La perle inestimable
Par Ruhiyyih Rabbani


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Chapitre 15. L'exécution du plan divin d'Abdu'l-baha

En essayant de donner une image cohérente de ce que Shoghi Effendi appelait la première époque du Plan divin d'Abdu'l-Baha, une époque qu'il déclara commencer en 1937 et finir en 1963 et qui comprend "trois croisades successives", on doit revenir en arrière et étudier ses écrits chronologiquement. Car on peut y découvrir le reflet de son esprit et, voir apparaître le modèle programmé de ses plans. L'unique 'but de la vie du Gardien fut toujours d'accomplir les désirs du Maître et de compléter son oeuvre.

Le Plan divin, conçu par Abdu'l-Baha pendant l'une des périodes les plus sombres de l'histoire humaine, fut, affirma Shoghi Effendi, "l'unique grand plan d'Abdu'l-Baha", développé dans ses Tablettes aux baha'is des Etats-Unis et du Canada. Ce Plan "resterait inextricablement entremêlé, pendant des générations a venir" avec les destinées des disciples nord-américains de Baha'u'llah. Il le garda en instance, pendant vingt ans, en attendant que les agences de l'Ordre administratif émergent lentement et soient perfectionnées pour "son exécution efficace et systématique". Nous avons tendance a oublier l'importance que le Gardien attachait a ce concept fondamental qu'il souligna très souvent. Revenons, donc, a ses propres paroles.

Pendant les premières années du premier Plan de Sept ans, en 1939, il écrivit a la communauté américaine: "Avec toutes les ressources a leur disposition, ils font promouvoir la croissance et la consolidation de ce mouvement de pionniers pour lequel tous les rouages de leur Ordre administratif ont été, en Premier lieu, conçus et érigés." L'opinion de Shoghi Effendi sur ce sujet restait la même dix-huit ans plus tard. En août 1957, peu avant son ascension, il écrivait a une des Assemblées nationales de l'Europe: "Cependant, moins substantiel a été le progrès réalisé dans le domaine le plus important de l'enseignement, et bien inférieure l'accélération de ce processus vital de la conversion individuelle pour laquelle tous les rouages de l'Ordre administratif ont été, en premier lieu, et si laborieusement érigés."

C'était le Gardien qui avait "si laborieusement érigé" ces "rouages" avec l'aide des outils volontaires et impatients que représentaient les croyants américains qui saisirent sa pensée, obéirent a son ordre et se hâtèrent de mettre en application ses instructions. C'était le Gardien seul qui possédait le droit divin et imprescriptible de diriger la bataille des forces de lumière de Baha'u'llah contre les forces des ténèbres. "Bientôt", avait écrit Baha'u'llah "le présent Ordre sera révolu et un nouvel Ordre prendra sa place". C'était un ordre qui avait détruit l'équilibre même du monde tel que les hommes le connaissaient. Baha'u'llah et Abdu'l-Baha avaient produit un rejeton non seulement capable de saisir leur vision, mais aussi d'organiser leurs enseignements et leurs adeptes.

Si nous regardons correctement ce qui se passa en 1937, au commencement du premier Plan de Sept ans, nous verrons que Shoghi Effendi, maintenant dans sa quarantième année se déclarait comme le général d'une armée, celle des baha'is nord-américains et marchait vers la conquête spirituelle de l'hémisphère occidental. Alors que d'autres généraux de renom aux yeux du monde, conduisaient de grandes armées vers la destruction tout autour de la planète, livrant des batailles d'une horreur sans précédent en Europe, en Asie et en Afrique, ce général inconnu, non reconnu et non célébré, imaginait et exécutait une campagne plus vitale et de plus grande envergure que tout ce que les autres pouvaient jamais faire. Leurs batailles étaient inspirées par les haines et les ambitions nationales, la sienne par l'amour et le sacrifice de soi. Les autres combattaient pour la conservation de valeurs et de concepts agonisants, pour l'ordre ancien des choses; lui, il se battait pour l'avenir, pour cet âge de paix et d'unité, pour une société mondiale, pour le Royaume de Dieu sur terre. Leurs noms et leurs batailles sont lentement oubliés, tandis que le nom de Shoghi Effendi, sa renommée, ne font que croître, et ses victoires avec lui, pour ne devoir jamais être oubliés. Le soleil de son génie et ses oeuvres brilleront pendant mille ans comme faisant partie de la lumière de la dispensation baha'ie.

En passant en revue l'écrasant volume de matériaux concernant les plans du Gardien, il faut noter que la première exécution organisée du mandat spirituel d'Abdu'l-Baha aux croyants américains (et notons que ce terme désigne non seulement les baha'is des Etats-Unis mais encore les amis de toute l'Amérique du Nord) eut lieu avec le commencement du premier Plan de Sept ans. Cependant, il ne faut pas oublier qu'un groupe de baha'is américains dévoués, dont la majorité était "des pionniers femmes", selon les termes de Shoghi Effendi, s'était déjà levé, en réponse immédiate aux Tablettes du Plan Divin qui furent présentées a la onzième Convention annuelle baha'ie a New York en 1919. Ils étaient partis en Australie, dans les capitales les plus septentrionales de l'Europe, la plupart des pays de l'Europe centrale, la Péninsule balkanique, les rivages de l'Afrique et de l'Amérique latine, certains pays d'Asie, et l'île de Tahiti dans l'Océan Pacifique. Shoghi Effendi n'oublia jamais les services de ces âmes dévouées, et ne cessa de mentionner leurs noms. Toutefois, Shoghi Effendi le dit nettement, ces entreprises d'enseignement outre-mer des baha'is américains avaient été expérimentales et intermittentes. Avec le commencement du premier Plan de Sept ans, une nouvelle époque commençait.

Quand finira le Plan divin? Nous ne le savons pas. La légende dit que la où l'arc-en-ciel touche terre, il y a de l'or. Ainsi la fin de notre glorieuse pluie peut être l'Âge d'or de notre foi. Le Gardien a souvent exposé l'importance du Plan divin dans ses écrits. Ce Plan était, écrivit-il, '"la plus importante entreprise spirituelle lancée de toute l'histoire écrite", 1'agencement le plus puissant pour le développement du système mondial administratif"; "un facteur premier dans la naissance et la floraison de l'Ordre mondial lui-même a la fois a l'Est et a l'Ouest." Les croyants américains, "les destinataires privilégiés de ces Tablettes", "l'avant-garde des premières lueurs de l'aube de l'Ordre de Baha'u'llah", étaient ceux dans les mains de qui, la Providence avait placé une clé, la promulgation du Plan divin, avec laquelle ils ouvriront la porte les menant vers la réalisation de leur glorieuse destinée. Ce Plan du Maître, en exécutant fidèlement ses phases successives les mènerait, assura Shoghi Effendi, a l'accomplissement des promesses d'Abdu'l-Baha, pendant l'Âge d'or de notre foi- leur élévation sur le "trône d'une domination perpétuelle", quand "toute la terre retentira de louanges" Pour leur "majesté et leur grandeur."

Avec Shoghi Effendi tout était clair: il y avait le Plan, et ensuite il y avait des plans et des plans! Après l'inauguration du Premier Plan de Sept ans, il y eut a plusieurs endroits des plans de dix-neuf mois, de deux ans, de trois ans, de quarante cinq mois, de quatre ans et demi, de cinq ans, de six ans etc.

Mais qu'ils fussent donnés par lui ou spontanément entrepris par les baha'is eux mêmes, le Gardien savait où les placer dans l'ordre des choses. Il y avait une mission donnée par Dieu, contenue dans un mandat donné par Dieu, confiée aux croyants américains. Cette mission était leur héritage, mais ils ne pouvaient la réaliser qu'en obéissant aux instructions qui leur étaient données dans les Tablettes du Plan Divin du Maître et en remportant toute croisade qu'ils entreprenaient. Les autres plans, écrivit Shoghi Effendi en 1949 "ne sont que des suppléments a la grande entreprise dont les traits ont été tracés dans ces mêmes Tablettes, et qui doivent être considérés, de par leur nature même, a l'échelle régionale, contrastant avec le caractère mondial de la mission confiée a la communauté des champions bâtisseurs de l'Ordre mondial de Baha'u'llah et des porte-flambeaux de la civilisation que cet Ordre doit. finalement établir."

Si Shoghi Effendi était le général, sans aucun doute son chef d'état-major était l'Assemblée américaine. Elle recevait ses ordres directement de lui et leur rapport était intime et complet. Mais il n'oublia jamais que la gloire d'une armée était ses soldats, "les hommes troupe", comme il les appelait. Il ne cessa jamais de faire appel a eux, de les inspirer, de les aimer et de les informer que chaque croyant américain avait une responsabilité directe dans le succès du Plan. Sachant combien la nature humaine a tendance a être distraite de son objectif, il répétait constamment les tâches entreprises, les responsabilités assumées, les besoins immédiats. Quand les différentes croisades approchaient de leur fin et que le succès de certains aspects du travail paraissait en jeu, ses appels s'élevaient en un véritable crescendo et entraînaient les baha'is vers la victoire. En lisant ses communications de trente-six ans aux croyants américains, il semble qu'il ait vécu parmi eux. Certes, ils ont vécu avec lui, dans sa vie, ses pensées, ses prières, ses projets et ses inquiétudes. Mais qu'ils soient réconfortés! Ils lui apportèrent beaucoup de joie, lui donnèrent beaucoup d'espoir et ne lui causèrent jamais de désespoir. Que leur dossier reste immaculé!

Shoghi Effendi, tel le volcan avant l'éruption, avait une façon d'émettre des grondements prémonitoires. En 1933, il télégraphiait a la Convention américaine que tous les yeux la fixaient, qu'elle avait l'occasion de libérer les forces qui annonceraient une ère dont la splendeur "doit surpasser Age héroïque notre cause bien-aimée... Concours suprême attend qu'ils la saisissent."

Il devint plus spécifique dans son message aux baha'is réunis au Temple en 1935 pour célébrer la finition du dôme: "Nouvelle heure sonnée... appelant des efforts systématiques soutenus nationaux domaine enseignement..." Dix semaines plus tard, il est encore plus catégorique et vraiment prophétique, car on sent la première ombre froide de la guerre qui vient: "Cette nouvelle étape du déroulement progressif de la période de formation de notre foi dans laquelle nous venons d'entrer, la phase d'une activité d'enseignement concentrée, coïncide avec une période de ténèbres de plus en plus profondes, de décrépitude universelle, de misère toujours croissante et de désenchantement largement répandu dans les destinées d'un âge en déclin." A la Convention de 1936, il télégraphiait que les occasions de l'heure présente étaient extraordinairement précieuses et invitait les amis a réfléchir sur "l'appel historique lancé par Plan divin d'Abdu'l-Baha", et de se consulter sur les moyens propres a assurer sa "réalisation complète", a un moment où l'humanité "entrait dans la limite extrême de l'étape la plus périlleuse de son existence." A la fin, il lui donnait la perle qui avait grandi dans son coeur: "Plaise a Dieu que chaque Etat a l'intérieur de la République américaine, chaque république continent américain puisse avant fin glorieux siècle embrasser lumière foi Baha'u'llah établir structure base son 0rdre mondial". Nous étions lancés! C'était la salve d'ouverture du Plan divin!

Le premier Plan de Sept ans avait une "tâche triple": premièrement, compléter l'ornementation extérieure du premier Mashriqu'l-Adhkar du monde occidental, deuxièmement, établir une Assemblée spirituelle locale dans chaque Etat des Etats-Unis et dans chaque province du Canada; troisièmement, établir un centre dans chacune des Républiques de l'Amérique latine "pour l'entrée desquelles, dans la communauté de Baha'u'llah," "ce Plan a été primitivement formulé" écrivit Shoghi Effendi. "Toutes les nations de l'Hémisphère occidental devaient entrer dans la structure de l'Ordre triomphant de Baha'u'llah." Il fit ressortir qu'il y avait vingt républiques indépendantes latino - américaines" constituant approximativement le tiers du nombre total des Etats souverains du monde et que "le Plan n'était rien de moins que cette campagne ardue sur deux fronts, entreprise simultanément a l'intérieur et en Amérique latine."

Deux ans après le commencement de ce mouvement historique d'enseignement, l'Europe entrait en guerre. Encore deux ans, et les Etats-Unis et pratiquement toute la planète étaient en guerre. Cette activité septennale eut lieu face a la plus grande souffrance et la plus sombre menace que le Nouveau Monde ait jamais connues. L'intensité avec laquelle, Shoghi Effendi surveilla, encouragea et guida ce premier grand plan du Plan Divin est incroyable. Les messages coulaient a flots. En 1937, il disait a l'Assemblée Spirituelle Nationale des baha'is des Etats-Unis et du Canada que ce Plan donnera "un lustre non moins brillant" sur les années clôturant le premier siècle baha'i "que les actes immortels qui marquèrent sa naissance, dans l'Âge héroïque de notre foi." En 1938, il leur apprenait que "les ténèbres qui s'approfondissent" de l'ancien ordre donnaient a leur efforts une "signification et une urgence" qui ne pourraient être surestimées. La campagne en Amérique latine était "l'un des plus glorieux chapitres de l'histoire internationale de la foi" et de son succès dépendait les Plans futurs. Elle marquait, leur câblait-il, le "commencement longtemps différé mission mondiale constituant legs distinctif d'Abdu'l-Baha communauté baha'i Amérique du Nord." C'était la "scène d'ouverture du premier acte de ce drame superbe dont le thème n'est rien de moins que la conquête spirituelle des deux hémisphères occidentales et orientales." Et en dépit de tout ce qui précède, il fallait y voir "un simple commencement, une épreuve de force, un marchepied pour une croisade d'une importance encore plus grande..."

A la fin de la deuxième année du Plan, l'ornementation extérieure du Temple progressait de façon satisfaisante, et grâce a une série d'appels ardents (et une contribution de neuf cents pounds qu'il se sentait "irrésistiblement poussé" a faire et dont il était fier, pour l'installation permanente de pionniers dans les neufs états et provinces non encore ouverts de l'Amérique du Nord), Shoghi Effendi s'assurait que les premiers pas étaient faits sur le front intérieur. Alors, le Gardien donna le signal et dirigea la marche de son armée vers les côtes et les îles de l'Amérique Centrale, suivant, comme il leur télégraphia, une di avance méthodique le long ligne tracée plume Abdu'l-Baha". En dépit de ses charges toujours croissantes, il informa les amis qu'il désirait être en contact personnellement avec les pionniers des Amériques du Nord, du Centre et du Sud.

Ce que les lettres de Shoghi Effendi signifiaient pour ces pionniers "tenant", comme il le disait, "leurs postes solitaires dans ces grandes régions éparses a travers les Amériques", seuls ceux qui les reçurent peuvent le dire vraiment, mais je me demande quant a moi, si cette croisade ou les suivantes auraient pu être gagnées sans cette communion entre lui et les croyants. Son amour, ses encouragements, sa compréhension les tenaient ancrés a leurs postes. Ils ne sont pas rares ceux qui y sont encore parce qu'ils ont des lettres signées "votre vrai frère, Shoghi".

Un an après l'éruption de la "conflagration encerclant le mon. de", dont les flammes, écrivit Shoghi Effendi, avaient été allumées d'abord en Extrême Orient, avaient ravagé l'Europe, enveloppé l'Afrique et menaçaient maintenant non seulement le Centre mondial mais aussi l'Amérique, la "principale citadelle restante" de la foi. Il ne restait que deux républiques latino-américaine a recevoir des pionniers. Les habitants de la "citadelle restante" avaient certainement accompli leur devoir de "porter le feu sacré a toutes les républiques de l'hémisphère occidental".

En Iran, les croyants étaient persécutés. En Russie la foi était dissoute et son temple confisqué et en danger. En Europe occidentale, centrale et du sud-est, les baha'is étaient opprimés et en Allemagne, ils étaient bannis; en Afrique, ils étaient l'objet d'attaques fanatiques et la guerre avait placé le Centre mondial en grand danger. Rien d'étonnant, alors, que Shoghi Effendi écrive aux croyants américains que "les espoirs et les aspirations d'une multitude de croyants de l'Est et de l'Ouest, jeunes et vieux, libres ou réprimés", étaient suspendus "a la consommation triomphale" de leurs efforts! Rien d'étonnant qu'il les appelle a "beaucoup oser, peiner sans relâche, sacrifier dignement, endurer brillamment, sans fléchir jusqu'à la fin". Rien d'étonnant qu'il leur assure que "la grandeur de leur tâche se mesure aux périls mortels qui cernaient leur génération. Alors que les ténèbres glissent sur une société de plus en plus déclinante, les limites rayonnantes de leur mission rédemptrice deviennent plus nettes chaque jour.

L'inquiétude actuelle du monde, symptôme d'une maladie universelle, qui, leur religion mondiale l'a déjà affirmé, doit nécessairement culminer en cette catastrophe mondiale qui peut seule fournir les bases adéquates a l'organisation de l'unité mondiale, de laquelle dépend nécessairement une paix universelle durable, une paix inaugurant en retour cette civilisation mondiale qui marquera la venue de l'âge de l'unité de la race humaine."

Ils avaient été, dit-il, "galvanisés dans l'action par la vue d'une civilisation se disloquant lentement". S'il n'avait pas souligné la nature de leurs responsabilités par rapport a l'état du monde, avec des termes embrasant leur imagination, ils n'auraient jamais été galvanisés.

En revoyant ces années terribles et glorieuses de la dernière guerre, le succès du premier Plan de Sept ans paraît vraiment miraculeux. Alors que l'humanité était décimée en Europe et en Asie, alors que le Centre mondial était menacé de tous côtés d'un danger sans précédent, alors que les Etats-Unis et le Canada étaient engagés dans un conflit mondial sur les angoisses, les restrictions et la fureur qui l'accompagnaient, une poignée de gens, manquant de ressources mais riches en foi, manquant de prestige mais riches en détermination, réussirent non seulement a doubler le nombre des Assemblées baha'ies en Amérique du Nord et a assurer l'existence d'au moins l'une d'entre elles dans chaque état de l'Union et dans chaque province du Canada, mais aussi a finir l'ornementation extérieure extrêmement coûteuse de leur Temple-Mère a la date prévue, a établir non seulement un groupe baha'i dans chacune des vingt républiques latines mais aussi quinze Assemblées spirituelles dans toute cette région. Dans les derniers mois du Plan, Shoghi Effendi donna l'assaut aux tâches restant inachevées, avec sa vaillante petite armée, trop enthousiaste pour sentir les fatigues d'une lutte constante de sept années. Quand le soleil du deuxième siècle baha'i se leva, il se leva sur un triomphe. Shoghi Effendi dit alors que lui et tout le monde baha'i devaient a cette cohorte une dette de reconnaissance que personne ne pourrait "mesurer ou décrire". Peu de personnes, écrivit-il, s'étonnent qu'une telle communauté ait "abondamment prouvé qu'elle était digne de porter sur ses épaules les tâches surhumaines qui lui avaient été confiées."

Pendant vingt ans, sous la direction du Gardien, selon un dessin fourni par lui, les baha'is tissèrent la tapisserie des trois croisades de son ministère. Au milieu des scènes chargées et multicolores de cette tapisserie, scènes décrivant tant de travaux en de si nombreux endroits, on peut discerner trois roues dorées et somptueuses, les trois grands centenaires, événements historiques et mémorables vers lesquels convergeaient les lignes de ses plans, d'où elles émergeaient pour former des modèles encore plus beaux encore plus puissants. Le premier de ces centenaires eut lieu le 23 mai 1944.

Providentiellement, les communications entre le Gardien, au Centre Mondial, et la grande majorité des communautés baha'ies n'avaient pas été coupées; et, malgré l'étendue de la guerre, ces communautés n'avaient pas été englouties dans les batailles. L'Iran, l'Irak, l'Egypte, l'Inde, la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle Zélande et l'hémisphère occidental avaient été miraculeusement épargnés. Ces communautés, chacune selon les circonstances de leur pays, célébrèrent le centième anniversaire de la Déclaration du Bab qui était, en premier lieu, celui du commencement du cycle baha'i et en même temps celui de la naissance d'Abdu'l-Baha.

Les croyants iraniens n'étaient pas libres de tenir des célébrations convenables et nationales a l'occasion du premier centenaire de la foi qui avait vu le jour dans leur pays natal. Mais cela ne veut pas dire qu'un hommage digne ne fut pas rendu a la mémoire bénie du Bab. , Le Gardien donna, a l'Assemblée Nationale de l'Iran, des instructions détaillées de commémorer cet événement glorieux: son représentant spécial, Jenabi Valliyullah Varqa, le Trésorier du Huqùq, devait placer dans la pièce où le Bab avait déclaré sa mission, dans sa maison de Shiraïz, un précieux tapis de soie, offrande de Shoghi Effendi. A deux heures et onze minutes après le coucher du soleil, exactement cent ans après l'instant mémorable où le Bab révéla son rang a Mulla Husayn dans cette même pièce, les membres de l'Assemblée Nationale et les déléguées a la Convention annuelle devaient s'y réunir et les membres de l'Assemblée devaient se prosterner au seuil de ce lieu sacré de la part de Shoghi Effendi; le premier sùrih de Qayyùm'l-Asma était alors chanté. Puis, les passages du message du Centenaire du Gardien aux baha'is de l'Est étaient lus, passages où il louait le Bab et l'importance des événements qui avaient eu lieu dans ce lieu sacré un siècle plutôt.

La communauté baha'ie de l'Amérique du Nord célébrait en même temps un second anniversaire. Il y avait cinquante ans que la foi était établie dans le monde occidental. Dans une série de messages, lancés en 1943, Shoghi Effendi selon sa méthode et sa prévoyance habituelles, expliqua aux croyants américains ce qu'il attendait d'eux, comment il fallait commémorer cet événement et pourquoi il leur demandait de le célébrer a cette échelle:

Par "sa portée et sa magnificence", cette célébration devait "compenser pleinement l'incapacité où se trouvent tant de communautés d'Europe et d'ailleurs, et même celle de la terre natale de Baha'u'llah, de payer un tribut digne a leur foi bien-aimée, a une heure si glorieuse de son histoire."

Les célébrations effectuées par les Américains, dit-il, couronneront non seulement leurs propres efforts mais aussi ceux de tous leurs collaborateurs de l'Est et de l'Ouest.

Une campagne de publicité a l'échelle nationale, afin de proclamer le message de Baha'u'llah, devait précéder le centenaire grâce a laquelle le public devait être informé, a travers la presse, la radio et les publications, des buts et des objectifs de la foi, des réalisations de ses héros, martyrs, enseignants, pionniers et administrateurs, et de la nature de ses institutions. Les baha'is devaient, aussi bien localement qu'a l'échelle nationale, célébrer et proclamer la nature joyeuse de ce Festival, par des conférences, des discours, des banquets et des contacts avec les dirigeants éminents.

Le sommet de ces grandes réjouissances devait être atteint par la tenue d'une Convention du Centenaire de toute l'Amérique a laquelle assisteraient non seulement les délégués des Etats-Unis et du Canada (délégués élus, pour la première fois, par des conventions d'états ou de province, et par le suffrage de tous les croyants au lieu des seules communautés qui avaient une Assemblée locale) mais aussi des représentants de tous les pays de l'Amérique latine. A l'heure exacte de la déclaration du Bab, une cérémonie solennelle d'action de grâce devait se tenir dans l'auditorium du Temple, durant laquelle le seul portrait miniature du Bab qui ait jamais quitté les mains de Shoghi Effendi, et don particulier du Gardien a cette communauté victorieuse et chèrement aimée, serait montré a cette assemblée grandement bénie. Cette cérémonie devait être suivie par une réunion publique consacrée a la mémoire du Bab et d'Abdu'l-Baha. Rien, comme il l'avait prédit, n'avait assombri la "fin triomphale du premier et du plus brillant siècle de l'ère baha'ie." Des réunions similaires, mais moins fastueuses, furent tenues dans les autres pays. La fin de ces festivités internationales, dit Shoghi Effendi, marquerait la fin de la première époque de l'Âge de formation de la foi qui s'étendait de 1921 a 1944.

La fin d'un siècle et le commencement d'un autre est un moment propice pour considérer le monde baha'i. Un tel torrent de matériaux se présente a nous, lorsque nous essayons d'évaluer les efforts du Gardien, qu'il est réellement difficile de savoir comment traiter ses nombreuses réalisations. Non seulement il était un grand créateur de faits, mais aussi un statisticien capable et précis. Il y avait peu de chose qu'il ne pût présenter.

N'est-ce pas d'ailleurs l'essence même de la vie: tirer profit de ce qui paraît superficiellement formel, obligatoire, et par conséquent assommant?

En 1944, Shoghi Effendi publia, a Haïfa, une petite brochure de vingt-six pages, qui portait le titre de The Baha'i Faith 1844-1944, et en sous-titre, modestement: "informations statistiques et comparaisons". En 1950, le Baha'i Publishing Committee des Etats-Unis publia, a partir des informations fournies par le Gardien, une brochure similaire de trente pages plus un plan et sur laquelle on lisait: Compilée par Shoghi Effendi, Gardien de la foi baha'ie. En 1952, encore une fois avec les matériaux fournis par Shoghi Effendi, les Assemblées Nationales britanniques et américaines publièrent cette même brochure avec le même titre, mais deux fois plus longue, couvrant la période de 1844-1952. Shoghi Effendi avait ajouté, cette fois un nouveau sous titre: "Plan International de Dix Ans d'Enseignement et de Consolidation".

Il est impossible de traiter en détail un sujet aussi vaste que celui-ci. Mais d'autre part l'ignorer complètement serait injuste, car c'est un domaine auquel Shoghi Effendi consacra beaucoup de son temps et de son attention pendant plus de treize ans. La négligence et l'inefficacité de la plupart des gens étant ce qu'elles sont, réunir ces éléments statistiques représente un effort surhumain de la part de Shoghi Effendi. Quel dut être, dans ce cas, l'effort qu'il déploya pour créer les faits que ces chiffres et ces nombres représentent? Il tenait constamment ses statistiques a jour; lors de son ascension, il avait dans sa chambre un petit carnet où il inscrivait, au fur et a mesure, les faits et les augmentations ou modifications. Je me rappelle une fois où tenant un tel carnet dans la main, il me dit en souriant: "Vous.. rendez-vous compte? Tout le monde baha'i est la-dedans."

Pour mieux comprendre ses statistiques, il faut en saisir la raison. On ne peut discuter les faits. On peut ne pas être d'accord avec les idées, on peut ridiculiser les revendications, amoindrir les événements historiques. Mais quand on voit froidement imprimé que telle ou telle chose vaut cinq millions et demi de dollars, ou que sept Assemblées nationales ont été incorporées, ou que le mariage baha'i est légal dans quinze Etats, ou quand on lit les noms des tribus africaines représentées dans la foi, les langues dans lesquelles ses enseignements ont été traduits, on est obligé d'accepter que cette foi existe d'une manière concrète.

Les faits faisaient parties des munitions de Shoghi Effendi avec lesquelles il défendait la foi contre ses ennemis; avec ces faits, non seulement il encourageait les baha'is, mais aussi les stimulait pour un plus grand effort.

Une de ses listes préférées, la première et la plus importante, était celle qui illustrait la propagation de cette cause glorieuse, confiée a ses soins par Abdu'l-Baha en 1921. Sous la rubrique "Pays ouverts a la foi de Baha'u'llah", il avait inscrit pour la période du Bab: 2; pour le ministère de Baha'u'llah: 13; et pour celui d'Abdu'l-Baha: 20. Il est intéressant de noter ici un exemple de son esprit méthodique. Dans la brochure de 1944, le ministère de Baha'u'llah comptait seulement 10 pays. Alors pourquoi dans celle de 1952, y en avait-il 13 ? Parce que depuis, le Pakistan était devenu un pays indépendant, et deux territoires russes avaient été divisés en quatre Républiques soviétiques, au total le nombre des pays passait de 10 a 13, pour la période de Baha'u'llah. Ces statistiques reflètent de façon fascinante l'expansion de la foi, je les mentionnerai donc, tant qu'il y aura des matériaux disponibles, jusqu'à l'ascension du Gardien.

De 1844-1921: 35 pays avaient été ouverts a la foi (notons que ces termes dans l'usage baha'i englobe les Etats souverains, les territoires sous mandat, les dépendances et les colonies). De 19211932, 5 autres furent ajoutés en 11 ans; De 1932-1944, 38 pays furent ajoutés en 12 ans; de 1944-1950, 22 furent ajoutés en 6 ans; de 1950-51, 6 furent ajoutés en un an; 1951-1952, 22 furent ajoutés en un an; 1952-1953, pas d'accroissement en nombre; 1953-1954, 100 autres furent ajoutés en un an; une réalisation, écrivit Shoghi Effendi, qui signifiait que "l'objectif le plus vital et le plus spectaculaire du Plan de Dix Ans" "avait été virtuellement atteint a la fin de la première année de cette grande entreprise d'une décennie". A ce point, le monde commençait a manquer de pays pour les buts Baha'is! Néanmoins de 19541957, 26 autres pays furent ajoutés. Au commencement du Gardiennat, il y avait 35 pays. Lorsque Shoghi Effendi décéda, il y en avait 254, soit une augmentation de 219 grâce a sa vision, sa direction, sa détermination. Il travailla avec un groupe de croyants dévoués, spirituellement embrasés tout autour du monde.

Bien qu'aucune statistique exacte ne soit disponible pour le nombre de centres baha'is dans le monde, "foyer de lumière qui réchauffe et guérit et d'une Révélation conquérant tout", comme les appelait Shoghi Effendi, il paraît cependant invraisemblable que durant le premier siècle de la foi ils aient atteint le nombre de 1000. Un calcul approximatif indique qu'en 1952, il y en avait 2400 environ. Shoghi Effendi annonça les chiffres suivants: 1953, 2500; 1954, 2900 environ; 1955 plus de 3200; 1956, près de 3700; 1957, 4500. Soit une augmentation de plus de 2000 centres en cinq ans.

L'image que ces chiffres traduisent est nette et impressionnante. Mais quelle partie de l'arbre baha'i croissait le plus rapidement? La réponse se trouve également dans les statistiques de Shoghi Effendi. Lors de la visite historique d'Abdu'l-Baha aux Etats-Unis et au Canada, il devait y avoir environ quarante villes dont tout l'hémisphère occidental où on pouvait trouver des baha'is. En 1937, il y en avait 300, une augmentation de 260, en 25 ans. En 1944, on dénombrait 1300 centres en Amérique du Nord, une augmentation de près d'un millier pendant le premier Plan de Sept ans. Le dernier chiffre reçu de Shoghi Effendi en 1957 était 1570. En trente-six ans, Shoghi Effendi, par ses messages incessants d'encouragement, et par ses plans successifs, avait augmenté de 1500 au moins le nombre des centres aux Etats-Unis et au Canada. La liste des Assemblées Spirituelles Locales en Amérique du Nord n'est pas moins impressionnante. En 1931, il y en avait 47, en 1944: 131, une augmentation de 84 en 13 ans, la plupart formées durant le premier Plan de Sept ans. En 1952, il y en avait 184 et en avril 1957 le total atteignait le nombre de 204.

En 1944, Shoghi Effendi publiait les premières statistiques de l'Amérique latine. On comptait alors 57 centres, 15 Assemblées; en 1950, il y avait 70 centres et 35 Assemblées; en 1957 les chiffres respectifs étaient de 137 et 52. Dans la brochure 1921-1944 il donnait pour l'Inde (qui comprenait alors également le Pakistan) et la Birmanie les chiffres de 66 centres et 31 Assemblées. En 1957, ces mêmes chiffres étaient de 140 centres et 50 Assemblées. Il a toujours été difficile d'obtenir des statistiques correctes pour l'Iran a cause de la recrudescence constante des persécutions. Cependant en 1952, Shoghi Effendi publiait les chiffres de 621 centres et 260 Assemblées. Les Antipodes, particulièrement surveillés par Shoghi Effendi, marquèrent un progrès remarquable durant son ministère, malgré leur isolement du reste du monde baha'i En 1934, il y avait environ 8 centres en Australie et la Nouvelle-Zélande et 3 Assemblées.

En 1950,il y avait 50 centres, une augmentation de 50 en 16 ans, et 10 Assemblées. En 1957, il y avait plus de 100 centres et 12 ou 13 Assemblées. Les Iles Britanniques avaient également montré une augmentation remarquable: en 1944, il y avait quelques centres et 5 Assemblées; en 1957 plus de 110 centres et 20 Assemblées. Les chiffres pour l'Allemagne et l'Autriche, mentionnés pour la première fois en 1950 par Shoghi Effendi montraient 34 centres et 14 Assemblées (tandis qu'avant la guerre, ils devaient être raisonnablement 15 et 5 respectivement), en 1957, ces mêmes chiffres étaient de 130 centres et 25 Assemblées.

Avec le second Plan de Sept ans, il apparaît une nouvelle listes et dans la brochure de 1950, les dix pays buts de l'Europe: 34 centres et 14 Assemblées; 1957: 110 centres et 27 ou 28 Assemblées. Avec précaution, Shoghi Effendi inscrivit un chiffre (inchangé de 1950 a 1957) pour l'Arabie: 10 centres, probablement les plus difficiles dans tout le monde baha'i. L'Egypte et le Soudan, luttant depuis longtemps contre le préjugé musulman, figuraient en 1952 comme ayant 38 centres et 10 Assemblées. En 1956, Shoghi Effendi annonça qu'il y avait plus de 900 Assemblées locales baha'ies dans le monde. En 1957, il pouvait informer les baha'is que ce nombre avait dépassé 1000. A l'époque de l'ascension d'Abdu'l-Baha, en 1921, il devait y en avoir au plus une poignée dans le monde entier. C'était Shoghi Effendi qui les avait créées sur le modèle établi par le Maître.

Le Gardien porta une attention particulière (en plus de la création des structures de base de l'Ordre administratif et de la propagation rapide de la foi) a la littérature baha'ie. Il voulait qu'elle soit disponible dans les différentes langues du monde. De nombreuses traductions et publications furent payées par lui, Martha Root fut souvent son agent en cette matière dans les dernières années de sa vie. En 1944, il y avait des publications baha'ies disponibles en 41 langues; en 1950, il y en avait 19 de plus. En 1952 il y en avait 71, 11 de plus en deux ans; en 1955, on en comptait 167, soit une augmentation de 96 en trois ans; en 1957, il y en avait 237, 70 de plus en deux ans. Il est intéressant de noter que juste après la liste des langues dans lesquelles la littérature baha'ie était publiée, il y avait une autre liste, celle des langues dans lesquelles cette même littérature était en cours de traduction.

Il était impatient d'accueillir autant de groupes ethniques différents que possible dans la foi et pressait constamment les baha'is a atteindre les gens des différentes races de sorte qu'a l'intérieur des communautés baha'ies ce principe cardinal de l'unité dans la diversité soit illustré. Deux de ses brochures statistiques reflètent cette importance que le Gardien accordait a ce sujet. Les titres des rubriques parlent d'eux mêmes: "Les races représentées dans la communauté mondiale baha'ie" et il donnait le nom de toutes les races. En 1944, il y avait 31 races, en 1955, 40. "Groupes, minorités et races avec lesquelles le contact avait été établi par les baha'is" était le titre d'une autre rubrique qui mentionnait également leur nom. En 1944, il y avait 9 noms sous cette rubrique; en 1952, 15 dont 12 concernaient des Esquimaux américains et des tribus indiennes. En 1952, une nouvelle rubrique fut ajoutée, malgré la faiblesse des chiffres: "Tribus africaines représentées dans la foi baha'ie" et le nom de 12 tribus était donné fièrement.

Il continua a donner périodiquement l'accroissement de ces chiffres: en 1955: 90; 1956: 140; 1957: 197; une augmentation de 185 en cinq ans. En 1954, il informa le monde baha'i qu'il y avait plus de 500 croyants africains en Ouganda seul (mis a part les 800 adeptes de tout le continent) et en 1957, il dit que le nombre des croyants africains s'élevait maintenant a 3000. Son intérêt aigu pour les questions raciales de nos jours, son sentiment de la valeur des différentes qualités accordées par Dieu aux différents peuples, le rendaient désireux de communiquer ce qu'il considérait comme des triomphes. En 1956, il annonça qu'il y avait 170 centres baha'is dans la région du Pacifique et en 1957, il nous informait que le nombre de ces centres s'élevait a 210 et qu'il y avait plus de 2500 croyants de la race "brune" dans cette région.

La croissance des Institutions et des Dotations de la foi, un mur solide pour protéger l'Ordre administratif, était un autre objectif auquel Shoghi Effendi prêta une attention particulière. Baha'u'llah n'est pas venu pour nous aider a rêver. Mais pour une réalité a construire dont il nous donne le plan pour que nous le bâtissions. Incorporer des Institutions permet la possession légale de propriétés. Il était et il est toujours essentiel qu'une foi grandissante possède ses propres temples, ses Centres administratifs locaux et nationaux, ses institutions, ses terrains, ses écoles etc. Les chiffres en ce domaine parlent éloquemment du progrès réalisé au cours du ministère du Gardien: en 1944, il y avait 5 Assemblées nationales et 63 Assemblées locales incorporées. En 1952, elles étaient respectivement de 9 et de 105.

En 1957, il y avait plus de 200 Assemblées locales baha'ies incorporées: une augmentation de 137 en 13 ans. Tandis qu'en 1944, au commencement du second siècle baha'i, le droit légal de célébrer le mariage baha'i était reconnu dans quelques rares endroits, en 1957, jouissaient de ce droit plus de 30 localités. Les jours saints baha'is étaient reconnus comme un motif de suspension de travail ou d'absence a l'école dans quelques 45 endroits, la définition d'un endroit étant soit un Etat, soit un district. En 1952, les baha'is ne possédaient que 8 centres nationaux, alors qu'en 1957, ils en avaient 48; la multiplication des Dotations nationales suivait la même courbe et en 1957, il y en avait 50 dans les différents pays du monde.

Les biens immobiliers de la foi augmentèrent très rapidement. Shoghi Effendi tenait a annoncer au cours des ans les chiffres concernant ce domaine: en 1944, les Etats-Unis avaient des biens estimés a 1.768.339 dollars; en 1.950: 1.783.958 dollars; en 1952: 3.070.958, et en octobre 1957 la somme globale voisinait 5.000.000 de dollars. En Iran, en 1952, la foi possédait des Dotations estimées a 500.000 dollars alors qu'en 1957, cette somme atteignait 5.000.000 de dollars. En 1947, Shoghi Effendi donnait les chiffres pour la Terre sainte, au Centre mondial de la foi, 35.000 livres Sterlings ( 140.000 dollars), en 1952, 500.000 dollars, en 1957: 5.500.000 dollars. Les chiffres estimés pour les autres pays étaient en 1952, 500.000 dollars et en 1957 850.000 dollars. Le total de ces différentes sommes, en valeur constante, était: 1952, 4.500.000 dollars et en 1957 plus de 16.350.000 dollars.

Les trois brochures statistiques données par Shoghi Effendi ne donnent pas seulement des informations, mais fournissent également une idée de son esprit. Car elles révèlent ce a quoi il attachait de l'importance. Il y a une liste des dates historiques importantes, qui en dehors des dates importantes de l'histoire baha'ie, donne également les dates des événements tels que la ,construction du premier Mashriqu'l-Adhkar de l'Occident; celle du Mausolée du Bab, du verdict de la Cour musulmane de l'Egypte se prononçant sur le caractère indépendant de la foi, de la première entrevue de Martha Root avec la Reine Marie de Roumanie, de la résolution du Conseil de la Ligue des Nations soutenant les revendications baha'ies sur la demeure de Baha'u'llah a Baghdad, du commencement des différents plans, etc.

... Il n'y a pas de date pour indiquer que la foi avait un Gardien. L'homme qui nous informa que nous ne devions jamais commémorer ,quelque anniversaire le concernant, ne figurait pas sur ses propres listes. Les écrits les plus connus du Bab et de Baha'u'llah sont énumérés dans ces brochures, le calendrier baha'i est reproduit, le nom des villes visitées par Abdu'l-Baha lors de ses voyages sont données, une liste des centres du Groenland auxquels la littérature baha'ie avait été envoyée est publiée; les noms des personnalités qui avaient rendu hommage a la foi baha'ie sont mentionnés et enfin, une liste étrange apparaît régulièrement a chaque édition: "grandeurs comparatives des structures des dogmes fameux": St-Pierre a Rome, St. Paul a Londres, Ste Sophie a Constantinople, le Panthéon a Rome etc. Une liste donnant sujet a réflexion. Envisageait-il le jour où les baha'is construiraient des temples dépassant de loin ces dimensions, a la gloire du Père?

A chaque publication des statistiques, le nombre des Assemblées nationales augmentait. Former des "piliers" de la Maison de Justice était une tâche que Shoghi Effendi considérait comme un de ses premiers devoirs. Peu de baha'is se rappellent les neuf noms cités en 1930: les Assemblées Spirituelles Nationales des Baha'is du Caucase, de l'Egypte, du Turkestan, de la Grande Bretagne, de l'Allemagne, de l'Inde et de la Birmanie. de l'Irak, de l'Iran et des Etats-Unis et du Canada. Bien que les Assemblées Nationales de la Russie et celle de l'Iran fussent d'une nature transitoire - une Assemblée centrale assumant les fonctions de la future institution nationale telle que nous la connaissons maintenant, en attendant le moment où une élection correcte par des délégués nationaux puisse avoir lieu - néanmoins, elles remplissaient les fonctions d'Assemblées nationales. A cause de la suppression de toute activité baha'ie en Russie, les Assemblées Nationales du Caucase et du Turkestan disparurent complètement. Par conséquent a la fin du premier siècle baha'i, il y avait seulement huit Assemblées nationales, celle de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande étant formée en 1934.

La plus ancienne Assemblée nationale du monde baha'i, existait déjà lors de l'ascension d'Abdu'l-Baha sous le nom de "Baha'i Temple Unity". En 1909 elle avait été incorporée et cette même année, elle avait formé son "Executive Board". En 1921, Shoghi Effendi prit la barre et s'attaqua immédiatement a créer l'uniformité dans les principes fondamentaux et depuis ces "Maisons Secondaires de justice" furent nommées "Assemblées Spirituelles Nationales".

En 1923, les Assemblées nationales des croyants britanniques, allemands, indiens, et birmans fonctionnaient déjà, et celles des baha'is de l'Egypte et du Soudan, d'Iran, d'Irak et d'Australie et de Nouvelle-Zélande suivirent bientôt. Certes le Gardien désirait voir de nouveaux "piliers" érigés, mais il devait d'abord s'assurer que la communauté était suffisamment forte, et que particulièrement une base solide d'Assemblées locales existait, avant qu'il puisse autoriser l'élection d'un corps national. En 1948, il lança le Canada vers son destin administratif indépendant; en 1951 deux nouvelles Assemblées nationales suivirent: une pour l'Amérique centrale et l'autre pour l'Amérique du Sud. Shoghi Effendi avait une raison bien précise pour ce groupement de deux ou plusieurs pays sous une seule Assemblée nationale. Il l'explique, en 1929, a un pèlerin indien qui transcrivit ses paroles: "Il est contre la séparation entre la Birmanie et l'Inde, car il dit que nous avons peu de travailleurs et la séparation dissipera nos forces et nos énergies alors que ce dont nous avons besoin, a l'heure actuelle c'est la consolidation de toutes nos ressources et de nos forces..."

Une nouvelle phase dans le développement administratif de la foi commença avec la formation de ces institutions géantes de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud. Elles étaient nommées Assemblée nationale mais de par leur nature même elles étaient en fait régionales. Shoghi Effendi n'était jamais intimidé par la grandeur ou la difficulté d'une tâche, ni respectueux des opinions ou des méthodes ordinaires. Pendant neuf ans, il devait former rien que des Assemblées "régionales" qui étaient vraiment immenses, excepté peut-être l'Assemblée Nationale Italo-Suisse, formée en 1953. Les deux Assemblées de l'Amérique latine comprenaient 20 pays et les 4 de l'Afrique, formées en 1956, représentaient 57 pays. Cela signifiait que neuf personnes, résidant le plus souvent dans des pays séparés par quelques 1500 Kms, devaient se consulter et administrer les affaires des Assemblées et des communautés, dont la plupart étaient jeunes et inexpérimentées, éparpillées sur des superficies de plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés. Sans aucun doute, si Shoghi Effendi avait demandé l'avis des baha'is, on se serait interrogé sur la sagesse de telles entreprises et on aurait recommandé soit des Assemblées purement nationales, soit au moins de plus petites Assemblées régionales.

Heureusement le Gardien ne consulta personne et pesa avec son jugement clair et pénétrant les avantages et les inconvénients relatifs des deux politiques et choisit ce qui apparaissait, superficiellement, la méthode la plus incommode. De nombreux facteurs intervenaient dans ce choix: la principale raison était que dans tous ces pays la nécessité d'une direction plus centralisée devenait urgente: on ne pouvait plus administrer efficacement a partir des bases situées au-dela des mers, sous l'égide d'autres Assemblées nationales exécutant une étape ultérieure du Plan divin par leurs comités, quelque capables et dévoués qu'ils fussent. L'objet premier de l'enseignement de la foi est de donner aux nouveaux convertis l'occasion d'assumer la responsabilité du travail dans leurs propres régions.

Il y avait maintenant des baha'is expérimentés, pionniers, administrateurs et enseignants, en Amérique latine et en Afrique, mais ils n'étaient pas assez nombreux pour le travail de 20 corps administratifs indépendants, en Amérique centrale et du Sud, et loin, bien loin de fournir un nombre suffisant de baha'is expérimentés pour les 57 territoires de l'Afrique. La solution était ces Assemblées nationales intérimaires qui devaient se scinder en des unités de plus en plus petites, en attendant le jour où chaque nation aurait une trame suffisamment solide d'Assemblées locales, de croyants mûrs, approfondis dans les enseignements, pour qu'elles puissent assumer la responsabilité de l'administration et de l'avancement de la cause dans leurs propres territoires. Les exploits remarquables réalisés par ces Assemblées régionales, constamment poussées et encouragées par Shoghi Effendi dans l'accomplissement de leurs tâches historiques, justifièrent pleinement sa méthode.

Dans le choix des pays qu'il associa sous la juridiction d'un corps national, le Gardien démontra amplement que les baha'is sont plus qu'internationaux, ils sont supranationaux, au-dessus de la nation, dans leurs croyances et leur politique. Aucune considération de préjugés nationaux, d'animosité politique, ou de différence religieuse, ne l'influencèrent dans le choix des pays qui devaient travailler ensemble sous une même Assemblée. Pour lui de telles considérations ne devaient pas intervenir, encore qu'il se tînt très précisément au courant et ne fermât jamais les yeux sur les faits. Ce qu'il employait, c'était les forces divines contenues dans la foi, une foi qui, comme il l'exprimait joliment, de se nourrit... des sources cachées de la force céleste" et ""se propage par des voies mystérieuses et totalement différentes des modèles acceptés par la généralité de l'humanité."

Ce ne fut qu'en 1957 qu'il revint a la formation des Assemblées purement nationales; en avril de cette année, l'Alaska, le Pakistan et la Nouvelle-Zélande élirent leurs propres institutions nationales baha'ies. C'était une occasion historique dans l'évolution de l'Ordre administratif, car onze nouvelles Assemblées nationales furent formées cette année. Les autres étant les Assemblées régionales de l'Asie Nord-Est, Asie Sud-Est, les Pays de Bénélux, l'Arabie, la Péninsule ibérique, la Scandinavie et la Finlande, les Antilles, les pays nordiques de l'Amérique du Sud qui formèrent une nouvelle Assemblée. L'Assemblée Nationale de l'Amérique du Sud se scindait donc en deux Assemblées régionales plus petites, tandis que l'Assemblée de l'Amérique centrale était également coupée en deux parties, les Républiques de ses îles étant réunies sous la juridiction d'une nouvelle Assemblée régionale. Avant la fin de la dernière grande croisade de Shoghi Effendi, chaque république de l'Amérique Latine avait sa propre institution nationale, comme il l'avait envisagé dans sa brochure statistique publiée a la veille du Centenaire de 1953, où il avait inclu comme un des buts les plus enthousiasmant du "Plan International Baha'i d'Enseignement et de Consolidation de Dix Ans" la tâche de plus que quadrupler le nombre des Assemblées Spirituelles nationales en élevant leur nombre a plus de cinquante.

Dans un récit aussi bref que celui-ci, il ne peut être question de décrire en détail le progrès de chaque pays pendant son ministère. Cela exige une histoire détaillée et beaucoup plus de recherche dans les documents qui sont graduellement assemblés au Centre mondial. Comme lui-même considérait son oeuvre dans ses contours les plus larges, ainsi devons-nous nous contenter de suivre ici, la trace de la comète dans le ciel. La conquête spirituelle de cette planète, le but avoué des enseignements de Baha'u'llah, est principalement lié a l'exécution du Plan divin d'Abdu'l-Baha. Tandis que les croyants américains poursuivaient, au cours des croisades successives, l'exécution de ce Plan, une immense force, une force toujours plus intense, était libérée dans le monde baha'i Si on considérait la communauté nord américaine comme l'Himalaya, la grande ligne des faîtes de l'expansion de la Cause, les autres communautés seraient comme des fleuves et des ruisseaux qui irriguent tous les pays de la terre.

Les réalisations du premier Plan de Sept ans inspirèrent les autres communautés, et les incitèrent a oser toujours plus.

La prise de conscience des possibilités glorieuses offertes au monde baha'i était constamment attisée par les messages du Gardien aux différentes Assemblées nationales. Il citait constamment ces paroles de Baha'u'llah: "Rivalisez d'efforts les uns avec les autres au service de Dieu et de sa cause." Il encourageait ouvertement cet esprit de compétition dans sa forme la plus noble. Les statistiques sont un exemple de cet encouragement, un autre exemple en est le télégramme qu'il envoya a l'Assemblée Nationale d'Amérique en 1941: "Compétition spirituelle galvanisant disciples organisés Baha'u'llah Est Ouest s'accroît tandis que premier siècle Baha'i court a sa fin." Encore plus illuminant fut ce qui suivit car il l'acclama comme un signe de la solidarité baha'ie dans les cinq continents du globe, comme les chevaux des chars romains, chacun essayant d'avancer le cou, mais tous tirant ensemble. Ce serait manquer de respect que dire qu'il poussait aux enchères, mais il n'hésitait jamais de dire a ses soldats qu'il y avait une toison d'or a gagner. Qui l'aurait le premier? Sans doute, c'était divinement inspiré, mais c'était aussi chaleureux et humain, vibrant et stimulant!

Les nouvelles des victoires remportées durant le premier Plan de Sept ans, étaient transmises par le Gardien, dans des messages fréquents et inspirants, aux croyants iraniens. En 1943, il télégraphiait que ces nouvelles faisaient "vibrer communautés orientales monde baha'i de plaisir admiration émerveillement... Quatre-vingt quinze familles iraniennes imitant exemple éclaireurs américains foi" avaient quitté leur maison et étaient en route pour hisser sa bannière en Afghanistan, Baluchistan, Sulaymaniya, Héjaz et Bahrein. L'Egypte et l'Inde emboîtaient le pas et les baha'is d'Irak se hâtaient dans l'exécution de leurs propres plans afin de couronner la fin du premier siècle par des victoires locales. Les baha'is de l'Est et de l'Ouest écrivaient les dernières pages glorieuses de leurs propres chapitres de l'histoire du premier siècle de la foi.

Trois mois après la fin des célébrations de mai 1944, le Gardien informait la communauté nord-américaine: "Un chapitre mémorable de l'histoire de la foi de Baha'u'llah en Occident a été terminé. Un nouveau chapitre s'ouvre maintenant, un chapitre qui doit éclipser, avant sa fin, les victoires les plus brillantes remportées hér6iquement par ceux qui avaient si intrépidement lancé la première étape du grand Plan conçu par Abdu'l-Baha pour les croyants américains.

" Ils étaient au seuil "d'une autre phase d'une série de croisades qui doivent mener... les destinataires privilégiés de ces Tablettes mémorables au dela de l'Hémisphère occidental, aux fins fonds de la terre, pour implanter la bannière et établir les bases inébranlables de la structure administrative de la foi de Baha'u'llah." Il n'y a pas beaucoup de façons de faire les choses. Une méthode est bonne lorsqu'on peut l'appliquer a des domaines différents. Shoghi Effendi était un général spirituel a la tête d'une armée spirituelle a la conquête de butins spirituels. Mais la méthode de campagne ne varie pas: organiser les forces, concevoir la stratégie, attaquer les objectifs, occuper le terrain, garder le contact avec la base, amener les renforts, établir des garnisons sur le territoire conquis, rassembler les forces et commencer une nouvelle campagne. L'accalmie entre les campagnes diminue, au fur et a mesure que les armées acquièrent de l'expérience. C'était également vrai pour les plans de Shoghi Effendi.

Ayant remporté sa première grande campagne, le Gardien s'attacha immédiatement a consolider ses victoires: il informa l'Assemblée Nationale américaine que les assemblées locales laborieusement formées doivent être protégées, les groupes doivent arriver au statut d'Assemblée et les centres doivent se multiplier. La foi doit être proclamée aux masses et les nouveaux croyants doivent être approfondis dans la compréhension de leur foi. Il fallait en outre plus de traductions, et qu'elles devaient être publiées au profit du travail en Amérique latine. Enfin et surtout, il fallait former une Assemblée dans chaque république où elle n'avait pas été encore formée.

Entre la phase inaugurale de la Mission mondiale des croyants américains, phase qui se termina avec le premier Plan de Sept ans, et la seconde étape de cette même Mission, il y eut, ce que Shoghi Effendi appela, a l'occasion du lancement du second Plan de Sept ans, "'un répit de deux ans". Il est peu vraisemblable que la communauté américaine se soit rendu compte de ce "répit" alors qu'entre 1944 et 1946 son activité s'étendait d'Anchorage au Nord, au détroit de Magellan, au Sud de l'hémisphère occidental. Lorsqu' "une société en faillite, ravagée par la guerre et désillusionnée" arrêta ses batailles sanglantes et commença, avec la cessation des hostilités en Europe en 1945, a panser ses blessures, Shoghi Effendi dit aux baha'is américains que les exécutants du Plan divin devaient "se ceindre les reins, rassembler leurs ressources" et se préparer pour la prochaine étape de leur destinée.

Pendant les mois qui précédèrent le lancement du second Plan de Sept ans, ses appels a la raison et aux sentiments des croyants américains avaient une résonance profonde. Il dit a ces "Ambassadeurs de la foi de Baha'u'llah" que "les nations et les peuples de l'Europe gravement désorientés, déchirés par la guerre, et grièvement frappés" attendaient a leur tour que l'influence régénératrice de la foi soit étendue a eux comme elle l'a été aux peuples des Amériques. Les nouvelles qu'il recevait d'Allemagne et de la Birmanie, deux communautés anciennes et éprouvées, le touchaient grandement et elles étaient si affligeantes qu'il se hâta de faire appel a "leurs collaborateurs des pays qui avaient été providentiellement épargnés des horreurs de l'invasion, de tous les maux et de toutes les misères qui l'accompagnaient". Il leur demanda d'agir immédiatement et collectivement pour adoucir la condition de ces amis éprouvés. Il s'adressa particulièrement a la communauté américaine laquelle, de toutes ses communautés-soeurs de l'Est et de l'Ouest avait joui de la plus grande immunité" pendant la guerre et qui avait eu, en plus, le privilège d'exécuter un si grand Plan. Il leur demanda de faire tout ce qui était en son pouvoir, financièrement et par tout autre moyen a sa disposition, pour venir en aide aux communautés victimes de la guerre.

Le second Plan de Sept ans, "la seconde entreprise collective de l'histoire baha'ie de l'Amérique", commença officiellement avec la Convention de 1946. Il semblait que tout le travail effectué avec succès depuis 1921, la construction de solides institutions administratives de la foi, l'expansion de la communauté nord-américaine pendant sept années pour inclure chaque Etat composant les Etats-Unis, et chaque province du Canada, l'expansion des centres qui avait porté leur nombre de 300 a 1000, la campagne triomphale en Amérique latine, il semblait que tout avait été conçu pour créer dans l'hémisphère occidental un large front intérieur a partir duquel le Nouveau monde pouvait maintenant lancer une attaque bien organisée vers le vieux monde, vers l'Europe. Une fois encore, Shoghi Effendi rassembla sa petite armée; "les bataillons spirituels de Baha'u'llah prennent position" annonça-t-il aux amis. L'Amérique, l'enfant du vieux monde, devenue maintenant une grande personne, était maintenant prête, écrivit Shoghi Effendi, a redonner une vitalité et un renouveau destinés "au cours des décennies successives, a réaliser la conquête spirituelle du continent inconquis par l'Islam, justement considéré comme la mère du christianisme, la source de la culture américaine, la cheville ouvrière de la civilisation occidentale..."

Une fois encore, nous voyons le dessin de la grande tapisserie de Shoghi Effendi converger vers une autre roue flamboyante de gloire, le second grand centenaire de la foi, 1953, qui commémorait, nous informa-t-il, la neuvième année, marquant la naissance mystique de la mission prophétique de Baha'u'llah alors qu'il était emprisonné dans le Siyah Chal de Téhéran.

L'Europe était le but "primordial" de ce nouveau Plan qui vint a être connu comme la campagne européenne. Les objectifs du Plan étaient: la consolidation du travail aux Amériques, la finition de l'ornementation intérieure du Temple-Mère de l'Occident a temps pour la célébration de son cinquantième anniversaire en 1953, l'érection de trois piliers de la Maison Universelle de Justice par l'élection des Assemblées Nationales du Canada, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, une campagne systématique d'enseignement en Europe en vue de l'établissement d'Assemblées spirituelles dans la péninsule ibérique (l'Espagne et le Portugal), aux Pays-Bas (la Hollande et la Belgique), dans les Etats scandinaves (la Norvège, la Suède et le Danemark) et en Italie. Il terminait son message en disant qu'il versait lui même une somme de dix mille dollars comme sa contribution aux "nombreux objectifs glorieuse Croisade surpassant toute entreprise réalisée par disciples foi Baha'u'llah cours premier siècle baha'i"

Six semaines plus tard, un câble de Shoghi Effendi informait l'Assemblée Nationale d'Amérique que "Neuf pionniers compétents" devaient être envoyés en Europe, en autant de pays que possible, que le Grand-Duché de Luxembourg devait être ajouté aux Pays-Bas, et que la Suisse devait être également incluse dans le Plan. Ces deux pays et les huit précédents formèrent les "Dix Pays Buts" de notre vocabulaire baha'i. Un peu plus tard, a la vue des progrès réalisés au nord de l'Europe, la Finlande fut également ajoutée au Plan. Certes, en plus de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne, il y avait des baha'is en France, en Suisse, en Norvège, en Suède, au Danemark, en Yougoslavie, en Tchécoslovaquie, en Bulgarie et peut-être ailleurs, mais ils étaient trop isolés ou trop opprimés pour pouvoir entreprendre des activités d'enseignement de grande envergure.

Ce plan systématique et bien organisé en Europe "spirituellement affamée, déchirée par la guerre" signifiait que la communauté américaine était maintenant "lancée sur les deux hémisphères dans une seconde et incomparablement plus glorieuse étape de la Croisade systématique conçue pour culminer, dans la plénitude des temps, par la conquête spirituelle de la planète entière." Ce plan signifiait que la communauté américaine devait s'engager opiniâtrement a travailler dans trente pays, tout en assurant les fondations solides pour l'élection en 1948, de l'Assemblée Spirituelle Nationale du Canada dont la plupart des Assemblées locales dans les différentes provinces étaient nouvelles et faibles.

Pour ce front intérieur, les croyants, au mieux quelques milliers de baha'is, luttaient héroïquement contre les différents Léviathans qu'ils avaient maintenant a leur trousse. Et l'amour et l'admiration du Gardien pour eux croissaient rapidement. Certes, il avait déjà employé occasionnellement la forme rhétorique lé nous", mais dans un de ses plus émouvants messages au commencement de ce nouveau Plan, l'emploi du terme '"nous" semble être une indication très nette de la profondeur avec laquelle il s'était identifié avec le groupe de ses disciples en Amérique qui l'avaient suivi si fidèlement depuis l'instant où ils apprirent qu'il était leur Gardien: "Nous sommes trop près du noble édifice que nos mains érigent... pour être en mesure d'évaluer la contribution que maintenant nous sommes amenés, en tant que les exécutants du Mandat d'Abdu'l-Baha, en tant que les champions bâtisseurs de l'Ordre de Baha'u'llah, en tant que les porte flambeaux d'une civilisation dont cet Ordre est la cheville ouvrière et le précurseur,... a faire pour le triomphe mondial de notre foi..." Ils étaient vraiment devenus ses frères!

Il ne sert a rien, dit Shoghi Effendi, d'essayer d'envisager, a ce stade primitif, où ce nouveau Plan nous mènerait. Les obligations de l'heure présente suffisaient, l'avenir dépendait de nos efforts actuels. Il ne faut perdre aucune occasion, éviter aucun devoir, ni accomplir aucune tâche avec une sincérité mitigée, ni remettre au lendemain aucune décision. Toutes les ressources spirituelles et matérielles doivent être concentrées sur les tâches présentes. Tous doivent participer, quelque modestes, restreintes et discrètes que soient leurs parts, jusqu'à ce que la dernière once d'énergie soit dépensée et, "fatigués mais heureux", ils récoltent la moisson promise. Le continent européen était "tourmenté, politiquement convulsé, économiquement affaibli et spirituellement démuni".

Mais c'était la première étape de son entreprise missionnaire transatlantique, "au milieu d'un peuple si désillusionné, si varié dans ses races, ses langues et ses opinions, si appauvri spirituellement, si paralysé par la crainte, si confus dans ses idées, si bas dans ses idéaux, et tellement déchiré par des schismes internes..."

Lorsque ces "éclaireurs" du second Plan de Sept ans commencèrent leur mission, il n'y avait que deux vraies communautés baha'ies en Europe: celles des Iles Britanniques et de l'Allemagne, toutes les deux anciennes, et toutes les deux ayant leurs Assemblées nationales depuis avant la guerre. La première n'avait jamais cessé de travailler, quant a la seconde, elle avait été dissoute en 1937 par les autorités nazies. Elle était maintenant reconstruite et elle rassemblait héroïquement autour d'elle ses ouailles déchirées par la guerre. Le Comité Européen d'Enseignement de l'Assemblée Nationale d'Amérique et les pionniers de plus en plus nombreux des "Dix Pays Buts" coopéraient avec ces deux Assemblées Nationales. Le progrès du Plan fut si rapide que dès la fin de la seconde année, huit Assemblées locales fonctionnaient dans ces pays et comme le travail continuait a se développer le Gardien augmenta le nombre des objectifs et inclut la Finlande dans le Plan...

Le Gardien suivait le cours de ce second Plan avec la même assiduité et la même intensité qu'il avait manifesté pour le premier. En 1948, il informait les amis que "la prééminence" de la communauté baha'i américaine était té réaffirmée, pleinement justifiée et complètement sauvegardée"; que "absorbée a maintenir sa primauté parmi ses communautés soeurs", elle avait provoqué "des sentiments d'admiration et d'envie dans plusieurs communautés de l'Est et de l'Ouest". Shoghi Effendi souligna que les victoires remportées en Europe étaient des plus méritoires, car l'environnement et les circonstances étaient plus hostiles et plus difficiles qu'en Amérique latine. Malgré la disparition progressive des misères matérielles de l'après-guerre, la difficulté fondamentale d'enseigner la cause de Baha'u'llah aux peuples de l'Europe subsistait toujours. Quelques mois avant son ascension, dans une lettre a une Assemblée nationale, Shoghi Effendi était aussi net et précis dans son analyse de ce problème qu'en 1946:

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"Dans leurs préoccupations constantes d'éclairer le coeur de leurs compatriotes par le rayonnement de la révélation de Baha'u'llah et dans leurs contacts quotidiens avec des gens très conservateurs par nature, imbibés de tradition, liés, pour la plupart, par les attaches de l'orthodoxie religieuse, plongés dans le matérialisme et pleinement satisfaits du niveau qu'ils ont atteint", les baha'is doivent "nécessairement trouver le travail péniblement lent, extrêmement ardu, et souvent très décourageant... Cependant les graines qu'ils sèment assure-t-il, "sous la surveillance de la Providence, et en conséquence des tribulations qu'une génération insouciante devra tôt ou tard expérimenter, germeront, au moment désigné, et donneront une moisson d'une abondance telle qu'ils en seront tous étonnés."

Cette grande campagne européenne avait vraiment enflammé l'imagination des baha'is de partout dans le monde, y compris les nouvelles communautés de l'Amérique latine qui ont pu même envoyer quelques-uns de leurs pionniers pour aider a cette nouvelle croisade. Cependant les baha'is américains, au milieu de cette campagne , devaient affronter une crise sérieuse. L'augmentation soudaine des prix pesait lourdement sur le coût de la finition de l'ornementation intérieure du temple, une ornementation avec le même matériau que celui de l'extérieur, mais dont les dessins étaient moins élaborés. L'armée de Shoghi Effendi était en difficulté.

Il est intéressant d'étudier la réaction de Shoghi Effendi face a cette crise. Il étudia soigneusement la situation et décida de ce qu'on pouvait abandonner et ce qu'on devait garder: les budgets alloués a la Campagne européenne, a la propagation de la foi et au maintien des Assemblées et des centres en Amérique latine ne devaient pas être écourtés. De même, il considérait comme impératif la tenue de la Convention américaine et la publication des "Baha'is News". Mais toutes les autres activités telles que la proclamation, les publications et les écoles d'été devaient être soit "écourtés d'une façon draconienne soit suspendues pendant deux ans" (1949-1950). Comme tout grand général en campagne il sauvegardait trois choses: les lignes de front, la "base essentielle" des opérations, comme il l'appela, et ses lignes de communication. D'autres considérations devaient persuader le Gardien, en 1951, d'étendre cette période d'intense économie a tout le monde baha'i et l'expansion générale du travail en Terre sainte, l'amenèrent a faire appel a toutes les Assemblées spirituelles nationales et locales et aux croyants, leur demandant de réduire leurs budgets et de se rallier par un grand effort de sacrifice au soutien du Centre Mondial.

"La période d'austérité", télégraphia-t-il, "affectant précédemment destinée communauté Baha'ie américaine inévitablement plongée maintenant étendue monde baha'i entier en reconnaissance besoins pressants extrême importance tâche glorieuse internationale." Les baha'is américains avaient, en 1950, contribué pour un demi million de dollars pour l'ornementation intérieure de leur Temple.

Pendant ces années difficiles, la communauté numériquement plus faible du Canada, partenaire de la communauté américaine dans l'exécution du Plan divin, était si préoccupée par le plan de cinq ans que le Gardien lui avait donné, lorsqu'elle commençait l'étape indépendante de son développement en 1948, qu'elle n'était pas en mesure d'offrir une grande aide aux croyants des Etats-Unis. La formation, en 1951, des deux autres Assemblées Nationales en Amérique centrale et en Amérique du Sud, exigea encore plus de leur ténacité, de leurs ressources et de leur courage. Pourtant, en dépit de toutes leurs charges, leurs victoires au cours des dernières années du second Plan de Sept ans continuèrent a se multiplier.

Shoghi Effendi était très heureux de l'esprit de cette communauté vraiment héroïque qui justifiait chaque année un peu plus les espoirs et la confiance qu'Abdu'l-Baha avait placés en elle. Aussi le Gardien suggéra-t-il, pendant l'été 1950, qu'a l'époque du Centenaire du Martyre du Bab avec "tous ses souvenirs poignants", il serait convenable pour une telle communauté de décider qu'a l'occasion du Centenaire de la naissance de la mission de Baha'u'llah, coïncidant avec la fin du second Plan de Sept ans, elle mettrait une offrande digne, convenable et quintuple... sur l'autel de la foi de Baha'u'llah". Cette offrande quintuple était: le renforcement des fondations des institutions établies en Amérique du Nord; la formation de deux piliers de la future Maison Universelle de justice en Amérique latine; le maintien des solides réalisations des dix pays buts en Europe; la finition de l'ornementation intérieure du temple, et enfin aider a l'érection de la superstructure d'un édifice encore plus sacré au Centre mondial de la foi. Elle n'était qu'une "communauté adolescente et aux abois" et Shoghi Effendi lui rappela que les "ressources inemployées de la force céleste où elle peut puiser sont incommensurables dans leurs potentialités, et elles déverseront sans hésitation leur influence énergétique, si l'effort nécessaire journalier est fait et si les sacrifices exigés sont consentis et acceptés volontairement."

Aux victoires remportées par les baha'is des Etats-Unis et du Canada s'étaient ajoutés des services en Afrique, jamais envisagés dans le plan originel. Ces victoires dépassaient de loin les butins brumeux, attrayants mais vagues, qui s'étaient dessinés dans le brouillard du monde a la fin de la guerre. Elles encouragèrent le Gardien a ajouter une sixième offrande sur l'autel de Baha'u'llah, une offrande qu'il décrivit comme "le meilleur fruit" du puissant projet européen. En 1952, il télégraphia "avant fin second Plan de Sept ans de communauté américaine" l'Assemblée Spirituelle Nationale des Baha'is de l'Italie et de la Suisse devrait être formée et ajoute: "Conseille Comité Enseignement Européen a la consommation cette glorieuse entreprise lance invitation officielle leur rejeton spirituel Assemblée Nationale nouvellement formée participer ensemble avec soeurs Assemblées Nationales Etats-Unis, Iles Britanniques, Allemagne. Conférence Intercontinentale août même année capitale Suède". Il expliqua qu'il projetait de confier a cette Assemblée, la plus jeune du monde baha'i, un plan spécifique comme sa part dans la Croisade mondiale devant avoir lieu entre la seconde et la troisième célébration centenaire. C'était devenu une procédure bien établie du Gardien: les institutions nationales naissaient avec un plan a exécuter.

On peut imaginer l'émotion et l'enthousiasme des disciples de Baha'u'llah a l'annonce de cette nouvelle frissonnante. Ils voyaient ce qui, peu avant, paraissait un miracle, et leur affectueux "vrai frère", par son humilité, ses louanges et sa gentillesse, les amenait a croire que ce miracle était le leur. Que l'Italie ait réussi, en une décennie, a construire une base d'assemblées locales, a partir du vide, suffisamment solides avec sa compagne Suisse, pour porter le poids d'une Assemblée nationale indépendante, c'était une prouesse bien au-dessus des plus beaux rêves de tout un chacun.

Afin de comprendre, ne serait-ce que faiblement, pourquoi le troisième Plan de Sept ans auquel le Gardien avait souvent fait allusion depuis la fin du premier siècle baha'i, devint un Plan de Dix ans, nous devons saisir un des enseignements fondamentaux de notre foi. Un Dieu juste et bon vous donne toujours la force nécessaire a la réalisation de ce qu'il exige de vous. Les privilèges impliquent des responsabilités, cela 'est vrai pour les peuples, les nations, les communautés et les individus. Ils sont bénis et soutenus dans la mesure où ils se lèvent pour affronter leurs responsabilités et s'ils échouent, ils seront destitués et punis.

Au commencement du premier Plan de Sept ans, Shoghi Effendi avait écrit que tout "manquement a l'exploitation de ces occasions en or signifierait... la perte du privilège le plus rare conféré par la providence a la communauté américaine". "Le royaume de Dieu," avait dit Abdu'l-Baha, "possède une puissance sans limite. Audacieuse devra être l'armée de vie, si l'aide et la confirmation de ce royaume doivent lui être accordées fréquemment...". C'est cette grande loi divine qui intervint en 1953.

Les adeptes de Baha'u'llah a qui le Plan divin avait été confié, avaient relevé le défi, avaient attiré, par leur service, l'aide toujours grandissante des forces célestes, avaient rempli noblement leurs responsabilités et voyaient venir a leur rencontre leur destin avec une étape d'avance. Une armée victorieuse, ayant abattu les barrières par devant elle, est souvent si regaillardie par ses propres exploits qu'elle n'a pas besoin de répit. Elle est prête

a avancer, embrasée par ses victoires. Telle était l'humeur du monde baha'i, alors qu'il approchait de 1953 et entrait dans l'Année sainte, le Commandant en chef de cette armée était un général qui avait besoin de peu d'encouragement pour avancer et qui ne se reposait jamais. C'était donc inévitable. Etant donné l'homme, l'heure et l'humeur, les baha'is n'auront donc pas "trois ans de répit" mais plutôt douze plans complètement développés, un pour chaque Assemblée Nationale, prêts a entrer en application a l'instant où la trompette sonnera la diane, au Ridvan 1953.

La magnifique célébration du centième anniversaire de la foi, en 1944, par des communautés baha'is vivant a l'ombre de la plus atroce des guerres, fut largement dépassée par les événements associés au centième anniversaire de la révélation que Baha'u'llah reçut dans le Siyah Chal de Téhéran. Au cours des mois précédant la commémoration de cet événement, le Gardien rappela au monde baha'i, d'une façon poignante, le raz-de-marée des persécutions et des martyres qui s'étaient abattus sur tant de disciples du Bab, sur tant de héros, sur tant de femmes et même d'enfants innocents, un siècle plutôt. Il rappela le point culminant de cette vague de persécutions: L'emprisonnement de la Manifestation suprême de Dieu dans un souterrain nauséabond, immédiatement après l'attentat manqué contre la vie de Nasiri'd-Din Shah, le 15 août 1852. Le Gardien choisit pour le commencement de l'Année sainte, la célébration de la neuvième année, le milieu d'octobre 1952.

Une véritable ferveur d'anticipation se saisit des croyants de l'Est et de l'Ouest qui étaient, maintenant libres dans toutes les parties du monde et pouvaient donner libre cours a des réjouissances sans réserves. Pour la première fois peut-être de leur histoire, les baha'is avaient le sentiment palpitant de leur vraie unité en tant qu'une communauté mondiale. Ce qui avait toujours été un sujet de doctrine, enseigné et fermement cru, était maintenant senti par chaque croyant comme une grande et glorieuse réalité. Les plans pour l'avenir, lancés dans une série de messages dynamiques par Shoghi Effendi, servaient a enflammer cette nouvelle conscience.

A la fin novembre 1951, dans un câble adressé a toutes les Assemblées nationales du monde baha'i, Shoghi Effendi nous informait que l'étape internationale, tant anticipée, de l'administration de notre passé par des phases d'activités locales, nationales et internationales et que nous entrions, a un moment si favorable, dans un monde nouveau, un monde où nous commencions a penser notre stratégie d'enseignement en termes de la planète entière et de ses continents. Shoghi Effendi façonna de telle sorte ce centenaire, cette grande roue dorée de sa tapisserie, que deux choses, totalement différentes cependant liées par une grande force créatrice et réagissant l'une sur l'autre, y apparaissaient. La première, c'était le passé, la commémoration de ces événements bouleversants tels que martyres, l'emprisonnement de Baha'u'llah, son expérience mystique sur son propre rang dans le Siyah Chal, ces événements qui contribuent au progrès de l'homme dans son voyage vers le créateur. La seconde chose était la disposition ordonnée de toutes les communautés organisées de la planète dans un vaste plan, étape suivante dans le déroulement du plan divin d'Abdu'l-Baha...

Mû par l'esprit de ces deux êtres exaltés qui, Abdu'l-Baha l'a promis dans son Testament, le guideraient infailliblement, tout son coeur et toute son attention focalisés sur la propagation de cette foi dont il était le Gardien, (et le mot Gardien est un équivalent très faible de l'original arabe "Valiyy-i-Amru'llah", le défenseur de la foi, le Chef, le Commandant en chef) Shoghi Effendi se mit en devoir d'imaginer l'étape suivante du plan du Maître. Cela commença a prendre forme dans son esprit bien avant la publication de ses clauses détaillées, en 1952, dans la brochure The Baha'i Faith, 1844-1952, avec son supplément "Plan International d'Enseignement et de Consolidation de Dix Ans" qui parut au début de l'année Sainte.

Il avait, auparavant, demandé aux différentes Assemblées Nationales de lui fournir les noms des territoires et des principales îles des cinq continents où progressaient les activités baha'ies, complétant ainsi sa propre liste exhaustive qui comprenait les pays mentionnés par Abdu'l-Baha dans les Tablettes du Plan Divin, qu'il avait soigneusement compilés a l'aide des atlas. Je me rappelle sa façon de travailler sur sa carte des buts du plan de dix ans. Il était fatigué et abattu après son long travail hivernal a Haïfa, le Mausolée, les jardins, les pèlerins, la correspondance interminable et croissante. Avec peine, je lui arrachai une quasi-promesse que lorsqu'il prendrait une cure dans une ville d'eau bien connue, il se reposerait réellement et se consacrerait pendant cette période au moins a sa santé. Le soleil plaisant de l'été brillait dehors, les longues allées feuillues, le long desquelles on marchait pour aller boire aux différentes sources aux heures fixées, étaient ombragées sous la chaleur, tout vous invitait a une relaxation assoupie; mais Shoghi Effendi passait les heures diurnes penché sur sa carte, y portant des détails avec un soin infini. Toutes mes remontrances et celles de son médecin, mon appel indigné de sa promesse étaient sans effet. Il était totalement absorbé par sa tâche, oublieux de ses muscles fatigués, de ses yeux éprouvés, de son cerveau surmené.

Les hauts faits de l'Année sainte furent les quatre Conférences intercontinentales d'enseignement qui furent annoncées dans ce câble de novembre 1951. Elles devaient se tenir sur les quatre continents: la première en Afrique, a Kampala en Ouganda, au printemps 1953; la seconde a Chicago aux Etats-Unis durant Ridvan; la troisième a Stockholm en Suède, pendant l'été; et la 'quatrième a la Nouvelle-Delhi en Inde, a l'automne. Le modèle de ces quatre conférences, qui furent annoncées un an avant la divulgation du nouveau plan, devenait apparent au fur et a mesure qu'on s'approchait du moment où elles devaient avoir lieu. Toutes les Mains de la Cause étaient invitées a assister le plus possible a ces conférences; a chacune d'elles le Gardien enverrait un représentant personnel, en la personne d'une Main "honorée par une association directe aux entreprises nouvellement commencées au Centre mondial". Dans l'ordre chronologique, ces Mains étaient: Leroy loas, Amatu'l-Baha Ruhiyyih Khanum, Ugo Giachery et Mason Remey.

Ces émissaires rempliraient une mission quadruple: ils porteraient une reproduction du portrait miniature du Bab pour le montrer aux amis réunis a cette occasion historique; ils délivreraient le message du Gardien aux participants; ils expliqueraient le caractère et le but de la croisade spirituelle mondiale, ils rallieraient les participants a l'exécution énergique, soutenue, enthousiaste des tâches colossales qui les attendaient.

Avant d'entrer plus en détails, il faut rappeler un fait. Certes dans son télégramme de novembre 1951 annonçant la tenue de ces conférences durant l'Année sainte, Shoghi Effendi fait une vague allusion aux choses a venir lorsqu'il affirme qu'elles inaugureraient une nouvelle étape dans les activités intercontinentales et démontreraient la solidarité Baha'ie a une échelle et avec une intensité sans précédent. Cependant, le monde baha'i les considérait comme de grands rassemblements de jubilé pour commémorer l'An Neuf, la fin victorieuse du second plan de sept ans et des nombreux autres plans régionaux. En fait, une semaine avant la réception de ce câble annonçant ces quatre grandes conférences par le monde baha'i, le Gardien, dans un autre message, faisait allusion a "'un troisième plan de sept ans". Aussi, en 1951, n'y avait-il aucune corrélation dans l'esprit des baha'is entre le commencement d'une nouvelle croisade et ces rassemblements.

L'extraordinaire succès que rencontraient les baha'is partout dans le monde, l'enthousiasme des Assemblées nationales telles que l'Amérique et la Grande-Bretagne, qui avaient remporté des victoires remarquables en Europe et en Afrique respectivement, précipitèrent le cours des événements, trois ans avant le commencement du plan de dix ans. Si vaste est l'étendue couverte par les dispositions de ce plan, si nombreuses sont les communications de Shoghi Effendi a ce sujet, (ses listes, ses déclarations, ses statistiques commençant en 1952 et poursuivies jusqu'à son ascension en 1957) qu'on ne peut en donner ici qu'un très bref aperçu. D'autre part, cette croisade couronnait son ministère et l'oeuvre de sa vie, elle était pour lui une source de grand bonheur et les victoires successives de ce plan étaient un réconfort pour son coeur si souvent triste et surchargé. Par conséquent, ce sujet doit être traité même s'il l'est de façon insuffisante.

Aucun mot ne peut mieux résumer l'essence de ce plan suprême conçu et organisé par lui que la définition qu'il en donna lui-même: "Qu'il n'y ait point d'erreur. Le but avoué et primordial de cette croisade spirituelle n'est autre que la conquête des citadelles des coeurs des hommes.

Son théâtre d'opération est la planète entière. Sa durée: toute une décennie. Son commencement coïncide avec le centenaire de la déclaration de cette même mission."

Tous les Baha'is étaient invités a assister a ces conférences. Cependant, Shoghi Effendi avait invité tout particulièrement les représentants des assemblées nationales et des communautés qui étaient concernées par le travail d'enseignement sur chaque continent. Si nous commençons avec la première conférence tenue au mois de février en Afrique, et si nous analysons ce que la phase cruciale de la croisade impliquait pour ce continent, l'ouverture de nouveaux territoires et la consolidation du travail partout, nous aurons une idée de l'impact fracassant que ces rassemblements historiques eurent sur le cours de l'histoire baha'ie: 57 territoires devaient faire l'objet d'une activité concentrée d'enseignement et six Assemblées spirituelles nationales en étaient responsables, nommément celles des baha'is des Iles Britanniques, des Etats-Unis, d'Iran, d'Egypte et de Soudan, d'Irak et celle de l'Inde, du Pakistan et de Birmanie; ces Assemblées devaient ouvrir 33 territoires et consolider le travail déjà commencé dans 24 autres pays. Les tâches allouées pour toute la communauté de l'hémisphère occidental, a ses quatre assemblées nationales (celles des Etats-Unis, du Canada, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud) étaient également titanesques: 56 territoires, dont 27 a ouvrir et 29 a consolider, comprenant des buts aussi éloignés les uns des autres que le Yukon et Keewatin au nord, et les Iles Falkland au sud.

Les buts asiatiques n'étaient pas moins impressionnants: 84 territoires en tout, 41 a ouvrir et 43 a consolider, des objectifs allant des pays de l'Himalaya aux îles éparpillées sur l'océan Pacifique, ces buts étaient partagés entre neuf assemblées nationales: l'Iran, l'Inde, le Pakistan et la Birmanie, l'Irak, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis le Canada, l'Amérique centrale, l'Amérique du Sud et les Iles Britanniques. A la conférence européenne, cinq assemblées nationales reçurent 52 territoires comme leur part du plan, 30 a ouvrir et 22 a consolider. Assise parmi ses pairs, les Assemblées Nationales des Etats-Unis, du Canada, des Iles Britanniques, et de l'Allemagne, la plus jeune des institutions nationales du monde baha'i, celle de l'Italie et de la Suisse, a peine âgée de trois mois, recevait du Gardien 7 territoires buts.

Plus de 3.400 croyants assistèrent a ces rassemblements historiques tenus en des lieux très éloignés les uns des autres, et très éloignés de la plupart des communautés locales largement dispersées dans le monde. Le Gardien annonça que non seulement les principales races y étaient représentées mais encore plus de 80 pays. A la première conférence, tenue en Afrique, assistèrent dix Mains de la Cause, des amis venant de 19 pays et les représentants de 30 tribus et races. Elle était particulièrement bénie par la participation de 100 nouveaux croyants africains, les invités personnels du Gardien, une marque de considération de sa part, montrant nettement son profond attachement aux nouveaux baha'is africains. En réalité, dans son très important message a cette première conférence de l'Année sainte, il citait les paroles de Baha'u'llah comparant les gens de couleur a la "pupille noire de l'oeil" a travers laquelle "la lumière de l'esprit brille". Shoghi Effendi louait la race africaine et le continent africain, un continent qui "n'était pas contaminé par les maux d'un matérialisme grossier, effréné et cancéreux rongeant le tissu de la société humaine aussi bien a l'Est qu'a l'Ouest, dévorant jusqu'aux organes vitaux des peuples et des races en conflit habitant les continents américain, européen et asiatique, et, hélas, menaçant d'engloutir dans une convulsion catastrophique la généralité de l'humanité." Un tel avertissement donné dans une telle conjoncture historique de la destinée de l'Afrique, ne devrait-il pas être remémoré plus intensément par le groupe des disciples de Baha'u'llah travaillant la-bas pour établir un ordre mondial a base spirituelle?

La seconde et "sans aucun doute", écrivit Shoghi Effendi, "la plus distinguée des quatre conférences intercontinentales d'enseignement commémorant le centenaire du commencement de la mission de Baha'u'llah" et marquant le lancement de cette "Croisade spirituelle, mondiale, faisant époque, et durant une décennie", se tint au milieu de l'Année sainte. Elle fut le trait central des célébrations et le sommet des festivités de ce Centenaire. Cette grande conférence de toutes les Amériques eut lieu a Chicago, au coeur du continent, dans la ville même où, soixante ans auparavant, le nom de Baha'u'llah avait été, pour la première fois en Occident, prononcé en public, lors d'une session du Parlement mondial des Religions tenue a l'occasion de l'Exposition Universelle de Columbia qui s'était ouverte le 1er mai 1893. Cette conférence fut précédée par l'achèvement d'une entreprise de cinquante ans: la consécration a l'adoration publique, le 2 mai, du Temple-Mère de l'Occident.

Shoghi Effendi nous assura que ce temple non seulement était "la plus sainte Maison d'adoration a être jamais érigée a la gloire du Plus Grand Nom" mais encore qu'aucune Maison d'adoration "ne possédera jamais les potentialités incommensurables dont elle a été dotée" et que le rôle qu'elle est destinée a jouer dans l'accélération de l'émergence de l'ordre mondial de Baha'u'llah" ne pouvait encore être sondé.

Le dévoilement de la maquette du futur temple baha'i sur le Mont Carmel, au Centre mondial de la foi, fut un autre événement marquant de cette Conférence, décidé par Shoghi Effendi. Une conférence qui, dit-il, "sera pour l'histoire le plus important rassemblement tenu depuis la fin de l'âge héroïque de la foi et qui sera regardée comme le plus puissant agent pavant la voie au lancement d'une des phases les plus brillantes de la plus grande croisade jamais entreprise par les adeptes de Baha'u'llah depuis le commencement de sa foi..."

La part du lion de cette croisade de l'exécution du plan divin d'Abdu'l-Baha avait été donnée par Shoghi Effendi a ceux qui, disait-il affectueusement, étaient non seulement "toujours prêts a porter le poids de la responsabilité" mais qui étaient aussi, en fait, les "mandataires principaux" et "désignés" de ce plan. Ils avaient effectué dans le passé "des travaux inlassables et herculéens". Maintenant, cette communauté, par l'intermédiaire de ses deux institutions nationales, celle des Etats-Unis et celle du Canada, en compétition avec les dix autres Assemblées nationales ayant reçu chacune une bonne part des objectifs, cette communauté devait réellement lutter fort pour garder la tête du peloton et pour remporter les victoires attendues.

Il y avait 131 territoires vierges dans le monde qu'on devait ouvrir a la foi de Baha'u'llah en dix ans et il y avait 118 territoires qui nécessitaient un travail de consolidation. Sur ces 249 territoires, pour la plupart de grandes nations indépendantes, les Etats-Unis et le Canada reçurent 69 pays, soit 28 pour cent du total; 48 Assemblées Nationales devaient être formées avant 1963 dont 36 par les Etats-Unis. La première dépendance jamais édifiée au voisinage d'un temple baha'i devait être également entreprise par cette communauté; en outre, elle devait acheter deux sites pour deux futures Maisons d'adoration: une a Toronto au Canada et l'autre a Panama. Elle devait traduire et publier de la littérature baha'ie dans dix langues indiennes de l'hémisphère occidental et réaliser de nombreux autres buts.

En présence des douze Mains de la Cause assistant a cette conférence où 33 pays étaient représentés, plus de 100 croyants se levèrent pour s'offrir comme pionniers pour mettre en marche l'accomplissement des tâches que le Gardien venait de leur expliquer si brillamment dans son message. Le Gardien appelait les croyants américains, "les exécutants principaux", les croyants canadiens, leurs ""alliés", et les croyants de l'Amérique latine, leurs "associés", a "se raidir et inaugurer... dans les autres continents du globe une campagne internationale conçue pour porter le stade ultérieur de leur glorieux travail déjà commencé dans l'hémisphère occidental." Etre pionnier exigeait, Shoghi Effendi l'avait écrit longtemps auparavant, "d'abord et avant tout ces qualités de renonciation, de ténacité, de ferveur intrépide et passionnée."

Et ces qualités se reflétaient sur le visage de ces nouveaux volontaires, jeunes et vieux, seuls ou en famille, noirs et blancs, comme une ardeur céleste. C'était l'avant-garde des troupes de choc, suivie par une petite armée déterminée et toujours plus nombreuse de pionniers venant de toutes les parties du monde, qui se lancèrent a l'assaut des citadelles de ces territoires "non ouverts" et en gagnèrent cent en une année. Ces pionniers reçurent de Shoghi Effendi le titre de "Chevalier de Baha'u'llah", titre réservé a tout croyant, d'un âge pouvant prendre part a une telle décision, qui le premier partait comme pionnier dans un territoire vierge ou qui arrivait ou qui était en route pour un tel territoire avant la fin de la première année de la croisade. Plus tard ce même titre fut décerné a ceux qui arrivaient les premiers dans un territoire non encore ouvert. Il est intéressant de noter qu'Abdu'l-Baha avait employé le terme de "Chevalier du Seigneur" qui semble présager ce beau titre décerné par le Gardien. Toutes les flammes allumées par le Gardien l'étaient avec des étincelles qu'il recueillait avec soin dans les écrits de ses aïeux.

L'ouverture des portes du Temple-Mère a l'adoration publique, les réunions publiques où d'éminents baha'is et non baha'is prirent la parole, attirèrent des milliers de personnes et reçurent une publicité enthousiaste et nationale dans la presse, la radio et la télévision. Pendant l'Année sainte la lumière de la foi brilla vraiment avec éclat dans la grande République de l'Occident, le berceau de l'Ordre Administratif.

Un des moments des plus émouvants, des plus inoubliables de ces glorieuses célébrations fut lorsque plus de 2500 baha'is passèrent devant la représentante du Gardien, Amatu'l-Baha Ruhiyyih Khanum, pour être oints avec l'essence de rose que le Gardien lui avait confiée a cet effet. C'était a l'occasion de la consécration du Temple, suivie par une sélection des écrits saints lue en anglais et chantée en arabe et en persan (un programme préparé par le Gardien lui même). Cette cérémonie fut couronnée par un acte solennel de Visitation: lorsque les participants défilèrent devant les portraits du Bab et de Baha'u'llah, et purent voir, pendant un moment fugace, les visages des deux Manifestations de Dieu pour ce jour nouveau. Ils quittèrent la Maison d'adoration, silencieux, profondément heureux et comblés.

La troisième Conférence Intercontinentale d'Enseignement se tint a Stockholm, au mois de juillet. Elle fut honorée de la plus grande participation des Mains de la Cause: quatorze Mains étaient présentes, parmi lesquelles cinq Iraniens et une Main de la Cause de l'Afrique qui venaient de terminer de longs voyages dans l'hémisphère occidental, voyages entrepris sur les instructions du Gardien, immédiatement après le lancement de la Croisade a Chicago. Il ne serait pas inadéquat de qualifier ce troisième rassemblement de "conférence exécutive". Bien que numériquement plus faible que la conférence américaine, néanmoins les circonstances permirent a un grand nombre des membres dévoués et actifs des assemblées nationales, d'enseignants, d'administrateurs et de pionniers de participer pendant six jours non seulement a la commémoration solennelle et joyeuse des événements dont l'Armée Sainte était le centenaire, mais aussi a une analyse studieuse du travail que leur bien-aimé Gardien avait confié aux trois assemblées nationales de l'Europe et celle des Etats-Unis. Le seul but européen de l'Assemblée Nationale du Canada étant la consolidation de la cause en Islande.

Dans son message a cette occasion historique, Shoghi Effendi rappelait l'histoire de la foi baha'i en Europe, ~i un continent qui, au cours des derniers deux mille ans avait exercé une influence déterminante dans la destinée de la race humaine, une influence inégalée par aucun autre continent du globe". Shoghi Effendi rappelait également les influences du christianisme et de l'islam sur le destin européen. En récapitulant les progrès et les victoires remportés depuis la fin de la dernière guerre mondiale, le Gardien faisait ressortir que ces victoires étaient dues "a l'impact dynamique d'une série de plans nationaux préparatoires au lancement d'une croisade mondiale".

Ces plans étaient le second plan de sept ans, conduit par les croyants nord-américains, un plan de six ans et un de deux ans conduits par les croyants des Iles Britanniques, et un plan de cinq ans exécuté par les communautés allemande et autrichienne. Les résultats de ces efforts bien organisés avaient été: l'établissement des assemblées locales en Eire, en Ulster, en Ecosse, dans le pays de Galles, dans chacune des capitales des dix pays buts, une grande augmentation du nombre des assemblées, des groupes et des centres dans tous les pays d'Europe, l'élection d'une autre assemblée nationale, et l'acquisition d'un centre national a Francfort.

L'heure était venue, écrivait Shoghi Effendi, pour les baha'is "de commencer convenablement et de poursuivre énergiquement la campagne européenne d'une Croisade Mondiale" qui non seulement élargirait les fondations de la foi en Europe mais encore "diffuserait sa lumière sur les îles voisines" et "s'il plaît a Dieu, porterait son rayonnement sur les territoires orientaux du continent et au dela d'eux, aussi loin que le coeur de l'Asie". L'Europe, affirmait il, entrait "dans ce qui peut bien être considéré comme la phase inaugurale d'une grande régénération spirituelle qui promet d'éclipser toutes les périodes de son histoire spirituelle. Et il exprime l'espoir que "les représentants élus des communautés nationales baha'ies sur le sol de ce continent" puissent "donner une grande impulsion a la conversion, la réconciliation et l'unification finale des divers peuples, races et classes en conflit, habitant a l'intérieur des limites d'un continent en travail, gravement agité et spirituellement affamé."

Des paroles telles que celles-ci embrasèrent les participants et les incitèrent a agir immédiatement. Il y eut 63 offres venant de l'assistance pour partir comme pionnier dans les buts européens, et ce qui était plus inhabituel, diverses assemblées et divers comités nationaux dont les membres étaient présents, prirent immédiatement les offres en considération. Ainsi, avant la fin de la conférence, les pionniers pour tous les buts européens étaient désignés, a l'exception des territoires sous l'orbite soviétique. L'enthousiasme objectif de l'édification d'un des deux temples prévus primitivement dans le "Plan d'Enseignement et de Consolidation de Dix Ans", le Temple-Mère de l'Europe a construire en Allemagne, reçut de substantiels engagements financiers, comme d'ailleurs les trois autres projets européens nécessitant de grandes sommes d'argent, nommément, l'achat du Haziratu'l-Quds national des baha'is britanniques et les sites pour deux futurs temples baha'is a Stockholm et a Rome.

De nombreux pionniers étaient des délégués de personnes zélées mais moins libres assistant a la conférence, et on assista a d'émouvantes scènes de personnes offrant des objets personnels ne pouvant offrir leur aide pécuniaire. La convocation de cette conférence eut un grand retentissement favorable et la réunion publique tenue a cette audience jamais encore obtenue par les baha'is sur le continent.

Douze mois après le commencement de l'Année sainte, a la mi-octobre 1953, eut lieu la grande Conférence Intercontinentale Asiatique a la Nouvelle Delhi en Inde. Le lieu logique d'un tel rassemblement aurait dû être l'Iran ou a défaut l'Irak, mais la fièvre fanatique des populations de ces deux pays et l'animosité constante et inchangée du clergé musulman rendait le choix de ces deux pays impossible. Il était, par conséquent, hautement convenable que la grande communauté indienne, un pays ouvert a la foi aux premiers jours du ministère de Baha'u'llah, reçoive cet honneur. Des amis venant du monde entier, d'Europe, d'Afrique, d'Australie, de Nouvelle-Zélande, du japon; de nombreux pays de l'hémisphère occidental et surtout d'Iran se réunirent a cette occasion. Les cinq Mains de l'Asie qui avaient déjà assisté aux autres Conférences a la demande du Gardien, et six autres Mains venant de la Terre sainte, de l'Europe, de l'Amérique, de l'Afrique et de l'Australie y participèrent également.

Dans son message a cette dernière conférence, Shoghi Effendi, après avoir salué les participants "avec de grands espoirs et d'un coeur joyeux" faisait ressortir les circonstances uniques et l'importance du travail en Asie: dans cette "croisade entourant le monde" la "triple campagne englobant la terre asiatique, le continent australien et les îles de l'Océan Pacifique" peut "être regardée a bon escient comme la plus étendue, la plus ardue et la plus importante de toutes les campagnes". Sa portée était "sans parallèle dans toute l'histoire de la foi dans l'hémisphère oriental"; elle devait avoir lieu sur le sol d'un continent où "il y a plus d'un siècle a été versé tant de sang sacré", un continent jouissant d'une position sans rivale dans le monde baha'i, un continent où résidait la majorité écrasante des adeptes de Baha'u'llah; un continent qui était le "berceau des principales religions de l'humanité, le foyer de tant des plus puissantes et des plus anciennes civilisations qui ont fleuri sur cette planète, le carrefour de tant de races et de tribus, le champ de bataille de tant de peuples et nations",

au-dessus de l'horizon duquel, dans les temps modernes, les soleils de deux révélations indépendantes se sont successivement levés, dans les limites duquel des lieux aussi saints que le Qiblih de notre foi (Bahji), la "Mère du Monde" (Téhéran) et "le Point de mire d'un monde adorateur" (Baghdad) sont enfouis. Le Gardien terminait son message: "puisse cette croisade ' lancée simultanément sur le continent asiatique, les îles voisines et les Antipodes... fournir, au fur et a mesure de son développement, l'antidote des forces funestes de l'athéisme, le nationalisme et le matérialisme qui déchirent jusqu'aux entrailles ce continent tourmenté; et puisse-t-elle constituer ces scènes d'héroïsme qui, plus que toutes les révolutions séculaires qui ont agité sa face, ont laissé leur empreinte perpétuelle sur le destin des peuples et des nations habitant dans ses limites."

Les amis présents a cette conférence furent aussi enthousiastes pour accomplir les tâches qui leur étaient allouées, que leurs frères et soeurs assistant aux trois Conférences précédentes. Cet enthousiasme augmenta encore plus lorsqu'un télégramme du Gardien annonça la bonne nouvelle que son espoir personnel, exprimé avant le commencement de l'Année sainte, avait été réalisé par l'achèvement de la superstructure du Mausolée du Bab. Les baha'is se rallièrent en masse pour faire face aux buts, dont le plus important était le travail dans 84 pays et territoires pour la moitié vierges. Il y eut 70 offres de pionniers dont 25 partirent rejoindre leurs postes peu après la fin de la conférence. On contribua avec prodigalité aux fonds pour l'achat de trois sites de temples futurs, a Baghdad, Sydney et Delhi; 9 acres de terres furent acquis pour ce dernier temple avant la fin de la conférence. Des contributions substantielles furent faites pour le temple le plus précieux et longtemps attendu qui devait être érigé dans la ville natale de Baha'u'llah, l'un des deux Temples originellement programmés dans la croisade mondiale. Des réunions publiques et une réception de plus de mille invités furent organisées auxquelles assistèrent de très importantes personnalités. Le président de la République Indienne, le Dr. Rajendra Prasad ainsi que son fameux Premier Ministre, Jawaharlal Nehru, reçurent une délégation de la Conférence et la publicité fut large et amicale. A la fin de la Conférence, Shoghi Effendi donna comme instructions aux Mains qui y assistaient de se disperser et de faire des voyages durant parfois des mois, lui-même fournissant l'assistance et la direction de leurs itinéraires.

En plus de ce qu'on peut appeler son travail de routine qui lui prenait quotidiennement une grande partie de son temps, pendant deux ans Shoghi Effendi avait non seulement travaillé et élaboré dans tous ses détails une croisade planétaire ainsi que les plans exhaustifs de ces grandes célébrations de jubilé, mais également écrit Dieu Passe près de nous et une version similaire, mais plus courte, sur le même thème en persan. On pourrait croire qu'une accalmie dans son esprit créateur s'ensuivit; ce ne fut pas le cas. A la fin de chacune des conférences, il envoyait un flot de télégrammes et de lettres, comme des missiles vers les cibles. Pendant quatre ans, il ne permit jamais que l'ardeur chauffée a blanc qu'il avait suscitée, tiédisse.

Un exemple type de cette façon d'agir est le télégramme qu'il envoya a l'Assemblée Nationale d'Iran immédiatement après la fin de la Conférence américaine, un moment où le monde baha'i était grisé par la révélation de ce nouveau plan: "Annoncez amis pas moins 128 croyants offerts pionniers service durant célébrations Wilmette incluant offre pionnier colonie lépreuse. Appelle amis ne pas permettre se laisser dépasser par frères occidentaux. Centaines doivent se lever. Buts énumérés intérieurs et extérieurs doivent être rapidement accomplis. De réponse dépendent progrès protection victoire communauté entière. Attends impatiemment preuve action". De tels appels souvent répétés avaient un tel effet sur une communauté qui avait vécu toute son existence dans une cage pitoyable de préjugés et de persécutions que les croyants persans, voyant, sans y croire, une porte ouverte devant eux commencèrent a se déverser aux quatre coins du monde, en un nombre de plus en plus croissant. Sans leur assistance, leur fort soutien financier et leur constante disponibilité au sacrifice, la Croisade n'aurait jamais été gagnée comme elle l'a été en 1963.

Sachant que les croyants de l'occident étaient peu nombreux, Shoghi Effendi les aida fréquemment dans leurs projets. Immédiatement après l'inauguration officielle de la Croisade a la Conférence de Chicago, il envoya une contribution de 500 livres Sterlings a l'Assemblée Nationale de l'Amérique Centrale pour l'aider a acheter son terrain du Temple a Panama et 1000 livres Sterlings a l'Assemblée Nationale Italo-Suisse pour son terrain du Temple a Rome; au même moment il fit pression sur les Assemblées Nationales des Etats-Unis, d'Angleterre et de l'Inde pour qu'elles accélèrent la publication de la littérature baha'ie dans les langues qui leur étaient attribuées, envoyant une contribution de 1000 livres Sterling a l'Angleterre sachant l'énorme charge financière que ce travail imposait a cette dernière.

La Croisade Mondiale prévoyait la traduction de la littérature baha'ie dans 91 langues nouvelles: 40 en Asie, 31 en Afrique, 10 en Europe et 10 en Amérique. Les communautés indienne, australienne, britannique et américaine en étaient responsables. Il soutint fréquemment, durant la Croisade Mondiale, ce travail. En fait, la question des langues et des traductions fut une préoccupation constante de tout son ministère. Il choisissait les langues, insistait pour la publication des livres, s'informait du moment où les livres seraient disponibles, payait très souvent pour leur impression et quelquefois pour leur traduction, et achetait fréquemment un certain nombre d'exemplaires pour lui-même a Haïfa.

La vision de Shoghi Effendi, son insistance dans l'exécution du travail de la foi, son aide financière fréquente, aide rendue possible par le Huquq (le droit de Dieu) qui était payable a lui en tant que Chef de la foi selon le Testament d'Abdu'l-Baha, étaient des moteurs puissants derrière toutes les entreprises. Il contribuait sagement et généreusement, quelquefois comme un exemple pour les autres, quelquefois comme une forme personnelle de participation a une activité qui lui était chère et parfois parce qu'il n'y avait aucune autre source. Il contribua par exemple 50 livres Sterling aux baha'is de Tasmanie pour qu'ils exécutent leur première campagne d'enseignement dans cet Etat.

Il paya en de nombreuses occasions pour les voyages des enseignants baha'is, en particulier après l'ascension du Maître, quand les croyants occidentaux devaient affronter de multiples épreuves et avaient besoin de s'approfondir dans la foi et qu'il sentit qu'une visite de baha'is persans anciens et éprouvés serait utile. Plus tard, il subvint aux dépenses des Mains de la Cause qui n'étaient pas en mesure de financer elles-mêmes les voyages qu'il leur demandait de faire. Lorsqu'il transféra sur le Mont Carmel les restes de la mère et du frère d'Abdu'l-Baha de leurs modestes cimetières d'Akka, il contribua 1000 Livres Sterling au fonds du Temple-Mère de l'Occident en leur mémoire. Plusieurs fois au cours du Plan, il donna une certaine somme d'argent et appela un certain nombre de croyants a se lever et atteindre, avec Cette somme, un objectif donné. Il accompagnait parfois ces engagements d'une déclaration émouvante et révélatrice, disant par exemple qu'il "était privé de participation personnelle" ou que c'était son "don inaugural".

Il ne manqua jamais de venir en aide avec générosité aux victimes des désastres. Quand des villageois en Iran étaient persécutés et martyrisés, ou quand les résidants de la Russie furent expulsés et retournèrent complète ment démunis dans leur pays d'origine, ou lorsqu'un tremblement de terre ou une inondation avait laissé des amis sans abri et dépouillés, Shoghi Effendi venait a leurs secours. Il alloua une contribution annuelle a l'Assemblée Nationale iranienne pour l'aider dans l'achat des sites historiques dans ce pays et qui était une de ses tâches spécifiques. Il aida a l'achat de nombreux centres nationaux Baha'is et de terrains de Temples et, il paya fréquemment lui-même pour l'édification des pierres tombales des croyants éminents et très aimés comme une marque de son estime et de son affection.

La plus grande contribution qu'il fit en une seule fois, fut son engagement de payer un tiers de million de dollars, pour l'érection des trois Temples qui devinrent des buts de la Croisade Mondiale. La façon dont il était arrivé a ce chiffre était typique de sa manière de faire en toute chose: il fournit d'abord les plans pour les Temples et demanda aux Assemblées Nationales responsables des constructions, une estimation, qu'il assujettit incidemment a un prix plafond; s'étant assuré que les Temples coûteraient environ un million de dollars et que 150.000 dollars étaient disponibles, il estima ce que les baha'is pouvaient contribuer jusqu'à la fin du Plan, un tiers de million était assuré par ce calcul, il procéda alors a un nouveau calcul, pour savoir combien lui-même pouvait contribuer, sachant par l'expérience passée ce que pouvait être le revenu du Centre Mondial, les frais et les engagements pour les autres plans et ayant alloué un budget pour les impondérables, il arriva finalement au chiffre du tiers du million. Quant au troisième tiers, il le laissa a Dieu, sachant très bien que si ses adeptes faisaient leur maximum, des forces invisibles seraient libérées et les rendraient a même d'atteindre le but.

Revenons a cette "Croisade Spirituelle qui englobe le monde, qui dure une décennie, qui bouleverse l'âme et dont le destin est si chargé..." nouvellement inaugurée et ses quatre objectifs: développement des institutions au Centre Mondial de la Foi, consolidation des fronts intérieurs des douze pays servant de bases administratives aux douze plans composant le Plan; consolidation de tous les territoires déjà ouverts a la Foi; ouverture des principaux territoires encore vierges de la planète.

Certes l'administration de la Croisade avait été confiée aux douze Assemblées Nationales, mais chaque croyant, de quelque race, nation, classe, couleur ou sexe qu'il fût, devait apporter son aide particulière a l'accomplissement de il cette gigantesque entreprise". Dans un passage coloré d'une prose étincelante, Shoghi Effendi leva le rideau sur l'arène de ce nouveau Plan: Où? Eh bien, partout - dans le cercle Arctique, dans les déserts, les forêts, les îles de la froide Mer du Nord et les climats torrides des Océans Indien et Pacifique. A qui? Eh bien, a tous les peuples - aux tribus africaines, aux Esquimaux du Canada et du Groenland, aux Lapons du Grand Nord, aux Polynésiens, aux Aborigènes de l'Australie, aux Indiens Peaux Rouges de l'Amérique. En quelles circonstances? Non seulement dans la brousse, mais aussi dans les villes, "plongées dans un matérialisme grossier", où les gens respirent l'air fétide "d'un racisme agressif", sont enchaînés par il un intellectualisme arrogant" entourés par ""un nationalisme aveugle et militant", plongés dans un "cléricalisme étroit et intolérant". Quelles places fortes les soldats de Baha'u'llah devaient-ils prendre d'assaut? Les forteresses de l'Hindouisme, les monastères du Bouddhisme, les forêts de l'Amazonie, les montagnes du Tibet, les steppes de la Russie, les immensités désolées de la Sibérie, la Chine intérieure, la Mongolie, le japon et leurs multitudes grouillantes sans qu'ils oublient de s'asseoir avec les lépreux, les parias dans leur colonie pénitentiaire. ""Je lance" écrivit-il, "un appel passionné pour qu'ils obéissent, comme il convient a ses soldats, aux sommations du Seigneur des Armées et se préparent pour le jour des jours, où ses bataillons victorieux, avec l'accomplissement des hosannas des anges invisibles du Royaume d'Abha, célébreront l'heure de la victoire finale."

Il était clair que le Gardien envisageait cette entreprise de Dix Ans comme rien de plus et rien de moins qu'une bataille, la bataille de "l'armée invincible, loyale et universelle" des "soldats de Baha'u'llah", Son "armée de la lumière", contre les bataillons en tranchées des ténèbres assujettissant le monde. Le "Commandant Suprême", était Abdu'l-Baha, derrière Lui se tenait Son Père, "Le Roi des Rois", Son aide était assurée "a tout croisé se battant pour Sa Cause". "Des bataillons invisibles" étaient rassemblés, "en rangs serrés, prêts a déverser des renforts d'en haut".

Ainsi le petit groupe des héros de Dieu s'assemblèrent-ils, prêts a avancer et "blasonner sur leurs boucliers les emblèmes de nouvelles victoires", prêts a implanter les "symboles terrestres de la souveraineté non-terrestre de Baha'u'llah" dans tous les pays du monde, prêts a poser les fondations administratives inattaquables du Royaume de Dieu promis par le Christ.

Une étude rétrospective nous montre que Shoghi Effendi divisa sa grande Croisade Mondiale en quatre phases. La première allant de Ridvan 1953 a Ridvan 1954, la seconde de 1954 a 1956, la troisième de 1956 a 1958. Il associa la fin de la quatrième phase a l'achèvement des Temples programmés dans le Plan de Dix Ans, et tous les trois Temples étaient pratiquement finis en 1963. Le Gardien n'avait pas fixé la durée de ces phases au commencement du Plan. Leurs durées étaient le résultat de l'avancement naturel des forces libérées par la Croisade et de la nature des victoires remportées. Mais c'est lui qui dirigeait ces forces, d'abord vers une série de buts, ensuite vers une autre série, tout au long des campagnes entreprises par son armée composée de douze bataillons.

Trois semaines après l'ouverture de la Croisade, Shoghi Effendi télégraphiait au monde baha'i que "'le Suprême problème défiant" les exécutants du Plan, était la nécessité d'une dispersion "immédiate, résolue, continue, universelle" dans tous les territoires non ouverts. Shoghi Effendi ne manquait jamais de ce sens convenable du protocole, y compris ce qu'on peut appeler le protocole divin, ajoutait que les Exécutants Principaux du Plan Divin d'Abdu'l-Baha, en vertu de la primauté que ses Tablettes leur conféraient, jouissaient de la prérogative d'envoyer des pionniers dans les buts alloués a leurs communautés soeurs de l'Est et de l'Ouest. Il lançait alors un appel pour 130 "Soldats Baha'is" afin d'ouvrir les territoires non conquis du globe pendant la première année de la Croisade. Quatre mois plus tard, avant même que la Conférence Intercontinentale d'Enseignement de l'Asie ait lieu, il informait le monde baha'i que plus de 300 croyants étaient volontaires pour devenir pionniers, 150 de l'Amérique du Nord, plus de 50 de l'Europe, plus de 40 de l'Afrique et plus de 40 de l'Asie. En moins de cinq mois, 28 territoires et îles avaient été ouverts a la Foi. Toujours enhardi par le succès, Shoghi Effendi demandait aux amis, comme le total des pays ouverts a la Foi dépassait 150, de s'efforcer d'atteindre le chiffre 200 a la fin de l'Année Sainte.

Les baha'is y arrivèrent presque a cette date, puisque le chiffre 200 fut atteint trois semaines après la fin de l'Année Sainte. En septembre 1953, Shoghi Effendi annonça les premiers noms de ceux qu'il avait inscrit sur "le Tableau d'Honneur" qu'il projetait, une fois complet, de placer sous le plancher de l'entrée du Tombeau Saint de Baha'u'llah a Bahji, un lieu convenable pour ses héroïques "Chevaliers", les noms et les territoires étaient mentionnés sur ce tableau et jusqu'à la fin de sa vie il continua a annoncer périodiquement le nom des pionniers qui gagnaient cet honneur. En 1963, ce Tableau comprenait des représentants de toutes les races, de tous les continents, des deux sexes et de nombreux pays. Neuf mois après l'ouverture de la Croisade, le Gardien pouvait annoncer que presque 90 pays avaient été ouverts, les trois quart du nombre total, a l'exception de ceux sous l'orbite Soviétique et, dans son message de Ridvan 1954, il pouvait donner la bonne nouvelle que les "Chevaliers du Seigneur des Armées dans la poursuite de leurs missions sublimes pour la conquête de la planète" avaient ouvert 100 territoires vierges. Ce faisant la phase inaugurale de la Croisade avait été "triomphalement close... dépassant nos espoirs les plus fondés".

C'était durant ce même Ridvan que les Mains de la Cause des différents continents, suivant les instructions du Gardien, désignèrent pour chaque continent un Corps Auxiliaire de neuf membres qui agiraient comme leurs "délégués, assistants et conseillers". Cinq Fonds Continentaux furent en même temps créés pour faciliter le travail de cette institution en développement.

L'armée de Baha'u'llah, ayant conquis ces cent nouveaux butins, était maintenant engagée dans un travail en profondeur. Shoghi Effendi, l'esprit plus ou moins tranquille pour les lignes de front, s'attacha a prendre pied sur les territoires conquis. La seconde phase du Plan s'ouvrait. Dans son message de Ridvan 1954, le Gardien mentionnait treize points comme des objectifs exigeant un effort soutenu pendant les deux années a venir: poursuivre l'important travail d'enseignement; préserver tous les butins déjà remportés; maintenir toutes Assemblées locales; multiplier les groupes et les centres, le tout pour hâter la formation des 48 Assemblées Nationales programmées au Plan, acheter les terrains des Temples; ouvrir des fonds spéciaux pour l'achat des Haziratu'l-Quds mentionnés au Plan; achever rapidement les traductions dans les langues assignées; acquérir les sites historiques en Iran; prendre des mesures en vue de l'érection des Temples de Téhéran et de Francfort; établir la dépendance du Temple de Wilmette; inaugurer les Dotations nationales; incorporer les assemblées locales, établir les nouvelles Maisons d'Edition Baha'ies. Il lança "un appel fervent" pour l'accomplissement des travaux des 12 Assemblées Nationales Baha'ies, choisies parmi des millions d'êtres humains sur la planète!

Le miracle c'était qu'un tel appel a ceux qui aux yeux des sophistiqués paraissaient être des instruments pitoyablement faibles, ait eu un tel effet. Les dirigeants et les soldats des troupes de la Foi redoublèrent d'efforts et remportèrent des victoires écrasantes. En 1955, Shoghi Effendi informait les croyants, par son message de Ridvan qui était son principal moyen de transmission des nouvelles, que le Plan "vogue a pleine voile, prend de la vitesse chaque jour qui passe, abat les barrières sous tous les climats et parmi les différents peuples et races, élargit irrésistiblement la portée de ses opérations bénéfiques et révèle toujours davantage les signes évidents de sa force inhérente alors qu'il marche vers la conquête spirituelle de la planète entière."

En dépit de son encouragement constant, Shoghi Effendi se sentait parfois contraint de s'adresser en des termes sombres aux commandants de ses bataillons, les douze Assemblées Nationales. En mai 1955, par exemple, il leur dit qu'il est "poussé", a "cette heure grave", a leur demander de réfléchir une fois encore, a "toutes les implications" et aux "exigences essentielles" de leur "qualité d'intendant" de la Cause et les prie instamment de ne pas "permettre aux vicissitudes présentes et futures de refroidir leur ardeur" ou "d'affaiblir leur résolution". Il les appelait tous, mais particulièrement ceux qui étaient "libres des servitudes et des entraves imposées a leurs frères moins privilégiés", d'accélérer la cadence de leurs travaux et de multiplier leurs exploits, compensant ainsi les "reculs provisoires" dont peut souffrir une Foi progressant constamment et non encore pleinement émancipée."

En août de la même année, le monde baha'i dut affronter une de ces crises périodiques, une crise qui prit une grande partie des forces du Gardien et qui fut un facteur a précipiter sa mort prématurée a un âge relativement jeune. Dans un message télégraphique a toutes les Mains de la Causes et a toutes les Assemblées Nationales, Shoghi Effendi déclarait que la plus grande communauté du monde baha'i essuyait une "violente recrudescence de persécutions affligeant par intermittence depuis plus d'un siècle membres résidant terre natale de Baha'u'llah":

le centre national a Téhéran avait été saisi et son dôme publiquement démoli par un des dirigeants ecclésiastiques persans, en présence et avec l'aide allègre d'un général de l'armée iranienne, les centres locaux des provinces étaient également saisis et occupés; le parlement avait déclaré la Foi hors la loi, la presse et la radio attaquaient vicieusement et calomnieusement les buts et les objectifs de la Foi, et les baha'is subissaient une série d'atrocités a travers tout le pays; la Demeure Sainte du Bab avait été deux fois profanée et sérieusement endommagée, d'autres lieux saints étaient occupés et détruits, les boutiques et les foyers des baha'is étaient saccagés et démolis, des corps étaient exhumés dans les cimetières et mutilés, les baha'is, adultes et enfants, étaient battus et les femmes étaient enlevées et forcées d'épouser des musulmans, une famille de sept personnes, le plus âgé ayant 80 ans et le plus jeune 19, avait été hachée en morceaux par une foule de 2000 personnes au son des tambours et des trompettes. Ces horreurs soulevèrent l'indignation violente de tout le monde baha'i.

A l'instigation du Gardien, plus de mille messages furent envoyés aux autorités de l'Iran a partir de lieux dont les membres de son Parlement n'avaient jamais entendu parler. On fit appel aux Nations Unies ainsi qu'aux présidents et aux personnalités importantes du monde civilisé. Le directeur de la Division des Droits de l'homme de l'O.N.U. assura l'Assemblée Nationale d'Amérique (représentant officiellement les autres corps nationaux accrédités auprès des Nations Unies en tant qu'organisations non gouvernementales, sous le titre de "Communauté Internationale Baha'ie") qu'un résumé de la situation était fournie a la Commission des Droits de l'Homme et au Gouvernement iranien, tandis que le Secrétaire Général désignait une commission formée des fonctionnaires des Nations Unies, présidée par le Haut Commissaire aux réfugiés qui avait reçu des, instructions pour faire des représentations au Gouvernement iranien et obtenir l'assurance que les droits de la minorité baha'ie seraient protégés en Iran.

La Foi n'était pas encore tout a fait émancipée, mais elle avait, après plus d'un siècle de luttes, développé quelques dents et pouvait mordre efficacement en retour, aidée par une campagne de publicité de quarante mille dollars aux Etats-Unis. Shoghi Effendi, tout en dirigeant cette riposte vigoureuse aux attaques barbares lancées contre une communauté pacifique et sans défense, ouvrit un fonds "d'Aide aux persécutés" auquel il contribua 18.000 dollars, ce fonds fut largement et généreusement soutenu par les communautés baha'ies indignées supportant déjà de lourds engagements financiers.

Au cours de cette seconde phase de la Croisade, les baha'is accomplirent des exploits tels que l'achat de 10 terrains de Temples sur les 11 prévus, exigeant une dépense de 100.000 dollars, l'achat de 30 des 51 Dotations Nationales estimé également a 100.000 dollars, et l'acquisition des 43 des 49 centres nationaux pour plus d'un demi million de dollars. Ce dernier exploit déclara Shoghi Effendi, "compensait amplement la saisie et l'occupation du centre administratif national de la Foi et la démolition de son dôme par les autorités militaires dans la capitale de l'Iran."

Ces premières années de la Croisade marquées par de nombreuses victoires: le Siyah Chal, la scène de la première annonce de la mission prophétique dé Baha'u'llah, fut acheté; Sa bannière fut plantée au coeur même de l'Islam par l'établissement d'une Assemblée Spirituelle a la Mecque; Shoghi Effendi apprit qu'il restait encore quelques membres des anciennes communautés au Caucase et au Turkestan et dans certains Etats Soviétiques mentionnés dans le Plan comme non-ouverts et qui pouvaient être considérés maintenant comme ouverts, quelque timides et faibles que fussent les chandelles qui y brûlaient; 98 îles du monde avaient maintenant des baha'is et les travaux pour la construction du bâtiment des Archives Internationales étaient commencés.

C'était pendant cette période de victoires que Shoghi Effendi décida de la construction non pas de deux mais de trois Maisons d'Adoration durant le Plan de Dix Ans. L'importance donnée dans les écrits de Baha'u'llah aux Mashriqu'l-Adhkar (orient de la Mention de Dieu) est très grande: ils sont érigés, écrivait Shoghi Effendi, pour "l'adoration du seul vrai Dieu et a la gloire de Sa Manifestation de ce jour". Ces Maisons d'Adoration sont fortement liées a la vie spirituelle individuelle et collective des croyants. Le Gardien appela le Temple d'Amérique "l'édifice symbolique" de l'Administration, son Il puissant rempart, le symbole de sa force et le signe de sa gloire future", le "messager d'une civilisation pas encore née"; '"le symbole et l'annonciateur de l'ordre Mondial". Ces "Temples-Mères", dit-il, étaient les grands enseignants silencieux de la Foi. Ils occupent une telle position clé dans l'avancement de la Cause que Shoghi Effendi déclara que le Temple de l'Amérique incarnait l'âme de la communauté baha'ie de l'hémisphère occidental.

Quoique le premier Temple ait été construit suivant les instructions d'Abdu'l-Baha Lui-même et durant Sa vie, a Ishqabad, néanmoins le Gardien affirma que le premier Temple érigé dans le Nouveau Monde était le plus saint car le Maître avait Lui-même posé sa première pierre lors de Sa visite en Amérique du Nord et qu'il avait été l'une des entreprises les plus chères au coeur d'Abdu'l-Baha. En 1921, lorsque Shoghi Effendi devint Gardien, les fondations de ce Temple étaient posées, mais le bâtiment, que le Maître aurait voulu voir édifié avant Son ascension, n'étaient qu'un hideux cylindre noir ressemblant a un réservoir a gaz.

Compléter cet édifice sacré le plus tôt possible était pour le Gardien une de ses obligations des plus importantes. Il lui fallut trente-deux ans pour accomplir cette tâche. Une tâche qu'il appela la plus grande entreprise jamais lancée par les adeptes occidentaux de la Foi et la victoire la plus insigne remportée pendant la période de Formation de la Dispensation Baha'ie. L'un de ses premiers actes fut d'envoyer en 1922 la somme de 19 pounds' pour le fonds du Temple. En 1926, il "s'engage joyeusement pour 95 dollars par mois comme une humble participation"; tout au long des ans, il contribua fréquemment a ce fonds. Il encouragea de transformer le grand espace circulaire, qui sera plus tard entouré des marches du Temple, en un hall utilisable pour les Conventions et les autres réunions, en attendant la construction, a une date ultérieure, d'un auditorium pour de telles réunions, a l'extérieur d'un édifice consacré uniquement a la dévotion.

En 1923, la Convention eut lieu dans ce hall qui fut appelé Hall de Fondation. Pour embellir ses murs, Shoghi Effendi envoya, comme un don, de beaux tapis persans du Mausolée de Baha'u'llah. Cependant, jusqu'en 1928, aucun progrès n'était fait dans la construction du Temple. Cette année la, il envoya un message a la convention plaidant auprès des croyants américains pour la reprise de la construction de leur grand Temple. Cela les incita a inaugurer ce qui fut appelé le "Plan de l'Action Unifiée" en vue de réunir l'argent nécessaire a ces travaux extrêmement coûteux. Mais en 1929, la somme nécessaire n'était pas encore réunie et Shoghi Effendi, n'étant pas lui-même en mesure de contribuer une grande somme, décida de vendre la chose la plus précieuse que la Foi possédait en Terre Sainte. Il télégraphia a la Convention:

Il sacrifie ornement plus précieux Mausolée de Baha'u'llah afin de consacrer renforcer effort collectif croyants américains consommation rapide plan action unifiée appelle pour sacrifice sans précédent". Mais auparavant il avait télégraphié au donateur persan de cet objet inestimable: travaux Temple Amérique avançant trois quart somme exigée premier étage effectivement souscrite. Sens fortement désirable vendre tapis soie vous avez offert. Télégraphiez rapidement opinions concernant marché et prix. Apprécie votre consentement. "Et ce n'est que lorsqu'il reçut une réponse chaleureuse et le conseil de le vendre a New York qu'il informa l'Amérique de sa décision. Les baha'is profondément émus par cet offre de leur Gardien, contribuèrent environ 300.000 dollars avant la fin même de la Convention. Craignant que de lourdes dettes ne soient contractées, Shoghi Effendi n'autorisa la signature des contrats que lorsque la somme nécessaire aux travaux fut souscrite, en 1930. Les baha'is désiraient acheter eux-mêmes le précieux tapis qui étaient arrivé aux Etats-Unis. Il répondit télégraphiquement: "approuve procéder construction entière Temple sans décorations extérieures attendu que croyants sont décidés accomplir leur sacrifice en ajoutant ornementation a la fin. Ai le sentiment que nous devrions tous soutenir plan en totalité comme approuvé Abdu'l-Baha."

Et dans un autre câble: "Il n'est nécessaire ni vendre ni renvoyer tapis consacré. Dédié comme ornement permanent premier Mashriqu'l-Adhkar d'Ouest." La Convention, comblée, télégraphia ses "profondes gratitudes pour incomparable don". De tels actes et messages enthousiasmants de la part de Shoghi Effendi n'étaient pas dus a une certaine politique, mais plutôt a un profond instinct inconscient et inné de dirigeant, combiné avec un motif et un coeur singulièrement purs.

Lors de la Convention de 1931, Shoghi Effendi télégraphia: "La Plus Sainte Feuille se joint a moi... expression notre sincère félicitations joie sans limite profonde gratitude achèvement pratique superstructure édifice glorieux..." En 1933, il associait encore une fois la soeur d'Abdu'l-Baha a son travail et câblait: "Adjure corps entier croyants américains par amour qu'ils portent regrettée Plus Sainte Feuille ne pas permettre moindre interruption avancement travaux Temple si cher son coeur obscurcir splendeur leurs réalisations passées. Les prie considérer extrême urgence ma sollicitation". Ce message était envoyé en janvier, en octobre de la même année il leur câblait:

"appelle croyants aux abois américains prêter attention ceci ma dernière sollicitation passionnée ne pas souffrir moindre interruption contributions Temple obscurcirait magnificence leur entreprise mémorable... promets un an répit a conclusion réussie ornementation premier étage notre glorieux Temple." Il n'est pas étonnant qu'il ait mis ""notre", il avait lutté avec les baha'is américains pour ériger ce bâtiment "pendant l'une des plus sérieuses dépressions subies par le peuple des Etats-Unis en ce siècle"; il avait insisté, en plein milieu de cette lutte, que seuls les adeptes " sans réserve" de la Foi, seuls ceux qui étaient "pleinement conscients" de la Révélation de Baha'u'llah et y étaient "soumis sans réserves", pouvaient contribuer a sa construction. Il avait rassemblé les baha'is, faibles en nombre, pour la plupart pauvres, vivant au jour le jour a l'ombre d'une crise économique, en leur affirmant qu'une entreprise de cette importance devait être soutenue "non seulement par la munificence de quelques uns mais par les contributions conjuguées de toute la masse des adeptes convaincus de la Foi", faisant ressortir que la puissance spirituelle qui devait rayonner du Temple dépendait pour une grande part de "l'étendue et de la variété des croyants qui contribuent ainsi que de la nature et du degré de l'abnégation de soi que leurs offres non sollicitées" impliqueraient. Il les encouragea, les réconforta et les mena a la victoire. Fièrement, il leur rappela que personne d'autre n'avait ce qu'ils possédaient, la double bénédiction d'un Ordre Administratif fonctionnant efficacement et un Temple!

Les années se succédaient et les messages partaient et le fabuleux Temple s'érigeait. Finalement au second et dernier centenaire célébré durant la vie de Shoghi Effendi, j'ai pu lire ces paroles: "De la part du Gardien de la Foi de Baha'u'llah, j'ai le grand honneur de dédier ce premier Mashriqu'l-Adhkar du monde occidental a l'adoration publique... Je vous salue et vous souhaite la bienvenue, de la part du Gardien de notre Foi, a l'intérieur de ces murs..."

Une si brève histoire d'une oeuvre si chère aux coeurs d'Abdu'l-Baha et de Shoghi Effendi, donne une idée de l'importance de ces Temples dans la vie des communautés baha'ies. On ne s'étonne donc pas qu'au début de la Croisade, le Gardien tournât son attention vers l'érection du premier Temple Baha'i sur la terre natale de Baha'u'llah. En 1942, Shoghi Effendi annonçait que les baha'is persans avaient acheté un domaine de trois millions et demi de mètre carrés près de Téhéran comme le site du futur Mashriqu'l-Adhkar.

Ils avaient été encouragés par les efforts soutenus des baha'is américains dans l'édification de leur Temple, comme les baha'is américains avaient été encouragés, en 1903, par la construction du Temple d'Ishqabad. Le Gardien attachait une très grande importance a ce Temple sacré et historique. Il nous faut savoir qu'il rejeta tous les nombreux plans qui lui furent soumis sur sa demande. Il les trouva trop extrémistes, reflétant trop les modes du jour, indignes ou inconvenants, ne répondant pas aux exigences d'une Foi qui donnerait naissance a un Ordre Mondial et une civilisation durant une dispensation d'un millier d'années. Il décida finalement pour un modèle de style conservateur, élaboré sur son approbation a Haïfa et dont il dit qu'il "incorpore un dôme rappelant celui du Saint Sépulcre du Bab".

Déjà, les croyants enthousiastes persans avaient commencé un plan de cinq ans pour réunir douze millions de Toumans en vue de sa construction. Le Gardien avait dévoilé lui-même, le premier jour de Ridvan 1953, lors d'une réunion a Bahji, le plan du futur Temple. Mais la mise hors la loi de toute activité baha'ie en Iran, en 1955, fut un coup sérieux pour le Gardien, car il se rendit compte que la situation, loin de s'être améliorée en un quart de siècle de son ministère, s'était détériorée une nouvelle fois a tel point qu'il y avait peu d'espoir de voir un tel bâtiment construit avant la fin du Plan de Dix Ans. Certes le premier Mashriqu'l-Adhkar de l'Europe, le second Temple inscrit au Plan, pouvait être construit, mais le Gardien ne s'en contenta pas et répliqua immédiatement aux ennemis de la Foi par son câble de novembre 1955: "Décision historique prise pour élever Temple Mère Afrique dans ville Kampala située coeur (du continent) et constituant consolation suprême masses opprimées frères vaillants berceau Foi. Chaque continent globe excepté Australie s'enorgueillira en conséquence tirer bénéfices spirituels son propre Mashriqu'l-Adhkar. Reconnaissance digne aura été d'ailleurs accordée merveilleuse expansion Foi étonnante multiplication ses institutions administratives dans tout continent..." Ainsi les croyants africains reçurent-ils ce qu'il qualifia comme le "prodigieux, l'unique et l'important projet de la construction d'un Temple-Mère en Afrique."

Téhéran devait avoir le troisième Temple du monde baha'i et l'Allemagne le quatrième. Après cette décision, l'Allemagne eut le troisième et l'Afrique le quatrième.

Le Plan du Temple de Kampala fut fait a Haïfa sous sa direction. En ce qui concerne l'Allemagne, il en fut tout autrement: il avait choisi un Plan et l'avait envoyé a l'Assemblée Nationale d'Allemagne et d'Autriche. Mais, il y avait déjà une telle opposition soulevée par l'église contre la construction de la Maison d'Adoration Baha'ie, que l'Assemblée Nationale informa le Gardien qu'elle pensait que le caractère conservateur du plan qu'il avait choisi pourrait compliquer la situation dans un pays favorisant les constructions de style moderne, et que le permis de construire pouvait être refusé sous ce prétexte. En conséquence, Shoghi Effendi autorisa le lancement d'un concours et choisit parmi les plans qui lui furent soumis.

Il n'y a aucun doute pour moi que si Shoghi Effendi avait demandé l'avis des baha'is, ils lui auraient conseillé d'éviter l'Allemagne, lorsqu'il annonça en 1953, que le Temple européen serait construit dans ce pays. C'était huit ans après la fin de la guerre, et a l'exception de quelques rares pays où il n'y avait pratiquement pas de croyants, les baha'is vivaient dans des pays qui avaient souffert, pendant la guerre, a cause des Allemands ou qui les avaient combattus. Sans crainte et sans être gêné par ces considérations le Gardien poursuivait la destinée spirituelle de la communauté mondiale du Plus Grand Nom qui était confiée a sa garde. Il ne suivait pas les idéaux du monde mais ceux contenus dans les enseignements.

Se rappelant toujours de la visite d'Abdu'l-Baha a ce pays et de Son amour pour cette communauté, Shoghi Effendi avait favorisé et nourri son développement dès le commencement de son ministère. C'était une de ces communautés qui avaient reçu ses premières lettres déchirantes, accablantes et hésitantes qu'il envoya au monde baha'i miniature de 1922. En 1926 il parlait de cette communauté en faisant allusion au "nombre croissant des centres et des adeptes baha'is d'Allemagne, les glorieuses paroles dites par notre Bien-Aimé concernant leur destin et leur part dominante dans le réveil futur de l'Europe..." et en 1927, dans des lettres a Martha Root, il affirmait l'Allemagne doit devenir le pivot central de votre activité car j'attache une grande importance aux opportunités variées et riches offertes par le réveil de ce pays. "Je pense que vous devriez prêter plus d'attention a l'Allemagne car je partage pleinement les espoirs que vous nourrissez pour sa contribution future a la régénération de l'Europe."

En 1947, il fait allusion a "l'étonnante résurrection" de la "communauté dévastée par la guerre de l'Europe Centrale" et déclare qu'a l'intérieur des frontières allemandes on devait trouver "la plus grande communauté des adeptes de la Foi de ce continent, une communauté destinée comme l'a prophétisé Abdu'l-Baha, a jouer un rôle important dans le réveil spirituel et la conversion finale des races et des peuples européens a la Foi de Son Père." Francfort était au coeur de l'Allemagne, l'Allemagne était au coeur de l'Europe, c'était donc le lieu logique pour le Temple d'Europe.

Encore complètement soulevé par les persécutions contre le corps principal des fidèles résidant sur la terre natale de Baha'u'llah, Shoghi Effendi mit en chantier un nouveau projet. Il avait choisi un troisième plan de Temple et avait demandé a l'Assemblée Nationale d'Australie et Nouvelle-Zélande de faire des enquêtes, confidentiellement, pour connaître le coût d'une telle construction a Sydney. Lorsqu'il reçut une estimation ne pesant pas trop lourdement sur les charges financières que la Croisade supportait déjà, il fit sa vibrante annonce dans son message de Ridvan 1957: le lancement d'une "entreprise ambitieuse et triple, destinée a compenser les incapacités souffertes par la communauté gravement éprouvée des adeptes de Sa Foi dans la terre de Sa naissance, tendant a l'érection, dans les localités aussi distantes les unes des autres que Francfort, Sydney et Kampala, des Temples-Mères des continents européen, australien et africain, avec un coût approximatif d'un million de dollars, complétant ainsi les Temples déjà construits dans les continents asiatiques et américains."

Cette annonce signifiait que la perte pour les croyants iraniens de leur premier Mashriqu'l-Adhkar serait compensée par l'érection dans le Pacifique de ce que le Gardien appela "le Temple-Mère des Antipodes, et en réalité de toute la région du Pacifique" et la construction, au coeur de l'Afrique, d'une autre Maison d'Adoration qui devait, dit-il, "influencer énormément la marche en avant de la Cause de Dieu dans le monde, consolider de façon marquante le lever des institutions d'un Ordre divinement désigné et répandre son renom dans chaque continent du globe." Le Gardien annonça également dans ce message de Ridvan que les plans de ces trois "édifices monumentaux" chacun conçu pour servir comme une demeure de l'Esprit de Dieu et un tabernacle pour la glorification de Son Messager désigné pour ce jour "seraient montrés aux délégués réunis aux treize Conventions historiques Nationales Baha'ies qui se tiendront pour la première fois durant le festival de Ridvan de cette année."

C'était pendant la seconde phase de la Croisade Mondiale que l'Assemblée Nationale d'Amérique acheta le terrain de la première dépendance de son Temple. Le Gardien avait avisé cette Assemblée qu'il ne considérait pas une bibliothèque, la première proposée, suffisamment démonstrative de l'objectif et de l'importance de l'institution de Mashriqu'l-Adhkar dans la société baha'ie et il fut par conséquent décidé de construire un foyer pour les personnes âgées. Une de ses dernières lettres devait presser cette Assemblée a commencer les travaux du Foyer, car il ferait comprendre au public qu'une des fonctions principales de notre Foi est de servir l'humanité, sans considération de croyance, de race ou de dénomination et attirerait sûrement l'attention et la publicité.


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