La chronique de Nabil
Nabil-i-A'zam


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CHAPITRE III : la déclaration de la mission du Bab

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Le décès de Siyyid Kazim fut le signal d'une activité renouvelée de la part de ses ennemis. Avides de pouvoir et enhardis par son départ de ce monde et par la consternation que celui-ci avait provoquée chez ses disciples, ils renouvelèrent leurs revendications et se préparèrent à Réaliser leurs ambitions. Pendant un certain temps, la peur et l'anxiété emplirent les coeurs des disciples fidèles de Siyyid Kazim mais, avec le retour de Mulla Husayn-i-Bushru'i de la haute mission dont l'avait chargé son maître, et qu'il avait si bien réussie, leur tristesse se dissipa. (3.1)

C'est au premier jour de muharram de l'an 1260 après l'hégire (3.2) que Mulla Husayn revint à Karbila. Il consola et raffermit les disciples désolés de son maître bien-aimé, leur rappela la promesse infaillible de celui-ci et prêcha la vigilance soutenue et l'effort incessant qu'exigeait la recherche du Bien-Aimé. Vivant dans le voisinage immédiat de la maison qu'avait occupée le siyyid, il consacra son temps, durant trois jours entiers, à recevoir les visites d'un nombre considérable de personnes en deuil qui se dépêchaient d'aller lui présenter, à lui, qu'elles considéraient comme le principal représentant des disciples du siyyid, l'expression de leur angoisse et de leur affliction. Ensuite il appela un certain nombre de ses compagnons les plus distingués, et en qui il avait le plus Confiance, pour s'enquérir auprès d'eux des voeux exprimés par leur chef défunt et de ses ultimes exhortations. Ces disciples lui dirent qu'à maintes reprises et avec force, Siyyid Kazim leur avait ordonné de quitter leur maison, de se disperser de tous côtés, de purifier leur coeur de tout désir vain et de se consacrer à la recherche de celui à l'avènement duquel il avait si souvent fait allusion. "Il nous disait, racontèrent-ils, que l'objet de notre recherche était désormais révélé; que les voiles qui s'interposaient entre lui et nous étaient tels, qu'ils ne pouvaient être dissipés que par notre recherche dévouée; que seule la persévérance dans la prière, la pureté d'intention et la sincérité d'esprit nous permettrait de déchirer ces voiles. Dieu n'a-t-il pas révélé dans son Livre: "Quiconque fait des efforts pour Nous, Nous le guiderons dans nos voies ?" (3.3)

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"Pourquoi alors, observa Mulla Husayn, avez-vous choisi de demeurer à Karbila? Comment se fait-il que vous ne vous êtes pas dispersés et ne vous êtes pas levés pour exécuter sa pressante requête?" "Nous reconnaissons notre erreur, répondirent les disciples. Nous portons tous témoignage de votre grandeur. La Confiance que nous avons en vous est telle que si vous prétendez être le Promis, nous nous soumettrons tous avec empressement et sans hésitation. Ici même, nous promettons 'être loyaux et soumis à tout ce que vous nous ordonnerez d'accomplir." "A Dieu ne plaise!" s'exclama Mulla Husayn. "Loin de sa gloire le fait que moi, qui ne suis que poussière, je puisse être comparé à celui qui est le Seigneur des Seigneurs! Si vous parliez selon le ton et le langage de Siyyid Kazim, vous n'auriez jamais prononcé de telles paroles. Votre obligation première, aussi bien que la mienne, est de nous lever et de mettre en pratique, tant dans l'esprit que dans la lettre, le message d'adieu de notre chef bien-aimé." Il se leva aussitôt de son siège et alla directement vers Mirza Hasan-i-Gawhar, Mirza Muhit et vers d'autres personnages bien connus parmi les disciples de Siyyid Kazim. A tous il délivra sans crainte le message d'adieu de son chef, souligna le caractère urgent de leur devoir et les poussa à se lever pour accomplir celui-ci. Or, à son appel, il ne reçut que des réponses évasives et indignes. "Nos ennemis, remarqua l'un d'eux, sont nombreux et puissants. Nous devons rester dans cette ville et préserver le siège laissé vacant par notre chef défunt." Un autre fit observer: "Il m'incombe de demeurer ici et de prendre soin des enfants que le Siyyid a laissés derrière lui." Mulla Husayn reconnut immédiatement la futilité de ses efforts. Réalisant le degré de leur folie, leur aveuglement et leur ingratitude, il cessa de leur parler. Il se retira, les laissant à leurs vaines occupations.

Etant donné qu'à ce moment précis du récit, qui vit naître la révélation promise, l'an soixante venait de commencer, il me semble opportun de nous écarter quelque peu de notre thème et de mentionner certaines traditions de Muhammad et des Imams de la foi qui, spécifiquement, font référence à cette année. Imam Ja'far, fils de Muhammad, au moment où on l'interrogea au sujet de l'année au cours de laquelle le Qa'im devait être manifesté, répondit ce qui suit:

"En vérité, en l'an soixante sa cause sera révélée et son nom sera répandu au loin." Dans les ouvrages du savant et célèbre Muhyi'd-Din-i-'Arabi, l'on trouve plusieurs références à l'année de l'avènement ainsi qu'au nom de la Manifestation promise. Parmi celles-ci, on peut lire: "Les ministres et les partisans de sa foi seront des Persans."

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"Dans son nom le nom du Gardien ('Ali) précède celui du Prophète (Muhammad)." "L'année de sa révélation est égale à la moitié du nombre qui est divisible par neuf (soit 2520)." Mirza Muhammad-i-Akhbari, dans ses poèmes se rapportant à l'année de la Manifestation, fait la prédiction, suivante: "En l'an Ghars (dont la valeur numérique des lettres est 1260), la terre s'illuminera de sa lumière et, en Gharasih (soit 1265), le monde se remplira de sa gloire. Si tu vis jusqu'à l'an Gharasi (soit 1270), tu verras comment les nations, les dirigeants, les peuples et la foi de Dieu auront tous été renouvelés. Dans une tradition attribuée à l'Imam 'Ali, le Commandeur des fidèles, il est dit aussi: "En Ghars, l'Arbre de la direction divine sera planté."

PHOTO: demeure de Mulla Husayn à Bushruyih

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Mulla Husayn, après s'être acquitté de l'obligation qu'il avait d'exhorter et de réveiller ses compagnons, partit de Karbila pour Najaf. Il était accompagné de Muhammad Hasan, son frère, et de Muhammad Baqir, son neveu, qui, tous deux, l'avaient toujours accompagné depuis sa visite à sa ville natale de Bushruyih, dans la province de Khurasan. En arrivant à la mosquée de Kufih, Mulla Husayn décida de passer quarante jours dans ce lieu, où il mena une vie de retraite et de prière. Par ses jeûnes et ses veilles, il se prépara à la sainte aventure qu'il allait bientôt entreprendre. Lors de l'accomplissement de c s actes d'adoration, seul son frère lui tenait compagnie, tandis que on neveu, qui quotidiennement leur procurait à tous deux ce dont ils avaient besoin, observait le jeûne et, pendant ses heures de loisir, se joignait à eux pour prier.

Ce calme claustral dont ils étaient entourés fut interrompu d'une manière inattendue, après quelques jours, par l'arrivée de Mulla 'Aliyi-Bastami, l'un des disciples les plus éminents de Siyyid Kazim. Celui-ci, avec douze autres compagnons, arriva à la mosquée de Kufih, où il trouva son condisciple Mulla Husayn plongé dans la contemplation et la prière. Mulla 'Ali possédait un savoir si vaste et était si versé dans les enseignements de Shaykh Ahmad que beaucoup le considéraient même comme étant supérieur à Mulla Husayn. A maintes occasions, il essaya de s'enquérir auprès de Mulla Husayn, de sa destination une fois la période de retraite terminée. Chaque fois qu'il l'approchait, il le trouvait si absorbé par ses dévotions qu'il trouvait impossible de hasarder une question. Il décida bientôt de se retirer de la société des hommes pendant 40 jours, comme l'avait fait son condisciple. Tous ses compagnons suivirent son exemple, sauf trois d'entre eux qui remplirent les fonctions de serviteurs.

Aussitôt après l'achèvement de ses quarante jours de retraite, Mulla Husayn, partit pour Najaf avec ses deux compagnons. Il quitta Karbila de nuit, visita, sur sa route, le tombeau de Najaf, et se rendit directement à Bushihr, au bord du golfe Persique. Là, il commença sa pieuse recherche du Bien-Aimé cher à son coeur. Là aussi, pour la première fois, il respira la fragrance de celui qui, des années durant, avait mené dans cette ville la vie de négociant et d'humble citoyen. C'est là qu'il perçut les doux parfums de sainteté dont les invocations innombrables du Bien-Aimé avaient si généreusement imprégné l'atmosphère de cette cité.

Il ne pouvait cependant rester plus longtemps à Bushihr. Attiré comme par un aimant qui semblait l'entraîner irrésistiblement vers le nord, il partit pour Shiraz.

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En arrivant aux portes de cette ville, il dit à son frère et à son neveu d'aller directement au Masjid-itlkhani et d'y rester jusqu'à ce que lui-même y arrivât. Il exprima l'espoir de les rejoindre à temps pour la prière du soir si telle était la volonté de Dieu.

Ce même jour, quelques heures avant le coucher du soleil, alors que Mulla Husayn marchait en dehors des murs de la cité, son regard s'arrêta soudain sur un jeune homme au visage rayonnant, qui portait un turban vert et qui, s'avançant vers lui, le salua avec un sourire d'affectueuse bienvenue.

PHOTO: aspects du Masjid-i-Ilkhani

PHOTO: autre aspects du Masjid-i-Ilkhani

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PHOTO: vue générale de Shiraz

Il embrassa Mulla Husayn avec une tendre affection comme si pendant toute sa vie, il avait été son ami intime. Mulla Husayn le prit d'abord pour un disciple de Siyyid Kazim qui, ayant été informé de sa venue à Shiraz, était sorti pour lui souhaiter la bienvenue.

Mirza Ahmad-i-Qazvini, le martyr qui, à plusieurs occasions, avait entendu Mulla Husayn raconter aux premiers croyants le récit de son historique et émouvant entretien avec le Bab, me relata ce qui suit:

"J'ai entendu Mulla Husayn, à plusieurs reprises, décrire d'une manière pittoresque les circonstances de cette remarquable entrevue: "Le jeune homme qui me rencontra en dehors de la ville de Shiraz me combla de marques d'affection et de bonté. Il m'invita chaleureusement à me rendre chez lui et à m'y rafraîchir après les fatigues du voyage. Je demandai à être excusé, déclarant que mes deux compagnons avaient déjà pris les arrangements en vue de mon séjour dans cette ville, et qu'ils attendaient à présent mon retour. "Confiez-les aux bons soins de Dieu! répondit-il; Il les protègera et veillera certainement sur eux.

Ayant prononcé ces mots, il me pria de le suivre. La façon aimable et pourtant irrésistible dont ce jeune homme étrange me parlait m impressionna profondément. Tandis que je le suivais, son allure, le charme de sa voix et la dignité de son comportement contribuaient à confirmer mes premières impressions sur cette rencontre inattendue.

"Nous nous trouvâmes bientôt devant une maison d'apparence modeste. Il frappa à la porte qu'ouvrit peu après un serviteur éthiopien. "Entrez ici en paix et en sécurité" (3.4), furent les paroles de mon hôte en franchissant le seuil et en m'invitant à le suivre. Cette invitation, exprimée avec vigueur et majesté, pénétra mon âme. De telles paroles me parurent de bon augure au moment où je me tenais debout sur le seuil de la première maison dans laquelle je pénétrais à Shiraz, ville dont l'atmosphère même avait déjà produit en moi une impression indescriptible.

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Ma visite dans cette maison ne pouvait-elle, me disais-je, me permettre de me rapprocher de l'objet de ma recherche? Ne pourrait-elle pas mettre fin à une période de zèle intense, de recherche assidue, et d'anxiété croissante qu'implique une telle quête? En entrant dans la maison et en suivant mon hôte vers sa chambre, un sentiment de joie inexprimable envahit mon être. Dès que nous fûmes assis il fit apporter une aiguière pleine d'eau et me pria de me laver les mains et les pieds souillés par la poussière du voyage. Je demandai la permission de me retirer et d'accomplir mes ablutions dans une chambre adjacente. Il refusa d'accéder à ma requête et se mit à me verser de l'eau sur les mains. Ensuite il me donna à boire un breuvage rafraîchissant, après quoi il fit apporter le samovar (3.5) et prépara lui-même le thé qu'il m'offrit.

PHOTO: pièce dans le Masjid-i-Ilkhani de Shiraz, où eut lieu la rencontre entre le Bab et Mulla Husayn

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"Comblé de ses faveurs et de son extrême gentillesse, je me levai pour partir. "L'heure de la prière du soir approche," me hasardai-je à observer. "J'ai promis à mes amis de les rejoindre à cette heure-là

PHOTO: oranger planté par le Bab dans la cour de sa maison de Shiraz

à la mosquée d'Ilkhani." Avec une courtoisie et un calme extrêmes, il répondit: "Vous avez certainement subordonné l'heure de votre retour à la volonté et au plaisir de Dieu. Il semble que sa volonté en ait décrété autrement. Vous n'avez pas à craindre d'avoir rompu votre promesse." Sa dignité et son assurance me réduisirent au silence. Je renouvelai mes ablutions et me préparai à la prière. Lui aussi resta debout près de moi et pria. Pendant que je priais, je soulageai mon âme très oppressée aussi bien par le mystère de cette entrevue que par les tracas et les efforts de ma recherche.

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Je murmurai cette invocation: "Je me suis efforcé de toute mon âme, ô mon Dieu, de trouver le Messager promis et, jusqu'à présent, j'ai échoué dans ma tâche. Je témoigne que ta parole ne faillit point et que ta promesse est sure.

"Cette nuit, cette mémorable nuit, était la veille du cinquième jour de jamadiyu'l-avval, en l'an 1260 après l'hégire. (3.6) Ce fut environ une heure après le coucher du soleil que mon jeune hôte commença à converser avec moi. "Qui, après Siyyid Kazim, me demanda-t-il, considérez-vous comme son successeur et votre chef?" "A l'heure de son décès, répondis-je, notre regretté maître nous exhorta avec insistance à abandonner nos maisons, à nous disperser au loin, à la recherche du Bien-Aimé promis. J'ai, par conséquent, voyagé en Perse; je me suis levé pour accomplir son voeu et suis encore engagé dans ma recherche." "Votre maître, poursuivit-il, vous a-t-il donné des indications détaillées quant aux caractères distinctifs du Promis?" "Oui, répondis-je, il est de pure lignée; il est de descendance illustre, et de la postérité de Fatimih. Quant à son âge, il se situe entre vingt et trente ans. Il est doté d'un savoir inné. Il est de taille moyenne, s'abstient de l'usage du tabac et est dépourvu d'imperfections physiques."

PHOTO: brasero et samovar du Bab

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Il attendit un moment puis, d'une voix vibrante, déclara:

"Voyez, tous ces signes sont manifestes en moi !" Il considéra alors séparément chacun des signes mentionnés ci-dessus, et démontra de façon concluante que tous, sans exception, s'appliquaient à sa personne.

PHOTO: Pièce dans laquelle naquit le Bab à Shiraz

PHOTO: aux environs de Shiraz, lieu où se rendait souvent le Bab

PHOTO: autre endroit aux environs de Shiraz, lieu où se rendait souvent le Bab

Je fus fort surpris et observai poliment: "Celui dont nous attendons l'avènement est un homme d'une sainteté inégalée, et la cause qu'il doit révéler est d'une puissance extraordinaire. Nombreuses et diverses sont les conditions que doit remplir celui qui se prétend la visible personnification de cette cause.

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Que de fois Siyyid Kazim n'a-t-il pas fait allusion à l'immensité du savoir du Promis! Que de fois n'a-t-il pas dit: "Mon propre savoir n'est que goutte, comparé à celui dont il a été doté. Toutes mes connaissances ne sont que grain de poussière devant l'immensité de son savoir. Que dis-je, incommensurable en est la différence!" À peine avais-je prononcé ces paroles que je fus saisi d'une peur et d'un remords tels que je ne pouvais ni les cacher, ni les expliquer. Je me réprouvai moi-même avec amertume et me décidai, dès ce moment, à changer d'attitude et à adoucir le ton de ma voix. Je fis à Dieu le serment que si mon hôte se référait à nouveau à ce sujet, je répondrais avec une humilité extrême, en ces termes: "Si vous consentez à confirmer votre prétention, vous me délivrerez assurément de l'angoisse et de l'incertitude qui oppressent si lourdement mon âme. Je me sentirai vraiment redevable envers vous pour une telle délivrance." Lorsque je commençai ma recherche, je décidai de considérer les deux critères suivants comme étant ceux grâce auxquels je pourrais vérifier l'authenticité de quiconque se proclamerait le Qa'im promis. Le premier critère était un traité que j'avais moi-même rédigé et qui avait trait aux enseignements abstrus et voilés de Shaykh Ahmad et de Siyyid Kazim. Si quelqu'un me semblait capable de dévoiler les mystérieuses allusions faites dans ce traité, à celui-là je soumettrais alors ma seconde requête et lui demanderais de révéler, sans la moindre hésitation ou réflexion, un commentaire sur la surih de Joseph, dans un style et un langage totalement différents des normes en usage à l'époque. J'avais auparavant demandé à Siyyid Kazim, en privé, d'écrire un commentaire sur cette même surih, mais il avait refusé en disant: "Ceci est, en vérité, au-delà de mes possibilités. Lui, le Grand, qui vient après moi, vous le révélera, de son propre chef. Ce commentaire constituera l'un des témoignages les plus probants de sa vérité et l'une des preuves les plus évidentes de l'élévation de son rang." (3.7)

"Ces pensées passaient et repassaient dans mon esprit lorsque mon hôte distingué remarqua à nouveau: "Observez attentivement. La personne à laquelle Siyyid Kazim a fait allusion pourrait-elle être une autre que moi ?" Je me sentis alors poussé à lui présenter une copie du traité que j'avais sur moi. "Voulez-vous, lui demandai-je, lire ce livre dont je suis l'auteur et regarder ces pages d'un oeil indulgent? Je vous prie de passer sur mes faiblesses et mes défauts." Il se conforma avec bonté à mon désir. Il ouvrit le livre, jeta un coup d'oeil sur certains passages, le referma et commença à me parler.

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PHOTO: vue 1 de la piece dans laquelle le Bab déclara sa mission

PHOTO: vue 2 de la piece dans laquelle le Bab déclara sa mission

PHOTO: vue 3 de la piece dans laquelle le Bab déclara sa mission

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En l'espace de quelques minutes il avait dévoilé, avec une vigueur et un charme caractéristiques, tous ses mystères et résolu tous ses problèmes. Après avoir, à mon entière satisfaction, accompli en si peu de temps la tâche que je lui avais demandée, il m'exposa certaines vérités que l'on ne pouvait trouver ni dans les traditions attribuées aux Imams de la foi ni dans les écrits de Shaykh Ahmad et de Siyyid Kazim. Ces vérités, que je n'avais jamais entendues auparavant, semblaient dotées d'une force et d'une vigueur vivifiantes. "Si vous n'aviez pas été mon invité, observa-t-il ensuite, votre position aurait été en réalité très délicate. La grâce de Dieu, qui embrasse toutes choses, vous a sauvé. Il appartient à Dieu d'éprouver ses serviteurs et non pas à ceux-ci de le juger selon leurs normes déficientes. Aurait-on pu considérer la Réalité qui brille en moi comme impuissante, ou mon savoir comme défectueux, si j'avais échoué dans ma tentative de résoudre votre perplexité? Non, par la justice de Dieu! Il incombe en ce jour aux peuples et aux nations de l'Est et de l'Ouest de se hâter vers ce seuil et de chercher à obtenir ici la grâce vivifiante du Miséricordieux. Quiconque hésite sera en vérité en cruelle perdition. Les peuples de la terre n'affirment-ils pas que le but fondamental de leur création est de connaître et d'adorer Dieu? Il est de leur devoir de se lever, avec autant de sérieux et de spontanéité que vous, pour rechercher avec détermination et constance leur Bien-Aimé promis." Il poursuivit alors:

"À présent, il est temps que je révèle le commentaire sur la surih de Joseph." Il prit sa plume et, avec une rapidité incroyable, révéla entièrement la surih de Mulk, le premier chapitre de son commentaire sur la surih de Joseph. L'effet écrasant que produisait sa manière d'écrire était encore accru par la douce intonation de sa voix qui en accompagnait la rédaction. Il ne cessa, ne fût-ce que pour un seul instant, de révéler le flot de versets qui jaillissait de sa plume. Il ne s'arrêta pas une seule fois avant d'avoir terminé la surih de Mulk. J'étais assis, ravi par la magie de sa voix et la force irrésistible de sa révélation. Finalement, je me levai à contre-coeur de mon siège et demandai la permission de partir. En souriant il me pria de me rasseoir et dit: "Si vous partez dans un état pareil, quiconque vous verra dira certainement: "Ce pauvre jeune homme a perdu la tête." A ce moment, l'horloge marquait deux heures et onze minutes après le coucher du soleil. (3.8) Cette nuit-là, la veille du cinquième jour de jamadiyu'l avval de l'an 1260 après l'hégire correspondait à la veille du soixante-cinquième jour après Naw-Ruz qui était aussi la veille du Khurdad de l'an Nahang.

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PHOTO: Vue de la chambre à coucher du Bab dans sa maison à Shiraz

PHOTO: Vue de la chambre à coucher de la mère du Bab dans sa maison à Shiraz

PHOTO: Vue du salon du Bab dans sa maison à Shiraz

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"Cette nuit, déclara-t-il, cette même heure sera, dans les temps à venir, célébrée comme l'une des fêtes les plus grandes et les plus significatives. Rendez grâce à Dieu de vous avoir aidé à Réaliser le désir de votre coeur et à boire du vin scellé de sa parole. Bienheureux ceux qui y parviennent." (3.9)

"A la troisième heure après le coucher du soleil, mon hôte donna l'ordre de servir le dîner. Ce même domestique éthiopien réapparut et étala devant nous une nourriture des plus choisies. Ce saint repas ranima aussi bien mon corps que mon âme. A cette heure, en présence de mon hôte, il me semblait me nourrir des fruits du paradis. Je ne pouvais que m'émerveiller devant les manières et les attentions dévouées de ce serviteur éthiopien dont la vie même paraissait avoir été transformée par l'influence régénératrice de son maître. Alors, pour la première fois, je reconnus la portée de ces paroles traditionnelles bien connues attribuées à Muhammad: "J'ai préparé, à l'intention de ceux de mes serviteurs pieux et justes, ce qu'oeil n'a jamais vu, ni oreille jamais entendu, ni coeur humain jamais conçu." Si mon jeune hôte ne visait d'autre but que la grandeur, il pouvait estimer l'avoir atteint, car le seul fait d'être reçu avec une hospitalité et une bonté dont, j'en suis convaincu, aucun autre être humain ne pourrait faire preuve, me suffisait.

"J'étais assis, fasciné par ses paroles, oublieux du temps et de ceux qui m'attendaient. Soudain le cri du mu'adhdhin appelant les fidèles à la prière matinale, me tira de l'état d'extase dans lequel je semblais être tombé. Toutes les délices, toutes les gloires ineffables dont le Tout-Puissant parle dans son livre comme les biens inestimables des habitants du paradis, semblaient être à moi cette nuit-là. Il me semblait me trouver dans un endroit dont on pourrait réellement dire: aucune peine ne nous atteindra, aucune lassitude ne nous touchera. Là, on n'entendra aucun vain discours ni aucun mensonge, mais uniquement le cri: "Paix! Paix!" Le cri qu'on y lancera sera: "Gloire à toi, ô Dieu!" et la salutation sera: "Paix!" Et le cri se terminera par: "Louange à toi, Seigneur de toutes les créatures ! (3.10)

"Le sommeil m'avait quitté cette nuit-là. J'étais ravi par la mélodie de cette voix qui s'élevait et s'abaissait tandis qu'il psalmodiait; tantôt elle se haussait et ce, lorsqu'il révélait les versets du Qayyamu'l-Asma, (3.11) tantôt elle acquérait des harmonies éthérées et subtiles, et ce, au moment où il prononçait les prières qu'il révélait. (3.12) A la fin de chaque invocation, il répétait ce verset: "Loin de la gloire de ton Seigneur, le Très-Glorieux, est ce que ses créatures affirment de Lui!

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Et paix sur ses messagers! Et louange à Dieu, le Seigneur de tous les êtres !" (3.13)

"Ensuite, il s'adressa à moi en ces termes: "Ô toi qui es le premier à croire en moi! En vérité je le dis, je suis le Bab, la Porte de Dieu, et tu es le Babu'l-Bab, la porte de cette Porte. Dix-huit âmes doivent d'abord, spontanément et de leur plein gré, m'accepter et reconnaître la vérité de ma révélation. Sans avoir été avertie ni invitée, chacune de ces âmes devra, indépendamment, chercher à me trouver. Et lorsque leur nombre sera complet, l'une d'elles devra être choisie pour m'accompagner dans mon pèlerinage à La Mecque et à Médine. Là je délivrerai le message de Dieu au sharif de La Mecque. Je retournerai ensuite à Kufih où, de nouveau, dans la mosquée de cette cité sainte, je manifesterai sa cause. Il vous incombe de ne pas divulguer, ni à vos compagnons, ni à toute autre personne, ce que vous avez vu et entendu. Soyez occupé à la mosquée Ilkhani à prier et à enseigner. Moi aussi, je vous y rejoindrai pour la prière en commun. Prenez garde à ce que votre attitude envers moi ne trahisse le secret de votre foi. Vous devrez poursuivre cette occupation et maintenir cette attitude jusqu'à notre départ pour Hijaz. Avant de partir, nous assignerons à chacune des dix-huit âmes sa mission spécifique et nous les enverrons toutes au loin accomplir leur tâche. Nous leur apprendrons à enseigner la parole de Dieu et à raviver les âmes des hommes." Après avoir prononcé ces paroles, il me congédia. M'accompagnant jusqu'à la porte de la maison, il me confia à Dieu.

"Cette révélation qui venait de m'être imposée d'une manière si soudaine et si impétueuse sembla, pendant un certain temps, tel un coup de foudre, avoir paralysé mes facultés. (3.14) "J'étais aveuglé par son éblouissante splendeur et accablé par sa force écrasante. L'émotion, la joie, la crainte et l'émerveillement remuaient les profondeurs de mon âme. Parmi ces sensations prédominait un sentiment de joie et de force qui semblait m'avoir transfiguré. Comme auparavant je m'étais senti faible et impuissant, timide et déprimé; je ne pouvais, à ce moment ni écrire ni marcher, tant mes mains et mes pieds tremblaient. Mais désormais, la connaissance de sa révélation galvanisait tout mon être. Je sentais en moi un courage et une puissance tels que même si le monde entier, tous ses peuples et ses potentats, devaient se liguer contre moi, je résisterais, seul et intrépide, à leurs assauts. L'univers ne semblait qu'une poignée de poussière dans ma main. Il me semblait être la voix de Gabriel personnifiée, appelant toute l'humanité en ces termes:

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PHOTO: la fenêtre à guillotine

PHOTO: l'escalier menant à la chambre où le Bab déclara sa mission

PHOTO: la porte de l'époque et l'entrée vue de la maison du Bab à Shiraz où il déclara sa mission

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"Réveille-toi. Regarde! La lumière de l'aube a pointé. Lève-toi car sa cause est manifestée. La porte de sa grâce est grande ouverte; entrez-y, ô peuples du monde, car celui qui est votre Promis est venu!"

"Je quittai sa maison dans cet état et rejoignis mon frère et mon neveu. Un grand nombre des disciples de Shaykh Ahmad qui avaient été informés de mon arrivée s'étaient réunis dans la mosquée d'Ilkhani pour me rencontrer. Fidèle aux directives de mon Bien-Aimé que je venais de trouver, je me mis aussitôt à réaliser ses désirs. En commençant à organiser mes classes et à psalmodier mes prières, j'attirais petit à petit une grande foule autour de moi. Des dignitaires du clergé, ainsi que des fonctionnaires de la ville, vinrent me rendre visite. Ils furent émerveillés de l'esprit que révélaient mes conférences, inconscients qu'ils étaient du fait que la source d'où jaillissait mon savoir n était autre que celui dont ils attendaient, pour la plupart avec impatience, l'avènement.

"Durant ces jours, le Bab m'appela à plusieurs reprises auprès de lui. Pour ce faire, il envoyait dans la nuit, le même domestique éthiopien au masjid, le chargeant de me transmettre son plus affectueux message de bienvenue. Chaque fois que je lui rendais visite, je passais la nuit entière auprès de lui. Eveillé jusqu'à l'aube, j'étais assis à ses pieds, fasciné par le charme de sa parole et oublieux du monde, de ses soucis et de ses occupations. Comme ces heures précieuses passaient rapidement! A l'aube, je me retirais à contre-coeur. Avec quelle impatience attendais-je, ces jours-là, la venue du soir! Avec quels sentiments de tristesse et de regret regardais-je le jour pointer! Au cours d'une de ces visites nocturnes, mon hôte s'adressa à moi en ces termes: "Demain, treize de vos compagnons arriveront ici. Faites preuve de la plus extrême bonté envers chacun d'eux. Ne les abandonnez pas à eux-mêmes, car ils ont consacré leur vie à la recherche de leur Bien-Aimé. Priez Dieu de les aider, par sa grâce, à marcher d'un pas sûr dans ce sentier qui est plus fin qu'un cheveu et plus tranchant qu'une épée. Certains d'entre eux seront considérés, aux yeux de Dieu, comme ses disciples élus et favoris. Quant aux autres, ils chemineront sur la voie médiane. Le sort du restant, demeurera indéterminé jusqu'à l'heure où tout ce qui est caché sera rendu manifeste." (3.15)

"Ce matin-là, au lever du soleil, peu après mon retour dé la maison du Bab, Mulla'Aliy-i-Bastami, accompagné du même nombre de compagnons que m'avait indiqué le Bab, arrivait au Masjid-iIlkhani. Immédiatement, je leur procurai ce dont ils avaient besoin pour leur confort.

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Une nuit, quelques jours après leur arrivée, Mulla 'Ali, en tant que porte-parole de ses compagnons, vint ouvertement exprimer des sentiments qu'il ne pouvait plus contenir. "Vous connaissez bien, dit-il, la Confiance que nous avons en vous. Nous vous sommes si loyaux que si vous vous prétendiez le Qâ'im promis, nous nous soumettrions tous sans hésitation. Obéissant à vos appels, nous avons abandonné nos foyers et nous sommes partis à la recherche de notre Bien-Aimé promis. Vous étiez le premier à nous montrer à tous ce noble exemple. Nous avons marché sur vos traces. Nous sommes décidés à ne pas relâcher nos efforts avant d'avoir trouvé l'objet de notre recherche. Nous vous avons suivi jusqu'ici, prêts à reconnaître celui que vous accepteriez, dans l'espoir de chercher refuge en sa protection et de sortir indemnes du tumulte et de l'agitation qui doivent caractériser la dernière heure. Comment se fait-il que nous vous trouvions à présent en train d'enseigner et de mener les prières et les adorations avec la plus extrême sérénité? Ces signes d'agitation et d'attente semblent avoir disparu de votre visage. Dites-nous, nous vous en supplions, la cause de ce brusque apaisement, afin que nous puissions nous aussi, nous libérer de cet état de perplexité et de doute." "Vos compagnons, observai-je aimablement, peuvent évidemment attribuer mon attitude paisible et sereine à l'ascendance que je semble avoir acquise dans cette ville. La vérité est bien loin de cela. Le monde, je vous l'assure, avec toute sa pompe et toutes ses séductions ne pourra jamais détourner ce Husayn de Bushruyih du chemin de son Bien-Aimé. Depuis le début même de cette entreprise sacrée dans laquelle je me suis engagé, j'ai juré de sceller de mon sang ma propre destinée. Pour son amour, j'ai accepté avec joie d'être plongé dans un océan de tribulations. Je ne soupire point après les choses de ce monde. Je désire ardemment le bon plaisir de mon Bien-Aimé. Le feu qui brûle en moi ne s'éteindra que lorsque j'aurai versé mon sang pour son nom. Plût à Dieu que vous puissiez vivre pour être témoin de ce jour! Vos compagnons n'auraient-ils pas pu imaginer que, vu l'ardeur de son désir et la persévérance de ses efforts, Dieu, dans son infinie miséricorde, ait daigné ouvrir à Mulla Husayn la porte de sa grâce et que désirant, selon sa sagesse insondable, dissimuler ce fait, lui ait ordonné de s'engager dans de telles activités?" Ces paroles émurent l'âme de Mulla 'Ali. Il en perçut aussitôt la signification. Les yeux, baignés de larmes, il me supplia de lui dévoiler l'identité de celui qui avait transformé mon agitation en paix et mon anxiété en certitude. "Je vous adjure, me dit-il, de m'accorder une partie du contenu de cette coupe sacrée que la Main de miséricorde vous a donnée à boire, car elle étanchera certainement ma soif et calmera la peine que provoque en moi ce désir ardent."

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"Ne me suppliez pas, répondis-je, de vous accorder cette faveur. Que votre Confiance repose en lui, car il guidera sûrement vos pas et apaisera le tourment de votre coeur."

Mulla 'Ali se précipita chez se compagnons et les mit au courant de son entretien avec Mulla Husayn. Embrasés par le feu qu'avait allumé en leurs coeurs le récit de cette conversation, ceux-ci se dispersèrent aussitôt, cherchèrent la solitude de leur chambre et demandèrent, par le jeûne et la prière, la dissipation du voile qui les séparait de la reconnaissance de leur Bien-Aimé. Ils priaient ainsi, au cours de leurs vigiles: "O Dieu, notre Dieu! Nous n'adorons que toi et n'implorons que ton secours. Guide-nous, nous t'en supplions, sur le droit chemin, ô Seigneur notre Dieu! Réalise ce que tu nous as promis par l'intermédiaire de tes Apôtres, et ne nous fais pas honte au jour de la résurrection. En vérité, tu ne manqueras point à ta promesse."

A la troisième nuit de cette retraite, alors qu'il était absorbé dans la prière, Mulla 'Aliy-i-Bastami eut une vision. Il lui apparut une lumière, qui se déplaçait devant ses yeux. Attiré par sa splendeur, Mulla 'Ali la suivit jusqu'au moment où elle le conduisit à son Bien-Aimé promis. A cette heure même, au milieu de la nuit, il se leva et, exultant et radieux, ouvrit la porte de sa chambre et se précipita chez Mulla Husayn. Il se jeta dans les bras de son compagnon révéré. Mulla Husayn l'embrassa avec affection et lui dit: "Louange à Dieu qui nous a guidés ici! Nous n'aurions pas été guidés si Dieu ne l'avait voulu!"

Le matin même, Mulla Husayn, suivi de Mulla 'Ali, se hâta vers la résidence du Bab. A l'entrée de sa maison, ils rencontrèrent le fidèle domestique éthiopien qui les reconnut aussitôt et les accueillit en ces termes: "Avant le lever du jour, mon maître m'appela et m'ordonna d'ouvrir la porte de la maison et d'attendre sur le seuil. "Deux invités, me dit-il, doivent arriver tôt ce matin. Exprimez-leur en mon nom une chaleureuse bienvenue. Dites-leur de ma part: "Entrez ici au nom de Dieu."

La première rencontre de Mulla 'Ali avec le Bab, qui fut semblable à son entrevue avec Mulla Husayn, ne se distingua de cette dernière que par le fait suivant: alors qu'à la réunion précédente, les preuves et les témoignages de la mission du Bab avaient été exposés et examinés à fond et d'un oeil critique, à cette rencontre-ci on évita toute discussion et seul l'esprit d'adoration intense et d'intime et ardente communion prévalut.

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La chambre tout entière semblait avoir été animée par cette céleste puissance qui émanait de son verbe inspiré. Tout, dans cette pièce, semblait vibrer de ce témoignage: "En vérité, en vérité, l'aube d'un jour nouveau a pointé. Le Promis est intronisé da le coeur des hommes. Il tient dans sa main la coupe mystique, le calice de l'immortalité. Bénis soient ceux qui y boivent!"

Chacun des douze compagnons de Mulla 'Ali, à son tour et par ses propres efforts, sans aide aucune, chercha et trouva son Bien-Aime. Certains dans leur sommeil, d'autres à l'état de veille, un petit nombre en prière et d'autres encore au moment de la contemplation, tous eurent connaissance de la lumière de cette révélation divine et furent amenés à reconnaître la puissance de sa gloire. À la manière de Mulla 'Ali, ceux-ci et quelques autres, en compagnie de Mulla Husayn, rencontrèrent le Bab et furent déclarés "Lettres du Vivant". Dix-sept Lettres furent petit à petit inscrites sur la Tablette préservée de Dieu et furent désignées comme les apôtres choisis du Bab, les ministres de sa foi et les propagateurs de sa lumière.

Une nuit, au cours de sa conversation avec Mulla Husayn, le Bab prononça ces paroles: "Dix-sept Lettres ont été jusqu'ici enrôlées sous la bannière de la foi de Dieu. Il en manque une pour en compléter le nombre. Ces Lettres du Vivant se lèveront pour proclamer ma cause et établir ma foi. Demain, à la nuit tombante, la Lettre restante arrivera et complètera le nombre de mes disciples choisis." Le jour suivant, vers le soir, comme le Bab retournait chez lui, suivi de Mulla Husayn, un jeune homme échevelé, les vêtements tachés par la poussière du voyage, apparut. Il s'approcha de Mulla Husayn, l'embrassa et lui demanda s'il avait atteint son but. Mulla Husayn essaya d'abord de calmer l'agitation du voyageur et lui conseilla de se reposer quelque temps, tout en lui promettant de l'éclairer par la suite. Le jeune homme, cependant, refusa de suivre son conseil. Fixant son regard sur le Bab, il dit à Mulla Husayn: "Pourquoi cherchez-vous à me le cacher? Je puis le reconnaître à son allure. J'affirme avec Confiance que personne à part lui, ni en Orient ni en Occident, ne peut prétendre être la Vérité. Personne d'autre ne peut manifester la puissance et la majesté qui émanent de sa sainte personne." Mulla Husayn s'émerveilla de ces paroles. Il l'implora de l'excuser, cependant il incita son compagnon à cacher ses sentiments jusqu'au moment où il serait capable de le mettre au courant de la vérité.

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L'abandonnant là, il se hâta d'aller rejoindre le Bab et l'informa de la conversation qu'il avait eue avec ce jeune homme. "Ne soyez pas étonné de son étrange comportement, fit remarquer le Bab. Nous avons été en communion avec ce jeune homme dans le monde de l'esprit. Nous le connaissons déjà. Nous attendions en effet sa venue. Allez sur-le-champ l'inviter à me rejoindre." Mulla Husayn, en entendant ces paroles du Bab, se souvint aussitôt de la phrase traditionnelle suivante: "Au dernier jour, les hommes de l'Invisible traverseront, sur les ailes de l'esprit, l'immensité de la terre, parviendront en la présence du Qa'im promis et chercheront auprès de lui le secret qui résoudra leurs problèmes et dissipera leurs perplexités."

Bien qu'éloignés quant aux corps, ces âmes héroïques communient chaque jour avec leur Bien-Aimé, prennent part à la munificence de son verbe et jouissent du suprême privilège de sa compagnie. Si cela n'avait pas été ainsi, comment Shaykh Ahmad et Siyyid Kazim auraient-ils pu connaître le Bab? Comment auraient-ils perçu la portée du secret qui était caché en lui? Comment le Bab lui-même, comment Quddus, son disciple bien-aimé, auraient-ils pu correspondre dans un langage pareil si le lien mystique de l'esprit n'avait relié leurs âmes ensemble? Le Bab ne fit-il pas allusion, aux premiers jours de sa mission, dans les premiers passages du Quayyumu'l-Asma', son commentaire sur la surih de Joseph, à la gloire et à la portée de la révélation de Baha'u'llah? N'avait-il pas pour but, en insistant sur l'ingratitude et la malveillance dont Joseph fut l'objet de la part de ses frères, de prédire ce que Baha'u'llah était destiné à subir des mains de son frère et de ses parents? Quddus, bien qu'assiégé à l'intérieur du fort de Shaykh Tabarsi par les bataillons et par le feu d'un ennemi impitoyable, n'était-il pas occupé, jour et nuit, à parachever son éloge de Baha'u'llah, ce commentaire immortel sur le Sad de Samad, qui comprenait déjà quelque cinq cent mille versets? Chaque verset du Qayyumu'l-Asma', chaque mot du commentaire précité de Quddus porteront, à condition d'être examinés avec impartialité, un témoignage éloquent à cette vérité.

L'acceptation par Quddus de la vérité de la révélation du Bab vint compléter le nombre fixé de ses disciples choisis. Quddus, qui s'appelait Muhammad 'Ali, descendait, par sa mère, directement de l'Imam Hasan, le petit-fils du prophète Muhammad (3.16) Il était né à Barfurush dans la province de Mazindaran. Ceux qui assistèrent aux cours de Siyyid Kazim rapportèrent que, durant les dernières années de la vie de celui-ci, Quddus devint l'un de ses disciples.

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Il arrivait toujours le dernier et occupait invariablement le siège le plus bas dans l'assemblée. Il était aussi le premier à quitter la réunion lorsque celle-ci était terminée. Le silence qu'il observait et la modestie de son comportement le distinguaient du reste de ses compagnons. On entendait souvent Siyyid Kazim observer que certains de ses disciples, bien qu'occupant les sièges les plus bas et gardant le silence le plus absolu, avaient néanmoins un rang si élevé aux yeux de Dieu, que même lui se sentait indigne d'être compté parmi leurs serviteurs. Ses disciples, bien qu'observant l'humilité de Quddus et reconnaissant le caractère exemplaire de son comportement, demeuraient ignorants des intentions de Siyyid Kazim. Lorsque Quddus arriva à Shiraz et embrassa la foi déclarée par le Bab, il n'avait que vingt-deux ans.

PHOTO: vues 1 du bain public où se rendait le bab lorsqu'il était enfant

PHOTO: vues 2 du bain public où se rendait le bab lorsqu'il était enfant

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Bien que jeune, il montrait ce courage et cette foi indomptables que personne, parmi les disciples de son maître, ne pourrait surpasser. Il démontra, par sa vie et son glorieux martyre, la vérité de cette tradition: "Quiconque me cherche, me trouvera. Quiconque me trouve sera attiré vers moi. Quiconque s'approche de moi m'aimera. Quiconque m'aime sera aussi aimé de moi. Celui qui est aimé de moi, celui-là je l'immolerai. Celui qui est immolé par moi, je serai moi-même sa rançon."

Le Bab, dont le nom était Siyyid 'Ali-Muhammad, (3.17) naquit dans la ville de Shiraz, le premier jour de muharram de l'an 1235 après l'hégire. (3.18) Il appartenait à une maison renommée pour sa noblesse et dont l'origine remontait à Muhammad lui-même. La date de sa naissance confirma la vérité de la prophétie attribuée par la tradition à l'Imam 'Ali: "J'ai deux ans de moins que mon Seigneur." Vingt-cinq années, quatre mois et quatre jours s'étaient écoulés depuis sa naissance, lorsqu'il déclara sa mission. Dans sa tendre enfance, il perdit son père, Siyyid Muhammad Rida (3.19), un homme connu à travers la province de Fars pour sa piété et sa vertu, et qui était très estimé et honoré. Son père et sa mère étaient tous deux descendants du Prophète; tous deux étaient aimés et respectés par le peuple. Il fut élevé par son oncle maternel, Haji Mirza Siyyid 'Ali, l'un des martyrs de la foi, qui le confia, alors qu'il était encore un enfant, aux soins d'un tuteur nommé Shaykh Abid. (3.20) Le Bab, bien que peu enclin aux études, se soumit à la volonté de son oncle et à ses directives.

Shaykh 'Abid, connu par ses élèves sous le nom de Shaykhuna, était un homme de piété et de savoir. Il avait été le disciple de Shaykh Ahmad et de Siyyid Kazim. "Un jour, racontait-il, je demandai au Bab de réciter les paroles introductives du Qur'an: "Bismi'llahi'r-Rahmaini'r-Rahim". (3.21) Il hésita, disant qu'il n'essayerait en aucune façon de prononcer ces mots avant d'en connaître la signification. Je prétendis ne pas en connaître le sens. "Je sais ce que ces mots signifient observa mon élève; avec votre permission, je les expliquerai." Il parla avec tant de savoir et une telle facilité que je fus pris de stupeur. Il développa le sens d' "Allah", de "Rahman" et de "Rahim" en des termes que je n'avais jamais lus ni entendus. La douceur de ses paroles reste encore vivante en ma mémoire. Je me sentis poussé à le ramener chez son oncle et à remettre aux mains de celui-ci le dépôt qu'il avait confié à mes soins. Je décidai de lui dire combien je me sentais indigne d'être le maître d'un enfant aussi remarquable. Je trouvai son oncle seul dans son bureau.

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PHOTO: les ruines de Qahviyih-Awliya fréquentées par le Bab

PHOTO: porte d'entrée des ruines du Qahviyih-Awliya

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PHOTO: vue 1 de l'arbre marquant la dernière demeure du fils du Bab à Babi-dukhtaran, Shiraz

PHOTO: vue 2 de l'arbre marquant la dernière demeure du fils du Bab à Babi-dukhtaran, Shiraz

PHOTO: tombeau de la femme du Bab à Shah-chiragh, Shiraz

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vous le ramène, lui dis-je, et le Confie à votre vigilante protection. Il ne doit pas être traité comme un simple enfant car, en lui, je puis déjà discerner les signes de ce mystérieux pouvoir que seule la révélation du Sahibu'z-Zaman (3.22) peut manifester. Il vous incombe de l'entourer de vos soins les plus tendres. Gardez-le chez vous car il n'a en vérité, nul besoin de maîtres tels que moi." Haji Mirza Siyyid 'Ali réprimanda sévèrement le Bab. "Avez-vous oublié mes instructions? lui dit-il. Ne vous ai-je pas déjà averti que vous deviez suivre l'exemple de vos camarades, garder le silence et écouter attentivement chaque parole prononcée par votre maître?" Après avoir obtenu du Bab la promesse d'obéir fidèlement à ses instructions, son oncle lui ordonna de retourner à l'école. L'âme de cet enfant, cependant, ne pouvait être étouffée par les sévères avertissements de son oncle. Aucune discipline ne pouvait arrêter le flot de son savoir intuitif. Jour après jour, il continua à manifester des signes si remarquables et une sagesse tellement surhumaine que je suis impuissant à les décrire." Finalement, son oncle se décida à le retirer de l'école de Shaykh 'Àbid et à faire de lui son associé dans ses propres affaires. (3.23) Là aussi, il manifesta les signes d'un pouvoir et d'une grandeur tels que peu de gens pouvaient les approcher et que personne ne pouvait les égaler.

Quelques années plus tard, (3.24) le Bab était uni par les liens du mariage à la soeur de Mirza Siyyid Hasan et Mirza Abu'l-Qasim. (3.25) L'enfant qui naquit de cette union fut appelé Ahmad. (3.26) Il mourut en l'an 1259 après l'hégire, (3.27) année précédant la déclaration de la foi par le Bab. Le père ne pleura pas sa perte. Il consacra sa mort par des paroles telles que celles-ci: "O Dieu, mon Dieu! J'aurais voulu qu'on me donnât un millier d'Ismaël pour que moi, ton Abraham, je puisse te les offrir tous en sacrifice. Ô mon Bien-Aimé, Désir de mon coeur! Le sacrifice de cet Ahmad que ton serviteur 'Ali Muhammad a immolé sur l'autel de ton amour ne pourra jamais suffire à éteindre la flamme de nostalgie qui brûle en son coeur. Le trouble de son âme ne s'apaisera que lorsqu'il aura immolé son propre coeur à tes pieds, que lorsque son corps tout entier sera tombé, victime de la plus cruelle tyrannie, dans ton sentier; que lorsqu'enfin sa poitrine deviendra la cible des innombrables flèches reçues pour ton amour. Ô mon Dieu, mon unique désir! Fais que le sacrifice de mon fils, mon fils unique, te soit acceptable. Permets que ce soit un prélude à mon propre sacrifice, celui de mon être tout entier, dans le sentier de ton bon plaisir. Sanctifie mon sang, que je souhaite ardemment verser en ton sentier.

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Fais qu'il arrose et Alimente la semence de ta foi. Pourvois-le de ta céleste puissance afin que cette graine puisse bientôt germer dans le coeur des hommes, qu'elle puisse prospérer, croître jusqu'à devenir un arbre puissant à l'ombre duquel tous les peuples et toutes les tribus de la terre pourront se rassembler. Réponds à ma prière, ô Dieu, et exauce mon désir le plus cher.

PHOTO: fac-similé de l'écriture de Tahirih

Tu es, en vérité, le Tout-Puissant, le Munificent." (3.28)

Les jours que le Bab consacra à des activités commerciales s 'écoulèrent pour la plupart à Bushihr. (3.29) La chaleur accablante de l'été ne l'empêchait pas de passer chaque vendredi, plusieurs heures de suite en adoration sur le toit de sa maison. Bien qu'exposé aux rayons ardents du soleil, il continuait, le coeur tourné vers son Bien-Aimé, à communier avec lui, insoucieux de l'intensité de la chaleur et oublieux du monde qui l'entourait.

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A partir de l'aube jusqu'au lever du soleil et de midi jusqu'à une heure avancée de l'après-midi, il consacrait son temps à la méditation et à l'adoration pieuse. Le regard tourné vers le nord, en direction de Tihran, il saluait, à chaque lever du jour, d'un coeur débordant d'amour et de joie, l'apparition du soleil à l'horizon ce qui, pour lui, présageait celle de cet Astre de Vérité qui devait bientôt se lever sur le monde. Tel un amant qui contemple la face de sa bien-aimée, il regardait avec constance et un ardent désir, l'orbe ascendant. Il semblait s'adresser, dans un langage mystique, à cet astre éclatant et lui Confier son message de tendresse et d'amour pour son Bien-Aimé caché. Il accueillait avec un tel délice ses rayons éclatants que les ignorants et les négligents qui se trouvaient autour de lui le croyaient amoureux du soleil lui-même. (3.30)

J'ai entendu Haji Siyyid Javad-i-Karbila'i (3.31) raconter ce qui suit: "Alors que j'étais en route pour l'Inde, je vins à passer par Bushihr. Comme je connaissais déjà Haji Mirza Siyyid 'Ali, je pus rencontrer le Bab à plusieurs reprises. Chaque fois que je le rencontrai, il me paraissait dans un état d'humilité tel que les mots me manquent pour le décrire. Ses yeux baissés, son extrême courtoisie et l'expression sereine de son visage laissèrent en mon âme une impression ineffaçable. (3.32) J'entendis souvent ceux qui étaient ses intimes témoigner de la pureté de son caractère, du charme de ses manières, de son effacement total, de sa grande probité et de son extrême dévotion envers Dieu. (3.33) Un homme lui avait remis un dépôt et lui avait demandé de le vendre à un prix déterminé. Quand le Bab lui envoya l'argent provenant de la vente de cet article, l'homme constata que la somme envoyée dépassait de beaucoup celle qu'il avait fixée. Il écrivit aussitôt au Bab pour lui demander une explication.

Le Bab répondit: "Ce que je vous ai envoyé vous revient de plein droit. Il n'y a pas un seul centime de trop, tout est à vous. Il fut un temps où le dépôt que vous m'aviez confié avait atteint cette valeur. N'ayant pu le vendre à ce prix, je sens qu'il est de mon devoir de vous offrir à présent la totalité de cette somme." Et de fait, malgré les insistances du client du Bab à lui faire reprendre la somme excédentaire, celui-ci refusa.

"Avec quelle assiduité assistait-il à ces réunions où l'on exaltait les vertus du Siyyidu'sh-Shuhadà l'Imam Husayn! Avec quelle attention écoutait-il la lecture du panégyrique! Quelle tendresse et quelle dévotion montrait-il à ces séances de lamentation et de prière! Les larmes coulaient de ses yeux lorsque ses lèvres tremblantes murmuraient les paroles de prière et de louange.

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Comme sa dignité était irrésistible! Comme les sentiments qu'inspirait sa physionomie étaient tendres!"

Quant à ceux dont le privilège suprême fut de voir leur nom inscrit par le Bab dans le Livre de sa révélation, en qualité de Lettres du Vivant, ils avaient pour noms:

Mulla Husayn-i-Bushru'i,

Muhammad-Hasan, son frère,

Muhammad-Baqir, son neveu,

Mulla 'Aliy-i-Bastami,

Mulla Khuda-Bakhsh-i-Quchani, appelé par la suite Mulla 'Ali,

Mulla Hasan-i-Bajistani,

Siyyid Husayn-i-Yazdi,

Mirza Muhammad Rawdih-Khan-i-Yazdi,

Sa'id-i-Hindi,

Mulla Mahmùd-i-Khu' i,

Mulla Jalil-i-Urumi,

Mulla Ahmad-i-Ibdal-i-Maraghi'i,

Mulla Baqir-i-Tabrizi,

Mulla Yusuf-i-Ardibili,

Mirza Hadi, fils de Mulla 'Abdu'l-Vahhab-i-Qazvini,

Mirza Muhammad- ' Aliy-i-Qazvini, (3.34)

Tahirih, (3.35)

Quddus.

Toutes ces personnes, à l'unique exception de Tahirih, parvinrent en la présence du Bab qui, en personne, les éleva à ce rang distingué. Quant à Tahirih, ce fut elle qui, apprenant que le mari de sa soeur, Mirza Muhammad 'Ali de Qazvin, avait l'intention de partir, chargea ce dernier de remettre une lettre scellée à ce Promis qu'il allait certainement, selon elle, rencontrer au cours de son voyage. Elle ajouta: "Dites-lui de ma part: La splendeur de ta face éclate au loin et le rayonnement de ton visage s'élève." Prononce cette parole: "Ne suis-je pas ton Seigneur" et nous répondrons tous: "Tu l'es, tu l'es." (3.36)

Mirza Muhammad-'Ali devait effectivement rencontrer le Bab, le reconnaître et lui remettre la lettre ainsi que le message verbal de Tahirih. Le Bab devait aussitôt la déclarer l'une des Lettres du Vivant. Son père, Haji Mulla Salih-i-Qazvini et son frère, Mulla Taqi, étaient tous deux des mujtahids de grande renommée, (3.37) verses dans les traditions de la loi islamique et universellement respectés par les habitants de Tihran, de Qazvin et d'autres villes importantes de la Perse.

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Elle avait épousé Mulla Muhammad, fils de Mulla Taqi, son oncle, auquel les shi'ahs avaient donné le titre de Shahid-iThalith (3.37a) Bien que sa famille appartienne au Bala-Sari, elle fut seule à manifester, depuis le début même, une sympathie et une dévotion marquées envers Siyyid Kazim. Pour montrer son admiration personnelle envers ce dernier, elle écrivit un traité pour la défense et la justification des enseignements de Shaykh Ahmad, et le lui présenta. Elle reçut peu après une réponse écrite dans les termes les plus affectueux où, dans les passages introductifs, le siyyid s'adressait ainsi à elle: "Ô toi qui es la consolation de mes yeux (Ya Qurrati-'Ayni!) et la joie de mon coeur!" Depuis ce temps-là, elle a été connue sous 1e nom de Qurratu'l-'Ayn. Après la réunion historique de Badasht, un certain nombre de ceux qui y avaient participé furent si stupéfaits de l'intrépidité et du franc-parler de cette héroïne, qu'ils crurent de leur devoir d'informer le Bab sur le caractère de son comportement surprenant et sans précédent. Ils s'acharnèrent à ternir la pureté de son nom. A leurs accusations, le Bab répondit: "Que puis-je dire au sujet de celle que la Langue de pouvoir et de gloire a nommée Tahirih (la Pure)?" Ces paroles devaient suffire à réduire au silence ceux qui s'étaient efforcés de miner sa position. À partir de ce moment, les croyants l'appelèrent Tahirih. (3.38)

Je dois à présent dire un mot sur la signification du terme Bala Sari. Shaykh Ahmad et Siyyid Kazim ainsi que leurs disciples, lorsqu'ils visitaient le tombeau de l'Imam Husayn à Karbila, occupaient toujours, en signe de révérence, l'extrémité inférieure du sépulcre. Ils ne s'avançaient jamais au-delà, tandis que d'autres adorateurs, les bala-sari, récitaient leurs prières dans la partie supérieure de ce tombeau. Les shaykhis, croyant avec certitude que "chaque croyant sincère vit aussi bien dans ce monde que dans l'au-delà", considéraient comme indécent et inconvenant de marcher au-delà des limites des sections inférieures du tombeau de l'Imam Husayn, celui-ci étant à leurs yeux l'incarnation même du plus parfait croyant. (3.39)

Mulla Husayn, que le Bab s'était choisi d'avance comme compagnon pendant son pèlerinage à La Mecque et à Médine, fut convoqué par son maître dès que ce dernier prit la décision de quitter Shiraz, et reçut de sa part les instructions suivantes: "Les jours que vous passez en ma compagnie tirent à leur fin. Mon alliance avec vous est à présent accomplie. Armez-vous de persévérance et levez-vous pour propager ma cause. Ne vous découragez pas à la vue de la dégénérescence et de la perversité de cette génération, car le Seigneur de l'alliance vous assistera certainement.

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En vérité, il vous entourera de son affectueuse protection et vous conduira de victoire en victoire. Semblable au nuage qui déverse sur la terre son abondance, traversez la terre d'un bout à l'autre et déversez sur ses habitants les bénédictions que le Tout-Puissant, dans sa miséricorde, a daigné vous conférer. Tolérez avec patience les 'ulamas et résignez-vous à la volonté de Dieu. Lancez le cri de: "Réveillez-vous! Réveillez-vous car, voyez! La Porte de Dieu est ouverte et la lumière matinale répand son éclat sur toute l'humanité! Le Promis s'est manifesté, préparez-lui la voie, ô habitants de la terre! Ne vous privez pas de sa grâce, ne fermez pas non plus les yeux à sa resplendissante gloire." A ceux que vous trouverez réceptifs à votre appel, communiquez les Épîtres et les Tablettes que nous vous avons révélées, peut-être ces paroles merveilleuses les tireront-elles de leur sommeil de négligence et les feront-elles monter vers le royaume de la présence divine.

PHOTO: la porte de Kaziran a la rue du marché de Vakil à Shiraz

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Au cours de ce pèlerinage que nous allons bientôt entreprendre, nous avons choisi Quddus. Nous vous avons laissé derrière nous pour faire face aux assauts d'un ennemi féroce et implacable. Ayez la certitude, cependant, qu'une munificence d'une gloire indicible vous sera conférée. Poursuivez votre voyage vers le nord et visitez, en chemin, Isfahan, Kashan, Qum et Tihran. Implorez la toute-puissante Providence de vous aider, par sa grâce, à atteindre, dans cette capitale, le siège de la véritable souveraineté, et à entrer dans la maison du Bien-Aimé. Un secret gît, caché, dans cette ville. Lorsqu'il sera manifesté, il transformera la terre en paradis. Je souhaite que vous puissiez prendre part à sa grâce et reconnaître sa splendeur. De Tihran, rendez-vous au Khurasan et, là, proclamez à nouveau l'appel. De là, retournez à Najaf et à Karbila, où vous attendrez les mandements de votre Seigneur. Vous accomplirez entièrement, soyez-en certain, la haute mission pour laquelle vous avez été créé. Avant l'accomplissement de votre tâche, même si toutes les flèches d'un monde incrédule pleuvaient sur vous, elles seraient incapables de faire le moindre mal à un seul cheveu de votre tête. Toutes choses sont prisonnières dans sa puissante étreinte. Il est, en vérité, le Tout-Puissant, le Tout-Conquérant."

Le Bab appela alors auprès de lui Mulla 'Aliy-i-Bastami et lui adressa des paroles d'affection et d'encouragement. Il lui ordonna de se rendre directement à Najaf et à Karbila, fit ensuite allusion aux sévères épreuves et afflictions qui l'attendaient, et lui enjoignit de rester ferme jusqu'au bout. "Votre foi, lui dit le Bab, doit être inébranlable tel le roc; elle doit faire face à toute tempête et survivre à toute calamité. Ne vous laissez pas affliger ou dévier de votre but par les dénonciations des insensés et les calomnies du clergé, car vous êtes appelé à prendre part au céleste banquet préparé à votre intention dans le royaume immortel. Vous êtes le premier à quitter la maison de Dieu et à souffrir pour son amour. Si vous êtes tué dans son sentier, souvenez-vous que grande sera votre récompense, généreux le don qui vous sera accordé."

A peine ces paroles furent-elles prononcées que Mulla 'Ali se leva de son siège et partit remplir sa mission. A une distance d'environ un farsang de Shiraz il fut rejoint par un jeune homme qui, débordant d'émotion, demanda avec insistance à lui parler. Il s'appelait 'Abdu'l-Vahhab. "Je vous supplie", dit-il, en pleurant, à Mulla 'Ali, "de me permettre de vous accompagner dans votre voyage.

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Mon coeur est oppressé par la perplexité; je vous prie de guider mes pas dans la voie de la Vérité. La nuit dernière, dans mon rêve, j'ai entendu le crieur annoncer, sur la place du marché à Shiraz, l'apparition de l'Imam 'Ali, le Commandeur des croyants. Il appelait la foule en ces termes: "Levez-vous et cherchez-le. Regardez, il retire hors du brasier ardent les chartes de liberté et les distribue au peuple. Hâtez-vous de le rejoindre, car quiconque les reçoit de ses mains sera exempt des souffrances du châtiment, et quiconque omet de les obtenir de lui sera privé des bénédictions du paradis." Dès que j'entendis la voix du crieur, je me levai et abandonnai mon échoppe, je courus à travers la rue du marché de Vakil en direction de l'endroit où mes yeux vous contemplèrent debout en train de distribuer ces mêmes chartes au peuple. A tous ceux qui s'approchaient pour les recevoir de vos mains, vous leur murmuriez à l'oreille quelques paroles, ce qui les faisaient aussitôt s'enfuir consternés et s'exclamer: "Malheur à moi, car je suis privé des bénédictions d' 'Ali et de ses parents! Ah! misérable que je suis d'être compté parmi les réprouvés et les déchus!" Je sortis de mon rêve et, plongé dans un océan de pensées, regagnai mon échoppe. Soudain, je vous vis passer en compagnie d'un homme qui portait un turban et qui conversait avec vous. Je sautai de mon siège et, mû par une force que je ne pouvais dominer, courus pour vous rattraper. A mon grand étonnement, je vous trouvai à l'endroit même que j'avais vu dans mon rêve, en train de réciter des traditions et des versets. Me tenant à l'écart, à quelque distance de là, je continuai à vous observer, tout en restant inaperçu de vous et de votre ami. J'entendis l'homme à qui vous vous adressiez protester avec véhémence: "Il m'est plus aisé d'être dévoré par les flammes de l'enfer que de reconnaître la vérité de vos paroles, dont les montagnes ne peuvent supporter le poids!" A ce rejet dédaigneux, vous répondîtes par ces paroles: "Même si l'univers entier rejetait sa vérité, cela ne pourrait jamais ternir la pureté immaculée de sa robe de grandeur." Puis, le laissant là, vous vous dirigeâtes vers la porte de Kaziran. Je continuai à vous suivre jusqu'au moment où je parvins ici."

Mulla 'Ali essaya d'apaiser le coeur troublé du nouveau venu et de le persuader de retourner à son échoppe pour y reprendre son travail quotidien. "Votre association avec moi, fit-il, m'attirerait des ennuis. Retournez à Shiraz et soyez en paix car vous êtes parmi le peuple des sauvés. Il est bien loin de la justice de Dieu de refuser à un si ardent et si dévoué chercheur, la coupe de sa grâce, ou de priver une âme si assoiffée de l'océan de sa révélation." Les paroles de Mulla 'Ali n'eurent aucun effet.

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Plus il insistait pour qu'Abdu'l-Vahhab retournât chez lui, plus celui-ci se lamentait et pleurait. Mulla 'Ali se sentit finalement obligé d'accéder à son désir, se résignant à la volonté divine.

Haji 'Abdu'l-Majid, le père d' 'Abdu'l-Vahhab, racontait souvent, les larmes aux yeux, ce qui suit: "Comme je regrette profondément l'acte que j'ai commis! Priez Dieu qu'il m'accorde la rémission de mon péché. J'étais parmi les favoris à la cour des fils du farman-farma, le gouverneur de la province de Fars. Ma position était telle que nul n'osait s'opposer à moi ni me nuire. Personne ne mettait en doute mon autorité et ne se hasardait à entraver ma liberté. Dès que j'appris que mon fils 'Abdu'l-Vahhab avait abandonné son échoppe et quitté la ville, je partis en hâte vers la porte de Kaziran afin de le rejoindre. Armé d'un gourdin avec lequel j'avais l'intention de le frapper, je me renseignai sur la route qu'il avait prise.

On me dit qu'un homme portant un turban venait de traverser la rue et que mon fils le suivait. Ils semblaient s'être mis d'accord pour quitter ensemble la ville. Ces dires attisèrent ma colère et mon indignation. Comment pouvais-je tolérer, me disais-je, moi qui occupe déjà une position si privilégiée à la cour des fils du farman-farma, une conduite si indécente de la part de mon fils? Rien, à part le plus sévère des châtiments, croyais-je, ne pourrait effacer l'effet de sa conduite scandaleuse.

"Je poursuivis ma recherche jusqu'au moment où je les atteignis. Pris d'une fureur sauvage, j'infligeai à Mulla 'Ali des maux indescriptibles! Aux coups qui le frappaient lourdement, il répondit, avec une extraordinaire sérénité, par ces paroles: "Retenez votre main, ô 'Abdu'l-Majid car l'oeil de Dieu vous observe. Je le prends à témoin que je ne suis nullement responsable de la conduite de votre fils. Les tortures que vous me faites endurer m'importent peu, car je m'attends aux pires afflictions sur le sentier que j'ai choisi de suivre. Vos injures, comparées à ce qui m'est destiné dans l'avenir, ne sont que gouttes comparées à l'océan. En vérité, je vous le dis: vous me survivrez et vous reconnaîtrez mon innocence. Grands seront alors vos remords, et profond votre chagrin." Dédaignant ses remarques et négligeant son appel, je continuai à le frapper jusqu'à épuisement complet. Silencieux et héroïque il endura, de mes mains, ce châtiment hautement immérité. À la fin, j'ordonnai à mon fils de me suivre et laissai Mulla 'Ali à lui-même.

"Sur notre chemin de retour à Shiraz, mon fils me raconta le rêve qu'il avait eu.

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Un sentiment de profond regret s'empara peu à peu de moi. L'innocence de Mulla 'Ali était justifiée à mes yeux, et le souvenir de ma cruauté envers lui continua pendant longtemps à oppresser mon âme. L'amertume persista dans mon coeur jusqu'au jour où je me sentis contraint à transférer ma résidence de Shiraz à Baghdad. De là, je partis pour Kazimayn où 'Abdu'l-Vahhab avait établi son commerce. Un étrange mystère se lisait sur le jeune visage de mon fils. Il semblait me cacher un secret qui paraissait avoir transformé sa vie. Et lorsqu'en 1267 après 1'hégire, (3.40) Baha'u'llah vint en Iraq et visita Kazimayn, 'Abdu'l-Vahhab fut aussitôt comme ensorcelé par le charme de ce dernier et lui promit sa dévotion éternelle. Quelques années plus tard, quand mon fils endura le martyre à Tihran et que Baha'u'llah fut exilé à Baghdad je fus tiré de mon sommeil de négligence par sa tendre bonté et sa miséricorde infinies et j'appris, grâce à lui, le message du jour nouveau. Ainsi, les taches de mon acte cruel étaient effacées par les eaux du pardon divin."

Cet épisode marquait la première affliction qui frappa un disciple du Bab après la déclaration de sa mission. Mulla 'Ali Réalisa ainsi combien épineux et escarpé était le sentier qui menait à l'accomplissement ultime de la promesse que lui avait faite son maître. Entièrement résigné à sa volonté et préparé à verser son sang pour sa cause, il reprit son voyage jusqu'à son arrivée à Najaf. En présence de Shaykh Muhammad Hasan, l'un des membres éminents du clergé de l'islam shi'ah, et devant une assemblée distinguée de ses disciples, Mulla 'Ali annonça avec intrépidité la manifestation du Bab, la Porte dont ils attendaient impatiemment la venue. "Sa preuve, déclara-t-il, est sa parole; son témoignage n'est autre que celui à l'aide duquel l'islam cherche à justifier sa vérité. De la plume de ce jeune Hashimi de Perse, qui n'a point fréquenté l'école, a jailli, en l'espace de quarante-huit heures, un nombre de versets, de prières, d'homélies et de traités scientifiques dont le volume total équivaudrait à celui de tout le Qur'an, que Muhammad, le prophète de Dieu, mit vingt-trois ans à révéler!" Ce chef, fier et fanatique, au lieu d'accueillir favorablement, en une époque où dominaient l'obscurité et le préjugé, ces preuves vivifiantes d'une révélation nouvelle, déclara aussitôt Mulla 'Ali hérétique et l'expulsa de l'assemblée. Ses disciples et ses compagnons, même les shaykhis, qui avaient déjà témoigné de la piété, de la sincérité et du savoir de Mulla 'Ali, approuvèrent, sans la moindre hésitation, le jugement rendu contre lui. Prêtant main forte à leurs adversaires, les disciples de Shaykh Muhammad-Hasan accablèrent Mulla 'Ali d'indignités indicibles.

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Ils le livrèrent finalement, les mains liées par des chaînes, à un fonctionnaire du gouvernement ottoman, le traitant d'hérétique, de calomniateur du Prophète, d'instigateur de désordre, de honte pour la foi, et d'homme digne de la peine de mort. On l'emmena à Baghdad sous l'escorte de fonctionnaires, et le gouverneur de cette ville le fit jeter en prison.

Haji Hashim, surnommé 'Attar, un marchand notoire qui était versé dans les Ecritures islamiques, racontait ce qui suit: "J'étais chez le gouverneur lorsqu'on amena Mulla 'Ali devant les notables assemblés et les fonctionnaires de cette ville. Il fut publiquement accusé d'être un infidèle, un abrogateur des lois islamiques, d'avoir renié les rites et les normes admises de la foi. Après l'énumération des violations et des méfaits reprochés à Mulla 'Ali, le mufti, principal interprète de la loi islamique dans cette ville, se tourna vers l'accusé et l'interpella en ces termes: "O ennemi de Dieu!" Comme j'occupais un siège adjacent à celui du mufti, je lui murmurai à l'oreille: "Vous ne connaissez pas encore ce malheureux étranger, pourquoi lui adressez-vous de telles paroles? Ne Réalisez-vous pas qu'elles vont susciter la colère de la populace contre lui? Il vous incombe de ne pas considérer les accusations sans fondements que ces officieux ont portées contre lui, de l'interroger vous-même et de le juger suivant les normes de justice admises inculquées par la foi islamique." Le mufti fut profondément vexé, se leva de son siège et quitta la réunion. Mulla 'Ali fut de nouveau jeté en prison. Quelques jours plus tard, je m'enquis de son sort, espérant parvenir à le délivrer. L'on m'informa que, durant la nuit de ce même jour, il avait été exilé à Constantinople. Je fis des recherches plus poussées et m'efforçai de découvrir ce qui lui était advenu. Je ne pus cependant établir la vérité. Quelques-uns croyaient qu'il était tombé malade sur le chemin de Constantinople et qu'il avait succombé à sa maladie. D'autres affirmaient qu'il avait enduré le martyre." (3.41) Quelle qu'ait pu être sa fin, Mulla 'Ali, par sa vie et sa mort, avait mérité l'immortel privilège d'avoir été le premier à souffrir sur le sentier de cette nouvelle foi de Dieu, le premier à avoir offert sa vie sur l'autel du sacrifice.

Après avoir envoyé Mulla 'Ali vers sa mission, le Bab appela auprès de lui les autres Lettres du Vivant et, à chacune d'elles séparément, il donna un ordre spécial et assigna une tâche spécifique. Il leur adressa ces paroles d'adieu: "O mes amis bien-aimés! Vous êtes en ce jour les porteurs du nom de Dieu. Vous avez été choisis comme dépositaires de son mystère. Il appartient à chacun d'entre vous de manifester les attributs de Dieu et de démontrer, par vos actes et par vos paroles, les signes de sa justice, de sa puissance et de sa gloire.

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Les membres de votre corps doivent témoigner de la noblesse de vos intentions, de l'intégrité de votre vie, de la réalité de votre foi et du caractère exalté de votre dévotion. Car, en vérité je le dis, voici le jour dont parle Dieu dans son Livre, (3.42) "En ce jour Nous mettrons un sceau sur leurs lèvres, mais leurs mains Nous parleront et leurs pieds porteront témoignage de ce qu'ils auront fait." Méditez les paroles que Jésus adressa à ses disciples en les envoyant de par le monde propager la cause de Dieu. C'est avec de telles paroles qu'il leur enjoignit de se lever et de remplir leur mission: "Vous êtes comme le feu allumé dans les ténèbres de la nuit au sommet de la montagne. Que votre lumière resplendisse aux yeux des hommes! La pureté de votre vie et le degré de votre renoncement doivent être tels qu'en vous voyant, les peuples de la terre reconnaissent leur Père céleste et se rapprochent de Lui, qui est la source de pureté et de grâce. Car nul n'a vu le Père qui est aux cieux. Vous, qui êtes ses enfants spirituels, vous devez, par vos actes, donner l'exemple de ses vertus et témoigner de sa gloire. Vous êtes le sel de la terre, mais si le sel a perdu sa saveur avec quoi la lui rendra-t-on? Tel doit être le degré de votre détachement, qu'en entrant dans une ville pour y proclamer et y enseigner la cause de Dieu, vous ne devriez en aucune façon vous attendre à recevoir de la nourriture ou des récompenses de ses habitants. Au contraire, en sortant de cette ville, vous devriez secouer la poussière de vos pieds. Comme vous y êtes entrés purs et sans taches, ainsi devez-vous en sortir car je le dis, en vérité, le Père céleste est toujours avec vous et veille sur vous. Si vous Lui êtes fidèles, Il livrera sûrement entre vos mains tous les trésors de la terre et vous élèvera au-dessus de tous les rois et de tous les maîtres du monde." Ô mes Lettres! Je vous le dis en vérité, ce jour est infiniment exalté au-dessus des jours des Apôtres du passé. La différence en est incommensurable! Vous êtes les témoins de l'aurore du jour promis par Dieu. Vous buvez au calice mystique de sa révélation. Ceignez-vous les reins et soyez attentifs aux paroles que Dieu a révélées dans son Livre (3.43): "Voici que, le Seigneur ton Dieu est venu en compagnie de ses anges alignés devant Lui !" Purifiez vos coeurs des désirs terrestres, et parez vous des vertus angéliques. Efforcez-vous, par vos actes de porter témoignage, de la vérité de ces paroles de Dieu, et craignez, en "vous dérobant", qu'Il ne "mette à votre place un autre peuple" qui "ne vous ressemblera pas" et qui vous enlèvera le royaume de Dieu. Les jours où l'adoration passive était jugée suffisante ont pris fin.

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L'heure est venue où seuls, les motifs les plus nobles, appuyés par des actes d'une pureté immaculée, peuvent s'élever jusqu'au trône du Très-Haut et trouver grâce auprès de Lui. "La bonne parole s'élève jusqu'à Lui, et l'acte droit fera qu'elle soit exaltée devant Lui." Vous êtes les humbles dont Dieu, dans son Livre (3.44), a parlé en ces termes: "Et Nous désirons accorder nos faveurs aux humbles de la terre, et en faire des guides spirituels parmi les hommes, et ils seront nos héritiers." Vous avez été appelés à ce rang; vous n'y parviendrez qu'en foulant aux pieds chaque désir terrestre et en vous efforçant de devenir ces "dignes serviteurs de Dieu qui se taisent tant qu'Il n'a point parlé et qui exécutent ses commandements." Vous êtes les premières Lettres engendrées par le Premier Point, (3.45) les premières fontaines qui ont jailli de la source de cette révélation. Suppliez le Seigneur votre Dieu de vous accorder sa faveur afin qu'aucune affection humaine, aucun projet éphémère, ne ternisse la pureté ou ne change en amertume la douceur de cette grâce dont vous êtes pénétrés. Je vous prépare pour la venue d'un grand jour. Déployez tous vos efforts afin que, dans le monde à venir, moi qui vous instruis aujourd'hui, je puisse, devant le trône de divine miséricorde, me réjouir de vos actes et me glorifier de vos exploits. Nul ne connaît encore le secret du jour qui doit venir. Il ne peut être divulgué et nul ne peut s'en faire une idée. L'enfant nouveau-né de ce jour-là, sera plus avancé que les hommes les plus sages et les plus vénérables -de notre temps. Le plus humble, le plus ignorant de cette époque-là surpassera en connaissance les théologiens les plus érudits et les plus accomplis de nos jours. Dispersez-vous en tous sens à travers ce pays et, d'un pied ferme, d'un coeur sanctifié, préparez la voie pour sa venue. Ne considérez pas votre faiblesse et votre fragilité! Fixez votre regard sur le pouvoir invincible du Seigneur votre Dieu tout puissant! N'est-ce pas grâce à Lui que, jadis, Abraham si faible en apparence, a triomphé des forces de Nemrod? A Moïse qui n'avait d'autre arme que son bâton, Dieu n'a-t-il pas assuré la victoire sur Pharaon et ses armées? Et bien que Jésus fût humble et pauvre aux yeux des hommes, Dieu n'a-t-il pas voulu qu'il triomphât des forces conjurées du peuple juif? N'a-t-il pas assujetti les tribus barbares et turbulentes de l'Arabie à la discipline sainte et transformatrice de Muhammad, son prophète? Levez-vous en son nom, mettez toute votre Confiance en Lui et soyez assurés de l'ultime victoire." (3.46)

Par de telles paroles, le Bab revivifia la foi de ses disciples et les envoya vers leur mission.

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PHOTO: le Madrisih de Nim-avard à Isfahan

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A chacun d'eux il fixa comme champ d'action sa propre province natale. Il leur enjoignit à tous de s'abstenir de toute référence spécifique à son nom et à sa personne. (3.47) Il leur ordonna d'annoncer que la porte vers le Promis avait été ouverte, que sa preuve est irréfutable et que son témoignage est complet. Il les pria de déclarer que quiconque croit en lui, a cru en tous les prophètes de Dieu, et que quiconque le renie, a renié aussi tous ses saints et ses élus. Avec ces instructions, le Bab congédia ses disciples et les confia à Dieu. De ces Lettres du Vivant, à qui il s'était ainsi adressé, il resta avec lui à Shiraz, Mulla Husayn la première de ces Lettres, et Quddus, la dernière. Les autres, au nombre de quatorze, partirent à l'aube de Shiraz, tous résolus à exécuter dans sa plénitude la tâche que leur maître leur avait confiée.

Comme l'heure du départ de Mulla Husayn approchait, le Bab lui adressa ces paroles: "Ne soyez pas affligé parce que vous n'avez pas été choisi pour m'accompagner dans mon pèlerinage à Hijaz. Je guiderai en revanche vos pas vers la ville qui renferme en son sein un mystère d'une si transcendante sainteté que ni Hijaz, ni Shiraz ne peuvent espérer l'égaler. Je souhaite que vous puissiez, avec l'aide de Dieu, écarter les voiles des yeux des négligents et purifier les esprits des malveillants. Visitez, sur votre chemin, Isfahan Kashan Tihran, et le Khurasan. Allez ensuite en 'Iraq et, là, attendez-y les ordres de votre Seigneur, qui veillera sur vous et vous guidera vers ce qui est sa volonté et son désir. Quant à moi, j'irai, en compagnie de Quddus et de mon serviteur éthiopien, en pèlerinage à Hijaz. Je me joindrai au groupe de pèlerins de Fars qui partira sous peu vers ce pays. Je- visiterai La Mecque et Médine et là, accomplirai la mission que Dieu m'a confiée. Si Dieu le veut, je reviendrai ici en passant par Kufih, ville dans laquelle j'espère vous rencontrer. S'il devait en être autrement, je vous demanderais alors de me rejoindre à Shiraz. Les armées du royaume invisible vous soutiendront et redoubleront vos efforts, soyez-en sûr! L'essence du pouvoir gît à présent en vous, et la compagnie de ses anges élus gravite autour de vous. Ses bras tout-puissants vous entoureront et son esprit infaillible continuera toujours à guider vos pas. Celui qui vous aime, aime Dieu; et quiconque s'oppose à vous s'est opposé à Dieu. Quiconque vous secourt, Dieu le secourra et quiconque vous rejette, Dieu le rejettera."

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NOTE DU CHAPITRE 3:

(3.1) "Mulla Husayn-i-Bushru'i était un homme auquel ses adversaires reconnaissaient eux-mêmes un grand savoir et une extrême énergie de caractère. Il s'était livré à l'étude dès son enfance, et avait fait dans la théologie et la jurisprudence des progrès qui lui avaient acquis de la considération." ("Les Religions et les Philosophies dans l'Asie Centrale", du Comte de Gobineau, p. 128.)

(3.2) Le 22 janvier 1844 ap. J-C.

(3.3) Qur'an, 29: 69

(3.4) Qur'an, 15: 46

(3.5) Samovar

(3.6) Correspondant au soir du 22 mai 1844 ap. J-C. Le 23 mai tombait un jeudi.

(3.7) Mulla Husayn aurait, dit-on, prononcé les paroles suivantes: "Un jour, lorsque j'étais seul avec feu Siyyid Kazim dans sa Bibliothèque, je lui demandai la raison pour laquelle la Suriy-i-Yusuf était intitulée, dans le Qur'an, "la Meilleure des histoires" à quoi le siyyid répondit que le moment n'était pas opportun d'en expliquer la raison. Cet incident resta caché dans mon esprit, je ne l'ai mentionné à personne." ("Tarikh-i-Jadid", p. 39.)

(3.8) La date de la Manifestation est fixée par le passage suivant du Bayan persan tiré du vahid 2, Bab 7: "Cet événement commença deux heures et onze minutes après le coucher du soleil du jour précédant le 5 jamadiyu'l-ula, en 1260 après l'hégire, qui correspond à l'an 1270 de la mission de Muhammad." (Extrait de la copie du Bayan écrite de la main de Siyyid Husayn, secrétaire et compagnon du Bab.)

(3.9) A.L.M. Nicolas cite le passage suivant tiré du Kitabu'l-Haramayn: "En vérité, le premier jour où l'Esprit descendit dans le coeur de cet Esclave était le 15 du mois de Rabi'u'l-Avval." ("Siyyid 'Ali Muhammad, dit le Bab" de A.L.M. Nicolas, p. 206.)

(3.10) Citations du Qur'an.

(3.11) Commentaire du Bab sur la surih de Joseph.

(3.12) "Dans le premier de ces livres, il était surtout pieux et mystique; dans le second, la polémique et la dialectique tenaient une grande place, et les auditeurs remarquaient avec étonnement qu'il découvrait, dans le chapitre du Livre de Dieu qu'il avait choisi, des sens nouveaux dont personne ne s'était avisé jusqu'alors, et qu'il en tirait surtout des doctrines et des renseignements complètement inattendus. Ce qu'on ne se lassait pas d'admirer, c'était l'élégance et la beauté du style arabe employé dans ces compositions. Elles eurent bientôt des admirateurs exaltés qui ne craignirent pas de les préférer aux plus beaux passages du Qur'an." ("Les Religions et les Philosophies dans l'Asie Centrale," du Comte de Gobineau, p. 120.)

(3.13) Qur'an 37:180.

(3.14) "On raconte dans le "Biharu'l-Anvâr", 1' 'Avalim" et le "Yanbu" de Sadiq, fils de Muhammad, que ce dernier prononça ces paroles: "Le savoir est composé de vingt-sept lettres. L'ensemble des connaissances qu'ont apportées les prophètes n'en constitue que deux. Personne, jusqu'ici n'a connu quelque chose d'autre que ces deux lettres. Mais lorsque le Qa'im viendra, Il manifestera les vingt-cinq lettres restantes." Regarde: il a déclaré que le savoir consistait en vingt-sept lettres, et a considéré que tous les prophètes, depuis Adam jusqu'au "Sceau", n'en ont développé que deux et n'ont été envoyés sur terre que pour révéler ces deux lettres. Il dit aussi que le Qa'im révélera toutes les autres, au nombre de vingt-cinq. Tu peux alors, d'après ces paroles, t'imaginer la grandeur et la sublimité de sa station. Son rang dépasse celui de tous les prophètes, et sa révélation transcende la compréhension de tous ses élus." (Le "Kitab-i-Iqan", p. 205)

(3.15) "Vois de la même façon le début de la manifestation du Bayan: durant quarante jours, personne autre que la lettre Sm ne crut au B. Ce ne fut que peu à peu que les formes des lettres du Bismi'llahu'l-Amna'u'l-Aqdas revêtirent la robe de la foi, jusqu'à ce que l'Unité primitive fût complète. Vois ensuite combien elle s'est multipliée jusqu'à aujourd'hui." (le 'Bayan persan", vol. IV., p. 119.)

(3.16) Le père de Quddus mourut, suivant le "Kashfu'l-Ghita'," plusieurs années avant la manifestation du Bab. Au moment du décès de son père, Quddus était encore enfant et étudiait à Mashhad à l'école de Mirza Ja'far. (p. 227, note 1.)

(3.17) Il est connu également sous les appellations suivantes:
Siyyid-i-Dhikr ; Tal'at-i-A'la ; Siyyid-i-Bab
Abdu'dh-Dhikr ; Hadrat-i-A'la
Babu'llah ; Rabb-i-A'la
Nuqtiy-i-Ùla ; Nuqtiy-i-Bayan

(3.18) 20 octobre 1819 ap. J.-C.

(3.19) Suivant Mirza Abu'l-Fadl (manuscrit sur l'histoire de la cause, p. 3), le Bab était encore un tout jeune enfant et n'avait pas encore été sevré lorsque son père mourut.

(3.20) D'après Mirza Abu'l-Fadl (manuscrit, p. 41) le Bab avait six ou sept ans lorsqu'il entra à l'école de Shaykh 'Abid. On connaissait cette école sous le nom de "Qahviyih-Awliya". Le Bab fréquenta cette école durant cinq ans et y apprit les rudiments du persan. Le 1er jour du mois de rabi'u'l-avval de l'an 1257 A.H., il partit pour Najaf et Karbila, retourna, sept mois après, dans sa province natale de Fars.

(3.21) Au nom de Dieu, le Compatissant, le Miséricordieux.

(3.22) "Le Seigneur de l'Âge" l'un des titres du Qa'im promis.

(3.23) D'après le récit de Haji Mu'inu's-Saltanih (p. 37.), le Bab assuma à l'âge de vingt ans, la direction indépendante de ses affaires. "Devenu orphelin de bonne heure, il fut placé sous la tutelle de son oncle maternel, Aqa Siyyid 'Ali, et s'occupa, sous sa direction, du même commerce que son père (c'est-à-dire de mercerie)." ("Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab" de A.L.M. Nicolas, p. 189)

(3.24) D'après le récit de Haji Mu'inu's-Saltanih (p. 37), le mariage du Bab eut lieu alors que celui-ci avait vingt-deux ans.

(3.25) Le Bab fait allusion à elle dans son commentaire sur la surih de Joseph (surih de Qarabat). Voici la traduction de ce passage, faite par A.L.M. Nicolas: "En vérité! Je me suis fiancé sur le trône de Dieu avec Sara, c'est-à-dire avec la bien-aimée. Car bien-aimée vient de Bien-Aimé. (Le Bien-Aimé est Muhammad. Cela veut dire que Sara était une Siyyid.) En vérité, j'ai fixé les anges des cieux et les habitants du Paradis, témoins de ces fiançailles. Sache que la bienveillance du Dhikr Sublime est grande, oh Bien-Aimée! Car c'est une bienveillance qui vient de Dieu! l'Aimé! Tu n'es pas, toi, comme une femme ordinaire, si tu obéis à Dieu, au sujet du Dhikr Sublime! Connais l'immense vérité du Verbe Sublime et glorifie-toi de t'asseoir avec l'ami qui est le Chéri de Dieu très haut! Certes, la gloire te vient à toi de la part de Dieu, le Sage. Patiente dans l'ordre qui vient de Dieu sur le Bab et sa famille. Et, en vérité, ton fils Ahmad a un asile dans le Paradis béni, auprès de la grande FatiMah." ("Préface de "Le Bayan Persan" de A.L.M. Nicolas, vol. Il, pp. 10-11.) "La veuve du Bab vécut jusqu'en l'an 1300 après l'hégire (1882-83)." Journal of the Royal Asiatic Society, 1889, article 12, p. 993.) Tous deux étaient fils de Mirza Ah, l'oncle paternel de la mère du Bab. Mirza Muhin et Mirza Hadi, respectivement fils et petit-fils de Mirza Siyyid Hasan et Mirza Abu'l-Qisim, devinrent les gendres d' 'Abdu'l-Bahi,

(3.26) Le Bab fait allusion à son fils dans son commentaire sur la surih de Joseph. En voici la traduction par A.L.M. Nicolas: "En vérité, ton fils Ahmad a un asile dans le Paradis béni, auprès de la grande FatiMah" (Surih de Qarabat). "Gloire à Dieu qui, en vérité, a donné à la Fraîcheur des Yeux dans sa jeunesse un enfant nommé Ahmad. Et on vérité, cet enfant, nous l'avons élevé vers Dieu!" (Surih de 'Abd) (Préface de "Le Bayan Persan" de A.L.M. Nicolas, vol. II, p. 11.)

(3.27) 1843 ap. J.-C.

(3.28) 'Il quitta Shiraz pour Bushihr à l'âge de 17 ans, et resta dans cette dernière ville pendant cinq ans, occupant son temps à des activités commerciales. Durant cette période, il parvint à se gagner l'estime de tous les marchands avec lesquels il avait des relations, et ce grâce à son intégrité et à sa piété. Il pratiquait rigoureusement ses devoirs religieux et dépensait de fortes sommes dans le chemin de la charité. A une certaine occasion, il donna 70 tumans (environ 22 Livres sterling) à un voisin nécessiteux." (Appendice 2 du Tarikh-i-Jadid: Histoire de Haji Mirza Jani, pp. 343-4.)

(3.29) "Il était déjà méditatif et plutôt silencieux cependant que sa jolie figure, l'éclat de son regard on même temps que son maintien modeste et recueilli attiraient dès cette époque l'attention de ses concitoyens. Très jeune, les questions religieuses l'attiraient invinciblement, car c'est à l'âge de 19 ans qu'il écrivit son premier ouvrage, le "Risaliy-i-Fiqhiyyih" dans lequel il montre une vraie piété et une effusion islamique qui semblaient lui présager un brillant avenir dans les liens de l'orthodoxie Shi'ite. Il est probable que cet ouvrage fut écrit à Bushihr, car c'est lorsqu'il avait 18 ou 19 ans qu'il y fut envoyé, par son oncle, pour les besoins de son commerce." (A.L.M. Nicolas, "Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab", pp. 189-90.)

(3.30) "En société, il s'entretenait plus volontiers avec les savants ou écoutait les récits des voyageurs qui affluaient dans cette ville commerçante; aussi se plaisait-on à le ranger au nombre des sectateurs du Tariqat, fort respectés dans le peuple." (Journal Asiatique, 1866, tome VII, p. 335.)

(3.31) "Le Kashfu'l-Ghita" donne les détails suivants concernant cette personne remarquable:

"Haji Siyyid Javad lui-même me dit qu'il résidait à Karbila, que ses cousins étaient très connus parmi les 'ulamas et les docteurs de la loi de cette ville, et appartenaient à la secte ithna-'ashari de l'islam shi'ah. Dans sa jeunesse, il rencontra Shaykh Ahmad-i-Ahsa'i, mais ne fut jamais considéré comme son élève. Il était cependant un disciple déclaré et un admirateur de Siyyid Kazim, et on le rangeait au nombre de ses adeptes les plus éminents. Il rencontra le Bab à Shiraz bien avant la manifestation de celui-ci. Il le vit à maintes reprises, alors qu'il n'avait que 8 ou 9 ans, chez son oncle maternel. Il le rencontra par la suite à Bushihr et resta environ six mois dans le même Khan où résidaient le Bab et son oncle maternel. Mulla 'Aliy-i-Bastami, l'une des Lettres du Vivant, le mit au courant du message du Bab, alors qu'il se trouvait à Karbila; de cette ville, il se rendit à Shiraz pour s'informer lui-même, de manière plus complète sur la nature de sa révélation." (pp. 55-7).

(3.32) Le Bab avait un visage doux et bienveillant, ses manières étaient calmes et dignes, son éloquence était persuasive, et il écrivait bien et rapidement. ("Glimpses of Life and Manners in Persia," de Lady Sheil, p. 178.)

(3.33) "Renfermé en lui-même, toujours occupé de pratiques pieuses, d'une simplicité de moeurs extrême, d'une douceur attrayante, et relevant ces dons par son extrême jeunesse et le charme merveilleux de sa figure, il attira autour de lui un certain nombre de personnes édifiées. Alors on commença à s'entretenir de sa science et de l'éloquence pénétrante de ses discours. Il ne pouvait ouvrir la bouche, assurent les hommes qui l'ont connu, qu'il ne remuât le fond du coeur. S'exprimant, du reste, avec une vénération profonde sur le compte du Prophète, des Imams et de leurs saints compagnons, il charmait les orthodoxes sévères, en même temps que, dans des entretiens plus intimes, les esprits ardents et inquiets se réjouissaient de ne pas trouver en lui cette raideur dans la profession des opinions consacrées qui leur eût pesé. Au contraire, sa conversation leur ouvrait tous ces horizons infinis, variés, bigarrés, mystérieux, ombragés et semés ça et là d'une lumière aveuglante, qui transportent d'aise les imaginations de ce pays-là." (Comte de Gobineau, "Les Religions et les Philosophies dans l'Asie Centrale", p. 118.)

(3.34) D'après Samandar, qui fut l'un des premiers croyants de Qazvin (manuscrit, p. 15), la soeur de Tahirih, Mardiyyih, était l'épouse de Mirza Muhammad-'Ali, qui fut l'une des Lettres du Vivant et qui tomba martyre à Shaykh Tabarsi. Mardiyyih semble avoir reconnu et embrassé le message du Bab (p.5). Mirza Muhammad-'Ali était le fils de Haji Mulla 'Abdu'l-Vahhab, à qui le Bab adressa une Tablette alors qu'il se trouvait aux environs de Qazvin.

(3.35) Suivant "Memorials of the Faithful" (pp. 291-8), Tahirih avait deux fils et une fille, dont aucun ne reconnut la vérité de la cause. Son savoir et ses talents étaient tels que son père , Haji Mulla Salih, exprimait souvent son regret en ces termes: "Si seulement elle avait été un garçon, elle aurait répandu son éclat sur ma maison et m'aurait succédé! " Elle se mit au courant des écrits de Shaykh Ahmad lors de son séjour chez son cousin, Mulla Javid, à la Bibliothèque duquel elle emprunta ces livres et les emmena chez elle. Son père condamna violemment son acte et, lors de ses discussions passionnées avec elle, dénonça et critiqua les enseignements de Shaykh Ahmad. Tahirih refusa de suivre les conseils de son père et entra secrètement en correspondance avec Siyyid Kazim, qui lui donna le nom de "Qurratu'l-'Ayn." Le titre de "Tahirih" fut pour la première fois associé à son nom lors de son séjour à Badasht, et reçut par la suite l'approbation du Bab.

De Qazvin, elle se rendit à Karbila dans l'espoir d'y rencontrer Siyyid Kazim, mais arriva trop tard, le siyyid ayant quitté ce monde dix jours avant son arrivée. Elle se joignit aux compagnons du chef défunt et passa son temps en prière et en méditation, attendant avec impatience l'apparition de celui dont Siyyid Kazim avait prédit l'avènement. Lors de son séjour dans cette ville, elle eut un rêve. Un jeune homme, un siyyid, portant un manteau noir et un turban vert, lui apparut dans les cieux; les mains tendues vers le ciel, il récitait certains versets, et elle nota l'un d'eux dans son livre. Elle s'éveilla de son rêve très impressionnée par cette étrange aventure. Lorsque, plus tard, une copie de l' "Ahsanu'l-Qisas", le commentaire du Bab sur la surih de Joseph, lui parvint, elle y découvrit pour sa plus grande joie, le même verset qu'elle avait entendu dans son rêve. Cette découverte l'assura de la véracité du Message qu'avait proclamé l'auteur de cet ouvrage. Elle entreprit elle-même la traduction de 1" 'Ahsanu' l-Qisas" en persan et fit de nombreux efforts pour sa diffusion et sa compréhension. Durant trois mois, sa maison de Karbila fut assiégée par les gardes que le gouverneur avait désignés pour la surveiller et l'empêcher de fréquenter les habitants de la ville. De Karbila, elle se rendit à Baghdad et vécut quelque temps chez Shaykh Muhammadi-Shibl; de là, elle transféra sa résidence vers un autre quartier et s'installa finalement chez le mufti, où elle resta environ trois mois.

(3.36) Selon le "Kashfu'l-Ghiti" (p. 93), c'est Mulla, 'Aliy-i-Bastimi qui mit Tahirih au courant du message du Bab lorsqu'il visita Karbila en l'an 1260 après l'hégire, après son retour de Shiraz.

(3.37) L'une des plus grandes familles de Qazvin, je veux dire des plus grandes tant par les hautes positions que ses divers membres occupaient dans la hiérarchie ecclésiastique que par la réputation de science qui les environnait, était, sans contredit, la famille de Haji Mulla Salih-i-Baraqani. Il avait un frère, Mulla Muhammad-Taqiy-i-Baraqani qui reçut, après sa mort, le titre de "Shahid-i-Thalith", c'est-à-dire troisième martyr. Nous reprendrons d'un peu haut leur histoire pour faire bien comprendre tant leur rôle dans les dissensions religieuses de la Perse que la catastrophe que devait fatalement amener le caractère altier et l'orgueil du frère de Mulla Salih. Quand le grand Mujtahid Aqa Siyyid Muhammad arriva à Qazvin, quelqu'un lui demanda si Haji Mulla Salih-i-Baraqani était un Mujtahid. "Certes," répondit le Siyyid et cela, d'autant plus que Salih était de ses anciens élèves qui, vers le tard, avait suivi les leçons de Aqa Siyyid 'Ah. "Fort bien, lui répondit son interlocuteur, mais son frère Muhammad-Taqi est-il lui aussi, digne de ce titre sacré?"

Aqa Siyyid Muhammad répondit en louant les qualités et la science de Taqi, mais évita de donner une réponse précise à l'interrogation directe qu'on lui avait faite. Ceci n'empêcha pas l'interrogateur de répandre dans la ville le bruit que, Siyyid Muhammad lui-même reconnaissait la maîtrise de Taqi, qu'il avait déclaré Mujtahid en sa présence. Or Siyyid Muhammad était allé habiter chez un de ses collègues, Haji Mulla 'Abdu'l-Vahhab. Celui-ci eut vite connaissance du bruit ainsi répandu et, faisant venir chez lui l'interlocuteur du Siyyid, le tança vertement en présence de témoins. Naturellement le bruit de cette intervention, amplifiée de bouche en bouche, parvint jusqu'aux oreilles de Taqi qui, furieux en lui-même, se bornait à dire chaque fois que le nom de Mulla 'Abdu'lVahhab frappait ses oreilles: "Je ne le respecte que parce qu'il est le fils de mon maître bien-aimé." Siyyid Muhammad, ayant été mis au courant de tous ces incidents et de toutes ces rumeurs, comprenant qu'il avait contristé l'âme de Taqi, vint un jour lui demander à déjeuner, le traita avec beaucoup de distinction, lui écrivit son brevet de Mujtahid et, ce jour-là même, l'accompagna à la Mosquée et, la prière terminée, s'assit sur les degrés de la chaire d'où il fit l'éloge de Taqi et le confirma, en pleine assemblée, dans sa nouvelle dignité.

Or, un peu plus tard, vint à passer par Qazvin Shaykh Ahmad-i-Ahsa'i. Ce personnage, dit l'auteur très pieux du Qisasu'l-'Ulama, fut déclaré impie car il voulut rapprocher la philosophie de la loi religieuse, "et tout le monde sait que, dans la plupart des cas, vouloir mêler l'intelligence et la loi religieuse est une chose impossible." Quoiqu'il en soit, Shaykh Ahmad s'éleva fort au-dessus de ses contemporains, et beaucoup d'hommes partageaient son opinion. Il avait des sectateurs dans toutes les villes de la Perse, et le Shih Fath-'Ali le traitait avec beaucoup de considération quoiqu' Akhund Mulla 'Ali eût, paraît-il, dit de lui: "C'est un ignorant au coeur pur." À son passage à Qazvin, il alla habiter la maison de Mulla 'Abdu'l-Vahhab, désormais l'ennemi de la famille Baraqani. Il allait prier à la Mosquée paroissiale et les 'Ulamas de Qazvin y venaient prier sous sa direction. Il rendit naturellement à ces saints personnages toutes les visites et toutes les amabilités qu'il en avait reçues; il était fort bien avec eux, et ce ne fut bientôt plus un mystère pour personne que son hôte était de ses disciples.

Un jour, il se rendit chez Haji Mulla Taqiy-i-Baraqani, qui le reçut avec toutes les marques do plus profond respect, mais profita de sa présence pour lui poser quelques questions insidieuses. "En ce qui concerne la résurrection des morts au jour du jugement, loi demanda-t-il, votre opinion est-elle celle de Mulla Sadra ?" Non, dit Shaykh Ahmad. Alors, Taqi, interpellant son plus jeune frère Haji Mulla 'Ali: "Va, lui dit-il, dans ma bibliothèque et apporte-moi le Shavahid-i-Rububiyyih de Mulla Sadra." Pois comme Haji Mulla tardait à revenir, il dit à son interlocuteur: "Je ne discute pas avec vous, à ce sujet, mais je suis cependant curieux de connaître votre opinion sur la matière." Le Shaykh répondit 'Rien n'est plus facile. D'après moi, la résurrection n'aura pas lieu avec notre corps matériel, mais avec son essence: et j'appelle essence, par exemple, le verre qui est en puissance dans la pierre." 'Pardon, rétorqua méchamment Taqi, mais cette essence est autre que le corps matériel, et vous savez qu'il est de dogme, dans notre sainte religion, de croire à la résurrection de ce corps matériel lui-même." Le Shaykh fut naturellement interloqué, et ce fut en vain qu'un de ses élèves, natif de Turkistan, voulut détourner la conversation en entamant une discussion qui menaçait d'être longue; le coup était porté, et Shaykh Ahmad se retira, convaincu qu'il s'était compromis. Il ne tarda pas à s'apercevoir que sa conversation avait été soigneusement rapportée par Taqi, car le jour même il se rendit à la mosquée pour prier et il fut suivi du seul 'Abdu'l-Vahhab.

Les choses menaçaient donc de se gâter, et 'Abdu'l-Vahhab crut avoir trouvé le moyen d'aplanir toutes les difficultés en suppliant son maître d'écrire et de publier on traité dans lequel il affirmerait la résurrection du corps matériel. Il avait compté sans la haine de Taqi. En effet, Shaykh Ahmad écrivit ce traité qui se trouve encore dans son volume intitulé Ajvibatu'l-Masa'il, mais personne ne le voulut lire et le bruit de son impiété grandissait tous les jours. Ce fut au point que le Gouverneur de la ville, le Prince 'Ali-Naqi Mirza Ruknu'd-Dawhih, considérant l'importance des personnages engagés dans la lutte et craignant d'être accusé d'avoir laissé germer la discorde, résolut de tenter un accord. Il invita, une nuit, à un grand dîner tous les 'Ulamas illustres de la ville. Shaykh Ahmad avait la première place, et près de loi, séparé par on seul personnage, était assis Taqi. On apporta les plateaux préparés pour trois personnes, de telle sorte que les deux ennemis se trouvassent obligés de manger ensemble.

Mais Taqi, irréductible, se tourna vers le plateau de ses voisins de droite et, au grand scandale do Prince, mit sa main gauche devant la partie gauche de sa figure de façon à ce que son regard ne rencontrât pas, même involontairement, la personne de Shaykh Ahmad. Après le repas, qui fut plutôt morne, le Prince, persistant dans son idée de réconcilier les deux adversaires, fit on grand éloge de Shaykh Ahmad, disant qu'il était le plus grand des docteurs arabes et persans, que Taqi devait lui témoigner le plus grand respect et qu'il n'était pas convenable qu'il prêtât l'oreille aux propos des gens qui voulaient amener la guerre entre deux intelligences d'élite. Il fut violemment interrompu par Taqi qui déclara d'on ton de souverain mépris: "Il ne peut y avoir aucune paix entre l'impiété et la foi: le Shaykh a, en ce qui concerne la résurrection, une doctrine contraire à la loi islamique. Or, celui qui partage cette doctrine est un impie. Que peut-il y avoir de commun entre un révolté et moi?" Le prince eut beau insister, prier, Taqi n'en voulut pas démordre et la séance fut levée." (A.L.M. Nicolas, "Siyyid 'Ali-Mubammad dit le Bab", pp. 263-7.)

(3.37a) Troisième Martyr.

(3.38) "Mulla Salih avait, parmi ses enfants, une fille, Zarrin-Taj -la couronne d'or- qui attira sur elle l'attention dès sa plus tendre enfance. Au lieu de se livrer comme ses congénères aux jeux et aux amusements, elle passait des heures entières à écouter les conversations dogmatiques de ses parents. Sa vive intelligence s'assimila rapidement le fatras de la science islamique, sans s'y noyer, et bientôt elle fut à même de discuter sur les points les plus obscurs et les plus confus: les traditions (hadis) n'eurent plus de secrets pour elle. Sa réputation s'était bien vite répandue dans la ville et ses concitoyens la considéraient, à juste titre, comme on prodige. Prodige de science, mais aussi prodige de beauté; car l'enfant grandissante, était devenue une jeune fille dont le visage étincelait d'une si radieuse beauté qu'on lui avait donné le surnom de Qurratu'l-'Ayn, que M. de Gobineau traduit "La consolation des yeux".

Son frère, 'Abdu'l-Vahhab-i-Qazvini, qui hérita de la science et de la réputation de son père, racontait loi-même, quoique resté, en apparence do moins, musulman: "Nous tous, ses frères, ses cousins, nous n'osions parler en sa présence, tant sa science nous intimidait, et si nous nous hasardions à exprimer une hypothèse sur on point de doctrine contesté, elle nous démontrait d'une façon si nette, si précise et si péremptoire que nous faisions fausse route, que nous nous retirions tout confus." Elle assistait aux cours de son père et de son oncle dans la même salle que deux ou trois cents étudiants, mais cachée derrière un rideau et plus d'une fois, elle réfuta les explications que ces deux vieillards proposaient sur telle ou telle question. Sa réputation devint immense dans la Perse savante et les plus hautains 'Ulamas consentirent à adopter quelques-unes de ses hypothèses ou de ses opinions. Le fait est d'autant plus remarquable que la religion musulmane shi'ite a placé la femme presque au rang de l'animal: elle n'a pas d'âme et n existe guère que pour la reproduction.

Elle épousa, toute jeune encore, le fils de son oncle, Muhammad-i-Qazvini, qui était Imam Jum'ih de la ville et, par la suite , se rendit à Karbila où elle assista aux leçons de Siyyid Kazim-i-Rashti. Elle partagea avec passion les idées de son maître, idées qu'elle reconnaissait déjà d'ailleurs, Qazvin étant devenu un foyer des doctrines Shaykhies. Elle était, comme nous le verrons par la suite, d'on tempérament ardent, d'une intelligence nette et lucide, d'un sang-froid merveilleux et d'un courage indomptable. Toutes ces qualités réunies devaient l'amener à s'occuper du Bab dont elle entendit parler dès son retour à Qazvin. Ce qu'elle en apprit l'intéressa si vivement qu'elle entra en correspondance avec le Réformateur et que, bientôt convaincue par lui, elle fit connaître sa conversion urbi et orbi. Le scandale fut immense et le clergé consterné. En vain son mari, son père, ses frères la conjuraient-ils de renoncer à cette dangereuse folie, elle resta inflexible et proclama hautement sa foi." (A.L.M. Nicolas, "Siyyid 'Ali-Muhammad dit le Bab", pp. 273-4.)

(3.39) "Ce nom leur vient, dit Haji Karim Khan dans son Hidayatu't-Talibin, de ce que feu Shaykh Ahmad étant à Karbila, durant ses pèlerinages aux saints tombeaux, et, par respect pour les Imams, disait ses prières en se tenant derrière l'Imam, c'est-à-dire à ses pieds. En effet, pour lui, il n'y avait pas de différence quant au respect à témoigner entre un Imam mort et on Imam vivant. Les Persans, au contraire, pénétrant dans le tombeau, vont se mettre au-dessus de la tête de l'Imam, et lui tournent donc le dos quand ils prient puisque les saints morts sont enterrés la tête vers la Qibhih. C'est là une honte et on mensonge! Les apôtres de Jésus prétendant être venus en aide à Dieu, on les appela "Nasara", nom qui fut donné à tous ceux qui marchèrent sur leurs traces. C'est ainsi que le nom de Bala-Sari s'étendit à tous ceux qui suivent ha doctrine de ceux qui prient en se tenant sur la tête de l'Imam." (A.L.M. Nicolas, "Essai sur le Shaykhisme", 1, préface, pp. 5-6.)

(3.40) 1850-51 ap. J.-C.

(3.41) Selon Muhammad Mustafa (p. 106), Mulla 'Ali subit six mois d'emprisonnement à Baghdad sur ordre de Najib Pasha, gouverneur de cette ville. Il fut ensuite emmené à Constantinople par ordre do gouvernement ottoman. Il passa par Mossoul, où il put susciter un certain intérêt pour ha nouvelle révélation. Ses amis ne purent toutefois découvrir s'il parvint finalement au terme de son voyage.

(3.42) Le Qur'an.

(3.43) Le Qur'an.

(3.44) Le Qur'an.

(3.45) L'un des titres du Bab.

(3.46) Le Bab fait référence aux Lettres du Vivant dans le Bayan persan (Vahid 1, Porte 2) en ces termes: 'Tous ceux-là forment le nom du Vivant, car ce sont les noms les plus proches de Dieu: ceux qui sont autres qu'eux sont guidés par leur action indicatrice, car Dieu a commencé par eux la création du Bayan, et c'est vers eux qu'il fera revenir cette création du Bayan. Ce sont des lumières qui éternellement dans le passé se sont prosternées et qui se prosterneront éternellement dans l'avenir devant l'arche (trône) céleste." ("Le Bayan persan, vol. 1, pp. 24-25.)

(3.47) A.L.M. Nicolas, dans son introduction au volume I de "Le Bayan Persan" (pp. 3-5), écrit ce qui suit : "Tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il lui était de toute impossibilité de proclamer hautement sa doctrine et de la répandre parmi les hommes. Il devait agir comme le médecin des enfants, qui enrobe une drogue amère sous une couche de sucre pour amadouer ses jeunes malades. Et le peuple an milieu duquel il a surgi était et est encore hélas! plus fanatique que ne l'étaient les Juifs à l'époque de Jésus, et la majesté de la paix romaine n'était plus là pour arrêter les excès furieux de la folie religieuse d'un peuple surexcité. Donc, si le Christ, malgré la douceur toute relative d'ailleurs, do milieu dans lequel il prêcha, crut devoir employer la parabole, Siyyid 'Ali Muhammad, à fortiori, dut déguiser sa pensée sous de nombreux détours et ne verser, que goutte à goutte, le philtre de ses vérités divines. Il élève son enfant, l'Humanité; il le guide, en cherchant à ne pas l'effrayer; il conduit ses premiers pas sur une route qui le mènera lentement mais sûrement, et dès qu'il pourra avancer seul, au but qui lui est fixé de toute éternité."

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