La renaissance de la civilisation
Par David Hofman


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Chapitre 9. DES PERSPECTIVES D’AVENIR

L’ère nouvelle a débuté il y a un peu plus d’une centaine d’années. Ses débuts ont été marqués par deux processus clairement discernables dont la puissance et l’intensité se sont accrues avec les années. Le premier est un processus de désintégration, le second un processus de construction. Le premier s’achève dans un climat de catastrophes, le second, encore mal défini, poursuit son avance vers son plein développement.

De nombreux événements laissent clairement apparaître le processus de désintégration: des empires autrefois puissants s’effondrent, des lois politiques, sociales et religieuses depuis longtemps établies tombent en désuétude, les anciens pactes, tant en Orient qu’en Occident, deviennent désuets, les liens familiaux et maritaux s’affaiblissent, et les courants de scepticisme, d’individualisme, d’athéisme et de matérialisme continuent de se répandre. Dans la sphère internationale, cette désintégration est accélérée par l’échec des nationalismes et des politiques économiques nationales.

Le processus de construction, pour sa part, est relié à la fois indirectement et directement à la foi de Baha’u’llah. L’influence indirecte de son message se manifeste dans la diffusion toujours plus vaste et plus rapide de ses principes universels pour lesquels les fondateurs de la religion baha’ie et au moins vingt mille de leurs disciples ont accepté la persécution et le martyre. Dans ce nouveau processus, l’apathie se transforme en activité fébrile, la conscience de l’unité du monde, de la nécessité de la paix et d’un véritable sentiment religieux pénètrent le corps moribond de l’humanité. Sur tous les continents, des hommes et des femmes ont respiré la brise parfumée de l’aube nouvelle sans en connaître la source. Des mouvements pour la paix et l’unité mondiale, des appels à une nouvelle conscience morale et éthique, l’importance accrue des droits et libertés marquent incontestablement le début d’un âge nouveau. La première conférence pour la paix mondiale, qui s’est tenue àLa Haye au début du vingtième siècle, a inauguré un mouvement qui, malgré une opposition constante et des échecs pénibles, a pris plus d’ampleur année après année.

«La violente opposition qui accueillit le plan avorté du protocole de Genève, le ridicule déversé sur le projet ensuite suggéré des États-Unis d’Europe, et la faillite de la proposition d’une union générale économique de l’Europe peuvent sembler être des échecs pour un petit groupe de gens prévoyants qui s’efforcent de faire prospérer ce noble idéal. Néanmoins, la prise en considération de telles propositions ne nous autorise-t-elle pas à y puiser un nouvel encouragement? N’est-elle pas une preuve de leur développement constant dans les esprits et les coeurs? Les tentatives organisées pour discréditer un idéal aussi élevé ne nous font-elles pas assister à la répétition, sur une plus grande échelle, des luttes émouvantes, des furieuses polémiques qui préludèrent à la naissance et aidèrent à la reconstruction des nations unifiées de l’Ouest [110]

Un internationalisme croissant, l’émancipation des femmes, l’accès plus universel à l’éducation, les tentatives pour créer une langue universelle, les grands progrès effectués dans le domaine des services sociaux et de la sécurité sociale, l’accroissement de la liberté politique et religieuse, voilà quelques-uns des signes de l’esprit de l’âge nouveau. Ces principes, qui ont provoqué à la fois de l’inquiétude et de l’enthousiasme, sont aujourd’hui mis à l’épreuve. Ils doivent atteindre à leur plein développement ou disparaître comme des rêves sans consistance.

L’influence directe de Baha’u’llah sur ce processus constructif apparaît de façon évidente dans la croissance d’une communauté mondiale qui porte son nom et qui s’identifie à ses enseignements.

La mort d’‘Abdu’l-Baha, en 1921, a marqué la fin de l’époque héroïque ou apostolique du nouveau cycle. La foi de Baha’u’llah, que l’alliance protège des schismes, est entrée dans sa période d’élaboration, dont la première phase s’est déroulée sous la direction dynamique et inspirée du Gardien. Développant peu à peu les capacités latentes du petit groupe de ses collaborateurs, répartis sur tous les continents, il a partagé avec eux la glorieuse vision du royaume de Dieu sur la terre, qu’ils étaient destinés à promouvoir. Les appelant à la discipline spirituelle, au sacrifice de soi et à l’héroïsme, il les a guidés vers des accomplissements toujours plus grands.

Quoique peu nombreux et ne disposant que de faibles ressources, dynamiques, remplis d’amour pour l’humanité et aidés par l’esprit de leur foi, les baha'is ont annoncé partout dans le monde, grâce à leurs efforts inlassables et dévoués, la naissance de la nouvelle révélation. Ils ont établi, sur tous les continents, les institutions administratives de la Foi dans les villes et les villages de tous les pays et territoires du monde.

Lorsque Shoghi Effendi devint Gardien en 1921, la foi baha'ie était établie dans trente-cinq pays. Lorsqu’en 1957 il acheva son ministère, elle était propagée partout dans le monde, et la communauté mondiale baha'ie était engagée dans un plan d’expansion de dix ans qu’il avait préparé et lancé. En 1963, lors du centenaire de la déclaration, par Baha’u’llah, de sa mission, environ sept mille baha’is de tous les coins du monde se sont réunis à l’Albert Hall de Londres. Ils ont alors appris, avec joie et étonnement, que la Foi était établie dans plus de onze mille centres, que sa littérature était traduite et imprimée dans plus de trois cents langues et, surtout, que les membres de cinquante-sept assemblées spirituelles nationales venaient d’élire, pour la première fois, la Maison Universelle de Justice, garante de l’unité et du futur développement de la Foi [111].

«Il y a un contraste frappant et édifiant entre les progrès lents et sûrs que marque la foi baha’ie, sa consolidation durant le développement de ses forces naissantes et la ruée dévastatrice des forces de désintégration qui assaillent les institutions caduques, religieuses ou séculières, de la société du temps présent.

La vitalité que manifestent si fortement les institutions organiques de ce grand Ordre en constant développement; les obstacles que le fier courage, l’intrépide résolution de ses administrateurs ont déjà surmontés; l’ardeur d’un enthousiasme inextinguible qui flambe d’une ferveur toujours égale dans le coeur des enseignants itinérants qui parcourent le monde pour enseigner sa doctrine; le haut degré d’oubli de soi-même qu’atteignent maintenant ses maîtres constructeurs; la largeur de vues, l’espoir confiant, la joie créatrice, la paix intérieure, la rigide intégrité, la discipline exemplaire, l’unité et la solidarité inaltérable que manifestent ses vaillants défenseurs; le fait que son Esprit animateur se soit montré à tel point capable d’assimiler dans son sein des éléments très divers, de les libérer de tout préjugé et de les fondre dans sa propre structure, tout cela constitue les preuves d’une force qu’une société désillusionnée et tristement ébranlée ne peut guère se permettre d’ignorer [112]

L’âge d’or de l’humanité n’était pas une vaine promesse, il était en gestation durant ces années d’épreuves et il émerge maintenant du labeur et de l’agonie des conflits que connaît l’humanité. Nous vivons présentement l’heure sombre qui précède l’aurore et nous verrons se lever un jour éclatant de puissance et de certitude, qui amènera la brise fraîche d’un esprit nouveau. Les ténèbres de la misère et de l’oppression se dissiperont bientôt. La race humaine est convoquée à la fraternité et à la paix, et invitée à servir une cause plus passionnante que toutes celles du passé.

Cette cause de l’unité et de la solidarité humaine exige que soient repensées les idées, les institutions et les coutumes qui avaient cours à une époque où l’humanité était divisée.

Qu’on ne se méprenne pas sur la signification donnée ici à l’unité. C’est le principe qui anime l’univers et il s’oppose à l’uniformité. L’unité exige la présence de différences entre les choses alors que l’uniformité exige la conformité. L’unité est force, beauté et souplesse alors que l’uniformité n’est que rigidité et ennui. L’unité est réalisée grâce à des liens solides de réciprocité, de coopération et de partage, et par le sentiment intime de la parenté de tous les peuples. L’unité préserve la culture, la langue et les réalisations de la nation; elle maintient les traditions et les coutumes locales et condamne la centralisation excessive; elle n’exige aucunement de renoncer aux loyautés raisonnables, qu’elles soient locales ou nationales. Elle ouvre la voie aux visées plus larges et plus profondes qu’offre l’appartenance à la famille humaine. Elle exige que chaque nation, chaque partie du monde contribue à la structure grandiose du temple de l’humanité. Le monde n’est qu’un seul pays. Tous les humains parleront et comprendront une même langue, mais chacun parlera aussi celle de son propre pays. Tous formeront une seule race.

Unir le monde signifie réunir toutes ses composantes en un seul corps et permettre à chacune de contribuer une part de sa beauté et de sa valeur, de sorte que l’expression de toutes les parties se marie dans un tout harmonieux pour créer une puissante et majestueuse symphonie.

De gigantesques combats spirituels font rage. Un monde nouveau est en train de naître. Ne regrettons pas cet ordre ancien qui disparaît dans la passion et la violence. Soyons confiants et radieux, sachant que le jour étincelant de la fraternité humaine commence à poindre.

Baha’u’llah l’annonce :

«Le temps prédit aux peuples et aux races de la terre est maintenant arrivé. Les promesses de Dieu que rapportent les Écritures saintes sont accomplies. Sion proclame la Loi de Dieu; la gloire de sa révélation retentit dans Jérusalem, dans ses montagnes et dans ses champs. Heureux est l’homme qui pèse dans son coeur les choses que révèlent les Livres de Dieu, l’Aide dans le péril, celui qui subsiste par Lui-même [113]

«Le présent ordre des choses sera bientôt révolu et un nouvel ordre prendra sa place [114]


Notes

[110] Shoghi Effendi, Le but d’un nouvel ordre mondial, Paris, Assemblée spirituelle nationale des baha'is de France, 1968, p. 25.
[111] Depuis son élection, la Maison Universelle de Justice a lancé, dirigé et achevé avec succès cinq plans à l’échelle globale visant l’expansion et la consolidation de la foi baha'ie à travers le monde. Ainsi, lorsque le plan de Neuf Ans se termina en 1973, la foi baha'ie était établie dans 69 451 communautés, avait donné naissance à 113 assemblées spirituelles nationales et était présente dans 69 451 communautés. En 1979, on estimait que les effectifs baha'is avaient augmenté d’environ 40 %. Les plus récentes statistiques (1999) disponibles font état de 182 assemblées spirituelles nationales, de plus de 121 000 communautés, et d’approximativement 7,6 millions de baha'is dans le monde (Britannica Yearbook, 1998); les écrits baha'is sont disponibles dans plus de 800 langues.
[112] Shoghi Effendi, La dispensation de Baha'u'llah, p. 100-101.
[113] Baha'u'llah, Extraits des Écrits de Baha'u'llah, Bruxelles, Maison d'éditions baha'ies, 1979, p. 100-101.
[114] Shoghi Effendi, L’ordre mondial de Baha'u'llah, Bruxelles, Maison d'éditions baha'ies, 1993, p. 150.


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