je 
  vous assure que, où que vous soyez, en Scandinavie, en Europe Centrale, en Russie, 
  en Turquie ou en Iran, mes prières ferventes et continuelles vous accompagneront 
  et j'ai confiance, vous serez protégée, fortifiée et guidée pour accomplir votre 
  mission unique et sans précédent en tant que l'avocat exemplaire de la foi baha'ie".
  
  Martha ne put jamais aller en Russie mais elle alla en Iran car le Gardien désirait 
  beaucoup cette visite. Le 22 janvier 1930; Shoghi Effendi lui câblait: "Que 
  Bien-Aimé vous soutienne par progrès triomphal en Inde, Shoghi Effendi lui écrivait, 
  tout en accusant réception de pas moins de 12 lettres: "Vous avez entièrement 
  mérité l'honneur, l'amour et l'hospitalité que les amis persans ont si remarquablement 
  montré envers vous. 
  
  J'ai été si occupé après ma longue et sérieuse maladie, que je n'ai pu répondre 
  rapidement a vos lettres. Mais vous avez toujours été présente dans mes pensées, 
  particulièrement aux heures où je visitais les Tombeaux Sacrés et où je posais 
  la tête sur le seuil sacré". Les années passèrent et Martha, cheveux blancs, 
  frêle et indomptable continua ses voyages jusqu'à ce qu'elle soit frappée, comme 
  l'a dit Shoghi Effendi par "une maladie pénible et mortelle". Elle mourut a 
  Honolulu, le 28 septembre 1939. Les dernières semaines d'une tournée aux Antipodes, 
  elle avait été fiévreuse et percluse de douleurs. Sur le chemin du retour en 
  Amérique pour participer a la poursuite du premier Plan de Sept Ans, elle quitta 
  littéralement sa route, offrant une vie dont la Gardien a dit qu'elle pouvait 
  être considérée comme le meilleur fruit jamais produit par l'âge de Formation 
  de la Dispensation de Baha'u'llah.
  
  je me souviens du jour où Shoghi Effendi reçut le télégramme annonçant la mort 
  de Martha Root. Il était lui-même très malade, une fièvre de trois jours, avec 
  plus de 400. Hélas, il n'aurait jamais dû recevoir une telle nouvelle dans un 
  tel état. Mais il n'y avait aucun moyen de la lui cacher. Il était le Gardien, 
  et c'était Martha Root qui était morte. Malgré les remontrances de sa mère, 
  de son frère et de moi-même, il s'assit dans son lit, blanc, terriblement affaibli 
  et très secoué par cette nouvelle soudaine. Il dicta un câble pour l'Amérique 
  annonçant sa mort. Que pouvait-il faire d'autre? dit-il, tout le monde baha'i 
  attendait de savoir ce qu'il dirait. Dans ce long message, il disait entre autres; 
  "'Les innombrables admirateurs de Martha partout dans monde baha'i se lamentent 
  avec moi extinction terrestre sa vie hër6ique... Postérité la reconnaîtra comme 
  plus grande Main... premier siècle baha'i... Premier et plus beau fruit âge 
  formation foi..." Il disait qu'il se sentait poussé a partager avec l'Assemblée 
  Nationale de l'Amérique les dépenses de construction de sa tombe, la tombe de 
  celle, "dont les actes jettent lustre impérissable Communauté Baha'ie américaine." 
  C'était la dernière somme dépensée pour cette association qui avait duré dix-huit 
  ans. Il câbla aux amis chez qui elle était décédée:
  
  "... Réjouissez vous son ascension siège Concours Suprême..."
  
  En fait, Shoghi Effendi avait payé depuis longtemps son plus beau tribut a "l'incomparable 
  Martha", la "principale ambassadrice de la foi de Baha'u'llah" comme il l'avait 
  appelée. En 1929, dans une lettre générale aux baha'is de l'Ouest, il avait 
  écrit: 
  
  "En conclusion, je désire, en quelques mots, quoique inadéquats, rendre hommage 
  aux magnifiques services rendus par l'enseignante exemplaire et infatigable 
  de la Cause, notre soeur chèrement aimée, Miss Martha Root. Ses voyages internationaux 
  au nom de la foi baha'ie, si étendus par leur portée, si longs par leur durée, 
  si inspirants par leurs résultats, orneront et enrichiront les annales de la 
  foi immortelle de Dieu. Ses premiers voyages aux limites les plus méridionales 
  du continent américain, aux Indes et en Afrique du Sud, aux confins orientaux 
  de l'Asie, aux îles des Mers du Sud, et aux pays Scandinaves du Nord; ses contacts 
  plus récents avec les dirigeants et les têtes couronnées de l'Europe et l'impression 
  que son esprit intrépide a créé dans les cercles royaux des pays balkaniques; 
  son affiliation étroite avec les organisations internationales, les associations 
  pacifiques, les mouvements humanitaires et les cercles Espérantistes; et ses 
  dernières victoires dans les cercles universitaires d'Allemagne, tout constitue 
  la preuve irrésistible de ce que peut réaliser la puissance de Baha'u'llah. 
  Ces travaux historiques, exécutés sans aide et dans des circonstances de resserrement 
  financier et de mauvaise santé, ont été caractérisés par un esprit de fidélité, 
  d'abnégation personnelle, de perfection et de vigueur que personne n'a surpassé". 
  Elle avait "le plus, approché de l'exemple donné par 'Abdu'l-Baha a ses disciples 
  lors de ses voyages en Occident".
  
  Martha Root était absolument convaincue qu'elle possédait la gemme la plus inestimable 
  que le monde ait jamais vue: le Message de Baha'u'llah. Elle croyait qu'en montrant 
  cette gemme et en l'offrant a quiconque, roi ou paysan, elle lui faisait le 
  plus beau cadeau qu'il ait jamais reçu. C'était cette noble conviction qui la 
  rendit a même, elle, une femme sans richesse ou prestige social, simple, habillée 
  sans élégance, ni savante, ni grande intellectuelle, de rencontrer les rois, 
  les reines, les princes et les princesses, les présidents et les personnalités 
  connues et éminentes et de leur parler de la foi baha'ie ' chose qu'aucun autre 
  baha'i de toute l'histoire de la Cause n'a jamais faite. Comme cette histoire 
  concerne le Gardien de la foi et sa vie et non les autres, il est impossible 
  de rentrer dans le détail des nombreuses entrevues de Martha Root (d'ailleurs 
  amplement rapportés par d'autres écrits baha'is) et les réactions de ces éminentes 
  personnalités envers le Message qu'elle leur apportait. Notre propos doit concerner 
  principalement les relations de la Reine Marie avec Shoghi Effendi. 
  
  Martha Root rendit compte a Shoghi Effendi de la première des huit entrevues 
  qu'elle eut avec la Reine Marie de Roumanie, entrevue qui eut lieu le 30 janvier 
  1926 au Palais Controceni a Bucarest, a la demande de la Reine elle-même. La 
  Reine avait déjà reçu le livre du Dr. Esslemont, Baha'u'llah et l'Ere Nouvelle, 
  que lui avait envoyé Martha. La Reine avait été, de toute évidence, attirée 
  par les enseignements. Quand le bruit courut qu'elle pourrait visiter l'Amérique 
  du Nord, Shoghi Effendi donna les instructions suivantes a l'Assemblée Spirituelle 
  Nationale de l'Amérique, instructions écrites par son secrétaire le 21 août 
  1926: "Nous lisons dans The Times que la reine Marie de Roumanie vient en Amérique. 
  Elle paraît avoir montré un grand intérêt pour la Cause. Aussi devons-nous être 
  sur nos gardes de peur que nous ne fassions un geste pouvant lui porter préjudice 
  et la détourner. Shoghi Effendi désire, au cas où elle entreprend ce voyage, 
  que les amis se conduisent avec une grande réserve et sagesse et qu'aucune initiative 
  ne soit prise de la part des amis sauf après consultation avec l'Assemblée Nationale".
  
  C'était au cours de ce voyage que Sa Majesté, le coeur touché par les enseignements 
  de la foi qu'elle avait étudiés, témoigna, "en un langage d'une beauté exquise", 
  comme le qualifia Shoghi Effendi, "de la puissance et de la sublimité du Message 
  de Baha'u'llah, dans des lettres ouvertes largement diffusées par les journaux 
  des Etats-Unis et du Canada". Comme résultat de la première de ces lettres, 
  Shoghi Effendi, "mû par une impulsion irrésistible" écrivit a la Reine "l'admiration 
  joyeuse et la reconnaissance" de lui-même et des baha'is de l'Est et de l'Ouest 
  pour le noble hommage qu'elle a rendu a la foi. Le 27 août 1926, la reine Marie 
  répondit a cette première communication du Gardien par ce qu'il décrit comme 
  "une lettre profondément touchante":
  
  "Bran 27 août 1926
  
  Cher Monsieur,
  
  J'ai été profondément émue a la réception de votre lettre.
  
  En réalité, une grande lumière est venue a moi avec les messages de Baha'u'llah 
  et d'Abdu'l-Baha. Elle est venue, comme viennent tous les grands messages, a 
  une heure de douleur cruelle, de conflit intérieur et de détresse, aussi la 
  semence est-elle profondément enfouie.
  
  Ma plus jeune fille trouve également une grande force et réconfort dans les 
  enseignements des bien-aimés maîtres.
  
  Nous transmettons le message de bouche a oreille et tous ceux a qui nous le 
  donnons voient soudain une lumière briller 
  
  devant eux et la plupart des choses qui étaient obscures et embarrassantes deviennent 
  simples, lumineuses et pleine d'espérance comme jamais auparavant.
  
  Que ma lettre ouverte ait été un baume pour ceux qui souffrent pour la Cause, 
  c'est réellement un grand bonheur pour moi et je le considère comme un signe 
  que Dieu a accepté mon humble hommage.
  
  L'occasion qui m'était donnée de pouvoir m'exprimer publiquement était également 
  son oeuvre car c'était en réalité une chaîne de circonstances dont chaque anneau 
  m'amena inconsciemment un peu plus loin jusqu'au moment où soudain tout a été 
  clair devant mes yeux et j'en ai compris la raison d'être.
  
  Ainsi nous conduit-il finalement vers notre ultime destinée.
  
  Quelques uns de ceux de ma caste s'étonnent et désapprouvent mon courage de 
  franchir le pas en prononçant des paroles que les têtes couronnées n'ont pas 
  l'habitude de prononcer, mais j'avance, poussée par une force intérieure a laquelle 
  je ne peux résister.
  
  La tête courbée je reconnais que moi aussi je ne suis qu'un instrument dans 
  des Mains plus puissantes et je me réjouis de le reconnaître.
  
  Peu a peu le voile se lève, la douleur l'a déchiré en deux. Et la douleur me 
  conduit toujours plus près de la vérité; je ne me plains donc pas de la douleur!
  
  Soyez bénis et soutenus, vous et ceux qui sont sous votre direction, par la 
  force sacrée de ceux qui sont partis avant vous.
  Marie."
  
  La reine Marie n'était pas seulement d'une grande beauté, mais aussi un écrivain 
  et une femme indépendante et de caractère. Parmi les choses qu'elle écrivit 
  dans "ses lettres ouvertes" publiées en 1926, le 4 mai et le 28 septembre dans 
  le Toronto Daily Star et le 27 septembre dans le Evening Bulletin de Philadelphie, 
  figurent des paroles telles que celles-ci: "Une dame m'a apporté l'autre jour 
  un Livre. Je l'écris avec une majuscule car c'est un Livre glorieux d'amour 
  et de bonté, de force et de beauté... Je vous le recommande a tous. Si jamais 
  votre attention est attirée par le nom de Baha'u'llah ou d'Abdu'l-Baha, n'écartez 
  pas de vous leurs écrits. Recherchez leurs livres, et laissez leurs glorieuses 
  paroles et leçons pénétrer votre coeur comme elles ont pénétré le mien. Il peut 
  sembler que notre journée chargée soit trop pleine pour la religion. Ou encore, 
  on peut avoir une religion qui nous satisfait. Mais les enseignements de ces 
  hommes nobles, sages et bons sont compatibles avec toutes les religions et avec 
  aucune religion. Recherchez-les et soyez plus heureux." 
  
  "Nous concevons d'abord Dieu comme quelque chose ou quelqu'un qui est séparé 
  de nous; ce n'est pas ainsi. Nous ne pouvons saisir complètement, avec nos facultés 
  terrestres sa signification, pas plus que nous ne pouvons réellement comprendre 
  le sens de l'Eternité... Dieu est tout, toute chose. Il est le pouvoir qui précède 
  tous les commandements. Il est la source inépuisable de provision, d'amour et 
  de bien, de progrès, de réalisation. Dieu est donc le Bonheur. La voix qui en 
  nous, nous indique le bien et le mal est la sienne. Mais le plus souvent nous 
  ignorons et comprenons mal cette voix. Aussi a-t-il choisi des Elus pour descendre 
  sur terre, parmi nous, pour expliquer sa parole, sa vraie signification. D'où 
  les prophètes, d'où le Christ, Muhammad, Baha'u'llah, car l'homme a besoin, 
  de temps en temps, d'une voix sur terre qui lui apporte Dieu, qui affine sa 
  compréhension de l'existence du vrai Dieu. Ces voix qui nous sont envoyées doivent 
  devenir chair afin que nous puissions les entendre et les comprendre de nos 
  oreilles terrestres."
  
  Le 29 mai, venant de recevoir une copie de la première "lettre ouverte" de la 
  reine, Shoghi Effendi écrivait a Martha Root que c'était "un témoignage digne 
  et mémorable de vos remarquables et exemplaires entreprises pour la propagation 
  de notre Cause bien-aimée. Il m'a ému et a grandement renforcé mon esprit et 
  ma force. C'est un triomphe mémorable, pour vous, et difficilement surpassé 
  en importance dans les annales de la Cause". Il lui demande dans cette même 
  lettre, de considérer s'il est judicieux de parler a Sa Majesté des martyrs 
  de Jahrum et d'enregistrer sa sympathie pour la cause des persécutés de l'Iran. 
  On ne peut douter que cette considération ait influencé la Reine dans ses courageuses 
  déclarations ultérieures sur la foi, comme le montre d'ailleurs sa lettre a 
  Shoghi Effendi. La nouvelle de cette victoire arriva a Shoghi Effendi le soir 
  de la commémoration de l'ascension de Baha'u'llah a Bahji a un moment qu'il 
  décrit ainsi dans une de ses lettres générales: "... Ses serviteurs attristés 
  s'étaient réunis autour de son bien-aimé Tombeau, suppliant soulagement et délivrance 
  pour les piétinés de l'Iran" et Shoghi Effendi poursuit: "'La tête basse et 
  le coeur reconnaissant, nous voyons dans cet hommage chaleureux que la royauté 
  a ainsi rendu a la Cause de Baha'u'llah, une déclaration faisant date et destinée 
  a annoncer ces événements troublants qui, comme l'a prophétisé 'Abdu'l-Baha, 
  signaleront, en leur temps, le triomphe de la foi sacrée de Dieu".
  
  Cela marqua le commencement d'une relation de Martha Root, et quelques rares 
  fois de Shoghi Effendi lui-même, avec non seulement la Reine, mais aussi d'autres 
  têtes couronnées et royautés de l'Europe. Le Gardien non seulement encouragea 
  et guida Martha Root dans ses relations, mais, tout en restant dans les limites 
  de la dignité et du savoir vivre et toujours sincère dans ses relations humaines, 
  il utilisa ces contacts pour servir les intérêts de la Cause en rehaussant son 
  prestige aux yeux du public, et en ayant soin qu'ils soient minutieusement portés 
  a l'attention des ennemis de la foi.
  
  jusqu'à la mort de la Reine, en 1938, Martha Root resta en étroite relation 
  avec elle, l'informant des activités baha'ies et recevant d'elle des lettres 
  manuscrites qui étaient amicales et révélaient son attachement aux enseignements 
  de Baha'u'llah. Il y avait également un échange de lettres et de câbles entre 
  Shoghi Effendi et la Reine. Mais le plus souvent, il envoyait ses messages par 
  l'intermédiaire de Martha, ce qui était un moyen plus intime de la contacter 
  et exigeait moins de la haute position que lui et la Reine occupaient dans leurs 
  sphères respectives. Il y avait un autre facteur qu'on ne peut écarter légèrement, 
  c'était la pression constante exercée sur la Reine qui occupait un si haut rang 
  dans sa nation (une nation ballottée par les tempêtes politiques durant son 
  propre règne et alors qu'elle était la Reine Douairière), pression exercée par 
  les facteurs politiques et ecclésiastiques pour qu'elle garde le silence sur 
  une religion qui n'était pas alors aussi largement connue que maintenant et 
  qui était considérée comme islamique par les ignorants. La caution ouverte qu'elle 
  apportait a cette religion n'était pas seulement désapprouvée mais elle était 
  considérée aussi comme hautement impolitique.
  
  La reine elle-même mentionne dans sa toute première lettre au Gardien: "Quelques 
  uns de ceux de ma caste s'étonnent et désapprouvent mon courage de franchir 
  le pas en prononçant des paroles que les têtes couronnées n'ont pas l'habitude 
  de prononcer..." Cela exigeait un courage extraordinaire et une profonde sincérité 
  d'écrire de manière répétée des témoignages de sentiments personnels au sujet 
  de la foi baha'ie et d'autoriser leurs publications. En fait, Sa Majesté écrivit 
  délibérément quelques uns de ces témoignages a fin de publication dans le Baha'i 
  'World. Le 1er janvier 1934 elle écrivait a Martha, en joignant un des précieux 
  hommages et en donnant des nouvelles d'elle-même et de sa famille: "Est-ce que 
  cela ira pour le Vol. V?
  
  La difficulté c'est de ne pas me répéter..."
  
  Le 25 octobre 1925, Shoghi Effendi écrivait a Martha: "J'ai reçu vos très chères 
  lettres... Je suis vivement ému par les nouvelles qu'elles contenaient, en particulier 
  par votre entrevue remarquable et historique avec la reine et la princesse. 
  Je vous envoie quelques pierres baha'ies... pour que vous les présentiez de 
  ma part a la Reine et a la princesse et a toute autre membre de la Famille royale 
  qui, selon vous, les apprécierait et y attacherait du prix... Je vous prie d'assurer 
  la Reine et la princesse de notre grand amour pour elles, de nos prières pour 
  leur bonheur et succès et de notre cordiale invitation a visiter la Terre Sainte, 
  a être reçues dans la maison du Bien-Aimé".
  
  Derrière cette entrevue avec la Reine, a laquelle fait allusion Shoghi Effendi 
  dans la lettre ci-dessus, il y avait son influence et les confirmations qui 
  découlaient de ses instructions a Martha Root dans une lettre écrite le 29 juin 
  de la même année: "J'espère que vous réussirez a rencontrer non seulement la 
  Reine de Roumanie, mais aussi sa fille, Reine de Serbie, et le Roi de Bulgarie; 
  et j'ai confiance que vous n'hésiterez pas a m'envoyer tous les détails de votre 
  travail dans ce domaine si important". Le télégramme envoyé par la Reine a Shoghi 
  Effendi prouve qu'elle a bien reçu les pierres baha'ies et l'invitation du Gardien 
  a visiter Haïfa. Ce télégramme a été envoyé du Palais Sinaia, le 27 juillet:
  
  "Shoghi Effendi Haifa -
  
  Reconnaissante vous remercie et tous les vôtres avec qui je me sens spirituellement 
  et étroitement en contact.
  Marie."
  
  Martha Root réussit également a suivre les autres instructions de Shoghi Effendi, 
  car il lui écrit en mai 1928: "... Vos entrevues merveilleuses et historiques 
  avec les membres des familles royales de Serbie et de Roumanie nous ont tous, 
  inspirés et fait frissonner de joie..."
  
  Peu avant, en avril, la Reine Marie et sa fille Ileana visitaient Chypre. Dans 
  sa lettre a Martha, le Gardien dit que les journaux ont publié que la Reine 
  avait l'intention de visiter Haïfa, et il se demande: "si elles avaient une 
  telle visite en vue et si cette révélation prématurée les a dissuadées d'accomplir 
  le pèlerinage qu'elles projetaient..." Pendant la visite de la Reine a Chypre, 
  le Gardien télégraphiait le texte suivant a Sir Ronald Storrs, Gouverneur de 
  Chypre, chez qui séjournait la suite royale:
  
  "Prière de transmettre a Sa Majesté Reine de Roumanie et Son Altesse Royale 
  la Princesse Ileana au nom de la famille d'Abdu'l-Baha et amis notre appréciation 
  sincère du noble hommage rendu par elles deux aux idéaux qui animent la foi 
  baha'ie. Prions les assurer nos meilleurs voeux et profonde reconnaissance". 
  Sir Ronald transmit a Shoghi Effendi les remerciements de la Reine et de la 
  princesse."
  
  La brouillon suivant, de la main du Gardien lui-même, d'une lettre qu'il écrivit 
  a la Reine est d'un intérêt historique:
  
  "Haifa, Palestine
  3 décembre 1929
  
  Sa Majesté, la Reine Douairière Marie de Roumanie
  Bucarest
  
  Votre Majesté,
  
  J'ai reçu par l'intermédiaire de ma chère soeur baha'ie, Miss Martha Root, le 
  portrait autographie de Votre Majesté, portant en des termes simples et émouvants, 
  le message que Votre Majesté a bien voulu gracieusement écrire en personne. 
  Je garderai comme un trésor cet excellent portrait et je vous assure que la 
  Très Sainte Feuille et la famille d'Abdu'l-Baha partagent pleinement ma vivre 
  satisfaction, de recevoir une si belle et remarquable photographie d'une reine 
  que nous avons appris a aimer et a admirer.
  
  Ces dernières années j'ai suivi avec une profonde sympathie le cours agité des 
  événements dans votre cher pays et qui, je le sens, ont dû vous causer beaucoup 
  de soucis et de peines. Mais quelles que soient les vicissitudes et les perplexités 
  qui assaillent la route terrestre de Votre Majesté, je suis certain que, même 
  aux heures les plus tristes, vous avez trouvé une nourriture et une joie abondantes 
  a la pensée d'avoir apporté consolation et force, par vos déclarations éclatantes 
  et historiques sur la foi baha'ie aussi bien que par les preuves ultérieures 
  de votre sollicitude pour sa prospérité, au grand nombre de ses adeptes fidèles 
  longtemps persécutés partout en Orient. Votre rang, reine chèrement aimée, est 
  certainement celui ordonné par Baha'u'llah dans les royaumes de l'Au-dela, rang 
  que les efforts d'aucune puissance terrestre ne pourront jamais espérer atteindre.
  
  Immédiatement après la publication du second volume du "Baha'i World" par le 
  Comité des Publications baha'ies américain, j'ai fait suivre a Bucarest, a l'intention 
  de Votre Majesté et de Son Altesse Royale la Princesse Ileana, des exemplaires 
  de cette récente et vaste publication baha'ie. Je prendrai la liberté de vous 
  présenter, au cours de l'année prochaine, le volume III de cette même publication 
  qui, je l'espère, captera l'intérêt de Votre Majesté.
  
  Puis-je en terminant réitérer l'expression des sentiments de profonde appréciation 
  et de joie que la famille d'Abdu'l-Baha et les baha'is de tous pays ressentent 
  universellement envers la forte impulsion que vos nobles et franches paroles 
  ont donnée a la marche en avant de leur foi bien-aimée.
  
  La famille se joint également a moi pour souhaiter a Votre Majesté et a Son 
  Altesse Royale la Princesse Ileana la plus cordiale bienvenue a la Maison d'Abdu'l-Baha 
  et en ces lieux rendus si sacrés par les vies et les actes de Baha'u'llah et 
  d'Abdu'l-Baha, si jamais Votre Majesté se propose de visiter la Terre Sainte.
  Shoghi"
  
  En 1930, Sa Majesté et la Princesse Ileana visitèrent l'Egypte. Shoghi Effendi, 
  ayant eu l'expérience malheureuse de la publicité indiscrète faite lors de leur 
  visite a Chypre, télégraphia le 19 février a Alexandrie: "Avisez Assemblée au 
  cas Reine visite Egypte transmettre seulement expression écrite de bienvenue 
  et appréciations au nom baha'is. Lettre devrait être brièvement et soigneusement 
  écrite. Pas objection envoi fleurs. Communications individuelles devraient être 
  strictement évitées. Informez Le Caire".
  
  Dans l'espoir que la Reine pourra enfin visiter les Lieux Saints Baha'is en 
  Palestine, le Gardien avait fait copier la Tablette de Baha'u'llah a la Reine 
  Victoria, la grand-mère de la Reine Marie, avec une jolie calligraphie persane 
  et enluminée a Téhéran. Le 21 février, il câblait a Téhéran: "La Tablette enluminée 
  Reine Victoria doit arriver Haïfa pas plus tard que dix mars sur une ou plusieurs 
  pages." Ce devait être son cadeau a Sa Majesté. N'ayant aucune nouvelle des 
  projets de la Reine depuis son arrivée en Egypte, il lui télégraphia directement 
  le 8 mars: "Sa Majesté, La Reine Douairière Marie de Roumanie, a bord de Mayflower, 
  Aswan. Famille d'Abdu'l-Baha se joint a moi pour renouveler a votre gracieuse 
  Majesté et Son Altesse Royale la Princesse Ileana l'expression de notre sincère 
  et affectueuse invitation a visiter sa maison a Haïfa.
  
  L'acceptation par votre Majesté de visiter le Mausolée de Baha'u1lah et la cité-prison 
  d'Akka sera, outre son importance historique, une source d'espérance, de joie 
  et d'énergie incommensurables pour les victimes silencieuses de la foi partout 
  a l'Est. Notre plus affectueux amour, prières et meilleurs voeux pour le bonheur 
  et la prospérité de Votre Majesté".
  
  Ne recevant pas de réponse Shoghi Effendi envoya, le 26 mars, un autre câble 
  a la Reine, a l'hôtel Semiramis au Caire: 
  
  "Craignant que mes précédents lettre et télégramme par lesquels la famille 
  d'Abdu'l-Baha se joignait a moi pour inviter Votre Majesté et Son Altesse Royale 
  la Princesse Ileana, soient peut-être mal transmis, nous sommes heureux d'exprimer 
  a nouveau le plaisir qui serait donné a nous tous si Votre Majesté trouvait 
  la possibilité de visiter les Mausolées de Baha'u'llah et d'Abdu'l-Baha et la 
  cité-prison d'Akka. Regrette profondément la publicité non-autorisée donnée 
  par la presse". Deux jours plus tard, le Ministre Roumain au Caire télégraphiait 
  a Shoghi Effendi: "Sa Majesté regrette, ne passant pas par la Palestine, de 
  ne pouvoir vous rendre visite."
  
  Dans sa lettre du 2 avril 1930 a Martha Root, Shoghi Effendi décrit sa réaction 
  a cette situation: 
  
  "je vous écris aujourd'hui très confidentiellement au sujet de la visite prévue 
  de la Reine a Haïfa. Elle ne se matérialisera malheureusement pas. J'en ignore 
  absolument la raison." 
  
  Il ajoute que malgré son invitation écrite et ses deux télégrammes en Egypte 
  (qu'il cite en entier) la seule réponse qu'il reçut en tout fut le télégramme 
  du Ministre roumain (qu'il cite également). Il semble que la publicité non-autorisée 
  dont parle Shoghi Effendi dans son télégramme a la Reine ait été largement diffusée 
  en Palestine, en Angleterre et en Amérique. Il informe Martha Root que: "les 
  reporters qui m'ont rendu visite représentant la "United Press" en Amérique 
  ont câblé a leurs journaux juste le contraire de ce que je leur ai dit. Ils 
  ont altéré la vérité. Je désire que nous puissions nous assurer qu'elle connaît 
  au moins la vraie situation! Mais comment pouvons-nous être certains que désormais 
  nos lettres a Sa Majesté lui parviendront. Je crois que vous devriez lui écrire 
  et lui expliquer toute la situation et l'assurer de la grande déception". Il 
  lui demande de considérer tout cela comme strictement confidentiel et il ajoute: 
  '"Je chéris l'espoir que ces développements malheureux serviront seulement a 
  intensifier la foi et l'amour de la Reine et renforceront sa détermination a 
  se lever et propager la Cause". Naturellement le Gardien fut très peiné par 
  cet événement malheureux, mais il réconforta Martha "Ne soyez pas triste et 
  peinée, très chère Martha. Les graines que vous avez si amoureusement, si dévotement, 
  si assidûment semées germeront..."
  
  L'annulation de la visite de la Reine et de sa fille au Lieux Saints baha'is, 
  auxquels elle s'était définitivement attachée, fut une source de déception non 
  seulement pour le Gardien mais aussi pour la Reine elle-même. 
  
  Derrière la scène il devait y avoir une réelle lutte entre la Reine courageuse 
  et indépendante et ses conseillers. Car, après un long silence, elle écrivit 
  de sa propre main, a Martha Root décrivant, du moins un peu, ce qui s'était 
  passé. Dans une lettre datée du 28 juin 1931, elle affirmait: 
  "Ileana et moi nous avons été toutes les deux, cruellement déçues d'avoir 
  été empêchées d'aller aux mausolées sacrés et de rencontrer Shoghi Effendi. 
  Mais a cette époque nous traversions une crise cruelle et chaque mouvement que 
  je faisais était tourné contre moi et exploité politiquement de manière malveillante. 
  Cela me causa de grandes souffrances et diminua le plus sévèrement ma liberté. 
  Cependant, il y a des périodes où l'on doit subir la persécution; néanmoins, 
  quelque volontaire que l'on soit, on est toujours peiné et étonné quand les 
  gens sont mesquins et malveillants. A cette époque, je devais défendre mon enfant; 
  elle traversait une amère expérience et je ne pouvais me lever et défier le 
  monde. Mais la beauté de la vérité demeure et je lui reste fidèle a travers 
  toutes les vicissitudes d'une vie devenue plutôt triste... Je suis heureuse 
  d'apprendre que vos voyages ont été fructueux et je vous souhaite des succès 
  continuels, sachant quel beau message vous portez de pays en pays". 
  
  Cette lettre se termine par une phrase après la signature de Sa Majesté, qui, 
  plus que toute autre chose révèle l'attitude et le caractère de la Reine: "je 
  joins quelques mots qui pourront être utilisés dans votre Annale". Dès réception 
  Martha Root câbla a Shoghi Effendi les points essentiels de la lettre. Il répondit 
  télégraphiquement qu'il s'en réjouissait et qu'elle lui envoie la lettre.
  
  Je me rappelle que Shoghi Effendi me décrivit plusieurs fois comment la Plus 
  Sainte Feuille avait attendu, heure par heure, dans la Maison d'Abdu'l-Baha 
  pour recevoir la reine et sa fille. Elle s'était effectivement embarquée pour 
  Haïfa. Cette nouvelle avait encouragé Shoghi Effendi a croire qu'elle allait 
  réaliser son projet de pèlerinage. Mais le temps passa sans qu'aucune nouvelle 
  ne leur parvienne même après le débarquement. Shoghi Effendi sut plus tard, 
  qu'on avait rencontré la reine et sa suite sur le bateau, qu'on lui avait dit 
  que sa visite était impolitique et non permise, qu'on les avait fait monter 
  dans une voiture et qu'on les avait emmenées, sans bruit, hors de Palestine, 
  dans un autre pays du Moyen-Orient. Rien d'étonnant qu'elle ait écrit a Martha 
  que les gens avaient été "mesquins et malveillants".
  
  (Photo)
  
  La loyauté de cette "convertie royale", comme la qualifia Shoghi Effendi, avançant 
  en âge, et face a son isolement croissant et aux orientations politiques en 
  Europe qui allait engloutir tant de membres de la famille royale, toucha profondément 
  Shoghi Effendi qui, le 23 janvier 1934, lui écrivait une nouvelle fois:
  
  "Votre Majesté
  
  Je suis profondément touché par l'appréciation splendide que Votre Majesté a 
  gracieusement écrite. pour le Baha'i World, et désire offrir ma reconnaissance 
  sincère et durable pour cette remarquable preuve de l'intérêt soutenu de Votre 
  Majesté a la Cause de Baha'u'llah.
  
  Je suis poussé d'en entreprendre la traduction, en personne, et je suis certain 
  que les innombrables adeptes de la foi en Orient et en Occident se sentiront 
  stimulés dans leurs efforts continuels pour l'établissement final de la plus 
  Grande Paix prédite par Baha'u'llah.
  
  Je présente a Votre Majesté, par les soins de Miss Martha Root, un manuscrit 
  précieux de l'écriture de Baha'u'llah enluminé par un disciple dévoué de sa 
  foi a Téhéran.
  
  Puisse-t-il servir comme un gage de mon admiration pour l'esprit qui a incité 
  Votre Majesté a exprimer des sentiments si nobles pour une foi persécutée et 
  en lutte.
  
  Avec l'assurance de mes prières au seuil de Baha'u'llah pour la prospérité et 
  le bonheur de Votre Majesté,
  
  Je suis sincèrement vôtre,
  Shoghi."
  
  Après avoir envoyé a la reine un exemplaire de sa récente traduction des Extraits 
  des Ecrits de Baha'u'llah et reçu d'elle une lettre exprimant ses "plus reconnaissants 
  remerciements" et qui se termine par: "Puisse le Père très grand être avec nous 
  en esprit, nous aidant a vivre et a agir comme nous le devons",
  
  Shoghi Effendi lui écrivit:
  
  "Haïfa, 18 février 1936.
  
  Votre Majesté,
  
  Miss Root m'a transmis l'appréciation écrite par Votre Majesté pour le , prochain 
  volume du Baha'i World. Je suis vraiment touché et profondément reconnaissant 
  de l'intérêt soutenu et de l'admiration de Votre Majesté pour les enseignements 
  baha'is.
  
  Les communautés baha'ies du monde entier se souviendront toujours, avec fierté 
  et reconnaissance, de ces témoignages magnifiques, impressionnants et historiques 
  de la plume de Votre Majesté; témoignages qui les inspireront et les encourageront 
  grandement dans leurs efforts continuels a propager la Cause de Baha'u'llah.
  
  Je suis heureux et encouragé de savoir que Votre Majesté a tiré beaucoup de 
  profit de la lecture des "Extraits" et je sens que mes efforts pour traduire 
  ces passages sont pleinement récompensés.
  
  Je présente a Votre Majesté grâce a l'obligeance de Mme McNeill la dernière 
  photographie reçue récemment de l'Amérique montrant l'avancement de la construction 
  de la Maison d'adoration baha'ie a Wilmette.
  
  Que l'Esprit de Baha'u'llah bénisse et soutienne a jamais votre Majesté dans 
  la noble assistance que vous apportez a sa Cause.
  
  Avec mon affection et gratitude les plus profondes
  Shoghi."
  
  Madame McNeill mentionnée dans cette lettre vivait près d'Akka, dans le manoir 
  de Mazra'ih d'abord occupé par Baha'u'llah. Elle avait connu la reine enfant 
  a Malte. Lorsqu'elle sut par le Gardien, l'intérêt de la reine pour la foi, 
  elle l'informa de son propre intérêt pour la Cause et ses relations avec la 
  maison où elle habitait. La reine lui avait écrit: "C'était vraiment bien 
  d'avoir de vos nouvelles, et de penser que vous êtes parmi toutes les choses 
  qui vivent près de Haïfa et que vous êtes, comme je le suis, un disciple des 
  enseignements baha'is... La maison où vous vivez... rendue précieuse par ses 
  liens avec l'homme que nous vénérons tous..."
  
  Le dernier hommage de Sa Majesté a la foi, publié en 1936, deux ans avant qu'elle 
  ne meure, semble décrire avec justesse ce que le message de Baha'u1lah signifiait 
  pour elle: "A ceux qui cherchent la Vérité, les enseignements baha'is offrent 
  une étoile qui les conduira a une compréhension plus profonde, a la certitude, 
  a la paix et a la bonne volonté avec tous les hommes". Elle s'était acquis, 
  écrit Shoghi Effendi, "un renom impérissable... dans le Royaume de Baha'u'llah 
  - par sa "confession intrépide et historique de la foi en la paternité de Baha'u'llah"; 
  cette reine illustre mérite bien le rang de premier de ces soutiens royaux de 
  la Cause de Dieu qui doivent se lever, a l'avenir, et chacun d'eux, selon les 
  paroles de Baha'u1lah lui-même, doit être acclamé comme "l'oeil même de l'humanité, 
  un ornement lumineux sur le front de la création, une source de bénédictions 
  pour le monde entier".
  
  Tout ceci (qui commença début 1926) nous montre que les crises qui marquèrent 
  le commencent du Gardiennat de Shoghi Effendi libérèrent, comme toujours, les 
  forces spirituelles inhérentes a la foi et amenèrent des victoires telles que 
  la conversion de la première reine baha'ie.