La chronique de Nabil
Nabil-i-A'zam


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CHAPITRE II : la mission de Siyyid Kazim-i-Rashti

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La nouvelle du décès de son maître bien-aimé attrista de manière indescriptible le coeur de Siyyid Kazim. Inspiré par le verset du Qur'an qui dit: "Ils voudraient volontiers éteindre la lumière de Dieu au moyen de leurs lèvres, mais Dieu ne désire que perfectionner sa lumière bien que les infidèles l'abhorrent", il se leva, fermement décidé à achever la tâche que lui avait Confiée Shaykh Ahmad. Il devenait, après le départ d'un protecteur aussi distingué, la victime des langues calomnieuses et de l'animosité implacable des gens de son entourage. Ceux-ci insultaient son nom, attaquaient sa personne, méprisaient ses enseignements. A l'instigation d'un chef shi'ah puissant et tristement célèbre, Siyyid Ibrahim-i-Qazvini, les ennemis de Siyyid Kazim se liguèrent et décidèrent de l'anéantir. Là-dessus, Siyyid Kazim conçut un plan pour s'assurer l'appui et la bonne volonté de l'un des plus éminents et des plus exceptionnels dignitaires ecclésiastiques de Perse, le fameux Haji Siyyid Muhammad Baqir-i-Rashti, qui vivait à Isfahan et dont l'autorité s'étendait bien au-delà de cette ville. L'amitié et la sympathie de cette personne, pensait Siyyid Kazim, l'aideraient à poursuivre sans entrave le cours de ses activités et rehausseraient considérablement l'influence qu'il exerçait sur ses disciples. "Si seulement quelqu'un parmi vous," l'entendait-on souvent dire à ses disciples, "pouvait se lever et, armé d'un détachement total, se rendre à Isfahan et délivrer de ma part, à ce siyyid érudit, le message suivant: "Comment se fait-il qu'au début, vous montriez une considération et une affection si marquées pour feu Shaykh Ahmad et qu'à présent, vous vous soyez complètement détaché du groupe de ses adeptes choisis? Comment se fait-il que vous nous ayez abandonnés à la meRci de nos ennemis?" Si seulement un tel messager, mettant sa Confiance en Dieu, pouvait aller dévoiler tous les mystères qui rendent perplexe l'esprit de ce siyyid érudit et dissiper les doutes qui pourraient avoir aliéné sa sympathie; si seulement il était capable d'en obtenir une déclaration solennelle certifiant l'autorité incontestée de Shaykh Ahmad ainsi que la véracité et la rectitude de ses enseignements; si enfin, après avoir réussi à acquérir un tel témoignage il était également capable d'aller à Mashhad afin d'y obtenir une prise de position similaire de la part de Mirza 'Askari, le principal chef ecclésiastique de cette ville sainte, et après avoir accompli sa mission, de revenir ici triomphant.

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A maintes reprises, Siyyid Kazim trouva l'opportunité de réitérer son appel. Personne cependant, n'osa y répondre et entreprendre cette mission si ce n'est un certain Mirza Muhit-i-Kirmani; Siyyid Kazim lui parla en ces termes: "Gardez-vous de toucher à la queue du lion. Ne minimisez pas la délicatesse et la difficulté d'une telle mission." Se tournant alors vers son jeune disciple Mulla Husayn-i-Bushru'i, futur Babu'l-Bab, (2.1) il lui dit: "Levez-vous pour accomplir cette mission, je vous déclare à la hauteur de cette tâche. Le Tout-Puissant vous assistera de sa grâce et couronnera vos efforts de succès.

Mulla Husayn se leva joyeusement, baisa le pan du vêtement de son maître, lui prêta serment de loyauté et se mit en route aussitôt. Avec un détachement absolu et une noble résolution, il se leva pour accomplir son dessein. À son arrivée à Isfahan, il chercha sans tarder à parvenir en la présence de ce savant. Habillé modestement et chargé de la poussière du voyage, il apparut comme un individu insignifiant et négligeable au milieu du groupe de disciples richement vêtus de ce chef distingué. Inaperçu et intrépide, il s'avança vers un endroit situé en face du siège occupé par le maître de grand renom. Appelant à son aide tout le courage et toute la Confiance que lui avaient inspirés les instructions de Siyyid Kazim, il s'adressa à Haji Siyyid Muhammad Baqir en ces termes: "Prête l'oreille, ô siyyid, à mes paroles car de ta réponse à mon appel dépend le salut de la foi du Prophète de Dieu, et le refus de considérer mon message causerait à celle-ci un grave préjudice." Ces vaillantes et courageuses paroles, exprimées avec force et netteté, produisirent une impression de surprise sur le siyyid. Il interrompit soudain son discours et, négligeant son auditoire, il écouta avec une vive attention le message que cet étrange visiteur apportait. Ses disciples, stupéfaits de cet extraordinaire comportement, réprimandèrent l'intrus et dénoncèrent ses prétentions présomptueuses. Avec une politesse extrême et un langage ferme, plein de dignité, Mulla Husayn leur fit remarquer leur manque de courtoisie et le caractère borné de leur esprit; il exprima sa surprise devant leur arrogance et leur vanité puérile. Le comportement dont fit preuve le visiteur et la thèse qu'il exposa de manière si frappante plurent beaucoup au siyyid qui déplora la conduite inconvenante de ses disciples et s'en excusa.

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Afin de réparer leur ingratitude, il témoigna au jeune homme toutes les bontés imaginables, l'assura de son soutien et le pria de faire connaître son message. Mulla Husayn exposa alors la nature et l'objet de la mission dont on l'avait chargé. Le siyyid répondit par ces mots: "Etant donné qu'au début nous croyions que Shaykh Ahmad et Siyyid Kazim n'étaient animés tous deux que par le désir de faire avancer la cause de la connaissance et de sauvegarder les intérêts sacrés de la foi, nous avons rapidement ressenti une inclination à leur offrir notre soutien le plus cordial et à prôner leurs enseignements. Au cours des dernières années, cependant, nous avons remarqué tant de déclarations contradictoires, tant d'allusions mystérieuses et obscures dans leurs écrits, que nous avons estimé souhaitable de garder le silence pendant un certain temps et de nous abstenir de toute critique ou approbation." Mulla Husayn répliqua: "Je ne puis que déplorer un tel silence de votre part, car je crois fermement qu'il implique la perte d'une splendide occasion de faire avancer la cause de la Vérité. Il ne tient qu'à vous d'exposer précisément ces passages de leurs écrits qui vous semblent mystérieux ou incompatibles avec les préceptes de la foi, et moi, avec l'aide de Dieu, j'entreprendrai d'exposer leur vraie signification." Le poids, la dignité et la confiance qui caractérisaient le comportement de ce messager inattendu, impressionnèrent grandement Haji Siyyid Muhammad-Baqir. Il pria Mulla Husayn de ne pas insister sur ce sujet et d'attendre un jour prochain où, en tête à tête, il pourrait l'informer de ses propres doutes et inquiétudes. Mulla Husayn cependant, sentant qu'un ajournement pourrait être néfaste à la cause qu'il hérissait, insista pour qu'une conversation eut lieu immédiatement entre lui et le siyyid, au sujet des graves problèmes qu'il estimait être appelé à résoudre et capable de le faire. Il envoya Le siyyid fut ému jusqu'aux larmes par l'enthousiasme juvénile, la sincérité et la confiance sereine que révélait admirablement le visage de Mulla Husayn. Il envoya aussitôt chercher quelques ouvrages écrits par Shaykh Ahmad et Siyyid Kazim et commença à interroger Mulla Husayn sur des passages qui avaient suscité sa désapprobation et sa surprise. A chacune des références, le messager répondit, avec une vigueur toute particulière et une connaissance magistrale tout en gardant une modestie seyante.

Mulla Husayn continua ainsi, en présence des disciples réunis, à exposer les enseignements de Shaykh Ahmad et de Siyyid Kazim, à justifier leur véracité et à défendre heur cause jusqu'au moment où le mu'adhdhin, appelant les fidèles à la prière, interrompit brusquement le cours de son argumentation.

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Le jour suivant, de la même façon, en présence d'une assemblée nombreuse et représentative, face au siyyid, il reprit son éloquent plaidoyer au sujet de la haute mission qu'une toute-puissante Providence avait confiée à Shaykh Ahmad et à son successeur. Un profond silence envahit l'auditoire. Celui-ci fut saisi d'étonnement par la force de l'exposé ainsi que par le ton et la manière du discours. Le siyyid promit publiquement que, le jour suivant, il publierait lui-même une déclaration écrite par laquelle il témoignerait de l'éminence de la position occupée par Shaykh Ahmad et Siyyid Kazim, et déclarerait que quiconque s'écarte de la voie tracée par ces deux maîtres, est semblable à celui qui s'est détourné de la foi du Prophète lui-même. Le siyyid promit qu'il porterait également témoignage de leur perspicacité et de leur compréhension correcte et profonde des mystères contenus dans la foi de Muhammad. Il tint parole et, de sa propre main, rédigea la déclaration promise. Il écrivit longuement et, au cours de son témoignage, il rendit hommage au caractère et à l'érudition de Mulla Husayn. Il parla de Siyyid Kazim en termes chaleureux, s'excusa auprès de celui-ci pour son attitude dans le passé et exprima l'espoir de pouvoir, à l'avenir, racheter son passé et sa conduite regrettable envers lui. Il lut lui-même à ses disciples le texte de son témoignage, puis le remit non scellé à Mulla Husayn, l'autorisant à communiquer son contenu à qui bon lui semblerait, afin que tous pussent connaître la grandeur de sa dévotion envers Siyyid Kazim.

A peine Mulla Husayn s'était-il retiré, que le siyyid chargea l'un de ses serviteurs, en qui il avait Confiance, de suivre le visiteur et de découvrir l'endroit où il résidait. Le serviteur suivit Mulla Husayn jusqu'à un modeste bâtiment qui servait de madrisih (2.2) et le vit entrer dans une chambre dépourvue de tout mobilier, si ce n'est une natte usée qui recouvrait le plancher. Il le regarda arriver, adresser sa prière de remeRciement à Dieu, se coucher sur cette natte sans autre chose pour se couvrir que son 'aba. (2.3) Après avoir rapporté à son maître tout ce qu'il avait observé, il fut chargé de remettre à Mulla Husayn la somme de cent tuman (2.4) et de lui exprimer les excuses sincères de son maître qui n'avait pu lui offrir, à lui, un aussi remarquable messager, l'hospitalité convenant à son rang. Mulla Husayn répondit à cette offre en ces termes: "Dites à votre maître que son véritable cadeau pour moi, c'est l'esprit d'honnêteté avec lequel il m'a reçu et la largesse de vue qui l'a porté, en dépit de son rang élevé, à répondre au message que moi, humble étranger, je lui avais apporté.

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Rendez cet argent à votre maître car moi, en tant que messager, je ne demande ni récompense, ni dédommagement. "Nous nourrissons vos âmes pour l'amour de Dieu. Nous ne cherchons ni récompense, ni remeRciements de votre part. (2.5) La prière que je formule à votre maître est que les dirigeants de ce monde ne puissent jamais l'empêcher de reconnaître la Vérité (2.6) et d'en témoigner." Haji Siyyid Muhammad-Baqir mourut avant l'an 60 après l'hégire, année qui vit naître la foi proclamée par le Bab. Il resta jusqu'au dernier instant un bon défenseur et un fervent admirateur de Siyyid Kazim.

Après avoir accompli la première partie de sa mission, Mulla Husayn envoya le témoignage écrit de Haji Siyyid Muhammad-Baqir à son maître à Karbila, et se dirigea alors vers Mashhad, décidé à y faire connaître, de la meilleure façon possible, le message qu'il était chargé de remettre à Mirza 'Askari. Dès que la lettre contenant la déclaration écrite du siyyid lui parvint, Siyyid Kazim fut pris d'une telle joie qu'il envoya sur le champ sa réponse à Mulla Husayn, réponse dans laquelle il exprimait son appréciation et sa gratitude pour la façon exemplaire avec laquelle il avait rempli sa mission. La réponse qu'il venait de recevoir le rendit si heureux qu'après avoir interrompu le cours de sa leçon, il lut à ses disciples la lettre de Mulla Husayn et le témoignage écrit qu'elle contenait. Ensuite il leur fit part du contenu de l'épître qu'il avait lui-même écrite à Mulla Husayn en signe de reconnaissance pour le remarquable service qu'il lui avait rendu. Dans cette épître, le siyyid rendit un si brillant hommage aux grandes connaissances, au talent et au caractère de Mulla Husayn que quelques-uns, parmi ceux qui l'écoutaient, soupçonnèrent ce dernier d'être le Promis auquel leur maître se référait si souvent et qui, selon lui, vivait parmi eux et restait malgré cela inconnu de tous. Ce communiqué invitait Mulla Husayn à la crainte de Dieu, lui demandait de considérer cette crainte comme le moyen le plus puissant grâce auquel il pouvait résister aux assauts de l'ennemi et comme le trait distinctif de tout vrai disciple de la foi. La lettre était rédigée en termes si affectueux que personne ne pouvait douter, après l'avoir lue, que l'auteur y faisait ses adieux à son disciple bien-aimé et qu'il n'avait aucun espoir de le rencontrer une nouvelle fois en ce monde.

En ces jours-là, Siyyid Kazim devenait de plus en plus conscient de l'approche de l'heure à laquelle le Promis serait révélé. (2.7) Il voyait combien épais étaient les voiles qui empêchaient les chercheurs de saisir la gloire de la Manifestation cachée.

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Aussi déploya-t-il tous ses efforts pour écarter graduellement, avec précaution et sagesse, tous les obstacles qui pouvaient se dresser sur le chemin menant à la pleine reconnaissance de ce trésor caché de Dieu. A maintes reprises il demanda à ses disciples d'avoir présent à l'esprit le fait que celui dont ils attendaient la venue n'apparaîtrait ni à Jabulqa ni à Jabulsa. (2.8) Il leur fit même comprendre qu'il se trouvait parmi eux: "Vous le contemplez de vos propres yeux, faisait-il souvent remarquer, et, malgré cela, vous ne le reconnaissez pas!" À ses disciples qui l'interrogeaient au sujet des signes de la Manifestation, il disait: "Il est de noble lignée, de la descendance du Prophète de Dieu et de la famille des Hashim. Il est jeune et possède un savoir inné. Sa science ne provient pas des enseignements de Shaykh Ahmad, mais de Dieu. Mes connaissances ne sont qu'une goutte comparées à l'immensité de son savoir; elles ne sont que grain de poussière en face des merveilles de sa grâce et de sa puissance. Que dis-je? Incommensurable en est la différence. Il est de taille moyenne, s'abstient de fumer et est d'une piété et d'une dévotion extrêmes." (2.9) Certains des disciples du siyyid, en dépit des témoignages de leur maître, prenaient ce dernier pour le Promis, car ils reconnaissaient en lui les signes auxquels il faisait allusion. Parmi eux, se trouvait un certain Mulla Mihdiy-i-Khu'i, qui alla jusqu'à rendre publique cette croyance. A ce sujet, le siyyid fut profondément vexé et il aurait certainement banni cet élève du groupe de ses adeptes élus si celui-ci n'avait demandé à être pardonné et n'avait exprimé son repentir.

Shaykh Hasan-i-Zunuzi lui-même m'informa qu'il avait, lui aussi, entretenu des doutes similaires et qu'il priait Dieu pour que, si sa supposition était fondée, il soit confirmé dans sa croyance et, sinon, qu'il soit délivré de telles chimères . "J'étais si troublé, me raconta-t-il une fois, que pendant plusieurs jours, je ne pus ni manger ni dormir. Je passais mes jours au service de Siyyid Kazim pour qui j'avais une grande affection. Un jour, à l'aube, je fus soudain éveillé par Mulla Naw-Ruz, un des serviteurs de Siyyid Kazim qui, avec empressement, me pria de me lever et de le suivre. Nous allâmes chez Siyyid Kazim et trouvâmes celui-ci tout habillé, portant son 'abà, et prêt à quitter sa maison. Il me demanda de l'accompagner. "Une personne hautement estimée et distinguée, dit-il, est arrivée. Il est de notre devoir à tous deux d'aller lui rendre visite." L'aube avait déjà pointé lorsque je me trouvai marchant avec le siyyid à travers les rues de Karbila. Nous atteignîmes bientôt une maison à la porte de laquelle se tenait un jeune homme, comme s'il était prêt à nous recevoir.

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Il portait un turban vert et son visage révélait un sentiment d'humilité et de gentillesse que je ne pourrai jamais décrire. Il s'approcha tranquillement de nous, tendit les bras vers Siyyid Kazim et l'embrassa affectueusement. Son affabilité et sa bonté contrastaient singulièrement avec le sentiment de profond respect qui caractérisait l'attitude de Siyyid Kazim; sans mot dire, la tête baissée, il écouta les multiples expressions d'affection et d'estime par lesquelles le jeune homme l'accueillait. Nous fûmes bientôt conduits vers l'étage supérieur de cette maison et entrâmes dans une chambre ornée de fleurs exhalant le plus délicieux des parfums. Le jeune homme nous pria de nous asseoir. Nous ne savions cependant quels sièges nous occupions réellement, tant le sentiment d'enchantement qui nous envahissait était écrasant. Nous remarquâmes placée au centre de la chambre une coupe en argent que notre jeune hôte, après nous avoir fait asseoir, remplit à ras bord et qu'il tendit à Siyyid Kazim en disant: "C'est une boisson composée d'un pur breuvage que leur donnera leur Seigneur." (2.10) Siyyid Kazim prit la coupe de ses mains et la vida à grands traits. Un sentiment de joie respectueuse emplit son être, sentiment qu'il ne put étouffer. L'on me présenta, à moi aussi, une coupe remplie de ce breuvage, mais aucune parole ne fut exprimée à mon endroit.

PHOTO: vue de Karbila

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Tout ce qui fut prononcé au cours de cette mémorable réunion, ce fut le verset du Qur'an cité plus haut. Aussitôt après, l'hôte se leva de son siège et, nous accompagnant jusqu'au seuil de la porte, nous dit adieu. J'étais muet d'étonnement et je ne savais comment exprimer la cordialité de son accueil, la dignité de son comportement, le charme de ce visage et le délicieux parfum de ce breuvage. Ma stupéfaction avait été profonde lorsque j'avais vu mon maître boire à longs traits, sans la moindre hésitation, cette sainte boisson dans une coupe en argent dont l'usage, d'après les préceptes islamiques, est interdit aux croyants. Je ne pouvais m expliquer le motif qui avait induit le siyyid à manifester un si profond respect en présence de ce jeune homme, un respect que la vue même du tombeau du Siyyidu'sh-Shuhad'a' n'avait pas fait naître en lui. Trois jours plus tard, je vis ce même jeune homme arriver et prendre place au milieu du groupe des disciples de Siyyid Kazim. Dès que le regard du maître tomba sur lui, il interrompit son allocution et se tut. Alors un de ses disciples le pria de reprendre l'argumentation qu'il avait laissée inachevée. "Que puis-je dire de plus?" répliqua Siyyid Kazim en se tournant vers le Bab. "Voyez, la Vérité est plus manifeste que le rayon de lumière qui tombe sur le pan de ce vêtement." Je remarquai aussitôt que le rayon auquel le siyyid faisait allusion frappait le pan du vêtement de ce même jeune homme auquel n s avions récemment rendu visite. "Comment se fait-il, demanda le questionneur, que vous ne révéliez pas son nom et n'identifiiez pas sa personne?" Le siyyid répondit en pointant du doigt sa propre gorge, impliquant par ce geste que, s'il divulguait son nom, tous deux seraient aussitôt mis à mort. Ceci accrut encore ma perplexité. J'avais déjà entendu mon maître observer que la perversité de cette génération était si grande que s'il montrait du doigt le Promis en disant: "Celui-là en vérité est le Bien-Aimé, le Désir de vos coeurs et du mien", elle ne le reconnaîtrait toujours pas. J'avais vu le siyyid montrer véritablement du doigt le rayon de lumière qui frappait le pan de ce vêtement et, malgré cela, personne parmi les assistants ne sembla saisir la signification de ce geste. Pour ma part, j'eus la conviction que le siyyid ne pouvait être lui-même le Promis mais qu'un mystère indéchiffrable pour nous tous demeurait caché en ce jeune homme, étrange et attrayant. Plusieurs fois, je tentai d'aborder Siyyid Kazim pour lui demander d'élucider ce mystère. Chaque fois que je te fis, je fus envahi par sentiment de crainte que sa personnalité inspirait de façon si saisissante. Plus d'une fois je l'entendis faire cette remarque:

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Shaykh Hasan, réjouissez-vous de ce que votre nom est Hasan (louable). Hasan est votre commencement, et Hasan sera votre fin. Vous avez eu le privilège de voir Shaykh Ahmad; vous avez été intimement lié à moi et, dans les jours à venir, vous aurez l'inestimable joie de contempler "ce qu'oeil n'a jamais vu, ni oreille jamais entendu, ni coeur jamais conçu.

PHOTO: entrée du tombeau de l'Imam Husayn à Karbila

"Je me sentis souvent le besoin de rechercher, seul, la présence de ce jeune hashimite et de m'efforcer de percer son mystère. Je l'observai plusieurs fois au moment où il se tenait dans une attitude de prière à l'entrée du tombeau de l'Imam Husayn. Il était si absorbé dans ses dévotions qu'il semblait totalement oublieux de la présence de ceux qui l'entouraient.

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Des larmes coulaient de ses yeux, et de ses lèvres sortaient des mots de glorification et de louange d'une beauté et d'une intensité telles que même les passages les plus sublimes de nos Ecritures sacrées ne pourraient espérer les surpasser. Les paroles:

"O Dieu! mon Dieu! mon Bien-Aimé, Désir de mon coeur" revenaient si fréquemment et étaient exprimées avec tant d'ardeur que les pèlerins qui visitaient le tombeau et qui se trouvaient assez près pour l'entendre, interrompaient instinctivement le cours de leurs prières et s'émerveillaient devant les manifestations de piété et de vénération que révélait ce jeune visage.

PHOTO: tombeau de l'Imam Husayn à Karbila

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Comme lui, ils pleuraient d'émotion et prenaient auprès de lui des leçons de véritable adoration. Ayant achevé sa prière, ce jeune homme, sans franchir le seuil du tombeau et sans essayer d'adresser une parole à ceux qui l'entouraient, retournait tranquillement chez lui. Je me sentais poussé à lui adresser la parole mais, chaque fois que je tentais de l'approcher, une force que je ne pouvais m'expliquer, et à laquelle je ne pouvais résister, me retenait. Mes enquêtes à son sujet me firent découvrir qu'il résidait à Shiraz, qu'il exerçait la profession de commerçant et qu'il n'appartenait à aucun ordre ecclésiastique. J'appris aussi qu'il était, comme ses oncles et ses parents, un admirateur de Shaykh Ahmad et de Siyyid Kazim. J'appris qu'il était parti pour Najaf avant de se rendre à Shiraz. Ce jeune homme avait embrasé mon coeur. Le souvenir de cette vision me hantait. Mon âme n'aspirait qu'à lui jusqu'au jour où l'appel d'un jeune homme de Shiraz, se proclamant lui-même le Bab, parvint à mes oreilles. L'idée que cette personne ne pouvait être que ce même jeune homme, désir de mon coeur, que j'avais vu à Karbila, me vint à l'esprit.

Plus tard, lors de mon voyage de Karbila à Shiraz, j'appris qu'il avait entrepris un pèlerinage à La Mecque et à Médine. Je le rencontrai à son retour et m'efforçai, en dépit des nombreux obstacles qui jalonnaient mon chemin, de demeurer intimement lié à lui. Par la suite, lorsqu'il fut incarcéré à la forteresse de Mah-Ku, dans la province d'Adhirbayjan, je m'engageai à transcrire les versets qu'il dictait à son secrétaire. Chaque nuit, et ceci pendant une période de neuf mois durant laquelle il resta prisonnier dans ce fort, il révélait, après avoir dit sa prière du soir, un commentaire sur un juz' du Qur'an (2.11). À la fin de chaque mois, un commentaire sur l'ensemble de ce Livre sacré était ainsi achevé. Pendant son incarcération à Mah-Ku, il révéla neuf commentaires sur l'ensemble du Qur'an. Les textes de ces commentaires furent Confiés à Tabriz à un certain Siyyid Ibrahim-i-Khalil, qui devait les cacher jusqu'au moment où leur publication serait opportune. Leur sort est demeuré inconnu à ce jour.

"En rapport avec l'un de ces commentaires, le Bab me demanda un jour: "Lequel des deux commentaires préférez-vous, celui que je viens de révéler ou l'Ahsanu'l-Qisas, mon précédent commentaire sur la surih de Joseph? Lequel des deux vous semble-t-il supérieur?

mon avis, répondis-je, l'Ahsanu'l Qisas semble doté d'une plus grande force et d'un plus grand charme." Il sourit à ma remarque et dit: "Vous êtes encore trop peu familier avec le ton et la teneur de ce dernier commentaire. Les vérités qu'il contient aideront le chercheur plus rapidement et de manière plus efficace à atteindre l'objet de sa recherche."

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"Je continuai d'être en compagnie intime du Bab jusqu'au grand combat de Shaykh Tabarsi. Lorsque le Bab fut informé de cet événement, il donna l'ordre à ses compagnons de se dépêcher sur les lieux et d'accorder toute leur assistance à Quddus, son disciple héroïque et exemplaire. S'adressant un jour à moi, il dit: "Si je n'étais pas incarcéré à Jabal-i-Shadid, la forteresse de Chihriq, j'estimerais de mon devoir d'apporter mon aide personnelle à mon Quddus bien-aimé. La participation à ce combat ne vous est pas demandée. Vous devriez aller à Karbila et demeurer dans cette ville sainte, car vous êtes destiné à contempler, de vos propres yeux, le beau visage du Husayn promis. Lorsque vous regarderez cette face radieuse, souvenez-vous aussi de moi. Transmettez-lui l'expression de ma tendre dévotion." Il ajouta encore ces mots, prononcés avec force: "En vérité, je le dis, je vous ai confié une grande mission. Gardez-vous, de crainte que votre coeur ne devienne défaillant et que vous n'oubliiez la gloire que je vous ai conférée."

"Peu après, je partis pour Karbila et vécus dans cette cité sainte conformément aux ordres qui m'avaient été donnés. Craignant que mon séjour prolongé dans ce centre de pèlerinage n'éveillât des soupçons à mon égard, je décidai de me marier. Je commençai à gagner vie en qualité de scribe. Que d'afflictions n'y reçus-je pas de la part des shaykhis, ceux-là qui se déclaraient adeptes de Shaykh Ahmad et qui, pourtant, ne reconnurent pas le Bab! Ayant toujours à l'esprit les conseils de ce jeune homme bien-aimé, je me soumettais avec patience aux affronts qui m'étaient infligés. Pendant tout ce temps, ce saint jeune homme devait être libéré de sa prison terrestre et, par son martyre, délivré des cruautés atroces dont les dernières années de sa vie avaient été remplies.

"Seize mois lunaires moins vingt-deux jours s'étaient écoulés depuis le jour du martyre du Bab lorsqu'au jour d'arafih (2.12) de l'an 1267 après l'hégire (2.13), alors que je passais par la porte de la cour intérieure du tombeau de l'Imam Husayn, mon regard se posa pour la première fois sur Baha'u'llah. Que dirai-je sur le visage que je contemplai? La beauté de cette face, ces traits élégants qu'aucune plume n'oserait décrire, qu'aucun pinceau ne pourrait reproduire, son regard pénétrant, son aimable visage, la majesté de son attitude, la douceur de son sourire, la luxuriance de ses cheveux d'un noir de jais, tout cela laissa une impression ineffaçable en mon âme.

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J'étais alors un vieillard au dos courbé par le poids des années. Il s'avança si affectueusement vers moi, me prit par la main et, d'un ton qui trahissait tout à la fois sa puissance et sa beauté, m'adressa la parole en ces termes:

"Aujourd'hui même, j'ai décidé de vous présenter en tant que Babi dans tout Karbila." Tenant toujours ma main dans la sienne, il continua de converser avec moi. Nous parcourûmes toute la rue du marché et, à la fin, il me dit: "Louange à Dieu qui vous a permis de demeurer à Karbila et de contempler de vos propres yeux la face du Husayn promis." Je me souvins aussitôt de la promesse que m'avait faite le Bab. Ses paroles, que j'avais considérées comme se rapportant à un avenir lointain, je ne les avais communiquées à personne. Ces paroles de Baha'u'llah m'émurent jusqu'au plus profond de mon être. A cet instant même, de toute mon âme et de toutes mes forces, je me sens appelé à proclamer à un peuple négligent l'avènement du Husayn promis. Il me pria cependant de réprimer mes sentiments et de cacher mes émotions. "Pas encore, me murmura-t-il à l'oreille; l'heure fixée approche. Elle n'a pas encore sonné. Restez assuré et patient." A partir de ce moment, tous mes soucis s'évanouirent. Mon âme débordait de joie. En ce temps-là, j'étais si pauvre que, la plupart du temps, je n'avais même pas de quoi manger. Je me sentis cependant, si riche que tous les trésors de la terre se réduisaient à néant, comparés à ce que je possédais déjà. "Telle est la grâce de Dieu; Il la donne à qui bon lui semble, Il est en vérité d'une immense générosité."

A présent, après cette digression, je reviens à mon sujet. J'avais fait allusion au zèle avec lequel Siyyid Kazim avait pris la décision d'écarter ces voiles qui empêchaient les gens de son temps de reconnaître la Manifestation promise. Dans les pages liminaires de ses ouvrages intitulés Sharh-i-Qasidih et Sharh-i-Khutbih, (2.14) il fit allusion, en termes voilés, au nom béni de Baha'u'llah. Dans un livret, le dernier qu'il écrivit, il mentionne explicitement le nom du Bab lorsqu'il fait référence au terme de "Dhikru'llah-i-A'zam". Il y écrit: "A l'adresse de ce noble "Dhikr" (2.15) cette toute-puissante voix de Dieu, je dis: "Je crains que les gens ne vous nuisent. J'ai, moi aussi, peur de vous blesser. Je vous redoute, je tremble devant votre autorité, j'ai peur de ce siècle dans lequel vous vivez. Même si je vous chérissais comme la prunelle de mes yeux jusqu'au jour de la résurrection, je ne vous aurais pas suffisamment prouvé ma dévotion." (2.16)

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Quelles souffrances cruelles Siyyid Kazim n'eut-il pas à endurer de la part de ces gens pervers! Combien de maux lui infligea cette ignoble génération! Pendant des années, il souffrit en silence et endura, avec une patience héroïque, toutes les indignités, les calomnies et les dénonciations qui l'accablaient. Il était cependant destiné à témoigner, durant les dernières années de sa vie, de la manière dont la main vengeresse de Dieu "détruisit totalement" ceux qui s'opposaient à lui, qui le dénigraient et qui complotaient contre lui. En ce temps-là, les adeptes de Siyyid Ibrahim, cet autre ennemi notoire de Siyyid Kazim, s'unirent dans le but de fomenter la révolte et la discorde, de mettre en danger la vie de leur redoutable adversaire. Par tous les moyens dont ils disposaient, ils cherchèrent à empoisonner les esprits de ses admirateurs et de ses amis, à saper son autorité et à discréditer son nom. Aucune voix ne s éleva pour protester contre l'agitation que préparaient avec assiduité ces gens impies et perfides, et dont chacun cependant, se prétendait protagoniste de la vraie science et dépositaire des mystères de la foi de Dieu. Personne ne chercha à les avertir ou à les éveiller. Ils assemblèrent une telle force et suscitèrent une telle opposition qu'ils réussirent à faire expulser de Karbila, d'une manière humiliante, le représentant officiel du gouvernement ottoman, et s'approprièrent de tous ses revenus pour atteindre leurs buts sordides. Leur attitude menaçante irrita le gouvernement central à Constantinople, qui dépêcha un fonctionnaire militaire sur les lieux, avec pour mission d'étouffer le feu de la discorde. Avec la force armée à sa disposition, ce fonctionnaire assiégea la ville et envoya une dépêche à Siyyid Kazim, dans laquelle il le suppliait de pacifier les esprits excités de la populace, de conseiller la modération aux habitants, de les persuader de relâcher leur obstination et de se soumettre de bon gré à sa loi. Il promit, dans le cas où les habitants accepteraient de suivre ses conseils, de garantir leur salut et leur protection, de proclamer une amnistie générale et de s'efforcer de promouvoir leur bien-être. Leur vie serait en danger et une grande calamité s'abattrait sur eux, avertissait-il, s'ils refusaient de se soumettre.

À la réception de cette communication formelle, Siyyid Kazim appela à lui les principaux instigateurs du mouvement et, avec une sagesse et une affection extrêmes, il les exhorta à cesser leur agitation et à déposer les armes. Il parla avec une éloquence si persuasive, avec une sincérité et un détachement tels, que leurs coeurs s'adoucirent et que leur résistance fut domptée. Ils s'engagèrent solennellement à ouvrir, le lendemain matin, les portes de la citadelle et à se présenter, en compagnie de Siyyid Kazim, à l'officier commandant les forces assiégeantes.

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Il avait été convenu que le siyyid interviendrait en leur faveur et leur assurerait tout ce qui pouvait leur garantir la tranquillité et le bien-être. A peine avaient-ils quitté le siyyid que les 'ulamas, les principaux instigateurs de la rébellion, entreprirent unanimement de faire échouer ce plan. Parfaitement conscient du fait qu'une telle intervention de la part du siyyid - lequel avait déjà suscité leur jalousie - servirait à rehausser son prestige et à consolider son autorité, ils décidèrent de persuader un certain nombre des éléments insensés et excitables de la population de faire une sortie de nuit et d'attaquer les forces ennemies. Ils les assurèrent de la victoire, sur la foi d'un rêve au cours duquel l'un de leurs condisciples avait vu 'Abbas, (2.17) lequel l'avait chargé d'inciter ses disciples à faire la guerre sainte contre les assiégeants, )et lui avait promis le succès ultime.

Dupés par cette vaine promesse, ils rejetèrent les directives données par Siyyid Kazim, ce sage et prudent conseiller, et se mirent à exécuter les desseins de leurs chefs insensés. Siyyid Kazim, qui était parfaitement conscient de la mauvaise influence qui animait cette révolte, envoya un rapport détaillé et fidèle de la situation au commandant turc qui, en réponse, lui renouvela son appel pour un règlement pacifique. En outre, il déclara qu'à un certain moment, il forcerait les portes de la citadelle et considérerait la maison de Siyyid Kazim comme l'unique lieu de refuge pour un ennemi battu. Le siyyid fit propager cette déclaration à travers la ville. Elle ne servit qu'à provoquer la moquerie et le dédain de la population. Quand le siyyid apprit l'accueil fait à cette déclaration, il observa: "En vérité, ce qui les menace adviendra le matin. Le matin n'est-il pas proche ? (2.18)

A la levée du jour et à l'heure fixée, les forces de l'ennemi bombardèrent les remparts de la citadelle, en démolirent les murs, entrèrent dans la ville, pillèrent et massacrèrent un nombre considérable de ses habitants. Nombre d'entre eux se réfugièrent, consternés, dans la cour du tombeau de l'Imam Husayn. D'autres cherchèrent asile dans le sanctuaire d' 'Abbas. Ceux qui aimaient et honoraient Siyyid Kazim se rendirent chez lui. La foule qui se pressait vers sa résidence pour y trouver refuge était si dense qu'il fut nécessaire de s'approprier un certain nombre de maisons avoisinantes pour y loger la multitude de réfugiés qui se pressaient devant sa porte. Elle était si dense et si agitée qu'une fois le tumulte calmé, l'on constata que non moins de vingt-deux personnes avaient péri piétinées.

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Quelle consternation fut celle qui s'empara des résidents et des visiteurs de la cité sainte! Combien sévère fut le traitement qu'infligèrent les vainqueurs à leur ennemi terrifié! Avec quelle audace ne foula-t-on pas aux pieds ces droits et prérogatives sacrés dont jouissaient aux yeux d'innombrables pèlerins musulmans ces lieux de Karbila! L'ennemi refusa de considérer le tombeau de 1'Imam Husayn et le mausolée sacré d' 'Abbas comme des sanctuaires inviolables pour les milliers de personnes qui avaient fui devant la colère vengeresse d'un peuple en opposition. Le sang des victimes coula sur les enceintes sacrées de ces deux tombeaux. Pour les innocents et les fidèles parmi la population, un endroit - et un seul - parvint à faire valoir son droit d'asile. Ce lieu, ce fut la résidence de Siyyid Kazim. Sa maison, ainsi que ses dépendances, furent considérées comme pourvues d'un caractère sacré tel, que même le plus saint tombeau de l'islam shi'ah n'avait pu s'en prévaloir. Cette étrange manifestation de la colère vengeresse de Dieu servit de leçon à ceux qui avaient tendance à amoindrir le rang du saint homme qu'était Siyyid Kazim. Cet événement mémorable (2.19) eut lieu le huit dhi'l-hijjih de l'an 1258 après l'hégire. (2.20)

Il est évident qu'en chaque âge et en chaque dispensation, ceux dont la mission est, soit de proclamer la vérité, soit de préparer la voie à son acceptation, ont toujours été opprimés par un nombre d'adversaires puissants qui défièrent leur autorité et tentèrent de dénaturer leurs enseignements. Ils ont réussi pendant un certain temps, soit par supercherie ou prétexte, soit par calomnie ou oppression, à tromper les mal informés et à égarer les faibles. Désireux de maintenir leur emprise sur les pensées et les consciences des hommes, ils sont parvenus, aussi longtemps que la foi de Dieu demeura cachée, à jouir des fruits d'une supériorité éphémère et précaire. A peine la foi fut-elle proclamée qu'ils constatèrent, à leur grande consternation, que les effets de leurs sombres machinations pâlissaient devant la lumière naissante du nouveau jour de Dieu. Devant les ardents rayons de cet Orbe ascendant, toutes leurs mauvaises actions et machinations se réduisirent à néant et devinrent bientôt des choses appartenant au passé.

Il y avait aussi dans l'entourage de Siyyid Kazim un certain nombre de personnes fausses et ignobles qui feignaient de lui être dévouées et attachées, qui simulaient la dévotion et la piété et qui clamaient être les seules initiées aux mystères que recelaient les paroles de Shaykh Ahmad et de son successeur. Elles occupaient les places d'honneur parmi le groupe des disciples assemblés de Siyyid Kazim.

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Ce dernier prononçait des discours à leur adresse et faisait preuve, à leur égard, d'une considération et d'une courtoisie marquées. Et pourtant il faisait souvent allusion, en des phrases subtiles et voilées, à leur aveuglement, à leur vanité et à leur inaptitude totale à saisir les mystères de la parole divine. Parmi ces allusions, on trouve par exemple celle-ci: "Personne, sinon celui qui vient de moi, ne peut saisir mon langage." Souvent il citait cette parole: "Je suis fasciné par le spectacle. Je suis muet d'étonnement et je contemple le monde privé du pouvoir d'entendement. Je suis impuissant à divulguer le mystère et je trouve les gens incapables d'en supporter le poids." A une autre occasion, il observa: "Nombreux sont ceux qui prétendent être parvenus à l'union avec le Bien-Aimé et, cependant, ce Bien-Aimé refuse de leur reconnaître leur prétention. C'est par les larmes qu'il verse pour son Bien-Aimé que le véritable amoureux peut être distingué du faux." A maintes reprises il observa: "Celui qui doit se manifester après moi est d'un lignée pure; il est d'une descendance illustre, de la progéniture de Fatimih. Il est de taille moyenne et ne présente aucune imperfection corporelle." (2.21)

J'ai entendu Shaykh Abu-Turab (2.22) raconter ce qui suit: "Un certain nombre des disciples de Siyyid Kazim et moi-même considérions les allusions à ces imperfections physiques dont, selon le siyyid, le Promis était dépourvu, comme se rapportant spécifiquement à trois personnes parmi nos compagnons. Nous les désignions même par des appellations évoquant leurs défauts corporels. L'un d'eux se nommait Haji Mirza Karim Khan (2.23) fils d'Ibrahim Khan-i-Qajar-i-Kirmani, qui était borgne et portait une barbe teigneuse. Un autre s appelait Mirza Hasan-i-Gawhar, un homme exceptionnellement corpulent. Le troisième, Mirza Muhit-i-Sha'ir-i-Kirmani, était anormalement mince et grand. Nous avions la certitude que ces gens-là n'étaient autres que ceux auxquels Siyyid faisait constamment allusion comme à des personnes futiles et déloyales qui, ultérieurement dévoileraient leur personnalité intime et révéleraient leur ingratitude et leur folie. En ce qui concerne Haji Mirza Karim Khan qui, durant des années, s'assit aux pieds de Siyyid Kazim et acquit, grâce à lui, son soi-disant savoir, il obtint finalement la permission de quitter son maître pour s'installer à Kirman, où il s'engagea à promouvoir les intérêts de l'islam et à propager les traditions qui entouraient le souvenir sacré des Imams de la foi.

"Je me trouvais dans la Bibliothèque de Siyyid Kazim lorsque, un jour, un assistant de Haji Mirza Karim Khan arriva, tenant à la main un livre qu'il présenta au siyyid de la part de son maître, lui demandant de le lire attentivement et de signifier, de sa propre écriture, son approbation quant à son contenu.

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Le siyyid lut certains extraits de ce livre, le rendit à l'assistant avec le message suivant:

"Dites à votre maître que lui-même, mieux que quiconque, peut estimer la valeur de son propre livre." L'assistant s'étant retiré, le siyyid remarqua d'une voix triste: "Maudit soit-il! Pendant des années il est resté en ma compagnie et à présent qu'il entend partir, son unique but, après tant d'années d'étude et de fréquentation, est de diffuser, à travers son livre, de telles doctrines hérétiques et athées qu'il veut maintenant me faire approuver. Il s'est mis d'accord avec un certain nombre d'hypocrites égoïstes dans l'intention de s'établir à Kirman afin d'y assumer, après mon départ de ce monde, les responsabilités d'une direction incontestée. Il s'est si cruellement trompé dans son jugement! Car les brises de la révélation divine émanant de l'Aurore de direction éteindront assurément sa lumière et détruiront son influence. L'arbre de son effort ne portera en fin de compte, que les fruits d'une désillusion amère et d'un remords rongeur. En vérité je dis: Vous contemplerez cela de vos propres yeux. Je prie Dieu que vous restiez à l'abri de l'influence néfaste que lui, l'antéchrist de la révélation promise, exercera à l'avenir." Il me pria de garder secrète cette prédiction jusqu'au jour de la résurrection, le jour où la main d'Omnipotence aura dévoilé les secrets qui sont à présent cachés dans le coeur des hommes. "En ce jour, m'exhorta-t-il, levez-vous avec un but ferme et une détermination inébranlable pour faire triompher la foi de Dieu, répandez au loin tout ce que vous avez entendu et dont vous avez été le témoin." Ce même Shaykh Abu-Turab qui, dans les premiers jours de la dispensation proclamée par le Bab, estimait plus sage et profitable de ne pas adhérer à sa cause, eut, par la suite, l'amour le plus ardent pour la Manifestation révélée et demeura, dans sa foi, aussi ferme et inébranlable que le roc. Finalement, ce feu qui couvait embrasa son âme et entraîna chez lui un tel changement d'attitude, qu'il dut souffrir un emprisonnement à Tihran, dans le cachot où fut enchaîné Baha'u'llah. Il resta ferme jusqu'au bout et couronna de la gloire du martyre une vie de sacrifice et d'amour.

Comme les jours de Siyyid Kazim touchaient à leur fin, celui-ci, chaque fois qu'il rencontrait ses disciples, soit en tête-à-tête, soit public, les exhortait ainsi: "O mes compagnons bien-aimés, prenez garde, de peur qu'après moi, les vanités de ce monde éphémère ne vous séduisent.

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Prenez garde, de crainte de devenir arrogants et oublieux de Dieu. Il vous incombe de renoncer à tout confort, à tout bien terrestre et à vos parents, dans votre quête de celui qui est le désir de vos coeurs et du mien. Dispersez-vous de tous côtés, détachez-vous de toutes choses terrestres et, en toute humilité et piété, suppliez votre Seigneur de vous soutenir et de vous guider. Ne relâchez jamais votre détermination de chercher et de trouver celui qui est caché derrière les voiles de gloire. Persévérez jusqu'au moment où il vous aidera par sa grâce et vous permettra de le reconnaître, lui qui est votre guide- fidèle et votre maître. Soyez fermes jusqu'au jour où il vous choisira pour compagnons et défenseurs héroïques du Qa'im promis. Heureux celui qui parmi vous boira la coupe du martyre dans son sentier. Ceux d'entre vous que Dieu, dans sa sagesse, préservera et gardera pour témoigner de l'apparition de l'Etoile de direction divine, ce Précurseur du Soleil de la révélation divine, doivent être patients, doivent demeurer assurés et fermes. Ils ne doivent ni hésiter ni se sentir en désarroi car, aussitôt après la première sonnerie de trompette qui doit remplir la terre d'extermination et de mort, il y aura à nouveau une sonnerie; à cet autre appel, toutes les choses se ranimeront et seront revivifiées. Alors sera révélée la signification de ces versets sacres: 'Et l'on sonna de la trompette et tous ceux qui sont dans les cieux et sur la terre expirèrent excepte ceux auxquels Dieu a permis de vivre. Alors on sonna encore de la trompette et tous se levèrent et regardèrent autour d'eux. Et la terre brilla de la lumière de son Seigneur, et le livre fut ouvert, et les prophètes et les témoins apparurent et la sentence fut prononcée entre eux, en toute équité, et il ne leur fut fait aucun tort." (2.24)

PHOTO: vue de Kazimayn

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En vérité je dis, après le Qa'im, le Qayyum (2.25) sera manifesté. Car lorsque l'étoile du Premier se sera couchée, le soleil de la beauté de Husayn se lèvera et illuminera le monde entier. Alors se dévoileront, dans toute leur gloire, le "mystère" et le "secret" dont Shaykh Ahmad a parlé en ces termes: "Le mystère de cette cause doit être manifesté et le secret de ce message doit forcément être divulgué. Parvenir à ce jour des jours équivaut à atteindre la gloire suprême des générations du passé, et accomplir une seule bonne action en cet âge équivaut à la pieuse adoration d'un nombre incalculable de siècles." Combien de fois cette âme vénérab1e qu'était Shaykh Ahmad ne récita-t-elle pas ces versets Qur'àn! Avec que lie force mit-elle l'accent sur leur importance en tant que versets annonçant l'avènement de ces deux révélations jumelles qui devaient se succéder à intervalles rapprochés, et dont chacune était destinée à couvrir le monde de toute sa gloire! Combien de fois s'exclama-t-elle en ces termes: Heureux celui qui reconnaîtra leur portée et contemplera leur splendeur!" Aucun de nous deux ne vivra pour contempler leur gloire éclatante. Mais bon nombre de fidèles parmi vos disciples verront le jour que nous, hélas, ne pouvons jamais espérer voir! O mes compagnons bien-aimés! Combien grande, très grande est sa cause! Combien est exalté le rang auquel je vous invite, combien grandiose est la mission pour laquelle je vous ai formés et préparés! Ceignez-vous les reins de l'effort et fixez vos regards sur sa promesse! Je prie Dieu pour qu'Il vous aide par sa grâce à surmonter les tempêtes d'épreuves et les jugements qui vous accableront inévitablement; je le prie aussi de vous permettre d'émerger sains, saufs et triomphants de ces adversités, et de vous guider vers votre haute destinée."

Chaque année, au mois de dhi'l-qa'dih, le siyyid allait de Karbila à Kazimayn (2.26) afin de visiter les tombeaux des Imams. Il retournait à Karbila juste à temps pour visiter, au jour d"arafih, le tombeau de l'Imam Husayn. Cette année-là, la dernière de sa vie, fidèle à ses habitudes, le siyyid partit de Karbila pendant les premiers jours du mois de dhi'l-qa'dih de l'an 1259 après l'hégire, (2.27) en compagnie d'un certain nombre de ses disciples et de ses amis. Au quatrième jour de ce mois, il arriva à temps au Masjid-i-Baràthà, situé sur la route entre Baghdad et Kazimayn, pour y faire sa prière de midi. Il demanda au mu'adhdhin d'appeler les fidèles à se réunir et à prier. Se tenant à l'ombre d'un palmier qui faisait face à la mosquée, il se joignit à la congrégation. A peine avait-il achevé sa prière que soudain un Arabe apparut, s'approcha du siyyid et l'embrassa.

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"Il y a trois jours, dit-il, je faisais paître mon troupeau sur le pâturage voisin, lorsque, soudain, je fus pris de sommeil. Dans mon rêve, je vis Muhammad, l'apôtre de Dieu; il s'adressa à moi en ces termes: "Prête l'oreille, ô berger, à mes paroles, et garde-les précieusement dans ton coeur, car elles sont un dépôt divin que je laisse à tes soins. Grande sera ta récompense si tu le conserves fidèlement; douloureux sera ton châtiment si tu le négliges. Ecoute-moi; voici le dépôt que je te confie. Reste à l'intérieur du Masjid-i-Baratha. Le troisième jour après ce rêve, un membre de ma maison, du nom de Siyyid Kazim, accompagné de ses amis et de ses compagnons, viendra faire halte, à l'heure de midi, à l'ombre du palmier qui se trouve près du masjid. Là, il fera sa prière. Aussitôt que ton regard tombera sur lui, cherche à le rejoindre et transmets-lui mes salutations affectueuses. Dis-lui ceci de ma part: "Réjouissez-vous, car l'heure de votre départ est imminente. Quand vous aurez accompli vos visites à Kazimayn et que vous serez de retour à Karbila, trois jours après votre arrivée, au jour d"arafih (2.28) vous vous envolerez vers moi.

PHOTO: vue partielle du Masjid-i-Barâtha

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Peu après, celui qui est la Vérité se manifestera. Alors, le monde sera illuminé de la lumière de sa face." Un sourire fit resplendir le visage de Siyyid Kazim lorsque fut terminée la description du rêve rapporté par ce berger. Il dit: "Quant à la vérité du rêve que vous avez fait, elle ne fait pas l'ombre d'un doute." Ses compagnons furent profondément attristés par cette nouvelle. Se tournant vers eux, le siyyid dit: "Ne m'aimez-vous pas uniquement par amour pour celui dont nous attendons tous l'avènement? Ne souhaiteriez-vous pas que je meure pour que le Promis puisse être révélé?" Cet épisode tout entier m'a été raconté par non moins de dix personnes qui avaient toutes assisté à cette scène et qui témoignèrent de son authenticité. Et, malgré cela, nombre de ceux qui virent de leurs propres yeux des signes aussi prodigieux rejetèrent la Vérité et répudièrent son message!

PHOTO: emplacement de la tombe de Siyyid Kazim

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La rumeur de cet étrange événement se répandit au loin. Il apporta la tristesse au coeur de ceux qui aimaient vraiment Siyyid Kazim. À ceux-là, le siyyid adressa, avec une joie et une tendresse infinies, des paroles de réconfort et d'encouragement. Il calma leur coeur troublé, fortifia leur foi et enflamma leur zèle. Il accomplit son pèlerinage avec dignité et sérénité et retourna à Karbila. Le jour même de son arrivée, il tomba malade et dut garder le lit. Ses ennemis répandirent le bruit selon lequel il avait été empoisonné par le gouverneur de Baghdad. C'était pure calomnie et mensonge flagrant, d'autant plus que le gouverneur lui-même avait une confiance absolue en Siyyid Kazim et l'avait toujours considéré comme un dirigeant de grand talent doté d'une perception vive et d'un caractère irréprochable. (2.29) Au jour d"arafih de l'an 1259 après l'hégire, à l'âge mûr de soixante ans, Siyyid Kazim, conformément à la vision de l'humble berger, dit adieu à ce monde en laissant derrière lui une équipe de disciples sérieux et dévoués qui, dépourvus de tout désir terrestre, se mirent à la recherche de leur Bien-Aimé promis. Ses restes sacrés furent ensevelis à l'intérieur de la cour u tombeau de l'Imam Husayn. (2.30) Son décès souleva un tumulte ' Karbila, tumulte semblable à l'agitation qui, l'année précédente (2.31) s'était emparée de ses habitants la veille du jour d' 'arafih quand l'ennemi victorieux avait forcé les portes de la citadelle et massacré un nombre considérable de ses habitants assiégés. Un an auparavant, ce jour-là, la maison du siyyid avait constitué l'unique refuge de paix et de sécurité pour les sans-abris et les nécessiteux. A présent, elle était devenue une maison de deuil, où ceux dont il s'était fait l'ami et qu'il avait secourus pleuraient sa mort et se lamentaient sur sa perte. (2.32)

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NOTE DU CHAPITRE 2:

(2.1) Ce fut le premier adepte du Bab, et ce dernier lui conféra ce titre.

(2.2) "Les madrisih ou collèges persans sont entièrement aux mains du clergé, et il y en a plusieurs dans chaque grande ville: Ils comprennent généralement une cour entourée de bâtiments dans lesquels se trouvent des chambres pour les étudiants, des chambres pour les maîtres, et une porte sur l'un des côtés. On trouve fréquemment un jardin et un puits au centre de cette cour. Plusieurs de ces écoles ont été fondées et dotées par les rois et les personnes pieuses. ("A General Sketch of the History of Persia", par C.R. Markham, p. 365.)

(2.3) Ample habit qui se porte sur les autres, qui ressemble à un manteau et qui est généralement fabriqué avec de la laine de chameau.

(2.4) L'équivalent d'environ cent dollars, somme importante à l'époque.

(2.5) Qur'an 76:9.

(2.6) Le Bab, dans le "Dala'il-i-Sab'ih", parle de Mulla Husayn en ces termes: "Tu sais, toi, quel est le premier confesseur de cette Foi; tu sais que la majeure partie des docteurs Shaykhi, Siyyidiyyih, et d'autres sectes a raient sa science et son talent. Quand il entra à Isfahan, les gamins de la ville crièrent sur son passage: "Ah! Ah! un étudiant dépenaillé vient d'arriver!" Eh bien, cet homme, pat ses preuves et ses arguments, convainquit un Siyyid d'une science éprouvée: Muhammad-Baqir! En vérité, c'est là une des preuves de cette Manifestation car, après la mort du Siyyid, ce personnage alla voir la plupart des docteurs de l'Islam et ne rencontra la vérité qu'auprès du Maître de la Vérité; ce fut alors qu'il parvint au destin qui lui avait été fixé. En vérité! Les créatures du début et de la fin de cette Manifestation l'envient et l'envieront jusqu'au jour du Jugement. Et qui donc peut accuser ce maître de l'intelligence de faiblesse mentale et de légèreté? ("Le Livre des Sept Preuves", traduit par A.L.M. Nicolas, p. 54.)

(2.7) Le Bab, à ce sujet, révèle ce qui suit dans le "Dala'il-i-Sab'ih": "Ce qu'il disait encore lors de son dernier voyage, que tu as entendu to même, ne le raconte-t-on pas? Et l'histoire de Mirza Muhammad-i-Akhbari que rapporte 'Abdu'l-Husayn-i-Shushtari? Mirza Muhammad-i-Akhbari demanda un jour, étant à Kazimayn, a vénéré Siyyid, quand se manifesterait l'Imam. Le Siyyid parcourut des yeux l'assemblée et lui dit "Toi, tu le verras." Mulla Muhammad-Taqiyi-Haravi racontait lui aussi cette histoire à Isfahan. ("Le Livre des Sept Preuves", traduit par A.L.M. Nicolas, p. 58.)

(2.8) Voir la note, au début du livre, sur "Les traits distinctifs de l'Islam Shi'ah".

(2.9) Il semble que la conclusion selon laquelle Siyyid Kazim faisait souvent allusion vers la fin de sa vie, à la Manifestation qu'il croyait imminente, soit évidente. Il adorait dire les mots suivants:
"Je le vois comme le soleil levant." ("The Reconciliation of Races and Religions", par le Dr. T.R. Cheyne.)

(2.10) Qur'an, 76:21.

(2.11) Un juz' est un trentième du Qur'an.

(2.12) Le neuvième jour du mois de dhi'l-hijjih.

(2.13) Le 5 octobre 1851 ap. J.-C.

(2.14) Le deuxième chapitre du tome Il de l" 'Essai sur le Shaykhisme" de A.L.M. Nicolas est entièrement consacré à l'énumération détaillée des cent trente-cinq ouvrages écrits par Siyyid Kazim dont voici ceux qui présentent un intérêt remarquable:
1. Sharh-i Khutbiy-i-Tutunjiyyih.
2. Sharh-i Qasidih.
3. Tafsirih Âyatu'l-Kursi
4. Dat Asrar-i-Shihadat-i-Imam-Husayn.
5. Cosmographie.
6. Dalilu'l-Mutahayyirin.
On dit que ses oeuvres dépassent les 300 volumes ("A Traveler's Narrative"-Note E p. 238.)

(2.15) "Dhikr" signifie "mention", "souvenir".

(2.16) A.L.M Nicolas cite dans le Chapitre III de son "Essai sur le Shaykhisme,", tome Il, p.43, l'extrait suivant du Sharh-i-Qasidih de Siyyid Kazim: "Je l'ai dit, dans chaque période de cent années, il y a des élus qui répandent et sèment les préceptes qui expliquent ce qui est illicite et ce qui est licite, qui disent les choses qui étaient cachées durant les cent années précédentes. Autrement dit, chaque cent ans, un personnage savant et parfait se rencontre qui fait verdoyer et fleurir l'arbre de la loi religieuse, qui régénère son tronc, tant qu'enfin le livre de la Création arrive à sa fin, dans une période de douze cents années. A ce moment, se manifesteront un certain nombre d'hommes parfaits qui manifesteront certaines choses très intimes qui étaient cachées... Donc, quand sont terminés les douze cents ans, quand le premier cycle est fini qui dépendait de l'apparence du Soleil du Prophète, de la Lune du Vilayat, alors sont finies les influences de ce cycle, et un second cycle commence, pour l'explication des préceptes intimes et des secrets cachés." Il ajoute alors lui-même ces mots : 'Autrement dit, et pour rendre encore plus clair ce langage surprenant qui vraiment n'a pas besoin d'explication, Siyyid Kazim nous dit que le premier cycle qui dure douze cents ans est uniquement pour l'éducation des corps et des esprits qui dépendent de ces corps. Il est comme l'enfant dans le ventre de sa mère. Le deuxième cycle est pour l'éducation des esprits saints, des âmes unes, qui n'ont aucune relation avec le monde des corps. C'est comme si Dieu voulait élever les esprits par le devoir en ce monde. Donc, quand le premier cycle est terminé, dont spectacle est le nom de Muhammad, arrive le cycle des éducations des intimités. Dans ce cycle, les apparences obéissent aux intimités, ainsi que dans le cycle précédent les intimités obéissaient aux apparences. Donc, dans ce second cycle, le nom céleste du Prophète, qui est Ahmad, est le lieu du spectacle, le Maître: "Mais ce nom doit forcément être trouvé de la meilleure des terres, du plus pur des airs." Nicolas ajoute plus loin, dans une note en bas de page, ce qui suit: "Le nom de Ahmad cité plus haut tendrait à faire croire qu'il s'agit ici de Shaykh Ahmad. Mais, cependant, on ne peut guère, en parlant de Lahça, dire qu'elle est la meilleure des terres. On sait, au contraire, que tous les poètes de la Perse se réunissent pour chanter Shiraz et son climat idéal. Il n'y a d'ailleurs qu'à voir ce que Shaykh Ahmad disait lui-même de son pays.

(2.17) Frère de l'Imam Husayn

(2.18) Qur'an, 11:81

(2.19) A.L.M. Nicolas, dans son "Essai sur le Shaykhisme", Tome Il, pp. 29 et 30, décrit comme suit l'événement: e fut en l'an 1258 (1842) qu'eut lieu cet événement, le jour de la fête du Qadr. Les armées de Baghdad, sous la conduite de Najib Pasha, s'emparèrent de Karbila dont elles massacrèrent les habitants, et pillèrent les riches mosquées. Près de neuf mille personnes furent tuées, et la plupart étaient des Persans. Muhammad Shah était assez sérieusement malade quand eurent lieu ces événements, aussi les hauts fonctionnaires les lui cachèrent-ils."

Quand le Shah, par la suite, les apprit, il entra dans une grande colère et jura de tiret une vengeance éclatante. Mais les représentants Russe et Anglais intervinrent pour calmer les choses. En fin de compte, Mirza Ja'far Khan Mushiru'd Dawlih, revenant de son ambassade à Constantinople, fut envoyé à Erzeroum pour s y rencontrer avec les délégués Anglais, Russes et Ottomans.

"Arrivé à Tabriz, le plénipotentiaire persan tomba malade. Haji Mirza nomma, alors à sa place Mirza Taqi Khan-i-Farahani, Vazir Nizam: celui-ci se tendit à Erzeroum avec 200 officiers.

"Le délégué Turc était Anvar Effendi, qui se montra courtois et conciliant, mais l'un des hommes de l'Amir Nizam fit un acte qui portait atteinte à la religion sunnite; la population se précipita sur le camp de l'ambassadeur; deux ou trois Persans furent tués, tout fut pillé et l'Amir Nizam n'eut la vie sauve que grâce à l'intervention de Badri Pasha.

"Le Gouvernement turc présenta des excuses et paya 15 000 tumans de dommages et intérêts. Dans son Hidaytu't-Talibin, Karim Khan veut que durant le pillage de Karbila, les troupes victorieuses aient respecté les maisons des Shaykhis. Tous ceux qui y cherchèrent refuge, dit-il, furent sauvés, et l'on y accumula des objets précieux. Aucun des compagnons de Siyyid Kazim ne fut tué, alors que ceux qui s'étaient réfugiés aux saints tombeaux furent massacrés sans pitié. Le Pasha, dit-on, entra à cheval dans l'enceinte sacrée.

(2.20) Le 10 janvier 1843 ap. J-C.

(2.21) A.L.M. Nicolas, dans son "Essai sur le Shaykhisme", Tome Il, pp. 60 et 61, donne l'extrait suivant des écrits de Siyyid Kazim: "Tu as compris, je pense, que la Loi religieuse et les préceptes de la morale sont la nourriture de l'esprit. Il est donc obligatoire que ces lois religieuses soient diverses: il faut que parfois les ordres précédents soient annulés; il faut qu'ils se composent de choses douteuses et de choses certaines, de généralités et de particularités, d'absolu et de fini, d'apparent et d'intime, afin que l'enfant arrive au temps de l'adolescence et soit parfait dans sa puissance et dans sa capacité.
"C'est à ce moment-là que doit apparaître le Qa'im et, après sa manifestation, doit s'accomplir le temps de sa vie, et il doit être tué; c'est quand il sera tué que le monde arrivera à l'âge de 18 ans."

(2.22) Suivant Samandar (p. 32), Shaykh Abu-Turab était natif d'Ishtihard, et on le comptait parmi les principaux disciples de Siyyid Kazim. Il épousa la soeur de Mulla Husayn. Il mourut en prison à Tihran.

(2.23) "Le Bab écrivit à Hàji Muhammad-Karim Khan ... et l'invita à reconnaître son autorité. Cc dernier non seulement refusa de le faire mais écrivit plus tard un traité contre le Bab et ses doctrines." (Page 910.) "Au moins deux traités furent rédigés par Haji Muhammad Karim Khan. L'un d'eux fut écrit à une date ultérieure, probablement après la mort du Bab, à la demande spéciale de Nasara'd-Din Shah. De ces deux traités, l'un a été imprimé; c'est "l'écrasement de l'erreur". (Izhaqu'l-Batil) (Note 1 au bas de la page 910.) (Journal of the Royal Asiatic Society, 1889, article 12.)

(2.24) Qur'an, 39:68.

(2.25) Références respectives au Bab et à Baha'u'llah.

(2.26) Les tombes des "deux Kazims", le septième Imam Musa Kazim et le neuvième Imam Muhammad-Taqi, se trouvent à environ trois milles au nord de Baghdad. Autour d'elles a été construite une grande ville, habitée principalement par des Persans et connue sous le nom de 'Kazimayn".

(2.27) Du 23 novembre au 23 décembre 1843 ap. J.-C.

(2.28) Le 31 décembre 1843 ap. J.-C.

(2.29) "Karim Khan qui, au sujet la prise de Karbila, insiste sur le respect que les assaillants montrèrent aux Shaykhis et à Siyyid Kazim-i-Rashti, ne se gène pas du tout pour déclarer qu'il est fort probable "que Siyyid Kazim fut empoisonné à Baghdad par cet infâme Najib Pasha qui, dit-il, lui fit prendre un breuvage après l'absorption duquel il fut pris d'une soif intense et mourut." C'est ainsi que les Persans écrivent l'histoire!" ("Essai sur le Shaykhisme", de A.L.M. Nicolas, Il, pp. 30-31.)

(2.30) "Il fut enterré derrière la fenêtre du corridor du tombeau du Seigneur des Confesseurs. Ce tombeau fut creusé très profondément en inclinant, dans le bas, vers l'intérieur de l'enceinte interdite." (Idem, page 31)

(2.31) "Durant la vie de Siyyid Kazim, la doctrine des Shaykhis se répandit dans toute la Perse, si bien que dans la seule province d'Iraq il y avait plus de cent mille murids." (Journal Asiatique, 1866, Tome VIL p. 463.)

(2.32) "Ici finit l'histoire de l'établissement du Shaykhisme, ou tout au moins de son Unité. Il va, en effet, après la mort de Siyyid Kazim-i-Rashti, se diviser en deux branches. L'une, sous le nom de Babisme, lui donnera l'épanouissement que semblait promettre la force du mouvement créé par Shaykh Ahmad et auquel paraissent s'être attendu les deux maîtres, si on en croit leurs prédictions; l'autre, sous la conduite de Karim Khan-i-Qajar-i-Kirmani, continuera ses luttes contre l'élément Shiite, mais cherchera toujours à se mettre à l'abri en affectant les dehors d'un parfait Ithna-'Asharisme. Si, pour Karim Khan, le Bab et ses sectateurs sont d'infâmes impies, pour les Babis, Karim Khan est l'Anté-Christ ou Dajjal prédit par Muhammad. (A.L.M. Nicolas, "Essai sur le Shaykhisme", tome-Il, p. 31.)


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